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Paix économique

Le corps et l’âme de la paix économique

William Blake, d'après « Le Songe d'une nuit d'été » de Shakespeare. Wikimédia, CC BY-SA

En écrivant et en partageant nos vues sur la paix économique, nous rencontrons certaines résistances. Parmi elles, l’alternance très classique entre une critique d’utopie lorsque nous parlons des grandes idées ou des élans qui nous animent et de petitesse lorsque nous nous attachons à rendre concrètes nos orientations dans le quotidien.

J’ai fini par m’y faire, à les accepter, puis à les aimer en cela qu’elles dessinent d’une part les rêves auxquels nous tenons, et de l’autre, en creux, ce contre quoi nous nous élevons : la croyance que ce qui nous est proposé aujourd’hui dans le monde du travail est la seule façon de faire contribuer l’économie au bien commun et que rien ne peut changer.

Je choisis, dans ces quelques lignes, de retourner vers les grands élans qui me nourrissent.

Les besoins des humains sont sacrés

Dans son livre De l’Âme, François Cheng s’appuie sur certaines idées de Simone Weil qui nous rapprochent du rôle que doit jouer la paix économique : « Les besoins d’un être humain sont sacrés » nous dit François Cheng et « les besoins de l’âme se présentent comme des obligations envers la vie avant même d’être des droits envers soi-même », poursuit Simone Weil. Je me retrouve dans les mots de cette dernière quand elle nous dit que « la notion d’obligation (envers les êtres humains) prime sur celle du droit qui lui est subordonnée et relative ».

Quand, dans les entreprises partenaires de notre centre de recherche, s’élève l’idée de se mettre au service de l’ensemble des parties prenantes pour leur épanouissement, c’est de nourrir les besoins sacrés des êtres humains qu’il s’agit, ceux du corps et ceux de l’âme, et de croire que si la performance présente un intérêt, c’est aussi de pouvoir contribuer à cela.

Pour exemple, la recherche de sens semble être actuellement une préoccupation de nombreuses entreprises qui pour la plupart démarrent ce travail par une réflexion sur les valeurs qu’elles veulent véhiculer. Il nous faut comprendre que cette démarche ne peut et ne doit pas être uniquement assujettie à la performance ; car alors elle ne s’attacherait qu’à instrumentaliser le sens et les valeurs au profit de la capacité d’engagement productif de chacun. Elle ne pourra pas non plus assouvir son objet – trouver notre place dans le monde – si elle ne fait que nourrir la dimension individuelle en se donnant comme but l’épanouissement personnel et l’affirmation de nos droits individuels, tous deux présentés comme l’apogée de notre développement.

Faire effort, ensemble, pour trouver du sens

C’est d’être et de faire effort ou acte de création ENSEMBLE qui donne aussi un sens à notre vie. Nous ne sommes rien sans les autres. Se concentrer sur nos droits individuels, c’est perdre le contact du collectif, c’est devenir passif, en attente de ce qui nous est dû, quand la vie se construit aussi de ce que nous lui devons.

Simone Weil nous pousse à basculer d’une déclaration des droits de l’homme à une réflexion sur les devoirs envers les êtres humains ou plus largement tous les êtres vivants. Nous voulons renforcer certaines valeurs, alors portons toute notre attention à leur mise en action au profit du bien commun et laissons d’autres en parler, si tel est leur souhait. Trop souvent, la liste des valeurs élaborées par le collectif, finissent accrochées au mur et très vite un grand écart surgit entre l’intention et la réalité du quotidien.

« Au-delà de ce que les facultés humaines peuvent saisir, (il y a) une réalité à laquelle correspond dans le cœur humain l’exigence de bien total qui se trouve en tout homme. De cette réalité découle tout ce qui est bien ici-bas. C’est d’elle que procède toute obligation. Sur elle est fondée l’obligation qui engage chaque homme envers tous les êtres humains sans aucune exception. Cette obligation est celle de satisfaire aux besoins terrestres de l’âme et du corps de chaque être humain autant qu’il est possible. »
(Simone Weil, L’Enracinement)

C’est de cela dont procède la paix économique !

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