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Musées et monuments superstars : gérer l’affluence grâce au numérique

Le robot d'accueil Pepper utilisé au Smithsonian Institute à Washington, DC.

Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (du 5 au 13 octobre 2019 en métropole et du 9 au 17 novembre en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « À demain, raconter la science, imaginer l’avenir ». Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site Fetedelascience.fr.


En 2019, plusieurs musées, monuments et expositions ont connu une attractivité exceptionnelle, bien au-delà des prévisions les plus optimistes. Certains ont eu des difficultés à faire face à cette affluence importante dépassant leur capacité d’accueil. L’exposition Toutânkhamon à La Villette a battu le record de France avec 1,3 million de billets vendus et affichait complet bien avant sa fin même après avoir été prolongée. Cet été, pour des raisons de sécurité et de confort, le Louvre a refusé l’accès à des personnes qui avaient parfois voyagé des milliers de kilomètres pour pouvoir le visiter. Des files d’attente de plusieurs heures en pleine canicule se sont formées devant le Château de Versailles qui avait déjà dépassé les 8 millions d’entrées en 2018.

L’expo sur les trésors de Toutânkhamon devient la plus visitée de l’histoire en France.

Attendre des heures devant un musée ou un monument est une perte de temps pour les publics qui subissent passivement ce qu’ils perçoivent comme anormal et désagréable. Par ailleurs, les autres sites touristiques et les commerces n’accueilleront pas ces visiteurs dont le temps est limité. Il existe des méthodes classiques de gestion de l’affluence comme l’intégration du site dans un complexe multi-activités, des plages d’ouverture étendues avec des nocturnes, et la mise en place d’attractions en préparation ou en complément de la visite. Cependant, de nouvelles approches utilisent des dispositifs numériques pour virtualiser ou animer les files d’attente afin que les visiteurs gagnent du temps et qu’ils soient accueillis dans de meilleures conditions.

Une gestion du succès difficile

Au Louvre, plus grand et plus populaire musée du monde avec 10,2 millions de visiteurs en 2018, le déplacement de la Joconde en raison de travaux de rénovation a engendré des files d’attente importantes et une très forte insatisfaction. En effet, 80 % des visiteurs souhaitent voir Mona Lisa, soit en moyenne 30000 par jour. Une mauvaise gestion des flux a conduit à la saturation rapide de certains espaces et à la nécessité de refuser les visiteurs sans réservations. Ceux qui ont la chance de pouvoir entrer après avoir attendu plus de 2 heures ne peuvent passer que quelques secondes devant la Joconde.

En conséquence, le Louvre a décidé d’avancer la mise en place de la réservation obligatoire pour tous à l’occasion de l’exposition « Léonard de Vinci » du 24 octobre 2019 au 24 février 2020, au grand dam des amateurs d’arts qui ne pourront plus improviser une visite sur un coup de tête, même s’ils ont un accès libre ou gratuit. Pourtant, la majeure partie du musée est loin d’être saturée. Le Centre Pompidou adopte la même politique : l’exposition « Bacon en toutes lettres » du 11 septembre 2019 au 20 janvier 2020, est la première qui n’est accessible que sur réservation en ligne obligatoire.

Le musée du Louvre est surchargé.

En dehors de Paris, d’autres musées et monuments commencent à avoir des difficultés à gérer l’affluence. Première destination touristique française en dehors de la capitale, le Mont-Saint-Michel est complètement saturé avec une qualité d’accueil des visiteurs qui s’est dégradées depuis plusieurs années. A Bordeaux, les établissements culturels ont enregistré une hausse de fréquentation de plus de 30 % depuis janvier 2019. A Toulouse, l’exposition « Picasso et l’exil » est un succès record pour le musée des Abattoirs. Réduire les files d’attente et répartir les flux est donc un enjeu essentiel pour les organisations culturelles.

Des applications pour suivre l’affluence et virtualiser l’attente

L’application Affluences, Grand Prix de l’Innovation Digitale 2018 dans la catégorie « Ville Connectée », permet de suivre en temps réel le taux d’occupation des musées partenaires et le temps d’attente pour y accéder. Elle permet également de connaître les horaires d’ouverture, la localisation et l’itinéraire, ainsi que d’acheter des billets et de contacter le musée. Partenaire du Comité Régional du Tourisme Paris Île-de-France, la start-up française collecte des données dans des centaines de musées en France, Belgique, Suisse, Allemagne et Espagne.

