tag:theconversation.com,2011:/nz/topics/abdelaziz-bouteflika-67121/articlesAbdelaziz Bouteflika – The Conversation2023-03-01T19:56:03Ztag:theconversation.com,2011:article/2003912023-03-01T19:56:03Z2023-03-01T19:56:03ZQuatre ans après la Révolution du sourire, où en est la jeunesse algérienne ?<p><a href="https://www.cairn.info/hirak-en-algerie--9782358721929.htm">Le Hirak</a>, terme qui signifie en arabe tout simplement « mouvement », est né en février 2019, quand à travers des manifestations régulières, d’une ampleur inédite dans le pays, les Algériens ont massivement rejeté l’idée d’un cinquième mandat présidentiel d’Abdelaziz Bouteflika, en poste depuis 1999 et pratiquement grabataire. </p>
<p>Ce mouvement résilient, novateur, non violent et innovant, largement porté par les jeunes, <a href="https://theconversation.com/algerie-quand-les-millennials-defont-le-trauma-avec-humour-et-imagination-113377">usant de slogans humoristiques incisifs</a>, ce qui lui a valu d’être surnommé <a href="https://theconversation.com/algerie-la-revolution-du-sourire-pacifique-persiste-et-signe-157615">« Révolution du sourire »</a>, a obtenu gain de cause puisque Bouteflika a <a href="https://www.europe1.fr/international/bouteflika-renonce-a-un-cinquieme-mandat-cest-un-moment-historique-pour-lalgerie-3872081">renoncé à son projet</a> et s’est retiré de la vie politique, avant de décéder en 2021.</p>
<p>Les protestataires n’ont pas souhaité s’arrêter là. Au-delà du seul cas de Bouteflika, ils aspiraient à une profonde démocratisation de l’Algérie et à un changement de génération à la tête du pays, exigence exprimée par le slogan <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Yetnahaw_Ga%C3%A2_!">« Yetnahaw ga3, qu’ils dégagent tous »</a>.</p>
<p>Le mouvement a donc continué même après le départ de « Boutef » et l’élection en décembre 2019 d’un cacique du régime, <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Afrique/Algerie-Abdelmadjid-Tebboune-elu-president-huees-2019-12-13-1201066362">Abdelmadjid Tebboune</a>, alors âgé de 74 ans. En dépit de la répression et de l’épidémie de Covid, qui a permis au pouvoir de justifier l’interdiction des grands rassemblements, le Hirak est toujours vivant aujourd’hui, mais sous une forme différente de celle qui était la sienne à l’origine : les <a href="https://fr.hespress.com/302992-algerie-hirak-quatre-bougies-et-peu-de-dents-contre-la-tyrannie.html">rues algériennes sont restées vides</a> en ce quatrième anniversaire.</p>
<h2>L’évolution du Hirak</h2>
<p>Début 2020, les mesures visant à endiguer la pandémie ont contraint les manifestants à <a href="https://www.algerie-eco.com/2020/03/16/coronavirus-les-appels-a-une-treve-du-hirak-se-multiplient/">observer une trêve dans la rue</a>. Le Hirak a alors mué en une sorte de « e-Révolution », l’essentiel de la contestation se déployant désormais en ligne.</p>
<p>Mais le pouvoir n’a pas tardé à réagir, se dotant de différents textes de loi permettant d’interpeller des individus <a href="https://rsf.org/fr/projet-de-loi-anti-fake-news-en-alg%C3%A9rie-comment-museler-un-peu-plus-la-libert%C3%A9-de-la-presse">pour des propos tenus sur les réseaux sociaux</a>. Plus généralement, selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), des <a href="https://www.hrw.org/fr/news/2022/02/21/algerie-trois-ans-apres-le-debut-du-mouvement-du-hirak-la-repression-se-durcit">centaines de personnes ont été inquiétées depuis le début du Hirak</a> : hommes, femmes, figures connues et inconnues, journalistes, personnel politique, étudiants, chômeurs, salariés, chefs d’entreprise…</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/DPvoevcDpcQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Dès lors, devant ce risque diffus, une autocensure s’est instaurée. Le mur de la peur semble être de nouveau retombé sur les aspirations de la jeunesse algérienne. Celle-ci avait initié un mode de protestation qui a su, un temps, déstabiliser l’exécutif par la combinaison d’une projection vers le futur (codes du digital, culture de consommation globale, mixité, chanson et danse) et du maintien d’une filiation historique avec la guerre d’indépendance algérienne, puisque les manifestants réclamaient que ses idéaux s’appliquent.</p>
<p>La reprise des marches en février 2021, avant leur nouvelle interdiction en juin 2021, s’est faite selon des modalités moins festives. L’été 2021, marqué par une <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2021/07/29/en-algerie-le-systeme-de-sante-est-submerge-par-le-variant-delta_6089865_3212.html">nouvelle flambée de Covid</a>, ainsi que par des incendies meurtriers qui ont suscité un <a href="https://theconversation.com/a-lepreuve-du-feu-et-de-la-pandemie-un-regain-de-solidarite-nationale-en-algerie-166119">regain de solidarité nationale</a>, a contribué au retour en force non pas des marches en tant que telles, mais de l’idée du Hirak.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Un drame dans le drame a marqué une partie de la jeunesse hirakiste : le <a href="https://www.algerie360.com/victimes-des-incendies-florilege-dhommages-artistiques/">lynchage à mort de Djamal Bensmail</a>, artiste venu prêter main-forte aux personnes luttant contre les incendies en Kabylie, dont la personnalité condensait les valeurs défendues par le Hirak.</p>
<h2>Des champs d’expression plus restreints</h2>
<p>La fin de l’année 2022 voit la mise sous scellés de Radio M et du site associé, Maghreb Emergent, l’un des derniers médias en ligne dont l’image était associée au Hirak, et <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1323137/ihsane-el-kadi-icone-de-la-presse-libre-en-algerie.html">l’incarcération de leur fondateur et directeur, le journaliste Ihsane El Kadi</a>.</p>
<p>L’ONG internationale Reporters sans Frontières <a href="https://rsf.org/fr/rsf-saisit-l-onu-apr%C3%A8s-l-incarc%C3%A9ration-d-ihsane-el-kadi-en-alg%C3%A9rie">saisit l’ONU</a> et publie une lettre ouverte signée de 16 patrons de rédactions de 14 pays, dont Dmitri Mouratov, prix Nobel de la paix, qui appellent à la libération de leur confrère Ihsane El Kadi. Sans succès. L’affaire El Kadi rappelle <a href="https://information.tv5monde.com/afrique/algerie-appel-la-mobilisation-internationale-pour-le-journaliste-khaled-drareni-371023">l’incarcération pendant un an, en 2020-2021, du journaliste Khaled Drareni</a>, qui a été un animateur phare de Radio M, dont le cas avait suscité une vague de soutien international. *Aujourd’hui, dans le pays, le climat est plus frileux au vu de la multiplication de ces affaires.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1614973055796760576"}"></div></p>
<p><a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/02/01/en-algerie-la-dissolution-de-la-ligue-des-droits-de-l-homme-illustre-l-escalade-repressive-du-regime_6160088_3212.html">La ligue algérienne des droits de l’homme est dissoute</a> depuis peu, et son vice-président a fui en France. Le RAJ <a href="https://www.jeuneafrique.com/1421053/politique/en-algerie-dissolution-du-raj-une-ong-emblematique-du-hirak/">(Rassemblement actions jeunesse)</a>, une ONG emblématique du Hirak, a également été interdit. <a href="https://www.slate.fr/story/225879/presse-francophone-algerie-declin-liberte-soir-dalgerie-el-watan">La presse indépendante francophone est moribonde</a>, ce qui réduit encore les espaces d’expression libre.</p>
<p>Des frictions diplomatiques ont mis aux prises Alger et Paris autour de l’affaire Bouraoui. Cette gynécologue, militante déjà connue depuis 2014 pour le <a href="https://www.lexpress.fr/monde/afrique/barakat-le-mouvement-anti-bouteflika-peut-il-s-etendre-en-algerie_1506636.html">mouvement Barakat</a> contre le quatrième mandat de Bouteflika et animatrice d’un programme sur Radio M, qui faisait l’objet d’une interdiction de sortie du territoire algérien, a rejoint la France sous protection consulaire française au vu de sa double nationalité. </p>
<p>En réaction, <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20230208-affaire-amira-bouraoui-l-alg%C3%A9rie-rappelle-son-ambassadeur-en-france">Alger a rappelé son ambassadeur</a>. Ce <em>Bouraouigate</em> a semble-t-il provoqué l’incarcération du journaliste <a href="https://cpj.org/2023/02/algerian-journalist-mustapha-bendjama-arrested/">Mustapha Bendjama</a>, exerçant au <em>Provincial</em> d’Annaba. Notons qu’un lanceur d’alerte, Zaki Hannache, décrit comme un pilier du Hirak, a obtenu un <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/02/17/je-suis-le-prochain-sur-la-liste-a-tunis-l-exil-intranquille-du-militant-algerien-zaki-hannache_6162243_3212.html">statut de réfugié en Tunisie depuis trois mois</a>. Il avait reçu un prix pour son engagement lors d’une cérémonie organisée par Radio M.</p>
<h2>Radio M, une caisse de résonance à la jeunesse dans la ligne de mire du pouvoir ?</h2>
<p>Plusieurs protagonistes sont reliés à l’espace Radio M, cette radio web qui offrait des programmes classiques de débats et d’informations.</p>
<p>Pour la jeunesse algérienne, deux programmes ont, pendant la crise sanitaire, représenté une sorte de continuité de l’esprit positif du Hirak. Ils étaient tous deux animés par le regretté <a href="https://www.dzairdaily.com/algerie-anis-hamza-chelouche-decede-journaliste-radio-m-plus/">Anis Hamza Chelouche</a>, dit AHC, décédé lors d’un photoreportage en mer en septembre 2021. Chelouche, qui était une sorte d’archétype de cette jeunesse d’avant-garde patriote, avait couvert toutes les marches. Polyglotte, progressiste, il avait vécu dans trois pays européens mais était rentré au pays pensant contribuer à l’ouverture du champ des possibles pour les jeunes.</p>
<p>Le premier programme, <a href="https://www.facebook.com/watch/live/?ref=watch_permalink&v=677656219575478">Maranach Saktine</a> (Nous n’allons pas nous taire), qui fait directement écho au slogan Maranach Habsin (Nous n’allons pas nous arrêter), a consacré de nombreux numéros à des sujets sociétaux tabous ou mis a la marge. Il se caractérisait par un ton très particulier, donnant la parole aux jeunes, y compris à ceux que l’on n’entend jamais, qui s’exprimaient avec leurs mots, dans toute leur diversité – un véritable prolongement du Hirak de la rue.</p>
<p>L’autre émission animée par AHC, <a href="https://m.youtube.com/playlist?list=PLYQuO64wrGlV2bXru70sPIMxsqsQIeB8w">Doing DZ</a>, était consacrée à l’entrepreneuriat. Elle représentait l’autre versant du Hirak, celui d’une société civile en mouvement, qui ne fait pas que marcher mais qui crée ses propres opportunités, souvent en adaptant au marché algérien des services disponibles à l’étranger et en promouvant le <em>made in Algeria</em>, avec une vision start up ou libérale, qui n’attend pas l’État et ses subventions pour agir. Le Hirak a concerné les jeunes de toutes classes sociales qui ont signifié à leurs aînés leur volonté de trouver leur place dans la société, et de s’émanciper vis-à-vis du pouvoir politique mais aussi de toutes les institutions qui semblent sclérosées et bloquées, inhibant l’initiative individuelle.</p>
<h2>Jeunesse algérienne : quelles perspectives ? Le départ ou le silence</h2>
<p>Quelles solutions pour cette jeunesse ? Si durant les premiers mois du Hirak, on ressentait une effervescence des Algériens de l’intérieur et de l’extérieur à l’idée de bâtir le pays, aujourd’hui le départ devient un une option fréquente. De plus en plus d’étudiants y aspirent. En outre, alors que le Hirak espérait que moins de <em>harragas</em> (clandestins) risqueraient de prendre la mer au vu de l’espoir suscité par le mouvement, il semble que leur flux reste constant. Le phénomène concerne parfois femmes et enfants, avec hélas, régulièrement, des <a href="https://observalgerie.com/2022/08/21/societe/parties-harraga-espagne-trois-femmes-algeriennes-decedent-mer/">issues tragiques</a>.</p>
<p>Un mur, <a href="https://www.jeune-independant.net/un-mur-controverse-pour-fermer-les-plages-aux-harraga/">bâti le long de la corniche oranaise</a> et censé dissuader les candidats au départ, avait provoqué l’indignation des habitants. Ce mur était perçu comme une <a href="https://www.middleeasteye.net/fr/opinionfr/algerie-oran-harraga-mur-repression-enfermement-libertes">métaphore de l’enfermement et de la rétention</a> de la jeunesse algérienne dans les murs du pays.</p>
<p>Pendant la crise sanitaire, les frontières maritimes et terrestres algériennes avaient été drastiquement fermées. Le retour à la normale a été long, privant d’échanges familiaux les Algériens vivant des deux côtés de la Méditerranée. Le Hirak a également été un temps particulièrement fluide et collaboratif entre les Algériens de l’intérieur et la diaspora.</p>
<p>Ces dernières semaines, plusieurs mesures gouvernementales montrent un décalage du pouvoir avec le Hirak, dont l’exécutif se réclame, mais en le cantonnant à un Hirak originel (celui qui a duré jusqu’à l’élection présidentielle de 2019) et dont il incarnerait désormais officiellement les aspirations. Le ministère du Commerce a <a href="https://maghrebemergent.net/signes-et-couleurs-contraires-aux-valeurs-morales-de-la-societe-le-gouvernement-mene-la-guerre/">fait retirer les produits comportant l’arc-en-ciel</a> car ils constitueraient une atteinte aux mœurs. Les internautes n’ont pas hésité à railler une mesure jugée absurde en proposant l’interdiction de l’arc-en-ciel dans le ciel. Une limitation des importations de produits de mode a été évoquée pour encourager la production nationale.</p>
<p>Récemment, la ministre de la Culture a exigé des sanctions pour les chansons comportant du contenu <a href="https://www.algerie360.com/ministere-culutre-chansons-vulgaires/">offensant pour les bonnes mœurs algériennes</a>. Bien sûr, comme ailleurs, le rap algérien se développe, et l’art en général sert à exprimer des transgressions et un besoin d’évasion surtout dans un champ d’expression fermé. Le rap mais aussi les chants des supporters dans les stades ont notamment <a href="https://academic.oup.com/book/45355/chapter-abstract/389273637?redirectedFrom=fulltext">joué un rôle important pour le Hirak</a>. Aujourd’hui, dans un contexte économique qui n’offre aux jeunes guère d’opportunités de se réaliser, leurs codes culturels (tech, mode,arts) semblent scrutés et policés par les autorités. On l’aura compris : pour le moment,la jeunesse algérienne n’est pas récompensée pour le pacifisme, le civisme, le patriotisme et l’ouverture de sa Révolution du Sourire… </p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/496784/original/file-20221122-12-xtvhsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=385&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie les 28 et 29 septembre 2023 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200391/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nacima Ourahmoune ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Apparu en 2019 avant de se voir relégué au second plan pendant la pandémie, le mouvement du Hirak cherche à subsister face à une répression gouvernementale qui s’intensifie.Nacima Ourahmoune, Professeur / Chercheur/ Consultant en marketing et sociologie de la consommation, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1344992020-03-24T19:19:36Z2020-03-24T19:19:36ZPourquoi le peuple algérien aspire au prix Nobel de la paix<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/322445/original/file-20200323-112657-18lpanf.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C96%2C677%2C418&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">Riad Kaced</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Les autorités algériennes sont contestées sans discontinuité par la rue, de manière pacifique, depuis plus d’un an. Au cours des manifestations, de nombreuses pancartes, dont une est accrochée en permanence sur l’un des principaux boulevards d’Alger, ont proposé que le peuple algérien obtienne le prix Nobel de la paix. Une <a href="https://www.change.org/p/comit%C3%A9-du-prix-nobel-de-la-paix-prix-nobel-de-la-paix-2019-d%C3%A9cern%C3%A9-au-peuple-alg%C3%A9rien?use_react=false">pétition en ligne</a> en ce sens a recueilli des milliers de signatures. Pourquoi cette initiative ? Est-elle légitime ?</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/322399/original/file-20200323-112720-snbeaz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/322399/original/file-20200323-112720-snbeaz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/322399/original/file-20200323-112720-snbeaz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1055&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/322399/original/file-20200323-112720-snbeaz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1055&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/322399/original/file-20200323-112720-snbeaz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1055&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/322399/original/file-20200323-112720-snbeaz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1326&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/322399/original/file-20200323-112720-snbeaz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1326&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/322399/original/file-20200323-112720-snbeaz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1326&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Rue Didouche Mourad, Alger, artère principale de la capitale et théâtre pendant un an des manifestations.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La contestation au temps du coronavirus</h2>
<p>Au 57<sup>e</sup> vendredi, le coronavirus s’est invité dans le quotidien des Algériens : le stade 3 de confinement <a href="https://www.algerie360.com/coronavirus-lalgerie-passe-au-stade-3/">vient d’être décidé</a> et les marches sont désormais interdites, ce qui menace la pérennité du mouvement de protestation. Depuis février 2019, on compte 56 semaines de protestations massives – une résilience peu banale à l’échelle mondiale des mouvements sociaux, surtout au vu de l’absence de pression des capitales démocratiques sur le régime et de la <a href="https://www.washingtonpost.com/politics/2020/02/22/algerians-have-been-protesting-year-heres-what-you-need-know/">faible médiatisation de l’exploit du peuple algérien</a>.</p>
<p>Ajoutons, désormais, une gestion de crise du coronavirus délétère. L’exécutif a laissé faire les manifestations avant de les interdire, tergiversé sur les lieux de culte avant d’ordonner leur fermeture, décidé le stade 2 puis 3 en très peu de jours – des atermoiements qui trahissent son impréparation.</p>
<p>Pendant ce temps, ce sont les citoyens qui ont orienté la politique de crise en réclamant massivement la fermeture des frontières, des lieux de culte et des marchés, et en alertant sur l’incurie du système sanitaire. Avant même l’interdiction officielle des rassemblements, les protestataires, à contrecœur et avec sagesse, ont appelé leurs compatriotes à se confiner : accepter de ne plus marcher illustre la maturité du mouvement, alors même que le passage au stade 3 fait craindre la dictature d’un pouvoir jugé illégitime. Le mouvement de protestation citoyen sans tête dénommé Hirak (mouvement) continue néanmoins, autrement.</p>
<p>La protestation est contrainte de changer de véhicule mais de garder le fond. Cette caricature de Hic publiée pour le 57<sup>e</sup> vendredi a bien exprimé cet enjeu.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/322400/original/file-20200323-112712-js4vm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/322400/original/file-20200323-112712-js4vm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/322400/original/file-20200323-112712-js4vm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/322400/original/file-20200323-112712-js4vm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/322400/original/file-20200323-112712-js4vm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/322400/original/file-20200323-112712-js4vm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/322400/original/file-20200323-112712-js4vm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un mouvement dont la doctrine est la Silmya : la paix</h2>
<p>Le Hirak a réussi à destituer le président Bouteflika et de nombreux dignitaires du régime, et à mettre à nu la corruption massive en pratiquant sans relâche sa doctrine : <em>Silmya</em> (la paix).</p>
<p>Il n’a cependant pas pu échapper en décembre 2019 à l’imposition d’un président issu du sérail, à l’issue d’une élection marquée par un <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/12/13/algerie-absention-record-a-l-election-presidentielle-contestee_6022695_3210.html">boycott massif des urnes</a>. Dès lors, le mouvement a redoublé de vigueur, demandant toujours le démantèlement absolu du système politique existant. Les slogans « Système dégage » ou « Maranach Habsin » (« Nous n’allons pas nous arrêter ») ont donné le ton jusqu’au 56<sup>e</sup> vendredi.</p>
<p>L’acquis du Hirak va bien plus loin : il remet le réenchantement politique au centre de la Cité (on peut parler à cet égard de « dégagisme non négatif »). Il œuvre au rapprochement entre des citoyens que le régime a cherché à compartimenter pour mieux les contrôler. Le pouvoir militaire, masqué en institutions civiles depuis 58 ans, est désormais nu. Les manifestants scandent « Un seul héros, le peuple algérien ». Le Hirak est une école démocratique qui reconfigurera le politique sur le long terme.</p>
<p>Alors que les espaces de réunion physique étaient limités dès avant le coronavirus, la toile, elle, reste bouillante. En témoigne cette vidéo du média Wesh Derna (« Qu’avons-nous fait ? ») – visionnée 457 597 fois sur Facebook – qui exprime le vécu et les aspirations universelles de la société civile algérienne au long de l’année.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/rsI-XOaIxz4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<h2>Le Hirak, un combat de nature déontologique</h2>
<p>Le prix Nobel de la paix peut être invoqué notamment parce que le combat politique du peuple algérien est non partisan ; c’est une lutte conduite au nom de principes, en somme une éthique déontologique (sens du devoir) qui s’élève contre « El Hogra » (l’injustice). Certains observateurs se montrent toutefois sceptiques, pointant du doigt la non-structuration du mouvement, la non-émergence de leaders, et l’inefficacité immédiate (une approche qui s’inscrit dans une éthique <a href="http://www.la-philosophie.fr/2018/05/morale-et-ehique/le-consequentialisme.html">conséquentialiste</a>). Ces remarques laissent de marbre un peuple déterminé qui impose sa démarche singulière.</p>
<p>Quel émerveillement aurait provoqué ce mouvement pacifique rare de constance, mixte, inclusif, incisif dans le verbe et l’image (slogans, chansons) d’une jeunesse qui, de plus, nettoie les rues après les manifestations… s’il avait émané d’un espace européen ou nord-américain ?</p>
