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Des musiciens respectent la distanciation physique lors d'une pratique à Vancouver, en août. L'art et la culture sont essentiels au mieux-vivre ensemble. La Presse Canadienne/Darryl Dyck

Les arts et la culture sont essentiels et il faut poursuivre leur déconfinement

La rentrée est la plupart du temps en mode virtuelle cette année et nous vivons tous une certaine fatigue du « tout à distance ».

Certes, un déconfinement culturel a eu lieu. Depuis le 3 août, les rassemblements allant jusqu’à 250 personnes sont permis dans les salles de spectacle, les théâtres et les cinémas de la province, ainsi que pour les matchs sportifs. Le secteur culturel a fait de bons coups virtuels, notamment avec les spectacles du Canada et de la Fête nationale.

Mais les prochains mois seront cruciaux. Les changements de saison et les enjeux économiques engendrés par la première vague de la pandémie se feront sentir.

Mes co-auteurs et moi-même sommes membre de l’équipe de recherche de l’Observatoire canadien sur les crises et l’aide humanitaire. Nous travaillons sur l’art et la culture comme moyen de reconstruction émergent en contexte postcrise et nous intéressons à la culture en temps de pandémie, ici et à travers le monde.


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Une identité, une économie et un équilibre de santé

François Legault l’a répété maintes fois : « la culture c’est l’âme du peuple québécois. On s’est ennuyé de nos artistes », écrivait-il sur les réseaux sociaux le 1er juin. Les arts et la culture, comme l’explique bien Simon Breault, PDG du Conseil des arts du Canada, sont des leviers de développement citoyen, communautaire, sociétal et économique. Ils permettent au citoyen de développer sa créativité et une pensée transversale, à la communauté de se rassembler et de s’entraider, à la société de se transformer, d’évoluer et de bâtir son identité, et enfin à l’économie de croître par l’effet multiplicateur des dépenses culturelles.

En cherchant à mieux comprendre la manière dont certaines régions à travers le monde ont procédé, nous soulevons certains constats.

Les joueurs de l’Impact célèbrent un but dans un stade désert, le 13 septembre. La Presse Canadienne/Jonathan Hayward

Des musées aux karaokés : à chaque région ses priorités

Le déconfinement ne s’est pas fait de la même manière partout au monde. Le Canada et le Québec ont commencé par les musées, les cinéparcs, les bibliothèques et les studios d’enregistrement, suivi de la reprise des tournages à la mi-juin.

Au Japon et ailleurs en Asie du Sud-Est, ce fut d’abord les karaokés et les restaurants. Mais chez nous, les bars et les karaokés ont été les derniers déconfinés à la fin juin et risquent une fermeture au vu des récents événements d’éclosion qui ont eu lieu notamment dans deux bars de Québec.

À l’aube d’une 2e vague, le Québec se questionne s’il ne devrait pas reconfiner certains secteurs. En annonçant que trois régions viraient en « zone orange », dimanche, de nouvelles restrictions ont été annoncées. Déjà, le gouvernement avait fermé les karaokés. Dans le sud des États-Unis, le déconfinement des bars et cinémas a été de courte durée, tout comme en Corée du Sud.

Un bar de karaoké à Montréal. Plusieurs éclosions ont eu lieu dans ces bars et la pratique du karaoké est désormais interdite. La Presse Canadienne/Ryan Remiorz

Quant à la reprise des tournages télévisuels, l’été a permis de mettre en place une variété de mesures pour permettre la reprise des activités de ce secteur.

Arts virtuels ou en présence : des enjeux d’éclosion

La chanson et l’humour ont rapidement adopté le virtuel, alors que la musique classique, la danse, le théâtre ont dû attendre d’être déconfinés en juin, moment où ils ont majoritairement adopté la pratique de répéter et donner des prestations sans public, enregistrées et diffusées sur diverses plates-formes. Ceci selon leur créativité, leurs ressources, mais surtout leur capacité financière ou les aides reçues.

