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Maladie de Lyme : le kit pour tester sa tique, une fausse bonne idée

Des fabricants de kits vendus sur internet incitent les personnes piquées à tester le parasite pour savoir s'il est infecté par la bactérie à l'origine de la maladie de Lyme. shutterstock

La maladie de Lyme progresse partout dans l’hémisphère nord, et notamment en France. Une nouvelle étude nationale montre que son incidence, restée stable de 2009 à 2015, oscillant entre 41 et 55 cas pour 100 000 habitants, a grimpé à 84 cas pour 100 000 habitants en 2016, selon le Bulletin épidémiologique hebdomadaire publié le 19 juin par Santé Publique France.

L’inquiétude grimpe chez les citoyens avec le nombre de cas déclarés et on voit fleurir les initiatives pour mieux se prémunir contre cette maladie transmise par un petit parasite, la tique. Il existe notamment des kits, en vente sur Internet et dans d’autres pays que la France, pour tester la tique que l’on a retrouvée fichée dans sa peau et vérifier si elle est porteuse de la bactérie responsable de Lyme.

Faciles d’utilisation, accessibles pour moins de dix euros, ces tests rencontrent déjà un certain succès. On souffle aux acheteurs un raisonnement simple et convaincant : si la tique ne contient pas Borrelia burgdorferri s.l., alors ils peuvent être rassurés et dormir tranquille. Si par contre le test est positif, alors ils peuvent agir en prenant aussitôt un traitement, avant que la maladie se développe.

Mais que se passe-t-il quand on confronte ce raisonnement aux connaissances scientifiques ? On constate, malheureusement, que recourir à un tel kit est une fausse bonne idée. L’information s’avère au mieux inutile, au pire dangereuse car trompeuse.

Seulement 6 % de risque de tomber malade après une piqûre de tique infectée

Un fait, pour commencer : la probabilité de tomber malade après une piqûre de tique infectée par la bactérie responsable de Lyme est très faible. D’après des études concordantes, elle s’établirait autour de 6 % en Europe de l’Ouest. Pour réaliser cette estimation, une équipe néerlandaise a suivi le devenir de près de 2000 personnes piquées par Ixodes ricinus, la tique qui transmet Borrelia burgdorferri s.l.. Ils ont également testé la tique piqueuse en recherchant l’ADN de la bactérie par une technique très performante, la PCR quantitative. Les résultats sont clairs : la probabilité d’être infecté si la tique piqueuse est elle-même infectée s’établit à 6,7 %.

Cette probabilité diminue fortement si la tique est enlevée moins de 24 heures après la piqûre. D’autre part, et c’est peut être le résultat le plus surprenant de cette étude, la probabilité de tomber malade si on a été piqué par une tique non infestée… n’est pas nulle !. Elle est même plutôt élevée, atteignant quand même 1,5 %. Avant cette étude, d’autres travaux basés sur le suivi de quelques centaines de personnes en Suisse et en Suède avaient conduit à des résultats très similaires. 6,6 % et 6 % des sujets montraient des signes d’infection après piqûre par une tique infectée, et 2,4 % et 2 % après piqûre par une tique… non infectée.

Il paraît étrange de tomber malade de Lyme alors que la tique piqueuse est indemne de l’agent infectieux ! Mais il existe une explication plausible. Le fait est que souvent on est piqué par plusieurs tiques au même moment. Or certaines sont minuscules et très difficiles à repérer sans un examen minutieux qui comprendrait le dos, la tête (y compris dans les cheveux) et même une vérification entre les doigts de pieds. Il est ainsi tout à fait possible de retirer (et faire tester) une tique indemne, tout en laissant en place une tique infectée (et mieux cachée) qui pourra au final nous transmettre la maladie.

Les tiques transmettent d’autres maladies

Un deuxième fait, établi par les études scientifiques : les tiques ne transmettent pas que la maladie de Lyme. En Europe, six autres maladies bactériennes et au moins dix maladies virales sont transmises par les tiques. Ces maladies semblent plus rares en France, notamment les maladies virales. Mais on ne connaît pas leur impact réel car il n’y a pas encore de tests diagnostiques utilisables en routine pour toutes.

D’autre part, les symptômes de ces maladies sont généralement proches de ceux de la maladie de Lyme. Il s’agit de syndromes grippaux, d’atteintes articulaires et neurologiques. Seule la présence de l’érythème migrant, un gros bouton rouge s’élargissant en forme d’anneau et se déplaçant sur la peau, est spécifique de Lyme.

Si on se fie aux études menées aux Etats-Unis, ces autres maladies pourraient être collectivement en cause chez un cinquième des malades suite à une piqûre de tique. Cependant, la transposition à la France est délicate car les espèces bactériennes ou virales présentes des deux côtés de l’Atlantique ne sont pas les mêmes.

Pour en revenir à la question des kits en vente sur internet, une chose est sûre. Si une personne teste sa tique pour la présence de Borrelia avec un tel kit, elle n’a aucune chance de détecter les autres agents infectieux. Elle sera alors rassurée et dans certains cas faussement rassurée, donc moins à l’affût de ses symptômes et probablement moins encline à consulter son médecin. Pourtant, certaines de ces autres maladies peuvent, comme la maladie de Lyme, devenir chroniques et handicapantes si elles ne sont pas soignées précocement.

