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« Les vents sont contre nous » : la porte étroite de la liberté

Le 11 novembre, à Paris, l'arrivée de Vladimir Poutine (de dos) lors des commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale. BenoitTessier/ AFP

« Les vents sont contre nous » : ainsi commençait en ce début de décembre une discussion avec un ami, haut responsable français. C’était avant le retrait des troupes américaines de Syrie et de la moitié d’entre elles d’Afghanistan, suivi de la démission du général Mattis, mais ceux-ci, en cette fin d’année, n’ont fait que confirmer le retrait annoncé des États-Unis de la scène du monde et des alliances dont ils sont la clé de voûte

Que les perspectives du monde soient assez lugubres pour l’année qui s’ouvre, en tout cas pour ceux qui sont attachés à la liberté et au droit, relève du lieu commun. Encore faut-il ne pas se complaire dans cet abattement et tenter de dessiner les quelques leviers dont nous pouvons encore disposer.

Nous devons aussi appréhender avec justesse le phénomène dont il est question et qui noue les dimensions internationale et intérieure. La première est l’érosion de la sécurité du monde dont la traduction est la guerre chaude et des centaines de milliers de victimes. Les forces qui pourraient les arrêter ou les prévenir sont de plus en plus ténues.

La seconde dimension a trait aux menaces non seulement pour la liberté et les droits de l’homme, mais aussi pour leur défense et les principes qui les sous-tendent. On aurait tort de traiter des menaces militaires et stratégiques indépendamment d’une guerre idéologique que nous livrent les puissances hostiles.

Une large partie des dirigeants et des peuples peinent à articuler les éléments de cette double menace et donc à la comprendre, comme si la fracture entre l’interne et l’externe était leur horizon mental indépassable. Une variante paradoxale de cette attitude réside sans doute dans la croyance qu’on pourrait se protéger du monde, façon de perdre encore plus le contrôle sur notre destinée.

La fin des garde-fous de notre sécurité

Beaucoup se demandaient au début de l’ère Trump si le Président américain allait finalement se ranger à la doctrine républicaine classique des quarante dernières années en matière de politique étrangère, mélange d’interventionnisme et de proclamation – au moins formelle – de défense des libertés, ou s’il finirait par éliminer tous les obstacles à la voie d’un désengagement progressif qu’il avait annoncé durant sa campagne.

La réponse est sans ambiguïté la seconde branche de l’alternative, encore renforcée par un élément d’incohérence sur le seul point « interventionniste » qu’il avait mis en avant : l’Iran. Une politique de désengagement de l’accord nucléaire avec l’Iran (JCPOA) et de retour des sanctions à l’égard de Téhéran vont de pair avec un refus de traiter sérieusement la menace de déstabilisation iranienne sur le terrain. Une maxime courante voulait que, désormais, les États-Unis ne fussent nulle part à eux seuls la solution aux conflits, mais que, quasiment partout, ils en demeuraient un élément essentiel. C’est dans ce vide où nous nous trouvons.

Ce retrait américain n’est certes pas nouveau, mais il comporte aussi des aspects originaux. En effet, le refus du président Obama d’intervenir en Syrie en 2013 après les frappes chimiques sur la Ghouta et en 2016 lors du siège d’Alep, la rétorsion mesurée lors de l’invasion du Donbass et l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, et même auparavant, l’absence de réaction adéquate du président George W. Bush lors de l’attaque russe contre la Géorgie en 2008 indiquaient déjà un reflux de la volonté des États-Unis de prendre au sérieux leur rôle de « gendarme du monde ».

Leur politique en Syrie et en Afghanistan était tout sauf cohérente et certains doutaient même qu’il n’y ait jamais eu une stratégie construite. Leur politique européenne était aussi minimaliste et le « pivot vers l’Asie » de Barack Obama est resté assez symbolique. Les doutes sur la solidité de la garantie américaine s’étaient déjà exprimés à ce moment-là. De même, le refus de Washington d’adhérer au Traité de Rome sur la Cour pénale internationale a été une constante de sa politique. Mais il n’en restait pas moins que l’engagement américain au sein du système multilatéral était plein et entier, de même qu’au sein de la coalition dans le combat contre Daech.

