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sexe – The Conversation
2023-09-03T14:17:22Z
tag:theconversation.com,2011:article/212727
2023-09-03T14:17:22Z
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Pourquoi tester les médicaments sur des animaux mâles est problématique pour la santé des femmes
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/545940/original/file-20230620-25-ktr7u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5958%2C4150&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pendant des décennies, les études scientifiques ont porté presque exclusivement sur des mâles.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/small-experimental-mouse-on-laboratory-researchers-605226554">unoL/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Si, au cours de votre vie, vous avez déjà dû prendre un médicament, alors vous pouvez considérer que vous faites partie des bénéficiaires de la recherche scientifique menée sur des animaux de laboratoire (en général, des souris ou des rats). Mais vous ignorez probablement que, dix ans à peine en arrière, ce type de travaux reposait quasi exclusivement sur l’emploi d’animaux mâles.</p>
<p>Or, depuis quelques années, un nombre croissant de preuves récoltées lors d’études employant des animaux des deux sexes indique qu’il existe <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fnins.2020.583477/full#B110%22%22">des différences complexes au niveau du cerveau des rongeurs</a>, selon que l’on considère les individus mâles ou femelles. Ces différences sont non seulement liées à la taille, ou à la forme, mais aussi à la manière dont les cellules nerveuses se connectent les unes aux autres.</p>
<p>Ceci est potentiellement problématique, car pendant longtemps, les scientifiques ont supposé que <a href="https://books.google.co.uk/books?hl=en&lr=&id=KDicAgAAQBAJ&oi=fnd&pg=PT19&ots=SWnevYYdZn&sig=yWbWfMXIzm32BhXKVG984Lgs-3Y&redir_esc=y#v=onepage&q&f=false%5D(https://books.google.co.uk/books?hl=en&lr=&id=KDicAgAAQBAJ&oi=fnd&pg=PT19&ots=SWnevYYdZn&sig=yWbWfMXIzm32BhXKVG984Lgs-3Y&redir_esc=y#v=onepage&q&f=false">les femmes réagissaient de la même manière que les hommes lors des phases d’essais cliniques</a>), indispensables pour le développement et l’obtention d’autorisation de mise sur le marché de nouveaux médicaments.</p>
<p>Mais il se pourrait que ce ne soit pas toujours le cas, et que l’on ne connaisse donc pas toutes les manières dont des médicaments développés et testés exclusivement sur des animaux mâles peuvent affecter les femmes.</p>
<p>Les scientifiques qui s’intéressent à certains problèmes de santé humaine identifient d’ailleurs de plus en plus de différences liées au sexe. Ainsi, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/12890270/%22%22">les femmes ont deux fois plus de chances que les hommes</a> de se voir diagnostiquer une dépression au cours de leur vie. Or leur réaction aux antidépresseurs est également différente de celle des hommes : les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la <a href="https://theconversation.com/non-la-serotonine-ne-fait-pas-le-bonheur-mais-elle-fait-bien-plus-109280">sérotonine</a> (ISRS) entraînent une réponse plus forte chez les femmes, tandis que les hommes ont une meilleure réponse aux antidépresseurs tricycliques (les antidépresseurs « classiques »).</p>
<h2>Ne jamais présumer</h2>
<p>Le fait d’avoir exclu pendant si longtemps les animaux femelles de la recherche médicale s’est traduit par des conséquences préoccupantes pour la santé des femmes. Le cas des effets indésirables des médicaments – autrement dit, les effets non désirés qui surviennent après la prise d’un principe actif (nausées, maux de tête, problèmes cardiaques…) – constitue un bon exemple de telles conséquences.</p>
<p>On considère que le risque de subir de tels effets indésirables <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7275616/%5D(https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7275616/">est doublé chez les femmes</a>) par rapport au risque encouru par les hommes (bien que ceux-ci présentent eux-mêmes des risques accrus en ce qui concerne certains effets secondaires spécifiques). Une des raisons en est que bien que les femmes soient en moyenne plus petites que les hommes, la posologie recommandée de nombreux médicaments est <a href="https://news.uchicago.edu/story/women-are-overmedicated-because-drug-dosage-trials-are-done-men-study-finds%22%22">basée sur les caractéristiques masculines.</a></p>
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<p>Les femmes qui prennent des <a href="https://academic.oup.com/ehjcvp/article/3/3/163/3058007?login=true%22%22">bêtabloquants</a> (des médicaments utilisés pour traiter les problèmes cardiaques), présentent des concentrations de ces molécules plus élevées dans leur sang que les hommes. On pourrait penser que c’est parce qu’une prise de la même quantité de médicaments se retrouvant dans un volume sanguin plus petit entraîne mécaniquement une augmentation de la concentration, mais ce n’est pas l’unique raison. En fait, les femmes métabolisent de nombreux médicaments différemment des hommes, ce qui s’explique par des taux d’hormones sexuelles et d’activité enzymatique eux aussi différents.</p>
<h2>Pourquoi les femmes ont-elles été exclues des essais ?</h2>
<p>Au cours de leurs expérimentations (que ce soit chez l’animal ou l’être humain), les scientifiques aiment réduire la variabilité autant que possible. Cela leur permet d’envisager avec un degré de confiance suffisant que s’ils observent des changements chez les sujets, ils sont bien le résultat de leurs interventions.</p>
<p>Pour cette raison, les femelles ont été largement exclues des essais cliniques en raison de leur cycle menstruel. Alors que les niveaux d’hormones stéroïdes sexuelles ne varient pas chez les hommes, chez les femmes, ils augmentent et diminuent. Ces fluctuations peuvent avoir un impact sur la fonction cérébrale, le comportement et la réponse aux médicaments. Elles augmentent la variabilité des résultats et rendent les données expérimentales plus difficiles à interpréter, ce qui accroît les coûts des recherches.</p>
<p>Cependant, les choses sont un peu différentes chez les rongeurs : leur cycle œstral (période de temps entre ovulations) est plus court que celui des femmes, d’une durée de seulement quatre ou cinq jours. Les recherches menées au cours de la dernière décennie ont montré que durant cette période [le comportement des rats femelles n’est pas plus variable]https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4962440/en conséquence.</p>
<p>&lt ;image id=“533216” align=“centre” alt=“Souris de laboratoire blanches, mère avec des petits” source=“tilialucida/Shutterstock” caption=“Si les études n’incluent pas de souris femelles, la manière dont les médicaments affectent les femmes ne sera pas correctement comprise.” zoomable=“true”/&gt ;</p>
<p>Une autre raison a joué dans la mise en place d’essais cliniques centrés sur les hommes : le fait que certaines des femmes en âge de procréer qui auraient pu y participer auraient pu être enceintes sans le savoir, ce qui aurait pu avoir des conséquences sur leur fœtus. La <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3573415/%22%22">tragédie de la thalidomide</a> a renforcé cette crainte. Développée dans les années 1950 comme sédatif, la thalidomide est par la suite devenue un traitement populaire pour lutter contre les nausées matinales ressenties par certaines femmes enceintes – mais ce médicament n’avait pas été testé sur des femelles animales gestantes (et encore moins sur des femmes enceintes).</p>
<p>Les médecins ont rapidement réalisé que les enfants nés de mères prenant de la thalidomide présentaient de graves anomalies du développement. Mais il était déjà trop tard : on estime qu’au niveau mondial, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/15172781/%22%22">environ 10 000 nourrissons sont nés avec des bras et des jambes très atrophiés, ainsi que d’autres malformations congénitales</a>.</p>
<h2>Les choses s’améliorent-elles ?</h2>
<p>Le secteur de la recherche qui analyse les interactions entre les médicaments et le cycle menstruel, les modifications survenant durant la grossesse et la prise de contraceptifs hormonaux est en plein développement.</p>
<p>On sait désormais que non seulement <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S105913111400137X%22%22">certains médicaments antiépileptiques</a> peuvent réduire l’efficacité de la contraception hormonales, mais aussi que cette dernière peut elle-même diminuer l’efficacité de certains médicaments antiépileptiques. Malheureusement, il reste encore beaucoup d’inconnues, car les femmes ont été exclues des études cliniques pendant de nombreuses années.</p>
<p>Aux États-Unis, Il a été légalement exigé que les femmes soient <a href="https://orwh.od.nih.gov/toolkit/recruitment/history#:%7E:text=In%201986%2C%20NIH%20established%20a,Grants%20and%20Contracts%20in%201987%22%22">incluses dans les essais cliniques dans les années 1990</a>. Trente ans plus tard, les effets de cette décision se font sentir : près de la moitié des participants aux études cliniques financées par les National Institutes of Health (NIH - l’agence américaine de recherche médicale) <a href="https://orwh.od.nih.gov/in-the-spotlight/all-articles/nih-publishes-report-on-research-on-womens-health-for-fiscal-years-2019-2020%22%22">sont désormais des femmes</a>.</p>
<p>Aujourd’hui, de nombreuses <a href="https://bpspubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/bph.14761%22%22">revues scientifiques</a> adhèrent à la démarche <a href="https://journals.physiology.org/doi/full/10.1152/ajpheart.00605.2021%22%22">qui consiste à ne publier que les études de recherche clinique</a> dont la conception, l’analyse des données et la diffusion des résultats prend en compte le sexe. Les politiques continuent aussi à évoluer afin d’inclure désormais non seulement le sexe biologique (défini génétiquement), mais aussi le genre (l’identité personnelle).</p>
<p>Les choses ont été plus lentes en ce qui concerne l’inclusion des femelles de rongeurs dans le paysage de la recherche. En 2014, les NIH, qui dans le secteur de la recherche médicale sont l’un des plus importants bailleurs de fonds de la planète, <a href="https://doi.org/10.1038/509282a%22%22">ont annoncé que tous les scientifiques prétendant à des demandes de subvention devaient inclure dans leur projet une parité entre animaux mâles et femelles (ou cellules provenant de mâles et de femelles).</a> D’importants bailleurs de fonds d’autres pays – tels que le Canada ou la Commission européenne – ont depuis adopté la même position.</p>
<p>Le changement prend du temps. Cela s’explique notamment par les durées de recherche et développement : si elles peuvent varier considérablement, on considère généralement qu’il faut compter 10 à 15 ans pour mettre au point un nouveau médicament. Viennent ensuite les essais cliniques, qui peuvent eux aussi prendre beaucoup de temps, selon la difficulté à recruter les participants nécessaires.</p>
<p>Nous nous dirigeons vers une ère de médecine personnalisée, dans laquelle les médicaments pourront être prescrits dans le cadre d’interventions ciblées, prescrites suite à un diagnostic établi précisément pour chaque individu, selon son génome (l’ensemble des instructions génétiques qu’il porte), avec l’idée d’adapter le traitement au plus juste, étant donné que ces caractéristiques personnelles peuvent affecter la réponse. Si nous ne comprenons pas exactement comment les médicaments prescrits aux femmes les affectent réellement, elles risquent de passer à côté des nombreux avantages de ces nouvelles approches…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212727/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Toutes les opinions exprimées dans cet article sont celles de l'autrice et non celles des organisations auxquelles elle est affiliée. Sarah Bailey reçoit des fonds de recherche de Camurus et DevelRx, est vice-présidente chargée de l'engagement à la British Pharmacological Society et coprésidente de la UK Bioscience Sector Coalition (universitaire).</span></em></p>
La plupart des essais cliniques doivent désormais incorporer des individus des deux sexes. Mais le retard pris dans l’étude de la façon dont les médicaments affectent les femmes est loin d’être comblé.
Sarah Bailey, Senior Lecturer, Neuropharmacology, University of Bath
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/208760
2023-06-29T19:11:36Z
2023-06-29T19:11:36Z
Quand les vibromasseurs étaient censés soigner
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/534861/original/file-20230629-29-xiuneg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C1920%2C1060&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans les années 1930, le vibromasseur était un appareil ménager comme les autres. </span> <span class="attribution"><span class="source">Fiona Hanson/PA Images via Getty Images</span></span></figcaption></figure><p>À l’heure du <a href="https://doi.org/10.1002/9781118663219.wbegss434">féminisme « pro-sexe »</a>, les éloges de la capacité orgasmique des vibromasseurs se multiplient. Dans sa bande dessinée <a href="https://www.ohjoysextoy.com/hitachi/"><em>Oh Joy Sex Toy</em></a>, Erica Moen les décrit comme « totalement englobants, comme le serait une couverture faite d’électricité qui passerait dans vos veines pour les parcourir, générant des orgasmes dont vous ne vous seriez pas crue physiquement capable ». Aujourd’hui, ces machines vont souvent de pair avec la masturbation et la sexualité féminines.</p>
<p>Pourtant, pour les ménagères américaines des années 1930, le vibromasseur n’avait rien de sexuel. Fonctionnant avec le même type de moteurs que les mixeurs et les aspirateurs, il ressemblait à n’importe lequel de leurs autres appareils ménagers. Ce n’était ni plus ni moins qu’une nouvelle technologie basée sur l’électricité.</p>
<p>Avant que les coûts de production des moteurs de ces appareils ne diminuent, les fabricants vendaient généralement un moteur unique sur lequel venaient s’adapter des accessoires séparés, qui étaient changés au gré de l’activité ménagère à accomplir. Il pouvait s’agir de poncer du bois, de se sécher les cheveux, ou… de guérir certaines affections grâce aux vibrations d’origine électriques.</p>
<p>J’ai en effet découvert, durant mes recherches sur <a href="https://scholar.google.com/citations?user=NnKQzLcAAAAJ&hl=en&oi=sra">l’histoire médicale de l’électricité</a>, que les vibromasseurs figuraient en bonne place dans l’arsenal des charlatans du début du XX<sup>e</sup> siècle, aux côtés de divers autres remèdes excentriques, tels que les ceintures de batteries galvaniques ou les électrothérapies.</p>
<h2>Vibrer pour la santé</h2>
<p>Le premier vibromasseur électromécanique était un appareil appelé « percuteur » <a href="https://doi.org/10.1086/SHAD28020120">inventé par le médecin britannique Joseph Mortimer Granville</a> à la fin des années 1870 ou au début des années 1880. Granville pensait que les vibrations alimentaient en énergie le système nerveux humain. Il a développé le percuteur pour l’utiliser en tant qu’appareil médical, afin de stimuler les nerfs malades.</p>
<p>À l’époque, le consensus médical était que l’hystérie était une maladie nerveuse. Cependant <a href="https://www.google.com/books/edition/_/mxUCAAAAIAAJ?hl=en">Granville refusait de traiter les malades de sexe féminin</a> parce que, expliquait-il, il ne voulait pas « être berné […] par les caprices de l’état hystérique » lorsqu’il s’agissait d’évaluer l’efficacité de son appareil. Le vibromasseur a donc initialement été une thérapie réservée aux hommes. Il a ensuite rapidement quitté la sphère de la pratique médicale.</p>
<p>Puis est arrivé le début du XX<sup>e</sup> siècle. À cette époque, l’électricité commençait à envahir les maisons, mais ses bénéfices n’étaient pas aussi évidents qu’aujourd’hui : elle était chère et dangereuse. Cependant, elle était aussi synonyme de <a href="https://mitpress.mit.edu/books/electrifying-america">modernité, et source d’excitation</a>. Les appareils électriques tels que les machines à coudre et les machines à laver sont progressivement devenus des marqueurs de la classe moyenne en développement. Et les vibromasseurs ont commencé à entrer dans les foyers, d’abord en tant que simples appareils ménagers.</p>
<p>Ils étaient avant tout considérés comme une manifestation supplémentaire de cette scintillante nouvelle technologie, qui faisait miroiter aux consommateurs l’image d’un mode de vie moderne et électrique. Tout comme, plus tard, dans les années 1960, les banques offriraient des grille-pains pour inciter les potentiels clients à ouvrir un compte, dans les années 1940, la <a href="https://doi.org/10.1017/eso.2015.97"><em>Rural Electrification Administration</em> distribuait des vibromasseurs gratuitement</a> pour encourager les agriculteurs à électrifier leurs maisons. Ces appareils électriques n’étaient alors pas encore considérés comme des jouets sexuels. Toutefois, leurs utilisateurs, quel que soit leur âge, se voyaient promettre grâce à eux toutes sortes de soulagements…</p>
<h2>De la poudre de Perlimpinpin qui vibre</h2>
<p>Les vibromasseurs étaient censés apaiser les douleurs des ménagères fatiguées, et donc leur faciliter les tâches ménagères. Appliqués sur les dos fatigués et les pieds douloureux, ils permettaient, soi-disant, de revigorer le corps des travailleurs. Maintenus sur la gorge, ils soignaient la laryngite, sur le nez, ils soulageaient la pression des sinus ; et ils agissaient aussi tout ce qui pouvait poser problème entre les deux, bien entendu. Mais ce n’est pas tout : ils stoppaient les cris des enfants malades, car on prêtait à leurs vibrations le pouvoir de calmer l’estomac des bébés souffrant de coliques. On pensait même qu’ils pouvaient aider à guérir les os brisés. Et, selon certains, ils pouvaient stimuler la pousse des cheveux chez les hommes atteints de calvitie…</p>
<p>Une publicité parue en 1910 dans le <em>New York Tribune</em> affirmait que « la vibration bannit les maladies comme le soleil bannit le brouillard ». En 1912, le vibromasseur <em>New Life</em> de <em>Hamilton Beach</em> était accompagné d’un guide d’instruction de 300 pages intitulé <a href="https://www.google.com/books/edition/_/TVrlhhwDXvQC?hl=en"><em>Health and How to Get It</em></a> (« La santé, et les moyens de l’obtenir ». Celui-ci proposait des remèdes à tous les maux, de l’obésité à l’appendicite en passant par la tuberculose et le vertige.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/339861/original/file-20200604-67383-kb5xw6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/339861/original/file-20200604-67383-kb5xw6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/339861/original/file-20200604-67383-kb5xw6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=923&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/339861/original/file-20200604-67383-kb5xw6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=923&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/339861/original/file-20200604-67383-kb5xw6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=923&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/339861/original/file-20200604-67383-kb5xw6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1160&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/339861/original/file-20200604-67383-kb5xw6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1160&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/339861/original/file-20200604-67383-kb5xw6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1160&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Une publicité de 1913 pour le vibromasseur White Cross dans le <em>New York Tribune</em>.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:White_Cross_Electric_Vibrator_ad_NYT_1913.jpg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Comme on s’en doute en consultant ces publicités, ces allégations médicales relevaient du charlatanisme. Pourtant, <a href="https://doi.org/10.1017/eso.2015.97">ces « remèdes électriques » se sont vendus par millions</a>.</p>
<p>Et pour cause : sur le marché américain, la forme la plus classique de charlatanisme médical était celle des « remèdes secrets » (« patent medicine »), des concoctions à la composition protégée par brevet, disponibles en vente libre, et censées guérir certains maux. Dépourvues d’effets thérapeutiques, elles contenaient généralement principalement de l’alcool et de la morphine, mais on pouvait parfois y trouver des ingrédients encore plus nocifs, comme le plomb et l’arsenic. </p>
<p>Le gouvernement fédéral a commencé à réglementer la vente de ces « médicaments » sous brevet après l’adoption, en 1906, de la loi <a href="https://history.house.gov/Historical-Highlights/1901-1950/Pure-Food-and-Drug-Act/"><em>Pure Food and Drug Act</em></a>. Les vibromasseurs et autres électrothérapies n’étant alors pas concernés par la nouvelle loi, ils ont pris la part de marché laissée vacante par les concoctions médicales interdites. Le vibromasseur <em>White Cross</em> a remplacé le sirop apaisant de Mme Winslow en tant que remède « maison » populaire, bien que rejeté par l’<em>establishment</em> médical.</p>
<p>En 1915, le <a href="https://ama.nmtvault.com/jsp/viewer.jsp?doc_id=ama_arch%2FAD000001%2F0036GUID&init_width=600&recoffset=0&collection_filter=All&collection_name=e7b3b08e-5d2a-40d6-ac45-b8b6ada9325f&sort_col=title&CurSearchNum=-1&recOffset=0"><em>Journal of the American Medical Association</em></a> écrivait que le <a href="https://doi.org/10.1017/eso.2015.97">« commerce des vibromasseurs est une illusion et un piège. S’il a un quelconque effet, il est psychologique »</a>. Ce commerce était considéré comme dangereux par les experts non pas parce qu’il était obscène, mais parce qu’il s’agissait d’un mauvais traitement. La possibilité, reconnue par les médecins, que le vibromasseur soit aussi utilisé pour la masturbation constituait seulement une preuve supplémentaire du charlatanisme de cette thérapie.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/339893/original/file-20200604-67368-5lsn0t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/339893/original/file-20200604-67368-5lsn0t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/339893/original/file-20200604-67368-5lsn0t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/339893/original/file-20200604-67368-5lsn0t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/339893/original/file-20200604-67368-5lsn0t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=387&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/339893/original/file-20200604-67368-5lsn0t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/339893/original/file-20200604-67368-5lsn0t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/339893/original/file-20200604-67368-5lsn0t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=486&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La tête du moteur du vibromasseur Shelton, fabriqués par General Electric au début du XXᵉ siècle, avec divers accessoires.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/mechanical-masseur-motor-head-with-various-vibratory-news-photo/90763336">Science & Society Picture Library/SSPL</a></span>
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</figure>
<h2>Un remède à la « maladie masturbatoire »</h2>
<p>Hallie Lieberman, spécialiste des jouets sexuels, souligne que presque tous les fabricants de vibromasseurs du début du XX<sup>e</sup> siècle proposaient des accessoires phalliques qui <a href="https://doi.org/10.1017/eso.2015.97">« auraient été considérés comme obscènes s’ils avaient été vendus en tant que godemichés »</a>. </p>
<p>Présentés comme des dilatateurs rectaux ou vaginaux, ces appareils étaient censés guérir les hémorroïdes, la constipation, la vaginite, la cervicite (inflammation du col de l’utérus) et d’autres maladies localisées au niveau des organes génitaux et de l’anus. <em>Hamilton Beach</em>, par exemple, proposait un <a href="https://www.google.com/books/edition/_/TVrlhhwDXvQC?hl=en">« applicateur rectal spécial »</a> pour « un coût supplémentaire de 1,50 dollar » et recommandait son utilisation pour le traitement de « l’impuissance », des « hémorroïdes » et des « maladies rectales ».</p>
<p>Les deux plus grands spécialistes de l’histoire des vibromasseurs, <a href="https://jhupbooks.press.jhu.edu/title/technology-orgasm">Rachel Maines</a> et <a href="https://doi.org/10.1017/eso.2015.97">Hallie Lieberman</a>, affirment que les vibromasseurs ont toujours été secrètement utilisés dans des buts sexuels. Cependant, je ne suis pas d’accord avec eux. Les vibromasseurs étaient bien des appareils médicaux populaires, et l’une de leurs nombreuses utilisations médicales visait à guérir les maladies liées aux dysfonctionnements sexuels. Cette utilisation était un argument de vente, pas un secret, à une époque où la rhétorique anti-masturbation était de mise.</p>
<p>Des accessoires spéciaux pour vibromasseurs, comme l’applicateur rectal, proposaient des traitements douteux pour des maladies douteuses. Il s’agissait de remèdes pour des affections prétendument causées par <a href="https://nyupress.org/9780814719831/the-body-electric/">« une masturbation calamiteuse et prédominante »</a>.</p>
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<p>Au début du XX<sup>e</sup> siècle, l’idée que la masturbation était liée à certaines maladies était assez répandue. On pensait par exemple qu’elle provoquait l’impuissance chez les hommes et l’hystérie chez les femmes. Certaines formulations de cette époque sont d’ailleurs parvenues jusqu’à nous, telle celle qui affirme que la masturbation rend sourd (ou aveugle, selon les pays…).</p>
<p>Il est impossible de savoir comment les gens utilisaient réellement les vibromasseurs. Mais un certain nombre de preuves suggère que leur emploi se faisait dans le cadre de traitements « médicaux », et non dans celui d’une masturbation « pécheresse ». Même si les utilisateurs de ces appareils accomplissaient des actes vus aujourd’hui comme de la masturbation, eux-mêmes ne considéraient pas qu’ils se masturbaient. Et donc, ils ne se masturbaient pas…</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/339894/original/file-20200604-67372-dt0t1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/339894/original/file-20200604-67372-dt0t1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/339894/original/file-20200604-67372-dt0t1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/339894/original/file-20200604-67372-dt0t1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/339894/original/file-20200604-67372-dt0t1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/339894/original/file-20200604-67372-dt0t1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/339894/original/file-20200604-67372-dt0t1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/339894/original/file-20200604-67372-dt0t1e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=506&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Dans les années 1980, l’image du vibromasseur a changé dans l’esprit du public.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/vibrators-and-sex-toys-in-a-sex-shop-window-at-frankfurt-news-photo/523782645">Barbara Alper/Archive Photos via Getty Images</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Repenser l’histoire du vibromasseur</h2>
<p>Pendant la majeure partie du XX<sup>e</sup> siècle, les vibromasseurs sont restés d’inoffensifs objets vendus par des charlatans. Le mensuel féminin <em>Good Housekeeping</em>, destiné aux femmes au foyer, a même <a href="http://pegasusbooks.com/books/buzz-9781681775432-hardcover">validé certains modèles, jusque dans les années 1950</a>. Lorsque la révolution sexuelle a déferlé sur l’Amérique dans les années 1960, les vibromasseurs étaient des appareils démodés, majoritairement tombés dans l’oubli.</p>
<p>Puis sont arrivées les années 1970. À cette époque, des militantes féministes radicales ont transformé le vibromasseur, qui n’était plus que la relique d’une domesticité révolue, en un outil de libération sexuelle pour les femmes. Dans les <a href="https://dodsonandross.com/">ateliers de Betty Dodson consacrés au bodysex</a>, les vibrations électriques ont alors transformé <a href="http://pegasusbooks.com/books/buzz-9781681775432-hardcover">« les sentiments de culpabilité liés à la masturbation en sentiments de célébration, de sorte que la masturbation est devenue un acte d’amour de soi »</a>. Elle et ses « sœurs » ont adopté les vibromasseurs comme une technologie politique, capable de convertir des femmes au foyer frigides et anorgasmiques en êtres sexuels puissants, pouvant à la fois avoir des orgasmes multiples et détruire le patriarcat…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208760/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kim Adams a reçu un financement de la bourse Henry M. MacCracken et du Center for the Humanities de l'université de New York.</span></em></p>
Initialement vendus comme des versions électriques de la poudre de Perlimpinpin les vibromasseurs n’ont acquis que tardivement leur fonction de jouets sexuels.
