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Banc de sable et île. Alex Antoniadis / Unsplash, CC BY-SA

Les îles peuvent-elles vraiment disparaître ?

Une nouvelle concernant le Pacifique Nord vient de faire état de faits inquiétants qui menacent la stabilité de cette partie de la planète. Il s’agit de la disparition d’une île, au large de Hawaii, engloutie lors d’un ouragan.

East Island est située à 1 000 km de Honolulu, elle fait partie du parc national marin de Papahanaumokuakea Marine National Monument, qui s’étend jusque vers l’île de Midway. Alors pourquoi justement cette (petite) île qui fait partie du Banc de la Frégate française (French Frigate Shoals). Simplement parce que, lors du passage de l’ouragan Walaka, l’île a disparu, engloutie disent les médias.

À vrai dire, en tant qu’exemple d’île engloutie je ne connais que celui de l’île flottante. Il faut alors raison garder, ce qui a disparu c’est le banc de sable qui marquait le haut fond, et il n’a pas été englouti, mais simplement déplacé. C’est la vie habituelle des bancs de sable qui se déplacent au gré des vagues. Pour ce qui est d’Hawaii et des îles, ce sont d’anciens volcans dont le cône est relativement instable et peut disparaître assez vite. Il n’y a donc pas de raison de s’inquiéter outre mesure de leur disparition, ni de leur apparition d’ailleurs au gré des éruptions.

Les mouvements des bancs de sable

Quiconque est un jour allé voir la barre d’Etel dans le Morbihan a pu constater ces mouvements de bancs de sable. D’ailleurs la maison du gardien, ou plutôt de la gardienne, à l’entrée de la ria indique par un sémaphore où il convient aux bateaux de passer. Faut-il rappeler que c’est au cours d’une sortie expérimentale, en octobre 1958, de son nouveau bateau de sauvetage, que Alain Bombard a eu des ennuis de gouvernail, et a été pris dans les bancs de sable, entraînant la mort de neuf personnes. Sur l’île de Groix, la plage des Grands Sables à la pointe orientale de l’île, voit tous les ans ses bancs de sable se déplacer, atteignant une cinquantaine de mètres par an.

Vol au-dessus de la barre d’Etel.

Contrairement aux dunes, qui sont le plus souvent émergées, les bancs de sable, malgré leur forme asymétrique, un flanc long et un flanc court, se déplacent parallèlement à la direction de la crête. Un bel exemple est montré par le Banc du Four en mer d’Iroise. Pour les dunes, le sable est poussé par le vent perpendiculairement à la crête, c’est-à-dire le sommet de la dune.

D’amplitude plus faible, on observe aussi sur les plages de sable humide, l’apparition de ridules, de quelques centimètres, sous l’action du vent. Ces structures ou « ripple marks » montrent des crêtes perpendiculaires à la direction du vent. Lorsque ces plages sont brutalement recouvertes de sédiment, les structures acquises sont fossilisées. Ces structures sont alors utiles pour déterminer les sens de courants, donc les apports en sédiments, en particulier de matière organique. On voit l’utilisation que l’on peut en faire pour la recherche pétrolière.

À l’opposé de ces hauts fonds que sont les bancs de sable, il faut rappeler l’existence de creux, les « baïnes », fameuses dans le golfe d’Arcachon et sur la côte sud-ouest. Ces creux, à sable relativement fin, sont à l’origine de courants violents lors de la marée, phénomène de vidange, qui malheureusement sont fatals chaque année, malgré les avertissements.

Infox et « dessein intelligent »

Deux exemples de nouvelles plus que fantaisistes (fake news ?) qui ne vont pas manquer d’attirer l’inquiétude des lecteurs, non avertis. La première résulte essentiellement d’un problème de vocabulaire et ne pose pas de véritable problème.

La seconde fait plutôt état d’une méconnaissance (voulue ?) des faits. Ces infox, ce sont des détournements, volontaires ou non, de faits, utilisés par la suite pour soutenir un argument ou une cause, sachant que les arguments employés sont souvent biaisés volontairement. Ces nouvelles sont quelquefois faciles à mettre en évidence. Dans les deux exemples précédents les écarts de vocabulaires ou les arguments pseudo scientifiques sont grossiers. Mais parfois, les arguments utilisés sont assez sophistiqués.

Je raconte ici comment un tel montage a pu voir le jour, le tout partant d’un article scientifique de la revue Nature pour en arriver au Déluge, et à la chronologie de la Bible et du dessein intelligent (intelligent design).

Je travaillais à l’époque avec deux collègues anglais et un canadien sur des problèmes d’intrusions granitiques. Nous avons été sollicités par le journal pour écrire un article de synthèse sur le sujet. Un article est donc envoyé au journal pour suivre le processus habituel de relecture, corrections et publication.

Jusque là, rien d’anormal. Quelques mois plus tard, je constate une hausse subite des citations de cet article. Modeste, j’en déduis à un bon article. Mais, à y regarder de plus près, je constate des citations dans des revues « exotiques » telles celles émanant de « Institute of Creation Research », « Creation Science Association », ou « National Center for Science Education ». Il convient donc d’aller voir le pourquoi de ces citations.

Granites et créationisme

Ces articles sont remarquablement écrits. Une longue introduction examine les différents arguments, tels que minéralogie, refroidissement, viscosité, âges. A chaque fois, de nombreux articles sont cités, tous publiés dans des revues connues, avec une argumentation valide et à jour des derniers progrès. On en arrive à la conclusion que ces intrusions se forment rapidement, en moins d’une dizaine de milliers d’années. Jusque là, rien de bien nouveau.

C’est là qu’intervient le saut sémantique, en une petite phrase. La Genèse (1 : 9-10) rappelle que les granites se forment le Jour 1, peut être jusqu’au Jour 3 de la Semaine Biblique (les 7 jours de la Création). Sachant qu’un jour biblique équivaut à plus de 1 000 ans « vulgaires », le compte y est. Les savants ont bien démontré la création du monde selon la Bible. C’est si bien fait que l’on ne voit pas, en première lecture le saut sémantique, qui n’est d’ailleurs pas argumenté. Le reste n’est qu’histoire d’argumentations. Si les chercheurs officiels et les savants l’ont écrit, c’est que cela doit être exact. L’interprétation ultérieure n’est qu’un enrobage des faits exposés précédemment.

Le fin mot de l’histoire concerne l’origine de ces citations. C’est le service de presse de l’université du collègue canadien (University of Toronto), qui a fait soigneusement son travail. Le service a prétexté un article de synthèse dans Nature pour en faire la réclame et en a diffusé largement un résumé étendu. L’utilisation ultérieure échappe alors à tout contrôle. Le prosélytisme fait le reste.

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