<h2>Le prix Nobel de la paix car le monde reste sourd</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/322403/original/file-20200323-112694-j253ap.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/322403/original/file-20200323-112694-j253ap.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/322403/original/file-20200323-112694-j253ap.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/322403/original/file-20200323-112694-j253ap.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/322403/original/file-20200323-112694-j253ap.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/322403/original/file-20200323-112694-j253ap.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/322403/original/file-20200323-112694-j253ap.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La tendance de la plupart des analystes à ne voir dans le Hirak qu’un énième soubresaut du « Printemps arabe » empêche de penser le caractère multiréférentiel et universel du combat algérien pour une citoyenneté réelle. Du reste, le Printemps arabe est peu évoqué sur le terrain, où les protestants clament surtout « El chaab yourid el Istiklal » (Le peuple veut l’indépendance) et réclament « un État civil et non militaire ». L’affiche suivante, créée à l’occasion du 57<sup>e</sup> vendredi du Hirak – le premier sans marches pour cause de coronavirus – maintient cette exigence.</p>
<p>L’unique grille dans les médias étrangers puise ses exemples en Égypte, au Yémen ou au Soudan : les activistes évoquent un éclectisme des références (Gilets jaunes, Venezuela…). Or les Algériens n’ont cessé de montrer un patriotisme ouvert sur le monde signalé par une grande acuité dans l’adaptation d’artefacts globaux pour porter des revendications locales, comme je l’ai montré <a href="https://theconversation.com/algerie-quand-les-millennials-defont-le-trauma-avec-humour-et-imagination-113377">dès début mars 2019</a>. Par exemple, l’un des hymnes du Hirak, « La casa d’el Mouradia » (du nom du palais présidentiel) fait référence à un chant de résistance italien (« Bella Ciao ») autant qu’à une série populaire sur Netflix (<em>La Casa del Papel</em>) ! « Bella Ciao » a également été entonné lors du 57<sup>e</sup> vendredi par certains confinés depuis des balcons en hommage aux victimes italiennes du coronavirus. Le Hirak est souvent là où on ne l’attend pas, en tous cas vu de « l’Ouest ».</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/U7ludzN-wSI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<h2>Le prix Nobel de la paix car le Hirak est une plate-forme de protestation inédite</h2>
<p>Le Hirak est un objet relativement inédit. C’est un mouvement de revendication en quelque sorte liquide – une marée humaine – et pourtant compact. L’effet de masse pacifique, inclusive, mixte, familiale, civique, à l’ambiance solidaire et joyeuse, désarme littéralement les tenants de la force légitime empêtrés dans le code militaire, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=De4hOKtLQb0">solide par nature</a>. Ce corps social non violent, heureux et soudé a empêché le recours à la force létale comme lors des soulèvements de 1988 et des Printemps berbères de 1980 et 2001. Les dispositions de confinement dues au coronavirus font toutefois craindre le retour de <a href="https://algeria-watch.org/?p=55437">l’état de siège (miroir de la décennie noire)</a> sous couvert d’exception sanitaire.</p>
<p>Au Nord et au Sud, de nombreux mouvements sociaux ont émaillé l’année écoulée, mais aucun n’a incarné ce degré de pacifisme où commerces et cafés restaient ouverts pendant les marches. Dénué d’organisation officielle et de chef de file, doté de secouristes volontaires, autorégulé, collaboratif, le Hirak fait face à un système hiérarchisé, fonctionnarisé, militaire.</p>
<p>Purement horizontal, le Hirak n’en possède pas moins une verticalité ou colonne : l’autodiscipline travaillée pendant un an, qui doit nourrir la lutte contre le coronavirus face à la faiblesse d’un État hiérarchisé mais sclérosé comme l’illustre un système de santé exsangue. Le Hirak n’est pas à court de leaders : il choisit de tirer sa force de l’anonymat pour éviter toute récupération ou décrédibilisation de la lutte par son adversaire.</p>
<h2>Une plate-forme agile, contagieuse, solidaire et ouverte</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/322412/original/file-20200323-112666-yw1y4p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/322412/original/file-20200323-112666-yw1y4p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/322412/original/file-20200323-112666-yw1y4p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=606&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/322412/original/file-20200323-112666-yw1y4p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=606&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/322412/original/file-20200323-112666-yw1y4p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=606&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/322412/original/file-20200323-112666-yw1y4p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=762&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/322412/original/file-20200323-112666-yw1y4p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=762&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/322412/original/file-20200323-112666-yw1y4p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=762&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mieux, le Hirak représente la réussite d’une très large alchimie par un peuple qui a l’expérience de la résistance. Lancé par des jeunes de toutes conditions sociales, il est mixte dans tous les sens du terme. Pour qui connaît l’Algérie, ce n’est pas une disposition naturelle mais un effort de respect mutuel (réflexivité positive). Fait rare au sein des mouvements sociaux, on n’observe pas de fissures dans l’union face à un pouvoir dont l’instrument traditionnel est la division.</p>
<p>L’agilité du mouvement relève de la capacité de débattre, à tout décrypter mais à n’écouter à la fin aucun son de cloche qui dissone de l’objectif commun. Cela se revérifie au moment de l’arrêt des marches. Au 57<sup>e</sup> vendredi, le mot d’ordre « rester chez soi » est respecté. Le Hirak a su transposer une unité de style et de discours : on scande les mêmes slogans et chants d’Alger à Tamanrasset, mais aussi de Paris à Montréal. Enfin, le Hirak se distingue par une signature essentielle à la Paix : un style positif, incisif, impertinent dont l’humour sert de résistance. Il est porté par une génération connectée, talentueuse, qui <a href="https://www.youtube.com/watch?v=De4hOKtLQb0">absorbe et déconstruit tous les codes du système</a>.</p>
<h2>Le prix Nobel de la Paix car la sécurité du peuple pacifique est plus que jamais engagée</h2>
<p>Amnesty International dresse un <a href="https://www.amnesty.org/fr/latest/campaigns/2019/12/algeria-hirak-protests/">bilan objectif</a> des souffrances infligées au peuple dans son combat pacifique. Malgré la parade médiatique du régime présidentiel qui a <a href="http://www.tribunelecteurs.com/decretant-le-22-fevrier-journee-nationale-tebboune-le-hirak-est-un-phenomene-salutaire/">encensé le Hirak</a>, les brutalités et arrestations arbitraires ont continué. Les prisonniers d’opinion politique ou pour simple port du drapeau berbère, ainsi que les journalistes arrêtés, peuvent compter sur le soutien infaillible des Algériens ; mais au-delà des frontières nationales, les démocrates sont peu informés et peu impliqués. Désormais, le régime d’exception que constitue le stade 3 impose une vigilance maximale quant aux libertés individuelles, déjà malmenées. Les Algériens comprennent que la crise du coronavirus peut bénéficier au statu quo, et redéploient en moins d’une semaine des actions civiques impressionnantes de constance avec l’esprit du mouvement.</p>
<h2>La société civile entre en action contre l’épidémie</h2>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/322411/original/file-20200323-112688-1bu3qge.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/322411/original/file-20200323-112688-1bu3qge.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/322411/original/file-20200323-112688-1bu3qge.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=620&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/322411/original/file-20200323-112688-1bu3qge.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=620&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/322411/original/file-20200323-112688-1bu3qge.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=620&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/322411/original/file-20200323-112688-1bu3qge.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=779&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/322411/original/file-20200323-112688-1bu3qge.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=779&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/322411/original/file-20200323-112688-1bu3qge.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=779&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le Hirak, cette mise en mouvement citoyen pacifique, est bien plus que les marches. Je donnais l’exemple du nettoyage urbain dans <a href="https://theconversation.com/operation-mains-propres-en-algerie-la-societe-civile-mobilisee-pour-une-revolution-durable-116875">mon article de mai 2019</a> : en moins d’une semaine, des jeunes battent le pavé, stérilisateurs en main. Au pied levé, le Hirak redéploie ses ressources. Notons qu’il demeure car ses codes sont reconduits à l’identique : des campagnes de prévention viralisées (dont <a href="https://www.facebook.com/WeshDerna/videos/230667868053645/quimetensc%C3%A8nelesjeunesm%C3%A9decins">Wesh Derna</a>) ; un humour acerbe comme arme de résistance politique ; les tests de production de masques via imprimantes 3D ; l’émergence d’une application de dépistage ; et la formation d’étudiants, via des vidéos Do-It-Yourself, à la production de masques (codes globaux remobilisés).</p>
<p>L’Algérie est en proie à une crise économique découplée du Hirak, qui résulte de la mauvaise gestion et de la dilapidation des ressources algériennes par les tenants du régime. Alors que je notais en <a href="https://theconversation.com/operation-mains-propres-en-algerie-la-societe-civile-mobilisee-pour-une-revolution-durable-116875">2019</a> le retrait du monde économique vis-à-vis du Hirak, faire solidarité utile devient responsabilité sociale majeure désormais. On note la production de gel hydroalcoolique par Venus (leader des cosmétiques) ou encore la promesse d’achat de respirateurs par Cevital (premier groupe privé du pays), ainsi que des campagnes de prévention relayées par le Bon Coin local OuedKniss, ou Yassir, le Uber algérien. Gageons que l’effort va se poursuivre.</p>
<h2>Le prix Nobel de la paix pour un combat incarné, par-delà les bonnes intentions</h2>
<p>Les actes de violence à l’égard des Algériens opposés au système sont l’antithèse de l’esprit du Hirak : les Algériens chantent <a href="http://www.leparisien.fr/international/liberte-de-soolking-devient-l-hymne-de-la-jeunesse-algerienne-21-03-2019-8036535.php">« rends-moi ma liberté, je te le demande gentiment »</a> tandis que le coronavirus ajoute un risque de confiscation de sa dynamique. La « Révolution du Sourire » est contrainte (depuis le début !) mais vivante ; le prix Nobel de la paix marquerait désormais reconnaissance et soutien à 57 semaines d’incarnation de la doctrine du Hirak, la Silmya (Paix). Après tout, le crédit de bonnes intentions a suffi pour décerner le prix au président Obama !</p>
<hr>
<p><em>Merci a Imène Maharzi pour son regard sur le texte.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/134499/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nacima Ourahmoune ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La mobilisation du peuple algérien, depuis plus d’un an, est remarquable par sa ténacité et par son pacifisme. Et si ce peuple, dans son ensemble, était récompensé par le prix Nobel de la paix ?Nacima Ourahmoune, Professeur Associé / Chercheur/ Consultant en marketing et culture de consommation, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1317982020-02-18T17:41:31Z2020-02-18T17:41:31ZL’armée algérienne à l’épreuve du mouvement citoyen du Hirak<p>Aux yeux de l’armée, le mouvement dit <a href="https://www.jeuneafrique.com/886593/politique/algerie-un-an-apres-les-organisations-du-hirak-resserrent-les-rangs/">Hirak</a>, qui balaie l’Algérie depuis maintenant près d’un an, exprime avant tout la colère du peuple à l’encontre du système Bouteflika – un système caractérisé par la présence au gouvernement de nombreux civils, souvent accusés de corruption. La réponse politique des militaires, qui tiennent les rênes du pays depuis la démission de Bouteflika en avril 2019, a donc été de mettre en place un <a href="https://www.elwatan.com/edition/actualite/tebboune-mise-sur-les-technocrates-04-01-2020">gouvernement de technocrates</a> présentés comme compétents et intègres. L’armée ne souhaite pas démocratiser le régime, mais seulement améliorer la gouvernance afin de pouvoir répondre aux besoins socio-économiques de la population.</p>
<h2>Un État dans l’État</h2>
<p>L’armée se considère historiquement comme la colonne vertébrale de l’État algérien. Elle s’engage à garantir <a href="https://jhupbooks.press.jhu.edu/title/ruling-not-governing">« la sécurité du pays et à préserver son caractère républicain »</a>. L’institution militaire a toujours réussi à surmonter ses nombreuses divergences internes et à <a href="https://www.cairn.info/revue-les-champs-de-mars-ldm-2012-1-page-21.htm">faire bloc</a> face aux nombreuses crises politiques qui jalonnent l’histoire de l’Algérie depuis son indépendance. Disposant de relais et de réseaux dans tous les secteurs de la société, l’armée est un acteur social et économique doté d’importantes ressources financières : son budget s’élève à <a href="https://www.telos-eu.com/fr/politique-francaise-et-internationale/algerie-quel-role-pour-larmee-dans-la-transition-d.html">12 milliards de dollars, soit 25 % du budget de l’État</a>.</p>
<p>Le rôle de l’armée dans la vie politique peut se définir comme celui d’un <a href="https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-de-l-orient-2010-4-page-19.htm">régulateur central</a> qui détermine, pour l’ensemble des partis politiques et mouvements, la place et la fonction qu’ils doivent occuper sur la scène politique. Au sein de la population, l’armée suscite des sentiments ambigus, entre fierté et frustration.</p>
<p>En avril 2019, la démission du président Abdelaziz Bouteflika est exigée par le chef d’état-major, le général Gaid Salah, qui entend ainsi satisfaire l’une des demandes du Hirak, ce mouvement contestataire pacifique de masse qui <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/12/METREF/61146">souhaite un changement radical de l’État algérien</a>. Avec habilité, l’armée utilise les revendications du Hirak (dont les principaux slogans sont « qu’ils dégagent tous » et « tous des voleurs ») pour démanteler la totalité des réseaux politiques, administratifs, financiers et sécuritaires liés à l’ancien président, sans doute devenus trop autonomes par rapport aux militaires : des premiers ministres, des ministres, des chefs d’entreprise et des hauts responsables des forces de sécurité sont jetés en prison sous prétexte de corruption ou d’atteintes à la sûreté de l’État.</p>
<p>Ces attaques éclair contre les proches de l’ancien président provoquent dans un premier temps un sentiment de satisfaction au sein de la population puis un sentiment d’inquiétude lorsque, peu après, l’armée, à travers son chef d’état-major, annonce la tenue d’une nouvelle élection présidentielle – en dépit des protestations et dénonciations du Hirak, qui se méfie d’un scrutin contrôlé d’un bout à l’autre par les militaires.</p>
<p>L’élection à la présidence, le 19 décembre 2019, d’<a href="https://www.lefigaro.fr/international/qui-est-abdelmadjid-tebboune-le-nouveau-president-algerien-20191214">Abdelmadjid Tebboune</a> – un proche du général Gaïd Salah – représente pour l’armée, en dépit du faible taux de participation (40 %) un succès qui lui permet de confirmer son rôle central dans la régulation de la vie politique.</p>
<h2>Au cœur du pouvoir depuis l’indépendance</h2>
<p>De l’indépendance acquise en 1962 jusqu’en 1991, même si c’est officiellement le FLN (Front de libération nationale) qui se trouve aux affaires, ce sont les militaires qui contrôlent la présidence – un poste occupé par le colonel Boumedienne de 1965 à 1979 et par le colonel Chadli Bendjedid de 1980 à 1991.</p>
<p>En 1991, le FIS (Front islamique du salut) remporte les législatives. L’armée refuse de laisser ce parti islamiste accéder aux responsabilités. Cette décision plonge le pays dans une guerre civile et contraint l’armée à diriger directement l’Algérie, jusqu’à l’élection à la présidence du général Liamine Zéroual en 1995.</p>
<p>Critiquée pour sa violation massive des droits humains durant la guerre civile (1991-1999), l’armée est consciente qu’elle doit se retirer, se rendre invisible pour rendre les autorités politiques algériennes à nouveau fréquentables. Les militaires décident de faire élire Abdelaziz Bouteflika à la présidence. Une <a href="https://www.jstor.org/stable/42677206?seq=1">élection truquée</a> est organisée en 1999 afin de l’introniser et un <a href="http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve?codeEve=932">référendum sur la concorde civile</a> est programmé afin de construire l’image d’un président réconciliateur. Par la suite, le <a href="http://www.rfi.fr/fr/afrique/20190727-algerie-services-renseignement-armee-histoire">Département du renseignement et de la sécurité (DRS)</a> dirigé par le général Toufik va tirer profit du contexte international qui s’instaure après les attentats du 11 septembre 2001 pour vendre l’expertise algérienne en matière de lutte anti-terroriste aux États-Unis et à l’Europe et replacer la coopération sécuritaire au cœur de la diplomatie algérienne.</p>
<p>Durant la décennie 2000, l’armée et le DRS sont ravis du travail réalisé par Abdeaziz Bouteflika. Ses premier et deuxième mandats (1999-2004 et 2004-2009) permettent de tourner la page de la guerre civile : les dépenses publiques augmentent et la population retrouve un semblant de perspective. La hausse du prix du baril de pétrole à partir de 2003 facilite l’<a href="https://www.oxfordscholarship.com/view/10.1093/acprof:oso/9780190491536.001.0001/acprof-9780190491536">achat de la paix sociale et politique</a> – et cela, jusqu’en 2014.</p>
<p>En retrait de la vie politique, l’armée voit son budget annuel multiplié par cinq pour atteindre les 11 milliards de dollars : elle modernise ses équipements, professionnalise ses unités et développe un <a href="https://www.defense24.news/2018/02/27/levolution-forces-armees-algeriennes/">embryon d’industrie militaire</a>.</p>
<p>Mais les révoltes arabes de 2011, la guerre en Libye, les menaces dans le Sahel bouleversent la doctrine statique et défensive de l’armée. Une réorganisation de la défense territoriale est décidée. Sur le plan politique, l’institution militaire comme la présidence souhaitent réduire le pouvoir du DRS et donc écarter le général Toufik, considéré alors comme l’homme le plus puissant d’Algérie. Gaïd Salah, chef d’état-major de l’armée depuis 2004, et Abdelaziz Bouteflika parviennent à le démettre de ses fonctions le 13 septembre 2015. Afin de l’écarter définitivement, il est arrêté le 4 mai 2019 et <a href="https://www.rtl.fr/actu/international/algerie-15-ans-de-prison-en-appel-contre-said-bouteflika-et-deux-co-accuses-7800070497">condamné à 15 ans de prison par le tribunal militaire de Blida</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/HJVCcih1msw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<h2>L’armée se retourne contre Bouteflika</h2>
<p>En réalité, l’armée n’avait pas souhaité qu’Abdelaziz Bouteflika, malade depuis 2013, effectue un quatrième mandat (2014-2019). Mais des réseaux influents – Forum des chefs d’entreprise, Sonatrach, le grand syndicat UGTA, le FLN et le deuxième parti au parlement, le Rassemblement national démocratique (RND) – se livrent à un intense lobbying pour obtenir le maintien en poste du président sortant. Pour une raison simple : ils savent parfaitement tirer parti du système tel qu’il existe alors pour se procurer toutes sortes d’avantages. Dans ce contexte, Saïd Bouteflika, le frère du président et officiellement conseiller, est accusé par une partie de la presse algérienne d’être devenu le nouveau régent de l’Algérie, profitant de l’affaiblissement d’Abdulaziz. Quant à l’armée, il lui est impossible de démettre le président en 2014 : ce serait perçu comme un coup d’État, d’autant plus qu’aucun mouvement populaire dans le pays ne réclame à ce moment-là une telle intervention. Bouteflika, de plus en plus affaibli, effectue donc un quatrième mandat.</p>
<p>Sortie indemne des printemps arabes, l’armée reste convaincue que les menaces ne peuvent provenir que du voisinage et non de l’intérieur. Pourtant, le très faible taux de participation aux <a href="https://www.liberation.fr/planete/2017/05/05/legislatives-algeriennes-une-defaite-generale_1567623">élections législatives de 2017</a> (15 % en réalité, même si, officiellement, il s’est élevé à 40 %) vient conforter toutes les craintes relatives à la décomposition politique et sociale du pays et au risque d’implosion : le « système Bouteflika » ne fonctionne plus et aucune alternative politique n’est prévue.</p>
<p>L’effondrement du prix du baril de pétrole à partir de 2014 accentue le sentiment de crise en raison de l’<a href="https://www.alternatives-economiques.fr/lalgerie-malade-de-petrole/00088704">hyper-dépendance de l’Algérie aux exportations d’hydrocarbures</a> (celles-ci représentent 95 % des recettes d’exportation et 47 % des recettes budgétaires du pays). La décomposition du « système Bouteflika » est à son comble… et pourtant, en 2019, les réseaux d’influence liés à la présidence encouragent le président – mourant et incapable de parler et de bouger – à se représenter pour un cinquième mandat. L’émergence heureuse et inattendue du Hirak, en février 2019 – due en bonne partie au rejet qu’éprouve la population à l’égard de l’idée qu’un Bouteflika cacochyme puisse effectuer un mandat de plus –, offre à l’armée l’occasion de démettre le président, de neutraliser son frère (dont la condamnation à quinze ans de prison vient d’être <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/02/11/en-algerie-quinze-ans-de-prison-confirmes-en-appel-contre-said-bouteflika-et-deux-co-accuses_6029168_3212.html">confirmée en appel</a>) et de détruire tous les réseaux liés à sa personne.</p>
<h2>Vers une alliance avec les islamistes ?</h2>
<p>Depuis, l’armée est à la recherche de nouveaux partenaires politiques pour administrer l’État et gérer les revendications de la société. Si le FLN et le RND constituent des viviers toujours utiles pour faire tourner l’administration, ils n’ont plus aucun crédit politique auprès de la population. Les caisses de l’État se vident, ce qui empêchera donc l’armée de faire comme l’ancien président, à savoir acheter la paix sociale et politique.</p>
