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Les défis de la gestion electronique des documents en Afrique

Gestion electronique des documents (GED). Syleg

Où en est le déploiement des technologies de l’information utilisées pour numériser, archiver et exploiter tous types de documents en Afrique ? Ces technologies, liées au processus de dématérialisation qui s’impose peu à peu, posent de nombreuses questions.

Solutions, fonctionalités et acteurs de la GED

En Afrique comme partout ailleurs, les promesses de la gestion électronique des documents (GED) sont significatives et séduisantes. En effet, la GED est actuellement appréhendée comme une technologie qui contribue à intervenir sur des documents dans leur transformation physique/numérique ou numérique/numérique. Il s’agit concrètement de pouvoir créer, échanger, stocker, archiver, réutiliser, valoriser, etc. des documents de diverses formats et natures.

Outre les avantages liés à la dématérialisation classique, la GED une fois installée va permettre d’accéder, de façon sélective et massive, aux documents en quelques secondes. Par exemple, là où une recherche manuelle des dossiers aurait nécessité quelques minutes voire quelques heures, une documentation stockée et archivée via une GED bien déployée sera accessible en quelques clics !

Les fonctionnalités les plus souvent proposées par les éditeurs de solutions GED – y compris via certaines solutions open source – sont notamment la gestion des métadonnées, la gestion des versions, la gestion des contenus structurés, les workflows, le multilinguisme, la catégorisation, l’indexation, le référencement, le cycle de vie, l’archivage, la dématérialisation du courrier, etc.

La percée de la GED en Afrique

Dans le cas du continent africain, l’implémentation de solutions de type GED au sens large permet en particulier d’affronter des problématiques classiques liées aux conditions difficiles de conservations des documents physiques (chaleur, humidité, sécurité, énergie, etc.)

Nous notons que ces systèmes d’acquisition (numérisation de masse de documents papier), d’indexation, de classement, de gestion et stockage, d’accès (navigation et recherche) et de consultation des documents sont généralement les bienvenus du point de vue des utilisateurs et acteurs finaux. Signalons par exemple, le cas du projet capital numérique qui mobilise près de sept acteurs africains et européens pour la valorisation du patrimoine audiovisuel africain. Ce projet pour la renaissance du patrimoine culturel africain repose notamment sur des dispositifs de dématérialisation et d’archivage portés par l’organisation internationale de la francophonie (OIF). Il a bénéficié d’un financement sur trois ans, d’un montant total de 685 000 € (dont 500 000 € apportés par le programme ACP Cultures + financé par l’Union européenne et géré par le Groupe des États ACP).

Dans le détail, plus d’une vingtaine de télévisions publiques d’Afrique subsaharienne francophone ont été équipées en logiciels de numérisation et d’indexation depuis de 2014 à nos jours. Outre ce type de projet d’envergure internationale, initié hors du continent africain, d’autres acteurs étrangers installés en Afrique, interviennent directement sur le terrain par le biais des entreprises de représentation. C’est le cas notamment du groupe Bolloré avec des représentations en Afrique telles que Bolloré Africa Logistics, CFAO Technologies, etc.

Au fil des ans, le numérique a conquis progressivement des pans entiers de la vie économique obligeant certaines entreprises – et dans une moindre mesure l’état – à modifier leur structuration et leurs business models sur le terrain. C’est la raison pour laquelle, dans la plupart des pays africains, on assiste à la création d’un département ministériel chargé de l’économie numérique. Ceci a favorisé l’émergence de nombreux acteurs et projets du numérique tant du côté de l’administration publique que privée. Pour ce qui concerne les acteurs locaux, nous pouvons citer Softnet Group au Burkina Faso, Gainde 2000 au Sénégal, Open Bee en Tunisie, etc.

À titre illustratif, Softnet Group, l’un des principaux acteurs locaux au Burkina propose la réalisation de projets de type GED dans la plupart des pays membres de l’UEMOA. Il compte à son actif plusieurs réalisations qui sont entre autres, les projets d’enrôlement biométrique (numérisation et centralisation des données individuelles des électeurs), Sylvie (système de liaison virtuelle d’importation et d’exportation).

Ce type de projet offre à l’ensemble des acteurs concernés une gestion intégrée des données issues des services d’importation et d’exportation pour un suivi, contrôle automatique et de partage de documents de l’administration douanière à la suite du succès de l’implémentation du projet Sylvie au Burkina Faso, ce projet a été étendu dans d’autres pays tels que le Niger, le Sénégal et actuellement en cours de réalisation au Mali.

L’exemple du projet d’enrôlement biométrique, implémenté dans plusieurs pays africains a pour vocation de faciliter la gestion des données électroniques des électeurs dans le but de mettre en place un système de vote électronique. À l’heure actuelle, seule la Namibie semble avoir réussi l’usage du système de vote électronique et pourrait apporter une lueur d’espoir dans le processus de délibération des résultats des élections en Afrique. Plusieurs pays africains ont mis en place un système de vote électronique, censé assurer la crédibilité du scrutin. Mais l’informatique comporte aussi certains risques, comme on l’a vu récemment au Kenya.

