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Le prince Harry et Meghan Markle : pourquoi il est impossible d’appartenir à moitié à la famille royale

Gareth Fuller/PA

Le prince Harry et son épouse Meghan Markle ont annoncé qu’ils renonçaient à leurs fonctions royales. Certains observateurs se sont empressés de proclamer que la monarchie britannique était en crise ; mais, en réalité, c’est le couple Harry-Meghan qui pourrait être le grand perdant de l’histoire.

Les membres de la famille royale se trouvent dans une position complexe. Ils mènent une vie extrêmement privilégiée, mais sont dans le même temps privés de certaines libertés fondamentales : ils ne sont pas libres de choisir leur voie professionnelle ; ils ne peuvent pas s’exprimer librement ; et ils ont une liberté limitée en ce qui concerne la vie privée et familiale. Autant de restrictions qui ne concernent aucunement le reste de la population.

Harry et Meghan ne sont pas les seuls à trouver cela frustrant. Le prince Laurent de Belgique est lui aussi visiblement malheureux dans son rôle.

La dure réalité est que, dans une monarchie héréditaire, les fils cadets sont, en fin de compte, des personnages superflus : seuls comptent ceux qui se trouvent en ligne directe de succession. Les cadets sont soumis aux mêmes restrictions personnelles que les héritiers directs, mais sans la perspective de succéder un jour au monarque et sans la liberté de développer des carrières vraiment indépendantes.

D’autres monarchies européennes (encouragées par des gouvernements et des parlements parcimonieux) ont appris à restreindre significativement le noyau dur de leur famille royale. Celle-ci peut n’être composée que de quatre personnes seulement – c’est le cas en Norvège et en Espagne, où seuls le roi, la reine, l’héritier et le ou la conjoint·e de celui-ci relèvent de la famille royale. En 2019, sous la pression du Parlement, le roi de Suède a retiré cinq petits-enfants de la famille royale pour réduire sa taille et son coût.

Le Royaume-Uni a une population plus importante – plus de dix fois celle de la Norvège – et on pourrait donc soutenir qu’il est logique que sa famille royale soit plus nombreuse pour accomplir les tâches qui lui incombent, d’autant plus que la monarchie britannique doit également être présente dans les États membres du Commonwealth : la reine est le chef d’État de 15 pays autres que le Royaume-Uni, et le prince Charles et ses fils se rendent régulièrement dans des pays tels que l’Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande. Au total, 15 membres de la famille royale britannique ont effectué près de 4 000 engagements royaux au cours de la seule année 2019.

Réduire la voilure

On dit que le prince Charles souhaite une monarchie plus petite et plus rationnelle, peut-être restreinte à un noyau constitué de la reine, de Charles et Camilla, et de William et Kate : mais, mécaniquement, une famille royale plus petite s’impliquerait dans nettement moins d’œuvres de bienfaisance et ses membres ne pourraient pas s’engager dans autant de projets qu’aujourd’hui. Dans quelle mesure le prince Charles a-t-il évalué cet aspect des choses, et dans quelle mesure Harry et Meghan ont-ils réfléchi aux conséquences que leur retrait aura pour les autres membres de la famille ?

Les médias ont présenté cette situation comme une crise pour la monarchie, et il s’agit effectivement d’une crise familiale ; mais la monarchie en tant qu’institution ne subira aucun dommage grave ou durable. Les sondages d’opinion montrent constamment que 70 à 80 % de citoyens sont favorables au maintien de la monarchie – une cote de popularité dont les hommes politiques ne peuvent même pas rêver.

La famille royale britannique est plus nombreuse que la plupart des autres. Par nécessité plus que par choix. Yui Mok/PA

Ce sont Harry et Meghan eux-mêmes qui pourraient le plus pâtir de leur décision. Ils n’ont peut-être pas saisi à quel point leur célébrité est dépendante de leur statut royal. Leurs projets consistant à se forger un « nouveau rôle progressiste » et à « travailler pour devenir financièrement indépendants » ont été jugés irréalistes par la plupart des commentateurs.

Un premier sondage a montré que le grand public éprouvait une certaine sympathie pour leurs objectifs mais une forte objection à ce qu’ils continuent de recevoir de l’argent public. Les fonctionnaires de la Couronne ont été chargés de trouver un compromis, mais on voit mal comment le couple pourrait être à moitié dans la famille royale et à moitié hors de celle-ci (d’autant qu’il entend résider régulièrement à l’étranger).

Est-il vraiment possible de partir ?

Il existe deux niveaux de difficulté. Le premier est le partage du fardeau. Tous les membres de la famille royale qui exercent des fonctions publiques le font au nom de la reine, et doivent être prêts à assumer leur juste part des tâches qui leur sont assignées. Le second est le risque que l’indépendance financière que Harry et Meghan recherchent implique l’exploitation de leurs titres et de leurs relations royales à des fins commerciales. Les autres membres de la famille – qui, eux, acceptent les contraintes – se sentiront naturellement lésés si Harry et Meghan sont autorisés à choisir ce qui leur convient.

Les Sussex méritent néanmoins notre sympathie. Dans une étude comparative des monarchies européennes, qui sera publiée dans notre prochain livre The Role of Monarchy in Modern Democracy, nous soutenons qu’il devrait être possible pour les membres mineurs de la famille royale de quitter la cage dorée s’ils trouvent les restrictions trop pesantes. Mais l’exclusion devrait être totale : ils renonceraient non seulement à leurs devoirs publics mais aussi à leur financement public, à leurs titres royaux et à leur protection, s’efforçant autant que possible de devenir des personnes privées.

Il ne serait pas facile de procéder à un changement de mode de vie aussi complet. Et cela pourrait tout simplement se révéler impossible : il est possible que la population continue de considérer Harry et Meghan comme un couple royal, et que les médias persistent à les présenter comme tels, les gardant sous les feux de la rampe, qu’ils le veuillent ou non…

This article was originally published in English

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