<p>Le Hirak peut-il devenir un partenaire de l’armée ? Les militaires se méfient de ce mouvement civil qu’ils jugent radical et qui aspire ouvertement à mettre fin au rôle central de l’armée au sein de l’État. Son slogan est, en effet, explicite : « État civil, non militaire ». L’émergence du Hirak représente un défi considérable pour l’armée car ce mouvement s’est construit contre les partis politiques, accusés d’être des « sous-traitants » du régime. Pour l’armée, il est impératif de faire revenir les partis politiques et l’UGTA sur le devant de la scène afin de reconstruire des alliances nécessaires à la gestion des institutions politiques.</p>
<p>Les scrutins à venir – <a href="http://www.aps.dz/algerie/99890-president-tebboune-la-constitution-amendee-sera-soumise-a-un-referendum-populaire">référendum sur la Constitution</a>, élections législatives et municipales <a href="https://algeriepartplus.com/exclusif-le-pouvoir-algerien-veut-organiser-des-elections-legislatives-anticipees-avant-le-printemps-2020/">anticipées</a> – seront autant de moments de négociations entre l’armée et les différents acteurs politiques, sociaux et économiques du pays. La réforme territoriale, qui vise à augmenter le nombre de communes (de 1 541 à 15 000) et de <a href="https://www.lepoint.fr/afrique/algerie-10-wilayas-de-plus-et-des-questions-28-11-2019-2350183_3826.php"><em>wilayas</em></a> (de 58 à 80) permettra d’offrir de nouvelles ressources politiques et financières aux partenaires politiques de l’armée.</p>
<p>Pour l’instant, le parti des Frères musulmans, le Mouvement de la société pour la paix (MSP), s’est empressé de <a href="http://www.rfi.fr/fr/afrique/20191231-algerie-dialogue-parti-islamiste-msp-president-tebboune">soutenir le nouveau président</a> et espère en contrepartie profiter de la crise de légitimité de celui-ci pour se rendre indispensable. À défaut de trouver de nouveaux partenaires politiques à la fois populaires et soucieux de préserver ses intérêts, l’armée sera-t-elle contrainte de gouverner avec les Frères musulmans, à l’instar de la monarchie marocaine, qui <a href="https://www.jeuneafrique.com/mag/670663/politique/maroc-grandeur-et-decadence-du-pjd/">compose avec le Parti de la justice et du dévéloppement (PJD)</a> ? Ce n’est pas à exclure…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/131798/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luis Martinez ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’armée algérienne se méfie profondément du Hirak, ce mouvement social qui a emporté le système Bouteflika. Au point qu’une alliance entre les militaires et les islamistes n’est pas à exclure…Luis Martinez, Directeur de recherches, CERI, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1168752019-05-14T21:21:04Z2019-05-14T21:21:04ZOpération mains propres en Algérie : la société civile mobilisée pour une « révolution durable »<p>Le nouvel homme fort du régime, le chef d’état-major Ahmed Gaïd Salah défenseur du quatrième mandat du président Bouteflika, favorable au cinquième, puis finalement instigateur de la démission du Président Bouteflika, a initié une série d’arrestations très médiatisées visant à démanteler le clan Bouteflika et calmer la protestation populaire.</p>
<p>Dans le viseur, <a href="https://www.lopinion.fr/edition/international/en-algerie-l-armee-s-attaque-aux-oligarques-183600">d’abord l’oligarchie financière</a>, puis le pôle sécuritaire du clan Bouteflika, enfin Said Bouteflika, frère cadet et puissant conseiller du président démissionnaire qui aurait usurpé la fonction présidentielle <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/algerie-said-bouteflika-et-deux-ex-patrons-du-renseignement-ont-ete-incarceres_2076477.html">depuis l’AVC d’Abdelaziz Bouteflika</a>. Il est perçu comme le maillon de la collusion renforcée entre le monde des affaires, le monde politique et une partie de l’armée.</p>
<p>Les dérives du clan étaient devenues insupportables pour les citoyens dont le mot d’ordre est devenu « Yetnahaw ga3 » : « Ils dégagent tous ! ». Les concessions faites à la rue n’entament pas la mobilisation et font redoubler de vigilance malgré la satisfaction de voir écrouées des personnalités « wanted » sur les affiches les vendredis de contestation.</p>
<h2>« Qui juge qui ? » ou la crainte d’un changement de façade</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/274109/original/file-20190513-183089-3gczzq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/274109/original/file-20190513-183089-3gczzq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/274109/original/file-20190513-183089-3gczzq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/274109/original/file-20190513-183089-3gczzq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/274109/original/file-20190513-183089-3gczzq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=530&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/274109/original/file-20190513-183089-3gczzq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=530&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/274109/original/file-20190513-183089-3gczzq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=530&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Dans les rues d’Alger.</span>
<span class="attribution"><span class="source">DR</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les arrestations font craindre à certains un changement de façade qui serve <em>in fine</em> à reproduire le système plutôt qu’à le défaire. Il s’agirait là d’une diversion pour affaiblir le <em>Hirak</em> (mouvement populaire), alors que celui-ci rejette la transition actuelle. Derrière le « Qui juge qui ? » des banderoles se discutent la légalité et la légitimité des arrestations dans le contexte de transition politique actuel mené par des hommes qui en sont le produit.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/274111/original/file-20190513-183080-1dmgbw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/274111/original/file-20190513-183080-1dmgbw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=797&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/274111/original/file-20190513-183080-1dmgbw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=797&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/274111/original/file-20190513-183080-1dmgbw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=797&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/274111/original/file-20190513-183080-1dmgbw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1001&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/274111/original/file-20190513-183080-1dmgbw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1001&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/274111/original/file-20190513-183080-1dmgbw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1001&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">DR</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Avec humour, une <a href="https://theconversation.com/algerie-quand-les-millennials-defont-le-trauma-avec-humour-et-imagination-113377">signature de ce mouvement</a>, les Algériens notent : « Le feuilleton du ramadan arrive avant l’heure. » Ils lancent : « Sergent Garcia pendant 15 ans ne peut pas devenir Zorro en un jour », ou « Ni État militaire ni État mercenaire. On veut un État de droit. »</p>
<p>Ces slogans expriment la volonté de la société civile, véritable levier inattendu depuis le 22 février 2019, de tourner radicalement la page des manœuvres militaro-politico-financières pour installer au centre une démocratie debout, débarrassée du populisme, des limogeages spectaculaires et de la corruption. Des citoyens appellent à ne pas « dévier du sujet principal » : la transformation radicale de la gouvernance du pays.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/274112/original/file-20190513-183093-i386bb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/274112/original/file-20190513-183093-i386bb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=700&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/274112/original/file-20190513-183093-i386bb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=700&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/274112/original/file-20190513-183093-i386bb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=700&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/274112/original/file-20190513-183093-i386bb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=880&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/274112/original/file-20190513-183093-i386bb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=880&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/274112/original/file-20190513-183093-i386bb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=880&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">DR</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le défi du combat actuel en Algérie est de maintenir le pacifisme, de ne pas sombrer dans un populisme dégagiste, de trouver une issue à une situation politique bloquée, le tout <a href="https://theconversation.com/algerie-economie-politique-dune-rupture-annoncee-112633">à l’aune d’une crise économique programmée</a>. Dans ce cadre, la société civile mature est en mouvement profond et en appelle chacun à s’investir pour faire aboutir une démocratie réelle</p>
<p>La corruption est endémique en Algérie et se pratique à tous les niveaux au point d’être en quelque sorte normalisée. Les citoyens s’en saisissent aujourd’hui comme des consommateurs acteurs : ils expriment des velléités claires de boycotter les entreprises jugées corrompues, de boycotter les commerçants qui augmentent les prix pendant le ramadan. Ils incarnent le désir de changement dans le réel.</p>
<h2>« Ils dégagent tous » et « On s’éduque tous »</h2>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/274114/original/file-20190513-183089-17gx6hn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/274114/original/file-20190513-183089-17gx6hn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=799&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/274114/original/file-20190513-183089-17gx6hn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=799&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/274114/original/file-20190513-183089-17gx6hn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=799&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/274114/original/file-20190513-183089-17gx6hn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1004&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/274114/original/file-20190513-183089-17gx6hn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1004&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/274114/original/file-20190513-183089-17gx6hn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1004&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">DR</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En parallèle, à partir du slogan dégagiste « Yetnahaw Ga3 » (« ils dégagent tous ! ») émerge le « Netrabaw Ga3 » (« On s’éduque tous »), et le logo : « sinon c’est comme si on n’avait rien fait ». C’est un sursaut collectif réflexif remarquable et fortement mobilisateur sur des questions aussi diverses que les passe-droits (<em>Ma3rifa</em>), le gaspillage, le respect des règles.</p>
<p>Depuis le début du mouvement une thématique est constante : celle du nettoyage comme un figure littérale et métaphorique du renouveau et la fin de la corruption. Une catharsis pour ne pas s’enfermer dans l’immobilisme, comme au temps de la décennie noire figé par « le Qui tue Qui », lequel répond au « Qui juge qui ».</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ijOXRflBJKg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Au-delà du désormais célèbre « Trashtag challenge » inventé par un Algérien, partout nettoyer, embellir, faire fleurir vient en écho au slogan : « Ils voulaient nous enterrer, nous avons fleuri ».</p>
<h2>Un espace public réformateur en ébullition</h2>
<p>Le pays vit une révolution culturelle, l’espace public est en ébullition. Les réformateurs sur le plan politique et sociétal se positionnent pour discuter de tous les tabous sociaux de la corruption à la nécessaire inclusion des jeunes, et des femmes dans les cercles de décision pour une Algérie juste et moderne.</p>
<p>Les comités se forment partout dans un pays qui compte <a href="https://theconversation.com/les-etudiants-algeriens-cles-du-changement-113075">1,7 million d’étudiants (dont une grande majorité de femmes)</a> à l’avant-poste avec d’importantes corporations (avocats, médecins, journalistes).</p>
<p>Notons, par exemple, la campagne vidéo « Je suis un jeune conscient » du media Wesh Derna (« que fait-on ? »). Amine Smati, journaliste, propose la création d’un haut conseil de justice qui serait élu pour garantir l’indépendance de la justice et mettre fin à la corruption dans le domaine du droit.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/YV5yV6FU8a0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Pour l’instant, une issue politique peine encore à émerger. La société civile veut faire triompher « la primauté du civil sur le militaire » sans sombrer dans le chaos institutionnel. À l’aune de la crise, le volet économique manque cruellement alors qu’il conditionne la réussite du saut démocratique.</p>
<h2>Des leaders économiques absents du débat démocratique</h2>
<p>La plus large organisation patronale – le Forum des chefs d’entreprises – est discréditée. Son ancien président Ali Haddad est en prison. L’organisation et son dirigeant avaient fait l’objet de contestations de la part de membres influents qui ont quitté et <a href="https://www.elwatan.com/edition/economie/accointances-avec-le-pouvoir-calculs-politiciens-et-interets-rentiers-debats-en-trompe-loeil-du-patronat-17-12-2018">dénoncé ses pratiques</a>, avant la démission de certains grands patrons décriés pour leur soutien tardif au mouvement.</p>
<p>À l’heure où le carnet de commandes stagne, où des réformes majeures attendent une économie dépendante des hydrocarbures, de rares dirigeants s’aventurent à proposer des réorientations économiques pour sauver la croissance, les emplois, anticiper le changement économique. Le leader des énergies renouvelables, Mourad Louadah, propose ainsi une <a href="https://www.liberation.fr/planete/2019/04/26/alger-a-l-ecole-de-la-bonne-gouvernance_1723485.">réorientation des subventions vers l’appareil de production plutôt que vers la consommation</a>.</p>
<p>Les entrepreneurs sont paralysés par l’amalgame fait avec la corruption endémique et structurelle qui sévit dans le pays depuis des décennies. Les arrestations spectaculaires agitent un discours centré sur « tous pourris » confondant <a href="https://www.lopinion.fr/edition/international/en-algerie-grand-nettoyage-printemps-dans-l-elite-politico-economique-185420">créateurs de richesse et usurpateurs</a>, et alimentant la crainte de l’<a href="https://www.lopinion.fr/edition/international/en-algerie-l-armee-s-attaque-aux-oligarques-183600">injustice d’une potentielle chasse aux sorcières</a>.</p>
<p>Au-delà des déclarations de soutien au <em>Hirak</em>, des contributions sont attendues de toutes les forces vives de la nation algérienne. À l’instar des autres corporations, les entrepreneurs anonymes doivent s’organiser en commission, interroger leurs pratiques professionnelles, discuter d’un code d’éthique des affaires – un « Netrabaw ga3 business » ? ou « On s’éduque tous business ? » –, proposer des réformes économiques pour « muscler » les projets politiques qui émergeront de ce mouvement.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/274115/original/file-20190513-183100-rqbbmq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/274115/original/file-20190513-183100-rqbbmq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=923&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/274115/original/file-20190513-183100-rqbbmq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=923&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/274115/original/file-20190513-183100-rqbbmq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=923&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/274115/original/file-20190513-183100-rqbbmq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1160&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/274115/original/file-20190513-183100-rqbbmq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1160&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/274115/original/file-20190513-183100-rqbbmq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1160&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Lutter contre une corruption endémique, massive, normalisée, les Algériens le savent requiert un effort de tous au long cours. Une opération éclair « mains propres » ne saurait s’y substituer pour installer une démocratie durable dans la <em>Sylmia</em> (la paix). Comme l’indique l’affiche détournée « Enerdjazair » (EnerAlgérie), en plein Ramadan, la mobilisation ne faiblit pas malgré la chute de figures du clan Bouteflika. Pour une Révolution pacifique qui dure longtemps… Très longtemps.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/116875/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nacima Ourahmoune ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les arrestations font craindre à certains en Algérie un changement de façade qui serve in fine à reproduire le système plutôt qu’à le défaire.Nacima Ourahmoune, Professeur Associé / Chercheur/ Consultant en marketing et culture de consommation, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1138412019-03-19T15:05:06Z2019-03-19T15:05:06ZCe qui se passe en Algérie : le peuple, écoeuré d'être pillé par des « bandits », veut renverser le système<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/264548/original/file-20190319-28483-1vf68fb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un jeune Algérien brandit le drapeau du pays, lors d'une des manifestations du 15 mars, à Alger. Des centaines de milliers de personnes se sont rassemblées dans la capitale algérienne et dans d'autres villes dans un climat de sécurité renforcée. </span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Toufik Doudou</span></span></figcaption></figure><p>L'Algérie ne décolère pas depuis que le président Abdelaziz Boutlefika a tenté de briguer un nouveau mandat, en vue des élections d'avril. Les manifestations ont provoqué son désistement, mais elles n'ont pas cessé, loin s'en faut: vendredi, des centaines de milliers d'Algériens ont défilé à nouveau dans les rues des grandes villes du pays pour manifester leur colère et leur écoeurement: les élections sont reportées on ne sait trop à quand. Le pouvoir ne semble pas vouloir lâcher le morceau. </p>
<p>La diaspora algérienne manifeste aussi à travers l'Europe et ici, à Montréal. <a href="https://journalmetro.com/actualites/montreal/2227382/manifestation-a-montreal-contre-le-5e-mandat-de-bouteflika/">Chaque dimanche, des milliers d'entre eux</a> se massent devant le Consulat général d'Algérie, rue Saint-Urbain. </p>
<p>Même si je vis et travaille à Montréal depuis quatre décennies, je m'intéresse de près à ce qui se passe dans mon pays d'origine. Et ce n'est pas beau. </p>
<h2>Un pays sinistré</h2>
<p>L’Algérie, magnifique et <a href="https://escaledenuit.com/2016/03/05/les-plus-grands-pays-d-afrique/">(plus grand) pays d’Afrique</a>, aux richesses aussi multiples qu’immenses,<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89nergie_en_Alg%C3%A9rie"> depuis les hydrocarbures</a> jusqu’aux métaux les plus rares, en passant par près de 1500 kilomètres de côtes foisonnantes, d’une interminable plaine côtière, jadis grenier à blé, agrumes, raisin, olives <a href="http://www.algerie-monde.com/histoire/romaine/">de l’Empire Romain</a>, et de la France coloniale, est aujourd’hui un pays quasiment multi-sinistré. </p>
<p>Rien ou presque ne « va » dans ce pays devenu, après une cinquantaine d’années d’indépendance, moins que l’ombre de ce qu’il était avant. </p>
<p>Une mainmise, dès l’indépendance, en 1962, d’une junte militaire sur le pouvoir politique et économique, aura tôt fait de faire de ce pays, pans après pans, une sorte d’énorme république bananière. </p>
<p>Les pouvoirs successifs (simples jeux de chaises musicales entre les membres des mêmes cliques issues de l'armée – <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Front_de_lib%C3%A9ration_nationale_(Alg%C3%A9rie)">parti unique, le FLN, jusqu’à la fin des années 1980</a>, sur simulacres d’élections à la Staline). Profitant d’une rente pétrolière et gazière plus que généreuse, ils n’ont fait qu’acheter la paix sociale en arrosant le peuple de subventions et de salaires pléthoriques. </p>
<p>Mais dès le début des années 1970, une grogne populaire sourde commençait à se faire jour, devant les abus et excès, de plus en plus insolemment ostentatoires d’une nouvelle classe de dominants qui ne cachait même plus les indécents « avantages » qu’elle s’octroyait : un vrai hold-up, au profit de quelques familles de potentats et de leurs complices, sur les richesses nationales. Sans vergogne aucune. C’est alors que cette « grogne » jusque-là diffuse et informe, a pris petit à petit un visage, que d’aucuns pensent inattendu et spontané, et que d’autres considèrent comme sciemment préparé, ou tout au moins facilité.</p>
<h2>Les années noires</h2>
<p>La montée des idées islamistes a mené <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_civile_alg%C3%A9rienne">à la dite « décennie noire » des années 1990</a>.</p>
<p>Les forums d’expression de toutes idées hors celles du système officiel étant inexistants, les mosquées ont rempli ce rôle. Il convient aussi de savoir que le pouvoir algérien a, en connaissance de cause ou non, massivement importé du Moyen-Orient des instituteurs, imams, professeurs issus du<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Wahhabisme"> mouvement wahhabite</a>, et/ou de celui des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fr%C3%A8res_musulmans">Frères Musulmans</a>. </p>
<p>C’était le fruit empoisonné engendré en très grande partie de la doctrine dite du « containment » (endiguement) initialisée par le gouvernement Truman des États-Unis : la version wahhabite, c’est-à-dire une politique radicale, primitive, hyper fondamentaliste et réductionniste de l’Islam, qui n’avait alors cours que dans une portion de l’Arabie Saoudite. </p>
<p>De la volonté d’en faire un rempart idéologique contre une éventuelle entrée du soviétisme en Orient, sont nés les Talibans et toutes les variantes de l’islamisme radical. Elles ont été malencontreusement importées en Algérie (tout en essaimment un peu partout, flots de pétrodollars à l’appui). C’est alors qu'est né en Algérie l<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Front_islamique_du_salut">e parti dénommé FIS (Front islamique du salut)</a> dès la mi-fin des années 1980. </p>