Le renforcement des puissances déstabilisatrices

Trump fait franchir une nouvelle étape aux États-Unis dans ce qui n’est plus seulement un retrait des responsabilités, mais une entreprise de sape de l’ordre international et de ses principes qui va bien au-delà du retrait de l’Accord de Paris sur le climat et de ses guerres commerciales. La position américaine à l’ONU devient de plus en plus faible en raison des critiques du Président contre les principes mêmes de l’organisation et elle devrait s’accentuer avec le départ de Nikki Haley.

Le principe même d’une politique d’alliance a été aussi dénoncé par la Maison Blanche, ce qui renouvelle les doutes sur la garantie américaine dans le cadre de l’OTAN. Dès le début, la politique en faveur du soutien à la démocratie concrétisée par de multiples programmes d’aide aux ONG et aux médias libres dans les pays autoritaires est de plus en plus menacée, même si certains programmes directement décidés par le Congrès devraient se maintenir.

Ce retrait a deux conséquences en termes de sécurité. La première est qu’elle renforce la latitude d’action, certes déjà forte, des puissances déstabilisatrices. Il n’est point fortuit que Moscou renforce sa pression sur Kiev avec le blocage de la Mer d’Azov et la capture de marins ukrainiens, qui s’ajoutent aux soixante-dix prisonniers politiques ukrainiens, dont Oleg Sentsov, déjà illégalement détenus, mais aussi l’amassement croissant de troupes à la frontière ukrainienne.

Le président ukrainien, Petro Porochenko, le 3 décembre, saluant son armée lors d’un exercice tactique mené près de la frontière avec la Russie. Sergei Supinsky/AFP

Au Moyen-Orient, quasiment plus rien ne semble arrêter cette même Russie, ainsi que l’Iran et le régime Assad, de reprendre le contrôle entier de la Syrie – avec les crimes massifs que cela laisse augurer –, quitte à laisser au Nord une petite enclave sous contrôle turc, sans même évoquer le renforcement des positions de Daech.

Ce retrait américain constitue aussi une incitation forte pour des régimes censément alliés, tels que l’Arabie saoudite et l’Egypte, à se rapprocher de la Russie, à n’avoir plus aucune limite dans leur politique d’oppression des oppositions internes et, là aussi, à réhabiliter le régime de Damas que la Ligue arabe s’apprête à accueillir à nouveau et qui ne subira plus aucune pression pour s’engager dans un processus de transition. La réouverture annoncée par les Émirats arabes unis et Bahreïn d’une ambassade à Damas constitue aussi un signal dans ce sens. Cela renforce logiquement la menace pesant sur Israël. De manière générale, ce retrait laisse augurer à moyen terme un regain de violence sans retenue en Syrie dont les conséquences pourraient être dramatiques dans l’ensemble de la région et au-delà.

De manière générale, ce doute sur la garantie américaine peut conduire à un jeu individuel de certaines puissances, y compris en Asie, pour se protéger momentanément d’adversaires historiques au détriment d’un optimum global de sécurité que des alliances claires permettaient. Le rêve trumpien d’accords transactionnels au détriment de solidarités fondamentales devient une prophétie auto-réalisatrice avec le désengagement de Washington.

L’isolement de la France à l’ONU

La seconde conséquence est l’isolement de la France au sein du P5 – le groupe des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations unies – et des puissances démocratiques sur la scène mondiale. Traditionnellement, les trois membres permanents des pays démocratiques de ce Conseil jouaient à l’unisson lors des crises graves – avec certes des positions différentes de la France de celles des États-Unis lors de certaines résolutions sur Israël et de la seconde guerre d’Irak notamment. Avec Washington moins investie et le Royaume-Uni affaibli par la perspective du Brexit, la France peut se retrouver en première ligne en face de la Russie et de la Chine.

En dehors de ce cercle limité, quelles puissances démocratiques comptent réellement ? Pour l’heure, l’Allemagne est loin d’avoir accédé au rang de leader diplomatique mondial, voire européen. L’Inde continue de jouer un rôle d’équilibre ambigu et le Brésil, qui était sensiblement sur la même ligne, vient de tomber dans le camp populiste.