Kim Adams, Postdoctoral Lecturer in English, New York University
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/206149
2023-06-08T18:01:21Z
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Les Grecs et les Romains aimaient-ils vraiment les orgies ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/530919/original/file-20230608-26-u0aff2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C0%2C632%2C418&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Helen Mirren dans le rôle de Caesonia (_Caligula_ de Tinto Brass, 1979).
</span> </figcaption></figure><p>Les orgies évoquent dans notre imaginaire l’Antiquité gréco-romaine, en raison de films plus ou moins érotiques mettant en scène des empereurs débauchés, ou encore du <em>Satyricon</em> de Fellini. Le terme est d’ailleurs utilisé aujourd’hui pour qualifier toutes sortes d’excès. L’orgie nous apparaît comme la célébration absolue des plaisirs de la chair, dans une société ancienne qui aurait été libre de tous carcans moraux. Mais qu’en était-il en réalité ?</p>
<h2>De l’<em>orgia</em> à l’orgie</h2>
<p>Le mot nous vient du grec <em>orgia</em>. Il désigne des rites pratiqués en l’honneur de divinités comme Dionysos dont le culte célèbre la régénération de la nature. Il s’agissait de cultes dits « à mystères », c’est-à-dire réservés à des initiés, hommes et femmes, qui s’étaient préalablement engagés à ne pas en divulguer les secrets.</p>
<p>Le terme <em>orgia</em> évoque une idée d’excitation et de passion. Les rites orgiaques, mal connus du fait même de leur statut mystérieux, pouvaient inclure la manipulation d’objets aux formes sexuelles, au cours de pratiques extatiques et violentes dont le but aurait été la <a href="https://www.arkhe-editions.com/magazine/le-mythe-de-lorgie-romaine/">recherche d’une ivresse collective</a>.</p>
<p>Cependant, ce n’est qu’à partir de la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle, et au cours du XIX<sup>e</sup> siècle, notamment dans la littérature française, que l’orgie désignera des pratiques sexuelles en groupe, le plus souvent associées à des excès d’alcool et de nourriture. Flaubert évoque, dans son conte <em>Smarh</em>, en 1839, « Une fête de nuit, une orgie toute pleine de femmes nues, belles comme les Vénus ».</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Wikipedia" src="https://images.theconversation.com/files/530921/original/file-20230608-19-2hz6yb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530921/original/file-20230608-19-2hz6yb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530921/original/file-20230608-19-2hz6yb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530921/original/file-20230608-19-2hz6yb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530921/original/file-20230608-19-2hz6yb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530921/original/file-20230608-19-2hz6yb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530921/original/file-20230608-19-2hz6yb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Femme et homme sur une banquette entre une joueuse de flûte et un serviteur. Céramique, VIᵉ siècle av. J.-C. Musée archéologique, Corinthe.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des prostituées… et des poissons</h2>
<p>L’orgie à proprement parler n’est cependant pas une invention moderne. Les banquets mêlant plaisirs gustatifs et érotiques sont bien présents dans les textes antiques. Ainsi, au IV<sup>e</sup> siècle av. J.-C., l’orateur grec Eschine, dans <a href="https://remacle.org/bloodwolf/orateurs/eschine/timarque.htm">son plaidoyer contre Timarque</a>, accuse son ennemi d’avoir cédé aux « plus honteuses voluptés » et à « toutes les choses par lesquelles un homme libre et noble ne devrait pas se laisser déborder ».</p>
<p>Quels sont donc ces plaisirs interdits ? Timarque invite chez lui des joueuses de flûte et autres femmes vénales et banquette avec elles. Précisons que les flûtistes ne sont pas ici de simples artistes, uniquement convoquées pour leurs talents de musiciennes, mais aussi de jeunes prostituées susceptibles de satisfaire les demandes sexuelles des convives.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/530922/original/file-20230608-23-zx6m64.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/530922/original/file-20230608-23-zx6m64.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530922/original/file-20230608-23-zx6m64.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=270&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530922/original/file-20230608-23-zx6m64.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=270&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530922/original/file-20230608-23-zx6m64.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=270&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530922/original/file-20230608-23-zx6m64.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=340&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530922/original/file-20230608-23-zx6m64.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=340&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530922/original/file-20230608-23-zx6m64.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=340&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Banquet grec réunissant de jeunes hommes aguichés par une joueuse de flûte vêtue d’une tunique transparente. Cratère, vers 400 av. J.-C., Kunsthistorisches Museum, Vienne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">khm.at/de/objektdb/detail/58183</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De même que la location de courtisanes, la consommation de poissons très coûteux est tout particulièrement visée par les orateurs du IV<sup>e</sup> siècle av. J.-C. Démosthène associe ces deux facettes de la débauche dans son plaidoyer <em>Sur les forfaitures de l’ambassade</em>.</p>
<p>En 346 av. J.-C., la cité d’Athènes avait envoyé des ambassadeurs auprès du roi Philippe II de Macédoine qui menaçait militairement la Grèce. Mais le souverain avait corrompu certains des envoyés athéniens, afin qu’ils soutiennent ses ambitions impérialistes.</p>
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<p>Un des ambassadeurs, acheté par le roi de Macédoine, est accusé par Démosthène d’avoir dilapidé cet argent bien mal acquis en achetant « des prostituées et des poissons ». Un double délit de <a href="https://remacle.org/bloodwolf/orateurs/demosthene/ambassade.htm">gourmandise autant sexuelle qu’alimentaire</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/530923/original/file-20230608-17-217w5e.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530923/original/file-20230608-17-217w5e.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=594&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530923/original/file-20230608-17-217w5e.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=594&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530923/original/file-20230608-17-217w5e.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=594&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530923/original/file-20230608-17-217w5e.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=746&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530923/original/file-20230608-17-217w5e.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=746&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530923/original/file-20230608-17-217w5e.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=746&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Scène de banquet, fresque d’Herculanum, Iᵉʳ siècle apr. J.-C.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://simple.wikipedia.org/wiki/Orgy#/media/File:Herculaneum_Fresco_001.jpg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Débauches romaines</h2>
<p>Les historiens romains décrivent eux aussi de somptueux festins, alliant sexe et nourriture. Dans les années 80 av. J.-C., c’est le dictateur Sylla qui aurait été le premier chef politique organisateur à Rome de beuveries sexuelles. Il en aurait importé le modèle depuis l’Orient grec où il avait mené une campagne militaire. Sylla buvait dès le matin avec des comédiennes, des musiciens et des mimes, <a href="https://remacle.org/bloodwolf/historiens/Plutarque/sylla.htm">raconte Plutarque (<em>Vie de Sylla</em> 36)</a>.</p>
<p>Les chorégraphies lascives étaient des activités complémentaires pratiquées par des courtisanes, de même qu’il n’était pas rare que des prostitués exercent le métier de mimes. Ils se tortillaient en simulant parfois des actes sexuels.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/530924/original/file-20230608-29-x35qui.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530924/original/file-20230608-29-x35qui.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530924/original/file-20230608-29-x35qui.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530924/original/file-20230608-29-x35qui.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530924/original/file-20230608-29-x35qui.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530924/original/file-20230608-29-x35qui.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530924/original/file-20230608-29-x35qui.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le festin de Trimalcion, scène du film de Fellini, <em>Satyricon</em>, 1969.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’historien latin Suétone présente Tibère comme la figure même de l’empereur débauché. Dans son palais de Capri, il mettait en scène d’audacieux spectacles pornographiques. Il avait recruté une troupe de jeunes acteurs qui se livraient, sous ses yeux, à des accouplements nommés <em>spintriae</em>. Un terme latin, très probablement formé à partir du grec <em>sphinktèr</em> (« anus »), <a href="https://remacle.org/bloodwolf/historiens/suetone/tibere.htm">qui évoque des « enculades » en série (<em>Vie de Tibère</em> 43)</a>.</p>
<p>Caligula, successeur de Tibère, aurait, quant à lui, couché avec ses sœurs, sous le regard de ses invités (<em>Vie de Caligula</em> 24). A la fois incestueux et exhibitionniste, il aurait ainsi transgressé deux interdits en même temps. Il aurait aussi montré sa femme Caesonia à cheval, vêtue en guerrière, ou encore toute nue. Complice de son époux, l’impératrice aurait particulièrement apprécié <a href="http://remacle.org/bloodwolf/historiens/suetone/caligula.htm">ces séances spéciales</a>, car « elle était perdue de débauche et de vice » (<em>Vie de Caligula</em> 25).</p>
<p>Une vingtaine d’années plus tard, l’empereur Néron « faisait durer ses festins de midi à minuit », écrit Suétone (<em>Vie de Néron</em> 27). <a href="https://remacle.org/bloodwolf/historiens/suetone/neron.htm">Tous les sens devaient être satisfaits</a> au cours de ces longs banquets. C’était une symphonie de nourriture, musique et corps serviles, à voir ou à caresser, tandis que des esclaves faisaient pleuvoir des fleurs depuis le plafond de la salle et vaporisaient des parfums.</p>
<p>Au cours d’un festin de l’empereur Elagabal, vers 220 apr. J.-C., des convives seraient même morts étouffés <a href="https://remacle.org/bloodwolf/historiens/histaug/heliogabale.htm">« n’ayant pu parvenir à se dégager »</a>, si l’on en croit l’auteur de l’<em>Histoire Auguste</em> (<em>Vie d’Antonin Héliogabale</em> 21).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/530925/original/file-20230608-19-bqub2y.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530925/original/file-20230608-19-bqub2y.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=490&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530925/original/file-20230608-19-bqub2y.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=490&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530925/original/file-20230608-19-bqub2y.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=490&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530925/original/file-20230608-19-bqub2y.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=616&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530925/original/file-20230608-19-bqub2y.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=616&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530925/original/file-20230608-19-bqub2y.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=616&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Scène de banquet, fresque de Pompéi, Iᵉʳ siècle apr. J.-C.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais ces banquets n’étaient pas plus fréquents dans l’Empire romain qu’ils ne le sont <a href="https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2020/08/12/sexe-et-pouvoir-le-cafardeux-rite-bunga-bunga-de-silvio-berlusconi_6048738_3451060.html">aujourd’hui</a>.</p>
<p>Il ne faut donc pas se méprendre sur la signification des descriptions orgiaques chez les auteurs antiques. Le but est toujours moral : <a href="https://theconversation.com/manger-boire-et-vomir-dans-la-rome-antique-153913">condamner la « débauche »</a>, au nom de la modération et de la tempérance.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/530926/original/file-20230608-29-5ifpyg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530926/original/file-20230608-29-5ifpyg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=465&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530926/original/file-20230608-29-5ifpyg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=465&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530926/original/file-20230608-29-5ifpyg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=465&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530926/original/file-20230608-29-5ifpyg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=584&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530926/original/file-20230608-29-5ifpyg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=584&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530926/original/file-20230608-29-5ifpyg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=584&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Banquet au palais de Néron, dessin d’Ulpiano Checa y Sanz (illustration du roman <em>Quo vadis ?</em> de Henryk Sienkiewicz), vers 1910.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Quo_vadis_%3F_(roman)#/media/Fichier:Banquet_in_Nero's_palace_-_Ulpiano_Checa_y_Sanz.jpg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Dénonciation chrétienne</h2>
<p>La christianisation de l’Empire romain ne fera que renforcer cette perspective morale. On en trouve un bel exemple dans l’œuvre de <a href="http://www.clerus.org/clerus/dati/2004-05/14-6/S_DETAC7.html">Saint-Augustin</a> (<em>16<sup>e</sup> Sermon pour la décollation de Jean-Baptiste</em>).</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/530927/original/file-20230608-18-4ag98s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/530927/original/file-20230608-18-4ag98s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530927/original/file-20230608-18-4ag98s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=889&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530927/original/file-20230608-18-4ag98s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=889&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530927/original/file-20230608-18-4ag98s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=889&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530927/original/file-20230608-18-4ag98s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1117&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530927/original/file-20230608-18-4ag98s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1117&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530927/original/file-20230608-18-4ag98s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1117&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Affiche du film <em>Babylon</em> (Damien Chazelle, 2022).</span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’évocation du banquet d’Hérode Antipas, gouverneur de la Galilée, et de ses amoncellements de victuailles y souligne la gloutonnerie des convives. S’y ajoute l’idée d’une luxure qui serait tout entière l’œuvre de Satan. Antipas demande à sa <a href="https://theconversation.com/salome-itineraire-dune-jeune-fille-impudique-155245">petite-nièce Salomé d’exécuter une danse</a>. La jeune fille maléfique, après avoir exhibé sa poitrine lors de sa chorégraphie effrénée, exige, pour salaire de ses charmes, la tête de Saint Jean-Baptiste servie sur un plat.</p>
<h2>De Rome à Babylone</h2>
<p>En rupture avec ces textes antiques, le film <em>Babylon</em> de Damien Chazelle (2022) donne à voir une <a href="https://madame.lefigaro.fr/celebrites/cinema/grandeur-decadence-orgies-et-magie-babylone-ou-la-declaration-d-amour-grandiose-de-damien-chazelle-au-cinema-20230116">immense scène d’orgie</a> sans pour autant s’inscrire clairement dans une perspective de condamnation morale.</p>
<p>C’est peut-être une des raisons pour lesquelles sa réception a été fortement contrastée, entre détracteurs dénonçant un film outrancier et admirateurs louant au contraire une <a href="https://www.marianne.net/culture/cinema/babylon-de-damien-chazelle-un-miracle-a-hollywood">miraculeuse « orgie visuelle »</a>.</p>
<hr>
<p>Christian-Georges Schwentzel est l’auteur de <a href="https://www.editions-vendemiaire.com/catalogue/nouveautes/debauches-antiques-christian-georges-schwentzel/"><em>Débauches antiques, comment la Bible et les Anciens ont inventé le vice</em></a>, éditions Vendémiaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206149/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian-Georges Schwentzel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Dans notre imaginaire, les orgies et l'Antiquité gréco-romaine sont indissociables, en raison de films plus ou moins érotiques mettant en scène des empereurs débauchés. Mais qu'en est-il en réalité?
Christian-Georges Schwentzel, Professeur d'histoire ancienne, Université de Lorraine
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/205554
2023-05-26T14:05:02Z
2023-05-26T14:05:02Z
Le sexe oral est devenu le principal facteur de risque du cancer de la gorge
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/525745/original/file-20230511-19-88mm2l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C2%2C988%2C663&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le virus du papillome humain (VPH), premier responsable du cancer du col de l’utérus, est la cause principale du cancer de la gorge.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Depuis une vingtaine d’années, le nombre de cancers de la gorge a connu une augmentation rapide dans les pays occidentaux, au point qu’on en est venu à parler d’<a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3294514/pdf/10-0452_finalS.pdf">épidémie</a>. Cette hausse est imputable à un type particulier de cancer, le cancer oropharyngé (qui touche la zone des amygdales et de l’arrière de la gorge). Le <a href="https://cancer.ca/fr/cancer-information/cancer-types/oropharyngeal/risks#:%7E:text=L%E2%80%99infection%20au%20virus%20du,du%20cancer%20de%20l%E2%80%99oropharynx.">virus du papillome humain</a> (VPH), premier responsable du cancer du col de l’utérus, en est la cause principale. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, le cancer de l’oropharynx est désormais plus fréquent que celui du col de l’utérus.</p>
<p>Le VPH est transmis par voie sexuelle. Pour le cancer de l’oropharynx, le plus important facteur de risque est le nombre de partenaires avec qui une personne a eu des rapports sexuels buccogénitaux. Les personnes qui en ont eu avec six partenaires ou plus au cours de leur vie ont <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/nejmoa065497">8,5 fois plus</a> de risques de développer un cancer de l’oropharynx que celles qui ne pratiquent pas ce type de sexualité.</p>
<p>Les études sur les tendances comportementales montrent que la sexualité orale est <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3901667/pdf/pone.0086023.pdf">très répandue dans certains pays</a>. Dans une étude que mes collègues et moi-même avons menée au Royaume-Uni auprès d’un millier de personnes ayant subi une amygdalectomie pour des raisons non liées au cancer, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6763631/pdf/ciy1081.pdf">80 % des adultes ont déclaré avoir eu des rapports buccogénitaux</a> à un moment ou à un autre de leur vie. Heureusement, seul un faible nombre de ces personnes développent un cancer de l’oropharynx. On ne sait pas très bien pourquoi.</p>
<p>La théorie la plus répandue est que la plupart des gens attrapent des infections à VPH et sont capables de les éliminer. Cependant, un petit nombre de personnes ne peuvent pas s’en débarrasser, peut-être en raison d’une déficience d’un aspect de leur système immunitaire. Chez elles, le virus peut se répliquer continuellement et, au fil du temps, il s’insère à des positions aléatoires dans l’ADN de l’hôte, ce qui peut engendrer un cancer.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Graphique montrant un cancer de l’oropharynx" src="https://images.theconversation.com/files/522308/original/file-20230421-2957-le0097.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/522308/original/file-20230421-2957-le0097.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/522308/original/file-20230421-2957-le0097.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/522308/original/file-20230421-2957-le0097.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/522308/original/file-20230421-2957-le0097.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/522308/original/file-20230421-2957-le0097.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/522308/original/file-20230421-2957-le0097.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’oropharynx est le segment central de la gorge (pharynx).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.scientificanimations.com/wiki-images/">(Wikimedia)</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La vaccination des jeunes filles contre le VPH a été mise en place dans de nombreux pays pour prévenir le cancer du col de l’utérus. <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6763631/pdf/ciy1081.pdf">Des preuves</a> de plus en plus nombreuses, bien qu’indirectes, indiquent qu’elle pourrait aussi être efficace pour prévenir l’infection de la gorge par le virus. Certaines données suggèrent également que les garçons sont protégés par <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6763631/pdf/ciy1081.pdf">l’immunité collective</a> <a href="https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/2749588">dans les pays</a> où la couverture vaccinale des filles est importante (plus de 85 %). Tous ces éléments devraient permettre, d’ici quelques décennies, de réduire la prévalence du cancer de l’oropharynx.</p>
<p>Du point de vue de la santé publique, c’est une bonne chose, mais uniquement si la couverture est élevée chez les filles – plus de 85 % – et si l’on reste dans la « collectivité » couverte. Cela ne garantit toutefois pas une protection individuelle – surtout à l’ère des voyages internationaux – dans les cas où quelqu’un a des rapports sexuels avec une personne originaire d’un pays où la couverture est faible. Et cela n’offre assurément pas de protection dans les pays où la couverture vaccinale des filles est faible, comme <a href="https://progressreport.cancer.gov/prevention/hpv_immunization">aux États-Unis, où seulement 54,3 %</a> des adolescentes âgées de 13 à 15 ans avaient reçu deux ou trois doses de vaccin contre le VPH en 2020.</p>
<h2>Vacciner les garçons</h2>
<p>Cela a conduit plusieurs pays, dont le Royaume-Uni, l’Australie et les États-Unis, à étendre leurs recommandations en matière de vaccination contre le VPH aux jeunes garçons, ce que l’on appelle une politique de vaccination neutre sur le plan du sexe.</p>
<p>Une politique de vaccination universelle ne garantit toutefois pas une bonne couverture. Une proportion importante de certaines populations est opposée à la vaccination contre le VPH pour des raisons de sécurité, de nécessité ou, plus rarement, parce qu’elle craint que cela encourage la promiscuité sexuelle.</p>
<p>Parallèlement, des études sur la population montrent qu’il arrive que de jeunes adultes, dans le but de s’abstenir de rapports sexuels avec pénétration, vont commencer par avoir des rapports sexuels oraux.</p>
<p>La pandémie de coronavirus a également engendré son lot de défis. Tout d’abord, il n’a pas été possible de sensibiliser les jeunes dans les écoles pendant un certain temps. Ensuite, on observe dans de nombreux pays une croissance de la réticence vis-à-vis des vaccins, ou des attitudes « antivax », ce qui peut contribuer à une réduction de la couverture vaccinale.</p>
<p>Comme toujours, lorsqu’il s’agit de populations et de comportements, rien n’est simple ni évident.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205554/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hisham Mehanna est consultant pour MSD et Merck. Il reçoit des financements de Cancer Research Uk, du National Institute for Health Research et du MRC, ainsi que d'Astra Zeneca, de GSK et de GSK Bio. Il est conseiller auprès de l'Oracle Trust, une organisation caritative de défense des patients atteints de cancer de la tête et du cou.</span></em></p>
Depuis une vingtaine d’années, le nombre de cancers de la gorge a connu une augmentation rapide dans les pays occidentaux, au point qu’on en est venu à parler d’épidémie. Le VPH est en cause.
Hisham Mehanna, Professor, Institute of Cancer and Genomic Sciences, University of Birmingham
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/204874
2023-05-24T17:31:32Z
2023-05-24T17:31:32Z
Aux États-Unis, la longue marche vers l’égalité LGBTQ+
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/526472/original/file-20230516-15-zgqnd1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=22%2C7%2C4930%2C3289&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Aux États-Unis, les minorités sexuelles se sont battues pendant des décennies pour obtenir des droits qui sont aujourd’hui menacés par certains responsables politiques.