<p>Très vite il s'est montré comme le lieu et le véhicule de la fronde contre le pouvoir et ses bandits. L’incroyable pour beaucoup s'est produit lors des élections municipales en 1990 : le FIS l’emportait haut la main. Moins de deux ans plus tard, le 11 janvier 1992, devant cette menace « démocratique » et populaire qui allait mettre en danger le tranquille pillage du pays, le pouvoir algérien (avec l’aval et le soutien évident de puissances telles que la France et les États-Unis) a décidé d’opérer un putsch, un coup de force militaire qui annulait ces élections et leurs résultats.</p>
<p>C’était l’étincelle qui allait déclencher 10 ans de guerre civile. </p>
<p>Tueries, pour ne pas dire sauvages boucheries, s’en sont suivis, faisant de l’Algérie, pendant 10 ans, le théâtre d’un indescriptible chaos meurtrier, où à la fin nul ne savait plus « qui tuait qui ». Ce qui compte cependant pour le présent propos est de savoir comment tout cela a été instrumentalisé pour finir par conduire l’Algérie dans l’état qu’on lui voit aujourd’hui : le peuple entier dans les rues, criant son ras-le-bol. </p>
<h2>Un pouvoir autiste et (trop) manipulateur</h2>
<p>Pour se donner un vernis de légitimité, le pouvoir hyper corrompu (surtout après l’ère Boumediene, vers fin des années 1970) et despotique dont je parle, s’est toujours appuyé sur deux piliers : être la continuité de la glorieuse Révolution anticoloniale, et le rempart contre le retour des hordes islamistes. </p>
<p>Jouant inlassablement sur ces deux cordes, le pouvoir a été jusqu’à imposer – en violation de la constitution que ce pouvoir s’est lui-même concoctée- un quatrième puis un cinquième mandat de cinq ans au même président, Abdelaziz Bouteflika. Rappelons qu'il a été terrassé par un AVC il y a plusieurs années, avant son quatrième mandat. Il est totalement impotent, donnant la pitoyable image d’un homme quasi moribond. </p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/264547/original/file-20190319-28492-1exledw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/264547/original/file-20190319-28492-1exledw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/264547/original/file-20190319-28492-1exledw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/264547/original/file-20190319-28492-1exledw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/264547/original/file-20190319-28492-1exledw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/264547/original/file-20190319-28492-1exledw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/264547/original/file-20190319-28492-1exledw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le président Abdelaziz Boutlefika, en 2009, alors qu'il avait encore la santé pour faire des apparitions publiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Presse Canadienne</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’annonce de sa cinquième candidature pour les élections d’avril 2019 a été la goutte qui a fait déborder le vase et l’étincelle qui a mis le peuple dans les rues. </p>
<p>Il convient également de savoir que la chute draconienne des prix des hydrocarbures depuis 2014 a entrainé avec elle celle du pouvoir d’achat et de la qualité de vie – déjà à la limite du supportable- des Algériens. C’en devenait trop. Et ce d’autant <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9mographie_de_l%27Alg%C3%A9rie">que la majorité de la population est très jeune</a>, et connectée aux chaines de télévisions internationales et à l’Internet. Elle n’a aucune sensibilité aux discours de « légitimité révolutionnaire » ou de « menace islamiste-terroriste ». </p>
<p>Cette jeunesse est aujourd’hui aux avant-postes de l’insurrection qui envahit le pays. Jusque-là tout se passe de manière étonnamment civilisée et pacifique. Aucune « casse », au contraire : les manifestants se font un devoir de tout nettoyer, sacs de plastique à la main, après chaque défilé ! Du jamais vu ! </p>
<h2>Que réclame le peuple algérien et que craindre</h2>
<p>Le peuple réclame (un peu comme cette jeunesse mondiale qui s’élève conte « le système » mondialisé qui est en train de tuer leur planète) le départ définitif du « système Algérie » tel qu’il a existé jusque-là. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/264549/original/file-20190319-28512-mo9wqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/264549/original/file-20190319-28512-mo9wqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/264549/original/file-20190319-28512-mo9wqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/264549/original/file-20190319-28512-mo9wqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/264549/original/file-20190319-28512-mo9wqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/264549/original/file-20190319-28512-mo9wqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/264549/original/file-20190319-28512-mo9wqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des centaines de milliers d'Algériens ont manifesté vendredi à travers les villes du pays. Ils réclament la fin du « système Algérie », tel qu'il a existé jusque-là.</span>
<span class="attribution"><span class="source">AP Photo/Toufik Doudou</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il réclame une nouvelle constitution et une seconde République. C’est-à-dire un « re-brassage » complet des cartes politiques, sociales et économiques, pour faire redémarrer l’Algérie sur de nouvelles bases réellement populaires et démocratiques. </p>
<p>Ni plus ni moins. </p>
<p>Ce qui est à craindre c’est que le pouvoir demeure autiste et manipulateur : ce qu’il tente de faire<a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1157723/algerie-bouteflika-renonce-mandat-report-election-presidentielle"> par des mesures de « gain de temps »</a> (report des élections, création d’une commission dite « de sages » et d’un gouvernement dits « de compétences « (Sic !), pour une « transition » qui mènerait à la satisfaction des volontés populaires. </p>
<p>Il est également à craindre la tentation de mater le mouvement par la force, après usage de « provocateurs - casseurs » qui justifierait le lâchage de l’armée et des forces de répression dans les rues. </p>
<p>Reste à espérer que le civisme et la sagesse continuent à prédominer, et que ce pouvoir comprenne que son temps est irrémédiablement terminé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/113841/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Omar Aktouf ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L'élite algérienne a systématiquement détruit le pays depuis plus de 50 ans. La jeunesse, écoeurée par les bandits qui pillent les richesses, réclame le départ définitif du « système Algérie ».Omar Aktouf, professeur titulaire management, HEC MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1133962019-03-14T00:39:10Z2019-03-14T00:39:10ZEn Algérie, la longue marche de la société civile<p>À moins de deux mois des présidentielles en Algérie qui viennent de connaître – une fois de plus – des rebondissements inattendus, le caractère massif, national et populaire du mouvement de contestation contre le cinquième mandat du Président Abdelaziz Bouteflika ne cesse de surprendre.</p>
<p>D’abord, par la nature et l’intensité de la mobilisation, via les réseaux sociaux, hors de tout cadre politique ou syndical, de façon pacifique et spontanée. Ensuite, par une organisation qui s’est fédérée presque exclusivement autour du refus de voir un Président de plus de 80 ans, malade, s’engager pour un nouveau mandat. Enfin par la participation, dès le début, de très nombreux jeunes que l’on disait faiblement ou pas politisés, mais aussi de femmes, de corporations professionnelles et de syndicats, qui ont rejoint plus récemment le mouvement, tous désireux de voir l’Algérie changer.</p>
<p>De telles manifestations, que l’on peut qualifier d’historiques, nous feraient-elles assister au « réveil » de la société civile algérienne, de la même manière que d’autres pays du monde arabe huit ans plus tôt ?</p>
<h2>Un mouvement soudain… en apparence</h2>
<p>Au regard de l’intensité et de la soudaineté du mouvement, mais aussi de l’annonce, le 11 mars, du Président de ne pas se représenter, nous pourrions effectivement l’imaginer. Un allumage donc, tardif, mais devenu compréhensible du fait du traumatisme de la décennie noire (1992-2002) et de l’absence d’évolution récente du contexte socio-économique et politique.</p>
<p>Sauf, qu’à regarder l’histoire, on ne peut considérer la société civile algérienne comme longtemps absente, bâillonnée et soumise à l’autoritarisme du pouvoir en place. Au contraire, nous allons y revenir. Sauf qu’à regarder également le présent, on ne peut faire fi des dernières évolutions de la société, sa population majoritairement jeune (54 % a moins de 30 ans) et sa capacité à entrer dans l’air du temps, avec le développement massif des réseaux sociaux et l’aspiration à plus de transparence et de démocratie.</p>
<p>Sans compter une situation économique et sociale qui s’est lentement, mais assurément dégradée malgré une redistribution sous forme d’aides sociales censées l’atténuer, mais aussi et surtout la corruption et la mainmise de quelques-uns sur les richesses du pays, dénoncées aujourd’hui par le plus grand nombre.</p>
<p>Pour éclairer ce mouvement de la société civile apparemment inédit et soudain, c’est donc à la fois dans l’histoire et ses dynamiques profondes qu’il nous faut plonger, mais aussi les évolutions récentes d’une société civile aux multiples facettes, entre modernité et conservatisme, ruptures et recompositions sociales, démographiques et culturelles, mainmise ou indépendance vis-à-vis du pouvoir.</p>
<p>Une histoire mouvementée, parfois cachée, mais <a href="https://journals.openedition.org/insaniyat/4268">révélatrice d’une société civile de plus en plus vivante</a>.</p>
<h2>Une société civile active depuis longtemps</h2>
<p>Depuis le début du mouvement à Bordj Bou Arreridj, puis la première manifestation d’ampleur à Kherrata, en petite Kabylie, le 16 février 2019, avant la montée en puissance du mouvement à l’échelle nationale, le peuple algérien pourrait donner tous les signes d’une société « nouvelle », enfin libérée et agissante.</p>
<p>Notre travail de recherche, <a href="https://theconversation.com/les-societes-civiles-des-rives-sud-de-la-mediterranee-un-espoir-pour-demain-68944">mené depuis 2017</a>, sur les sociétés civiles au Maghreb <a href="https://theconversation.com/lautre-visage-des-revoltes-en-tunisie-une-societe-civile-de-plus-en-plus-forte-et-affirmee-90865">dans les contextes post–printemps arabes</a> nous conduit cependant à une analyse plus nuancée. Et ce, malgré l’extraordinaire surprise du mouvement.</p>
<p>En effet, dès que l’on met de côté l’observation de l’expression politique du peuple algérien pour se consacrer aux dynamiques socio-économiques portées par le milieu associatif et d’autres organisations de la société civile (OSC), on constate l’existence de mouvements marqués depuis longtemps par deux tendances, parfois brouillées : celle d’un milieu associatif porté par le pouvoir, mais aussi celle d’un milieu autonome dont la capacité créatrice et militante est présente et active depuis longtemps, y compris aux heures les plus sombres de la décennie noire.</p>
<p>Ainsi, au lendemain des deux premières décennies qui suivent l’indépendance, celles où il était difficile de distinguer le monde associatif des structures d’encadrement du FLN, la fin des années 1980 a été marquée par la création d’un certain nombre d’associations, dont deux sont aujourd’hui emblématiques de cette époque, à cheval entre ouverture politique et maintien du statu quo par le pouvoir en place.</p>
<p>Il s’agit de la Ligue algérienne des Droits de l’homme (LADH), fondée en 1987, seule association tolérée dans le champ du politique. Mais on peut citer aussi l’association algérienne du Planning familial (AAPF), créée la même année, pour accompagner l’émancipation des femmes, avec l’appui de l’État et de IPPF (International Planned Parenthood Federation), l’une des plus grosses ONG au monde à cette époque.</p>
<p>Une amorce donc, ancienne, d’un mouvement décidé à voir la société évoluer, à côté des associations de parents d’élèves et associations religieuses/caritatives, les associations sportives, les associations culturelles, artistiques et enfin les associations de quartier, de handicapés, etc. qui jouaient un rôle d’acteur social, en lien ou pas avec le pouvoir en place.</p>
<h2>Au début des années 90, le printemps des associations</h2>
<p>Et puis, il y a les <a href="https://blogs.mediapart.fr/benjamin-stora/blog/071008/octobre-1988-une-nouvelle-histoire-commence-en-algerie">événements de 1988</a> qui viennent tout bouleverser : le « premier printemps arabe », comme aiment à le qualifier les Algériens eux-mêmes. Initié par la jeunesse du pays, celui-ci est rapidement étouffé à la suite de plusieurs centaines de morts (169 officiellement, 500 selon d’autres sources).</p>
<p>Mais le multipartisme naît bien de cette période tumultueuse, permettant de voir la société civile investir tous les domaines. Ainsi, des milliers d’associations naissent, grâce à la liberté d’association consacrée par la loi 90-31 qui substitue le régime déclaratif à celui de l’agrément (ou autorisation préalable). Sous le régime de cette loi, il se crée – en l’espace de deux ans – six à sept fois plus d’associations qu’en 30 ans !</p>
<p>La décennie noire – consécutive à l’organisation des premières élections libres qui ont permis au FIS (Front islamique du Salut) de l’emporter aux élections communales de 1990, puis d’être sur le point de gagner aux élections législatives de 1991 dans un climat de tension extrême (intimidation et menaces des milices islamistes, grève insurrectionnelle…) et de début de la violence armée – plonge l’Algérie dans un conflit qui fera plusieurs dizaines de milliers de morts (<a href="https://information.tv5monde.com/afrique/algerie-la-decennie-noire-une-memoire-interdite-274639">200 000 selon certaines sources</a>).</p>
<h2>Une occupation de l’espace public parfois inespérée</h2>
<p>Malgré la violence de cette période, le mouvement associatif autonome n’a cependant jamais cessé d’exister, souvent à bas bruits. Il s’est même emparé de sujets particulièrement sensibles comme les discriminations liées au VIH. On peut ainsi citer à Oran l’expérience des « kamikazes » entre 1992 et 1995, en pleine décennie noire, portée par des jeunes distribuant des préservatifs sur l’espace public, et ce, malgré les risques encourus.</p>
<p>Cette initiative s’est poursuivie et structurée sous la forme d’une association à partir de 1998, avec comme objet social, la place de la santé dans le développement et la lutte contre les discriminations faites aux femmes, <a href="https://www.sidaction.org/glossaire/hsh">« HSH »</a>, travailleuses du sexe, populations vulnérables, migrants, etc.</p>
<p>La société civile algérienne a ainsi évolué depuis 1962 dans un environnement peu favorable à son expression dans l’espace public, mais elle a su se structurer et s’organiser, pour répondre progressivement à des enjeux sociaux, éducatifs et culturels sur l’ensemble du territoire national.</p>
<p>Notons aussi l’existence d’un monde associatif, principalement dans le développement, qui s’est professionnalisé, de la même manière qu’au Maroc, et ce, dès les années 1990. Dans ce mouvement, la coopération internationale a joué assurément un rôle, notamment parce qu’elle a développé, dès le retour au calme, d’importants programmes d’appui à la société civile et au renforcement de capacités des acteurs du monde associatif.</p>
<h2>Le tissu associatif algérien, un véritable patchwork</h2>
<p>Il est, aujourd’hui, difficile de dresser un tableau exhaustif de la société civile algérienne. D’abord, parce que les 100 000 associations officielles ne disent rien de la réalité de celles dites actives. À titre d’indication, retenons le nombre de 5 à 6 000 associations donné par le ministère de l’Intérieur il y a une dizaine d’années, lui-même sujet à caution (un nombre équivalent à celui de la Tunisie pourtant quatre fois moins peuplée).</p>
<p>Ensuite, parce que le nombre d’associations fait toujours débat, notamment pour justifier ce qui a été appelé « le nettoyage », avec le spectre, sans cesse renouvelé et encore employé ces derniers jours, de la « main de l’étranger » avec des conspirateurs aidés de l’extérieur du pays voulant déstabiliser l’État et la concorde nationale.</p>
<p>Quoi qu’il en soit, le tissu associatif algérien est assurément très varié. Y figurent des associations soutenues par les pouvoirs publics, dans des domaines touchant aux sports, aux loisirs et à la culture ; ainsi que des associations charitables soutenues par des partis islamistes et de pieux bienfaiteurs.</p>
<p>Il convient aussi de mentionner les associations de lutte pour les droits, principalement soutenus par les bailleurs de fonds, mais aussi des associations de développement, des collectifs informels et éphémères, issus des réseaux sociaux, qui mènent des actions citoyennes, culturelles à l’échelle d’un quartier ou dans l’espace public. La jeunesse étant une composante essentielle de cette dernière catégorie d’acteurs.</p>
<p>À ce stade de notre recherche, une partie de la société civile algérienne semble donc très vivante, fortement professionnalisée pour certaines associations, même si elle est contrainte dans son expression démocratique ;les moyens de pression avec blocage des comptes bancaires et non-délivrance par les administrations des autorisations concernant la vie associative sont fréquents.</p>
<p>Et puis, il y a les réseaux sociaux, dont on parle beaucoup depuis le début des manifestations, dans un pays de 40 millions d’habitants composés de 19 millions de personnes <a href="https://theconversation.com/algerie-quand-les-millennials-defont-le-trauma-avec-humour-et-imagination-113377">connectées à Internet</a>, 60 millions de smartphones et 100 millions de cartes SIM !</p>
<h2>Quel avenir ?</h2>
<p>Nul ne peut dire, à ce jour, ce qu’il adviendra du mouvement de transition historique qui se déroule sous nos yeux, et ce malgré le départ annoncé d’un Président au pouvoir depuis vingt ans. La ligne de crête est fragile entre une société civile qui a investi l’espace public, pacifique et rassemblée, et les écueils de part et d’autre de la violence ou du fondamentalisme toujours à l’affût.</p>
<p>Si les premiers à se lever ont été les jeunes, les corporations prennent le relais avec les enseignants, le personnel médical, les avocats et les commerçants qui se sont mis en grève le 10 mars pour cinq jours à l’appel de leur organisation. C’est donc bien toute la société civile algérienne qui revendique dorénavant le choix de décider de son avenir.</p>
<p>Même l’armée, qui met en garde contre le « chaos », se voit opposer, pour la première fois depuis l’indépendance, des appels à l’ouverture de la part des membres de son appareil ou de ses alliés traditionnels. <a href="https://www.algeriepatriotique.com/2019/03/08/ledito-del-djeich-releve-le-lien-consolide-entre-larmee-et-le-peuple/">L’édito de la revue <em>El Djeich</em></a> (organe de l’ANP), publié en ce mois de mars, est d’ailleurs consacré à l’osmose entre le peuple et l’armée, idée reprise <a href="http://afrique.le360.ma/algerie/politique/2019/03/06/25398-algerie-5e-mandat-les-moudjahidines-lachent-bouteflika-et-soutiennent-les-manifestants-25398">par le chef d’état-major et vice-ministre de la Défense dans ses deux derniers discours</a>.</p>
<p>Gageons que le mouvement qui vient de naître arrive à ses fins et, au-delà du retrait du Président actuel et du report annoncé des élections, permette à l’Algérie de s’engager dans un processus démocratique, qui fasse du pays, comme de ses deux voisins tunisien et marocain, la tête de pont de l’éveil des sociétés civiles dans le monde arabe.</p>
<p>À cet égard, la recherche actuellement menée par notre équipe ne cesse de révéler les changements à l’œuvre en profondeur à l’échelle du Maghreb, même si, a contrario, les printemps arabes n’ont pas été à la hauteur des espoirs de leurs initiateurs.</p>
<p>Ce qui est certain, c’est que désormais, en Algérie, il y aura un avant et un après cette <a href="https://theconversation.com/algerie-quand-les-millennials-defont-le-trauma-avec-humour-et-imagination-113377">extraordinaire éruption volcanique de la jeunesse et de la société</a>. L’espoir est permis de voir le pays s’engager résolument dans un processus de réformes profondes qui toucheraient et impacteraient tous les secteurs et tous les champs (constitutionnel, institutionnel, politique, socio-économique, culturel sociétal…) et pourrait aboutir sur le court terme, à la naissance de la 2<sup>e</sup> République.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/113396/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le regard sur la société civile, hors du champ politique, permet d’éclairer la situation et la capacité de la société algérienne à prendre les choses en main et à agir, quand le pouvoir n’agit pas.Emmanuel Matteudi, Professeur d'université en Urbanisme, Aix-Marseille Université (AMU)Martin Péricard, Chef de projet (éducation, formation, sociétés civiles), Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1133772019-03-12T14:28:45Z2019-03-12T14:28:45ZAlgérie : quand les millennials défont le trauma avec humour et imagination<p>Le 8 mars 2019 a représenté l’apogée d’une série de manifestations initiées par la jeunesse algérienne contre la candidature à un cinquième mandat du président Bouteflika, 82 ans, largement diminué par la maladie. La jeunesse scande qu’elle veut un « président neuf, qui marche et qui parle ». Mais c’est tout le « système » établi que les manifestants veulent voir « dégager », bien au-delà de la personne du seul président, lequel vient d’annoncer qu’il renonçait à se présenter à nouveau.</p>
<p>Cette posture, marquée à la fois par une détermination à « révolutionner » et un mode contenu, non-violent, frappe les observateurs. Il a emporté l’adhésion croissante des aînés longtemps paralysés par l’interdiction de manifester depuis 20 ans.</p>
<p>Les moins de 25 ans représentent 45 % de la population algérienne. Ces <em>millennials</em> connectés n’ont pas connu la décennie rouge des années 1990, mais les mêmes dirigeants au pouvoir et une difficulté d’accès à l’emploi, aux responsabilités dans un pays pourtant riche.</p>
<p>Les jeunes déploient de nombreuses initiatives positives en Algérie comme autant d’aspirations à la liberté et une acculturation aux codes de la culture mondiale socialisés dans les sociétés de consommation.</p>
<h2>Un retournement du regard sur la jeunesse algérienne</h2>
<p>Les marches de février et mars 2019 ont été saluées dans le pays et à l’étranger pour leur remarquable pacifisme, civisme et organisation. Les images des jeunes manifestants embrassant ou tendant une fleur aux policiers et aux femmes (lors de Journée internationale des femmes), celle de la distribution de bouteilles d’eau aux marcheurs, de secouristes volontaires ou du nettoyage des rues post-manifestations inondent la toile. Cela galvanise la fierté des Algériens dans leur ensemble, et surprend ceux qui connaissent mal un pays fermé au tourisme, quelque peu mystérieux.</p>