La Corée est légitimement centrée sur ses relations avec son jumeau du nord et le Japon reste obsédé par sa propre sécurité. L’Australie reste dans une position de mi-chemin, ce qu’accentue la fissuration de son consensus intérieur. Le président indonésien, malgré plusieurs appels au sein même de son propre pays suggérant de faire jouer à Djakarta un rôle plus prononcé, reste focalisé sur la scène intérieure. Il y a deux mois, dans cette même ville, lors d’une table ronde sur le rôle que pouvaient jouer dans un proche avenir les moyennes grandes démocraties, la réponse a été sans ambiguïté : manquaient et l’unité et la volonté.

Une nouvelle guerre idéologique globale ?

On n’aura rien compris à l’approfondissement de la menace qui nous guette dans les prochaines années tant qu’on continuera à la penser soit selon les termes de la géopolitique classique fondée sur des intérêts d’abord territoriaux et économiques dont l’habillage idéologique serait en quelque sorte second – en gros la doxa en vogue depuis la fin de la Guerre froide, qui apparaîtrait à cet égard comme une parenthèse –, soit en appliquant précisément une grammaire tirée de l’affrontement des deux Blocs.

Les dirigeants chinois et russe, le 30 novembre 2018, lors du G20 à Buenos Aires. Alexander Nemenov/AFP

La première erreur conduit à ne pas analyser correctement la nature de la menace posée par la Russie de Poutine notamment – mais aussi l’Iran et, pour l’instant dans une moindre mesure, la Chine – et ses objectifs véritables. Elle peut aussi, par inférence, amener certains analystes à imaginer des stratégies fondées sur des alliances et contre-alliances entre États, indépendamment de leur régime, fondées sur des intérêts et à croire en la possibilité par ce biais de parvenir à une forme d’équilibre au moins provisoire.

Logiquement, enfin, la tentative d’écarter ou de relativiser la dimension idéologique du combat que nous livrent nos adversaires et à construire des alliances d’intérêts amène à laisser de côté les populations, leurs aspirations et leurs révoltes. Elle installe, ce faisant, l’idéologie « stabilocratique » qui induit un fort penchant pour des régimes présumés stables sans percevoir leur intrinsèque instabilité.

La guerre actuelle est tout sauf froide

La seconde erreur consiste à décalquer les schémas de la Guerre froide sur l’affrontement actuel avec la Russie, période où, au demeurant, le risque nucléaire était sans doute plus grand qu’aujourd’hui. La Guerre froide était, d’une certaine façon, une rivalité entre deux Blocs, chacun essayant de préserver ou de conquérir des États pour sa cause.

Elle reposait aussi sur des alliances solides, fondées sur une perception claire des amis et des ennemis, dans le contexte aussi, dans certaines régions du monde (Vietnam, Afrique), de prolongement des soubresauts des conflits liés à la décolonisation et à ce qui était vendu ironiquement comme émancipation. Les systèmes idéologiques – communisme versus monde libre – constituaient les éléments qui rendaient visible la rupture et, du côté soviétique et chinois, des facteurs de propagande et d’enrégimentement.

La guerre actuelle est d’ailleurs tout sauf froide – pensons aux 10 400 morts du conflit en Ukraine et aux centaines de milliers de victimes de celui en Syrie, mais elle ne repose plus aussi nettement sur une opposition aussi lisible des systèmes. Elle n’est plus soutenue par une doctrine lourde, celle du communisme, mais par une idéologie plus invasive, indirecte, profonde et instrumentale. La Guerre froide opposait deux visions du monde, mais chacune entendait l’organiser et, formellement, le communisme n’imaginait pas en détruire l’ordre.

Celle que nous connaissons fait certes toujours fond sur une opposition, mais celle-ci sépare un système fondé sur la coopération et le droit et un autre qui entend mettre à bas les principes mêmes de son organisation. Le système soviétique bafouait les droits sur une grande échelle, mais faisait semblant d’y être attaché, et son programme affiché était d’ordre économique et social. Ce que la Russie actuelle promeut n’a rien à voir avec un tel projet, mais a l’éradication des droits et des libertés pour objectifs premiers.

Pour compléter la vision proposée par Francis Fukuyama en 1992 – qu’il a par la suite corrigée –, il est vrai que le capitalisme a triomphé dans le monde après la chute du Mur et n’a plus de concurrent idéologique sérieux, mais le libéralisme politique et culturel a bien toujours un ennemi – et cet ennemi marque des points.

