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Maladies infectieuses : et vous, vous lavez-vous les mains correctement ?

Pour être efficace, le lavage des mains doit se faire à l'eau et au savon, et durer de 20 à 30 secondes, soit le temps de chanter « Joyeux anniversaire » deux fois. Shutterstock

Tous les ans, les maladies infectieuses sont la cause de centaines de milliers de décès, dont un grand nombre pourraient être évités en se lavant les mains. À condition de faire les bons gestes.


Quand j’étais en classe de CM1, dans le cadre d’un travail de sciences, j’ai testé différents savons pour savoir lesquels étaient les plus efficaces pour se laver les mains.

Presque 20 ans plus tard, la doctorante en microbiologie que je suis devenue ne peut s’empêcher de voir l’écolière que j’étais comme une piètre amatrice.

Mon expérience ne posait pas les bonnes questions. Au lieu de me demander quelle marque de savon était la plus « efficace » et de classer toutes les bactéries dans la vaste catégorie des « germes », j’aurais plutôt dû chercher un moyen d’empêcher la prolifération des micro-organismes responsables de maladies spécifiques comme la grippe, la gastro-entérite ou la bronchite.

C’est un défi difficile à relever. Il est en effet impossible de distinguer à l’œil nu les « bonnes » bactéries de celles qui causent des maladies. Par ailleurs, certains agents pathogènes tels que les virus ne peuvent pas être détectés dans de simples boîtes de Petri, les contenants cylindriques transparents si courants dans les laboratoires, qui servent à cultiver d'autres microbes.

Mais la question de savoir comment éviter la prolifération des agents pathogènes ne se pose pas uniquement pour les apprentis microbiologistes. Elle concerne toute la population.

Le savon accentue les propriétés glissantes de l'épiderme

Pouvons-nous vraiment protéger nos mains des germes ? Pour y parvenir, il existe deux stratégies principales.

La première consiste à diminuer la biomasse totale de microbes, c’est-à-dire le nombre de bactéries, virus et autres micro-organismes. Pour ce faire, on se savonne les mains puis on les rince à l’eau. La composition chimique du savon élimine les micro-organismes présents sur l’épiderme en accentuant les propriétés glissantes de ce dernier.

Des études ont montré que le fait de se laver efficacement au savon et à l’eau réduit de manière significative le nombre de bactéries susceptibles d’entraîner des diarrhées.

La seconde stratégie consiste à tuer les bactéries grâce à des produits contenant des agents antibactériens : solutions alcoolisées, chlore, peroxydes, chlorhexidine ou triclosan.

Des recherches universitaires ont montré que les savons antibactériens éliminent plus efficacement certaines bactéries sur des mains sales que les savons sans agents antibactériens. Mais il y a un problème…

Les inconvénients des gels antibactériens

Certaines cellules bactériennes présentes sur nos mains peuvent être porteuses de gènes qui leur permettent d’être résistantes à un agent antibactérien donné. En d’autres termes, une fois certaines bactéries tuées par l’agent antibactérien, demeurent sur les mains les souches résistantes, qui peuvent alors proliférer.

De plus, les gènes responsables de la résistance desdites bactéries peuvent se transmettre à d’autres bactéries, entraînant l'apparition de nouvelles souches résistantes.

Par ailleurs, l’utilisation à long terme de certains gels antibactériens peut être dangereuse pour la santé.

Par exemple, en testant sur des animaux le triclosan, agent antibactérien que l’on trouvait à une époque dans les savons, dentifrices et déodorants, on s’est aperçu qu’il altérait le fonctionnement des hormones dans l’organisme. Les autorités américaines chargées du contrôle des maladies, les Centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC - Centers for Disease Control and Prevention), ont interdit l’utilisation sans ordonnance de produits nettoyants antiseptiques contenant du triclosan et de nombreuses autres substances antibactériennes actives (ndlr : l'Union Européenne a également pris des mesures pour encadrer son utilisation, et l'an dernier plus de 200 scientifiques ont lancé un appel pour l'interdire).