<p>Les jeunes Algériens se savent observés de l’intérieur et de l’extérieur. Ils sont hyper-connectés et avides d’incarner l’écart entre leur ouverture d’esprit et la fermeture symbolique du pays, entre l’immobilisme projeté par le style passéiste de leurs gouvernants et leur aspiration au changement, entre le caractère irresponsable des politiques publiques et leur message socialement responsable, mesuré, organisé.</p>
<p>Sur le web, les jeunes Algériens rendent également transparente leur gestion du mouvement, là où tout n’est qu’opacité à la tête du pays. Les mots d’ordre avec les <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1160774/les-18-commandements-du-manifestant-vendredi-a-alger.html">« 18 commandements du manifestant algérien »</a> exemplaire, pacifiste (<em>silmyya</em>), la logistique avec « corvée de nettoyage » post-manifestation circulent abondamment. Là où la spontanéité est muselée – à la télévision nationale –, les jeunes rétorquent via des débats citoyens dans la rue avec respect de la diversité des opinions.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/149BMhTaDtM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<h2>L’humour, une arme massive de résistance</h2>
<p>Cette jeunesse que l’on disait endormie, aigrie par le manque de perspectives en Algérie et obnubilée par le départ vers un Eldorado européen a montré avec force l’attachement au devenir de sa patrie, son enracinement – physique – dans le territoire (refus de dégradation de l’espace public), et l’affichage d’une sérénité et d’un humour, comme un talent jeté à la face du système interne qui les contraint à l’immobilisme et à celle des nations prospères qui les envisagent systématiquement comme une menace migratoire (une mobilité négative).</p>
<p>Les Algériens, au lendemain des manifestations, célèbrent ce « talent » démontré par les affiches de contestation qui agissent comme une explosion d’expression créative d’une jeunesse qui étouffe. L’humour est une arme massive de résistance des citoyens privés de liberté, il est donc pratiqué assidûment par les Algériens.</p>
<p>Cette fois, cet humour a traversé les frontières. Une ouverture de l’imaginaire s’opère sous les yeux presque émerveillés des Algériens eux-mêmes, alors qu’ils redécouvrent des ressources créatives enfouies. Et les médias locaux titrent sur la « renaissance » de la nation algérienne.</p>
<h2>« Il n’y a que Chanel pour faire le N°5 »</h2>
<p>Un autre élément interpelle visuellement : la référence extensive, récurrente et variée à la culture de consommation globale au travers de la mobilisation de marques iconiques, films et séries, chansons comme ressources du discours de contestation.</p>
<p>On lit par exemple : « Vous êtes Mal barré, Votre système nuit gravement à notre santé », en détournement des codes iconiques de Marlboro. Ou bien : « Il n’y a que Chanel pour faire le N°5 », en imitant la typographie et le graphisme noir et blanc de la marque. Et ceci également : « Regardez votre Rolex, il est temps de partir. » Ou encore : « Le peuple algérien demande un fauteuil présidentiel en Tefal, comme ça le nouveau président n’y collera pas. »</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/263353/original/file-20190312-86686-10igvvd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/263353/original/file-20190312-86686-10igvvd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/263353/original/file-20190312-86686-10igvvd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/263353/original/file-20190312-86686-10igvvd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/263353/original/file-20190312-86686-10igvvd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/263353/original/file-20190312-86686-10igvvd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/263353/original/file-20190312-86686-10igvvd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=564&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’imagination des jeunes Algériens dans les rues du pays.</span>
<span class="attribution"><span class="source">DR</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une autre affiche liste les différents modèles de smartphones lancés au fil des ans par la marque iPhone et interpelle en ces termes : « Et vous, vous êtes encore là ? » en direction du pouvoir. On retrouve aussi les super héros, ou Star Wars ; on évoque Aznavour « On vous parle d’un temps qui a duré vingt ans/Et qu’on ne veut plus connaître #lepeupleAlgérien. »</p>
<h2>De YouTube à « Younamar »</h2>
<p>Ces messages servent, de nouveau, un double mouvement interne et externe. Les jeunes – branchés, <a href="http://ecomnewsmed.com/article/3653/en-algerie-il-y-a-plus-de-smartphones-que-dalgeriens">ultra-connectés</a> - signifient une volonté de ringardiser, par effet de miroir, le système dirigeant pour exiger le renouvellement générationnel au travers du jargon des marques de l’ère digitale.</p>
<p>Le logo de YouTube devient <em>YouNamar</em> pour « Y’en a marre ». Le sigle du wifi est accolé à « Peuple Connecté. Système déconnecté », celui de Microsoft indique « Votre système 5.0 a besoin d’être rebooté ». Une affiche représente un dossier Microsoft qui mouline peine à installer la « démocratie en Algérie ».</p>
<p>La Constitution algérienne serait écrite sous format de marque Word, alors que celle des USA est difficilement manipulable, sous PDF. Explicitement, les manifestants brandissent : We want « ctrl+alt+suppr ». La sémantique techno vient accentuer le gap entre le pouvoir et les millennials, le tout en plusieurs langues (« Game Ovaires » pour le registre des gamers).</p>
<h2>« Allo, le système ? »</h2>
<p>La jeunesse algérienne, par là, inverse aussi le regard du système politique qui la croyait incapable d’exiger un meilleur sort. Le tournant digital déborde le pouvoir qui a sous-estimé <a href="https://www.taylorfrancis.com/books/e/9781317412090/chapters/10.4324/9781315685410-13">sa capacité à mobiliser l’outil Internet</a>, à se constituer d’autres savoirs et espoirs, à rêver le changement.</p>
<p>De même, l’importation de produits de marques internationales depuis une vingtaine d’années ne se limite pas à l’usage utile d’artefacts. Les marques globales sont porteuses d’idéologies qui structurent les aspirations identitaires des jeunes consommateurs/citoyens nés dans une pluralité de références, à la différence de leurs aînés qui ont vécu l’ère socialiste algérienne avec un parti unique, des pénuries de produits et l’absence de logique de marques globales.</p>
<p>La fascination pour les styles de vie incarnés par les sociétés d’hyperconsommation largement consommés par les jeunes Algériens au travers de l’Internet et autres médias internationaux, la gouvernance jeune de Trudeau, Obama ou Macron constituent de puissants catalyseurs de motivation au changement incarnés dans une grammaire de signes mobilisés par les jeunes dans leur contestation.</p>
<p>Par ailleurs, les marques et autres reliques de la culture de consommation font un pont avec le reste du monde et, en particulier, de la France si proche, avec laquelle la distance culturelle s’accroît sous la rhétorique du déferlement migratoire, et la baisse des visas accordés.</p>
<p>Au-delà du traditionnel « ingérence-indifférence » qui structure le ressort de communication entre les deux pays, les référents aux marques et consommations globales servent de connecteurs symboliques. Ce sont des ressources totémiques comme autant de marqueurs identitaires reliant les jeunes Algériens aux références des millennials de par le monde.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/o-ajCGiDlrg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>La contestation s’exprime, par ailleurs, en musique « globale » : par exemple, via la rappeuse Raja Meziane dont le titre « Allo le Système » mis en ligne le 4 mars 2019 totalise déjà 5 millions de vues.</p>
<p>Néanmoins, il ne s’agit pas d’une simple absorption de la culture globale via la consommation mais d’un rapport complexe entre le local et le global sans nationalisme agressif. <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01568163">L’étude récente menée avec mes collègues</a> sur le rapport des consommateurs à la marque iconique algérienne, un soda centenaire (<em>Hamoud Boualem</em>) qui concurrence Coca-Cola, détecte également un nationalisme non-oppositionnel, reconnaissant l’héritage de la marque locale sans dénigrer ou encenser le géant américain qui n’est pas vu comme un exogène occidental non plus. Nous avons également retrouvé les mêmes traits d’humour et aspirations hédonistes.</p>
<h2>« Pour la 1<sup>re</sup> fois j’ai pas envie de te quitter mon Algérie »</h2>
<p>Les jeunes (dé)montrent au monde une acculturation suffisamment profonde à la modernité de leur génération pour en détourner avec humour les codes et revendiquer plus de liberté démocratique. Ce faisant, ils inversent le regard sur une société du Sud jeune, perçue comme bloquée et dépendante du Nord lorsqu’elle affiche une vision inclusive.</p>
<p>Une inscription sur un mur d’Alger exprimait ainsi l’impact de la fierté véhiculée par la posture positive, ouverte et créative de la jeunesse algérienne : « Pour la 1<sup>re</sup> fois j’ai pas envie de te quitter mon Algérie ».</p>
<p>Cependant, les jeunes Algériens dénoncent, toujours avec humour, l’ingérence comme une continuité du réflexe collectif depuis l’indépendance. On note les affiches :</p>
<blockquote>
<p>« Dear USA there is no more oil left. Please stay away unless you want olive oil. »</p>
<p>« Chers États-Unis et EU : Merci pour vos égards. C’est juste un problème de famille. Restez en dehors de cela. Ce n’est pas votre affaire. »</p>
</blockquote>
<h2>Le réveil de tout un peuple</h2>
<p>Sans rupture avec le passé, résolument tournés vers l’ici et maintenant, les millennials algériens dépassent le trauma des dernières décennies. Ils hybrident leurs croyances ; ils maximisent l’usage des réseaux sociaux en captant les meilleures pratiques utiles à leurs aspirations ; ils twistent les codes de la consommation globale avec agilité et distance ; ils sélectionnent dans le passé glorieux de la guerre d’indépendance les fondements de leur algérianité sans nationalisme agressif.</p>
<p>Cet état d’esprit des millennials algériens sommeille depuis quelques années au travers du tissu associatif qui explique l’organisation réussie des manifestations d’aujourd’hui. Nombre d’initiatives encouragent à s’engager positivement et faire tomber la chape de plomb qui pèse sur les jeunes.</p>
<p>Un exemple parmi d’autres : les documentaires de Riadh Touat « Wesh Derna » (« Qu’avons-nous fait ? ») célèbrent le positif de la jeunesse algérienne en Algérie. Le flux positif vient également des voyageurs millennials étrangers qui, visitant l’Algérie, en font l’éloge spontané en vidéo.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/1rFY-GCfuKU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Alors qu’on disait le peuple algérien anesthésié, à l’image de son dirigeant paralysé, la jeunesse algérienne vient de réveiller tout un peuple avec détermination et douceur, clairvoyance et espoir, avec civisme et humour. Reste à espérer que ce sursaut existentiel se traduise en un véritable changement politique pour une transformation générative d’un pays stratégique en Méditerranée et en Afrique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/113377/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nacima Ourahmoune ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Civisme, humour et maîtrise des codes de consommation globale sont autant de leviers de contestation du pouvoir en place à Alger.Nacima Ourahmoune, Professeur Associé en marketing et culture de consommation, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1128762019-03-04T20:36:47Z2019-03-04T20:36:47ZBouteflika renonce, la révolution algérienne a-t-elle commencé?<p>Les Algériens ont-ils gagné? Ce lundi 11 mars <a href="https://www.francetvinfo.fr/live/message/5c8/69d/7f5/ff4/e9c/a99/9e4/345.html">selon l'agence de presse algérienne APS</a> le président Abdelaziz Bouteflika renonce à se présenter pour un cinquième mandat et annonce le report des élections présidentielles. </p>
<p>Les manifestations du 22 février ont radicalement changé l’état d’esprit des Algériens qui, la veille encore, apparaissaient abattus par l’inéluctabilité du régime Bouteflika. La persévérance et la détermination des Algériens, dont les observateurs ont souligné le pacifisme peuvent-ils conduire à un changement du système en profondeur ?</p>
<h2>One, two, three…</h2>
<p>Et si en réalité tout avait commencé, en novembre 2009, avec la qualification de l’équipe algérienne de football pour la Coupe du monde de l’année suivante en Afrique du Sud ? Sur l’ensemble du territoire, hommes, femmes et enfants étaient sortis en masse fêter la victoire contre les rivaux égyptiens à Oumdourman. Il fallait remonter à juillet 1962 pour retrouver une telle euphorie.</p>
<p>Dans une chronique pour <a href="http://www.lequotidien-oran.com/?news=5129855&archive_date=2009-11-21"><em>Le Quotidien d’Oran</em></a>, l’écrivain et journaliste Kamel Daoud exprimait alors le sentiment de liesse partagé par la population :</p>
<blockquote>
<p>« Il suffit de rien pour vivre un autre pays et l’avoir dans les bras et pas sur le dos. Jamais de souvenir des enfants de l’indépendance, on a vu autant de joie sur les visages de nos femmes, enfin libres. »</p>
</blockquote>
<p>Ce pas de côté sportif contreviendra sans doute à une lecture strictement politique des événements en cours et qui tendrait à inscrire les manifestations du 22 février 2019 dans le sillage de celles du 11 décembre 1960 contre le colonialisme français ou du 5 octobre 1988 contre la dictature militaro-policière.</p>
<p>Pourtant, les débordements ludiques de novembre 2009 marqués par le slogan désormais célèbre « One, two, three, viva l’Algérie ! » avaient une signification bien plus profonde qu’un simple résultat footballistique. En réalité, par leur caractère national, joyeux et mixte, ils célébraient la fin de la guerre civile et la réappropriation temporaire de l’espace public.</p>
<p>De fait, ils mettaient un terme à la parenthèse sanglante ouverte par l’interruption du processus électoral en janvier 1992 ainsi que par l’<a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2011/02/24/algerie-l-etat-d-urgence-leve-en-algerie_1484918_3212.html">état d’urgence</a> promulgué dans la foulée et levé officiellement en février 2011, sans que ne soient respectées pour autant les libertés démocratiques les plus élémentaires, comme celle de manifester dans la capitale.</p>
<h2>« L’Algérie n’est pas la Syrie »</h2>
<p>Pour expliquer la stabilité du régime malgré les « printemps arabes » de 2011, il était tentant de se référer à cette séquence volontiers mobilisée par la propagande du régime dans l’intention de paralyser les velléités contestataires. Il s’agissait surtout d’effrayer la population en brandissant la menace d’un retour à la « tragédie nationale » des années 1990.</p>
<p>C’est, d’ailleurs, à cet exercice que se sont livrés les porte-voix du Président sortant après les manifestations inédites du 22 février dernier. Ainsi, l’ancien ministre Amara Benyounes a déclaré <a href="https://www.tsa-algerie.com/amara-benyounes-vous-savez-ce-que-nous-avons-vecu-dans-les-annees-1990/">dans un meeting</a> tenu à Chlef le 27 février :</p>
<blockquote>
<p>« Vous savez ce que nous avons vécu dans les années 1990. Qui veut revenir à cette période ? »</p>
</blockquote>
<p>Le lendemain, le premier ministre Ahmed Ouyahia a lancé <a href="https://www.tsa-algerie.com/ouyahia-commente-les-manifestations-en-syrie-ca-a-commence-avec-des-roses/">aux députés</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Les citoyens ont offert des roses aux policiers, c’est beau, mais je rappelle qu’en Syrie, ça a commencé aussi avec les roses. »</p>
</blockquote>
<p>Pourtant, la peur n’avait-elle pas déjà changé de camp depuis le 22 février ? La population a d’ailleurs répondu à ce parallèle par le slogan <a href="https://www.elwatan.com/edition/actualite/lalgerie-nest-pas-la-syrie-02-03-2019">« l’Algérie n’est pas la Syrie »</a>.</p>
<p>Néanmoins, durant cette période sans cesse convoquée par les tenants du statu quo – qui a causé des dizaines de milliers de morts, disparus ou déplacés –, les Algériens étaient-ils cantonnés au rôle de victimes passives, prises en étau entre la répression étatique et les atrocités islamistes ?</p>
<p>Deux œuvres récentes invitaient justement à nous replonger dans cette « décennie noire », en rompant avec les récits idéologiques pour mieux approcher la sensibilité des individus, celle des vivants et des survivants. Il s’agit du film <a href="http://www.capricci.fr/atlal-djamel-kerkar-2017-418.html"><em>Atlal</em></a> de Djamel Kerkar et du roman <a href="https://www.payot-rivages.fr/rivages/livre/1994-9782743644758"><em>1994</em></a> de Adlène Meddi.</p>
<p>Abdou et Amin, leurs protagonistes masculins, incarnent les aspirations de deux générations prises dans un conflit absurde et cruel, sans jamais se départir d’un humour ravageur, de passions amoureuses ou d’une certaine quête de normalité dans un pays où le mot <a href="https://www.algerie-focus.com/2014/05/video-pourquoi-les-algeriens-disent-ils-normal-aux-situations-illogiques/">« normal »</a> renvoie à la même sensation d’irréalité que l’expression <a href="http://sinedjib.com/index.php/2017/08/14/ouldamer-cruaute/">« Bled Mickey »</a> ainsi que le notait l’auteur post-situationniste Mezioud Ouldamer.</p>
<h2>Une révolution, mais quelle révolution ?</h2>
<p>Incontestablement, il y a un avant et un après 22 février. Pour Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs, l’Algérie se trouverait même dans une <a href="https://www.tsa-algerie.com/louisa-hanoune-evoque-un-climat-prerevolutionnaire-demande-le-report-de-lelection/">« phase prérévolutionnaire »</a>. Pourtant, ses appels à rejoindre le mouvement ne l’ont pas empêché de se <a href="https://www.tsa-algerie.com/video-louisa-hanoune-et-rachid-nekkaz-chahutes-par-des-manifestants-a-alger/">faire chahuter</a> à Alger en raison de son attitude jugée trop complaisante avec les autorités durant ces dernières années.</p>
<p>Les manifestations du 1<sup>er</sup> mars, encore plus massives que les précédentes et dont nous disposons de compte-rendu pour de nombreuses localités (<a href="https://www.lesoirdalgerie.com/actualites/plus-nombreux-que-le-vendredi-passe-19886">El Tarf</a>, <a href="https://www.lesoirdalgerie.com/actualites/le-deuxieme-vendredi-de-la-colere-19890">Annaba</a>, <a href="https://www.lesoirdalgerie.com/actualites/les-guelmois-ont-marche-en-masse-19887">Guelma</a>, <a href="https://www.elwatan.com/edition/actualite/les-slogans-davantage-politises-a-constantine-02-03-2019">Constantine</a>, <a href="https://www.lesoirdalgerie.com/actualites/des-milliers-de-mileviens-ont-marche-19885">Mila</a>, <a href="https://www.lesoirdalgerie.com/actualites/des-manifestants-par-dizaines-de-milliers-19883">Jijel</a>, <a href="https://www.liberte-algerie.com/actualite/la-rue-a-rendu-sa-sentence-a-setif-310580">Sétif</a>, <a href="https://www.elwatan.com/edition/actualite/marche-deferlante-et-heureuses-a-ouargla-01-03-2019">Ouargla</a>, <a href="https://www.elwatan.com/edition/actualite/des-marcheurs-a-perte-de-vue-a-bejaia-02-03-2019">Béjaïa</a>, <a href="https://www.liberte-algerie.com/actualite/des-milliers-de-personnes-dans-les-rues-de-tizi-ouzou-310587">Tizi-Ouzou</a>, <a href="https://www.lesoirdalgerie.com/actualites/une-deferlante-humaine-dans-les-rues-19878">Bouira</a>, <a href="https://www.lesoirdalgerie.com/actualites/limpressionnante-communion-19893">Alger</a>, <a href="https://www.elwatan.com/edition/actualite/femmes-et-hommes-disent-non-au-5e-mandat-a-blida-02-03-2019">Blida</a>, <a href="https://www.elwatan.com/edition/actualite/marches-populaires-grandioses-a-chlef-et-tenes-01-03-2019">Chlef, Ténès</a>, <a href="https://www.lesoirdalgerie.com/actualites/manifestation-anti-5e-mandat-sur-lesplanade-de-la-mairie-19880">Mostaganem</a>, <a href="https://www.elwatan.com/edition/actualite/mascara-marche-contre-le-pouvoir-01-03-2019">Mascara</a>, <a href="https://www.liberte-algerie.com/actualite/grandiose-demonstration-des-citoyens-310575">Oran</a>, <a href="https://www.lesoirdalgerie.com/actualites/les-belabesiens-ont-marche-en-masse-19879">Sidi-Bel-Abbès</a>, etc.), témoignent non seulement du refus d’un cinquième mandat mais aussi du rejet du système politique, de son personnel (comme le très impopulaire Ahmed Ouyahia) et de ses organisations (à commencer par le Front de libération nationale, l’ancien parti unique).</p>
<p>Le printemps que nous appelions de nos vœux en <a href="https://www.bastamag.net/En-Algerie-comme-ailleurs-le">mai 2012</a> est-il enfin advenu ? Ou alors, au risque de pécher par excès d’optimisme, ne faudrait-il pas se poser la question suivante : la révolution algérienne a-t-elle commencé ?</p>
<p>En 2014, nous estimions qu’il était « faux de penser que les <a href="https://books.openedition.org/ifpo/6972?lang=fr">révolutions des pays voisins</a> n’[avaient] eu aucun impact » en Algérie et que, bien plus que la guerre civile, c’était surtout <a href="https://www.iemed.org/observatori/arees-danalisi/arxius-adjunts/anuari/anuari-2014/Sidi_Moussa_Algerie_transition_Annuaire_IEMed_2014.pdf/">« l’absence d’une alternative radicale »</a> qui empêchait le changement souhaité par des oppositions affaiblies par la répression étatique, leur collusion avec le régime ou leurs pratiques anti-démocratiques.</p>
<p>Le puissant mouvement initié le 22 février 2019 s’inscrit donc dans des dynamiques régionales et nationales. Mais, à supposer que cette rupture symbolique puisse être qualifiée de « révolution », encore faut-il être en mesure d’en déterminer le caractère car les mots d’ordre démocratiques associés aux chants patriotiques ou au drapeau vert-blanc-rouge peuvent tout à fait s’accorder avec un agenda néolibéral.</p>
<p>La première fortune du pays, <a href="https://www.observalgerie.com/actualite-algerie/la-une/algerie-issad-rebrab-participe-manifestations-1er-mars-alger-videos/">Issad Rebrab</a>, s’est joint à la contestation tandis qu’une marche est appelée, le <a href="https://www.tsa-algerie.com/marche-le-5-mars-a-tizi-oue-soutien-a-cevital-et-contre-un-systeme-autoritaire-violent/">5 mars à Tizi-Ouzou</a>, pour dénoncer les entraves administratives menées à l’encontre des activités du groupe Cevital. Des tensions se font également jour au sein du Forum des chefs d’entreprises, le syndicat patronal dirigé par Ali Haddad, soutien inconditionnel du Président sortant et dont se démarquent désormais des entrepreneurs attentifs à <a href="https://www.liberte-algerie.com/actualite/demissions-en-cascade-310664">« l’adhésion du peuple »</a>.</p>
<h2>La permanence de la question sociale</h2>
<p>À l’inverse, la question sociale ne semble guère articulée – du moins explicitement – à la question démocratique par les manifestants. Pourtant, dans son annonce de candidature du 3 mars, <a href="http://www.aps.dz/algerie/86372-texte-integral-du-message-du-president-bouteflika">Abdelaziz Bouteflika</a> promet « la mise en œuvre rapide de politiques publiques garantissant une redistribution des richesses nationales plus juste et plus équitable ».</p>
