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Le maire doit-il gérer une ville comme une entreprise ?

Les maires cherchent dorénavant à concilier missions de service public et nouvelles manières de gouverner l’espace public. Shocky / Shutterstock

La fonction de maire fait aujourd’hui face à une transformation du paradigme qui fondait l’action publique locale : les collectivités territoriales sont passées de l’administration de la chose publique à une gouvernance de l’action publique, détournant le rôle d’administrateur du maire vers un rôle de manager.

Certes, la casquette d’administrateur subsiste. Il s’agirait plutôt d’évoquer une hybridation de la place du maire, qui doit aujourd’hui concilier la traditionnelle mission de service public, avec les nouvelles manières de gouverner l’espace public.

Notions de performance et d’efficacité

Ainsi, le maire fait cohabiter un rôle public, dans lequel il doit respecter un cadre juridique drastique tel que prévu par le code général des collectivités territoriales ou encore les règles textuelles et jurisprudentielles, avec un environnement de plus en plus managérial intégrant les notions de performance, d’efficacité et tous les indicateurs d’actions provenant du secteur privé.

Le maire ne peut qu’endosser ce rôle de manager correctement s’il noue des collaborations à l’intérieur de la collectivité et l’extérieur de la collectivité. Les collaborations peuvent se faire aussi bien lorsque le maire agit pour le compte de la collectivité en faisant des partenariats public-privée, ou encore en mettant en place des mécanismes de décision publique intégrant les administrés, cela est le produit d’un management de nature externe favorisant une inclusion économique et citoyenne.

Projet de « manager de rue » porté par le candidat à la mairie de Paris Benjamin Griveaux. Le Parisien/Twitter

Cette inclusion économique permet de réduire les coûts de l’action publique territoriale en ayant recours à des marchés publics avec des acteurs privés. Le maire va ainsi prendre en compte le critère du mieux-disant pour retenir l’offre de service ayant le meilleur ratio coût/efficacité pour la collectivité. Concernant l’inclusion citoyenne, elle permet une démocratie de proximité favorisant une prise de décision collective des administrés sur des problématiques les concernant directement.

Cette collaboration a un second volet beaucoup plus concret pour traduire la fonction de manager de maire : la collaboration interne intégrant des acteurs à l’intérieur de la collectivité.

Un maire DRH

Dans le secteur public, le maire, qui fixe la politique de recrutement de la collectivité, joue ainsi un rôle de directeur des ressources humaines. Lorsqu’il recrute, il le fait sur la base du statut de la fonction publique territoriale, mais il a aussi la possibilité de recruter des contractuels. Cette deuxième option permet au maire d’avoir plus de flexibilité car il n’a plus le souci de respecter scrupuleusement le cadre statutaire de la fonction publique. Par ailleurs, il doit faire attention dans le cadre de sa gestion afin de trouver un équilibre entre les ressources et les dépenses de la collectivité. Cela signifie qu’il doit veiller à ne pas avoir une masse salariale trop conséquente.

Ajoutons que le maire, dans sa fonction de manager, peut mettre en place des dispositifs de travail innovants empruntés au secteur privé, par exemple, le télétravail, pour permettre aux employés municipaux d’avoir un équilibre vie privée/vie professionnelle. Il peut aussi mettre en place des mécanismes incitatifs de lutte contre l’absentéisme par l’allocation de primes, ou encore des primes aux résultats pour favoriser l’implication des agents territoriaux.

La taille de la commune est un critère important dans cette notion de maire manager, puisque plus une commune est grande, plus les espaces de collaborations seront manifestes dans l’espace interne et externe. De même, plus une commune sera implantée dans un territoire urbanisé, plus cette dimension managériale s’imposera, car l’urbanisation produit un échange des pratiques du secteur privé avec le secteur public créant de fait une interdépendance des deux secteurs.

Réalité politique

Un autre critère permet aussi de situer le maire dans une configuration managériale, c’est la configuration politique. En effet, les communes, dans l’organisation décentralisée française, unissent leurs actions dans des structures de coopération intercommunales. Ces entités sont les nouvelles arènes de gouvernance, puisque la mutualisation de l’action des communes implique une pluralité des sources pour certains financements stratégiques. Dans ces structures, le maire doit savoir gérer de manière efficace les intérêts de sa commune en faisant des compromis.

Toutefois, le rôle de maire garde une dimension politique évidemment plus prononcée que pour manager. Il doit notamment gérer sa majorité, de sorte qu’elle fasse passer des délibérations municipales en conseil municipal. Il doit donc susciter l’union sacrée dans ses rangs politiques, et parfois avec l’opposition en nouant des coalitions ou des alliances de circonstances.

Surtout, si le fruit de son travail peut être évalué par des tableaux de bords sociaux, des chiffres, des actions concrètes, le scrutin reste la seule évaluation qui vaille. C’est souvent lors d’une élection municipale qu’un maire peut présenter ce qu’il a fait pour la commune, et c’est le vote qui va déterminer le bien-fondé de son bilan politique.


Article rédigé par Médy Ouichka, doctorant en droit public à l’Université de Lorraine, sous la direction de Léonard Matala-Tala, maître de conférences (habilité à diriger des recherches) de droit public (Université de Lorraine).

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