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des hommes et des femmes sont assis autour d'une table, ou debout, et discutent, dans une salle d'un building d'in centre-ville
Il y a de plus en plus de femmes sur les conseils d'administration des grandes entreprises, mais c'est d'être le cas pour les PME. Comment accélérer le changement culturel? Shutterstock

Les entreprises doivent viser des objectifs plus ambitieux pour l’avancement des femmes

Il y a de plus en plus de femmes sur les conseils d’administration, mais leur progression est lente et surtout, inégale. On peut faire mieux pour assurer la parité.

Dans un rapport publié récemment, les autorités en valeurs mobilières de sept provinces canadiennes (Québec, Ontario, Alberta, Manitoba, Nouveau‑Brunswick, Nouvelle‑Écosse et Saskatchewan) publiaient les résultats de leur sixième examen portant sur la représentation féminine aux postes d’administrateurs et de membres de la haute direction.

Cette étude démontre que, pour les entreprises de grande taille, soit celles ayant une capitalisation boursière de plus de 10 milliards $, la masse critique de représentation féminine au sein des conseils d’administration, c’est-à-dire le seuil de 30 %, est pratiquement atteinte. Cependant, pour ce qui est des entreprises de petite et moyenne taille, les progrès sont plus lents et la représentation féminine continue de stagner.

L’étude constate que les entreprises qui se dotent de politiques et de cibles affichent de meilleures performances que les autres. Comme le disait pertinemment le professeur en gestion d’entreprise et auteur bien connu Peter Druker : « Only what gets measured, gets managed ».

Tout porte à croire que les entreprises préfèrent se doter de politiques plutôt que d’objectifs précis. Or, dans les cas où il y a établissement d’objectifs, ceux-ci sont fixés à 30 % de représentation féminine au sein des conseils d’administration, ce qui est généralement atteint par les entreprises de grande taille.

Lorsque le Règlement 58-101 sur l’information concernant les pratiques en matière de gouvernance a été adopté par les autorités de valeurs mobilières canadiennes, on souhaitait promouvoir une meilleure représentation féminine par la divulgation des résultats obtenus par les entreprises assujetties en regard des postes stratégiques occupés par des femmes. L’objectif de 30 % qui constitue, selon plusieurs études, la masse critique nécessaire que les entreprises doivent atteindre pour tirer pleinement profit de la mixité, s’avérait alors un défi fort stimulant.

La cause de la parité me tient à coeur. Économiste, MBA et certifiée en gouvernance, je suis engagée depuis 40 ans à promouvoir une participation accrue des femmes au sein des hautes instances de nos organisations. Ayant contribué à de nombreux conseils d’administration, j’ai pu constater la valeur ajoutée d'une représentaion équilibrée des sexes dans plusieurs dossiers notamment en gestion des risques, intégration des enjeux des parties prenantes, transformation des organisations, mieux-être des employés et suggestions de nouvelles idées ou de nouveaux produits pour mieux servir la clientèle.

Viser de nouveaux objectifs

Après six ans de cheminement et de suivi de l’évolution de la situation par l’analyse des différents rapports produits par les autorités réglementaires, la cible de 30 % se doit probablement d’être revue. Elle doit refléter davantage l’objectif poursuivi, soit une représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration. Nous devons vraisemblablement à présent viser des cibles de l’ordre de 40 % pour les entreprises de grande taille et de 30 % pour les entreprises de petite et moyenne taille.

Il va de soi que des quotas permettraient de changer la donne plus rapidement comme l’a démontré l’expérience québécoise avec plusieurs de ses sociétés d’État, ou encore dans d’autres pays qui ont privilégié cette voie.

Étant donné que les quotas ne sont pas monnaie courante dans notre culture organisationnelle et réglementaire, et que la quête de la parité exige des changements profonds et du temps au sein de nos organisations, il pourrait s’avérer opportun de parier, pour les cinq prochaines années, sur la stratégie réglementaire actuelle. Celle-ci invite les entreprises à divulguer leurs orientations en matière de représentation féminine au sein de leurs hautes instances. Il faudrait toutefois la bonifier à l’aide de stratégies complémentaires, et ce, dans le but d’atteindre une représentation plus équilibrée des sexes.

Exiger plus des autorités réglementaires et des actionnaires

Le moment est sans doute venu de poser des questions clés. Comment nos autorités réglementaires et gouvernementales pourraient être plus directives afin que la très grande majorité de nos entreprises se dotent de politiques et de cibles en matière de mixité ?

Pourrait-on considérer d’exiger des entreprises qui souhaitent devenir publiques d’avoir de hautes instances paritaires, comme une représentation minimale de 40 % des deux sexes ? Y aurait-il lieu que les actionnaires et les investisseurs demandent un vote consultatif sur la politique des entreprises en matière de mixité, à l’instar de celui qui existe déjà sur la rémunération des hauts dirigeants, dans le but d’initier ou d’accélérer le changement ?

Enfin, doit-on toujours parler de masse critique à atteindre (qui est de l’ordre de 30 %) ou tout simplement de ratio d’équité où les femmes comme les hommes occuperont à parts égales les sièges des conseils d’administration et les postes de haute direction ?

Rendre les processus plus ouverts

S’il ne fait aucun doute que les femmes sont certes mieux représentées qu’auparavant, il reste beaucoup de chemin à parcourir. Selon une étude menée par le Conference Board du Canada intitulé All on Board, 23 % des sièges de conseils d’administration libérés par leur occupant en 2018 ont été retirés ou laissés vacants.

La sous-représentation des femmes aux conseils d’administration pourrait être résolue à un rythme beaucoup plus rapide si le pouvoir de pourvoir ces postes vacants était utilisé dans des efforts concertés de recrutement et de sélection de femmes. De plus, pour faire avancer ce dossier qui me tient tant à cœur, nous devrons nous interroger sur les dynamiques plus ou moins cachées dans la sélection et l’invitation des femmes aux conseils d’administration du Canada.

Nous devrons également développer une meilleure connaissance des raisons qui semblent toujours constituer des barrières persistantes à faire appel à davantage de femmes aux conseils d’administration.

Une étude australienne menée dans 91 pays a examiné la relation qui existe entre les exigences de divulgation d’information, les objectifs, les quotas et la représentation féminine dans les conseils d’administration des entreprises cotées en bourse. Cette étude a révélé que l’adoption d’exigences de divulgation d’information accélérait la représentation des femmes dans les conseils d’administration et que des objectifs plus audacieux étaient généralement associés à une présence féminine accrue.

L’avenir de la représentation féminine aux postes de décision passe donc vraisemblablement par l’adoption d’objectifs non seulement réalistes, mais plus ambitieux.

L’atteinte de la parité demandera de la confiance, mais également beaucoup de vigilance et de persévérance.

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