<p>S’agit-il d’une nouvelle manœuvre visant à désamorcer les appels à la grève générale et à l’auto-organisation tels que formulés par le <a href="http://www.algerieinfos-saoudi.com/2019/02/mobilisation-generale-pour-contraindre-le-pouvoir-a-abandonner-son-projet-de-passage-en-force.une-declaration-du-pst.html">Parti socialiste des travailleurs</a> dans un communiqué du 26 février ? Ce parti d’extrême gauche se prononce aussi pour la convocation d’une Assemblée constituante souveraine « représentative des aspirations démocratiques et sociales des travailleurs et des masses populaires ».</p>
<p>Ainsi, derrière l’unanimisme façonné par le refus d’un cinquième mandat, des perspectives contradictoires s’opposent, sans compter sur les <a href="https://www.algeriepatriotique.com/2019/02/27/les-islamistes-expliquent-pourquoi-ils-ne-prennent-pas-part-au-manifestations/">islamistes</a> qui n’ont pas renoncé à défendre un projet de société résolument compatible avec le <a href="https://journals.openedition.org/sociologies/8232">capitalisme néolibéral</a>.</p>
<p>Si la société algérienne a évolué depuis les années 1990, la question sociale demeure toujours aussi brûlante pour un État autoritaire qui a jusqu’alors réussi à contenir des revendications sectorielles <a href="https://theconversation.com/algerie-economie-politique-dune-rupture-annoncee-112633">grâce aux ressources tirées des hydrocarbures</a>.</p>
<p>Le 22 février a inauguré une nouvelle séquence pour les luttes populaires qui n’ont jamais réellement cessé en dépit des auto-satisfecits gouvernementaux. Reste à savoir quels secteurs de cette population désireuse de changement radical prendront l’initiative, selon quel agenda et sous quelles modalités.</p>
<hr>
<p><em>L'auteur a récemment publié «Algérie, une autre histoire de l'indépendance» aux PUF (en France) et chez Barzakh (en Algérie).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/112876/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nedjib Sidi Moussa ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les manifestations en Algérie ont confirmé la détermination pacifique du peuple et ont été couronnées par l'annonce de Bouteflika qui renonce à un cinquième mandat.Nedjib Sidi Moussa, Associate research scientist, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1126242019-02-27T20:51:11Z2019-02-27T20:51:11ZEn Algérie, les cartes du pouvoir face à la mobilisation populaire<p>Et maintenant, que peut-il se passer de l’autre côté de la Méditerranée, dans ce pays si intimement lié à la France ? Vues de ce côté-ci, les mobilisations populaires en Algérie – au-delà des enjeux de politique interne comme internationale, sociaux et économiques, sécuritaires, migratoires – rappellent immanquablement le « printemps arabe » de 2011. L’Algérie faisait alors partie des <a href="https://l.messenger.com/l.php?u=https%3A%2F%2Fwww.cairn.info%2Frevue-les-cahiers-de-l-orient-2012-3-page-141.htm&h=AT2yMfrQsdCoiLdjheoK9QirQ8TCXTHAPwItOctuX1c0-E52piXdSBdUJKICeuUbXhyuhWz6MCw5Q0tY-U5SoVwNg_7LS0DpNOoIOpVIiC1T3MzW_dTcVAL_f74QFsOV_fQ7dA">exceptions</a> : ni démocratisation, ni écroulement de l’État, mais stabilité du régime, notamment au regard de son passé révolutionnaire et de guerre civile.</p>
<p>Cet article est fondé sur l’exploitation des données disponibles en sources ouvertes, confrontées à une littérature scientifique de politique comparée accessible à tous. Il ne se fonde pas sur une connaissance approfondie du sujet en tant que tel (on lira à cet égard avec attention des chercheurs comme <a href="https://durkheim.u-bordeaux.fr/Notre-equipe/Chercheur-e-s-et-enseignant-e-s-chercheur-e-s/CV/Myriam-Ait-Aoudia">Myriam Ait Aoudia</a> ou <a href="https://www.amazon.fr/Dissidents-du-Maghreb-Khadija-Mohsen-Finan/dp/2410005349/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1551264857&sr=8-1&keywords=dissidents+pierre+vermeren">Pierre Vermeren et Khadija Mohsen-Finan</a>) mais propose une analyse des manifestations et des réponses du régime à partir de l’étude de précédents, historiques et étrangers.</p>
<h2>Le déclenchement de la mobilisation</h2>
<p>Le terreau propice à des manifestations se situe souvent dans un <a href="https://www.amazon.fr/Why-Men-Rebel-Robert-Gurr-ebook/dp/B0184CBCPC/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1551205761&sr=8-1&keywords=ted+gurr">sentiment relatif de déclassement</a> vis-à-vis de ce qui est estimé être dû, conceptualisé dans l’expression « relative deprivation ». <a href="https://theconversation.com/algerie-chronique-dune-rupture-sociale-et-politique-annoncee-112633">Avec son taux de chômage élevé et son économie bloquée</a>, l’Algérie contemporaine répond à cette définition.</p>
<p>Les régimes autoritaires font face à plusieurs types de menaces pouvant les renverser, dont les mobilisations populaires. Pour tenir, ils doivent désamorcer toute possibilité de mobilisation massive contre le régime, au-delà des noyaux d’opposants habituels.</p>
<p>Pour <a href="https://www.amazon.fr/Protest-Mass-Mobilization-Authoritarian-Political/dp/147245930X">isoler les individus les uns des autres</a>, ils adoptent ainsi des pratiques spécifiques :</p>
<ul>
<li><p>la propagande officielle ;</p></li>
<li><p>la segmentation de la société ;</p></li>
<li><p>la répression policière.</p></li>
</ul>
<p>Par ces moyens, les citoyens considérant que le régime est injuste ne sont pas sûrs que cette opinion soit partagée par leurs concitoyens.</p>
<p>Le déclenchement des mobilisations se fonde généralement sur un événement particulier, hors cadre de la vie politique habituelle : attentat, auto-immolation, rassemblement national, événement international qui résonne dans la vie politique nationale.</p>
<p>En l’espèce, il s’agit de la déclaration de candidature du président Abdelaziz Bouteflika pour un cinquième mandat, alors même qu’il n’est pas en état d’assurer ses fonctions. Elle a provoqué autant une opposition contre sa candidature que contre le système autoritaire et corrompu. Le moment de transition politique est classiquement un moment de <a href="https://www.amazon.fr/How-Dictatorships-Work-Personalization-Collapse-ebook/dp/B07FSR2BQL/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1551182032&sr=8-1&keywords=geddes+how+dictatorship">fragilité</a>, mais il se conjugue en Algérie avec le choix d’un <a href="https://www.researchgate.net/publication/315888187_Strategic_gerontocracy_why_nondemocratic_systems_produce_older_leaders">dirigeant âgé</a>, par défaut d’identification d’un dauphin consensuel parmi la coalition des clans se partageant le pouvoir.</p>
<h2>Trois variables à prendre en compte</h2>
<p>On peut déterminer trois variables principales permettant à la mobilisation populaire d’aboutir à des réformes politiques substantielles :</p>
<ul>
<li><p>Une répression policière disproportionnée : en Algérie, ce n’est pas le cas à ce jour, vu le comportement des manifestants, conscients du besoin de ne pas provoquer d’escalade, et le <a href="https://www.rtl.fr/actu/international/algerie-41-arrestations-vendredi-apres-les-manifestations-contre-bouteflika-7797034000">niveau relativement modéré jusqu’ici de la répression par la police</a>.</p></li>
<li><p>La mobilisation d’acteurs intermédiaires. Autrement dit, la liaison entre des opposants habituels et des intermédiaires du régime. Parmi les premiers – les « usual suspects » : les membres d’organisation de défense des droits de l’homme, de partis d’opposition (tolérés car sans chance d’accéder au pouvoir), de membres des professions libérales et médiatiques (journalistes et avocats). Parmi la seconde catégorie, on trouve les syndicalistes, les notables locaux (traditionnels ou membres de la bureaucratie d’État ou d’entreprises semi-publiques), les membres intermédiaires du parti unique ou de ses satellites, anciennes figures médiatiques. Aujourd’hui cette liaison semble être en cours en Algérie avec l’intervention publique d’un <a href="https://www.algerie-focus.com/2019/02/marches-du-vendredi-22-fevrier-a-batna-liamine-zeroual-est-sorti-saluer-les-manifestants-video/">ex-président</a>, la mobilisation d’<a href="https://oumma.com/sit-in-des-avocats-dalger-contre-le-5eme-mandat-de-bouteflika/">avocats</a> et la déclaration des journalistes des médias nationaux. On note, par ailleurs, l’incarcération <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/algerie/election-presidentielle-en-algerie/presidentielle-en-algerie-l-opposant-rachid-nekkaz-annonce-sur-franceinfo-qu-il-a-ete-place-en-residence-surveillee-illegale_3207921.html">d’acteurs</a> pouvant faciliter la « convergence des luttes », afin d’entraver justement cette dynamique.</p></li>
<li><p>Une couverture médiatique massive. Celle-ci fait l’objet de <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2019/02/24/97001-20190224FILWWW00144-algerie-des-journalistes-denoncent-le-silence-impose.php">limitation</a> par le régime d’Alger, qui malgré la censure et les directives se laisse toutefois déborder.</p></li>
</ul>
<p>Les mobilisations en cours semblent, à cet égard, sur une trajectoire de succès. Il reste à voir si cela mènera soit à une libéralisation sincère, soit à une préservation de l’autoritarisme ou bien à un véritable effondrement du régime.</p>
<h2>Un système autoritaire hétérogène</h2>
<p>On peut qualifier l’Algérie de système autoritaire hétérogène, avec plusieurs clans recoupant les institutions politiques formelles. Ce système s’incarne à travers les <a href="https://www.europe1.fr/international/algerie-la-coalition-au-pouvoir-presente-la-candidature-de-bouteflika-au-scrutin-davril-3850574">partis</a> de la coalition au pouvoir, les tendances au sein du parti majoritaire et les différents partis satellites, ainsi que via l’armée et les services de sécurité. Ce système s’étend aussi aux entreprises d’État – certaines entreprises majeures dépendent du régime et coexistent avec des acteurs économiques plus modestes plus ou moins autonomes.</p>
<p>Les régimes autoritaires font, en règle générale, face à un « dilemme coercitif » : <a href="https://www.amazon.fr/Dictators-their-Secret-Police-Institutions/dp/1316505316/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1551208919&sr=8-1&keywords=the+dictator+police">leurs dirigeants craignent</a> d’être démis par un coup d’État davantage que par un soulèvement populaire ou une invasion étrangère. Cette crainte provoque une défiance permanente, à des degrés divers, entre le(s) gouvernant(s) politique(s) et l’armée, alimentant une relation mêlant répression (purge, marginalisation plus ou moins forte, création volontaire d’institutions concurrentes, etc.) et cooptation (octroi d’avantages symboliques et matériels).</p>
<h2>Le rôle clé de l’armée</h2>
<p>Le cas extrême de l’intervention du militaire en politique est le <a href="https://www.amazon.fr/Seizing-Power-Naunihal-Singh-ebook/dp/B00GTSPG38/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1551205037&sr=8-1&keywords=singh+seizing+power">coup d’État</a>. Il peut être libéral (comme au Portugal, avec la Révolution des œillets de 1974) ou conservateur (en Égypte, avec la contre-révolution en 2013).</p>
<p>L’armée, en tant qu’institution régalienne par excellence et potentiel outil au service de la répression de mouvements populaires, est généralement au cœur des interrogations quant au déroulement futur des manifestations. En effet, elle peut écraser un mouvement contestataire, accompagner une libéralisation négociée ou non du régime, ou être reléguée dans ses casernes.</p>
<p>On relève dans le cas algérien la <a href="https://www.elwatan.com/edition/actualite/les-menaces-de-gaid-salah-14-02-2019">prise de parole</a> du chef d’état-major des armées, qui invoque la priorité de l’ordre et de la paix sociale et les menaces intérieures et extérieures. Mais on peut se demander, en cas de poursuite voire approfondissement de la mobilisation actuelle, si on ne se dirigera pas vers un renforcement des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=sbCU-13yad0">divisions internes</a> au sein de l’armée – ce qui mènerait à la paralysie de l’institution ou à des politiques contradictoires sur le territoire national (concessions ici, répression disproportionnée là).</p>
<p>À la lumière des événements actuels, on peut imaginer un scénario de soutien unanime de l’institution militaire au régime à la faveur de la purge menée par le chef d’état-major. Ce scénario permettrait une stabilisation du régime actuel, favorisant la <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/abs/10.1086/699357">professionnalisation</a> de l’armée, mais à condition que les événements ne dégénèrent pas.</p>
<p>Reste une interrogation : une majorité de dirigeants militaires (officiers généraux, officiers supérieurs) peut-elle se coaguler pour soutenir la libéralisation, voire un changement du régime politique, et s’imposer face au chef d’état-major actuel ? Et si un tel scénario devait se produire, quid des risques d’effondrement de l’État ?</p>
<p>Une armée se mettant au service d’une transition politique est en mesure de négocier des gains (budget, justice militaire, poste de ministre de la Défense, participation aux instances de coordination de la politique de sécurité nationale). En retour, une période de méfiance avec le nouveau régime s’instaurerait sans doute, au détriment de son <a href="https://www.jstor.org/stable/24910794">efficacité professionnelle</a>.</p>
<h2>Le choix risqué de la répression</h2>
<p>Du point de vue du régime, il convient d’éviter une radicalisation des manifestations. Pour cela, il convient de maîtriser au maximum l’emploi de la violence, avec l’exercice d’une répression ciblée visant les groupes extrêmes. Il lui faut ainsi recourir le plus possible aux arrestations préventives des leaders identifiés ci-dessus, garantir la loyauté des alliés habituels du régime (figures dites « libérales », religieuses, notables, syndicalistes ou cadres des partis cooptés voire du parti majoritaire, organisations de jeunesse), susceptibles de se joindre aux manifestants.</p>
<p>Dans le même temps, le régime doit tenter de neutraliser les « agents facilitateurs » (individus à l’idéologie libérale navigant entre plusieurs groupes sociaux et qui peuvent faciliter la « convergence des luttes »). Les autorités peuvent aussi lancer dans les médias officiels (ou cooptés) une campagne visant à salir des leaders de la contestation (sur leurs mœurs, leurs liens avec l’étranger…), voire de recourir à la répression policière et judiciaire.</p>
<p>Sur le plan de la propagande, les autorités placées sur la défensive ont habituellement recours au discours de « la main de l’étranger », c’est-à-dire de la déstabilisation du pays par l’organisation d’un complot coordonné à l’étranger (ce qui ne relève pas que du <a href="https://www.amazon.fr/Covert-Regime-Change-Americas-Secret/dp/1501730657/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1551208256&sr=8-1&keywords=covert+regime+change">fantasme anti-occidental</a> ou <a href="https://www.nytimes.com/2019/02/24/opinion/putin-russia-security-services.html">anti-russe</a>), du sécessionnisme, de l’extrémisme religieux/politique et de la crainte de la guerre civile, la « fitna », même si ce narratif est affaibli par le recours à la notion de <a href="https://journals.openedition.org/anneemaghreb/1383">« thawrat »</a> et le rajeunissement de la population.</p>
<p>Les autorités religieuses, à savoir les imams, représentent une ressource de diffusion du discours officiel via leurs prêches. Mais ils semblent aujourd’hui <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/02/23/en-algerie-une-revolte-inedite-contre-le-cinquieme-mandat-d-abdelaziz-bouteflika_5427301_3212.html">peu efficaces</a> face à la contestation. Ces prêches peuvent parfois être un instrument de provocation permettant de justifier la répression (c’est l’<a href="https://www.huffpostmaghreb.com/2017/05/29/maroc-arrestation-de-zefzafi-un-des-leader-de-la-contestation-au-rif_n_16863786.html">hypothèse parfois émise concernant le traitement du leader du Hirak au Maroc</a>).</p>
<p>Ces mobilisations contestataires sont habituellement contrées par celle des soutiens au régime. Les « troupes » sont recrutées en puisant dans les réseaux clientélistes ou de loyauté sincère, les plus efficaces. Or, en Algérie, les tentatives en cours semblent être un échec, au vu du <a href="https://www.huffpostmaghreb.com/entry/fln-des-elus-refusent-dorganiser-une-marche-de-soutien-au-president_mg_5c75536de4b03a10c2321965?ncid=tweetlnkfrhpmg00000009">refus de cadres du parti majoritaire de se mobiliser</a>. Cette réticence n’augure pas vraiment d’un avenir favorable au régime.</p>
<p>Autre risque pour le régime, la <a href="https://scholar.princeton.edu/sites/default/files/grewal/files/grewal_tataouine.pdf">défection</a> de membres des forces de sécurité. Rien ne vaut alors une prime ou augmentation conséquente pour tenir les rangs, ainsi que des concessions symboliques de diverses natures. Cela n’apparaît pas être encore le cas en Algérie.</p>
<h2>Le choix de la négociation : le levier de l’économie</h2>
<p>L’économie est un levier puissant de canalisation des revendications. Néanmoins, le pouvoir en Algérie n’a plus les ressources qu’il avait à sa disposition <a href="http://www.rfi.fr/emission/20190211-bouteflika-sollicite-nouveau-mandat-va-il-enfin-reformer-economie-algerienne">auparavant</a>.</p>
<p>La canalisation se fait par la négociation salariale dans les secteurs privé et public, et des décisions d’investissements publiques dans des secteurs clés.</p>
<p>La redistribution en période de crise mène généralement au renforcement des pratiques antérieures sans libéraliser, et donc ne résout rien sur le long terme. Cela entretient les dépenses publiques comme mode d’achat de la paix sociale. Si, en revanche, le régime se libéralise sincèrement, la coalition des clans au pouvoir risque bien de se diviser violemment. Ces clans veulent éviter à tout prix une telle situation pour garantir leur survie. C’est ce qui s’est passé en Algérie avec le très court mandat de l’ex-premier ministre <a href="https://orientxxi.info/magazine/un-ete-chaud-a-alger,1980">Tebboune</a>.</p>
<p>La situation est bloquée et l’on semble se diriger soit vers un verrouillage en bonne et due forme, soit vers une refonte violente du modèle économique actuel.</p>
<h2>Le levier politique</h2>
<p>Le cœur des revendications en Algérie est politique : c’est le système en lui-même qui est remis en cause par les manifestants. Plusieurs moyens sont disponibles pour y répondre.</p>
<p>La cooptation, soit l’attribution de postes prestigieux sans réelles attributions, apparaît comme un outil classique. Ainsi, le <a href="https://www.jeuneafrique.com/38515/politique/maroc-driss-el-yazami-toujours-pr-t/">régime marocain</a> a su se réformer sur le plan institutionnel en accueillant en son sein des figures de l’opposition et en leur octroyant de réelles prérogatives.</p>
<p>Ce scénario est peu probable en Algérie si les mobilisations se poursuivent et que la <a href="https://www.tsa-algerie.com/ali-ghediri-ne-participera-pas-a-la-reunion-avec-nekkaz-mahdi-et-missoum/">solidarité entre figures des manifestations se structure</a>.</p>
<p>La libéralisation contrôlée du jeu politique dans un contexte de régime autoritaire mène à la création d’une arène politique asymétrique, où l’opposition essaie de promouvoir son agenda politique. En agissant ainsi, elle a bien conscience de ne jamais parvenir à transformer le régime. Selon l’ouverture et la crédibilité de chaque scrutin, elle peut décider de participer ou de boycotter – <a href="https://www.europe1.fr/international/algerie-la-coalition-au-pouvoir-presente-la-candidature-de-bouteflika-au-scrutin-davril-3850574">ce qui est le cas</a> pour le Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD) et le Front des Forces socialistes (FFS) aujourd’hui. Tout juste peut-elle espérer obtenir un entre-deux où ses revendications seront tolérées. <a href="https://www.amazon.fr/Electoral-Authoritarianism-Dynamics-Unfree-Competition/dp/1588264408/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1551206191&sr=8-1&keywords=electoral+authoritarianism">L’institutionnalisation</a> du régime par la création d’institutions singeant celle de la démocratie représentative ne peut fondamentalement pas modifier la nature autoritaire du régime, mais au contraire le renforcer.</p>
<p>Les autorités peuvent aussi répondre aux revendications politiques collectives en créant une commission de « consultation », qui aura pour activité principale la dilution des revendications (comme me disait un jour un enquêté : « faire dégorger les escargots »). Cela semble bien être le chemin adopté en Algérie, avec l’évocation d’une future grande Conférence nationale par le <a href="http://www.rfi.fr/afrique/20190225-algerie-le-premier-ministre-laisse-peu-espoir-scenario-retrait-bouteflika">premier ministre Ouyahia</a>, histoire de gagner du temps, et aboutir à des concessions symboliques ou politiquement marginales.</p>
<h2>L’impératif des élections</h2>
<p>Le processus de transition politique, qu’il soit de démocratisation ou de reconfiguration autoritaire, passera par des élections en Algérie. Seules des élections sincères peuvent modifier la nature du régime, en respectant le calendrier déjà prévu ou en en imposant un nouveau, par exemple pour désigner une assemblée nationale constituante.</p>
<p>Même en cas de libéralisation, on peut s’attendre à un recyclage relatif des élites du régime actuel en plus de l’inclusion d’opposants, notamment religieux à l’agenda politique rigoriste. Cela provoquera très probablement des débats animés dans le pays. À voir si les uns et les autres respecteront les principes de tolérance du débat démocratique.</p>
<p>Les relations politiques devront se développer à partir modus vivendi établi pendant la période post–guerre civile algérienne et post-2011 (printemps arabe) : l’existence d’un <a href="http://www.slateafrique.com/82757/algerie-le-fis-deja-gagne">accord</a> en vertu duquel les organisations religieuses se détournent de la vie politique en échange d’une liberté d’action sociale. Les tumultes suscités par ce type d’acteur dans la vie politique <a href="https://www.liberation.fr/planete/2013/07/25/le-chef-d-un-parti-d-opposition-tunisien-tue-par-balles_920739">tunisienne</a> et <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2013/07/03/egypte-le-president-reaffirme-sa-legitimite-face-a-l-armee_3440841_3212.html">égyptienne</a> de 2011-2013 témoignent de leur impact sur le comportement des acteurs politiques locaux.</p>
<h2>Lutte anti-corruption et justice transitionnelle</h2>
<p>L’un des classiques des périodes de transition est la lutte anti-corruption. En contexte autoritaire, le pouvoir politique permet des opportunités de corruption pour (entre autres) <a href="https://www.amazon.fr/Elections-Distributive-Politics-Mubaraks-2013-07-11/dp/B01FKTEW18/ref=sr_1_fkmr0_1?ie=UTF8&qid=1551206880&sr=8-1-fkmr0&keywords=blaydes+distributive+poltiics">constituer des dossiers</a> afin de faire pression sur ses subordonnés/rivaux en cas d’arbitrages politiques ultérieurs.</p>