</span> <span class="attribution"><span class="source">lazyllama/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><em>La remise en cause progressive de l’ordre hétéronormatif bouleverse le paysage juridique états-unien à mesure que les notions d’orientation sexuelle et d’identité de genre trouvent un écho puissant dans les pratiques des opérateurs juridiques. Cette tendance se heurte à des résistances acharnées, comme on a récemment pu le constater avec la <a href="https://theconversation.com/fin-du-droit-a-lavortement-aux-etats-unis-moins-de-democratie-plus-de-religion-184914">révocation du droit fédéral à l’avortement</a>. Clarence Thomas, l’un des neuf juges de la Cour suprême, n’a pas caché <a href="https://www.newsweek.com/clarence-thomas-gay-marriage-supreme-court-ruling-obergefell-v-hodges-1718971">son souhait de démanteler certains des droits fondamentaux des Américains LGBTQ+</a>, acquis au niveau fédéral, alors que <a href="https://www.slate.fr/story/243755/amerique-floride-etats-unis-projet-ron-desantis-make-america-florida-election-presidentielle-2024">Ron DeSantis</a>, actuel gouverneur de la Floride et possible candidat républicain à la présidentielle de 2024, s’est engagé dans une guerre culturelle acharnée contre les personnes LGBTQ+. Anthony Castet, maître de conférences en études nord-américaines, à l’Université de Tours, revient dans <a href="https://pufr-editions.fr/produit/la-fabrique-de-legalite-lgbtq-aux-etats-unis/">« La Fabrique de l’égalité LGBTQ+ aux États-Unis »</a>, à paraître aux Presses universitaires François Rabelais et dont nous vous proposons ici un extrait, sur le long combat pour les droits civiques des minorités sexuelles et de genre dans un pays tiraillé entre l’égale protection des lois, réservée à chacun, et l’instrumentalisation de la liberté religieuse, hostile aux personnes LGBTQ+.</em></p>
<h2>Statut des minorités sexuelles et de genre</h2>
<p>Cette population est d’évidence composée d’individus dont les aptitudes, les compétences, les croyances religieuses, les origines ethniques et sociales sont diverses et contribuent à la richesse de la communauté nationale à laquelle ils appartiennent. Pourtant, ils subissent l’incompréhension viscérale d’une partie de la société qui n’a de cesse de recourir à des éléments de langage visant à discréditer et à disqualifier le mouvement par tous les moyens possibles.</p>
<p>Ils sont accusés de défendre des intérêts particuliers dont ils ambitionnent de se prévaloir, en particulier au niveau politique. On parle de « lobby LGBT », de « communautarisme LGBT », d’« agenda homosexuel » et de « droits spéciaux », terminologie dont la connotation péjorative vise à associer le mouvement LGBTQ+ à une force sournoise profondément antidémocratique et prosélyte. Ce refus de comprendre et cette incompréhension – issus de la morale religieuse la plus rigoriste – sont alimentés par certains politiques et juges qui sont les architectes de l’invisibilisation, du refoulement, de la compartimentation, de l’homophobie intériorisée et de l’<em>outing</em>.</p>
<p>La brèche ouverte dans le mur de séparation entre les Églises et l’État ainsi que la liberté religieuse, érigée en dogme absolu pour justifier une différence de traitement à l’égard d’un groupe minoritaire, comptent parmi les caractéristiques de cette guerre culturelle menée contre le mouvement LGBTQ+. Un groupe minoritaire est <a href="https://www.abebooks.com/first-edition/Gays-Uniform-Pentagons-Secret-Reports-Edited/545217051/bd">constitué par</a> des individus qui ont en commun l’expérience d’être l’objet de discriminations fondées sur des stéréotypes, sur des croyances ethnocentriques ou sur des préjugés qui sont partagés par des membres du groupe non minoritaire.</p>
<p>Ces deux composantes agissent à la manière de turbines qui alimentent les agitations sociales du pays et affectent les mécanismes institutionnels de la vie politique, à mesure que la communauté LGBTQ+ gagne en visibilité et en crédibilité dans la conquête des cœurs et des esprits. Cette dynamique au profit de la minorité LGBTQ+ correspond historiquement, selon <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2009-4-page-135.htm">Camille Froidevaux-Metterie</a>, professeure de science politique, à un « mouvement de flux et de reflux de la foi religieuse » qui va de pair avec un second processus amorcé par le mouvement LGBTQ+ en faveur de l’égalité réelle <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/P/bo3627498.html">« sous la forme de cycles alternatifs que nous pourrions communément décrire par “des pas de géant” et “des phases de stabilité” »</a>.</p>
<p>Le contexte des guerres culturelles rend les victoires politiques et juridiques du mouvement LGBTQ+ fragiles et incertaines. La persistance de l’homophobie, de discours contradictoires au niveau politique et de l’injonction paradoxale au niveau juridique peut encore aujourd’hui conduire à la régression. Ainsi, le statut des Américains LGBTQ+ est constamment soumis à réévaluation par les conservateurs, ce qui peut constituer de nombreuses situations anxiogènes pour ces personnes. […]</p>
<p>En s’appuyant sur le cadre juridique international des droits de l’homme, les juges ont été les principaux artisans de l’égalité des droits des Américains LGBTQ+ en bâtissant un arsenal jurisprudentiel progressif et solide fondé sur les V<sup>e</sup> et XIV<sup>e</sup> amendements de la Constitution des États-Unis. Ils ont été les témoins directs de nombreux récits authentiques d’hommes et de femmes LGBTQ+ frappé‧e‧s historiquement d’indignité et d’immoralité en raison de leur orientation sexuelle. Néanmoins, les progrès considérables acquis par les personnes LGBTQ+ aux niveaux politique et juridique, la visibilité grandissante des problèmes auxquels elles font face ainsi que la libération de la parole ne doivent pas occulter un passé historique funeste pour ces individus dont l’humanité a été dépréciée et malmenée par une discrimination d’État. […]</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/loyacDl4HuI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<h2>Établissement du droit à la vie privée des couples de même sexe</h2>
<p>Dans l’introduction de son opinion majoritaire, dans l’affaire <a href="https://supreme.justia.com/cases/federal/us/539/558/">Lawrence vs Texas</a> (2002), le juge de la Cour suprême Anthony Kennedy fonde clairement son raisonnement sur un principe essentiel de liberté. Une valeur fondamentale de la démocratie, obtenue au prix d’une lutte sans faille contre l’oppression de la monarchie britannique, qui garantit l’importance des libertés individuelles et plus précisément encore le droit d’être en sécurité chez soi : </p>
<blockquote>
<p>« Dans notre tradition, l’État n’est pas omniprésent à l’intérieur de la maison [ainsi que dans] d’autres domaines de notre vie et de notre existence, à l’extérieur de la maison. »</p>
</blockquote>
<p>Au nom de la tradition libérale, le juge invoque implicitement un droit des personnes homosexuelles à une vie privée garantie par le IV<sup>e</sup> amendement de la Constitution qui protège les Américains contre des perquisitions et saisies non justifiées. […]</p>
<p>Kennedy s’évertue à complexifier la reconnaissance des droits fondamentaux des Américains LGBTQ+ du point de vue historique, juridique, philosophique, mais aussi des droits de l’homme. En s’appuyant sur la procédure légale régulière, Kennedy doit expliciter la ou les libertés qui sont, selon lui, bafouées. Pour ce faire, il fait appel une nouvelle fois à un contrôle du fondement rationnel pour invalider la loi du Texas, ce qui lui vaudra de nombreuses critiques […].</p>
<p>Son premier objectif est de démontrer que la vie privée est une liberté, et que celle-ci est fondée sur la jurisprudence de nombreuses affaires traitées entre 1923 et 1973, dont le point culminant a été la légalisation de l’avortement dans <a href="https://www.bbc.com/afrique/articles/cw4xpn9yv2no"><em>Roe v. Wade</em></a>. Cet arrêt garantit la libre disposition du corps de la femme et la liberté de pouvoir prendre des décisions le concernant. Le droit à la vie privée est encadré par le <em>substantive due process</em>, principe qui consiste à restreindre le pouvoir des législateurs d’adopter certaines lois qui viendraient considérablement porter atteinte à la substance du droit et/ou de la liberté (fondamentale) contenus dans le XIV<sup>e</sup> amendement.</p>
<p>Le jugement rendu dans <a href="https://www.oyez.org/cases/1900-1940/262us390"><em>Meyer</em> (1923)</a> (la Cour a annulé une loi du Nebraska qui interdisait aux professeurs d’enseigner une autre langue vivante que l’anglais) guide le cheminement intellectuel emprunté par Kennedy dans la perspective de définir le terme de liberté du point de vue juridique dans une approche purement pragmatique :</p>
<blockquote>
<p>« Le droit de l’individu […] de se lancer dans n’importe quelle occupation ordinaire de la vie, d’acquérir des connaissances utiles, de se marier, de fonder un foyer et d’élever des enfants […] et, en général, de profiter de ces privilèges reconnus il y a longtemps par le droit coutumier comme étant essentiels dans la recherche ordonnée du bonheur des hommes libres. »</p>
</blockquote>
<p>Ainsi, le droit à la vie privée trouve sa place dans cette longue énumération d’opportunités qui permettent aux individus de s’accomplir et de s’enrichir dans toutes les étapes de la vie sans que l’État puisse invoquer arbitrairement un intérêt d’ordre public pour s’y opposer. Ce principe du <em>substantive due process</em> (droit substantiel) autoriserait certains juges « libéraux » de la Cour suprême à user d’un pouvoir d’interprétation non négligeable que certains utiliseraient de manière abusive, selon leurs détracteurs. Cette accusation contre-productive vise à disqualifier le fond du raisonnement alors même que Kennedy est un juge conservateur modéré. […]</p>
<p>Kennedy fait référence également à l’arrêt <a href="https://www.oyez.org/cases/1964/496"><em>Griswold v. Connecticut</em> (1965)</a> afin d’établir un lien entre le présent dossier et un droit marital à la vie privée qui sanctuarise la chambre en tant qu’espace protégé, propice à la sexualité. Dans <em>Griswold</em>, la Cour a décidé d’invalider une loi du Connecticut (1879) qui interdisait la promotion et l’utilisation de moyens contraceptifs. Ce jugement a instauré le droit des individus de prendre des décisions relatives à leur intimité sexuelle et reproductive.</p>
<p>En 1972, dans l’affaire <a href="https://www.oyez.org/cases/1971/70-17"><em>Eisenstadt</em></a>, la Cour suprême a annulé une loi du Massachusetts qui interdisait la distribution de moyens contraceptifs à des personnes non mariées : « C’est le droit de l’individu, marié ou célibataire, que d’être libre de toute intrusion gouvernementale injustifiée dans des affaires qui touchent une personne de manière si fondamentale ». <em>Griswold</em> (1965) et <em>Eisenstadt</em> (1972) servent de précédents dans <em>Roe v. Wade</em> (1973) afin d’autoriser les femmes à avorter. D’après la Cour, le corps d’un individu est un espace de liberté protégé. Il est donc légitime de pouvoir faire des choix intimes qui s’y rapportent. Rappelons que ces deux affaires se déroulent dans le contexte des années 1960-70 au moment où la justice est confrontée à la question du rapport sexuel à des fins récréatives et non procréatives en dehors du mariage.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204874/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anthony Castet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Un récent ouvrage revient sur les longues et complexes procédures juridiques qui, aux États-Unis, ont permis aux personnes LGBT+ d'obtenir des droits dont certains sont aujourd'hui remis en cause.
Anthony Castet, Maître de Conférences civilisation nord-américaine, Université de Tours
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2023-02-26T17:12:35Z
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Sexe et drogues : une mise au point sur le chemsex
<p><em>Le chemsex a récemment fait les gros titres des médias. Ce phénomène complexe, aux intrications médicales, sociétales et communautaires, est longtemps resté relativement tabou. Il n’est pas pourtant si récent.</em></p>
<p><em>Dans l’essai</em> <a href="https://www.arkhe-editions.com/livre/addiction/">Addict</a>, <em>dont sont extraites ces bonnes feuilles, Jean-Victor Blanc, psychiatre spécialisé en addictologie, a choisi d’éclairer les addictions par le prisme de leurs représentations dans la pop culture.</em></p>
<p><em>De l’exubérante Kim Kardashian à la série</em> <a href="https://www.imdb.com/title/tt1837492/">13 Reasons Why</a>, <em>il revient ici sur plusieurs cas d’usage sexualisé de substances. Une pratique qui peut devenir addictive, et avoir des conséquences nocives, mais dont il est possible de s’extraire.</em></p>
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<h2>La période sauvage de Kim Kardashian</h2>
<p>En 2007, l’héroïne mondiale de la pop-culture a tourné une « sextape » avec le rappeur Ray J, alors son petit ami. Sa diffusion a été accompagnée d’un scandale médiatique international qui a contribué à sa notoriété. En 2018, la désormais multimillionnaire, grâce à son business de produits de beauté, fit une confidence surprenante. L’exubérante star de téléréalité déclarait avoir pris de l’ecstasy lors du tournage de cette vidéo pornographique amateur. </p>
<p>Elle confia également être sous MDMA lors de son premier mariage, qualifiant cette « période sauvage » d’un lapidaire : « Il n’arrive que de mauvaises choses sous cette drogue. » Ces expériences sous influence n’ont heureusement pas empêché la femme aux 200 millions d’abonnés Instagram de réaliser ses rêves de gloire et de succès, couverture de Vogue et études de droit à Harvard compris.</p>
<p>Le sexe sous substance est loin d’être aussi anecdotique qu’on pourrait le penser. C’est également de la MDMA que les adolescents de <em>13 Reasons Why</em> prennent pour essayer de « se lâcher » sexuellement [saison 2, épisode 7]. </p>
<p>Enfin, c’est une réunion sexuelle sous influence et entre hommes, en plein confinement de novembre 2020 à Bruxelles, qui a coûté sa carrière à Jozsef Szajer, homme politique hongrois conservateur. Au-delà du scandale médiatique – l’ex-député défendait une politique anti-LGBT +, le sexe sous influence peut avoir des conséquences dramatiques.</p>
<h2>Drunk on love avec Beyonce</h2>
<p>Le fait d’être sous l’effet d’un psychotrope lors d’un rapport sexuel est relativement courant, ce n’est pas systématiquement pathologique. Deux types de situations sont à distinguer : le cas le plus fréquent est occasionnel. La consommation d’alcool à visée festive permet de briser la glace, susciter une rencontre et in fine faciliter un rapport sexuel. Cet effet désinhibant qui favorise le rapprochement amoureux est un classique du cinéma américain, du film crépusculaire de Marilyn Monroe Les Désaxés, en 1961, à la comédie Booksmart, en 2019, en passant par les neuf longs métrages de la franchise American Pie. Ici, c’est par opportunité que les substances s’invitent épisodiquement dans la vie sexuelle.</p>
<p>Dans d’autres situations, la prise de substances sera effectuée à dessein : le produit psychoactif est une condition sine qua non de la vie sexuelle. On estime que <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30594299/">2 à 5 % de la population générale prendrait un produit « la plupart du temps » ou « tout le temps » avant le sexe</a>. Ce caractère systématique témoigne d’une souffrance. L’impossibilité de conserver une vie sexuelle sans ces artifices provoque une mésestime de soi. </p>
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<p>La nécessité d’être dans un état second pour accéder au sexe peut avoir plusieurs origines. L’ivresse ou la drogue n’y apportent en général pas de réponse satisfaisante. Les substances consommées viennent amplifier une vulnérabilité préexistante (anxiété, dépression…). Il existe de plus un risque de développer une dépendance propre au produit, dont la prise n’est plus associée au sexe, aggravant de facto la situation globale de l’individu.</p>
<h2>Anatomie de l’enfer avec Catherine Breillat</h2>
<p>Plusieurs raisons expliquent ce recours aux substances dans la sexualité. Les femmes victimes de violences sexuelles, notamment dans leur enfance, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23312991/">utilisent plus l’alcool à visée sexuelle que celles qui en sont indemnes</a>.</p>
<p>Les substances sont consommées pour lutter contre les réminiscences traumatiques des abus. Cette situation peut conduire à des situations dramatiques, car intoxiquées, ces survivantes sont plus à risque de subir une nouvelle agression sexuelle. Dans la série I May Destroy You, écrite et interprétée par la géniale Michaela Coel à partir de sa propre expérience, cette spirale est admirablement mise en scène. Arabella est victime d’un viol atroce, commis après avoir été droguée à son insu. Parmi les séquelles de cette agression dont elle n’a que très peu de souvenirs, sa vie sexuelle devient laborieuse. Elle fume alors du cannabis pour mettre à distance les flashbacks de ce traumatisme, et avoir un rapport sexuel. Dans un état de conscience modifiée, l’expérience va mal tourner et sera une nouvelle épreuve sur son chemin vers le rétablissement.</p>
<p>Les produits sont pris dans le but d’améliorer l’expérience sexuelle. Ils sont utilisés pour leur vertu anxiolytique ou dopante. Ceux qui en ont besoin sont souvent atteint d’anxiété de performance. Dans ce trouble, les situations d’évaluation induisent une crainte de l’échec telle que l’individu perd tous ses moyens. Cela multiplie alors les risques d’échec, qui va faire monter l’anxiété en flèche. Le rapport sexuel peut être vécu comme une « évaluation », dont le critère de jugement serait d’être qualifié de « bon » ou de « mauvais coup ». Anxiété et libido faisant très mauvais ménage, ces inquiétudes vont avoir un effet dévastateur sur la vie sexuelle.</p>
<p>L’anxiété de performance peut être alimentée par les normes dictées par l’industrie pornographique, dont les standards et les pratiques sont parfois très éloignés des possibilités moyennes de la physiologie humaine. À toutes fins utiles, il est rappelé qu’à l’échelle mondiale, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16422843/">la durée moyenne entre le début de la pénétration et l’éjaculation est de 5,4 minutes</a>. </p>
<p>(…)</p>
<p>Si l’alcool est une des substances les plus étudiées car une des plus fréquemment consommées, ce sont les nouveaux roduits de synthèse (NPS) qui sont actuellement responsable d’une véritable épidémie de santé publique parmi les hommes ayant des relations homosexuelles.</p>
<h2>La Génération « MTV »</h2>
<p>Ceci n’a rien à voir avec le temps béni où MTV diffusait en continu des clips aux moyens pharaoniques – et inégalés depuis (7 millions de dollars pour <em>Scream</em> de Michael et Janet Jackson). L’acronyme signifie ici Métamphétamine Truvada Viagra, et désigne <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29526546/">la prise concomitante d’une amphétamine, d’un antirétroviral (traitement du VIH) et d’un stimulateur de l’érection</a>.</p>
<p>Cette nouvelle addiction porte le nom de « chemsex », contraction de « chemical » et de « sex ». Apparu au début des années 2000, le chemsex est le dernier avatar du sexe sous substance. Drogues de synthèses ciblées, rencontres démultipliées sur les réseaux sociaux et vision utilitariste du corps et du plaisir s’y télescopent dans un vénéneux cocktail.</p>
<p>En France, les produits les plus fréquemment consommés sont des <a href="https://theconversation.com/nouvelles-drogues-les-cathinones-de-synthese-circulent-de-plus-en-plus-en-france-187684">dérivés de cathinones</a> : 3MMC, 3CMC ou 4 MEC, la méthamphétamine étant moins consommée dans l’hexagone qu’aux États-Unis ou dans le reste de l’Europe. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/nouvelles-drogues-les-cathinones-de-synthese-circulent-de-plus-en-plus-en-france-187684">Nouvelles drogues : les cathinones de synthèse circulent de plus en plus en France</a>
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<p>Ils sont consommés en sniff, ou en injection : les usagers parlent alors de « slam ». Ce terme, qui vient de « to slam », « claquer » en anglais, est utilisé pour décrire l’effet puissant lié à l’injection. Il ne s’agit donc pas de poésie urbaine déclamée par Grand Corps Malade, mais plutôt d’un grand nombre de corps enfiévrés… jusqu’à se rendre malades.</p>
<p>Les effets recherchés sont la désinhibition, une augmentation du plaisir sexuel et un puissant « sentiment de connexion » avec le partenaire. Un trentenaire timide et réservé m’expliquait un jour : « C’est comme faire l’amour avec la personne dont vous êtes amoureux, sur commande et avec n’importe qui. » Mais les flèches de ce Cupidon pharmacologique sont très éphémères. L’effet des produits dure quelques dizaines de minutes tout au plus, ce qui pousse les usagers à consommer toujours plus.</p>
<p>Conséquence : une perte totale de la notion du temps, qui transforme le rapport en véritable marathon de drogue et de sexe qui dure vingt-quatre, quarante-huit heures… ou plus. Le problème posé par le chemsex n’est pas moral mais bien sanitaire. Si les parties fines sous substances sont décrites depuis les orgies de la Rome Antique, l’ampleur actuelle et les ravages induits par le chemsex sont un défi médical et politique inédit.</p>
<h2>Death By Sex, Kim Petras</h2>
<p>Le témoignage de Jean-Luc Romero, homme politique et militant associatif, est éclairant. Son mari est mort d’une overdose au cours d’un plan chemsex. Afin d’alerter l’opinion, Jean-Luc Romero en a fait le récit âpre dans un livre, <em>Plus vivant que jamais !</em> Les mélanges de produits, leurs surdoses et l’épuisement ont des conséquences physiques qui peuvent aller jusqu’à la perte de connaissance et au décès. Les participants risquent également de contracter des maladies sexuellement transmissibles, comme l’hépatite C ou la syphilis, actuellement en recrudescence.</p>
<p>Le risque lié au VIH est souvent évité, grâce à la prophylaxie par la PreP. Il s’agit d’un médicament antirétroviral, l’emtricitabine-ténofovir ou Truvada – le T de « MTV » – prescrit en préventif afin d’empêcher une séroconversion. La multiplication des injections peut provoquer des abcès au niveau des points d’injection. Il existe aussi des risques cardiovasculaires qui peuvent être majorés par la prise de produits destinés à maintenir l’érection – dont le Viagra, le V de MTV.</p>
<p>Les conséquences psychiques sont tout aussi inquiétantes : symptômes hallucinatoires liés à la prise de produits et à la fatigue, pertes de connaissance, voire coma lorsque les mélanges de produits deviennent hasardeux. Car souvent, d’autres drogues sont consommées simultanément comme le GHB, la cocaïne ou la kétamine.</p>
<p>Après s’être « perchés », beaucoup de patients vivent de très douloureuses « descentes ». Une intense tristesse, accompagnée d’un sentiment de désespoir qui peut durer deux jours après la prise de produits. Ces montagnes russes correspondent à un état d’épuisement cérébral, souvent aggravé par une culpabilité ressentie après un week-end où brunchs entre amis, cinéma en amoureux ou responsabilités familiales n’ont pu être honorés.</p>
<h2>The Pleasure Principle</h2>
<p><em>« Imagine-toi une échelle du plaisir sexuel qui va de 1 à 10. Quand tu baises en étant sobre, tu restes au niveau 1, tu atteins le niveau 7 quand tu es sous MDMA et le niveau 10 quand tu fais du sexe sous 3-MMC ou 4-MEC. Eh ben, quand tu slammes, tu dépasses l’échelle du plaisir et tu atteins carrément le niveau 100. (…) Après ça, bon courage pour baiser sans produits. Le jour où tu slammes, tu signes l’arrêt de mort de ta sexualité. Une vraie saloperie ! »</em></p>
<p>Cette citation issue du roman Chems de Johann Zarca (Grasset, 2021) l’exprime sans détour, les NPS peuvent conduire à une dépendance. Peu à peu, c’est dans le produit, plutôt que dans le sexe, que la personne va aller chercher du réconfort ou de l’oubli. Zède, l’antihéros du roman, va en faire les frais, s’oubliant dans les produits à mesure que sa vie part en lambeaux. </p>
<p>Pour la majorité des patients que je reçois en consultation, la vie sexuelle sans substances est devenue impossible. Beaucoup consomment des produits tout seuls, en se masturbant des heures devant un écran, seule échappatoire à une existence devenue morne et solitaire. Ce qui ne manque pas d’ironie, pour une pratique censée améliorer l’expérience sexuelle et souvent centrée sur la sexualité en groupe.</p>
<p>Heureusement, depuis quelques années, la visibilité accrue de ce problème, la (timide) reconnaissance des pouvoirs publics et l’amélioration de la formation des professionnels de santé permettent à des patients de plus en plus nombreux de trouver de l’aide avant d’en arriver à ces situations gravissimes.</p>
<p>Contrairement aux idées reçues, les démarches de soin des patients chemsexeurs s’accompagnent souvent de réussites : abstinence vis-à-vis des produits, réduction des risques, reprise du contrôle de sa vie sexuelle… Les objectifs du suivi sont à mesure des souhaits du patient et de la sévérité de sa pratique. </p>
<p>Trop souvent encore, la culpabilité, la crainte d’être jugés par les soignants et le manque d’informations sur les soins existants empêchent les patients de consulter. Si même l’exhibitionniste professionnelle Kim Kardashian a mis onze ans à révéler la prise de drogue derrière sa sextape, c’est bien qu’il reste du chemin à faire pour briser les tabous entourant le chemsex.</p>
<h2>Leandro</h2>
<p>Leandro se rend à la consultation, emmené par son colocataire. Celui-ci l’a retrouvé un mercredi matin, gisant semi-conscient dans le salon. Il était à moitié nu, portant la même combinaison Balenciaga que lorsqu’ils s’étaient quittés le dimanche précédent. Face à la grande inquiétude de son ami, Leandro accepte de voir un médecin. </p>
<p>Avec son accent brésilien, il me raconte sa descente aux enfers : une rupture sentimentale a fait imploser la stabilité parisienne dans laquelle ce brillant designer s’était installé. Après quinze ans de vie de couple, le jeune quadragénaire ne sait plus comment il en est arrivé là, ni pourquoi la drogue a pris toute la place dans sa vie.</p>
<p>Initié à la 3MMC par un partenaire sexuel rencontré sur l’application Grindr, il a rapidement basculé dans une pratique boulimique de slam. Alors qu’il gagnait plutôt bien sa vie, la précarité de son statut free-lance lui saute au visage au bout de quelques mois. Ses collaborations se terminent en queue de poisson, il est devenu incapable de travailler, ni d’investir de l’énergie dans la rencontre de nouveaux clients. Une tristesse lancinante, une perte d’appétit et des difficultés à prendre soin de lui-même entraînent une métamorphose physique et psychique. Il tient à me montrer des photos de son compte Instagram : « Regardez docteur, c’était moi avant. »</p>
<p>Il me raconte avoir tenté de se noyer en rentrant d’une soirée de drogues et de sexe à Mykonos, quelques semaines plus tôt. Lors de notre entretien, ce violent désespoir et la persistance d’idées suicidaires me font lui proposer une hospitalisation en urgence dans le service. Le but : l’aider à se sevrer des produits en le soustrayant aux nombreuses sollicitations qu’il reçoit de dealers, partenaires sexuels ou les deux à la fois.</p>
<p>Le sevrage et la prescription d’un traitement antidépresseur aident Leandro à retrouver son énergie et sa créativité. Il change de numéro de téléphone pour couper avec ses relations toxiques. Il reprend de flamboyantes couleurs sous mes yeux. Ses amis le remarquent avec panache : « Leandro fait son come-back ! ». </p>
<p>Aujourd’hui, je continue de le suivre et il n’a pas consommé depuis plus d’un an : c’est déjà un pas énorme. Sa vie sexuelle, elle, porte encore les stigmates des ravages du chemsex. Sans produit, les rapports sexuels lui paraissent parfois fades. Leandro parle d’un « reformatage » de sa vie sexuelle. Récemment, il a réussi à avoir des expériences « satisfaisantes », avec un homme qui lui plaît, même lorsqu’il est sobre. « Je crois que je suis amoureux » m’a-t-il dit, visiblement très gêné par cette confession. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/512285/original/file-20230225-1996-vykri1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512285/original/file-20230225-1996-vykri1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=881&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512285/original/file-20230225-1996-vykri1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=881&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512285/original/file-20230225-1996-vykri1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=881&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512285/original/file-20230225-1996-vykri1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1107&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512285/original/file-20230225-1996-vykri1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1107&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512285/original/file-20230225-1996-vykri1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1107&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em><strong>Pour en savoir plus :</strong><br>
● Blanc, JV. (2022) <a href="https://www.arkhe-editions.com/livre/addiction/">« Addicts : comprendre les nouvelles addictions et s’en libérer »</a>, collection Vox, éditions Arkhé ;<br>
● Blanc, JV. (2021) <a href="https://www.lisez.com/livre-grand-format/pop-psy/9782259279642">« Pop & psy : comment la pop culture nous aide à comprendre les troubles psychiques »</a>, éditions PLON ;<br>
● Cycle de conférences dans les <a href="https://www.mk2.com/evenements/7895-culture-pop-psychiatrie">cinéma Mk2 Beaubourg tous les mois</a> et <a href="https://www.lebrady.fr/">ciné club mensuel au Brady</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200136/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Victor Blanc ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
L’usage sexualisé des drogues, ou chemsex, est souvent mis en scène dans la pop-culture. Mais il n’est pas sans conséquences. Explications de cette addiction encore souvent taboue.
