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Le laboratoire créatif

L’entretien du « Moi » !

Moi, émoi. Author provided

Cette chronique est dans la droite ligne et se nourrit des recherches et rencontres publiées sur mon site Les cahiers de l’imaginaire.


Je poursuis dans la même veine que la semaine dernière, « Prendre soin de sa mémoire et de ses émotions ». Je sais, parfois j’enfonce le clou. Mais, je trouve important de rappeler qu’il existe des solutions simples, qui coûtent peu, pour prendre soin de soi et de ceux qu’on aime. De petites habitudes qui peuvent changer une vie !

Les problèmes de santé mentale ne cessent d’augmenter dans notre société, et il semblerait que des personnes de plus en plus jeunes soient concernées. Des adolescents développent une addiction à de lourds psychotropes qui font basculer leur vie à jamais. Comment, chacun d’entre nous, peut-il lutter contre ce fléau ?

Des habitudes de vie saines : le sommeil, l’alimentation, le sport, la pratique de la méditation pour garder le stress à distance autant que possible. Mais aussi des auto-analyse de qui nous sommes !

Qu’est-ce qui constitue notre identité ?

Le corps comme tel, en tant qu’entité biologique, n’est pas en mesure de nous fournir une réponse suffisante, puisque nos cellules sont constamment renouvelées. Si notre corps ne constitue pas, à lui seul, les fondements de notre moi, vers qui ou vers quoi se tourner ?

Le moi, selon le professeur de neurologie, neurosciences et de psychologie Antonion Damasio, est difficile à cerner. En tant que construction neuronale, le moi correspond à une représentation composite de ce que notre cerveau perçoit de notre corps. Toujours selon Damasio, cette perception est reflétée dans des cartes somatiques à l’intérieur de notre système nerveux central. Une partie des signaux externes qui sont à l’origine de ces cartes sont ensuite modifiés par nos émotions. Une autre partie, les signaux internes, sont issus de stimulations internes en provenance d’autres régions du système nerveux.

Paul Audi, philosophe, interviewé par Étienne Klein, interprète le moi de manière différente et se positionne plutôt dans une problématique affective.

Selon Audi, la création et la subjectivité sont à la base de la définition de l’humain. Le soi et le moi constituent un tandem dynamique, une polarité qui est constamment à l’œuvre. Le soi renvoie à l’individu, à sa distinction, à la conscience qu’il a de lui-même. Il n’y a pas de Moi sans la dictée d’un Soi.

Il n’y a pas d’émoi sans corps !

Audi va plus loin en rappelant qu’il n’y a pas d’émoi sans corps. Le corps trouve son unité dans ce qui s’éprouve soi-même. Mais alors comment le moi se transporte-t-il à travers le temps ?

Le moi trouve son identité dans un effort de comparaison entre ce qu’il est et ce qu’il pense avoir été. Par conséquent, le moi est le fruit d’une histoire, mais c’est une histoire très particulière : une série ininterrompue d’autotransformations des affects les uns dans les autres.

Afin de cerner ce qui constitue véritablement le moi, il faut sans cesse chercher les traces de ces transformations dans une narration, dans un récit. Et c’est vers les épreuves qu’il faut se tourner pour appréhender les maillons d’une toile qui est la fabrique du moi.

Un chercheur australien, James Allebone, s’est penché dernièrement sur l’impact des crises chroniques d’épilepsie sur la perception qu’a un individu de son moi. Les résultats confirment ce dont les épileptiques se plaignent : pendant et après les périodes de crise, des troubles de dépersonnalisation, de dissociation et de modifications de leur personnalité se manifestent. Pendant l’adolescence en particulier, des crises fréquentes sont associées au développement de traits de la personnalité névrotique. Ils peuvent provoquer des altérations sévères dans le processus de la construction du moi.

Allebone souligne qu’il en est de même lorsqu’un individu présente une déficience de mémoire autobiographique. La mémoire autobiographique est un sous-ensemble de la mémoire épisodique. Ce sont des mémoires essentielles à la construction du moi car elle contribue à façonner l’histoire personnelle d’un individu. Les souvenirs y sont créés de manière automatique, même s’ils peuvent être ultérieurement modifiés par le raisonnement ou amplifiés par l’ajout de quantités d’informations supplémentaires. Les perturbations de ces mémoires chamboulent elles aussi l’architecture du moi et peuvent la compromettre.

Au cours de l’entretien (Audi–Klein), une citation de Beckett vient renforcer l’image insaisissable et louvoyante du moi : « L’individu est une succession d’individus. »

Sans épreuves pas de moi !

Le parcours dont il importe de retracer l’histoire est d’abord et avant tout une succession d’épreuves. Dans un carnet du moi, il faut sans cesse se poser la question : à partir de qui nous sommes-nous transformés ? Nous devons nous poser cette question à chaque étape cruciale de notre vie.

Ce qui nous désigne est aussi ce qui nous assigne. Par conséquent, pour devenir pleinement soi-même, il ne faut non pas tuer le père, rappelle Audi, mais tuer le fils qui réside en soi et auquel on s’identifie toujours. Pour se libérer, quoi que nous fassions, il faut refuser parfois les rôles qu’on nous assigne.

Ainsi se dessinent les lignes de force qui agissent constamment en nous. Nous butons sur nous-mêmes. Et une tension très forte se crée entre l’acceptation et la négation de soi. Il se forme ainsi, en nous, un plan invisible, un théâtre dans lequel se disputent ce que nous répudions et ce que nous voulons être.

D’où l’importance de suivre ce combat à la trace, car il incarne le véritable moi, le moi historique, ballotté par d’incessants coups de vent. L’autobiographie doit être constamment réécrite.

Derrière les coups de vent. Pexels

Une étude a récemment été menée au Japon auprès de plus de 200 participants.

Les participants devaient se rappeler des souvenirs autobiographiques et leur assigner une cote en fonction de différents paramètres : clarté et vivacité des souvenirs répertoriés, le degré d’importance que les participants eux-mêmes leur attribuaient, ainsi que la mesure selon laquelle les événements rappelés occupaient une place prépondérante dans leur vie quotidienne.

Les participants ont ensuite été divisés en deux groupes selon l’importance accordée à leurs souvenirs autobiographiques.

Ceux qui ont noté leurs souvenirs autobiographiques avec les niveaux d’importance les plus élevés sont ceux qui ont obtenu les scores les plus élevés dans les tests d’identité (Identity Scale : série de questions visant à cerner les différents aspects de l’identité d’un individu). Chez eux, le moi, leur identité, est plus structuré, plus affirmé que chez les autres participants. De plus, leurs souvenirs sont plus vivaces, plus détaillés. Surtout, ces souvenirs sont plus souvent associés (par rapport au groupe de contrôle) à des actions structurantes, des réalisations positives.

Le chercheur conclut sur l’importance de l’autobiographie pour façonner le moi et le consolider. Pour ma part, je soulignerais également qu’écrire son autobiographie est essentiel pour développer sa créativité. Le modèle entre tous étant bien sûr, Marcel Proust.

Donc, à nos carnets du Moi, tous ! Et si ces sujets vous intéressent, je vous invite à mon webinaire, « 7 étapes pour réussir sa vie et ses projets » le 14 février. Pour la Saint-Valentin commencer par s’aimer soi, c’est déjà pas mal. Et c’est souvent la meilleure façon d’apprendre, ensuite, à mieux aimer les autres.

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