Sachant cela, il vaut peut-être mieux se cantonner à la bonne vieille formule eau + savon.

Quatre règles de bonnes pratiques

Comment bien se laver les mains selon le Ministère des Solidarités et de la Santé français. Ministère des Solidarités et de la Santé / DR

Voici les recommandations des Centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies :

  • se laver les mains avec de l’eau propre ;

  • appliquer du savon dans chaque recoin et se frotter les mains pendant 20 à 30 secondes (le temps nécessaire pour chanter « Joyeux anniversaire » deux fois) ;

  • bien se rincer les mains avec de l’eau propre ;

  • les sécher avec une serviette en papier propre ou avec un séchoir électrique.

J’ai été choquée de lire une étude réalisée en Corée du Sud, publiée en 2007, dans laquelle 93,2 % des 2 800 personnes interrogées disaient ne pas se laver les mains après avoir toussé ou éternué. Une autre étude récente conduite auprès de 3 749 étudiants sur un campus américain a montré qu’ils ne se lavaient les mains que six secondes en moyenne !

Si vous n’avez ni eau ni savon à disposition, il est recommandé d’utiliser un gel désinfectant à base d’alcool contenant au moins 60 % d’éthanol. Les alcools couvrent un large spectre d’activités antimicrobiennes et sont plus efficaces que d’autres produits antibactériens.

Cependant, il est possible que les gels désinfectants à base d’alcool ne détruisent pas certains germes.

Comment bien se laver les mains selon les centres pour le contrôle et la prévention des maladies américains (vidéo en anglais).

Tous les microbes ne sont pas indésirables

La présence de certaines bactéries n’est pas forcément une mauvaise chose.

Dans le laboratoire où je prépare ma thèse, nous nous efforçons de comprendre les interactions complexes entre animaux hôtes et bactéries. Je me dois de mentionner que les bactéries qui vivent sur notre épiderme ou à l’intérieur de notre organisme nous sont essentielles, notamment parce qu’elles contribuent à nous protéger des agents pathogènes.


Read more: Les bactéries, nos alliées pour vieillir beau ?


Nous vivons entourés de microbes : des centaines de milliards de bactéries peuplent notre épiderme, nos intestins et nos divers orifices. Avec les levures et les virus, elles forment ce qu’on appelle le microbiote. Une multitude de recherches passionnantes suggèrent que ce microbiote est primordial pour la biologie de leur hôte.

Il peut nous protéger des germes en y habituant notre système immunitaire et grâce au phénomène de colonisation, qui permet de bloquer le développement des agents pathogènes.

D’autres recherches sont nécessaires pour espérer comprendre les interactions complexes entre les ensembles microbiens et les cellules hôtes. Mais les travaux existants montrent déjà qu’une population variée et équilibrée de microbes est précieuse pour notre santé.

Une mauvaise alimentation, le manque de sommeil, le stress et la consommation d’antibiotiques sont autant de facteurs susceptibles de perturber notre microbiote, ce qui entraîne un risque accru de maladies. D’ailleurs, on s’aperçoit actuellement qu’il contribue activement à empêcher les maladies mais parfois aussi à les favoriser, selon l’état de nos communautés microbiennes.

Alors, que faut-il retenir ?

Il ne fait aucun doute que se laver les mains au savon liquide et à l’eau permet de limiter la prolifération de micro-organismes infectieux, y compris ceux qui sont résistants aux agents antimicrobiens.

Lorsque vous ne pouvez pas vous laver les mains après avoir touché des surfaces douteuses, utilisez un gel désinfectant à base d’alcool. Évitez de vous toucher la bouche, le nez et les yeux.

Enfin, entretenez un microbiote sain en limitant le stress, en dormant suffisamment et en « fertilisant » vos microbes intestinaux grâce à une alimentation riche en végétaux divers et variés. Le monde n'est pas seulement petit, il est aussi sale.

Traduit de l’anglais par Typhaine Lecoq-Thual pour Fast for Word.

This article was originally published in English

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