Jean-Victor Blanc, Psychiatre, praticien hospitalier, chargé de cours en faculté de médecine, Sorbonne Université
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/197928
2023-01-25T18:02:14Z
2023-01-25T18:02:14Z
Sexualité : la débauche, une invention antique ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/506395/original/file-20230125-7959-fk3erh.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C0%2C393%2C368&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Homme à genoux pratiquant un cunnilingus à une prostituée, fresque des thermes suburbains, Pompéi. Ier siècle.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/e/e1/Sexual_scene_on_pompeian_mural.jpg">Wikipédia</a></span></figcaption></figure><p>On trouve beaucoup d’histoires de débauche chez les auteurs antiques, grecs et latins, qui mettent en garde les hommes réputés libres et civilisés contre les dangers qui les menacent, qu’il s’agisse d’excès de vin, de nourriture ou de sexe. Mais la notion de débauche correspond toujours à un regard moral et subjectif. Elle comprend tout ce qui est réputé socialement incorrect à une certaine époque, c’est-à-dire une série de vices réels ou supposés : l’adultère, la prostitution, ou encore des pratiques sexuelles comme la sodomie ou le cunnilingus – le tout sur fond de société patriarcale.</p>
<p>Le terme cunnilingus provient du latin <em>cunnus</em> qui désigne le sexe féminin et du verbe <em>lingere</em> « lécher ». Il désigne étymologiquement un « léchage de vulve ». Cette pratique sexuelle était généralement vue dans l’Antiquité comme répugnante et lourde de conséquences pour l’homme qui avait le malheur de s’y complaire.</p>
<h2>Quand Ariphradès « travaille avec sa langue »</h2>
<p>Au V<sup>e</sup> siècle av. J.-C., l’auteur comique grec Aristophane évoque le cunnilingus à plusieurs reprises dans ses pièces de théâtre. C’est un acte dégradant consistant à <em>glôttopoiein</em>, c’est-à-dire à « travailler avec sa langue » un sexe féminin. L’inventeur en serait un certain Ariphradès, poète dont se moque Aristophane. « Il a inventé une nouvelle forme de vice, il souille sa langue par des plaisirs abominables, en léchant dans les bordels la rosée dégoûtante, en salissant sa barbe. […] Qui ne vomit pas devant un tel homme ne boira jamais avec nous à la même coupe », écrit l’auteur dans sa comédie, <em>Les Cavaliers</em> (vers 1283-1289), représentée à Athènes en 424 av. J.-C.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-langage-des-fesses-190201">Le langage des fesses</a>
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<p>Le même Ariphradès apparaît à nouveau, deux ans plus tard, dans <em>Les Guêpes</em>. Il est décrit comme le lécheur qui « fait travailler sa langue chaque fois qu’il entre dans un bordel ». La « rosée » des vulves se réfère aussi, de manière parodique, à l’inspiration poétique : Ariphradès ne peut composer que des œuvres infâmes, puisque ce n’est pas un fluide divin, envoyé par les dieux, qui anime son esprit créateur, mais le liquide le plus impur qui soit, <a href="https://journals.openedition.org/clio/9584?lang=fr">selon Aristophane</a>.</p>
<h2>Le « cochon » et son « épine »</h2>
<p>On retrouve plus tard cette même dépréciation de la vulve chez le poète grec Nicarque <em>(Anthologie grecque</em> XI, 329), auteur d’épigrammes satiriques, au I<sup>er</sup> siècle apr. J.-C. L’auteur s’adresse à un certain Démonax, nouvel adepte du cunnilingus, comme Ariphradès cinq siècles plus tôt :</p>
<blockquote>
<p>« Démonax, ne baisse pas toujours les yeux, cesse de faire plaisir à ta langue. Le cochon a une redoutable épine. Et tu vis et tu dors en Phénicie ».</p>
</blockquote>
<p>Le cochon (<em>khoïros</em>), terme argotique désignant la vulve, souligne l’obscénité supposée des parties génitales féminines. L’épine (<em>akantha</em>) représente le clitoris comme un petit pénis qui constitue une menace pour les lèvres de l’homme. Quant à la Phénicie, le Liban actuel, c’est une région associée à la teinture pourpre, de couleur rouge violacée, qui y était extraite d’un mollusque et commercialisée. Elle évoque le sang des règles s’écoulant du vagin, de même que la teinture ruisselle des entrailles du mollusque. À nouveau, comme chez Aristophane, mais de manière encore plus crue, la vulve est décrite comme une partie polluée et sanguinolente, vectrice d’impuretés.</p>
<p>À travers cette description se profile une mise en garde pour les hommes qui seraient tentés par le cunnilingus : ils risquent de compromettre leur virilité au contact de cet affreux égout.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/506396/original/file-20230125-20-jdfkld.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506396/original/file-20230125-20-jdfkld.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506396/original/file-20230125-20-jdfkld.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506396/original/file-20230125-20-jdfkld.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=351&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506396/original/file-20230125-20-jdfkld.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=441&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506396/original/file-20230125-20-jdfkld.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=441&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506396/original/file-20230125-20-jdfkld.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=441&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« Satyre satisfaisant une nymphe », tableau d’Arthur Fischer, 1900.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une souillure indélébile</h2>
<p>Les Romains reprirent à leur compte ce type de représentations. L’historien latin Suétone raconte que l’empereur Tibère (14-37 apr. J.-C.) aimait pratiquer le cunnilingus. Une turpitude dévastatrice pour Tibère lui-même, car l’homme lécheur de vulves non seulement se dégrade socialement mais contracte aussi une forme de souillure indélébile.</p>
<p>Une jeune femme nommée Mallonia, sollicitée par Tibère, préfère se suicider en se frappant d’un coup de poignard plutôt que de laisser l’empereur poser sa langue sur ses parties intimes. Il est intéressant de remarquer que cette matrone aurait, du moins selon Suétone, parfaitement intégré l’imaginaire social dominant considérant la vulve comme impure. Mallonia refuse fermement le cunnilingus proposé par l’empereur. Avant de mourir, elle dénonce « à voix haute le vice infâme de ce vieillard ignoble et répugnant » (Suétone, <em>Vie de Tibère</em> 45).</p>
<h2>Une domination féminine scandaleuse</h2>
<p>Une étonnante fresque des thermes suburbains, à Pompéi, nous offre la plus célèbre représentation figurée antique d’un cunnilingus. Elle a été peinte dans les vestiaires, ou <em>apodyterium</em>, de l’établissement, afin de provoquer, par son obscénité supposée, l’indignation et le rire des clients.</p>
<p>On y voit un homme, à genoux, en train de lécher la vulve d’une jeune femme qui écarte largement les cuisses. L’homme est à terre, tandis que la femme est confortablement installée, en hauteur, sur le rebord d’une couche moelleuse. Elle porte deux chaînes métalliques croisées entre les seins, accessoire typique des prostituées, qui ne laissent aucun doute sur son métier. Le jeune homme en toge, lui, pourrait figurer un citoyen.</p>
<p>L’œuvre dénonce ainsi ironiquement cette pose réputée dégradante pour un homme de condition libre, alors que de nombreuses prostituées étaient des esclaves ou des étrangères de statut inférieur. Une inversion des rôles absolument scandaleuse, puisque le citoyen est soumis à une femme qui occupe une position dominante. Le client fait plaisir à la putain, inférieure socialement à la fois en raison de sa féminité et de son emploi. Un comble !</p>
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<p>Ce qui, en outre, semble révoltant, c’est que le lécheur de vulves n’utilise pas son pénis, mais se soumet au sexe de sa partenaire. Sa sexualité n’est pas phallique ; elle n’est ni dominante, ni valorisante. C’est pourquoi, « lécheur de vulves » (<em>cunnulingior</em>) est l’une des pires insultes imaginables pour un citoyen romain. Un graffiti de Pompéi, écrit pour nuire à un candidat aux fonctions d’édile de la cité, est éloquent à ce propos ; il proclame méchamment : « Votez pour Isidore comme édile, c’est le meilleur lécheur de vulves » ! (<em>CIL</em> IV, 1383).</p>
<p>Dans une salle des thermes de la Trinacrie, à Ostie, le port de Rome, <a href="https://www.ostia-antica.org/piazzale/p-contents-name.htm">on peut lire</a> cette étonnante inscription sur une mosaïque : <em>Statio cunnulingiorum</em> ; c’est-à-dire : « Le coin des lécheurs de vulves ».</p>
<p>Désignait-elle très sérieusement la pièce où des prostitués vendaient à des femmes les services de leur langue ? A moins que des putains y aient vendu leurs vulves aux hommes désireux de les lécher ? S’agissait-il, au contraire, comme pour la peinture de Pompéi, d’une pure provocation destinée à faire éclater de rire les clients des thermes ? Au vu de la condamnation unanime du cunnilingus comme une infamie absolue dans les sources littéraires grecques et latines, c’est l’interprétation humoristique qui paraît, de loin, la plus probable.</p>
<p>Si la fréquentation de prostitués « cunnilingieurs » dans les thermes paraît douteuse, certaines matrones devaient disposer d’esclaves sexuels à domicile. Le poète Martial (<em>Epigrammes</em> IX, 93) évoque un serviteur obligé de lécher (<em>lingere</em>) la vulve (<em>cunnum</em>) de sa patronne ; il en vomissait tous les matins. On peut imaginer de telles pratiques chez des matrones d’un certain âge ou des veuves qui échappaient au strict contrôle de leur famille et pouvaient à leur tour vivre une sexualité imposée à des êtres réputés inférieurs.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/506398/original/file-20230125-3412-rhwcld.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506398/original/file-20230125-3412-rhwcld.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=269&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506398/original/file-20230125-3412-rhwcld.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=269&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506398/original/file-20230125-3412-rhwcld.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=269&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506398/original/file-20230125-3412-rhwcld.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=338&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506398/original/file-20230125-3412-rhwcld.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=338&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506398/original/file-20230125-3412-rhwcld.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=338&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Scène montrant quatre partenaires, deux hommes et deux femmes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fresque de Pompéi et dessin de l’auteur.</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>L’appétit hors norme de Philaenis</h2>
<p>Le cunnilingus est aussi dénoncé lorsqu’il est pratiqué par une femme, comme le montre une autre fresque de l’<em>apodyterium</em> des thermes suburbains de Pompéi. Parmi les quatre partenaires représentés, on voit une femme à genoux, à droite, en train de lécher la vulve d’une autre femme. À nouveau, l’intention de cette image pornographique est humoristique : il s’agit de condamner une pratique honteuse, d’autant plus grave que toutes formes de relations sexuelles entre femmes étaient alors considérées comme scandaleuses.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/506402/original/file-20230125-20-h66eok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/506402/original/file-20230125-20-h66eok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506402/original/file-20230125-20-h66eok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=904&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506402/original/file-20230125-20-h66eok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=904&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506402/original/file-20230125-20-h66eok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=904&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506402/original/file-20230125-20-h66eok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1135&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506402/original/file-20230125-20-h66eok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1135&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506402/original/file-20230125-20-h66eok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1135&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La vulve de la déesse Ishtar, vase de Larsa, vers 1900 av. J.-C., Musée du Louvre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Parmi ses portraits de Romaines monstrueuses, le poète latin Martial (<em>Epigrammes</em> VII, 67) imagine une certaine Philaenis, dotée d’un appétit sexuel hors norme et appréciant grandement le « léchage de vulves » (<em>cunnum lingere</em>).</p>
<h2>Douce vulve divine</h2>
<p>On trouve toutefois dans l’Orient ancien, quelque deux mille ans avant Suétone et Martial, des formules poétiques évoquant la vulve dans un sens exclusivement positif. Plusieurs poèmes sacrés sumériens chantent le sexe de la déesse Ishtar, garante de la fécondité dans les cités-États de l’ancienne Mésopotamie, notamment Uruk et Ur, au sud de l’Irak actuel. Dans un <a href="https://www.jstor.org/stable/23282370">chant d’amour</a> adressé à Shu-Sin, roi d’Ur (vers 1970 av. J.-C.), est évoquée une mystérieuse « aubergiste » dont la « vulve est douce comme de la bière ». <a href="https://www.helsinki.fi/en/researchgroups/ancient-near-eastern-empires/news/womens-writing-of-ancient-mesopotamia-cambridge-up-out-now">L’auteur chante</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Comme sa bouche, sa vulve est douce ; douce est sa bière. Sa bière mélangée avec de l’eau ; douce est sa bière. »</p>
</blockquote>
<p>Le poème suggère un baiser sur la bouche puis sur la vulve de l’« aubergiste » qui pourrait être la déesse Ishtar ou l’une de ses prêtresses.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/506400/original/file-20230125-20-4t7llb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506400/original/file-20230125-20-4t7llb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=507&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506400/original/file-20230125-20-4t7llb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=507&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506400/original/file-20230125-20-4t7llb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=507&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506400/original/file-20230125-20-4t7llb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=637&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506400/original/file-20230125-20-4t7llb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=637&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506400/original/file-20230125-20-4t7llb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=637&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Beyoncé dans son clip « Blow my skittles ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/watch?v=CIELYkfoKy8">Capture d'écran, Youtube.</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>« Peux-tu dévorer mon gâteau ? »</h2>
<p>Plusieurs chanteuses américaines des années 2010 font référence au cunnilingus, associé à un discours de réhabilitation de la vulve et de revendication du plaisir féminin. Christina Aguilera s’associe à la rappeuse Nicki Minaj dans <em>Woohoo</em> (2010) pour exprimer son désir érotique : « Embrasse mon woohoo, partout sur mon woohoo » (« Kiss on my woohoo, all over my wooho »).</p>
<p>En 2011, Rihanna souhaite que son amant lui dévore son « gâteau » (<em>cake</em>) dans <em>Birthday cake</em>, même lorsque ce n’est pas son anniversaire ! Deux ans plus tard, Beyoncé <a href="https://genius.com/Beyonce-blow-lyrics">renchérit dans <em>Blow</em></a>, véritable ode à l’orgasme féminin : « Peux-tu manger mes skittles, c’est plus doux au milieu » (<em>Can you eat my skittles, it’s the sweetest in the middle</em>).</p>
<p>Un langage féminin et une douceur de la vulve, associée à une friandise, qui n’est pas sans rappeler l’« aubergiste » du chant d’amour sumérien, composé il y a quatre mille ans.</p>
<hr>
<p><em>Christian-Georges Schwentzel publie <a href="https://www.editions-vendemiaire.com/catalogue/collection-chroniques/debauches-antiques-christian-georges-schwentzel/">« Débauches antiques. Comment la Bible et les Anciens ont inventé le vice »</a>, aux éditions Vendémiaire.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197928/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian-Georges Schwentzel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La notion de débauche correspond toujours à un regard moral et subjectif. Dans l’Antiquité, le sexe oral, en particulier lorsqu’il était prodigué à des femmes, était le plus souvent condamné.
Christian-Georges Schwentzel, Professeur d'histoire ancienne, Université de Lorraine
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/192481
2022-10-28T13:48:03Z
2022-10-28T13:48:03Z
#MeToo dans l’espace : les risques de violences sexuelles loin de la Terre sont bien réels
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/490945/original/file-20221020-14-9rzl91.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=24%2C24%2C5439%2C3612&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il y a moins de femmes que d'hommes astronautes impliqués dans la recherche, la formation et les missions.</span> <span class="attribution"><span class="source">(CH W/Unsplash)</span></span></figcaption></figure><p>Nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère d’exploration spatiale. La NASA veut envoyer la <a href="https://www.nasa.gov/specials/artemis/">première femme et la première personne de couleur</a> sur la lune d’ici la fin de l’année 2025, et envoyer un équipage sur Mars pour une mission d’un an et demi dans les années 2030.</p>
<p>Pour veiller à ce que ce voyage vers les frontières de l’infini soit sécuritaire et plaisant, les agences nationales comme la <a href="https://www.nasa.gov/">NASA</a> et des entreprises privées comme <a href="https://www.spacex.com/">SpaceX</a> doivent prendre en considération les facteurs techniques et humains associés au travail et à la vie dans l’espace. Or, les réalités de la sexualité et de l’intimité dans l’espace sont passées largement sous silence.</p>
<p>Comment les gens pourront-ils vivre pendant des périodes prolongées dans les conditions extrêmes d’isolement et de confinement qui sont celles des engins spatiaux et des autres planètes ? Comment géreront-ils le fait de tomber en amour, d’avoir des relations sexuelles ou d’entamer des relations et d’y mettre fin dans de telles conditions ? Comment composeront-ils avec le stress, le choix limité de partenaires intimes et les enjeux relatifs au consentement ? Comment le harcèlement sexuel ou l’agression sexuelle seront-ils prévenus ou combattus ?</p>
<p>Le 15 octobre 2017, #MeToo (#MoiAussi) a marqué le début d’un mouvement de protestation mondial contre le harcèlement sexuel et l’agression sexuelle. En tant que chercheurs examinant les facteurs humains dans l’espace et la sexologie spatiale – l’étude de l’intimité et de la sexualité loin de la Terre –, nous estimons qu’il est temps d’envisager l’avenir de #MeToo dans l’espace.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/damour-et-de-fusee-comment-avoir-des-relations-sexuelles-dans-lespace-et-assurer-ainsi-la-survie-et-le-bien-etre-de-lhumanite-167873">D’amour et de fusée : comment avoir des relations sexuelles dans l’espace et assurer ainsi la survie et le bien-être de l’humanité ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Agression sexuelle et recherche spatiale</h2>
<p>Le 3 décembre 1999, Judith Lapierre, une infirmière et chercheure en médecine sociale canadienne, <a href="https://www.theglobeandmail.com/news/national/space-researcher-quits-over-sexual-harassment/article4162149/">embarque à bord d’une réplique de la station spatiale Mir, à Moscou, pour une expérience de simulation de 110 jours</a>. Judith Lapierre est la seule femme parmi un équipage de huit personnes.</p>
<p>Un mois après le début de l’étude, le commandant en chef russe évoque l’idée de tenter une expérience dans le cadre de laquelle Judith Lapierre serait traitée comme l’objet sexuel de l’équipage. Au réveillon du jour de l’An, il déclare qu’il est temps de « réaliser l’expérience », attrape Judith Lapierre et l’embrasse de force, bien qu’elle lui demande d’arrêter à plusieurs reprises.</p>
<p>Judith Lapierre avertit <a href="https://www.asc-csa.gc.ca/eng/">l’Agence spatiale canadienne</a> et avise son commandant d’équipage autrichien, <a href="https://www.theglobeandmail.com/news/national/space-researcher-recounts-her-horror/article4162603/">qui exhorte immédiatement les dirigeants locaux et internationaux à prendre des mesures</a>.</p>
<p>Lors d’entrevues auprès des médias à la suite de son expérience, Judith Lapierre confie qu’elle s’attend à pouvoir profiter d’un environnement de travail sécuritaire, exempt de harcèlement et de violence. Pourtant, certains organes de presse russes lui rejettent la faute tout en donnant une fausse image d’elle, la présentant comme une personne déprimée et la source de problèmes n’ayant aucun rapport, <a href="https://archive.macleans.ca/article/2000/4/17/a-space-dream-sours">notamment une altercation physique entre des membres russes de l’équipage</a>.</p>
<p>L’agression survenue lors de l’expérience de simulation est minimisée et attribuée à des différences culturelles. Par la suite, la carrière de Judith Lapierre dans le secteur spatial <a href="https://www.nbcnews.com/id/wbna6955149">devient un combat incessant, et ce, parce qu’elle s’est exprimée</a>.</p>
<p>Comme elle l’explique dans le film <a href="https://www.imdb.com/title/tt14960976/"><em>Last Exit : Space</em></a> réalisé en 2022 par Rudolph et Werner Herzog :</p>
<blockquote>
<p>Quand cette mission a pris fin, cela a vraiment eu une incidence considérable sur ma carrière tout entière. Je pensais pouvoir amorcer mon projet de recherche au sein de l’agence spatiale ou une carrière dans mon domaine, mais j’ai été complètement évincée du système.</p>
</blockquote>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/pwwgU-64mKY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption"><em>Last Exit : Space</em> explore ce que signifie la colonisation spatiale.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Autres contextes de recherche</h2>
<p>Judith Lapierre n’est pas la seule. Des cas de harcèlement sexuel ont pu être observés dans d’autres contextes comparables aux conditions extrêmes des environnements spatiaux réels et simulés.</p>
<p>Dans un <a href="https://www.nsf.gov/geo/opp/documents/USAP%20SAHPR%20Report.pdf">rapport de 2022 commandé par la Fondation nationale des sciences des États-Unis</a>, parmi les 290 femmes ayant répondu à l’enquête, 72 pour cent et 47 pour cent déclarent que le harcèlement sexuel et l’agression sexuelle, respectivement, constituent un problème au sein du United States Antarctic Program (USAP). Comme l’une des survivantes le raconte :</p>
<blockquote>
<p>Je sais que tout ça n’a rien de nouveau pour vous, c’est juste quelque chose de bien connu à la station. C’est tellement évident que ce n’est presque pas la peine d’en parler. Le harcèlement sexuel et l’agression sexuelle sont une réalité ici, tout comme le fait qu’il fait froid en Antarctique et que le vent souffle.</p>
</blockquote>
<p>Le rapport de la Fondation Nationale des Sciences des États-Unis met en évidence le manque de prévention appropriée et de systèmes pour signaler ce genre de situations et y faire face. Il souligne également le manque de soutien apporté aux victimes-survivantes, ainsi que le manque de confiance dans les ressources humaines et la direction de l’USAP. Or, seule une minorité des membres de la direction reconnaît que le harcèlement sexuel (40 pour cent) et l’agression sexuelle (23 pour cent) sont un problème au sein de l’USAP.</p>
<p>Le phénomène ne se limite pas à l’USAP. En 2021, des personnes employées par les entreprises aérospatiales <a href="https://www.space.com/19584-blue-origin-quiet-plans-for-spaceships.html">Blue Origin</a> <a href="https://www.space.com/spacex-sexual-harassment-allegations-lawsuits">et SpaceX</a> formulent un nombre alarmant d’allégations de harcèlement sexuel et d’inconduite sexuelle.</p>
<p>Dans une <a href="https://www.lioness.co/post/bezos-wants-to-create-a-better-future-in-space-his-company-blue-origin-is-stuck-in-a-toxic-past">lettre ouverte</a>, un groupe de 21 personnes employées, actuelles et anciennes, de Blue Origin dénoncent une culture de travail sexiste, des comportements inappropriés envers les femmes ainsi que des cas de harcèlement sexuel exercés par des membres de la haute direction.</p>
<h2>Pas de fin en vue ?</h2>
<p>Pour que l'humanité puisse franchir les prochaines étapes de la conquête de l’univers, la culture de l’exploration spatiale doit changer.</p>
<p>Ces événements navrants exigent des agences nationales et des entreprises privées du secteur spatial qu’elles adoptent une position proactive dans la lutte contre le harcèlement sexuel et l’agression sexuelle. La NASA et les autres organisations spatiales doivent aller au-delà de la mise en œuvre de <a href="https://www.nasa.gov/sites/default/files/files/533577main_45013-Anti-Harassment_Brochure-Final.pdf">politiques fondamentales de lutte contre le harcèlement</a>. Elles doivent fournir les ressources nécessaires pour mettre en place des infrastructures appropriées de prévention, de signalement et de traitement des cas, ainsi qu’un soutien et une protection des victimes-survivantes.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/489386/original/file-20221012-21-dusw08.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="une murale en relief montre des astronautes s’approchant de quelque chose d’invisible" src="https://images.theconversation.com/files/489386/original/file-20221012-21-dusw08.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489386/original/file-20221012-21-dusw08.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489386/original/file-20221012-21-dusw08.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489386/original/file-20221012-21-dusw08.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489386/original/file-20221012-21-dusw08.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=527&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489386/original/file-20221012-21-dusw08.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=527&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489386/original/file-20221012-21-dusw08.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=527&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Des directives claires doivent être mises en place afin de prévenir et de contrer l’agression sexuelle dans l’espace.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Max Tcvetkov/Unsplash)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces mesures peuvent comprendre la création d’entités de surveillance distinctes composées de sexologues et de professionnels de la santé et psychosociaux qualifiés, de même que des investissements dans <a href="https://www.mic.com/life/sex-in-space-research-space-sexology">l’étude des relations humaines et de la santé sexuelle dans l’espace</a>.</p>
<p>La participation des victimes-survivantes doit être sollicitée à chaque étape de la réflexion et de la mise en œuvre de solutions. Cette condition est essentielle pour assurer la sécurité des milieux basés sur Terre et dans l’espace et mener de façon éthique des recherches scientifiques indispensables sur la vie humaine dans l’espace.</p>
<p>Le mouvement #MeToo nous a démontré la puissance de l’action collective. Pour reprendre les <a href="https://doi.org/10.1080/00224499.2021.2012639">propos de Judith Lapierre</a> :</p>
<blockquote>
<p>Il est temps, plus que jamais, de relever les véritables défis de l’exploration spatiale, avec honnêteté et transparence, et en reconnaissant que les comportements inacceptables sur Terre le sont également dans l’espace pour une civilisation spatiale.</p>
</blockquote>
<hr>
<p><em>Article coécrit par Emily Apollonio, présidente et chef de la direction d’Interstellar Performance Labs.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192481/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Maria Santaguida a reçu des financements de Fonds de Recherche du Québec - Société et culture (FRQSC).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Simon Dubé a reçu des financements du Fonds de recherche du Québec - Santé (FRQS) et des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Judith Lapierre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Si l’on se fie à l’histoire, l’exploration spatiale devra faire face et prévenir le harcèlement et les agressions sexuelles lors des missions et des formations.