Des experiences diverses et des résultats mitigés

En termes de mise en place de projets de GED en Afrique, les statistiques indiquent un net progrès des taux d’adoption et d’usage des logiciels de GED. Au cours des cinq dernières années, un net engouement est constaté au sein des institutions publiques et privées sous régionales pour une adoption ou intention d’adopter un système de GED pour améliorer leurs prestations quotidiennes. Pour l’instant, l’Afrique du Sud est le premier pays africain à élaborer les politiques pour promouvoir l’utilisation des logiciels libres dans le pays.

Plusieurs logiciels de type GED ont été testés au sein des administrations africaines avec des résultats à succès variables selon les besoins des entreprises hôtes. Plusieurs projets d’usage de logiciels ont été expérimentés sur le terrain africain. Parmi ceux-ci les sollicités sont les logiciels SharePoint, Alfresco, Aime, Qualios et Archimed. SharePoint est une série de logiciels pour applications Web et portails développée par Microsoft. Les fonctionnalités des produits SharePoint sont la gestion de contenu, les moteurs de recherche, la gestion électronique de documents, les forums, la possibilité de créer des formulaires et des statistiques décisionnelles.

Alfresco est un système de gestion de contenu (en anglais ECM pour Enterprise Content Management) créé par Alfresco Software en 2005 et distribué sous licence libre. Il répond aux besoins d’un projet intégrant un extranet avec peu de personnalisation nécessaire, et sans avoir à faire de développements supplémentaires. Un extranet couplé à Alfresco permet à des utilisateurs issus de plusieurs sociétés indépendantes d’échanger des informations, des données, des fichiers.

Aime (archivage interactif multimédia evolutif) est un logiciel installé dans plus d’une dizaine de pays en Afrique et destiné à l’archivage et au traitement documentaire de la production audiovisuelle courante et des fonds d’archives des chaînes de radio et de télévision. À ce titre, le projet Aime s’illustre comme l’une des références en matière d’implémentation de la GED au bénéfice des services d’archives audiovisuelles en Afrique (https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-01534113/document de L Tapsoba – ‎2017). Les résultats d’une recherche se présentent sous la forme d’un lot de résultats, c’est-à-dire une liste d’émissions ou de parties d’une émission (sujets ou séquences). Cette liste se trouve ordonnée par pertinence décroissante. Plus la pertinence est élevée, plus la réponse donnée correspond aux critères de recherche (voir illustration ci-dessous).

Cependant, ces projets de GED sont largement orientés vers la gestion administrative et commerciale des PME publiques ou privées en Afrique. Pour l’instant, très peu d’établissements d’archivage et de documentation en font l’usage. Or, la transformation numérique s’applique actuellement à tout type d’entreprise et se joue sur trois vecteurs, selon Jérôme Colin (2014) qui sont les équipements (terminaux connectés), les hommes et les usages. La réussite d’une opération d’implémentation de GED passe nécessairement d’une part, par l’adaptation des usagers aux nouvelles infrastructures technologiques. D’autre part, les usages, le déploiement d’une nouvelle manière de travailler, par exemple via la dématérialisation sont des accélérateurs de l’acceptation de l’usage de la GED.

Aussi, les obstacles à l’usage de la GED sont d’ordre économique. Le coût d’installation des infrastructures est souvent hors de portée pour une PME en Afrique. À titre d’exemple, pour chaque page à numériser peut coûter 100 francs CFA, or l’entreprise dispose des milliers de documents d’archives à numériser, sans compter les coûts d’acquisition et d’installation des équipements et la formation des agents dans le cas d’une adoption GED.

Ce qui représente une fortune et dans le même temps un frein à l’adoption d’une solution de type GED par les PME en Afrique.

Finalement, quelles sont les perspectives ?

L’expérimentation du système de GED est un succès mitigé dans la plupart des cas en Afrique. Il ne s’agit plus désormais de gérer un stock de documents papier, mais bien de capturer, de stocker, de reconnaître et de sécuriser des informations, des données, des documents qui viennent de sources multiples et qui se présentent dans de multiples formats. Or, les entreprises africaines peinent à franchir le pas de la transformation numérique et à embrasser les nouveaux usages qui l’accompagnent.

Pour faciliter la transition numérique et réduire les risques de perte de profits liés à l’adoption de la GED, nous proposons la mutualisation les moyens financiers chez les PME africains dans le but d’affronter les coûts d’adoption d’une solution de type GED. De nos jours, peu de solutions GED communicantes offrent de réelles garanties en matière de sécurité et de confidentialités de données collectées et stockées par des fournisseurs. Pour ce faire, il devient nécessaire de disposer de solutions déployant des services GED agiles de première qualité sur des espaces de données entièrement contrôlés par les utilisateurs.

Enfin, l’un des défis majeurs pour les PME africaines à l’adoption des solutions de type GED serait d’arriver à concilier échanges électroniques et sécurités des données exploitées sur le marché. Cela passe nécessairement par une évolution de nos modes d’échanges et l’émergence de nouvelle manière de communiquer.

À titre illustratif, le modèle « mail+ pièces jointes » pourrait être substitué par « une vision centrée documents avec discussions jointes ». Ainsi, le marché de la GED pourrait donc continuer sa mutation et offrir de nouvelles perspectives de croissance pour les PME et TPE en Afrique.

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