Une entente ad hoc entre dictatures et régimes illibéraux

Ce qui se dessine devant nos yeux est une forme d’entente ad hoc, pas nécessairement durable, entre des dictatures et des régimes illibéraux, à la fois soucieux de se prémunir contre toute tentative d’empiètement sur leur politique intérieure au nom des droits et de pousser des avantages tactiques à court terme.

Le propre des dictatures est le plus souvent de ne pas avoir le long terme pour horizon et de préserver les intérêts immédiats d’un clan au pouvoir. Sans grande puissance forte capable de les contenir en partie, ils acquièrent une latitude d’action. Les ententes tactiques entre la Russie, voire l’Iran, et la Turquie, ou encore Moscou et Riyad, et désormais Le Caire, la réadmission de la Syrie d’Assad au sein de la Ligue arabe, vont dans ce sens. Le retrait des États-Unis pousse ces pays à tous les possibles retournements d’alliance.

Le 23 décembre, à Qamishli, une ville à majorité kurde du nord de la Syrie. Delil Souleiman/AFP

La mansuétude envers le projet de Nouvelles routes de la Soie poussé par la Chine – qui pourrait donner prétexte à des interventions militaires « de protection » – et le silence assourdissant sur la répression sur une grande échelle des Ouighours, comme la difficulté à combiner envers Moscou fermeté stratégique et absence de concessions dans le domaine économique, installent dans le jeu mondial des puissances qui ne raisonnent pas en fonction de la « normalité » propre aux schémas géopolitiques classiques.

Moscou et Pékin, des schémas contrastés

Moscou et Pékin offrent ici des schémas contrastés. La Russie constitue aujourd’hui la première menace systémique pour l’ordre mondial en termes d’atteintes à la sécurité et de capacité de destruction des principes de liberté et de droit. C’est une puissance essentiellement négative qui joue contre l’ordre international – y compris par ses vetos au Conseil de sécurité des Nations unies –, mais ne peut le régenter et l’organiser. Le poids diplomatique de Moscou au sein de l’organisation de New York est de fait faible. C’est aussi une puissance qui sera d’ici vingt ans, voire avant, rattrapée par la réalité de sa puissance économique en déclin accéléré.

La Chine, au contraire, joue à fond le système international et ambitionne clairement, profitant du retrait de Washington, de devenir une puissance de référence au sein du système des Nations unies. En même temps, elle affirme de plus en plus son projet idéologique de rupture avec les principes liés aux droits de l’homme au sein même d’un univers fondé sur des règles et le droit. Elle combine les éléments classiques de revendication territoriale, notamment en Mer de Chine du Sud, et de sécurisation de ses approvisionnements énergétiques et en matières premières, et une offensive idéologique.

Elle pourrait ne pas s’opposer, si cela advient, à une réunification des deux Corées, car elle considère que Séoul est déjà suffisamment dépendante de Pékin pour ne pas la craindre stratégiquement, tout en tirant de cette réunification de substantiels avantages économiques, mais elle affrontera toute tentative de s’opposer à son idéologie. La Chine rejoue devant le nettoyage ethnique, voire le génocide, des Rohingyas, en soutenant le régime birman et en refusant toute condamnation de ses crimes et de sanctions dans le cadre des Nations unies, ce que faisait Moscou devant les crimes contre l’humanité du régime Assad.

Beaucoup s’interrogent depuis longtemps sur ses objectifs réels : devenir une puissance économique dominante ayant soumis sa zone d’intérêts et gagné un accès libre à toutes les richesses du monde, ou bien s’affirmer à l’horizon 2049 – date symbolique – comme première puissance mondiale de plein exercice ? Certains signes montrent que la seconde hypothèse devient plus probable.

Les combattants de la liberté n’ont pas dit leur dernier mot

Le sujet principal aujourd’hui est d’évaluer l’effectivité potentielle des mouvements qui s’opposent à ces menaces pour notre sécurité et pour nos valeurs et sur la possibilité de surgissement de ce que j’avais ici même appelé une Internationale de la liberté.

