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Le futur héritage des JO de Paris 2024 déjà en question

Le 31 décembre 2017, sur l'Arc de Triomphe à Paris. Guillaume Souvant/AFP

Lima, 13 septembre 2017, Paris est désigné par le Comité international olympique (CIO) pour accueillir les Jeux olympiques et paralympiques en 2024. La phase de candidature a donné lieu à de multiples promesses qui devaient constituer l’héritage des JO pour les Parisiens, Franciliens et Français. Mais que signifie ce futur héritage ?

Le temps révolu des Jeux bâtisseurs

Il y a 26 ans, Albertville accueillait les JO d’hiver. L’événement avait permis de moderniser les stations de ski de Tarentaise, renforçant durablement l’attractivité touristique de la région. Elle a également laissé des infrastructures démesurées pour les besoins locaux : une piste de bobsleigh à la Plagne ou une halle olympique à Albertville pour lesquelles de multiples projets de reconversion ont tenté d’en augmenter l’usage. En vain. L’héritage olympique, c’est également une dette. Cinq ans après la cérémonie de clôture, l’État épongera les 28 millions de francs (5,41 millions d’euros) encore dus.

L’héritage des grands événements sportifs a longtemps été centré sur les infrastructures sportives. Mais les équipements démesurés laissés à l’abandon du fait de coût de fonctionnement trop élevé et les dettes interminables, comme celle du stade de Montréal dont la dépense s’est étalée durant 30 ans après l’événement (Roult et Lefebvre, 2010), constituent un fardeau pour les générations futures.

Ce temps des Jeux bâtisseurs est désormais révolu et les candidats pour l’accueil des JO, comme Paris ou Los Angeles, font de la disponibilité des infrastructures un argument de campagne.

L’impératif du développement durable

Dès lors, qu’apportent les Jeux à la ville hôte ? Le CIO a souhaité que l’événement olympique ait un impact positif sur le territoire et que cet impact ne soit pas seulement sportif. C’est pourquoi les candidats doivent démontrer aujourd’hui l’impact global des JO, lequel sera évalué en reprenant le triptyque du développement durable : l’économie, l’environnement et le social.

En effet, le contrat de ville hôte exige du comité d’organisation la production de « sustainability reports » en amont et en aval des Jeux pour rendre compte de cet impact global.

Dans cette perspective, Londres ou Rio de Janeiro ont saisi l’événement pour mettre en œuvre des projets d’aménagement urbain d’envergure. Londres – dont la situation est plus comparable à celle de Paris – a entrepris de rénover le quartier défavorisé de Stratford. L’Olympiade permet d’accélérer des transformations urbaines mobilisant principalement l’État et des promoteurs privés. Si le projet n’est pas réalisé sans surcoût ni difficulté, l’héritage est certain : le quartier de Stratford apparaît sous un nouveau visage sous les caméras du monde entier.

La relative contribution des Jeux

Les Jeux de Londres sont également le douloureux souvenir de la défaite de la candidature parisienne pour l’Olympiade de 2012. Paris avait alors déjà pleinement intégré les attentes du CIO et le projet de la capitale s’inscrit dans cette même perspective de rénovation urbaine. Le village olympique est alors prévu dans le XVIIe arrondissement. Une friche libérée par la SNCF offre l’emprise foncière nécessaire pour l’accueil des 17 000 athlètes attendus.

Le projet de réaménagement du quartier des Batignolles est le pendant du quartier de Stratford londonien. Qu’est devenu, depuis, ce quartier sans les Jeux olympiques ?

Construction de l’éco-quartier Clichy Batignolles, en 2016, à Paris. Guilhem Vellut, CC BY

Un vaste projet urbain a été engagé sur ce territoire, étendu jusqu’à Clichy. Initié à partir d’octobre 2010, le projet touche 6,5 hectares dans un premier temps pour être étendu sur près de 10 hectares à terme.

L’éco-quartier qui voit le jour rassemble plusieurs innovations dans le cadre d’une démarche haute qualité environnementale (HQE). Les synergies avec le réseau de transport en commun ne font pas défaut : les habitants devraient profiter d’une desserte en métro améliorée par l’extension en cours de la ligne 14. Les travaux se poursuivent aujourd’hui, près de six ans après l’Olympiade londonienne.

Dès lors, que représente l’accueil de l’événement ? Est-ce que la tenue des Jeux a de réelles conséquences sur le territoire ou est-ce que l’impact des Jeux est une chimère ? Les projets urbains se verraient étiquetés de la marque olympique sans que celle-ci n’ait un quelconque effet sur eux ?

Les engagements de Paris

Il faut reconnaître que la rénovation de Stratford a été plus rapide que le projet des Batignolles. La contrainte temporelle des Jeux peut être un accélérateur des politiques publiques. La loi Olympique, votée prestement après la désignation de Paris, prévoit des aménagements du code de l’urbanisme qui réduisent les délais légaux dans les procédures. L’accueil de l’événement créerait les conditions d’une mise en œuvre plus rapide des projets, même si l’annonce récente des retards dans la réalisation du Grand Paris Express révèle les limites de ces dispositifs.

Cependant, si les projets sont réalisés plus vite, sommes-nous également en droit d’attendre plus que ce qui sera fait sans les Jeux ? N’oublions pas que le projet n’entend pas seulement agir sur le paysage urbain. Il prévoit également des améliorations dans le domaine social, sanitaire, éducatif, économique et environnemental !

Les parties prenantes de la candidature n’ont pas hésité à annoncer des engagements. La Mairie de Paris a présenté ses 43 engagements qui entendent faire de Paris une ville plus sportive, plus citoyenne, plus durable, plus innovante.

Sur la Tour Montparnasse, en juin 2017… Guilhem Vellut/Flickr, CC BY

Le ministère des Sports a, lui aussi, manifesté le souhait de saisir l’opportunité des Jeux olympiques pour dynamiser ses efforts en faveur de la pratique sportive et, plus généralement, d’une politique sociale et environnementale par le sport. Mais simultanément, le budget du ministère a été réduit de 7 % pour 2018.

Tout cela raisonne comme une campagne politique. Les promesses inondent les médias jusqu’à l’élection. Puis vient le temps de la rigueur et de la gestion prudente des ressources financières, par nature limitées. Probablement à juste titre, car les Français sont nombreux à penser que le coût de l’événement dépassera les prévisions…

Si l’événement a inévitablement un effet immédiat en 2024, construire l’héritage des Jeux ne peut s’entendre que dans la durée pour éviter que l’effet ne soit aussi fort qu’éphémère. L’engouement soulevé par la nomination de Paris en septembre dernier doit enclencher dès aujourd’hui les efforts nécessaires à sa construction. L’avenir se construit au présent.


Un collectif de chercheurs s’est réuni sous l’appellation d’Observatoire pour la Recherche sur les Méga-evénements pour fédérer l’expertise et la rigueur méthodologique de la recherche sur la question des Jeux olympiques dans une perspective pluridisciplinaire. La finalité de cet observatoire est à la fois de coordonner et catalyser les travaux menés sur le sujet mais également de donner à voir les résultats de ces recherches aux parties prenantes.

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