<p>En Algérie, on retrouve <a href="https://www.middleeasteye.net/fr/news/algerie-le-retour-de-chakib-khelil-enterre-les-scandales-de-corruption">ce type de pratiques</a>. Dans un contexte de stabilisation autoritaire, le clan hégémonique cherchant à consolider son pouvoir (ou la coalition des clans qui émergera vainqueur) en profitera pour affaiblir le ou les clans/individus perdants à grands coups de procès anti-corruption, sans doute hautement médiatisés. En cas de libéralisation, des procédures existeront sans doute, négociées ou non, et moins arbitraires.</p>
<p>La contestation politique peut aussi mener à l’ouverture d’un processus de <a href="https://www.cairn.info/revue-droit-et-societe1-2009-3-page-613.htm">justice transitionnelle</a>. Il a vocation, par une catharsis collective fondée sur une procédure administrativo-judiciaire, à juger les pratiques violentes et disproportionnées employées par les institutions de sécurité et de défense nationales. Ceci, afin de les réformer et imposer des usages plus respectueux des droits fondamentaux.</p>
<p>Il peut être intégralement sincère (comme en Afrique du Sud) ou sincère sur les infractions mais pas sur les mises en responsabilité des dirigeants concernés (comme au <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-africaine-2004-4-page-181.htm">Maroc</a>). II peut aussi être vicié dès le départ ou évoluer vers un processus non-sincère (comme en <a href="https://www.liberation.fr/planete/2018/03/29/tunisie-qui-veut-la-peau-de-la-justice-transitionnelle_1639800">Tunisie</a>). En bref, il peut apparaître comme un autre moyen de diluer la contestation.</p>
<p>Au vu du passé de guerre civile algérienne et de la politique de <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/09/28/algerie-dix-ans-apres-l-amnistie-les-islamistes-l-ont-emporte-ideologiquement_4775144_3212.html">concorde civile, fondée sur l’amnistie</a>, mais aussi de la permanence de la menace terroriste et du risque pour la cohésion des forces de sécurité et pour l’armée que ce type de processus engendre, on perçoit toute la difficulté à instaurer un tel <a href="https://www.ictj.org/">outil internationalement reconnu des transitions politiques</a>, que ce soit dans le cadre d’une stabilisation de l’autoritarisme ou une démocratisation.</p>
<p>À ce jour, il est bien difficile de dire de quoi l’avenir sera fait en Algérie, entre une apparente volonté de respect du <a href="https://www.elwatan.com/edition/actualite/manifestations-populaires-le-ton-conciliant-douyahia-26-02-2019">calendrier par les autorités</a> et la pérennisation de la mobilisation. Ici, le politiste doit s’incliner devant un futur qui sera écrit par les Algériens se saisissant souverainement de leur destin.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/112624/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thibault Delamare a reçu des financements de l'Université Aix-Marseille, en tant que doctorant financé par le LabexMed de 2014 à 2017.</span></em></p>L'étude de précédents historiques permet d'analyser les possibles évolutions de la contestation et les outils à la disposition du régime pour imaginer les différentes sorties de crise possibles.Thibault Delamare, Doctorant à Sciences-Po - USPC, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1126382019-02-27T17:42:48Z2019-02-27T17:42:48ZAlgérie : quand la société civile renaît<p>Des jeunes reprenant en choeur des chants politisés de clubs de foot animent la rue de Didouche Mourad au cœur d’Alger, et de nombreuses autres à travers le pays, depuis le 22 février dernier. Leurs chants accompagnent la cohorte infinie qui défile, compacte, joyeuse, sous les youyous des femmes qui s’élèvent des fenêtres et balcons. Ici et là, la foule – grossie désormais par les rangs d’<a href="https://www.elwatan.com/edition/actualite/des-avocats-protestent-contre-le-5e-mandat-de-bouteflika-26-02-2019">avocat·e·s</a>, de <a href="https://www.elwatan.com/edition/actualite/radio-nationale-rassemblement-des-journalistes-pour-lever-lomerta-27-02-2019">journalistes</a> et d’étudiant·e·s arrivés en <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/02/27/en-algerie-dans-les-corteges-d-etudiants-nous-voulons-un-changement-radical_5428729_3212.html">masse dès mardi</a> – martèle également sa colère et son indignation qui s’exprime à travers des monologues enflammés et des slogans sans ambiguïté. Le tout en contenant toute dérive violente qui mènerait à l’affrontement avec les forces de l’ordre.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/86YBrPoaDDg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Chants des supporters de l’USMA, un club de foot algérois. À ce sujet, voir le film-documentaire <em>Babor Casanova</em> de Karim Sayad (2015).“</span></figcaption>
</figure>
<p><a href="http://www.rfi.fr/afrique/20190303-paris-diaspora-algerienne-manifeste-5e-mandat-bouteflika">Ces mêmes scènes s’étendent</a> à Paris, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1156294/algerie-manifestation-montreal-consulat-bouteflika">Montréal</a>, Genève et d’autres villes dans le monde où ces manifestations font quotidiennement <a href="https://www.elwatan.com/edition/actualite/manifestation-contre-le-5e-mandat-une-eruption-inedite-23-02-2019?fbclid=IwAR1n6pca-mKuC3lXDXnfHlIoVxHvah_PzNNRW2hL0We3FZOmvMf6e-sDhB4">éruption</a> pour ébranler la velléité de continuité du président Abdelaziz Bouteflika, 81 ans et briguant un cinquième mandat. Elles amorcent non pas une nouvelle vague, mais une nouvelle ère de résistance contre le régime politique en place depuis 1962 en Algérie.</p>
<p>Rassemblements et meetings politiques accompagnent la foule et desserrent progressivement l’emprise du régime sur l’espace public, grâce à l’expression d’autres voix que celle des tenants du pouvoir, partout dans le pays.</p>
<h2>La rue, une agora publique</h2>
<p>Réunissant des dizaines, voire des <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/algerie/algerie-le-rejet-de-bouteflika-prend-de-l-ampleur_3209505.html">centaine milliers de personnes</a>, la société civile s’est levée et ses images ont irrigué le <a href="https://www.liberte-algerie.com/dilem/dilem-du-25-f%C3%A9vrier-2019">web</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1100738475593220099"}"></div></p>
<p>En plus des réseaux sociaux, de couverture médiatique sur Internet et des émissions <a href="https://www.youtube.com/playlist?list=PLEsaur0gH2C555pQwVHySa07TJbFEL9JO">télévisées privées</a>, ces protestations commencent à recevoir également une <a href="https://www.france24.com/en/20190226-thousands-algeria-students-protest-bouteflika-5th-term-president-elections">audience internationale</a>.</p>
<p>Bravant leur peur, séquelle du traumatisme de plusieurs décennies de <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/1998/07/RIPOLL/3863">violence politique</a>, d’autant plus paralysante qu’elles sont déniées par l’histoire officielle, elles transformant la <a href="https://www.huffpostmaghreb.com/entry/les-manifestations-dalger-en-photos_mg_5c70260de4b03cfdaa54b134?utm_hp_ref=mg-algerie">rue en agora publique</a> dans une ambiance de « fête patriotique », <a href="https://www.huffpostmaghreb.com/entry/extension-du-domaine-du-possible_mg_5c73cf3ee4b06cf6bb28632c?utm_hp_ref=mg-algerie">étendant « le domaine du possible »</a>, en faisant entendre les voix de citoyennes et citoyens témoins de la résurrection de la société civile algérienne.</p>
<h2>Une ambiance de « fête patriotique »</h2>
<p>Les manifestantes et les manifestants, toutes générations confondues, se remémorent leurs morts, pour mieux célébrer l’avenir des vivants : ils reprennent aussi bien des chants patriotiques de la « révolution » de 1962 (« Kassaman », « Min jibalina »), que le slogan de l’« Algérie libre et démocratique ;» des <a href="https://www.middleeasteye.net/fr/opinion/algerie-30-ans-apres-les-lecons-non-apprises-du-5-octobre-1988">mouvements sociaux des années 1980</a>, en terminant par le rejet de l’actuel « clan » au pouvoir.</p>
<p>Il s’agit du <a href="https://algeria-watch.org/?p=71144&fbclid=IwAR2IQuPqVGGuRlkSsOueB5lEib6Whi6k0muxmZPwHn2wz_AS40l5hr_QqBQ">clan formé autour du président Abdelaziz Bouteflika</a> qui brigue aujourd’hui un cinquième mandat mais dont la personne même est désormais honnie par une partie notable de la population.</p>
<p>Dans la rue on entend ainsi : « Ce peuple ne veut ni de Bouteflika ni de Saïd » (en référence au frère du président) ou encore des slogans traitant le président de « Marocain », sous-entendant qu’il défend des intérêts étrangers à la nation. Par ces mots, les Algériens lui intiment de quitter le pouvoir, les étudiants allant jusqu’à l’expulser en l’<a href="https://www.huffpostmaghreb.com/entry/les-marches-des-etudiants-contre-le-5e-mandat-en-images_mg_5c7553d7e4b0bf166203a498">enterrant symboliquement</a> à Constantine.</p>
<p><a href="https://www.facebook.com/karimoussaoui/videos/10157229500274974">Brandissant leurs téléphones vers le ciel</a>, les acteurs et actrices de cet espace public se dédoublent en témoins, se multiplient par le nombre de partages et de commentaires sur le web.</p>
<h2>Une inversion du rapport de force ?</h2>
<p>Pour le moment, c’est donc le levier médiatique qui permet aux images d’occupation des rues et des places (montrant des agents de l’ordre enserrés par les manifestants) et aux émissions radio ou TV qui ouvrent des <a href="https://www.youtube.com/channel/UCB5zsoN7mA0y0nQG8P20Iog">espaces publics, de discussion</a> plurielle et plurilingue (arabe classique et son dialecte algérien, français et tamazight), de diffuser cette sensation de <a href="https://www.metropolitiques.eu/Entre-enserrement-et-desserrement-la-mobilite-spatiale-des-femmes-en-peripherie.html">« desserrement »</a> de l’emprise du régime autoritaire qui donne l’impression d’une inversion du rapport de force.</p>
<p>La stratégie apportée jusqu’ici est celle d’incarner la non-violence : <a href="https://www.huffpostmaghreb.com/entry/alger-emotion-lacrymogene-reportage_mg_5c70584de4b03cfdaa550cc7?utm_hp_ref=mg-algerie">« pacifisme »</a>, répètent les citoyennes et citoyens algériens pour rassurer de leur fraternité envers les forces de l’ordre, et de leur sens de responsabilité civique (non-recours à la violence, solidarités, <a href="https://www.huffpostmaghreb.com/entry/ces-scenes-insolites-qui-ont-marque-la-marche-contre-le-5e-mandat-a-alger_mg_5c712854e4b03cfdaa5595ec?utm_hp_ref=mg-algerie">nettoyage</a> après les manifestations…).</p>
<p>A défaut <a href="https://www.huffpostmaghreb.com/entry/blog-letat-algerien-fictions-et-realites_mg_5c75204ee4b02efbde1e3bdc?utm_hp_ref=mg-algerie">des institutions de l’État</a>, c’est donc la rue qui est devenue le lieu d’une pratique politique non-violente (se rassembler, chanter, proclamer, discuter, débattre, flâner, etc.).</p>
<h2>La mascarade d’un cinquième mandat</h2>
<p>L’équipe de campagne de Bouteflika a eu beau répondre par la menace d’un retour de la <a href="https://www.elwatan.com/edition/actualite/fln-mouad-bouchareb-sous-le-choc-23-02-2019">« discorde civile »</a> (faisant référence à la guerre « contre les civils » des années 1990), ou de l’assurance de sa volonté de mener la <a href="https://journals.openedition.org/etudesafricaines/18258">« pseudo-politique »</a> en cours, l’absence de la voix du leader, dont la <a href="http://afrique.lepoint.fr/actualites/algerie-selon-l-ancien-ministre-ali-benouari-le-president-bouteflika-ne-se-representera-pas-26-02-2019-2296290_2365.php">santé est vacillante</a> remet en cause sa capacité même à remplir la fonction et condamne l’Algérie à une ère d’<a href="https://www.cairn.info/revue-politique-africaine-2016-2-page-169.htm">« infirmité présidentielle »</a>.</p>
<p>Vécu comme une mascarade qui inflige un sentiment d’humiliation, le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=kHZviPhZQxs&feature=youtu.be&fbclid=IwAR0p9WNqeH9KKQT43dZIkJvN0nICbWT5GTMXi6nvuJcL4Y9YDwE_kYxiugc">scénario de cette 5ᵉ réélection</a> est impensable pour un peuple qui tient encore à sa dignité sur la scène internationale et refuse de se contenter d’une <a href="http://www.lematindalgerie.com/un-seul-cadre-le-peuple">photo dans un cadre</a> pour le représenter ! Muet depuis plusieurs années, il se sent humilié du reflet d’un président paralysé que la société algérienne a connu comme l’ouvrier de la « réconciliation nationale » après une décennie de violence politique dans les années 1990.</p>
<p>Rongée par l’incertitude, l’insécurité et l’instabilité chroniques en raison d’un <a href="https://www.huffpostmaghreb.com/entry/appel-dintellectuels-algeriens-a-aider-la-societe-a-se-liberer-dun-systeme-qui-a-produit-violence-et-corruption_mg_5c73f7cfe4b03cfdaa58341c?utm_hp_ref=mg-algerie">régime patrimonial</a> qui l’a gangrénée par une <a href="https://www.cairn.info/revue-naqd-2018-1.htm">économie et une culture rentière</a>, elle doit aujourd’hui faire face à une crise structurelle et pandémique qui menace la continuité-même de l’État. Surmontant la peur de la violence étatique par le partage d’une foi en l’expérience civile vécue comme source du lien politique, ces femmes et ces hommes témoignent désormais du <a href="https://www.liberte-algerie.com/dilem/dilem-du-23-f%C3%A9vrier-2019">réveil de la société civile</a>, qui réclame un <a href="https://www.elwatan.com/edition/actualite/lultime-appel-a-la-raison-26-02-2019?fbclid=IwAR2mQs_Tk9bndL3uJLvfKirsEF1TaGVdQbUBGFF4BrSRSXxd8eut6VvF9fQ">État de droit</a>, seul espoir d’une vie meilleure et digne d’être vécue.</p>
<h2>Un agenda politique sous tension</h2>
<p>Malgré ce désir d’émancipation, l’agenda politique reste rythmé par le régime, et l’histoire de l’Algérie bégaie : deux voies se tracent à nouveau entre la poursuite ou l’annulation des élections. La dernière option semble la plus risquée car elle verrait un probable état d’urgence et retour au pouvoir militaire se mettre en place. La première l’est tout autant, puisque le régime a toujours les clés de l’État en main.</p>
<p>Les citoyennes et citoyens algériens doivent-ils accorder leur confiance aux élections prévues le 18 avril en espérant que le régime aura reçu le message, ou plutôt préférer une <a href="https://www.facebook.com/events/309550363096178/">évasion collective</a> sous forme de <a href="https://www.elwatan.com/edition/actualite/parti-socialiste-des-travailleurs-il-faut-converger-vers-le-mouvement-du-22-fevrier-27-02-2019">grève générale</a> ?</p>
<p>La fenêtre d’opportunité paraît mince mais plus impossible, d’autant que le doute plane encore sur la <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2019/02/26/97001-20190226FILWWW00136-algerie-bouteflika-deposera-sa-candidature-le-3-mars.php">validation du dossier</a> de candidature de Bouteflika par le Conseil constitutionnel (d’ici le 3 mars).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/261263/original/file-20190227-150694-17amqzg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/261263/original/file-20190227-150694-17amqzg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/261263/original/file-20190227-150694-17amqzg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=499&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/261263/original/file-20190227-150694-17amqzg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=499&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/261263/original/file-20190227-150694-17amqzg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=499&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/261263/original/file-20190227-150694-17amqzg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=627&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/261263/original/file-20190227-150694-17amqzg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=627&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/261263/original/file-20190227-150694-17amqzg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=627&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Sur Facebook, des groupes partagent le post du journal satirique Al Manchar qui invite symboliquement à s’« évader » d’Algérie à la date des élections.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Facebook.</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Vers la renaissance d’une société ?</h2>
<p>Grâce à sa capacité de résilience, « le peuple algérien », a appris à se renouveler grâce à une jeunesse qui défie les forces de la mort par celles de la vie.</p>
<p>En résistant au fatalisme, par la voie de la non-violence, la société civile parviendra-t-elle à changer la pratique du pouvoir en Algérie ?</p>
<p><a href="https://www.algerie360.com/marches-populaires-contre-le-5e-mandat-amnesty-denonce-la-repression-des-manifestants/?fbclid=IwAR0OTBRzBMq1wyXh4pcyPGd57aV2Kwfr6yFfQ1X-8ylqT_3qgM6IQhUcsaA">Quelles ressources</a> a-t-elle à sa disposition pour esquisser un champ politique autonome et pacifié en Algérie ?</p>
<p>Depuis les <a href="https://www.middleeasteye.net/fr/opinion/algerie-30-ans-apres-les-lecons-non-apprises-du-5-octobre-1988">manifestations du 1988</a>, le <a href="https://www.huffpostmaghreb.com/yassin-temlali/printemps-noir-bilan_b_9725704.html">printemps kabyle en 2001</a>, les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=nyzFTg4meN8">mobilisations en 2011</a> ou celles contre le gaz de schiste au Sud, en <a href="https://www.jeuneafrique.com/3649/economie/alg-rie-l-opposition-au-gaz-de-schiste-persiste-malgr-les-assurances,-du-gouvernement/">2015</a>, la société algérienne semble émerger d’un long deuil, durant lequel elle s’était adaptée à la situation par une <a href="https://www.elwatan.com/a-la-une/derriere-laffront-lespoir-democratique-21-02-2019">forme de déni et de désespoir</a>.</p>
<p>Cette renaissance sera-t-elle durable ? La désobéissance au régime, comme pratique politique non-violente, suffira-t-elle à la faire ressusciter ? Les conditions sont-elles réunies pour un scénario d’union civile ?</p>
<p>En appelant le régime algérien à laisser sa société civile s’exprimer et écouter ce qu’elle a à dire, les citoyens donnent l’exemple. <a href="https://www.cairn.info/revue-confluences-mediterranee-2017et-1-page-27.htm">La pacification du champ politique</a> passera par un changement de la pratique du pouvoir qui permettra, enfin, de restaurer la légitimité de l’État-nation aux yeux de la population et d’éviter de reproduire le <a href="https://editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Le_trauma_colonial-9782707199164.html">« trauma colonial »</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/112638/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ghaliya Djelloul ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les manifestations non violentes contre le régime de Bouteflika ont ouvert l’espace public en Algérie, rappelant le besoin crucial d’une société civile libre et impliquée.Ghaliya Djelloul, Sociologue, chercheuse au Centre interdisciplinaire d'études de l'islam dans le monde contemporain (IACCHOS/UCL), Université catholique de Louvain (UCLouvain)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1097762019-01-15T20:08:01Z2019-01-15T20:08:01ZAlgérie, Gabon : le pouvoir de l’absent<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/253836/original/file-20190115-152995-ceqmo1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1196%2C795&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Abdelaziz Bouteflika à Alger, le 23 novembre 2017, lors des élections locales.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Ryad Kramdi/ AFP</span></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>« Je ne prétends point être là, ni survenir à l’improviste, ni paraître en habits et chair, ni gouverner par le poids visible de ma personne.<br>
Ni répondre aux censeurs, de ma voix ; aux rebelles, d’un œil implacable ;<br>
aux ministres fautifs, d’un geste qui suspendrait les têtes à mes ongles.<br>
Je règne par l’étonnant pouvoir de l’absence. Mes deux cent soixante-dix palais tramés<br>
entre eux de galeries opaques s’emplissent seulement de mes traces alternées.<br>
Et des musiques jouent en l’honneur de mon ombre ; des officiers saluent mon siège vide… » (Victor Segalen, <a href="https://www.steles.net/">« Stèles »</a>)</p>
</blockquote>
<p>Certains pays africains sont aujourd’hui dirigés par des leaders qui brillent par leur absence, et nombreux sont les citoyens africains qui doivent se contenter d’un pouvoir présidentiel incarné par des hommes quasi-fantomatiques, dont les incursions médiatiques s’apparentent à une collection de « rares apparitions ».</p>
<h2>Le Gabon sous l’emprise de la rumeur</h2>
<p>Au Gabon, depuis le 24 octobre dernier, le président a quasi disparu de la vie politique depuis son accident vasculaire cérébral qui peine à être reconnu officiellement. Une vidéo diffusée le 4 décembre a levé partiellement le doute présent dans la tête de nombreux Gabonais que leur président était mort. Dans ce petit film, tourné face caméra, nous pouvons observer le roi du Maroc, Mohammed VI, et de profil Ali Bongo Ondimba, président du Gabon, assis à la gauche de son ami durant « trente seconde d’images coupées et montées » selon TV5 monde. Cette « preuve de vie » sans gros plan sur le président, non sonorisé, montre un homme capable de décoller son dos du fauteuil dans lequel il est assis, de porter un verre de lait à sa bouche avec sa main gauche.</p>
<p>Très dernièrement une nouvelle vidéo, cette fois sonorisée, « preuve de voix », met en scène le président Ali Bongo prononçant ses vœux pour l’année 2019 dans un discours dont les réseaux sociaux ont dénoncé la brièveté et de nombreuses anomalies comme une élocution peu claire, une main droite inerte, des yeux fixes et divergents…</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/bS1l3JigDhc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>De nombreux Gabonais continuent néanmoins de penser que leur président est mort, qu’il s’agit de sosies, de montages et/ou que, s’il s’agit de lui, son état de santé ne lui permet plus de diriger le pays. Pourtant, la Cour constitutionnelle gabonaise a prononcé l’indisponibilité temporaire de son président et non la vacance du pouvoir, décision qui déclencherait un processus irréversible de transition.</p>
<h2>Bouteflika invisible depuis mars 2018</h2>
<p>De leur côté, les Algériens sont dans l’attente d’une déclaration qui annoncerait la candidature de leur président Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat consécutif aux élections d’avril prochain. Dans les cérémonies officielles, comme dans les discours des membres du gouvernement, les représentations du chef de l’État Bouteflika se sont imposées peu à peu dans le paysage médiatique, comme pour faire oublier son absence physique.</p>
