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Trondheim, la troisième ville la plus peuplée de Norvège, est une smart city. Shutterstock

Les forces vives des « smart cities »

Ce texte s’inscrit dans une série d’articles autour de la thématique « Universités et ville durable », sujet du colloque de l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) qui se tient les 21 et 22 octobre 2019 à Dakar, avec plus de cent cinquante acteurs francophones : établissements universitaires, représentants gouvernementaux, maires, et experts en urbanisme dans le monde francophone.


Trondheim en Norvège, Barcelone en Espagne, Paris en France, Detroit aux États-Unis, Jaipur en Inde, Konza au Kenya… Les smart cities, qui promettent de mettre la technologie au service de l’environnement, de l’économie et de l’humain, se développent partout dans le monde.

En France, ces nouvelles formes d’organisations urbaines font face à certains freins, notamment du fait du contexte réglementaire et culturel. Acteurs publics et privés sont néanmoins moteurs de cette transformation et collaborent pour atteindre la performance « globale » (environnementale, économique et sociétale) de leur ville.

En partant d’une étude de cas sur Paris-Saclay, nous nous intéressons ici à ces forces vives, piliers de la construction de la smart city, et à leurs interactions.

Le numérique : une constante au cœur d’un concept mouvant

L’urbanisation croissante et la pression démographique urbaine font émerger de nouveaux enjeux pour la ville de demain, qui devra procurer des logements en nombre suffisant, proposer des infrastructures de transport adaptées à l’étalement urbain, générer une activité économique rémunératrice pour les habitants, gérer les externalités environnementales (pollution, consommation énergétique, inondations…) etc.

Pour relever le défi, de nouveaux modèles urbains doivent être inventés. L’implantation des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) au sein des villes constitue un puissant outil pour y parvenir. Implantées dans les villes, elles les transforment en smart city, ou villes intelligentes, villes durables, villes connectées. Mais qu’entend-on exactement par « smart cities » ? Certains auteurs proposent de distinguer trois dimensions principales : technologique (infrastructures physiques et logiciels), humaine (créativité, diversité et éducation) et institutionnelle (gouvernance et politiques).

La puissance publique, pilier de la smart city

L’établissement d’aménagement public Paris-Saclay (EPAPS) fédère acteurs économiques locaux et recherche publique autour de la dynamique d’innovation technologique. L’objectif est de proposer un cadre de vie durable à la population, à la fois en termes de logements, transports, services ou équipements. Cette volonté de collaboration est mise en avant dans les appels à projets lancés par l’EPAPS.

L’État, quant à lui, apporte son soutien aux smart cities à différents niveaux. Tout d’abord, il fait évoluer le cadre réglementaire pour intégrer des innovations, avec par exemple l’obligation d’introduire 2 % d’achats innovants dans la commande publique d’ici à 2020. Ensuite, il délivre un label de reconnaissance pour les écoquartiers. Enfin, il propose des dispositifs de financement. Par exemple, Paris-Saclay fait partie des lauréats de l’appel à projet « Ville de demain », qui vise à soutenir les investissements dans les villes développant une approche intégrée et innovante des transports et de la mobilité, de l’énergie et des ressources, de l’organisation urbaine et de l’habitat. Paris-Saclay reçoit dans ce cadre un soutien financier comptant pour 30 à 50 % de ses actions.

Le tissu économique local, vecteur d’innovations

À cette implication des pouvoirs publics viennent s’ajouter les solutions et le rôle intégrateur des grandes entreprises. L’opérateur de services publics Suez qui développe par exemple des réseaux d’énergies renouvelables qui permettent une gestion optimisée des flux thermiques et électriques ainsi que d’autres services urbains (éclairage public, écomobilité…).

Paris-Saclay accueille aujourd’hui des établissements d’enseignement supérieur (universités et grandes écoles), des centres de recherche, des grands groupes (Nokia, Kraft…) ou leurs centres R&D (Danone, Thales, EDF…). Cette situation donne lieu à une forte création de richesses et de connaissances.

L’innovant tissu entrepreneurial local (PME et start-up) occupe également une place importante dans la construction de la smart city. Les start-up intègrent des groupements pour répondre aux appels d’offres lancés par l’EPAPS. Leur développement est notamment soutenu par Incuballiance, « incubateur technologique du campus Paris-Saclay », qui favorise les synergies entre start-up, industriels du territoire et recherche publique locale.

Communautés, rencontres, synergies

Les innovations de la smart city vont bien au-delà de la technologie, comme l’illustre la création du WawLab. Mis en place par sept salariés d’entreprises locales, il promeut le bien-être au travail à travers des expérimentations, séminaires, conférences et partage de témoignages.

Des projets d’agriculture urbaine, alliant production agricole et insertion sociale, voient également le jour.

Le Proto204, espace public situé au cœur de Paris-Saclay, est emblématique de cette volonté de créer des synergies et de faire se rencontrer les différents acteurs du territoire. Collaboratif et ouvert, ce lieu de création et partage rassemble des communautés innovantes. Porteurs de projets, étudiants, chercheurs, start-uppers, designers, artistes, représentants institutions ou encore habitants peuvent s’y rencontrer pour échanger.

Dans la même logique, les conférences TEDx Saclay constituent un espace de rencontre privilégié pour favoriser les interactions entre acteurs. Son slogan, « innovons ensemble au service du vivant », résume cette ambition d’innovation et d’échanges de savoir et connaissances, au service d’avancées sociétales.

Des freins à lever

La mise en place de la smart city nécessite une approche transversale et innovante, qui peut parfois se retrouver freinée par le contexte réglementaire, juridique et culturel français. En effet, la mutualisation des infrastructures requise entre les différents services de la ville se heurte aujourd’hui à une organisation très sectorielle des compétences des collectivités. Par ailleurs, le cadre juridique des marchés publics français est rigide, dicté par des règles d’attribution (prix attractifs, capacité à livrer des volumes importants…) peu favorables aux PME et start-up, faute de visibilité et de moyens. Le renouvellement urbain nécessite de lourds investissements et l’ouverture aux énergies renouvelables est moins forte en France que dans les pays nordiques, précurseurs en la matière. Enfin, on peut observer une certaine réticence au changement alimentée par des écarts générationnels importants et l’apparition d’une fracture numérique.

Grâce aux interactions entre acteurs publics et privés, la smart city ambitionne de dépasser les pressions économiques, environnementales et sociétales de la ville d’aujourd’hui. Son succès nécessitera toutefois de relever plusieurs défis. En particulier, il faudra mettre en place de nouvelles formes de gouvernance collaborative intégrant fortement les citoyens en amont des projets territoriaux, afin que la ville de demain soit également élaborée par ses habitants.


Cet article a été écrit sur la base de résultats obtenus dans le cadre d’un travail réalisé avec Diane Orsel Des Sagets.

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