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Le deuil est inévitable, et ses effets sur les individus, les communautés et les populations doivent être reconnus et pris en compte. Shutterstock

Nous avons besoin d’une stratégie nationale pour nous aider à vivre le deuil

Le Canada a franchi le cap des 20 000 personnes décédées de la Covid-19, et plus de 10 500 au Québec seulement.

Pour aborder le deuil, il ne suffit pas de rapporter des chiffres. Ce n’est pas non plus une affaire de petits gestes, comme la mise en berne de drapeaux. Il est nécessaire d’éduquer le public afin que l’on apprenne à faire face au deuil : c’est en reconnaissant sa douleur que l’on pourra mieux se soutenir les uns les autres.

Une étude menée en Australie sur les services d’aide aux personnes endeuillées a démontré que moins de 10 % de celles-ci ont eu recours à des services professionnels après un décès ou ont ressenti le besoin d’en recevoir. Les gens peuvent toutefois bénéficier du soutien de leur entourage : voisins, collègues, membres de leur communauté religieuse et des autres communautés auxquelles ils appartiennent.

Le deuil, inévitable

Le dicton « En ce monde, rien n’est certain, à part la mort et les impôts » devrait être modifié pour y inclure le deuil. Le deuil est une réaction psychologique, émotionnelle, physique et sociale à la perte. Il survient après n’importe quel type de perte, pas seulement après un décès.

En tant que chercheuse en travail social spécialiste du deuil, je suis préoccupée par notre manque de compassion envers nous-mêmes et envers les autres, alors que ce sentiment est nécessaire quand on vit un deuil. Dans mes recherches sur le deuil, j’ai entendu à maintes reprises des gens dire qu’ils se sentent seuls avec leur peine et qu’ils ont l’impression que les autres les évitent.

Depuis le début de la pandémie de Covid-19, on assiste à une véritable recrudescence d’articles sur le deuil. Nous subissons tant de pertes qui nous forcent à faire des deuils : perte d’emploi, de liberté, de sécurité, d’un logement, de contacts humains, de cérémonies (enterrements, remises de diplômes) ainsi que des décès. Nos rituels autour de la mort et du deuil ont changé, ce qui peut avoir des conséquences à long terme.

Le premier ministre Justin Trudeau a perdu plusieurs êtres chers — c’est un fils et un frère endeuillé. Il a parlé avec éloquence en public lors des funérailles de son père. Son frère Michel est mort à l’âge de 23 ans en 1998. Justin lui rend hommage dans ses médias sociaux le jour de son anniversaire et à l’occasion d’événements marquants.

L’éloge funèbre de Justin Trudeau pour son père.

Chacun devrait pouvoir choisir de vivre son deuil comme il l’entend, que ce soit de manière publique ou privée. Je respecte le droit de notre premier ministre de vivre ses deuils en privé, cependant, je suis triste qu’il ne se pose pas en leader dans ce domaine pour le reste d’entre nous. Il n’assume pas le rôle de consolateur en chef. Personne n’a dit de lui qu’il possédait le superpouvoir du deuil.

Compter les morts

On ne calcule pas combien de personnes sont endeuillées. On compte les morts : par jour, par année, par lieu. Les décès de la Covid-19 sont publiés chaque jour. Des gens continuent de mourir d’autres causes au cours de la pandémie, mais ils sont éclipsés par la couverture médiatique des décès liés à la Covid-19. Pourtant, ces gens sont importants pour leurs proches.

On évalue que pour chaque personne qui meurt, il y en a cinq qui la pleurent. Avec l’augmentation des décès causés par la pandémie de coronavirus, on estime qu’il y a neuf personnes en deuil pour chaque décès.

Tous ces chiffres ne tiennent pas compte des populations noires, autochtones ou de couleur qui sont touchées de manière disproportionnée.

Les chiffres ne tiennent pas compte non plus de ceux qui ont été traumatisés par le colonialisme ou la violence raciale, des traumatismes qui affectent le deuil.

Le deuil peut être complexe pour les membres des communautés marginalisées. Un homme pleure après avoir entendu les noms des victimes de l’attaque de la mosquée de Québec lors d’un rassemblement à Toronto, en Ontario, en février 2017. Shutterstock

Aborder le deuil national

L’Alliance canadienne pour le deuil (ACD) a été créée en 2020 par le Portail palliatif canadien, qui fournit depuis près de vingt ans du soutien en ligne en ce qui a trait aux soins palliatifs et de fin de vie. L’ACD a demandé au gouvernement de financer une stratégie nationale sur le deuil qui comprend des campagnes de sensibilisation du public, des initiatives pédagogiques et un financement accru de la recherche sur le deuil.

Pourtant, plusieurs mois plus tard, il n’existe toujours pas de stratégie nationale.

Nous n’avons pas eu droit, ici, à l’espoir que l’élection du président Biden a fait naître chez la communauté des personnes endeuillées des États-Unis. Il appartient à nos dirigeants politiques de changer cette situation.

J’aimerais vivre dans une société où nous nous soutenons les uns les autres dans le deuil. Mais nous n’en sommes pas encore là. Il est temps que nos dirigeants, et en particulier notre premier ministre, montrent que le deuil peut être leur superpouvoir.

This article was originally published in English

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