Menu Close
Port de Larrau, dans les Pyrénées béarnaises. Bernard Blanc, Flickr, CC BY-NC-SA

Mieux comprendre le potentiel géothermique des Pyrénées grâce à l’imagerie sismique et au numérique

Nombreuses sont les énergies renouvelables impactées par l’intermittence, à la merci de la météo avec un ensoleillement, des vents ou des courants variables. Mais ce n’est pas toujours le cas, comme en témoigne la géothermie, qui profite de l’élévation de température rencontrée dans le sous-sol, stable et permanente. La chaleur du sous-sol peut être utilisée directement pour chauffer des serres ou des piscines, dans des réseaux de chaleur pour le chauffage urbain, ou indirectement, pour produire de l’électricité.

En France, le bassin de Paris, le bassin d’Aquitaine, le Massif central et les bassins Rhénan ou du Jura sont considérés comme des zones favorables aux ressources géothermiques. De nombreux projets de géothermie profonde, permettant de développer un réseau de chaleur ou destinés à un usage industriel, ont déjà été développés, principalement en région parisienne et en Aquitaine.


Read more: Il existe plusieurs types de géothermie – comment marchent-ils, et quels sont les risques ?


Afin d’identifier les zones les plus propices au développement d’une centrale géothermique, il est nécessaire de connaître au mieux les couches géologiques du sous-sol, leur géométrie et leurs propriétés mécaniques et pétrophysiques. Pour cela, on fait appel à l’imagerie sismique.

Avec notre projet PIXIL, nous cherchons à mieux comprendre et promouvoir l’énergie géothermique dans la région transfrontalière pyrénéenne – bien que faisant partie de l’Aquitaine, cette zone est encore très peu exploitée pour la géothermie.

Géophysiciens et mathématiciens, nous développons notamment de nouvelles techniques d’imagerie pour caractériser le sous-sol – et notamment, comme nous allons le voir, en utilisant les ondes de surface.

L’imagerie sismique, l’outil traditionnel d’exploration du sous-sol

Développée depuis des décennies pour l’exploration et la production des énergies fossiles, elle est basée sur la génération de vibrations dans le sous-sol, qui sont diffractées suivant les propriétés du sous-sol (technique proche de l’échographie médicale par exemple). Cette technique permet d’obtenir des images en trois dimensions du sous-sol ainsi qu’une évaluation des propriétés mécaniques et pétrophysiques des différentes couches géologiques.

En fonction du contexte géologique et de la nature du projet géothermique, ces données peuvent être utilisées pour construire un modèle « thermo-hydromécanique » du sous-sol permettant d’optimiser le rendement des centrales géothermiques, mais également d’améliorer la prise en compte de l’aléa sismique et la gestion du risque associé à l’exploitation de cette ressource. Principalement implantées à proximité des zones urbanisées, les centrales géothermiques doivent être gérées et mises en œuvre en prévenant tout risque de sismicité anormale. Une connaissance approfondie du sous-sol au travers d’un modèle thermohydromécanique de haute qualité est une contribution importante pour l’essor de cette technologie.

Principe de réflexion des ondes sismiques pour étudier le sous-sol. Svtsvt/Wikipedia, CC BY-SA

L’imagerie sismique est basée sur l’exploitation des réflexions sismiques qui se produisent pour chaque variation des propriétés du sous-sol : quand on passe par exemple d’une roche à une autre, la propagation des ondes sismiques varie et une partie de ces ondes sont réfléchies vers la surface. C’est en détectant ces réflexions que l’on commence à construire un modèle de la structure du sous-sol.

L’approche classique fait appel à deux étapes distinctes. La première étape est dite de « tomographie » : à partir du temps d’arrivée de ces ondes réfléchies, on peut déduire leur vitesse de propagation dans le sous-sol et construire un « modèle de vitesse ». C’est un modèle 3D du sous-sol indiquant à quelle vitesse se propagent les ondes en tout point.

Une carte de vitesse de propagation d’onde dans le sous-sol. RealTimeSeismic, Hélioparc, Pau

La vitesse de propagation étant une caractéristique physique propre d’un type de roche et du fluide qui la compose, on peut alors déterminer les différentes couches du sous-sol. Cependant, le modèle obtenu est « lisse », et les interfaces entre les couches ne sont pas marquées. C’est pour cela qu’on doit passer par une deuxième étape, dite de « migration », qui permet de positionner plus précisément ces interfaces, toujours à partir des signaux provenant des ondes réfléchies.

