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Les bonnes questions à se poser pour (re)trouver un sens à son travail

Seuls 6 % des salariés français se déclarent « engagés » dans leur entreprise. Monkey Business/Shutterstock

Sujet banal et maintes fois rebattu, le manque de sens au travail ne reste pas moins une réalité. 1 français sur 5 aurait le sentiment d’occuper un « bullshit job », concept développé par l’anthropologue David Graeber pour décrire ces emplois vides de sens qui ne servent à rien. Et selon l’enquête Gallup de 2018 sur l’engagement au travail, seuls 6 % des salariés français sondés s’estiment engagés dans leur travail.

Les conséquences de cette perte de sens sont multiples. Burn-out (syndrôme d’épuisement professionnel), bore-out (ennui au travail), brown-out (accumulation de tâches absurdes) en représentent différentes facettes aux impacts parfois graves pour les individus : profond désengagement, risques pour la santé physique et mentale, pouvant aller de la dépression aux addictions, voire pouvant conduire au suicide.

Pour les organisations, cette perte de sens se traduit par une baisse des performances : coût direct du désengagement dans la qualité des pratiques et l’excellence opérationnelle, turn-over massif, difficultés de recrutement et de montée en compétence des profils…

Alors que faire quand on ne trouve plus de sens au travail ?

Repenser son projet personnel et professionnel

Cette démarche nous invite à une profonde introspection pour identifier ce qui fait sens et qui est bon pour nous. Socrate, inspiré par la célèbre devise inscrite au frontispice du Temple de Delphes, « connais-toi toi-même », nous avait déjà mis sur cette voie. Vérifier (et éventuellement adapter) la compatibilité entre notre être et notre environnement de travail est un point de départ fondamental pour nourrir cette quête de sens.

Les questions à se poser sont les suivantes :

  • Quelles sont mes valeurs et mes limites (éthiques, relationnelles, de méthodologie de travail) ? Sont-elles respectées dans le cadre de mon travail ? Sont-elles alignées avec celles de mon organisation ? Si elles diffèrent, suis-je contraint de les transgresser ?

  • Quels sont mes compétences clés, mes talents, mes formes d’intelligence : sont-ils utilisés dans mon quotidien professionnel ?

  • Quels sont mes besoins (relationnels, de rythme, de challenge, d’environnement de travail) pour que je sois capable de donner le meilleur de moi-même ?

  • Ai-je le sentiment d’être utile dans mes missions ? Qu’est-ce qui me permettrait de nourrir ce sentiment ?

Nourrir le sens dans sa vie

Tout n’a pas besoin d’être parfait. On peut ne pas se reconnaître dans la mission sociale de son organisation, ou dans sa philosophie économique, et pourtant avoir le sentiment de développer ses compétences ou d’être utile au quotidien. La question est : « trouvez-vous suffisamment de branches auxquelles vous accrocher ? ». Si malgré des constats mitigés, la réponse est oui, alors vous avez sûrement encore du chemin à parcourir au sein de votre organisation en attendant de trouver une meilleure osmose. Nourrissez ces branches, renforcez-les, faites-les rayonner : devenez de plus en plus vous-même dans la manière de réaliser vos missions. En développant votre être, vous contribuerez forcément à l’évolution positive de votre structure.

Réinventer sa vie pour retrouver du sens, c’est toujours possible. Africa924/Shutterstock

Si malgré ce constat, l’essentiel continue de vous manquer, il peut être intéressant de développer votre engagement sociétal autour de causes qui vous sont chères (associations, ONG, etc.). Vous pourrez probablement y mettre d’avantage d’âme et de vos talents, et y trouverez des lieux d’expression et de partage pour transformer votre révolte en actions constructives. Enfin, si vous sentez une profonde inadéquation entre votre être et votre travail, il est peut-être temps de réinventer votre vie professionnelle en changeant d’emploi, voire en créant le vôtre, pour aligner aspirations et travail…

Arrêtez de subir : prenez les commandes !

Tout comme la réflexion sur le projet de vie et la connaissance de soi constitue un refus de la fatalité, reprendre les commandes et arrêter de subir est une solution importante pour trouver du sens. « Charité bien ordonnée commence par soi-même », nous dit l’adage…

Dans les situations de mal-être, nos comportements tombent très souvent dans le triangle dramatique de Karpman. Si vous vous sentez « victime » de votre organisation, prenez la décision d’agir sur ce sur quoi vous avez un impact. Allez chercher le sens, questionnez vos managers, challengez vos missions, sortez de votre zone de confort. Déplacer son regard sur une situation est un excellent moyen d’entrevoir des orientations nouvelles.

Bonnes pratiques au sein des organisations

Bien entendu, même si la quête de sens comporte sa dimension individuelle, il est évident que les organisations peuvent grandement faciliter la tâche de leurs collaborateurs par le respect de principes clés.

  • Fixer le cadre identitaire de la structure : ses valeurs, sa mission, sa vision. Pilier de la stratégie de la structure, elles fixent le « cap » pour son fonctionnement. Le groupe Disney, dont la vision, définie en 1923 par son fondateur Walt Disney, guide toujours aujourd’hui la stratégie du groupe, en est un bon exemple. Est-ce que ces éléments existent ? Ont-ils été formalisés ou sont-ils implicites ? Ont-ils été décrétés dans une logique top-down ou ont-ils été coconstruits dans une logique collaborative ? La manière de procéder a son importance, puisqu’elle doit être en cohérence avec la culture de la structure. Elle aura nécessairement un impact sur le niveau d’adhésion et de réappropriation des collaborateurs.
Disney parvient à donner du sens au travail de ses employés avec des valeurs historiquement définies. Lev radin/Shutterstock
  • Gare aux incohérences ! Si cette identité ne se reflète que sur les belles affiches de la structure mais ne correspond pas à l’expérience collaborateur, cela peut générer l’effet inverse. Ces dimensions doivent être incarnées, de la manière la plus cohérente possible, à tous les niveaux de l’organisation.

  • Développer les compétences managériales des équipes et repenser les manières de collaborer. C’est à travers la déclinaison opérationnelle quotidienne d’un management humaniste que le sens s’entretient et se nourrit : le rappel et la pédagogie autour du cap, la qualité relationnelle, l’écoute, le respect, le challenge et l’exigence partagée, la remise en question, la culture du feedback et de l’amélioration continue, etc. C’est entre autres en jouant sur l’équilibre exigence/bienveillance que la performance collective peut devenir durable.

Avancer, oui mais vers quoi ?

Reste toutefois cette question fondamentale : avancer vers quoi ? Quel futur voulons-nous contribuer à créer ? Donner du sens quand la nature même de la mission de l’organisation ne contribue pas au bien commun et à la durabilité de la planète reste compliqué. « L’important est de partir d’où l’on est, et d’amorcer le mouvement », encourage la structure « Plus de gens plus heureux ». Donner du sens, éduquer, développer l’intelligence et la pensée sont des armes de construction massive. Alors, créer un futur durable, repenser nos modèles économiques, nos relations, nos modes de faire et de vivre pour un monde plus inclusif, paisible et durable : utopie ou potentialité ?


Cet article s’appuie sur les échanges de la table ronde « Donner du sens pour avancer » organisée dans le cadre de l’Université d’été de l’Iéseg School of management du 20 juin 2019.

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