Maria Santaguida, PhD Candidate, Psychology of Human Sexuality, Erotic Technology & Space Sexology, Concordia University
Judith Lapierre, Professor, Nursing Science, Université Laval
Simon Dubé, Postdoc Research Fellow, Kinsey Institute, Indiana University
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/180425
2022-04-24T20:28:50Z
2022-04-24T20:28:50Z
Et si le chromosome Y n’avait pas évolué comme prévu ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/456345/original/file-20220405-6157-c2ib77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=303%2C217%2C1440%2C1137&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/mandam/2956130038">mandam/flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>C’est une des données de la génétique la plus connue : les femmes sont XX et les hommes XY. Chez les humains, les <a href="https://theconversation.com/raphael-8-ans-a-quoi-ca-sert-les-chromosomes-109549">chromosomes</a> déterminent le sexe, et cette paire particulière, la 23<sup>e</sup>, est la plus étonnante. C’est la seule paire de chromosomes où deux versions présentant d’énormes différences coexistent. Au point qu’il est même difficile de reconnaître dans cette paire deux chromosomes ancestralement très proches, mais qui, au fil de millions d’années d’évolution, sont devenus méconnaissables.</p>
<p>Pourquoi les chromosomes sexuels ont-ils évolué pour devenir si singuliers ? Cette question taraude les généticiens depuis près d’un siècle. Plusieurs hypothèses ont été proposées au cours du temps, et une théorie s’est peu à peu consolidée. Pourtant, cette longue construction théorique vient d’être chamboulée par un nouveau modèle qui remet en cause cet édifice.</p>
<h2>La dichotomie X-Y</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="Schéma des deux chromosomes X et Y. X est plus grand avec quatre bras bien dessinés (en forme de X, en somme). Y est plus petit, avec des bras dissymétriques" src="https://images.theconversation.com/files/456337/original/file-20220405-26-guqwxl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/456337/original/file-20220405-26-guqwxl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=550&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/456337/original/file-20220405-26-guqwxl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=550&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/456337/original/file-20220405-26-guqwxl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=550&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/456337/original/file-20220405-26-guqwxl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=692&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/456337/original/file-20220405-26-guqwxl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=692&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/456337/original/file-20220405-26-guqwxl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=692&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Ancestralement semblables, les chromosomes X et Y sont devenus très différents.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nihgov/28189336441">NIH/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le X est un chromosome assez banal, avec près de 800 gènes codant pour des protéines. Le Y, lui, est nettement plus étrange : plus petit (environ un tiers de la longueur du X), il ne lui reste environ qu’une soixantaine de gènes. Ces deux chromosomes forment toutefois bien une « paire ». Lors de la fabrication des spermatozoïdes, ils s’apparient et recombinent sur une petite portion (la recombinaison est un échange de matériel génétique, ici entre les deux chromosomes d’une même paire), témoignant de leur homologie ancestrale. Mais <a href="http://aerg.canberra.edu.au/library/sex_general/1999_LahnPage_FourEvolStrataHumanX_Science.pdf">95 % du Y ne recombine plus du tout</a>. Le X, lui recombine sur toute sa longueur chez les femelles XX lors de la fabrication des ovules.</p>
<p>Enfin, autre bizarrerie, un <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3767307/">seul X est exprimé</a> chez les femelles. C’est-à-dire que les gènes sont lus pour donner des protéines à partir d’un seul X, soit celui hérité du père, soit celui hérité de la mère, aléatoirement selon les cellules. Cela permet une « compensation de dosage », afin que les gènes portés sur le X soient exprimés à un même niveau chez les mâles et les femelles.</p>
<h2>Des différences largement répandues dans le vivant</h2>
<p>On pourrait penser que ces excentricités sont propres à l’humain. Il n’en est rien : elles sont en fait extrêmement répandues chez les animaux, et même les plantes, même si les détails varient.</p>
<p>Mais, de manière très régulière, on observe un arrêt de recombinaison sur les chromosomes sexuels, un chromosome non-recombinant (Y) qui comporte peu de gènes fonctionnels (il est <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4120474/">« dégénéré »</a>), ainsi qu’une compensation de dosage.</p>
<p>Ces régularités sont vite tombées dans l’œil des généticiens, qui se sont mis à rechercher une théorie expliquant pourquoi la recombinaison s’arrête sur ces chromosomes, et pourquoi cet arrêt de recombinaison est associé à une dégénérescence. Ces mêmes généticiens se sont également vite rendu compte que répondre à cette question permettrait peut-être aussi de lever le voile sur une question générale qui les taraudait encore davantage : le rôle de la recombinaison dans l’évolution.</p>
<h2>Le rôle de la recombinaison</h2>
<p>La recombinaison, lors de la fabrication des gamètes, permet un « brassage » génétique. C’est une caractéristique essentielle de la reproduction sexuée, et sans doute le facteur clé expliquant l’avantage du sexe par rapport à la reproduction asexuée clonale. La dégénérescence des chromosomes sexuels non recombinants semble être une preuve grandeur nature de l’importance de la recombinaison pour maintenir l’intégrité des génomes, face au flux constant de mutations délétères altérant l’information génétique.</p>
<p>En effet, la plupart des chromosomes portent des mutations, qui peuvent être transmises d’une génération à l’autre lorsque leur effet sur la survie ou la fécondité des organismes n’est pas trop important. La version exempte de mutation d’un fragment de chromosome peut être assez rare au sein d’une population, et peut même disparaître si les individus la portant ne laissent pas de descendants. Lorsque cela arrive, un fragment exempt de mutation ne pourra être recréé que par recombinaison entre chromosomes portant des mutations à des endroits différents. Du fait de ce processus, on s’attend à ce que les zones non-recombinantes des chromosomes accumulent peu à peu des mutations.</p>
<p><a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4120474/">L’absence de recombinaison</a> pourrait donc expliquer la dégénérescence du Y. Mais cela ne résout pas entièrement la question : pourquoi diable les chromosomes sexuels s’arrêtent-ils de recombiner si cet arrêt mène à une dégénérescence ?</p>
<h2>La théorie des gènes « sexe-antagonistes »</h2>
<p>Jusqu’à nos travaux, cela était expliqué par la <a href="https://academic.oup.com/bioscience/article/46/5/331/481273">théorie des gènes « sexe-antagonistes »</a>. Les mâles et les femelles diffèrent pour de nombreux caractères : c’est le dimorphisme sexuel. Pour de nombreux gènes, il y a donc des versions (des « allèles ») qui sont avantageuses pour un sexe et désavantageuses pour l’autre.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Deux petits oiseaux posés sur des branchages ; le mâle a un plumage dans les tons bleu vif, blanc et noir, la femelle a des tons bruns et blanc" src="https://images.theconversation.com/files/458129/original/file-20220414-14-82jn35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/458129/original/file-20220414-14-82jn35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/458129/original/file-20220414-14-82jn35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/458129/original/file-20220414-14-82jn35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/458129/original/file-20220414-14-82jn35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/458129/original/file-20220414-14-82jn35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/458129/original/file-20220414-14-82jn35.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Dimorphisme sexuel chez le Mérion superbe : le mâle est à gauche, la femelle à droite.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Male_and_female_superb_fairy_wren.jpg">benjamint444/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si ces gènes « sexe-antagonistes » sont fréquents, on peut s’attendre à en trouver sur les chromosomes sexuels. Supprimer la recombinaison (et donc l’échange d’allèles entre les chromosomes X et Y) peut alors devenir avantageux. Si un allèle avantageux chez les mâles se retrouve sur un Y qui ne recombine plus, il restera sur ce Y : il se trouvera toujours chez les mâles mais jamais chez les femelles.</p>
<p>Une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4120474/">théorie globale de l’évolution des chromosomes sexuels</a> en trois étapes s’est ainsi imposée. L’étape 1 est l’arrêt de recombinaison sur le Y, causé par la présence de gènes sexe-antagoniste sur les chromosomes sexuels. L’étape 2 est l’accumulation de mutations délétères (la dégénérescence), consécutive à l’arrêt de recombinaison. L’étape 3 est l’évolution de la compensation de dosage pour compenser le déficit d’expression des gènes du X chez les mâles.</p>
<p>Cette théorie avait l’avantage d’être très élégante, car très générale. Pourtant, plusieurs observations ultérieures ont remis peu à peu en cause cet édifice, et ont réouvert le débat théorique.</p>
<h2>Une nouvelle théorie</h2>
<p>Pour cela, nous sommes partis des seuls « ingrédients » qui paraissent indispensables pour expliquer l’évolution des chromosomes sexuels : des évènements d’arrêt de recombinaison sur le Y (mais qui ne sont pas irréversibles), des mutations délétères (la dégénérescence ne peut avoir lieu sans elles), et des régulateurs de l’expression des gènes qui peuvent moduler leurs niveaux d’expressions (la compensation de dosage ne peut avoir lieu sans eux).</p>
<p>À notre grande surprise, ces ingrédients, et notamment le dernier qui n’avait jamais été formellement intégré dans la théorie classique, se sont avérés suffisants. Notre recherche a mis au jour un processus global entièrement différent de la théorie « classique », où <a href="https://www.science.org/doi/abs/10.1126/science.abj1813">l’ensemble des relations de causalité est inversé</a>, et les gènes « sexe-antagonistes » deviennent inutiles.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/456341/original/file-20220405-14259-mqx4p4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Théorie classique : arrêt de la recombinaison, dégénerescence, compensation de dosage. Nouvelle théorie : compensation de dosage, arrêt de la recombinaison, dégénerescence" src="https://images.theconversation.com/files/456341/original/file-20220405-14259-mqx4p4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/456341/original/file-20220405-14259-mqx4p4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=208&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/456341/original/file-20220405-14259-mqx4p4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=208&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/456341/original/file-20220405-14259-mqx4p4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=208&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/456341/original/file-20220405-14259-mqx4p4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=261&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/456341/original/file-20220405-14259-mqx4p4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=261&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/456341/original/file-20220405-14259-mqx4p4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=261&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Notre nouvelle théorie inverse les relations de causalité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Thomas Lenormand</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Comme la théorie classique, cette nouvelle théorie suppose une situation ancestrale dans laquelle un gène porté par une paire de chromosomes « normaux » (des autosomes) détermine le sexe des individus. Deux formes différentes de ce gène (ou allèles, qu’on notera M et F) coexistent, les individus MF se développant en mâles et les individus FF en femelles.</p>
<p>On suppose ensuite que des inversions chromosomiques peuvent se produire : une inversion correspond à un « retournement » d’une partie du chromosome, les gènes situés dans cette partie se retrouvant alors dans un ordre inversé. Ces inversions correspondent à une forme de mutation assez rare, mais se produisant néanmoins de temps en temps au sein des populations. Elles ont pour effet d’empêcher (au niveau de l’inversion) la recombinaison entre chromosomes inversés et non-inversés. En effet, l’ordre différent des gènes empêche l’appariement correct des chromosomes dans cette zone.</p>
<p>Lorsqu’une inversion englobant l’allèle M (déterminant le sexe mâle) se produit, celle-ci peut être avantagée si les gènes qu’elle contient portent moins de mutations délétères que la moyenne. Dans ce cas, elle va augmenter en fréquence au cours des générations, jusqu’à ce que tous les individus mâles portent cette inversion. De ce fait, les chromosomes portant les allèles F et M deviennent des « proto-chromosomes » X et Y, ne recombinant plus sur une partie de leur longueur (dans la zone de l’inversion).</p>
<p>Cependant, l’arrêt de la recombinaison cause, à terme, une accumulation de mutations délétères sur le chromosome portant l’allèle M (celui portant l’allèle F continuant à recombiner chez les femelles). Cette accumulation de mutations peut favoriser soit un retour à la recombinaison (par exemple, par une nouvelle inversion chromosomique restaurant l’ordre initial des gènes), soit une réduction de l’expression des gènes mutés portés par le proto-Y, qui sera compensée par une augmentation de l’expression des gènes du proto-X : c’est le début de la compensation de dosage. Lorsque celle-ci se met en place suffisamment vite, elle empêche tout retour en arrière : une restauration de la recombinaison aura pour effet de détruire cet équilibre délicat entre les niveaux d’expression des gènes du X et du Y.</p>
<p>Les simulations informatiques que nous avons réalisées montrent ainsi un arrêt progressif de la recombinaison, par « strates » successives correspondant à différentes inversions stabilisées par l’évolution de la compensation de dosage, sans qu’il y ait besoin d’invoquer l’existence de gènes à effet sexe-antagoniste.</p>
<p>En renouvelant entièrement notre vision des scénarios possibles d’évolution des chromosomes sexuels, cette nouvelle théorie ouvre un vaste champ d’expérimentations et de tests empiriques. Elle montre également l’importance de prendre en compte les mécanismes de régulation de l’expression des gènes dans la théorie de l’évolution. Finalement, elle pourrait suggérer que prendre en compte l’évolution des régulateurs pourrait être une des clés pour résoudre le mystère du maintien de la reproduction sexuée chez les plantes et les animaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180425/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thomas Lenormand a reçu des financements de l'ANR, l'ERC, l'Université de Montpellier</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Denis Roze a reçu des financements de l'ANR. </span></em></p>
L’explication de la dégénérescence du chromosome Y passionne les généticiens. Une nouvelle théorie a récemment vu le jour, inversant les relations de causalité précédemment envisagées.
