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L’effet de la loi SRU sur le marché du logement et sur la ségrégation

Le renouveau des quais de l'île de Nantes. Logements sociaux (Architecte / Maître d’œuvre : L. Dunet, B. Robert, N. Sur). Jean-Pierre Dalbéra / Flickr, CC BY

La loi du 13 décembre 2000 relative à la Solidarité et au Renouvellement Urbains (SRU) impose aux communes de moyenne et grande taille (plus de 1 500 habitants en Île-de-France et plus de 3 500 dans le reste de la France) de disposer de 20 % de logements sociaux parmi leurs résidences principales (25 % dans les zones dont le marché immobilier est considéré comme tendu depuis la loi « Duflot » du 18 janvier 2013), sous peine d’une amende proportionnelle à leur écart à ce seuil. Son but est de les inciter à développer leur parc social locatif afin d’assurer une meilleure intégration des populations fragilisées.

En effet, la loi SRU devrait favoriser la relocalisation des ménages modestes dans des quartiers de meilleure qualité, habités par des ménages plus aisés, et leur permettre ainsi de bénéficier d’un contexte local de mixité sociale.

Une approche pour évaluer les effets de la loi

Nous avons cherché à évaluer l’effet de la loi SRU sur la construction de logements sociaux, les prix de l’immobilier et la ségrégation locale. Nous souhaitons ainsi contribuer au débat sur l’efficacité des politiques publiques ayant pour objectif de favoriser l’insertion des populations défavorisées.

Cette évaluation repose sur les données fiscales issues du fichier Filocom qui fournissent de l’information concernant le stock de logements pour les années paires de la période 1996-2008, et sur les bases notariales qui contiennent de l’information sur les transactions de logements anciens pour les années paires de la période 2000-2008.

L’approche adoptée pour identifier l’effet de la loi SRU exploite des discontinuités portant sur les tailles des communes et de leur agglomération dans les règles d’application. En effet, seules sont concernées par la loi les communes de plus de 3 500 habitants en province et de plus 1 500 habitants en île-de-France qui sont localisées dans des agglomérations de plus de 50 000 habitants.

La stratégie d’estimation repose sur la comparaison, autour des seuils communaux, des taux de croissance d’indicateurs entre les communes concernées par la loi et des communes similaires en termes de population qui ne le sont pas.

Des effets sur la construction de logements sociaux et la ségrégation

En préambule, nous tenons à souligner que l’étude ne concerne qu’un sous-échantillon de communes de taille moyenne et la validité externe des résultats pour les autres communes n’est pas garantie. Cependant plusieurs conclusions émergent dans leur contexte.

Tout d’abord, la loi SRU a eu un effet positif sur le nombre et la part de logements sociaux, mais seulement dans les communes dont la proportion de logements sociaux était faible avant que cette réglementation ne soit appliquée. Ainsi, la loi aurait eu pour effet d’augmenter le taux de croissance du nombre de logements sociaux de 10,5 points durant la période 2000-2008 dans les communes concernées disposant initialement d’un parc social. Ce chiffre correspond à un peu plus de la moitié du taux de croissance du nombre de logements sociaux de ces communes qui s’élève à environ 18 % sur la même période.

L’effet de la loi sur les prix de l’immobilier ancien est négatif mais faible, ce qui suggère que les communes concernées n’ont pas vraiment connu de baisse de la demande de logements dans le secteur privé et donc de baisse de leur attractivité. Enfin, la loi SRU semble conduire à un développement plus éparpillé des logements sociaux au sein des communes concernées.

Les limites de l’analyse proposée

La question des effets de cette loi sur la ségrégation et la mixité sociale mériterait d’être approfondie. En effet, même si nous montrons que la ségrégation intracommunale des logements sociaux dans les communes concernées diminue suite à la mise en place de la loi, rien ne garantit que la ségrégation des populations diminue à des échelles plus fines (au sein des immeubles de logements collectifs par exemple).

De plus, il n’est pas évident que le seuil d’applicabilité de la loi de 20 % de logements sociaux soit optimal pour toutes les communes au vu de leur hétérogénéité, notamment en termes de capacités d’accueil des populations modestes et de l’impact que l’arrivée de nouveaux ménages peut avoir sur la population locale.

Une analyse plus approfondie serait nécessaire pour tenter de déterminer la proportion optimale de logements sociaux dans une commune selon ses caractéristiques, ou pour essayer de constituer des groupes de communes aux caractéristiques proches avant d’émettre des recommandations pour chacun de ses groupes.


Titre original de l’article académique : « Evaluation de l’effet d’une politique spatialisée d’accès au logement : la loi SRU ». Publié dans La Revue Economique, volume 67, n°3, mai 2016, p. 615-638.

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