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Dessin illustrant la sonde Parker aux abords du Soleil. NASA/Johns Hopkins APL/Steve Gribben, CC BY-SA

Mettre à nu les secrets du soleil avec la sonde « Parker Solar Probe »

Parker Solar Probe, la sonde spatiale chargée de percer les mystères du soleil, a déjà effectué trois des 24 passages planifiés autour de notre étoile. Icare lui-même s’y était brûlé les ailes ! Parker Solar Probe nous fournit des observations inédites, même si de nombreuses questions restent encore sans réponses.

Parker Solar Probe est une sonde américaine qui a décollé en août 2018. Jusqu’en 2025, elle va effectuer plusieurs orbites autour du soleil, en s’approchant toujours plus près et toujours plus vite. À chaque passage au plus près du soleil, la sonde se trouve à l’intérieur de la couronne solaire, ce halo qui entoure le soleil et que l’on peut apercevoir lors d’une éclipse. En 2025, la sonde passera ainsi à 6,2 millions de kilomètres de notre étoile, là où aucun engin construit par l’homme ne s’est jamais aventuré. Sa vitesse sera alors de 700 000 km/h – soit l’engin le plus rapide jamais envoyé dans l’espace ! – afin de pouvoir s’extraire de l’attraction gravitationnelle du soleil et ne pas tomber dedans.

Parker Solar Probe, la sonde qui doit s’approcher le plus près possible du soleil (Le Monde).

Pourquoi prendre tant de risques ? Car le soleil est entouré de mystères scientifiques jusqu’ici non résolus. Si notre étoile est assez quelconque d’un point de vue stellaire, elle révèle plusieurs particularités quand on l’observe bien. À commencer par l’origine du vent solaire lent et le réchauffement de la couronne solaire – les deux objectifs principaux de la mission.

Le réchauffement de la couronne solaire

La couronne solaire est en quelque sorte l’atmosphère du soleil : elle s’étend à des millions de kilomètres au-dessus de sa surface. Ce que nous n’arrivons pas à expliquer aujourd’hui c’est la différence de température entre les deux : la surface fait entre 5 000 et 6 000 degrés Kelvin, la couronne, elle, peut atteindre la température extraordinaire d’un million de degrés.

Si on se fie aux lois classiques de la thermodynamique, la température devrait pourtant diminuer au fur et à mesure qu’on s’éloigne du soleil, comme lorsqu’on s’écarte d’une casserole d’eau bouillante, ce qui n’est clairement pas le cas ! C’est donc pour tenter de comprendre ce phénomène que Parker Solar Probe va s’aventurer jusque dans la couronne solaire, pour prendre de mesures in situ.

La Couronne solaire est une sorte d’atmosphère entourant le soleil. NASA/SDO, CC BY

Les vents solaires, à l’assaut de l’espace

Le deuxième grand objectif de la mission est l’étude du vent solaire. Théorisé par Eugene Parker, qui a donné son nom à la mission, le vent solaire est un flot de particules électriquement chargées – des électrons, des protons, de l’hydrogène, de l’hélium.

Il s’en dégage du soleil plusieurs tonnes chaque seconde, à des vitesses phénoménales, et dans toutes les directions. Toutes les planètes du système solaire sont ainsi bombardées en permanence par ces particules. Heureusement, sur Terre, nous avons notre champ magnétique qui nous protège comme un parapluie – parapluie légèrement troué aux pôles où ces particules entrent en contact avec notre atmosphère pour donner de magnifiques aurores boréales ou australes.

Ce qui est surprenant, c’est qu’il existe en réalité deux vents solaires : l’un est rapide – 700 km/s ! – et provient des pôles du soleil, l’autre est plus « lent » – 400 km/s quand même – et il provient plutôt des zones équatoriales du soleil, même si son origine est assez mal comprise.

Une météo de l’espace liée aux cycles du soleil

Étudier ces deux mystères nous permettrait également d’en savoir plus sur les cycles du soleil, sur ses « sautes d’humeur » et les conséquences que cela peut avoir sur la Terre. En effet, notre étoile peut être du genre colérique… Et certaines « colères » du soleil sont plus importantes que d’autres : on les appelle EMC pour éjection de masse coronale. Lors de ces EMC, d’énormes quantités de particules sont relâchées dans l’espace.

Lorsque ces EMC arrivent dans l’environnement terrestre, cela n’est pas sans danger sur nos installations électriques et nos réseaux de communication. En 1989, une EMC a frappé la Terre avec pour conséquence de faire s’écrouler le réseau électrique québécois pendant plusieurs heures. Pire encore, il y a plus de 150 ans, une tempête solaire d’ampleur inégalée s’est traduite par des aurores polaires jusque dans les Antilles mais aussi par des perturbations fortes sur le télégraphe, moyen de télécommunication de l’époque.

Mais un tel événement aujourd’hui n’aurait pas les mêmes implications. Panne de communications radio, mise hors service des satellites, panne de signal GPS, perturbations du transport ferroviaire… Selon une étude britannique publiée en 2017 par la revue Risk Analysis, une tempête solaire comme celle de 1859 provoquerait aujourd’hui des centaines de milliards de dollars de dégâts. Autant dire que l’idée de pouvoir prévoir les événements solaires et de développer cette nouvelle discipline qu’on appelle la météorologie de l’espace est un enjeu de taille ! Mais nous en sommes encore très loin.

Premières découvertes

Dans l’immédiat, Parker Solar Probe nous apporte déjà un lot important de données grâce à ses trois premières orbites autour du soleil. Derrière son bouclier thermique de 11 cm d’épaisseur, les instruments tiennent le coup. Un des 4 instruments intègre une contribution française (seule contribution européenne à la sonde !)

Quatre articles ont ainsi été publiés début décembre 2019 dans la revue Nature. Ces articles n’apportent pas encore de réponse aux grandes questions de la mission mais nous avons clairement observé des phénomènes inattendus.

Les chercheurs ont notamment découvert que le vent solaire est fortement perturbé par de petits jets de plasma supersoniques. Cela signifie que la diffusion de particules n’est pas continue, elle se fait par à-coups. Ces accélérations subites et très localisées de matière pourraient impacter le mécanisme de formation du vent solaire et du chauffage de la couronne.

Par ailleurs, les mesures de Parker Solar Probe montrent que localement et transitoirement (de quelques secondes à quelques minutes) les lignes de champ magnétique peuvent s’inverser de manière très brutale et peuvent se courber au point de pointer en direction du soleil.

Tout cela est vraiment étonnant mais nous sommes encore dans l’observation. Nous avons besoin de plus de données pour pouvoir mettre au point des modélisations nous permettant d’expliquer les mystères du soleil.

Solar Orbiter en renfort

D’ailleurs, Parker Solar Probe recevra bientôt le renfort de Solar Orbiter, une mission de l’ESA, qui décollera le 6 février 2020 depuis Cap Canaveral. La sonde emportera à son bord une dizaine d’instruments de mesure (contre 4 pour Parker Solar Probe), le CNES contribue à 6 des 10 instruments.

Les deux missions sont très complémentaires. Solar Orbiter s’approchera moins près du soleil que Parker Solar Probe, à « seulement » 40 millions de kilomètres. Mais cela lui permettra de pouvoir regarder le soleil de face et de pouvoir l’observer de façon inédite, avec des images qui auront une résolution de 200 kilomètres à la surface du soleil. Du jamais vu ! Par ailleurs, Solar Orbiter utilisera l’attraction gravitationnelle de Venus pour sortir du plan de l’écliptique et observer les pôles du soleil. Autant dire que le soleil n’a pas fini de dévoiler ses mystères !

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