Les risques d’une cure d’antibiotique en cas de résultat positif

Par ailleurs, la suite à donner si le test indique que la tique est positive à Lyme n’est pas claire. Quelle attitude adopter dans ce cas ? Il semblerait naturel alors, pour se prémunir contre des complications, de faire une cure préventive d’antibiotiques. Cette attitude, à première vue raisonnable, mènerait pourtant mécaniquement à imposer une cure d’antibiotique inutile à plus de 90 % des personnes piquées par une tique infectée - au vu des probabilités citées plus haut. Cela pourrait représenter plusieurs centaines de milliers de personnes en France chaque année. On estime en effet que 4 % des Français âgés de 15 à 75 ans se font piquer au moins une fois par an.

Or les cures d’antibiotiques ont des conséquences négatives sur notre santé. Elles déstabilisent notamment notre flore bactérienne (notre microbiome), augmentant le risque de développer par la suite une infection difficile à soigner. L’ensemble de la flore est modifiée, que celle-ci soit intestinale, pulmonaire ou cutanée. Globalement, ces cures contribuent au développement de la résistance des bactéries aux antibiotiques, ce qui représente un gros souci de santé publique.

Pour ces deux raisons, la cure d’antibiotique préventive systématique (ou antibioprophylaxie) après une piqûre de tique (infectée ou non) est très fortement déconseillée par les autorités sanitaires des pays d’Europe et d’Amérique.

Notons toutefois qu’elle peut etre envisagée au cas par cas pour certaines personnes particulièrement à risque (jeunes enfants, femmes enceintes, personnes immunodéprimées) bien que cette recommandation reste encore sujette à discussion.

Un kit qui, le plus souvent, inquiète inutilement ou rassure à tort

Sur le fond, tester sa tique donne une très mauvaise indication du risque de tomber malade de Lyme. En raison du faible risque de contamination avec une tique infectée, ce test inquiète inutilement la majorité des personnes auxquelles le kit indique un résultat positif. Pour d’autres malchanceux, ce test les rassure à tort et peut les faire passer à coté d’une maladie de Lyme bien réelle (ou d’une autre maladie transmise par les tiques).

Si on se penche, maintenant, sur le risque de tomber malade après une piqûre de tique, que celle-ci soit infectée ou non, on s’aperçoit qu’il est assez faible, inférieur à 6 %.

On ne sait pas exactement pourquoi, mais on constate que la plupart des personnes infectées par Borrelia suite à une piqûre de tique ne développent pas de maladie. A cela deux explications possibles : au moment de la piqûre, leur système immunitaire a contré l’infection ; ou bien leurs caractéristiques génétiques les rendent naturellement résistants à cette bactérie. Cette variabilité selon les individus n’est d’ailleurs pas une spécificité de la maladie de Lyme ; elle est observée pour la plupart des maladies infectieuses.

Ainsi, plus de 90 % des personnes ne tombent pas malades après une piqûre de tique infectée par Borrelia - en tout cas dans les trois mois qui suivent, période correspondant à la surveillance réalisée dans les études publiées. On observe cependant chez certaines personnes des symptômes différés dans le temps. Le sujet reste controversé d’un point de vue scientifique et nécessite des investigations supplémentaires.

S’inspecter de la tête aux pieds le soir avant de se coucher

Plutôt que d’acheter un kit pour tester les tiques, que faire de véritablement utile après une piqûre de tique ?

La première précaution à prendre est de retirer sa tique rapidement. En effet, les nymphes infectées par les espèces européennes de Borrelia burgdorferi sont capables de transmettre ces pathogènes dans les 12 heures qui suivent la piqûre.

Néanmoins, si la tique est enlevée moins de 24 heures après la piqûre, le risque de tomber malade diminue grandement ; il est donc très important, pendant la saison des tiques, de s’inspecter de la tête aux pieds le soir avant de se coucher, par exemple en prenant une douche. Les zones corporelles les plus à risque pour l’homme sont maintenant bien connues. Leurs dix endroits préférés, par exemple derrière les oreilles ou dans le nombril, sont énumérés ci-dessous.

Ensuite, il faut rester à l’écoute d’éventuels symptômes pendant 3 à 6 semaines. Le plus caractéristique est l’apparition d’un érythème migrant à l’emplacement de la piqûre, qui signe la maladie de Lyme. Moins caractéristiques, un accès fiévreux, des douleurs diffuses, le gonflement d’une articulation, des sensations de fourmillement voire une paralyse faciale doivent faire penser à une possible maladie transmise par les tiques et amener à consulter son médecin.

La difficulté est que ces symptômes ne surviennent pas le jour de la piqûre, ni même le lendemain. Ils peuvent apparaître jusqu’à six semaines après. Dans ce laps de temps, il peut se passer beaucoup de choses et nombre de personnes finissent par en oublier leur piqûre. Quand survient un gros coup de fatigue ou des douleurs articulaires, elles ne font pas le lien.

Dans plusieurs pays d’Europe, par exemple en France, en Suisse, aux Pays-Bas, les autorités sanitaires proposent une application pour smartphone gratuite. A intervalles réguliers, celle-ci rappelle aux utilisateurs de surveiller la survenue de symptômes associés aux piqûres de tiques. Une façon simple de mettre toutes les chances de son côté en ne laissant pas passer sans réagir les premières étapes de ces maladies. Car elles se soignent d’autant mieux qu’on les prend précocement.

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