Thomas Lenormand, Research director, Université de Montpellier
Denis Roze, Chercheur en génétique évolutive, Sorbonne Université
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/179627
2022-03-24T13:36:05Z
2022-03-24T13:36:05Z
« Euphoria » : bouleverser, pour mieux dénoncer
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/453862/original/file-20220323-13-5rktv8.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C0%2C1115%2C714&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La série Euphoria, diffusée depuis 2019 sur HBO, remporte un franc succès populaire.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.instagram.com/p/B1OxJnllecj/">@euphoria/Instagram</a></span></figcaption></figure><p>La série <em>Euphoria</em>, dont la seconde saison a été <a href="https://www.hbo.com/euphoria">diffusée sur HBO</a> à l’hiver 2022, connaît un succès populaire qui ne démord pas. C’est que la série s’attaque de front au <em>statu quo</em> par une esthétique de la transgression, c’est-à-dire qu’elle procède par chocs des attentes du public, habitué à certains codes narratifs et thématiques. <em>Euphoria</em> surprend tant par ses entorses aux conventions de mise en scène que par sa manière d’aborder plusieurs enjeux de société.</p>
<p>Doctorante en littérature et arts de la scène et de l’écran, mes recherches se situent à l’intersection des études féministes et audiovisuelles.</p>
<p><em>L’article contient des divulgâcheurs et aborde la sexualité, la toxicomanie et certains troubles de santé mentale.</em></p>
<h2>L’infaillibilité narrative</h2>
<p>C’est le personnage de Rue, une adolescente anxieuse et cynique aux prises avec un problème de toxicomanie, qui prend en charge la narration d’<em>Euphoria</em>. Son point de vue sur le monde est sensible, franc, et <a href="https://www.cairn.info/revue-diogene-2009-1-page-70.htm">intersectionnel</a>, un concept inclusif qui désigne le décloisonnement des différents systèmes d’oppression.</p>
<p>Rue est consciente de rapporter un récit télévisuel et elle s’adresse fréquemment au public, s’amuse à manipuler l’ordre et le ton des événements. Plus qu’une simple voix <em>off</em>, elle a la faculté de figer à l’écran certaines images pour les contextualiser, ou encore de présenter des scènes alternatives de ce qu’elle aurait <em>voulu</em> qu’il se produise. Le cadre sériel dans lequel elle reçoit la possibilité de se raconter incarne un des rares espaces où elle possède un certain contrôle.</p>
<p>Mais Rue semble aussi souffrir de troubles bipolaires, c’est du moins ce que suggèrent le thérapeute consulté dans son enfance de même que les fluctuations extrêmes d’émotions qu’elle traverse. Ajoutés à sa dépendance aux drogues, les passages à vide de l’adolescente entraînent parfois d’intenses moments de dérapage. La narration s’en ressent notamment dans la finale de la saison 1, où la jeune fille recommence à consommer après quelques semaines d’abstinence.</p>
<p>La scène devient un surprenant numéro chanté dont Rue, le regard hagard et le corps désarticulé, est la soliste. Un choeur gospel la rejoint pour une chorégraphie erratique sur la chanson <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Z5jWsM07fuI"><em>All for us</em></a> (Labrinth) qui symbolise la souffrance réprimée. Quelques fois dans la saison, les premières notes de cet air ont été entendues, sans toutefois dépasser les trente secondes. Rue est généralement capable d’étouffer sa détresse, mais elle en est submergée lors de cette fin de saison où se conjuguent le deuil parental et la rupture amoureuse. La douleur de Rue explose et s’extériorise, alors que la chanson défile en entier pour la première fois et que la protagoniste participe directement à la trame musicale.</p>
<p>Même lorsqu’elle se sait fautive, Rue rapporte ses mauvais coups avec un humour mordant qui la rend attachante. Pour avouer au public sa rechute, elle entrecoupe le récit d’un monologue directement adressé à l’auditoire, diapositives à l’appui (saison 2). Elle admet qu’en sa qualité de personnage principal, elle peut décevoir les espoirs du public, mais elle ramène à l’ordre quiconque aurait oublié les multiples rappels de son absence de désir de sevrage. Rue trouve des manières originales d’entrer en communication avec les spectateurs et les spectatrices, de leur faire savoir qu’elle s’intéresse à leur point de vue.</p>
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<p>Même si <em>Euphoria</em> s’érige sur la narration d’une protagoniste imparfaite et irrévérencieuse, la jeune fille suscite l’empathie parce qu’elle ne tente pas de masquer sa faillibilité et que la série offre un accès à sa subjectivité, pour le meilleur et pour le pire. Le créateur de la série évoque d’ailleurs un <a href="https://urbania.fr/article/euphoria-a-un-je-ne-sais-quoi-2?_gl=1*1lmdmpv*_ga*NjU5NjY5MjI5LjE2NDc4OTkxNDA.*_ga_XPVPC4JC5V*MTY0Nzg5OTEzOC4xLjEuMTY0Nzg5OTE2Mi4zNg..">« réalisme émotionnel »</a>. Entre les deux saisons ont été insérés deux épisodes spéciaux en <a href="https://www.ledevoir.com/culture/cinema/576316/cinema-le-huis-clos-ce-confinement-revelateur">huis clos</a> presque sans montage, qui procurent une pause d’émotions fortes, signe que les artistes derrière <em>Euphoria</em> utilisent aussi une variation de mise en scène pour allouer des moments de répit à l’auditoire.</p>
<h2>Des opioïdes à la dépendance amoureuse</h2>
<p>Au cœur d’<em>Euphoria</em> se déploie la relation passionnelle entre Rue et Jules. Par opposition aux autres couples de la série, hétérosexuels et imprégnés de violence, il s’agit d’une rare histoire d’amour qui parait fondée sur l’affection et le consentement. Mais Rue ne connaît pas davantage la modération lorsqu’il s’agit d’amour. Le sentiment d’enivrement que lui procure son coup de cœur pour Jules devient une figure de remplacement pour sa consommation, une responsabilité insoutenable sur le long terme pour sa partenaire. Une rupture parait inévitable tant que Rue ne sera pas désintoxiquée, conférant un sens inusité à l’expression <a href="https://www.noovomoi.ca/style-et-maison/beaute/article.relation-toxique-signes-reconnaitre-solutions-sen-sortir.1.6130216.html">« relation toxique »</a>.</p>
<p>Un autre cas de dépendance amoureuse est présenté par la relation secrète de Nate et Cassie dans la seconde saison. Lorsque Nate semble se désintéresser d’elle, Cassie entre dans une spirale obsessive : ses journées se ponctuent de rituels de beauté compulsifs et le montage insiste par effet de répétitions sur le caractère nocif de ses efforts. Les looks de Cassie deviennent de plus en plus burlesques suivant la dégradation de son état mental, au point où ses amies lui demandent un matin si elle est déguisée pour la pièce de théâtre de l’école. Même les autres personnages réalisent que Cassie subit une transformation, qu’elle a quelque chose de décalé : au point culminant de la saison 2, elle ne semble plus appartenir au même univers fictionnel.</p>
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<h2>Le ton juste</h2>
<p>Un peu comme la série britannique <a href="https://www.imdb.com/title/tt7767422/"><em>Sex Education</em></a> (Netflix), dans un style différent, <em>Euphoria</em> parvient à dénoncer et à éduquer sans adopter un ton moralisateur. Par exemple, la série participe à normaliser auprès du public certaines situations d’intersectionnalité. Parce qu’il va de soi pour Rue d’être amoureuse d’une fille, la série ne met en scène aucun <em>coming out</em>, pas plus qu’elle ne fait une intrigue de la transidentité de l’une des têtes d’affiche. Les discriminations sont plutôt dénoncées par contraste entre le naturel avec lequel les protagonistes embrassent leur fluidité et les réactions stéréotypées de garçons dans leur entourage.</p>
<p>La série excelle par ailleurs à dénoncer une culture de la virilité rigide qui se défoule sur le féminin. Entre les violences sexuelles, le <em>slutshaming</em> et les <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/on-dira-ce-qu-on-voudra/segments/chronique/42012/en-francais-svp-audrey-pm-catcall-catcalling-harcelement-de-rue#:%7E:text=Le%20catcall%20consiste%20%C3%A0%20aborder,des%20commentaires%20%C3%A0%20charge%20sexuelle."><em>catcalls</em></a>, il devient pénible pour les adolescentes d’<em>Euphoria</em> de performer le modèle de féminité exigé, tout en assumant une identité et une sexualité qui leur sont propres. Dans la saison 1, l’orgasme semble même renié aux protagonistes féminines. Le personnage de Kat élabore une stratégie pour ne pas laisser les autres marchander sa sexualité : elle crée son propre compte sur le web où elle est rémunérée pour des discussions vidéo érotiques.</p>
<p>Pour se protéger de la brutalité des garçons qui l’entourent, Kat repousse vigoureusement Ethan dans la première saison, alors qu’il semble pourtant avoir une sincère estime pour elle. Lorsqu’il la confronte à ce sujet et réitère son intérêt amoureux, elle révèle son incrédulité qu’il puisse vouloir obtenir d’elle davantage que certaines faveurs sexuelles. Alors qu’il souhaite lui prouver le contraire en lui offrant <em>à elle</em> un cunnilingus, la saison 1 met de l’avant la toute première représentation d’hétérosexualité où le partenaire masculin donne sans rien prendre en retour.</p>
<p>C’est également la première fois de la série où l’on montre à l’écran un orgasme féminin non feint. Plus encore, à son grand embarras, il est révélé qu’Ethan a éjaculé dans son pantalon. L’expérience de Kat avec Ethan brise un important plafond de verre dans le cadre d’<em>Euphoria</em> : une relation sexuelle sans pénétration où un garçon retire du plaisir à satisfaire sa partenaire.</p>
<p>Toutefois Kat réalisera plus tard que sa relation avec Ethan ne lui convient pas, et c’est en puisant à l’esthétique des films d’horreur de style <a href="https://leclaireur.fnac.com/article/60281-le-slasher-movie-un-succes-a-double-tranchant/"><em>slasher</em></a> et des films pornographiques qu’elle extériorise cette insatisfaction. S’ennuyant dans sa chambre, elle fantasme qu’Ethan est mis à mort par un guerrier <a href="https://www.popsugar.com/entertainment/Who-Dothraki-Game-Thrones-41416023">dothraki</a> avec qui elle a une relation sexuelle torride devant le cadavre d’Ethan qui projette des effusions de sang. Loin de se contenter de son propre cadre, <em>Euphoria</em> s’amuse ainsi à puiser à différents styles fictionnels pour personnifier le discours intérieur des protagonistes.</p>
<h2>Des larmes aux paillettes : matérialisation de paradoxes</h2>
<p>La série a rapidement été remarquée pour sa trame sonore <a href="https://www.rollingstone.com/music/music-features/labrinth-zendaya-euphoria-soundtrack-hbo-893594/">à la fois éthérée et aliénante</a>, de même que pour ses <a href="https://www.elle.com/beauty/makeup-skin-care/a28576614/euphoria-makeup-tutorial/">maquillages uniques</a> abondamment reproduits sur les réseaux sociaux. Paillettes sous les yeux, <em>eyeliner</em> multicolore, diamants dans les cheveux : les adolescentes d’<em>Euphoria</em> affichent au quotidien des <a href="https://www.insider.com/euphoria-hbo-best-makeup-looks-maddy-jules-rue-kat-2019-9">looks dignes de grands magazines de mode</a>.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/B03gpAAlWZU","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p>Compte tenu du caractère pessimiste de la série, cette esthétique extravagante a de quoi surprendre, d’autant que les personnages l’affichent avec désinvolture. C’est qu’<em>Euphoria</em>, malgré son titre aux sonorités joviales, propose une expérience davantage dysphorique qu’euphorique. Sur le visage de Rue, qui peine à trouver l’équilibre entre l’extase et la dépression, se côtoient les larmes et les paillettes.</p>
<p>Cette capacité de la série à faire coexister des paradoxes est la pierre angulaire de son originalité. L’auditoire est pris à témoin des vagues de bonheur et des souffrances abyssales des personnages, et la série n’essaie pas d’édulcorer la douleur pour rendre le visionnement plus agréable. L’incarnation d’une telle variation des émotions illustre la complexité des enjeux traversés par les protagonistes.</p>
<h2>Habituer le public à l’inattendu</h2>
<p>L’expérience humaine étant pavée de contradictions, la série <em>Euphoria</em> ne semble se soumettre à aucune contrainte thématique ni artistique pour relayer des réalités difficiles avec réalisme, tant dans le narratif que dans l’audiovisuel.</p>
<p>Pour adhérer, les spectatrices et les spectateurs doivent accepter de ne rien tenir pour acquis. Un charismatique père de famille peut ainsi réprimer une vie sexuelle délictueuse où il abuse de personnes mineures, tout comme le <em>dealer</em> de drogue de la ville peut être l’un des personnages les plus empathiques et complexes.</p>
<p><em>Euphoria</em> est une série imprévisible qui fait délibérément fi des conventions pour ébranler sans concession plusieurs tabous tenaces.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/179627/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne-Sophie Gravel est membre de Réalisatrices Équitables. Sa recherche doctorale est financée par le Conseil de recherches en sciences humaines.</span></em></p>
Euphoria s’attaque de front au statu quo et se revendique d’une esthétique qui transgresse les codes de la télévision, tout en critiquant de manière virulente plusieurs tabous et enjeux de société.
Anne-Sophie Gravel, Doctorante en littérature et arts de la scène et de l'écran (concentration cinéma), Université Laval
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/176877
2022-03-02T19:42:10Z
2022-03-02T19:42:10Z
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les addictions sexuelles
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/449774/original/file-20220303-21-1xqbuj5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C1288%2C914&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 2008, l’acteur David Duchovny (ici en compagnie d’Andy Baldwin dans le cadre de l’émission de télé-réalité « The Bachelor »), a rendu publique son addiction au sexe.</span> <span class="attribution"><span class="source">Robyn Beck / AFP</span></span></figcaption></figure><p>Quel est le point commun entre les Américains David Duchovny, Michael Douglas, Tiger Woods, et Charlie Sheen ? Outre leur célébrité, tous ont défrayé la chronique en raison de leur addiction au sexe.</p>
<p>Nymphomanie, Don Juanisme, comportements sexuels compulsifs et impulsifs, perte de contrôle sexuel, trouble de l’hypersexualité ou encore trouble comportemental sexuel compulsif… La littérature médicale ne manque pas de termes pour qualifier l’addiction sexuelle. </p>
<p>Et pour cause : la sexualité pathologique existe depuis toujours. Jusqu’à présent, elle n’était pourtant pas spécifiée officiellement dans les classifications des maladies. Mais les choses sont en train de changer, puisque l’Organisation mondiale de la santé (OMS) va prochainement inclure, dans sa 11e classification internationale des maladies, le diagnostic du « trouble du comportement sexuel compulsif », basé sur des critères identiques à ceux proposés pour identifier <a href="http://www.alcoologie-et-addictologie.fr/index.php/aa/article/view/794">une addiction sexuelle</a>.</p>
<p>Alors que les demandes de prise en charge augmentent ces dernières années, la recherche explore ce trouble qui se caractérise par un appétit sexuel hors-norme. La réalité qu’elle met en lumière est complexe. Que sait-on exactement ?</p>
<h2>Cliniquement, qu’est-ce que l’addiction sexuelle ?</h2>
<p>Les comportements sexuels excessifs toucheraient entre 3 et 6 % de la population générale aux États-Unis, et 2 à 4 % en Nouvelle-Zélande. La prévalence du trouble serait plus élevée chez les adultes jeunes. L’âge moyen de début du trouble serait de 19 ans, avec un sex-ratio de 3 à 5 hommes pour 1 femme (il existe toutefois une sous-représentation féminine dans les données ; plus de 3 % des femmes seraient touchés par l’hypersexualité pathologique). Notons que les activités sexuelles en ligne non pathologiques concerneraient quant à elles 90 % des hommes et 51 % des femmes. </p>
<p>L’addiction sexuelle s’inscrit <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24001295/">dans un cycle</a>, qui débute par un facteur déclenchant peu spécifique, tel que la réception d’une bonne ou d’une mauvaise nouvelle par exemple. S’ensuivent des préoccupations sexuelles obsédantes, comme l’envie de regarder de la pornographie, un corps nu, un acte sexuel. Les pensées sont parasitées par des images sexuelles, le sujet se livre à des rituels sexuels, des comportements compulsifs en lien avec de multiples activités sexuelles, telles qu’aller sur un site de streaming pornographique, engager des échanges érotiques par messagerie, rechercher des partenaires sexuels dans le monde virtuel ou réel, etc. </p>
<p>Ce dernier point différencie ce trouble des paraphilies (déviances sexuelles caractérisées par l’attirance envers une personne ou un objet inadapté aux pratiques classiques : voyeurisme, pédophilie, frotteurisme…), dans lesquelles l’excitation sexuelle est exclusive. </p>
<p>Le cycle s’achève par une triade comprenant la honte, la culpabilité et le désespoir une fois l’acte sexuel terminé. Il se répète et peut se déclencher n’importe quand. </p>
<p><br></p>
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<p><br></p>
<p>Pour qu’un comportement soit qualifié de trouble comportemental sexuel compulsif (selon la classification CIM-11 de l’OMS), il faut retrouver, pendant au moins 6 mois, différents signes : </p>
<ul>
<li>Perte de temps importante en lien avec des comportements sexuels qui interfèrent avec la vie quotidienne. C’est le cas quand regarder de la pornographie devient par exemple une activité centrale ;</li>
<li>Avoir de façon répétée des activités sexuelles en réponse à des évènements de vie stressants ;</li>
<li>S’engager de façon répétée dans des activités sexuelles en réponse à un état émotionnel dysphorique (intenses sentiments négatifs, tristesse, anxiété, irritabilité…). C’est par exemple le cas lorsque l’activité sexuelle est devenue une stratégie rigide pour réguler son humeur ;</li>
<li>Tentatives infructueuses de réduire ou d’arrêter son comportement sexuel ;</li>
<li>Perte de contrôle après plusieurs jours d’arrêt ;</li>
<li>Poursuite du comportement sexuel malgré les risques physiques et/ou émotionnels et/ou sociaux ;</li>
<li>Comportements sexuels fréquents et intenses ;</li>
<li>Dysfonctionnement personnel significatif dans différentes dimensions de la vie.</li>
</ul>
<p>Il existe diverses formes cliniques de cette pathologie, qui peut s’exprimer par des activités comme la masturbation excessive (le nombre de fois par jour dépendant des habitudes masturbatoires de chacun), les activités cybersexuelles, et différents types de comportements sexuels avec des adultes consentants en live ou en virtuel comme le sexe par téléphone, la fréquentation excessive de clubs, de saunas, de salon de massage, et la séduction compulsive.</p>
<h2>Facteurs de risque et origine</h2>
<p>Avant tout, il est important de souligner un point capital : ce trouble n’est pas induit par l’usage de substances (cocaïne ou autres) ou de médicaments (antiparkinsoniens par exemple). Il n’est pas non plus le résultat d’un trouble bipolaire (épisode maniaque ou hypomaniaque) ou d’une paraphilie (pédopornographie par exemple). </p>
<p>Dans l’histoire des personnes malades, certains éléments sont fréquemment retrouvés : des antécédents familiaux d’addiction à des substances ou à des comportements, une expérience sexuelle débutée à un âge précoce, des structures familiales séparées, une fréquence et une diversité élevée de comportements sexuels. Les hommes auraient plus d’insatisfaction dans leur vie sexuelle, davantage de problèmes relationnels et consulteraient plus pour des problèmes en lien avec la sexualité. Les femmes seraient moins vulnérables que les hommes.</p>
<p>Sur le plan cérébral, il existe des microanomalies du lobe frontal (induisant une désinhibition comportementale), du lobe temporal (induisant une conduite sexuelle excessive). On constate aussi une atteinte du striatum ventral, la structure impliquée dans le mouvement volontaire, centre de la motivation, qui s’active davantage lorsqu’on mêle activité physique et effort mental ; celle-ci induit une envie irrépressible de sexe (« craving »). Le cingulum antérieur dorsal, qui joue un rôle dans les états affectifs, est aussi touché, ce qui induit une atteinte de la motivation à faire les choses par une altération des affects. </p>
<p>Des anomalies sont aussi constatées au niveau de l’amygdale, ce qui entraîne une atteinte de la mémoire et de l’apprentissage (l’amygdale joue un rôle dans la modulation émotionnelle de la mémoire : cette structure du cerveau est essentielle à notre capacité de ressentir et de percevoir chez les autres certaines émotions, comme la peur et toutes les modifications corporelles qu’elle entraîne). Enfin, le corps calleux, qui assure donc le transfert d’informations entre les deux hémisphères et ainsi leur coordination, présente aussi des anomalies structurelles (or les abus sexuels ont pu être associés à de telles anomalies du corps calleux). </p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/RvOqKPPvRc8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Sur le plan physiologique, il existe des anomalies de l’axe du stress, des taux de sérotonine, impliquée dans la régulation des comportements alimentaires et sexuels, le cycle veille-sommeil, la thermorégulation, la douleur, l’anxiété ou le contrôle moteur).
Enfin, on constate sur le plan émotionnel et relationnel une baisse de l’affirmation de soi, de l’estime sexuelle, de la satisfaction et du contrôle sexuel, des altérations de l’attachement. Les personnes concernées sont beaucoup plus sujettes à l’anxiété et la dépression.</p>
<p>Un certain nombre d’études sur la génétique et les comportements sexuels ont été menées, mais les résultats sont encore insuffisants pour pouvoir tirer des conclusions en ce qui concerne la question de l’addiction sexuelle.</p>
<p>L’environnement joue également un rôle important, en particulier Internet et les activités sexuelles en ligne. </p>
<p>Le médecin et psychiatre britannique <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/18996300/">John Bancroft et ses collègues</a> ont évoqué <a href="http://www.alcoologie-et-addictologie.fr/index.php/aa/article/view/794">2 types de comportements sexuels à risque de perte de contrôle</a> : la masturbation et l’utilisation excessive d’Internet à la recherche d’une gratification sexuelle. Un certain nombre d’hommes et de femmes utilisent Internet en ce sens. Outil disponible, anonyme, il permet d’avoir des supports sexuels en ligne rapidement pour les hommes alors que pour les femmes, les interactions cybersexuelles sont aussi indirectes. On constate d’ailleurs une augmentation de la prévalence du trouble addictif depuis l’apparition d’Internet et des nouveaux marchés de l’industrie pour adultes.</p>
<h2>Un trouble en augmentation avec l’émergence d’Internet</h2>
<p>Soumise aux lois du marché, aux règles du marketing, initialement dominée par tout ce qui avait trait au business des films, l’industrie du sexe est devenue un marché lucratif. </p>
<p>De nos jours, 90 % de la pornographie américaine légale sont tournés dans la vallée de San Fernando en Californie, la « Porn Valley », mais d’autres états américains aussi produisent du contenu sexuel, ainsi que de nombreux pays européens. Les « GAFA du sexe », à savoir Pornhub, Tukif, Xhamster, Xvideos et Xnxx, figurent parmi les sites Internet les plus visités annuellement, les deux derniers étant dans le top 15 mondial. Les tendances et les thématiques varient en fonction des résultats des analyses statistiques, et les produits sont diffusés et vendus par tous les « e-moyens », dont le <a href="https://theconversation.com/darknet-darkweb-deepweb-ce-qui-se-cache-vraiment-dans-la-face-obscure-dinternet-128348">Darknet</a>.</p>
<p>La liste des supports et produits pornographiques, utilisés isolément ou en association par les personnes atteintes de ce trouble, est longue et variée : revues, K7 VHS, DVD, Blu-Ray, vidéo à la demande, streaming, jeux en ligne, conversations téléphoniques érotiques, love store en ligne, webcams, prostitution en ligne, clubs ou saunas échangistes, salons de massages, sexodrome (formule hôtelière all inclusive pour adultes), utilisation sexuelle des réseaux sociaux, sites ou applications de rencontre…</p>
<p>L’exposition à des milliers de nouvelles images et à de nouvelles expériences sexuelles est aujourd’hui démultipliée à l’infini. Les productions de l’industrie du sexe sont le principal moteur des addictions sexuelles pour les personnes vulnérables, en raison de leur capacité à générer de nouvelles formes de gratification immédiate grâce aux nouvelles technologies.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/du-plaisir-a-laddiction-que-se-passe-t-il-dans-notre-cerveau-148701">Du plaisir à l’addiction, que se passe-t-il dans notre cerveau ?</a>
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<h2>De nombreuses conséquences et maladies associées</h2>
<p>Les conséquences de l’addiction sexuelle sont similaires à celles retrouvées dans les autres types d’addiction. Il existe des risques d’infections sexuellement transmissibles liés à des rapports sexuels non protégés (VIH, chlamydiose, gonococcie, syphilis…), des risques de grossesse non désirée. </p>
<p>Les patients souffrant d’addiction sexuelle peuvent également avoir des co-addictions au tabac, à l’alcool ou à des drogues illicites (par exemple, cocaïne, <a href="https://theconversation.com/drogues-le-gbl-a-remplace-le-ghb-mais-les-risques-restent-les-memes-171904">gamma-butyrolactone ou GBL</a>, nouveaux produits de synthèse…). Le recours au <a href="https://theconversation.com/chemsex-les-dessous-de-lalliance-dangereuse-du-sexe-et-des-amphetamines-157804">chemsex</a> doit aussi être recherché par le praticien lors de la consultation. Chez les hommes, <a href="http://www.alcoologie-et-addictologie.fr/index.php/aa/article/view/794">addictions aux jeux de hasard et d’argent sont particulièrement prévalents</a>. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/chemsex-les-dessous-de-lalliance-dangereuse-du-sexe-et-des-amphetamines-157804">« Chemsex » : les dessous de l’alliance dangereuse du sexe et des amphétamines</a>
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<hr>
<p>L’addiction sexuelle est également associée à des pathologies psychiatriques telles que trouble de l’humeur, trouble anxieux, trouble de la personnalité, ou trouble obsessionnel compulsif.</p>
<h2>Êtes-vous concerné ?</h2>
<p>Pour déterminer si sa conduite sexuelle est problématique, il est possible de s’autoévaluer grâce au questionnaire PEACCE (Pensées-Entourage-Aide-Conséquences-Contrôle-Emotions). Il suffit pour cela de répondre par oui ou non aux questions ci-après :</p>
<p>1) Trouvez-vous que vous êtes souvent préoccupé par des pensées sexuelles ? (Pensées) ;<br>
2) Cachez-vous certains de vos comportements sexuels à votre entourage (partenaire de vie, famille, ami(e)s proches…) ? (Entourage) ;<br>
3) Avez-vous déjà recherché de l’aide pour un comportement sexuel que vous n’appréciez pas de faire ? (Aide) ;<br>
4) Est-ce que quelqu’un a déjà été heurté émotionnellement à cause de votre comportement sexuel ? (Conséquences) ;<br>
5) Vous sentez-vous contrôlé par votre désir sexuel ? (Contrôle) ;<br>
6) Vous sentez-vous triste après être passé à l’acte sexuellement (rapports sexuels, Internet, autres) ? (Émotions).</p>
<p>Si plus de 3 réponses positives ont été obtenues, il est conseillé de se faire évaluer par un spécialiste. Dans ce cas, il ne faut pas hésiter à consulter, que ce soit en se rendant dans un CSAPA (centre de soin, d’accompagnement et de prévention en addictologie), dans un service hospitalier, ou en consultant un psychiatre, un psychologue ou un sexologue.</p>
<hr>
<p><em>Le Dr <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/William_Lowenstein">William Lowenstein</a>, spécialiste en médecine interne, addictologue et président de <a href="http://sos-addictions.org/l-association/comite-scientifique/dr-william-lowenstein">SOS Addictions</a>, a participé à la rédaction de cet article.</em>
<br></p>
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<p><br>
<em><strong>Pour aller plus loin :</strong></em></p>
<p><em>- Le <a href="https://podcasts.audiomeans.fr/addiktion-98e77f1dfa06">podcast ADDIKTION</a> ;</em></p>
<p><em>- Karila L. (2022) <a href="https://www.fayard.fr/documents-temoignages/na-quune-vie-9782213716664">« On n’a qu’une vie ! »</a>, Fayard.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176877/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Karila est Porte Parole de l'Association SOS Addictions et membre de la Fédération Française d'Addictologie. Il a reçu des honoraires des laboratoires Ethypharm, Zentiva pour des conférences de formation médicale continue.
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Amine Benyamina, professeur de psychiatrie et addictologie, président de la Fédération Française d'Addictologie, AP-HP</span></em></p>
Chez certains, l’attrait pour le sexe peut devenir obsédant, au point d’envahir la vie quotidienne et de mener à des conduites à risque. Une véritable addiction, en augmentation à l’ère d’Internet.
