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Managers, révisez la leçon de leadership de Driss dans « Intouchables » !

Omar Sy et François Cluzet dans Intouchables.

C’est l’histoire d’un homme riche, cultivé et tétraplégique qui n’aimait pas qu’on le regarde comme un handicapé. C’est l’histoire d’un homme au chômage, de milieu modeste, et qui va se retrouver presque malgré lui « assistant de vie » du premier. Berlioz, le compositeur, le premier l’écoute, le second y habite : c’est son quartier.

Driss (Omar Sy) va aider Philippe (François Cluzet) à se libérer de ses contraintes, à avancer malgré le fauteuil roulant, à envisager sa vie de manière plus positive pour se (re)mettre à faire des choses qu’il ne faisait plus. Inspiré de Second souffle, le livre autobiographique de Philippe Pozzo di Borgo, le film Intouchables raconte la rencontre de deux personnes que tout oppose, mais qui vont vivre une relation hors du commun.

Et si le deuxième plus gros succès de l’histoire du cinéma français, avec près de 20 millions d’entrées, poursuivait son chemin pour inspirer les managers ? Et si nous retournions la caméra pour envisager les choses autrement ? Et si nous considérions Driss comme le leader, le manager d’un collaborateur, certes tétraplégique, mais qui devra avancer quand même ?

Histoire de faire une autre lecture : celle d’une personne inspirante, lumineuse, éclairant la vie d’une autre personne qui va se mettre en mouvement. Que fait-il de si particulier pour que « l’autre » se mette « en mouvement », pour qu’il accepte ou décide d’être malgré tout plus actif, vivant et positif ? Y aurait-il un « Driss effect » ?

D’abord une question de différences…

La scène du recrutement, au début du film, va nous renseigner sur un des ingrédients souvent essentiels d’une relation professionnelle, qui produit des effets inattendus et au-delà des espérances : cette fameuse diversité. Dans cette scène, on assiste à un défilé de candidats aux réponses attendues, convenues, molles, voire vides.

On rit en regardant ces postulants « propres sur eux », avec tous les diplômes requis. Mais on sent bien qu’ils ne feront pas l’affaire parce qu’ils sont faux, sans vie, sans authenticité, sans vérité. Si Philippe se met à nouveau « en marche », c’est probablement d’abord parce qu’il a choisi quelqu’un pour le questionner, l’interroger, l’interloquer, le surprendre, le déstabiliser, même.

Ce sera Driss, un individu très différent de lui – pas uniquement par sa couleur, ses origines ou son look, mais aussi et surtout par ses manières de penser, d’envisager les choses ou d’agir. L’un est calme, posé, cérébral, l’autre est énergique, impatient, physique. Ce mélange détonant des attitudes, des comportements, cette mixité de la pensée, des manières de faire, va devenir un moteur. C’est parce qu’ils sont différents qu’il se passe quelque chose entre eux et quelque chose de bon, de bien.

… mais surtout d’attitude

danse.

La logique, la capacité d’analyse, la vision stratégique sont des qualités importantes pour un manager. Évidemment, un leader devra savoir organiser, réfléchir. Bref, le fond est essentiel. Mais que dire des qualités émotionnelles, humaines de ces meneurs d’hommes ? Driss y apporte une réponse franche, nette et sans équivoque.

Un manager est avant tout un être humain qui vit, incarne ce qu’il pense, ce qu’il dit. Quand il propose à Philippe de vivre moins sérieusement, de s’amuser, il se met lui-même à danser à la fin de la fête d’anniversaire. Cette scène devenue mythique, où l’on voit Omar Sy se déhancher sur Earth, Wind and Fire, exprime à sa manière les bienfaits d’un management enthousiaste.

Tous les convives ont envie de faire la même chose, chacun se lève et va suivre, imiter ce manager qui « mouille la chemise » sans retenue. On pourra ici parler aussi de management incarné, où le corps est en parfaite harmonie avec les mots, le discours… C’est vrai que « ça sonne plus juste » et que c’est plus entraînant !

Quand le manager libère le managé

La forme peut prendre aussi un aspect plaisant, joyeux, rieur, même. Qui a dit qu’un manager devait être terne, sinistre, voire malheureux ? Regardez à nouveau Driss : Philippe est lourdement handicapé, dans une situation on ne peut plus désolante. Et pourtant Driss sourit, raconte des histoires drôles, se fait plaisir ouvertement.

De nombreuses scènes du film montrent des moments suspendus où la rigolade domine : lors d’une sortie en fauteuil dans la neige ou tard dans la nuit dans une brasserie parisienne. Allez, messieurs les managers, l’humour, le rire, le sourire et la bonne humeur sont de rigueur. « C’est la crise, le moment est grave, souriez ! » Démentez cette statistique effroyable selon laquelle la majorité des cadres qui quittent leur entreprise le font « à cause » de leur relation avec leur manager direct.

Quoi de mieux que la scène de fin du film pour illustrer ce propos ? Cette scène dans laquelle Driss laisse Philippe seul à la table d’un grand restaurant pour « affronter » seul son rendez-vous galant. Car oui, même si le manager est positif, vivant, rieur, enthousiaste, il n’en reste pas moins un manager : celui qui va s’éclipser, laisser s’exprimer son collaborateur, après l’avoir mis dans les meilleures conditions de préparation… Et en définitive, c’est le collaborateur qui fait, qui agit, qui gagne, non ?


Ce texte est adapté d’un plus long article coécrit par Dominique-Anne Michel, Benoît Aubert et Stéphane Viglino, et publié sous le titre « 6 leçons pour manager tirées du 7e art » dans la revue l’Expansion en juillet/août 2016.

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