Malheureusement, lorsque la structure géologique du sous-sol est très complexe, l’imagerie classique qui utilise tomographie et migration est mise en défaut. C’est le cas en particulier lorsque les variations de vitesse entre les couches sont telles que les ondes sont fortement réfléchies à une interface entre deux couches. Dans une telle configuration, les ondes ne peuvent pas pénétrer les zones inférieures du sous-sol et n’apportent donc aucune information sur ces zones. C’est également le cas lorsque la topographie (la forme de la surface) est très accidentée, comme dans les zones montagneuses par exemple. Les ondes de surface sont alors réfléchies de nombreuses fois par les irrégularités de la surface, ce qui crée un bruit masquant les réflexions venant du sous-sol, que nous recherchons réellement.

Associer imagerie sismique et méthodes mathématiques

Depuis plus de 20 ans, les géophysiciens développent la « technique d’inversion dite en champ total », qui permet de tirer parti non seulement des temps d’arrivée des ondes réfléchies, mais également de leur intensité, qui est l’une des méthodes de pointe en imagerie géophysique.


Read more: Pourquoi Sherlock Holmes n’aurait pas pu vivre dans les années 60


L’idée sous-jacente à la méthode d’inversion est très générale : faire des comparaisons quantitatives entre les observations (données) et les résultats obtenus via la modélisation dans le cadre d’un schéma numérique itératif, afin de minimiser la différence entre les observations et les simulations. Les applications de la technique d’inversion dépassent largement la géophysique. Dans ce domaine, elles vont des études de laboratoire aux explorations sur le terrain, de la recherche de combustibles fossiles aux relevés géothermiques, entre autres.

Dans la région des Pyrénées, ces techniques d’inversions, couplées à l’imagerie sismique plus traditionnelle, permettent de construire des images précises du sous-sol.

De plus, l’inversion dite « en champ total » est l’une des rares méthodes qui prennent en considération les amplitudes des ondes, ce qui est un élément clé pour produire des résultats quantitatifs avec une résolution suffisante pour sonder les propriétés souterraines telles que la densité, la porosité et les caractéristiques des fluides piégés dans les roches, en plus des vitesses de propagation des ondes.

Exploiter les informations contenues dans les ondes de surface

Un autre avantage de cette méthode est sa généralisation possible à tout type d’onde sismique, et en particulier les « ondes de surface ». Comme leur nom l’indique, ces ondes se propagent à la surface.. Elles fournissent des informations très importantes pour les applications de géothermie peu profonde où il est nécessaire d’acquérir une connaissance fiable des structures souterraines dans une profondeur de plusieurs dizaines à cent mètres.

Des ondes de surface sur de l’eau : elles ne mettent pas en mouvement l’ensemble du volume d’eau. Roger McLassus/Wikipedia

Bien que les ondes de surface soient utiles dans ce cas par exemple, elles sont traditionnellement considérées comme du bruit par rapport aux ondes de volume. C’est le cas par exemple en recherche pétrolière, qui s’intéresse aux structures plus profondes et où on s’affranchit des ondes de surface par filtrage.

Dans le contexte géothermique abordé dans le cadre du projet PIXIL, nous développons des méthodes pour extraire au mieux les informations de ces ondes de surface. Elles pourraient notamment permettre de mieux comprendre les propriétés de résistance mécanique du sous-sol peu profond et ainsi de déterminer les zones favorables à la géothermie peu profonde et à la création de réseaux de chaleur. Dans un second temps, nous espérons que l’amélioration de la prise en compte des ondes de surface nous permettra de proposer des processus de filtrage plus efficaces pour l’imagerie en profondeur.


Cet article a été écrit avec l’aide de Jean-Luc Boelle et Yohan Agullo (RealTimeSeismic) ainsi que Emmanuelle Robins et Nicolas Gonthier (Pôle Avenia).

Want to write?

Write an article and join a growing community of more than 181,000 academics and researchers from 4,921 institutions.

Register now