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L’aventure du stage de troisième

Pas toujours facile de faire son stage de troisième en entreprise. Kenzo Tribouillard / AFP

Le dernier grand challenge qui attend les collaborateurs d’entreprises en cette fin d’année n’est ni la clôture du budget, ni la finalisation du plan stratégique, mais bel et bien … l’accueil du stagiaire de troisième !

Nous sommes tous tombés dans le piège de la rencontre avec notre voisin de palier, de la découverte des talents de son petit prodige « un Mozart de la finance depuis sa première victoire au Monopoly en CE2, qui aimerait tant, comme vous, devenir contrôleur de gestion », et au final l’impossibilité de lui refuser ce stage.

Film catastrophe

S’est alors rapidement posée la question existentielle des activités à lui confier pour l’occuper pendant cinq longues journées soit, rendez-vous compte, 40 heures, 2 400 minutes, ou 140 400 secondes.

L’inquiétude a grandi en prenant conscience que le petit Mozart n’a pas encore fait d’école de commerce. Et puis, de la vacuité de son CV, ne ressort qu’une attestation de sécurité routière et une expertise en jeux vidéo, seule expression concrète de sa maîtrise des outils informatiques.

De l’autre côté de la barrière, la situation n’est pas meilleure. Le/la jeune stagiaire ayant des inquiétudes tant sur le fond (a-t-on le droit de parler ? de manger ?) que sur la forme (au fait, c’est quoi un gestionnaire de contrôle, c’est le nouveau nom pour vigile ?).

Bref, tous les éléments d’un scénario sont réunis pour faire de ce merveilleux stage de troisième, au mieux un moment d’ennui au pire un film catastrophe.

Séquence d’observation

Bien entendu, cette vision est légèrement provocante. Le stage de troisième, officiellement dénommé séquence d’observation en milieu professionnel, fête ses dix ans cette année et constitue une initiative judicieuse ; appréciée tant par les élèves, que par les acteurs économiques et pédagogiques.

Mais force est de constater qu’entre des collégiens qui n’ont pas vraiment compris ce qu’ils vont faire pendant le stage et les employeurs qui s’interrogent sur la nature de la mission pouvant être confiée aux jeunes, la mise en œuvre est souvent délicate.

Au départ, l’intention est louable et l’importance soulignée. Le dispositif a pour objectif de constituer une ouverture sur le monde professionnel et fournir des éléments de réflexion sur l’orientation future.

L’intégration à une équipe et la participation à ses activités pendant une petite semaine permettent au collégien de découvrir différents métiers, de s’interroger sur le parcours de formation et les débouchés. Le stage est souvent bien préparé en classe et fait l’objet de la rédaction d’un rapport à l’issue.

Fossé

À l’arrivée, le sentiment d’inutilité domine fréquemment. Tout d’abord parce que cinq jours ne suffisent pas à effectuer un premier repérage sur un métier. Ensuite parce que la gestion du jeune en entreprise reste problématique, l’attention portée pouvant faire défaut dans un contexte où le quotidien et ses urgences l’emportent sur la bienveillance à l’égard du monde adolescent.

Et puis, il y a un fossé culturel et d’expérience entre les deux mondes, donnant à l’encadrant le sentiment d’infaisabilité (impossible d’expliquer à notre petit Mozart ma fonction) et au jeune un sentiment d’incompréhension du jeu auquel il participe.

Ainsi, d’un stage avec beaucoup d’observation et peu d’action découle un sentiment très mitigé pour les deux partis. Les collégiens ont dû mal à tirer des enseignements pratiques en termes d’orientation, et les entreprises n’ont pas tiré toute la richesse du jeune qui était face à eux.

Ces constats partagés ont récemment mené le Conseil National Éducation Économie (CNEE) à formuler des propositions destinées à renforcer la valeur pédagogique du stage, notamment en clarifiant ses objectifs et en offrant une plus forte visibilité des attendus. Indubitablement, ces évolutions sont positives.

Interaction renforcée

La crainte qui peut subsister réside toutefois dans cette frontière qui persistera sans doute entre le milieu éducatif et professionnel. En effet, la vie économique est historiquement peu présente dans le contenu des enseignements, alors que des matières bien plus complexes ont trouvé leur place.

Certes, le parcours Avenir mis en place à la rentrée 2015 est sensé répondre à cet enjeu, mais la question de la faisabilité mérite d’être posée.

De notre point de vue, l’interaction renforcée entre collégiens et entreprises reste le levier le plus pertinent de préparation au premier stage. Les écoles d’ingénieurs ou de management appliquent cette approche depuis des dizaines d’années en favorisant l’interaction avec l’entreprise à tous les stades du processus pédagogique.

Au collège ou lycée, les actions que mettent en place des organisations comme Association Jeunesse Entreprise, Entreprendre pour Apprendre ou 100 000 entrepreneurs favorisent une entrée légitime des thèmes professionnels dans les cours des établissements et des interactions simplifiées entre les représentants des différents mondes.

À la clé une première appréciation par les collégiens du mot «  entreprise  », un terme on ne peut plus abstrait, et une première vision de ce que peut être un stage.

La voie royale pour aider notre jeune Mozart à mettre les mots «  gestion du contrôle  » dans le bon ordre et d’arriver sans appréhension le premier jour de son stage ?

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