Si certains pays ont les mêmes pratiques, [comme l’Espagne avec un « public végétal »] où les plantes remplacent les spectateurs, d’autres ont rouvert leurs salles de spectacle et de cinémas dès le mois de mai comme l’Allemagne, la Chine ou la Norvège. Cependant, les signes annonciateurs de la deuxième vague ont perturbé ces réouvertures et ont causé certaines fermetures de salles et de cinémas, entre autres.

Au Québec, les salles de spectacles et certains festivals ont préparé leur réouverture pour l’automne. Des sondages estivaux ont supporté ces décisions, comme ceux de Habo et de Léger. La salle montréalaise Bourgie, par exemple, a ouvert ses ventes de billets en salle et certains théâtres ont lancé leur programmation à géométrie variable, selon leur situation propre. Dans l’ensemble, la situation est précaire. Plusieurs salles sont en péril, plusieurs ayant annoncé leur fermeture au cours de l’été, tout comme les restaurateurs, les petits commerçants et les propriétaires de bars. L’équilibre financier et sanitaire est délicat à maintenir dans ce contexte d’incertitude. On ignore quand cette pandémie prendra fin.

Masques obligatoires pour un cours de cuisine dans un marché de Montréal, le 13 septembre. La Presse Canadienne/Graham Hughes

L’aide gouvernementale au Canada et ailleurs : un levier indispensable pour le moment

La majorité des travailleurs de ces industries sont des pigistes, des travailleurs autonomes œuvrant au sein d’organismes à but non lucratif et de PME, pour qui les rapides initiatives gouvernementales canadiennes pour les travailleurs ne cadraient pas.

Selon les données disponibles sur le site de l’Unesco, le Canada figure parmi les pays les plus proactifs et généreux en termes de mise en place de différentes mesures d’aide, de soutien et de développement pour les arts, les artistes, les artisans et les entreprises, avec plus de 400 millions de dollars canadiens versés au secteur.

Le Japon, de son côté, n’a débloqué que l’équivalent de 81,6 millions de dollars canadiens en mesures diverses, l’Espagne plus de 94,5 millions, jumelés à des prêts d’environ 1,82 milliard tandis que le gouvernement britannique semble avoir choisi de ne pas verser de sommes spécifiques aux secteurs culturels. Ces chiffres datent de la fin juin 2020.

L’art et la culture : vecteur indispensable

Nos recherches, dont une de ses perspectives a été présentée à la conférence EGOS 2020 tendent à démontrer qu’à la suite d’une crise, qu’elle soit sanitaire, économique ou humanitaire, l’art et la culture sont des vecteurs indispensables tant pour la société que pour les communautés et les citoyens.

En effet, le partage de l’expérience est aussi important. Citons le travail de préservation et de transmission des arts khmers par le Cambodian Living Art au Cambodge qui a contribué à la relève du génocide au pays. Ou encore celui du théâtre de rue pour divertir et briser l’isolement des ainés dans leur résidence au moment fort de la crise. Notons aussi le travail impressionnant des musiciens de El sistema Greece auprès des enfants réfugiés. Cet organisme, par l’enseignement de la musique et du chant choral, permet aux enfants de retrouver une identité, une dignité et une place dans la société. Ce sont des exemples parmi plusieurs où l’art soulage, transforme et développe les populations locales et les citoyens.

Ce sont donc des initiatives qui permettent à l’art et à la culture de se manifester qu’il faudrait aussi privilégier « autrement », tout en conservant les règles de distanciation physique. Des spectacles diffusés dans les parcs, comme l’a proposé Le Festif dans Charlevoix cet été, ont connu un franc succès et pourraient faire l’objet d’une réflexion plus poussée à travers la province.

Il est temps de croiser les champs de la créativité et de l’innovation pour trouver des modèles d’affaires financièrement viables et socialement percutants, même en temps de rassemblements distanciés. Pour cela, il faut du leadership et des ressources financières pour permettre aux Québécois de vivre une expérience commune, forte, identitaire et de se rassembler autour de l’art et de la culture, enjeu vital pour notre santé psychologique et notre cohésion sociale.

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