Laurent Karila, Professeur d’Addictologie et de Psychiatrie, Membre de l’Unité de Recherche PSYCOMADD, Université Paris-Saclay
Amine Benyamina, Amine Benyamina, professeur de psychiatrie et addictologie, président de la Fédération Française d'Addictologie, AP-HP
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/173458
2022-01-06T20:33:00Z
2022-01-06T20:33:00Z
La vulve de Baubo : humour féminin et obscénité positive
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/438497/original/file-20211220-49721-mzqmkm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C1200%2C941&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Statuette dite Baubo, terre cuite, Iᵉʳ-IIᵉ siècles apr. J.-C. MKG, Hambourg. Femme nue écartant les jambes et montrant sa vulve de la main droite.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://sammlungonline.mkg-hamburg.de/de/object/Baubo/1989.584/dc00126937">MKG Sammlung </a></span></figcaption></figure><p>Un tiers environ des humoristes aujourd’hui sont des femmes, à l’image de Nora Hamzawi, Florence Foresti, Blanche Gardin, et bien d’autres encore. Pourtant, le <a href="https://madame.lefigaro.fr/societe/humour-les-femmes-rient-entre-elles-depuis-toujours-mais-faire-rire-est-une-prerogative-masculine-060421-196021">rire a longtemps été une prérogative des hommes</a>, comme le rappelle l’historienne Sabine Melchior-Bonnet dans son essai, <em>Le rire des femmes, une histoire de pouvoir</em> (PUF, 2021).</p>
<p>Depuis l’Antiquité, le rire a le plus souvent été considéré comme <a href="https://www.retronews.fr/societe/interview/2021/11/23/le-rire-des-femmes-sabine-melchior-bonnet">« contraire à l’image de la femme modeste et pudique », écrit l’historienne</a>. Celle qui pouffait en public était volontiers assimilée à une prostituée ou encore, plus récemment, à une folle hystérique, tandis que l’homme qui plaisantait, même de manière très osée, ne faisait pas l’objet d’une semblable réprobation.</p>
<p>Les sources antiques confirment cette discrimination par le rire, tout en nous offrant néanmoins quelques rares figures de femmes humoristes. Il ne s’agit pas de personnages historiques, mais de figures mythologiques. Elles montrent néanmoins que rire et faire rire n’étaient pas ressentis comme des prérogatives exclusivement masculines par les Grecs ou les Égyptiens de l’Antiquité.</p>
<h2>Le rire de Déméter</h2>
<p>L’une des plus anciennes de ces humoristes se nomme Iambé. Elle est mentionnée dans l’<em>Hymne homérique à Déméter</em>, une <a href="https://fr.wikisource.org/wiki/Hymnes_hom%C3%A9riques/%C3%80_D%C3%A8m%C3%A8t%C3%A8r_2">œuvre poétique grecque composée au VIᵉ siècle av. J.-C</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/438646/original/file-20211221-25-1nhw2ba.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/438646/original/file-20211221-25-1nhw2ba.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=789&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/438646/original/file-20211221-25-1nhw2ba.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=789&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/438646/original/file-20211221-25-1nhw2ba.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=789&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/438646/original/file-20211221-25-1nhw2ba.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=992&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/438646/original/file-20211221-25-1nhw2ba.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=992&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/438646/original/file-20211221-25-1nhw2ba.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=992&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Statuette dite Baubo, terre cuite, Iᵉʳ-IIᵉ siècles apr. J.-C. Musée Rodin, Meudon.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Dans cette œuvre, nous apprenons que la déesse Déméter est désespérée parce qu’elle a perdu sa fille Coré, enlevée par Hadès, le dieu des Enfers. Déméter a pris l’aspect d’une vieille femme en deuil. Elle erre sur la Terre pendant plusieurs jours, avant d’arriver à Eleusis, non loin d’Athènes. Là, elle est accueillie par Métanire, épouse du roi local, mais, immobilisée par la douleur, elle refuse de boire et de se nourrir. C’est alors qu’intervient une servante nommée Iambé : elle lance à la déesse « mille paroles joyeuses », dit le texte. La nature de ces bouffonneries n’est pas précisée, mais on devine que Iambé (dont le nom évoque la poésie iambique, c’est-à-dire satirique), profère des plaisanteries obscènes. Une obscénité efficace, puisque la déesse sort enfin de son mutisme et accepte la boisson qui lui est proposée.</p>
<p>Un autre hymne à Déméter, composé par un certain Philikos, connu grâce à un papyrus du III<sup>e</sup> siècle av. J.-C., malheureusement fragmentaire, présente Iambé comme une vieille paysanne inculte et bavarde dont la <a href="https://www.persee.fr/doc/rhr_0035-1423_1985_num_202_1_2785">drôlerie renversante interpelle la déesse</a>.</p>
<h2>La danse de la vulve</h2>
<p>Dans une autre version de ce mythe, racontée par les auteurs chrétiens Clément d’Alexandrie (vers 150-215), Arnobe (vers 240-304) et Eusèbe de Césarée (vers 265-339), l’humoriste d’Eleusis se nomme Baubo. Elle allie cette fois le geste à la parole : elle retrousse sa tunique pour montrer sa vulve à la déesse. Surprise par ce spectacle inattendu, Déméter y trouve une soudaine consolation et sort aussitôt de sa torpeur.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/438647/original/file-20211221-21-r6elch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/438647/original/file-20211221-21-r6elch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/438647/original/file-20211221-21-r6elch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1815&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/438647/original/file-20211221-21-r6elch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1815&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/438647/original/file-20211221-21-r6elch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1815&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/438647/original/file-20211221-21-r6elch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=2281&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/438647/original/file-20211221-21-r6elch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=2281&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/438647/original/file-20211221-21-r6elch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=2281&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Isis Baubo, terre cuite, Iᵉʳ-IIᵉ siècles apr. J.-C.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ägyptisches Museum Leipzig</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans son récit, Arnobe (<em>Adversus Nationes</em> V, 26) nous donne quelques précisions sur la gestuelle de Baubo : par une sorte de tour de magie et de danse du ventre, ou plutôt du bas-ventre, elle fait prendre à sa vulve épilée la forme d’un visage d’enfant. Comment s’y prend-elle ? Peut-être a-t-elle dessiné, à l’aide de maquillage, un visage de bébé sur sa vulve, ou bien juste au-dessus. Puis, comme une ventriloque, elle produit des sons en donnant l’illusion que c’est le bébé sur sa vulve qui parle ou qui chante.</p>
<p>Quoiqu’il en soit, c’est à nouveau l’efficacité du geste de l’humoriste qui est soulignée, mais aussi, pour les trois auteurs qui sont chrétiens, une occasion de ridiculiser la religion polythéiste des Grecs. Ainsi Clément d’Alexandrie ironise-t-il : « Beaux spectacles et qui conviennent à une déesse ! » (<em>Protreptique</em> II, 20). Les auteurs chrétiens reprochent à la mythologie grecque d’avoir accordé une place, certes très limitée, mais une place tout de même au rire féminin.</p>
<h2>L’obscénité positive</h2>
<p>Si les polémistes chrétiens n’y ont vu qu’indécence, le mythe de l’humoriste d’Eleusis traduit l’idée d’une obscénité apotropaïque et cathartique, capable de dérider un être en proie au plus profond des chagrins. C’est une forme de grossièreté positive qui délivre un message tout à fait sérieux : Baubo rappelle à la déesse la puissance féminine que représente la vulve, promesse de maternités futures. On peut donc aussi voir dans ce spectacle un geste de solidarité entre femmes.</p>
<p>En raison de son succès, la servante qui parvint à dérider Déméter fut parfois considérée comme une véritable divinité par les Grecs. Ainsi, une inscription cultuelle retrouvée dans l’île de Naxos, datant du IV<sup>e</sup> siècle av. J.-C., mentionne le nom de Baubo, en quatrième position, après Déméter, sa fille Coré et Zeus. Une sorte de déité patronne du rire bénéfique.</p>
<figure class="align-center ">
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<figcaption>
<span class="caption">« Perrette et le démon de Papefiguière », illustration de Charles Eisen.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/5/56/La_Fontaine_-_Contes_-_Le_Diable_de_Papefigui%C3%A8re_2.jpg/637px-La_Fontaine_-_Contes_-_Le_Diable_de_Papefigui%C3%A8re_2.jpg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un mythe universel</h2>
<p>L’interprétation du mythe de Baubo a fait couler beaucoup d’encre. Des historiens et archéologues ont mis le dévoilement de la vulve en relation avec certaines pratiques du culte de Déméter qui pouvaient inclure la manipulation d’objets sexuels, ou encore avec des insultes <a href="https://www.academia.edu/40316636/L%C3%A9pisode_de_Baub%C3%B4_dans_les_myst%C3%A8res_dEleusis">qui auraient pu être proférées rituellement</a>.</p>
<p>L’humoriste d’Eleusis a aussi attiré l’attention d’écrivains. Rabelais se souvient probablement d’elle lorsqu’il imagine l’épisode de la femme de Papefiguière <a href="https://fr.wikisource.org/wiki/Le_Quart_Livre/47">qui fait fuir le diable en soulevant sa robe</a> (<em>Pantagruel</em>, Le Quart Livre, XLVII).</p>
<p>Cette histoire inspira également Jean de La Fontaine : dans son conte, « Le Diable de Papefiguière », une paysanne nommée Perrette affole un démon en exhibant la <a href="http://17emesiecle.free.fr/Diable_de_Papefiguiere.php">« balafre » qui parcourt le creux de ses cuisses</a>.</p>
<p>Plus tard, Goethe redonne à Baubo son nom antique, <a href="https://cheminstraverse-philo.fr/philosophes/pourquoi-baubo-a-t-elle-fait-rire-demeter-2/#_ftn3">avant que Nietzsche et Freud, à leur tour, s’intéressent à cette troublante figure</a>.</p>
<p>Le psychanalyste Georges Devereux lui a même consacré un livre. Selon lui, l’exhibition de la vulve est un pur « produit fantasmatique de l’inconscient » humain. C’est pourquoi des figures comparables à Baubo <a href="https://www.babelio.com/livres/Devereux-Baubo-la-vulve-mythique/346685">se retrouvent dans d’autres cultures, hors du monde grec</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/438650/original/file-20211221-167342-1ptmt26.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/438650/original/file-20211221-167342-1ptmt26.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/438650/original/file-20211221-167342-1ptmt26.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/438650/original/file-20211221-167342-1ptmt26.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=366&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/438650/original/file-20211221-167342-1ptmt26.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=460&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/438650/original/file-20211221-167342-1ptmt26.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=460&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/438650/original/file-20211221-167342-1ptmt26.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=460&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Elodie Yung dans le rôle de la déesse Hathor (<em>Gods of Egypt</em>, 2016).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/438652/original/file-20211221-21-1gc9m0m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/438652/original/file-20211221-21-1gc9m0m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/438652/original/file-20211221-21-1gc9m0m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=666&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/438652/original/file-20211221-21-1gc9m0m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=666&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/438652/original/file-20211221-21-1gc9m0m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=666&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/438652/original/file-20211221-21-1gc9m0m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=836&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/438652/original/file-20211221-21-1gc9m0m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=836&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/438652/original/file-20211221-21-1gc9m0m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=836&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Ame-no-Uzume, en version manga.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En Égypte, la déesse Hathor, incarnation de la joie et de l’érotisme, montre sa vulve au dieu du Soleil Rê <a href="https://books.google.fr/books/about/Les_aventures_d_Horus_et_Seth_dans_le_Pa.html?id=uOylmAEACAAJ&redir_esc=y">qui donne parfois quelques signes de faiblesse</a> (<em>Papyrus Chester Beatty</em> I).</p>
<p>Face au strip-tease de la divinité, le dieu éclate d’un rire puissant et fécond qui lui permet de retrouver tout son rayonnement. Une vulve et un rire bénéfiques, comme dans le mythe grec, sauf que le geste de Baubo, destiné à une divinité féminine, ne revêtait pas la dimension érotique de la légende égyptienne.</p>
<p>Au Japon, c’est la déesse Ame-no-Uzume qui dévoile son corps, provoquant l’hilarité de son public divin et permettant par la même occasion, <a href="https://www.academia.edu/4808793/Osceno_risibile_sacro_Iambe_Baub%C3%B2_Hathor_Ame_no_Uzume_e_le_altre?auto=download">comme Hathor, aux rayons solaires d’éclairer à nouveau le monde</a>.</p>
<p>« Et quand ils virent son corps robuste et replet comme celui d’une petite fille, l’aise entra dans le cœur de tous et ils se mirent à rire. », écrit Paul Claudel dans un poème en prose inspiré du mythe japonais (« La délivrance d’Amaterasu », <a href="https://fr.wikisource.org/wiki/Connaissance_de_l%E2%80%99Est/La_d%C3%A9livrance_d%E2%80%99Amaterasu"><em>Connaissance de l’Est</em></a>, 1920).</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/438704/original/file-20211221-18663-1q1ey17.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/438704/original/file-20211221-18663-1q1ey17.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/438704/original/file-20211221-18663-1q1ey17.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1311&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/438704/original/file-20211221-18663-1q1ey17.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1311&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/438704/original/file-20211221-18663-1q1ey17.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1311&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/438704/original/file-20211221-18663-1q1ey17.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1647&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/438704/original/file-20211221-18663-1q1ey17.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1647&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/438704/original/file-20211221-18663-1q1ey17.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1647&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Statuette de « femme-vulve » dite Baubo, terre cuite, provenant du sanctuaire de Déméter à Priène, Asie Mineure, entre le IVᵉ et le IIᵉ siècle av. J.-C. Berlin, Antikensammlung.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des statuettes de Baubo ?</h2>
<p>En 1898, les archéologues allemands fouillant les restes du temple de Déméter à Priène, en Asie Mineure (actuelle Turquie), réalisèrent une découverte qui les laissa perplexes. Une série d’étonnantes statuettes de « femmes-vulves » furent mises au jour. Elles se trouvent aujourd’hui à Berlin (<em>Antikensammlung</em>).</p>
<p>Elles n’ont pas de têtes à proprement parler : leur visage est inscrit sur leur ventre et leur vulve se trouve au niveau de leur menton. S’agissait-il de figurer le tour de magie de Baubo qui fit apparaître un enfant au-dessus de sa vulve ?</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/438654/original/file-20211221-21-1u7uyhh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/438654/original/file-20211221-21-1u7uyhh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=698&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/438654/original/file-20211221-21-1u7uyhh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=698&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/438654/original/file-20211221-21-1u7uyhh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=698&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/438654/original/file-20211221-21-1u7uyhh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=878&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/438654/original/file-20211221-21-1u7uyhh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=878&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/438654/original/file-20211221-21-1u7uyhh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=878&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Baubo, époque romaine, statuette conservée au musée Rodin.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://collections.musee-rodin.fr/fr/museum/rodin/baubo/Co.02714?epoqueDeCreation%5B0%5D=Epoque+romaine&amp;position=4">Musée Rodin</a></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/438655/original/file-20211221-50268-yx388n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/438655/original/file-20211221-50268-yx388n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=724&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/438655/original/file-20211221-50268-yx388n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=724&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/438655/original/file-20211221-50268-yx388n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=724&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/438655/original/file-20211221-50268-yx388n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=910&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/438655/original/file-20211221-50268-yx388n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=910&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/438655/original/file-20211221-50268-yx388n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=910&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Auguste Rodin, « Iris messagère des dieux ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.musee-rodin.fr/musee/collections/oeuvres/iris-messagere-dieux#group_1439-5">National Gallery, Oslo</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>D’autres statuettes, provenant d’Égypte, où elles furent réalisées entre le III<sup>e</sup> siècle av. J.-C. et le III<sup>e</sup> siècle apr. J.-C., représentent des femmes enceintes accroupies touchant leur vulve de la main droite. C’est pourquoi elles furent elles aussi associées au mythe de Baubo. Ces figurines étaient sans doute utilisées comme des amulettes pour protéger les femmes enceintes, à une époque <a href="https://sammlungonline.mkg-hamburg.de/de/object/Baubo/1989.584/dc00126937">où beaucoup de femmes mouraient en couches ou lors de leur accouchement</a>.</p>
<p>Le musée Rodin à Meudon possède quelques-unes de ces étonnantes figurines dont le sculpteur avait fait l’acquisition.</p>
<p>Il n’est pas impossible que <a href="https://www.musee-rodin.fr/musee/collections/oeuvres/iris-messagere-dieux">Rodin se soit inspiré ou souvenu</a> de ces statuettes quand il réalisa son « Iris, messagère des dieux », à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>En effet, par sa pose, la déesse de Rodin focalise l’attention sur sa vulve, comme Baubo dans le mythe antique. Iris paraît figée au moment où elle réalise une sorte de danse de la vulve. Encore une vulve bénéfique qui attire notre regard et nous détourne, au moins pour quelques instants, de notre tristesse, de nos angoisses et des malheurs auxquels nous pouvons être confrontés.</p>
<hr>
<p><em>Christian-Georges Schwentzel a participé à l’émission « Le doc stupéfiant : Le sexe du rire », réalisée par Julie Peyrard et Lise Thomas-Richard, diffusée sur France 5, le 10 décembre 2021, <a href="https://www.france.tv/france-5/le-doc-stupefiant/">et disponible en streaming</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173458/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian-Georges Schwentzel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Le rire a longtemps été une prérogative des hommes. Pourtant, dans l’Antiquité, certains mythes mentionnent des déesses qui usaient de l’obscénité pour amuser la galerie.
Christian-Georges Schwentzel, Professeur d'histoire ancienne, Université de Lorraine
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/169655
2021-11-14T16:47:24Z
2021-11-14T16:47:24Z
Les différences cérébrales entre les sexes ne se réduisent pas aux différences de taille du corps
<p>En début d’année, un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0149763421000804">article</a> de Lise Eliot et ses collègues de l’université Rosalind Franklin de Chicago a passé en revue plusieurs dizaines d’études documentant les différences cérébrales entre les sexes, et a conclu qu’une fois prises en compte les différences de taille (du corps) entre hommes et femmes, les différences cérébrales observées étaient totalement négligeables.</p>
<p>Au même moment, <a href="https://lscp.dec.ens.fr/en/research/teams-lscp/cognitive-development-and-pathology">mon équipe</a> au sein du <a href="https://cognition.ens.fr/fr">Département d’études cognitives</a> de l’<a href="https://www.ens.psl.eu/">ENS-PSL</a> était en train de publier les résultats d’une vaste étude d’imagerie cérébrale, qui aboutissait à des résultats différents. Cela nous a conduits à écrire et publier un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0149763421003900">commentaire</a> sur l’article de Lise Eliot, pour souligner de quelle manière nos résultats remettaient en cause leurs conclusions.</p>
<p>Notre étude avait un objectif plus large, consistant à documenter les variations neuroanatomiques dans l’ensemble de la population. Elle est basée sur la cohorte nommée <em>UK Biobank</em>, comprenant de nombreuses données médicales, biologiques, et sociales sur 500 000 adultes britanniques. Parmi eux, environ 40 000 ont passé une IRM cérébrale. De ce fait, notre étude n’a pas la fiabilité limitée de la plupart des études précédentes. C’est en fait la plus vaste étude sur les différences cérébrales entre les sexes jamais publiée.</p>
<h2>Qu’avons-nous donc trouvé ?</h2>
<p>Premièrement, s’il est vrai que le volume du cerveau est lié à la taille du corps, il n’est pas vrai que les différences de taille expliquent entièrement les différences de volume cérébral entre les sexes. Comme le montre la figure ci-dessous, même à taille égale, les hommes ont un cerveau plus gros en moyenne que celui des femmes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/431323/original/file-20211110-13-1aaq532.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/431323/original/file-20211110-13-1aaq532.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/431323/original/file-20211110-13-1aaq532.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/431323/original/file-20211110-13-1aaq532.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/431323/original/file-20211110-13-1aaq532.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/431323/original/file-20211110-13-1aaq532.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/431323/original/file-20211110-13-1aaq532.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Volume cérébral total en fonction de la taille (en échelle logarithmique), pour environ 20 000 hommes (points bleus) et 20 000 femmes (points mauves). Si les hommes et les femmes avaient le même volume cérébral à taille égale, les deux droites bleue et mauve seraient superposées. Ici leur décalage vertical est très significatif.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Camille Williams</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Deuxièmement, lorsque l’on prend en compte les différences de volume cérébral total, il n’est pas vrai qu’on ne trouve presque aucune différence de volume de structures cérébrales entre hommes et femmes.</p>
<p>On en trouve de nombreuses, un peu partout dans le cerveau. Sur 620 régions cérébrales que nous avons analysées, environ les deux tiers (409/620) étaient significativement différents entre hommes et femmes, environ pour moitié relativement plus grosses chez les hommes, et pour moitié le contraire. La Figure ci-dessous montre la distribution de ces différences.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/431325/original/file-20211110-27-9oxwpi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/431325/original/file-20211110-27-9oxwpi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/431325/original/file-20211110-27-9oxwpi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/431325/original/file-20211110-27-9oxwpi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/431325/original/file-20211110-27-9oxwpi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/431325/original/file-20211110-27-9oxwpi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/431325/original/file-20211110-27-9oxwpi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Distribution des différences entre les sexes à travers 620 régions et mesures cérébrales, à volume cérébral égal. L’axe des abscisses représente la taille des différences entre les sexes (en écarts-types), et l’axe des ordonnées montre le nombre de régions ayant une différence donnée. Les barres en bleu représentent les mesures qui sont relativement plus grandes chez les hommes, et celles en mauve les mesures qui sont relativement plus grandes chez les femmes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Camille Williams</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De toute évidence, les régions cérébrales ont des dimensions qui ne sont pas très différentes entre hommes et femmes. Mais de nombreuses régions montrent de petites différences statistiques. Clairement, on ne peut pas dire qu’il n’y en a pas ni qu’elles se réduisent aux différences de volume global du cerveau. Si les cerveaux des hommes et des femmes sont globalement similaires, au-delà de la différence de volume total, ils sont également proportionnés de manière légèrement différente.</p>
<p>Si ces résultats vont à l’encontre des affirmations de l’article d’Eliot, il est important de souligner aussi ce qu’ils ne montrent pas. Ils ne disent rien, ni sur les causes ni sur les conséquences de ces différences. Et le reste des connaissances scientifiques en neurosciences ne permet pas à l’heure actuelle de combler ces lacunes.</p>
<h2>Les facteurs qui induisent ces différences cérébrales entre les sexes</h2>
<p>S’agit-il de facteurs génétiques (chromosomes X et Y) ? De différences hormonales, précoces ou tardives ? De différences environnementales, notamment dans la manière dont les êtres humains sont élevés et traités différentiellement selon leur sexe ? Une combinaison des trois ? Certaines personnes s’empresseront d’affirmer que ces différences sont évidemment innées, d’autres qu’elles ne peuvent être qu’acquises.</p>
<p>Dans un cas comme dans l’autre, ces personnes s’avanceront bien au-delà de ce que la connaissance scientifique permet de dire. Il y a de bonnes raisons de penser qu’à la fois des différences génétiques, hormonales et environnementales peuvent induire de telles différences. Mais personne n’est à l’heure actuelle capable de préciser leurs contributions relatives et les mécanismes précis qui sont en jeu.</p>
<p>Enfin, quelles sont les conséquences de ces différences cérébrales ? Induisent-elles des différences dans le fonctionnement cognitif des hommes et des femmes ? Nous n’en savons rien. S’il existe des différences cognitives relativement robustes entre hommes et femmes, notre compréhension actuelle des bases cérébrales de ces différences cognitives est à peu près nulle. Bien que le volume du cerveau soit <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0160289616303385">corrélé au quotient intellectuel</a>, il ne s’ensuit pas que la différence substantielle de volume cérébral entre hommes et femmes entraîne une différence similaire des scores de QI, qui sont très proches entre les deux sexes. De manière plus générale, aucune différence cérébrale observée entre les sexes ne vient à l’appui de stéréotypes sexistes.</p>
<p>Dans l’état d’ignorance qui est le nôtre, il serait donc prudent d’éviter de trop spéculer sur les causes et les conséquences des différences cérébrales entre les sexes. Mais il serait aussi temps d’abandonner le discours tendant à nier systématiquement la possibilité même de l’existence de ces différences, car il est maintenant clair que ce discours est erroné.</p>
<hr>
<p><em>Pour aller plus loin et obtenir plus de détails sur cette étude, vous pouvez consulter <a href="https://scilogs.fr/ramus-meninges/les-differences-cerebrales-entre-les-sexes/">cet article</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/169655/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Une déclaration complète et maintenue à jour est disponible ici: <a href="https://scilogs.fr/ramus-meninges/dpi/">https://scilogs.fr/ramus-meninges/dpi/</a></span></em></p>
La taille de nombreuses régions du cerveau diffère selon le sexe, sans pour autant démontrer de conséquences particulières sur un fonctionnement différentiel.