<p>Il faut dire que depuis 2013, date à laquelle il a été affaibli par un AVC, la résidence présidentielle de Zéralda est devenue une véritable forteresse. <a href="https://www.la-croix.com/Debats/Forum-et-debats/police-secrete-gouverne-toujours-lAlgerie-2018-04-03-1200928638">Selon le sociologue Mohammed Hachemaoui</a>, plus que le « clan Bouteflika », c’est la police politique qui contrôle désormais la situation et commande le pays. En effet, le président n’assure plus aucune activité protocolaire et aucune image officielle n’a été diffusée depuis le 9 avril 2018, date à laquelle il a été vu à Alger à l’inauguration de la mosquée Ketchaoua et de l’extension du métro.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"719232121869623297"}"></div></p>
<p>Il y apparaît dans un fauteuil roulant très affaibli et apathique. La photographie tweetée par Manu Valls en avril 2016, suite à sa rencontre avec le président Bouteflika, avait choqué de nombreux Algériens et ce, à raison, car elle présentait un vieil homme affaibli, le regard vitreux, la bouche ouverte face à un premier ministre fringant et dynamique.</p>
<h2>A Alger, les services au pouvoir</h2>
<p>L’article 88 de la Constitution prévoit la destitution éventuelle du président s’il n’est pas en mesure d’exercer ses fonctions « pour cause de maladie grave et durable ». Le Conseil constitutionnel doit proposer à l’unanimité au Parlement de « déclarer l’état d’empêchement ». Mais, concrètement, la mise en place de cette disposition est peu probable car une partie des membres du Conseil constitutionnel sont des proches du pouvoir et ils empêchent toute décision à l’unanimité.</p>
<p>Dans la réalité, le pouvoir politique est occupé par le DRS et notamment le général de corps d’armée Mohamed Liamine Mediene <a href="https://www.observalgerie.com/actualite-algerie/la-une/said-bouteflika-et-general-toufik-comment-se-joue-lavenir-de-lalgerie-en-coulisse/">alias « Toufik »</a> jusqu'en 2015. Sous son impulsion, Ahmed Ouyahia a été nommé directeur de cabinet de la présidence en 2014, puis premier ministre, alors que ses relations avec Abdelaziz Bouteflika étaient tendues de longue date.</p>
<p>De même, Abdelmoumen Ould Kadour, le PDG (depuis avril 2018) de la Sonatrach (la société nationale des hydrocarbures) et le ministre des Mines Youcef Yousfi, sont très liés au DRS.</p>
<p>Au Gabon, le secteur pétrolier a été pendant des décennies un enjeu soigneusement partagé avec les firmes françaises comme Total. Ali Bongo a quelque peu diversifié ses partenaires étrangers en travaillant avec Olam, firme singapourienne dans l’agroalimentaire, Honest Timber partenaire chinois dans l’exploitation forestière et avec l’Inde par le biais de Manganese Ore India Limited (MOIL) dans l’extraction minière, tout en maintenant une place de choix aux firmes françaises dans de nombreux secteurs.</p>
<h2>La continuité de systèmes de prévarication</h2>
<p>Ainsi, au Gabon comme en Algérie, le pouvoir présidentiel est incarné par des corps dont les facultés intellectuelles ne sont plus évaluables par les citoyens, comme si leur présence physique suffisait à assurer le fonctionnement politique du pays.</p>
<p>En réalité, cette présence/absence, [ces « immobilités problématiques », assurent seulement la continuité d’un système solidement ancré de prévarication et de corruption, la pérennité de réseaux qui gèrent les affaires politiques et économiques des pays en question qui ont en commun de détenir des gisements d’hydrocarbures très prisés à l’international.</p>
<p>Les enjeux sont de taille pour que ces hommes, avec ou sans leur accord formel, soient montrés dans un état physique que tout individu souhaiterait voir réservé au domaine du privé et de l’intime. Ainsi pour pallier la défaillance annoncée comme temporaire de leurs présidents, certaines personnalités assurent l’intérim et la continuité en attendant un successeur conforme aux intérêts des cercles concernés comme évoqué dans le cas algérien.</p>
<p>Au Gabon, un dispositif analogue est à l’œuvre : le <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/01/08/au-gabon-interrogations-et-rumeurs-en-l-absence-du-president-ali-bongo_5406266_3212.html">colonel Frédéric Bongo</a>, demi-frère d’Ali Bongo, Directeur général des services spéciaux de la Garde républicaine, unité de l’armée nationale, est en charge de la sécurité du pays et des intérêts du « clan familial » au pouvoir depuis 1968 – si tant est que les deux soient compatibles.</p>
<p>Ce dernier entretient des rapports très tendus avec le directeur de cabinet présidentiel, Brice Laccruche Alihanga, chargé avec le premier ministre, Emmanuel Issoze Ngondet, qui gèrent les affaires politiques et financières courantes. Alihanga peut compter sur le soutien de Sylvia Bongo, la femme du président. Une troisième personnalité, Marie Madeleine Mborantsuo, la présidente de la Cour constitutionnelle, tient dans sa manche la possibilité d’invoquer l’article 13 qui confierait à certains responsables des prérogatives exceptionnelles.</p>
<h2>Ali n’est pas Abdelaziz</h2>
<p>Cependant, le coup d’État avorté du 7 janvier dernier, analysé par certains Gabonais sur les réseaux sociaux comme une mise en scène destinée à renforcer la main mise sur le pays des dirigeants actuels, laisse présager que cet état de fait sera compliqué à pérenniser au Gabon, <em>a contrario</em> de l’Algérie.</p>
<p>Abdelaziz Bouteflika n’est pas Ali Bongo : il est un leader historique, membre du FLN, arrivé au pouvoir en 1999 à la fin de la décennie marquée par la guerre civile qui a opposé l’armée aux islamistes. Il incarne le retour à la stabilité, l’artisan de la réconciliation, là où Ali Bongo reste le « mal-aimé » sur lequel repose de nombreuses rumeurs. Il reste dans une large partie de l’opinion publique gabonaise celui qui a volé par deux fois la victoire électorale à l’opposition en 2009 et en 2016.</p>
<p>Son retour à Libreville de Rabat a été annoncé dans la nuit de lundi à mardi dernier, à bord d’un avion marocain, pour assister à la cérémonie de prestation de serment des nouveaux ministres. Pour l’instant, aucune image n’a filtré de sa descente d’avion ni de la cérémonie au palais présidentiel, où seule la presse officielle était tolérée. </p>
<p>Pourtant, les journalistes relaient cette information sans véritablement questionner cet état de fait, alors que nombreux Gabonais y voit une « mascarade » de plus. Ce nouvel épisode marque la nécessité impérieuse pour les autorités gabonaises de faire revenir médiatiquement le Président absent, même si sa présence reste totalement comme virtuelle. Quitte à alimenter le sentiment de nombreux gabonais d’être otage d’une situation.</p>
<p>Gouverner par l’absence dans la durée n’est pas donné à tous les leaders.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/109776/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Karine Ramondy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les enjeux sont de taille pour que des hommes, avec ou sans leur accord formel, soient montrés dans un état physique que tout individu souhaiterait voir réservé au domaine du privé et de l’intime.Karine Ramondy, Docteure en Histoire, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/912822018-02-07T22:48:44Z2018-02-07T22:48:44ZPrintemps arabe et fausses nouvelles : petites histoires et grande Histoire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/204896/original/file-20180205-14093-1130qmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Démenti de Al Azhar sur la toile en langue arabe, après la fake news diffusée en janvier, annonçant son intention de « retirer la Tunisie de la liste des pays musulmans. »</span> </figcaption></figure><p>Selon <a href="http://bit.ly/2nDANhE">ses lexicographes</a>, l’usage de l’expression « fake news » a enregistré un bond en avant de 365 % depuis 2016. Ce brusque saut ne caractérise pas seulement la réalité des faits aux États-Unis ou en Europe. Il concerne également et de manière tout aussi critique le monde arabe, et ce depuis les contestations populaires qui l’avaient fortement ébranlé en 2011. Si en Occident, le débat enfle depuis 2017, ce fléau sévissait déjà sur la toile arabe de manière flagrante depuis au moins sept ans.</p>
<p>À l’origine de sa progression spectaculaire, des contextes nationaux propices à la propagation des fausses nouvelles à cause d’une profonde crise des médias traditionnels contrôlés par les États arabes. Tout contenu véhiculé par ces médias suscitait au quotidien son lot de critique et de méfiance auprès de publics de plus en plus motivés par une quête de liberté sans précédent. Les « fake news » se nourrissaient dès lors de la méfiance à l’égard de ces médias qui occultaient, sous la contrainte d’un régime qualifié par ses opposants de dictatorial, la réalité et maintenaient le peuple dans l’opacité et l’ignorance. Un contrôle strict de l’information qui chercherait à préserver, selon ses partisans, la stabilité du pays et une « une paix sociale fragile ».</p>
<p>La diffusion de « fake news » dans le Monde arabe met aussi en exergue une défiance explicite et assumée à l’autorité de l’État et à ses médias qualifiés d’organes de propagande à la solde du pouvoir en place. Les journalistes sont confinés, en conséquence, dans un rôle plus ou moins inconfortable ou journalisme rime souvent avec allégeance et autocensure.</p>
<p>Dans les démocraties arabes naissantes ou dans les régimes arabes autocratiques ayant un lourd passif dans le domaine des libertés et des droits de l’Homme, des questions très cruciales s’imposent. Elles sont différentes de celles que soulève ce problème en Occident. Malgré des efforts louables pour se conformer progressivement aux exigences internationales en matière de liberté d’expression, les régimes arabes ont-ils vraiment la légitimité d’évaluer la fiabilité des sources ? Faut-il leur confier cette tâche délicate malgré leurs antécédents répressifs ? Pourront-ils vraiment être garants de la vérité ?</p>
<h2>Maroc : bientôt, une loi contre les « fakes news »</h2>
<p>De nos jours, des voix s’élèvent dans les pays du Maghreb pour s’opposer fermement à l’ingérence des États dans ce « processus de décontamination » de l’information. C’est le cas du Maroc où journalistes et membres de la société civile se mobilisent depuis plusieurs jours avec ardeur contre un projet de loi en cours d’élaboration par le ministère de la Culture et de la Communication sur les « fake news » qui polluent la toile marocaine.</p>
<p>Lundi 29 janvier 2018, dans un communiqué de presse, c’est le ministère de l’Intérieur qui attire l’attention sur « la gravité de ces actes qui sont de nature à induire l’opinion publique en erreur, ainsi que le sentiment de peur et l’atteinte flagrante à l’ordre public <a href="http://bit.ly/2GO9Wrb">que cela peut engendrer</a> ».</p>
<p>Hostiles à la volonté du gouvernement de légiférer seul et au pas de charge sur la question, les professionnels des médias au Maroc dénoncent leur « mise à l’écart » et affirment que la démarche du gouvernement est « inquiétante, injustifiée et inutile ». Ils affirment que l’arsenal législatif déjà existant dans le pays notamment les articles 72, 106 et 108 du Code de la presse est largement suffisant en la matière. Cette action du gouvernement marocain s’opère dans un contexte compliqué et très tendu marqué par une grogne sociale qui ne faiblit pas et rythmé au quotidien par les audiences du procès controversé des contestataires de la région du Rif.</p>
<p>Les réfractaires à ce projet de loi agitent déjà le spectre de la censure, ce que les autorités marocaines nient. Dans cet élan, l’agence de presse marocaine, la MAP (Maghreb Arabe Presse) vient de lancer un service « SOS fake-news » qui « permet aux abonnés de rectifier immédiatement à travers le réseau de la MAP une fausse information les concernant ».</p>
<h2>« Fake news » en Algérie : un vide juridique à combler</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/204884/original/file-20180205-14064-in3fu0.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/204884/original/file-20180205-14064-in3fu0.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/204884/original/file-20180205-14064-in3fu0.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/204884/original/file-20180205-14064-in3fu0.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/204884/original/file-20180205-14064-in3fu0.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/204884/original/file-20180205-14064-in3fu0.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=459&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/204884/original/file-20180205-14064-in3fu0.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=459&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/204884/original/file-20180205-14064-in3fu0.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=459&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">SOS fake News Agence marocaine de presse MAP Maroc.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans son traitement du sujet des « fake news » qui polluent abondamment la toile algérienne, la presse nationale se demande en faisant preuve d’ironie s’il ne fallait pas y voir un signe de progrès ! Ce phénomène n’avait-il pas « traversé l’Atlantique pour se retrouver en Europe avant de se répandre en Algérie ? ! » Plusieurs fausses nouvelles ont poussé comme des champignons sur les réseaux sociaux algériens surtout en 2017 allant de rumeurs sur « l’état de santé très critique » du président Abdelaziz Bouteflika, en passant par la prétendue « expulsion de diplomates algériens d’Arabie saoudite » jusqu’à l’absurde et délirante histoire du « parfum toxique qui causerait la mort des musulmans », selon une fausse note attribuée à l’armée algérienne.</p>
<p>Dans la guerre contre les « fake news », aucune piste législative n’est envisagée pour le moment en Algérie pour combler le vide juridique en la matière. La question n’alimente même pas les débats et l’opinion publique semble peu soucieuse de la parade nationale qu’il faudrait afin de circonscrire les dégâts de ces fausses informations.</p>
<p>Aucun article dans le Code de l’information algérien ne mentionne de manière précise et claire la <a href="http://bit.ly/2E4s0eT">diffusion d’informations erronées</a> mise à part l’article 92 qui oblige à « rectifier toute information qui se révèle inexacte ». Les journalistes algériens s’accordent à dire que le problème des « fake news » n’est qu’à ses prémisses dans le pays et qu’il aura tendance à s’aggraver à cause de « la prédisposition de l’opinion publique à adopter certaines fausses nouvelles diffusées sur les réseaux sociaux sans sourciller ».</p>
<h2>Tunisie : quand les « fake news » « tuent le président » !</h2>
<p>La question des « fake news » se pose avec insistance notamment en Tunisie, seule rescapée jusqu’à présent du printemps arabe. Elle est loin l’époque où les réseaux sociaux constituaient le salut des nations arabes en quête de liberté face aux régimes autocratiques. Ces réseaux avaient entre autres rendu possible la libération de la parole et avaient permis le contournement des médias officiels qui étaient condamnés soit à la connivence avec le pouvoir en place soit au silence. Ironie du sort, les réseaux sociaux sont accusés aujourd’hui de manipulation et d’affaiblissement des démocraties.</p>
<p>Les actes malveillants sur la toile tunisienne prolifèrent depuis la révolution de 2011. Les politiques n’ont eu de cesse de dénoncer la dégradation des discours sur les réseaux sociaux où « tous les coups sont permis ». Ils pointent du doigt un environnement pollué par des « milices électroniques » ou des « mercenaires de l’info ». Ces « brigades virtuelles » sévissent sur Internet dans le seul but de « pourrir le débat démocratique naissant dans le pays ».</p>
<p>En Tunisie, chaque jour apporte son lot d’informations truquées qui servent à « déstabiliser le pays et à le maintenir dans un climat de peur et d’incertitude ». Une situation aggravée par un contexte national déjà très fragilisé par les difficultés économiques et sécuritaires.</p>
<p>Le dernier exemple en date est l’annonce mensongère, dans la soirée de vendredi 17 novembre 2017, du décès du président Tunisien Beji Caïd Essebsi (BCE). Doyen des présidents de la planète, il s’apprêtait à fêter des 91 ans quand une publication en langue arabe, truquée, montée de toutes pièces et reprenant le logo de France 24, s’est propagée de façon virale sur les réseaux sociaux pour annoncer sa mort.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/204885/original/file-20180205-14096-benzme.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/204885/original/file-20180205-14096-benzme.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/204885/original/file-20180205-14096-benzme.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=618&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/204885/original/file-20180205-14096-benzme.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=618&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/204885/original/file-20180205-14096-benzme.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=618&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/204885/original/file-20180205-14096-benzme.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=777&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/204885/original/file-20180205-14096-benzme.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=777&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/204885/original/file-20180205-14096-benzme.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=777&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Fake news décès du président tunisien en langue arabe.</span>
<span class="attribution"><span class="source">France24</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>France 24 a réagi rapidement en publiant un démenti à l’antenne et dans un post diffusé sur les réseaux sociaux.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/204887/original/file-20180205-14078-17027oz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/204887/original/file-20180205-14078-17027oz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/204887/original/file-20180205-14078-17027oz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=150&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/204887/original/file-20180205-14078-17027oz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=150&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/204887/original/file-20180205-14078-17027oz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=150&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/204887/original/file-20180205-14078-17027oz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=188&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/204887/original/file-20180205-14078-17027oz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=188&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/204887/original/file-20180205-14078-17027oz.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=188&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Démenti france24 suite à l’utilisation de son logo, sur son site Internet arabe.</span>
<span class="attribution"><span class="source">France 24</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Rapidement identifiés, les deux usurpateurs ont été condamnés, le 4 janvier 2018, à six mois de prison ferme pour « offense au chef de l’État » et « propagation de fausses informations » ainsi qu’à une amende. Une loi contre les « fake news » attendra !</p>
<p>Le 24 janvier 2018, un autre cas flagrant de « fake news » s’est répandu sur la toile tunisienne comme une traînée de poudre. Il s’agit de l’annonce sur les réseaux sociaux du retrait de la Tunisie de la liste des pays musulmans par la haute autorité religieuse sunnite en Égypte, Al-Azhar.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/204889/original/file-20180205-14096-vrhaqq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/204889/original/file-20180205-14096-vrhaqq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/204889/original/file-20180205-14096-vrhaqq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/204889/original/file-20180205-14096-vrhaqq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/204889/original/file-20180205-14096-vrhaqq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/204889/original/file-20180205-14096-vrhaqq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/204889/original/file-20180205-14096-vrhaqq.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Post Twitter fake news sur Al Azhar, en langue arabe.</span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/204892/original/file-20180205-14104-2ioe2f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/204892/original/file-20180205-14104-2ioe2f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/204892/original/file-20180205-14104-2ioe2f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/204892/original/file-20180205-14104-2ioe2f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/204892/original/file-20180205-14104-2ioe2f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/204892/original/file-20180205-14104-2ioe2f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/204892/original/file-20180205-14104-2ioe2f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=376&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Démenti sur Twitter d Al Azhar en langue arabe.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette fausse nouvelle démentie par Al-Azhar (voir ci-contre) faisait suite à la volonté du président tunisien Béji Caïd Essebsi de voir le principe d’égalité entre femmes et hommes, inscrit déjà dans la constitution de 2014, s’étendre au domaine successoral.</p>
<h2>Un phénomène planétaire, des problématiques singulières !</h2>
<p>La problématique liée au phénomène des « fake news » dans le monde arabe ou en Occident semblerait au premier abord identique. Mais il existe bien une spécificité propre aux pays arabes. Elle réside dans cette crainte omniprésente chez les journalistes professionnels de voir la liberté de la presse bafouée et leurs paroles réduites au silence. Ils craignent une instrumentalisation malveillante d’un éventuel arsenal législatif renforcé contre la propagation de fausses nouvelles.</p>
<p>D’une manière générale, et malgré la gravité incontestable du problème des « fake news », les défenseurs de la liberté de la presse s’opposent dans le Monde arabe, faute de confiance, à toute mesure coercitive prise par l’État. Aux pays des démocraties naissantes et fragiles, les journalistes privilégient plutôt, tout comme leurs homologues européens, une approche constructive basée sur le bon sens, la sensibilisation, l’éducation et la formation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/91282/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hakim Beltifa ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Quelques exemples récents de fake news dans des pays arabes et de réactions des pouvoirs publics.Hakim Beltifa, Doctorant en sciences de l'information et de la communication au Crem, Université de Lorraine, Journaliste présentateur à France 24 et Rédacteur en chef adjoint, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.