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Carrefour de la Crosse à Rouen. Frédéric Bisson / Flickr, CC BY

Le petit commerce est mort, vive le commerce de proximité !

Les maires des communes rurales s’inquiètent des fermetures successives des petits commerces de proximité et s’interrogent sur les solutions pour revitaliser leur centre-bourg. Le taux de vacance des locaux commerciaux ne cesse de progresser (5,4 % en 2000, 8,5 % en 2015). Mais toutes les villes ne sont pas logées à la même enseigne ! Les petites villes sont plus touchées.

Le « petit commerce » est considéré dans ces dernières comme faiseur de lien social et animateur du cœur de la commune. L’enjeu est donc primordial. Dans les centres des grandes villes, les commerçants se plaignent d’une fréquentation insuffisante et d’une concurrence directe des grands centres commerciaux situés en périphérie. Même les grandes enseignes ne sont pas épargnées, en témoigne la faillite de Virgin MegaStore en 2013. Le petit-commerce est-il mort ?

Epicerie Charcuterie à l’ancienne. Grégory Tonon/Flickr, CC BY-SA

« Ils sont partout »

Pas tout à fait ! Depuis cinq ans, on assiste à l’arrivée des grands distributeurs en centre-ville. Alors qu’en périphérie se joue la guerre du gigantisme avec des surfaces commerciales toujours plus conséquentes, une bataille du petit-commerce se déroule aujourd’hui dans nos centres-villes. C’est ainsi que des Carrefour Market, Carrefour City (en ville) ou Contact (en milieu rural), U express ou Marché U fleurissent au pied des immeubles en centre-ville depuis le milieu des années 2000.

Carrefour city à Brest. Carrefour

Les supérettes d’autrefois deviennent des grands distributeurs de proximité. Rien n’y change puisqu’elles sont ouvertes sept jours sur sept et ont une amplitude horaire d’ouverture importante (en général 08h/21h). On y vient pour se restaurer le midi (grande disponibilité de sandwichs et autres solutions « rapides ») et faire des achats « de dépannage » le soir en sortant du travail.

Cette nouvelle bataille entre les grandes enseignes pour gagner des parts de marché en centre-ville a le mérite d’être au bénéfice du consommateur. Alors que le consommateur se plaignait autrefois des prix excessifs des supérettes, il peut se réjouir désormais de la concurrence entre les grandes enseignes qui sont obligées de proposer des prix attractifs.

« Les gens ne veulent plus sortir de chez eux »

Librairie à Vesoul. m-louis./Flickr, CC BY-SA

Un autre problème de plus en plus prégnant est celui de la dualité entre distribution « réelle » (achat dans le commerce) et distribution « virtuelle » (achat en ligne). Alors que les magasins traditionnels peinent à améliorer leur fréquentation de manière très significative, le e-commerce a fait un bond de 20 % entre 2014 et 2015 ! Un exemple parlant est celui des vendeurs de chaussures dont les magasins deviennent des lieux d’essayage pour les cyberacheteurs. Les petites librairies du centre-ville ne sont pas non plus épargnées avec la concurrence des sites de vente en ligne comme Amazon.

Pour pallier cette nouvelle difficulté, les commerces de proximité doivent concevoir cette dualité comme une complémentarité. Les petits commerçants doivent devenir aussi des cybervendeurs comme le font certains libraires avec la plateforme « place des libraires ». Le numérique, c’est ce à quoi l’agence de développement du commerce à Bruxelles (ATRIUM) incite les commerçants… et ça marche !

D’autres commerçants encore tirent parti du e-commerce. Ils deviennent des points relais dans lesquels on vient retirer son colis acheté en ligne, bénéficiant ainsi d’une fréquentation supplémentaire. Et pour faire concurrence au développement du Drive par les grandes surfaces, certains commerçants s’organisent. Leur contre-attaque consiste à créer un « drive urbain » comme à Villefranche ou encore à Sceaux, où un site marchand regroupe les boutiques du centre-ville.

« Et la qualité dans tout ça ? »

Food truck. Dusty Davidson/Flickr, CC BY

Le commerce de proximité c’est aussi le commerce non-sédentaire : le fameux marché dominical. 6 000 de nos 35 000 communes possèdent leur marché dit « forain ». Soixante pour cent des ventes qui y sont réalisées concernent l’achat de produits alimentaires. On vient y rechercher des prix bas, de l’authenticité… et des relations sociales. Loin des fruits et légumes formatés des grands distributeurs, on y retrouve des produits frais et de qualité.

Le commerce de proximité peut être nomade. C’est l’idée même des camions ambulants. Et cette activité est en plein essor puisque l’on ne compte pas moins de 300 camions-cantines en France en 2015 alors qu’ils étaient une petite centaine en 2012. Ça roule pour les food trucks ! Les « sans cuisine fixe » proposent des produits cuisinés à forte valeur ajoutée et sont très rentables… à condition d’être bien localisés. C’est d’ailleurs pour cette dernière raison que Franprix ou encore Monoprix se lancent sur ce marché ! Les grandes enseignes veulent décidément être partout…

« Mais que fait l’État ? »

C’est dans ce contexte que la loi « Artisanat, commerce et TPE » a été adoptée le 18 février 2014. Elle vise à simplifier les régimes de l’entreprise individuelle et des baux commerciaux, dynamiser les commerces de proximité, renforcer la diversité commerciale et valoriser le savoir-faire des artisans. Elle simplifie et accélère les procédures d’autorisation d’implantation commerciale. Deux ans après, il est encore difficile de voir les effets réels de la législation. Une chose est sûre, plus que jamais, les Français sont attachés à l’économie de proximité.

« Et maintenant, on fait quoi ? »

L’évolution des genres et des modes de vie au cours de ces cinquante dernières années a modifié la relation que les habitants entretiennent avec les commerçants. L’étalement urbain a favorisé une redistribution des fonctions urbaines et un desserrement des activités économiques et de l’habitat. La motorisation a accentué les mobilités et l’organisation spatiale de la ville et des pratiques urbaines ont changé. La ville du piéton a mué en une ville de la voiture. L’enjeu aujourd’hui pour les petits commerces est de s’appuyer sur ces dynamiques pour repenser leurs business models et inventer le commerce de demain.

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