N’attendez plus pour visiter votre musée préféré.

L’application JeFile est proposée en neuf langues par une start-up française qui collabore avec le Centre des Monuments Nationaux afin de virtualiser les files d’attente pour plus de confort et de sécurité. Le principe est de pouvoir réserver un créneau de visite et de faire d’autres activités en attendant l’horaire choisi. Au lieu de rester à patienter debout dehors, sous la pluie ou en plein soleil, les touristes peuvent visiter un lieu voisin, faire du shopping, se promener dans un parc, ou aller boire un verre. Depuis l’été 2017, JeFile a virtualisé à 100 % la file d’attente de deux heures pour accéder aux tours de Notre-Dame de Paris. Avant que l’incendie n’en rende la visite impossible, les 1 500 visiteurs quotidiens étaient donc libres de faire d’autres activités et les flux étaient mieux répartis.

JeFile virtualise la file d’attente pour la visite des tours de Notre Dame de Paris.

Des dispositifs pour intégrer l’attente dans la visite

Afin d’animer les files d’attente, des dispositifs numériques disposés dans les zones d’accueil occupent les visiteurs qui patientent. Des tables tactiles interactives permettent de consulter des informations concernant le lieu et les œuvres, de les localiser et de préparer son parcours. Des visiocasques proposent des vidéos immersives. Grâce à la combinaison de systèmes de réalité augmentée et de réalité virtuelle, les musées peuvent organiser des expositions numériques et proposer aux visiteurs d’interagir avec des modélisations 3D et animées des œuvres. Des dispositifs de réalité mixte avec immersion tactile amènent une dimension à la fois pédagogique et ludique comme au Mont-Saint-Michel.

À quoi ressemble le Mont-Saint-Michel à travers HoloLens.

Le Smithsonian est le premier musée du monde à expérimenter le robot d’accueil interactif Pepper, commercialisé par la société japonaise Softbank Robotics qui en a offert 25 à l’institution. Pepper est non seulement un guide artificiel qui peut présenter les différents espaces du musée et répondre à des questions, mais aussi une attraction qui peut danser, jouer, faire des blagues et poser pour des photos. Le robot peut transformer un temps d’attente ennuyeux en divertissement, constitue une activité à part entière du musée et attire les visiteurs dans des espaces moins connus. De tels robots sont particulièrement attractifs pour les enfants auxquels ils proposent des jeux éducatifs.

Le nouveau guide du Smithsonian Institute est un robot.

L’intelligence artificielle pour répartir les flux dans le temps et l’espace

Certaines technologies intelligentes utilisées dans d’autres secteurs pourraient être transposées dans les musées. Avec le big data, il est possible de connaître l’affluence en fonction des dates et des horaires, les types de visiteurs selon les jours et les périodes, ou la durée de visite moyenne par rapport différents paramètres comme la météo. Les prix des billets peuvent être ajustés, comme ceux des billets d’avion ou des chambres d’hôtels. Le Louvre, qui vient d’augmenter ses tarifs de 2 euros, pourrait par exemple proposer des billets moins chers certains jours ou à certains horaires où l’affluence est moins importante pour mieux répartir les flux.

La National Gallery utilise le big data pour analyser et comprendre ses visiteurs.

Des applications de visites guidées intelligentes s’appuient sur un processus de gestion des flux visiteurs (Visitor Flow Management Process, VFMP) pour les orienter vers les zones où ils sont le moins nombreux. Il s’agira alors de combiner les données sur l’affluence en temps réel pour chaque espace avec les souhaits et les goûts des visiteurs pour suggérer le parcours personnalisé idéal. Le système pourra ainsi réguler les flux dans les espaces incontournables où chacun veut faire son selfie et faire découvrir des œuvres moins connues en fonction des préférences et des contraintes exprimées.

Un système d’orientation adaptatif fondé sur l’Internet des objets pourrait suivre chaque visiteur, analyser son comportement et mesurer l’attractivité des différents espaces. Grâce à la reconnaissance faciale et à la mesure du score émotionnel de chaque œuvre, les musées peuvent non seulement mieux contrôler le parcours des visiteurs, mais surtout stimuler son engagement et améliorer sa satisfaction. Au-delà du simple parcours, le système d’information pourra alors proposer une véritable scénarisation de visite sur mesure en fonction des goûts et des profils de chaque visiteur. Le scénario pourra être soit pédagogique de type parcours éducatif, soit ludique de type serious game, soit un défi de type escape game.

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