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Les AMAP, l’économie collaborative les pieds sur terre

Distribution de légumes organisée par l’AMAP de Barsac, en 2012. Adiu Sud Gironde

Mises en place en France au début des années 2000, les Associations pour le maintien de l’agriculture paysanne (AMAP) constituent une forme originale de réseau agro-alimentaire alternatif profondément enraciné dans le territoire.

Près de 1 600 AMAP participeraient actuellement en France à l’instauration de circuits de vente directe et concerneraient environ 270 000 consommateurs, soucieux de contribuer à une « agriculture socialement équitable et écologiquement soutenable ». Des chiffres qui font de l’Hexagone un champion dans ce domaine en Europe.

Un engagement financier et associatif

S’inspirant des modèles japonais du Teikei et américain de la Community Supported Agriculture (CSA), elles sont basées sur des relations de solidarité construites entre des producteurs agricoles et des collectifs de consommateurs. Elles entrent ainsi dans le champ de l’économie collaborative, particulièrement précieuse dans un contexte national de crise agricole.

Ces collaborations de proximité sont matérialisées par la signature de contrats ; ces derniers stipulent un partage des risques liés aux aléas de la production grâce à l’achat à l’avance de parts de récolte par le collectif de consommateurs. Ce contrat repose par ailleurs sur la remise hebdomadaire de paniers de produits frais récupérés sur un lieu de distribution unique.

Si l’engagement du consommateur amapien est financier, il est également associatif, puisque sa participation à la vie de l’exploitation est prévue dans l’accord passé avec son AMAP.

Soutenir l’entrepreneuriat agricole

Nos travaux sur la coopération amapienne (qui seront publiés en intégralité dans la Revue Internationale PME) soulignent le rôle des AMAP dans la création de nouvelles entreprises agricoles ou le maintien d’activités déjà existantes. Un président d’AMAP, que nous avons eu l’opportunité d’interviewer, déclare ainsi :

« Nos producteurs ont à peu près une moyenne d’âge de trente ans. C’est vrai que c’est quand même ça qui est intéressant de se dire de pouvoir aider des jeunes à vivre, à développer leur activité. Dans les années 1950-1970, il y avait beaucoup de petites fermes, de petites structures. Après, dans les années 1980, il a fallu abolir toutes ces petites structures pour passer sur des plus grosses. Je pense que tous ces jeunes qui s’installent en agriculture biologique repartent sur de petites structures, ils essaient de relancer le circuit court. »

Notons que la vente directe prévue par les dispositifs amapiens implique que l’entrepreneur agricole développe ses compétences relationnelles et commerciales pour fidéliser ses consommateurs-adhérents.

Essaimer

Certaines AMAP se caractérisent d’autre part par une activité « intrapreneuriale », avec des actions d’essaimage initiées par des consommateurs-adhérents qui créent de nouvelles AMAP.

Ces actions ont pour objectif de diffuser un esprit de solidarité envers les petits producteurs et de mieux répondre aux attentes des consommateurs via une proximité géographique plus forte du lieu de distribution :

« Les copains de l’AMAP se sont proposés pour prendre en charge les tâches administratives que je faisais sur cette AMAP-là, pour me dégager du temps et aider à la création d’autres AMAP. […] On se refuse d’être trop gros. On limite à une cinquantaine de personnes le nombre de places. […] À partir d’un certain stade, les gens ne s’impliquent plus de la même façon ou ne s’impliquent plus. […] Et dans les AMAP qu’on a aidé à démarrer, on a toujours conseillé de rester à taille humaine, c’est-à-dire cinquante, soixante grand maximum. »

Une solidarité assortie de garanties

La solidarité à l’égard d’un petit producteur, le souhait d’une consommation plus responsable, la proximité géographique ou bien encore le militantisme ne sont pas les seuls facteurs explicatifs de la croissance et de la durabilité d’une AMAP.

La certification biologique, bien que non obligatoire, entre également en jeu en donnant des gages officiels de sécurité quant à la qualité du processus de production, souvent difficile à évaluer.

Une productrice, interrogée lors de nos enquêtes, insiste particulièrement sur le rôle du label :

« Ils les [créateurs de l’AMAP] sont venus voir sur mon exploitation… Aussi, quand on a commencé l’AMAP, je n’étais pas en reconversion bio, et, comme ils m’ont demandé d’avoir le label, pour leur prouver qu’ils pouvaient avoir confiance aussi en moi, j’ai demandé le label. Donc on a été en reconversion bio pendant trois ans et j’ai eu mon label au mois de mai. J’étais fière de leur montrer au barbecue cet été et ils m’ont même offert un beau panneau AB. […] C’est une question de confiance par rapport au produit. S’il y a un label, c’est qu’ils sont sûrs que les produits ont été contrôlés […], et ils sont sûrs d’avoir dans leurs assiettes des produits sains. »

La labellisation biologique est d’autant plus importante que, dans certains cas, les consommateurs adhérents ne sont pas spécialement à la recherche d’interactions sociales avec le producteur agricole, comme nous l’a rapporté un autre entrepreneur agricole :

« Il y a des gens qu’on voit qui sont là trois minutes et puis des gens qui traînassent, qui sont heureux d’être là, qui discutent l’un avec l’autre, voilà, qui voient tout le monde. Je pense que, pour eux, c’est un grand lieu de convivialité et d’échanges. Du coup, c’est un moment agréable pour eux, je pense. En tout cas, pour certains Amapiens, ça se voit bien. Il y en a d’autres, ils viennent chercher leur panier, ils ne cherchent pas à discuter et repartent. C’est très très variable. »

Cette implication limitée de certains consommateurs s’explique notamment par le caractère relativement contraignant de la coopération amapienne (engagement contractuel, participation à l’organisation de la distribution hebdomadaire et/ou à la vie de l’exploitation, légumes à cuisiner chaque semaine, etc.) et l’apparition d’autres formes concurrentes de distribution sans engagement contractuel telles que le réseau de La Ruche qui dit oui ou bien encore des initiatives de la grande distribution.

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