D’abord, oui, ces tendances existent. Des mouvements de « résistance » aux États-Unis aux protestations contre les atteintes aux libertés fondamentales en Hongrie ou en Pologne, de la montée des Verts en Allemagne, qui parviennent à limiter la poussée de l’AfD, aux protestations contre le régime de Poutine en Russie, des protestations de rue au Soudan à la résilience de la révolution syrienne, des défilés contre le Brexit aux progrès, certes fragiles, de la démocratie en Arménie, en Éthiopie et en Tunisie, les contrefeux sont nombreux.

Les combattants de la liberté n’ont pas dit leur dernier mot ; les « printemps arabes » n’ont pas complètement disparu et, plus pragmatiquement, on voit les pays européens capables de jouer la carte de l’unité sur les négociations relatives au Brexit et reconduire les sanctions contre la Russie en raison de sa guerre en Ukraine. Trump ne restera pas éternellement au pouvoir et il ne saurait être exclu qu’un nouveau Président revienne sur la tendance isolationniste et de désengagement qui pointait dès avant le 9 novembre 2016. On ne saurait non plus enterrer la relation transatlantique et son Alliance.

Même Poutine ne restera pas éternellement au pouvoir et une nouvelle génération pourrait prendre en considération les intérêts de la Russie à une stratégie coopérative. L’Allemagne aussi pourrait sortir de sa torpeur stratégique à la faveur de l’absence de fiabilité américaine et l’« autonomie stratégique » européenne s’esquisser plus concrètement.

Les conditions du redressement

Mais à cette évolution favorable, il est des conditions. La première est de nommer les risques. En ne le faisant pas, les dirigeants occidentaux courent le danger que le monde devienne encore plus obscur et paradoxalement dangereux, et que toute lutte contre ces risques devienne impossible en raison des oppositions de l’opinion.

La deuxième condition subséquente est de ne pas rester au milieu du gué : les demi-arrangements – notamment avec la Russie, l’Arabie saoudite, la Chine et la Turquie – sont une stratégie de demi-habiles. Ils conduisent à perdre sur tous les tableaux : ils suscitent le mépris de nos adversaires qui se sentent autorisés à tout et la défiance de ceux qui auraient pu nous soutenir. Précisément, parce que nous sommes dans un contexte de guerre idéologique, il est primordial de nommer les termes de celle-ci. On ne peut ni disjoindre économie et sécurité, ni implicitement nier cette menace comme le faisait récemment publiquement un responsable politique, pourtant de la majorité, qui désignait, comme par réflexe, le terrorisme islamiste comme notre seul adversaire.

D’où une troisième condition : nous devons être totalement cohérents dans les valeurs que nous défendons. Nous ne pouvons, d’un côté, mettre en avant le caractère universel des droits de l’homme, et, d’un autre côté, user de circonlocutions envers des États qui les détruisent et les relativisent. C’est une question de principes et de cohérence, mais aussi de sécurité bien comprise.

Michel Barnier, le négociateur de l’UE sur le Brexit, et Donald Tusk, le président du Conseil européen, le 12 décembre 2018, à Bruxelles. Stéphanie Lecocq/AFP

Une quatrième condition, opérationnelle, est indispensable : il nous faut consolider les alliances existantes et en construire d’autres. Cela vaut d’abord au sein de l’Union européenne et de l’Europe plus globalement où il faut éviter que certaines nations fassent cavalier seul. Au-delà, nous devons construire au niveau européen les conditions d’un engagement sécuritaire plus large.

La responsabilité des intellectuels

Enfin, nous devons comprendre que les menaces internationales, sécuritaires et idéologiques, se combattent aussi chez nous. Sans revenir ici sur les stratégies de guerre de désinformation, il est avéré que le discours de dénigrement de l’Europe, des valeurs de droit et de liberté, ou encore de haine anti-migrants et les tentatives de déstabilisation des démocraties jouent dans le sens de nos ennemis qui les renforcent en sous-main.

Les frontières entre l’interne et l’externe ont sauté à nouveau et une partie des citoyens agissent comme si la politique intérieure se jouait en vase clos. C’est aussi la responsabilité des intellectuels qui n’ont pas failli de mettre en lumière la manière dont nous fragilisons sans le savoir nos démocraties – ce qui est, pour certains États, aussi un but de guerre.

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