Franck Ramus, Directeur de recherches CNRS, École normale supérieure (ENS) – PSL
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/164385
2021-07-21T14:22:56Z
2021-07-21T14:22:56Z
Pour en finir avec les tests de féminité aux Jeux olympiques
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/411573/original/file-20210715-21-2i69tv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=19%2C0%2C3278%2C2042&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La médaillée d'argent du 800 mètres féminin Margaret Nyairera Wambui, à gauche, serre la main de la médaillée d'or Caster Semenya sur le podium des Jeux du Commonwealth 2018 en Australie. Les deux coureuses ont refusé de prendre des médicaments réducteurs d'hormones pour pouvoir participer aux Jeux olympiques de Tokyo. </span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Mark Schiefelbein)</span></span></figcaption></figure><p>Même si les athlètes et les défenseurs des droits de la personne pensaient réussir à le faire abolir pour de bon, le test de féminité réapparaît à chaque Jeux olympiques. Or cette pratique a des effets désastreux pour les athlètes féminines du monde entier.</p>
<p>Le test a été introduit dans les années 1930 pour éliminer les <a href="https://www.cairn.info/revue-nouvelles-questions-feministes-2008-1-page-80.htm">« athlètes féminines anormales »</a>.</p>
<p>Dans les années 1960, lorsque les femmes ont commencé à s’opposer aux <a href="http://www.crdsc-sdrcc.ca/fr/documents/June_2019-In_the_Neutral_Zone_FR.pdf">« parades nues »</a> qu’imposait le test, la réponse officielle n’a pas été l’abolition, mais plutôt le remplacement de cette pratique par l’analyse hormonale.</p>
<p>Des féministes, des athlètes, des généticiens, des éthiciens et des gouvernements nationaux ont protesté, mais il a fallu attendre les années 1990 pour que la Fédération internationale d’athlétisme amateur (aujourd’hui connue sous le nom de World Athletics) et le Comité international olympique mettent fin au test.</p>
<h2>Les petits caractères</h2>
<p>Cette décision aura pourtant été de courte durée. Dans les petits caractères de ces décisions, les organes directeurs se réservaient le droit de reprendre les tests sur les femmes considérées <a href="http://www.slate.fr/story/122355/calvaire-athletes-homme-femme">« suspectes »</a>.</p>
<p>Après le triomphe de la coureuse de demi-fond sud-africaine Caster Semenya aux championnats du monde de Berlin en 2009, la World Athletics et le Comité international olympique (CIO) ont institué un test d’<a href="https://ici.radio-canada.ca/sports/1752911/hyperandrogenie-interminable-course-de-caster-semenya">« hyperandrogénie »</a> qui fixe à 10 nanomoles la quantité de testostérone naturelle qu’une femme peut posséder pour rester qualifiée.</p>
<p>En 2014, la sprinteuse indienne Dutee Chand a été montrée du doigt pour ce test et suspendue au moment où elle finalisait sa préparation pour les Jeux du Commonwealth, à Glasgow. Avec l’aide des universitaires Payoshni Mitra et Katrina Karkazis, de la Sport Authority of India et des avocats torontois Jim Bunting et Carlos Sayao, Dutee Chand a fait appel au Tribunal arbitral du sport (TAS), parfois appelé la Cour suprême du sport international. Elle a gagné.</p>
<hr>
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<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/un-an-apres-laffaire-dutee-chand-science-et-sport-le-mauvais-genre-49187">Un an après : l’affaire Dutee Chand : science et sport, le mauvais genre</a>
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</em>
</p>
<hr>
<figure class="align-center ">
<img alt="L’athlète, avec un drapeau indien drapé sur ses épaules, lève un bras pour saluer la foule." src="https://images.theconversation.com/files/409754/original/file-20210705-126479-1jetgly.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/409754/original/file-20210705-126479-1jetgly.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/409754/original/file-20210705-126479-1jetgly.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/409754/original/file-20210705-126479-1jetgly.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=412&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/409754/original/file-20210705-126479-1jetgly.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/409754/original/file-20210705-126479-1jetgly.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/409754/original/file-20210705-126479-1jetgly.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=517&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’Indienne Dutee Chand célèbre après sa deuxième place en finale du 100 mètres féminin lors des Jeux asiatiques 2018 en Indonésie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">AP Photo/Ashley Landis</span></span>
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</figure>
<p>Le TAS a annulé la suspension de Chand et la politique elle-même, sous prétexte que les preuves scientifiques présentées par l’organisme d’athlétisme n’étaient pas convaincantes. Le CIO a annulé le test et Chand et Semenya ont tous deux participé aux Jeux olympiques de Rio. En 2016, Semenya a triomphé à nouveau à l’épreuve du 800 mètres.</p>
<h2>Protection à court terme</h2>
<p>Cependant, l’optimisme selon lequel le TAS se révélerait un protecteur efficace des droits des femmes s’est avéré de courte durée. En 2018, World Athletics a imposé un seuil révisé de cinq nanomoles de testostérone naturelle pour les cinq épreuves dans lesquelles Semenya court – allant du 400 mètres au 1,6 km – et l’a rapidement suspendue. Elle aussi a fait appel devant le TAS, évoquant le motif que ses droits fondamentaux en tant que femme avaient été violés.</p>
<p>Semenya a présenté de nombreuses preuves démontrant que le test avait poussé de nombreuses autres femmes à abandonner le sport, leur avait volé leurs moyens de subsistance, les avait exposées au ridicule et au harcèlement et, dans certains cas extrêmes, les avait forcées à subir une intervention médicale inutile et irréversible, y compris une opération chirurgicale. La plupart des athlètes concernées étaient originaires des pays du Sud.</p>
<p>Elle n’a pas eu gain de cause. Si le TAS a reconnu que le nouveau règlement était discriminatoire, il a affirmé que les droits de la personne ne relevaient pas de son mandat.</p>
<p>Semenya a depuis fait appel auprès de la Cour européenne des droits de la personne, mais aucune décision n’a été annoncée.</p>
<p>La décision de World Athletics signifie que Semenya peut participer à l’épreuve du 5 000 mètres sans avoir à suivre un traitement pour réduire sa testostérone naturelle. Bien qu’elle soit l’actuelle championne sud-africaine du 5 000 mètres, <a href="https://ici.radio-canada.ca/sports/1805817/semenya-jeux-olympiques-tokyo-athletisme-5000m">elle n’a pas été en mesure de satisfaire à la norme de qualification olympique</a>. Cela signifie qu’elle ne participera pas aux Jeux de Tokyo.</p>
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<img alt="Plan rapproché de Semenya au milieu d’un groupe d’autres coureurs, à mi-course" src="https://images.theconversation.com/files/409755/original/file-20210705-35872-1gfnvu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/409755/original/file-20210705-35872-1gfnvu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/409755/original/file-20210705-35872-1gfnvu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/409755/original/file-20210705-35872-1gfnvu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/409755/original/file-20210705-35872-1gfnvu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=607&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/409755/original/file-20210705-35872-1gfnvu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=607&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/409755/original/file-20210705-35872-1gfnvu4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=607&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Caster Semenya sur le point de remporter le 5000 mètres aux championnats nationaux d’Afrique du Sud en avril. Toutefois, elle n’a pas été en mesure de respecter le temps standard olympique pour pouvoir participer aux Jeux olympiques de Tokyo.</span>
<span class="attribution"><span class="source">AP Photo/Christiaan Kotze/File</span></span>
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</figure>
<p>La persistance de ce test, malgré la condamnation du <a href="https://www.ohchr.org/Documents/Issues/Discrimination/LGBT/RES_40_5/Res40-5QuestionnaireFR.pdf">Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme</a>, de <a href="https://www.hrw.org/fr/news/2020/12/04/les-tests-de-feminite-abusifs-imposes-des-sportives-devraient-etre-supprimes">Human Rights Watch</a>, de <a href="https://www.wma.net/fr/news-post/lamm-exhorte-les-medecins-a-refuser-dappliquer-les-conditions-dadmissibilite-des-athletes-feminines-de-liaaf/">l’Association médicale mondiale</a> et de nombreux organismes scientifiques et universitaires, expose douloureusement la rhétorique vide des droits de la personne du CIO. Il n’existe aucune base scientifique, juridique ou éthique pour de tels tests.</p>
<h2>Une histoire d’ignorance</h2>
<p>Comme l’a reconnu le responsable de longue date de l’athlétisme et membre du CIO <a href="https://www.theglobeandmail.com/opinion/article-to-be-on-the-right-side-of-history-the-ioc-must-rule-out-sex-testing/">Arne Lundqvist</a> au TAS : « Il y a eu une longue histoire d’ignorance. »</p>
<p>La manière dont ces politiques ont été élaborées va à l’encontre des normes internationales en matière de vérification indépendante, de preuves et de consultation des personnes concernées.</p>
<p>Le fait que Semenya, double médaillée d’or olympique et triple championne du monde et l’une des athlètes les plus charismatiques du monde, n’ait pas été autorisée à défendre son titre de championne du 800 mètres sur la simple base de stéréotypes infondés constitue une tache sur les Jeux olympiques de Tokyo.</p>
<p>Donner le pouvoir à des organismes sportifs non responsables, conseillés par des médecins présélectionnés, d’exclure certaines femmes sur la base de leur perception personnelle de la féminité est à la fois malavisé et injuste. Le test de sexe devrait être aboli une fois pour toutes et l’auto-identification du sexe devrait devenir la base de l’éligibilité aux épreuves féminines des Jeux.</p>
<h2>Accent sur les droits de l’homme</h2>
<p>Comment abolir le test de féminité ? La solution la plus évidente est de suivre l’exemple de Semenya et de gagner les droits des femmes sous la bannière des droits de la personne. Human Rights Watch a suggéré que le CIO adopte les [principes directeurs des Nations unies] relatifs aux entreprises et aux droits de la personne, qui exigent la mise en place d’un mécanisme juridique formel pour entendre et traiter les plaintes.</p>
<p>Bien que la <a href="https://olympics.com/ioc/news/the-olympic-charter">Charte olympique</a> proclame que « la pratique du sport est un droit de la personne », le CIO n’a fourni aucun mécanisme pour faire respecter les droits de l’homme, affirmant qu’en tant qu’organisation privée, il jouit de « l’autonomie du sport » par rapport aux gouvernements et aux principes des droits de la personne. Or, de plus en plus d’études contestent cette affirmation.</p>
<p>Le CIO semble aller dans la bonne direction, en <a href="https://stillmed.olympic.org/media/Document%20Library/OlympicOrg/Documents/Olympic-Agenda-2020/Olympic-Agenda-2020-Recommendation-28-November-2016.pdf">évoquant la notion</a> d’« autonomie responsable » et en exigeant que les droits des travailleurs et des citoyens soient protégés lors de l’organisation des Jeux olympiques de 2024, à Paris, et de 2028, à Los Angeles.</p>
<p>Mais elle semble réticente à imposer des exigences ou des protections en matière de droits de la personne à Tokyo ou aux Jeux olympiques d’hiver de 2022 à Pékin. Elle continue de restreindre les droits des athlètes à la liberté d’expression dans les <a href="https://athletescan.com/fr/01-lignes-directrices-au-sujet-de-la-regle-50">révisions récemment annoncées de la règle 50</a> qui régit la conduite aux Jeux.</p>
<p>J’aimerais qu’il y ait une autre solution, mais pour mettre fin au test de féminité une fois pour toutes, nous devons d’abord gagner la bataille des droits de la personne aux Jeux olympiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/164385/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bruce Kidd est membre honoraire du Comité olympique canadien.</span></em></p>
Les tests de féminité sont reconduits à tous les Jeux olympiques. Et ce, malgré les oppositions de nombreux athlètes, féministes, généticiens, éthiciens et gouvernements nationaux.
Bruce Kidd, Professor Emeritus of Kinesiology and Physical Education, University of Toronto
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/163735
2021-07-08T17:46:36Z
2021-07-08T17:46:36Z
Pornographie en ligne : une consommation massive, un risque pour les jeunes et une urgence à réguler
<p>Le phénomène est massif, la consommation de la pornographie en ligne de plus en plus répandue, tandis qu’un Gafa du porno domine l’offre mondiale. Faut-il en parler ? Faut-il s’en émouvoir ? En parler, sans doute, même si les effets sont très mal établis, faute d’études scientifiques suffisantes.</p>
<p>S’en émouvoir sûrement si on est parent d’adolescents ou féministe, notamment. J’ai longtemps hésité avant de traiter ce sujet. Il ne fait pas sérieux pour un économiste, sans être amusant pour autant. Mais pour la société il est important car Internet a changé l’échelle du marché de la pornographie : elle relève désormais de la consommation de masse.</p>
<p>Une <a href="https://www.ofcom.org.uk/__data/assets/pdf_file/0013/220414/online-nation-2021-report.pdf">publication récente</a> du régulateur britannique des communications m’a convaincu qu’il était temps de me jeter à l’eau. Dans son enquête annuelle sur la consommation en ligne, l’Ofcom a estimé que 49 % de la population adulte du Royaume-Uni avait visité un site pornographique en septembre 2020, soit 26 millions de visiteurs uniques, soit encore un peu moins qu’Instagram mais un peu plus que Twitter.</p>
<p>Vous ne vous attendiez sans doute pas à des chiffres si élevés. Moi non plus ! Mais c’est le crédit qu’on peut leur accorder qui m’a surtout décidé. Le régulateur britannique est connu pour publier des données fiables qui reposent sur des méthodes rigoureuses. Ce qui n’est pas le cas de la plupart des chiffres qui circulent sur l’industrie du porno.</p>
<h2>Bizarreries dans les comptages</h2>
<p>Les cent milliards de dollars pour son chiffre d’affaires mondial, souvent avancés ces dernières années, offrent un bon exemple. Repris un peu partout, aussi bien <a href="https://www.latribune.fr/technos-medias/internet/sexflix-le-netflix-du-porno-prend-position-en-france-en-septembre-491428.html">dans la presse</a> que <a href="https://www.nyulawreview.org/issues/volume-94-number-6/the-second-digital-disruption-streaming-and-the-dawn-of-data-drive-creativity/">dans les revues académiques</a>, ce montant n’est aucunement digne de foi. Il est l’arrondi qui résulte de la somme de données par pays ramassées ici ou là il y a déjà plus de 15 ans par un site grand public d’agrégation d’information sur la consommation.</p>
<p>Ce comptage contient <a href="https://www.letagparfait.com/fr/2018/09/10/les-defappeurs-non-le-porno-ne-genere-pas-100-milliards-de-par-an/">plein de bizarreries</a> : le chiffre d’affaires réalisé aux États-Unis vient après celui de la Corée et du Japon ; le marché français occupe la 17<sup>e</sup> position, loin derrière les Philippines où pourtant la pornographie était à l’époque interdite et sévèrement réprimée. Pour ce pays, le chiffre utilisé est en réalité le montant estimé du marché noir, tous produits et services confondus ! Mieux vaut admettre que l’on ne connaît pas le chiffre d’affaires de la pornographie en ligne.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/409267/original/file-20210701-21-gjjzdg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/409267/original/file-20210701-21-gjjzdg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/409267/original/file-20210701-21-gjjzdg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/409267/original/file-20210701-21-gjjzdg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/409267/original/file-20210701-21-gjjzdg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/409267/original/file-20210701-21-gjjzdg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=417&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/409267/original/file-20210701-21-gjjzdg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=417&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/409267/original/file-20210701-21-gjjzdg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=417&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Fréquentation du site Pornhub au Royaume-Uni, par groupe d’âge.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ofcom.org.uk/__data/assets/pdf_file/0013/220414/online-nation-2021-report.pdf">Ofcom (septembre 2020).</a></span>
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</figure>
<p>L’étude de l’Ofcom nous apprend aussi, cette fois sans surprise, que les hommes sont archi-majoritaires (4/5 des consommateurs en nombre de visiteurs uniques) sur Pornhub, le site leader du secteur, et que la proportion de consommateurs par classes d’âge atteint son plus haut pour les jeunes adultes, 55 % pour les 18-24 ans, puis décroît progressivement jusqu’à 23 % pour les 55 et +.</p>
<p>Elle offre également un point de comparaison presque rassurant : le chiffre d’une minute de consommation de porno par jour en moyenne par adulte sur septembre 2020 pour 3 heures et demie quotidiennes passées en ligne ce même mois. Nos amis britanniques pour lesquels nous commencions à sérieusement nous inquiéter accordent d’abord leur attention à Facebook et YouTube ou même Netflix. Pareil que les Européens et les Américains.</p>
<p>Nous ne leur ferons pas l’injure de penser qu’ils diffèrent fondamentalement des autres Occidentaux en matière de consommation pornographique. Dans ce domaine, il n’y a pas de raison qu’ils soient – et se sentent – supérieurs aux non Britanniques.</p>
<p>Mais pour avoir une idée chiffrée de la consommation mondiale, l’Autorité de régulation des communications du Royaume-Uni ne nous est d’aucun secours. Il nous faut alors faire crédit au site planétaire le plus populaire, Pornhub. Sa <a href="https://www.pornhub.com/insights/tech-review">revue annuelle 2020</a> fait état d’une fréquentation mondiale de 130 millions de visites par jour.</p>
<p>Facebook est connu pour surestimer ses audiences afin de récolter plus de recettes publicitaires. Pornhub, moins surveillé et moins transparent encore, est pareillement incité à gonfler sa fréquentation. On peut cependant retenir un ordre de grandeur de quelques dizaines de milliards de visites par an.</p>
<p>Pour l’audience tous sites confondus, elle n’est pas connue mais devrait être de plus d’une centaine de milliards. En effet, Pornhub est, à ma connaissance, le seul site qui communique des données publiques d’audience. Or, d’après l’étude de l’Ofcom, la part de marché de Pornhub en nombre de visites est de 22 %. Si l’on considère que l’audience mondiale de ce site est de 30 milliards de visites et si on lui applique une part de 20 %, on obtient donc une audience de 150 milliards.</p>
<p>On peut aussi sans doute se fier à l’évolution dans le temps de la fréquentation de Pornhub – un triplement de l’audience depuis 2013, première année de publication de ses données –, pour affirmer que la consommation mondiale de la pornographie connaît une forte croissance.</p>
<p>La pandémie du SARS-CoV-2, et son cortège de confinements, l’a encore accélérée. « Pornography is booming during lockdowns » (la pornographie est en plein essor pendant les confinements), comme l’affirme une <a href="https://www.economist.com/international/2020/05/10/pornography-is-booming-during-the-covid-19-lockdowns">courte enquête</a> de <em>The Economist</em>. Pas besoin d’explication pour le comprendre.</p>
<h2>Une industrie peu profitable</h2>
<p>Pour faire bref, la consommation de pornographie est désormais un phénomène de masse. Comment en est-on en arrivé là ? Une courte explication suffit : l’accès au porno est incroyablement libre, massivement gratuit et formidablement discret. Pas besoin de s’enregistrer, de donner une adresse électronique, ni de dépenser le moindre centime pour accéder à des millions de vidéos.</p>
<p>Pas non plus l’obligation de cacher sa revue obscène entre des journaux et des magazines ordinaires ni de porter des lunettes noires et un chapeau comme en sortant d’un cinéma de X ou d’un peep-show : les sites porno sont principalement consultés à partir du téléphone mobile, l’objet le plus personnel qui soit d’aujourd’hui.</p>
<p>En réalité, ce n’est pas Pornhub qui est moins transparent que Facebook mais MindGeek, la société qui en est propriétaire. Véritable Gafa du porno – quoique qu’installée au Québec et enregistrée au Luxembourg –, MindGeek possède également d’autres sites parmi les plus fréquentés au monde, gratuits ou payants, des studios de production, une régie publicitaire électronique, des programmes en propre de collecte et de traitement de données, et des jeux pour adultes.</p>
<p>Comme ses consœurs du Far West américain, elle est donc à la fois intégrée horizontalement (plusieurs activités du même secteur) et verticalement (plusieurs activités de l’amont à l’aval), ce qui lui confère une puissance inégalée dans l’industrie du porno.</p>
<p>Mais est-elle aussi profitable ? Non, loin s’en faut. L’industrie du porno n’est pas un Eldorado. Cela tient à des sources de recettes très contraintes et à un argent cher. L’accès au marché de la publicité est restreint. Les annonceurs ne se précipitent pas pour que leurs marques apparaissent sur Pornhub ou ailleurs. Unilever y a un temps vanté ses produits de toilette pour homme <a href="https://www.bordeaux.business/pornhub-business-comme-autre/">avant de faire machine arrière</a>.</p>
<p>La pornographie conserve une trop mauvaise image dans l’opinion pour y associer son nom et les associations militantes anti-porno sont promptes à dénoncer les marques. Le modèle d’affaires fondé sur la publicité généraliste, celui de Facebook ou Google par exemple, est barré pour la pornographie. Elle est condamnée à l’endogamie : annonceurs du X pour diffuseurs de X.</p>
<p>Pornhub et les autres grandes plates-formes s’y retrouvent car elles sont avant tout des intermédiaires. Elles mettent en relation, d’une part, des studios et des sites qui cherchent des clients payants et, d’autre part, des consommateurs de pornographie. Les premiers fournissent des vidéos en accès gratuit et les seconds, des fois, s’y abonnent ou payent des séances et vidéos à la demande. Au passage la plate-forme se rémunère principalement en se faisant payer la diffusion du gratuit sur leur site ou en percevant une commission sur l’abonnement ou la prestation payante en ligne.</p>
<p>Quant à la vente de données à l’extérieur, il ne faut pas non plus y compter pour apporter des compléments de recettes. Elle reviendrait à faciliter et se faire complice de pratiques de chantage à grande échelle. Trop risqué. Au bilan, les recettes des plates-formes de X restent très modestes. Idem pour MindGeek : selon le Financial Times, son chiffre d’affaires atteignait <a href="https://www.ft.com/content/b50dc0a4-54a3-4ef6-88e0-3187511a67a2">moins d’un demi-milliard de dollars</a> en 2018.</p>
<p>L’argent est cher pour deux raisons. D’abord, les paiements sont très coûteux. Les Visa et autres MasterCard prélèvent aux marchands de porno en ligne des commissions <a href="https://w3qc.org/are-adult-websites-still-a-profitable-business/">trois à dix fois plus élevées</a> que d’ordinaire. Elles reflètent un risque lié aux fraudes, aux paiements bloqués et aux annulations qui connaissent des taux records. De nombreux opérateurs de paiement, comme American Express ou Paypal, refusent leurs solutions de paiement aux plates-formes pornographiques en invoquant ces risques.</p>
<p>Ensuite, lever de l’argent n’est pas facile et les taux d’intérêt demandés par les investisseurs qui acceptent de financer cette industrie sulfureuse sont élevés. MindGeek n’a rien à voir avec Tesla ou Amazon qui ont pu réaliser leur croissance rapide en brûlant du cash apporté par des capital-risqueurs et des actionnaires trop heureux d’en être. Selon le Financial Times encore, MindGeek, très endetté, paye à ses créanciers des taux d’intérêt de 20 % et son profit représente moins de 10 % de son chiffre d’affaires.</p>
<p>Les entrepreneurs du porno en ligne peuvent toutefois devenir riches, à l’instar de György Gattyán, fondateur d’un site de webcam pour adultes sur les rives du Danube, mais devenir alors au mieux <a href="https://www.economist.com/international/2015/09/26/naked-capitalism">l’homme le plus fortuné en Hongrie</a>, pas des États-Unis.</p>
<h2>Addiction entretenue</h2>
<p>L’accès facile et gratuit à quelques plates-formes globales qui concentrent des millions de vidéos et la consommation massive qu’il permet soulève toute une série de problèmes qui paraissent évidents, mais dont il est difficile d’apprécier quantitativement l’étendue et d’évaluer objectivement les conséquences.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/409312/original/file-20210701-21-3jup1h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/409312/original/file-20210701-21-3jup1h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/409312/original/file-20210701-21-3jup1h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1098&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/409312/original/file-20210701-21-3jup1h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1098&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/409312/original/file-20210701-21-3jup1h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1098&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/409312/original/file-20210701-21-3jup1h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1380&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/409312/original/file-20210701-21-3jup1h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1380&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/409312/original/file-20210701-21-3jup1h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1380&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le bilan de l’année 2019 du site Pornhub.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pornhub.com/insights/2019-year-in-review">Rapport annuel (2019).</a></span>
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<p>Il en va bien sûr de l’addiction. Le fond de la bouteille d’alcool ou la dernière cigarette du paquet instaurent une limite que le visionnage sur les sites de pornographie ne connaît pas. Il y a toujours une nouvelle vidéo gratuite à portée de clic et les sites payants offrent un accès illimité aux abonnés à leur catalogue d’anciens et de nouveautés, à l’instar des plates-formes de diffusion de musique ou de films et séries.</p>
<p>En 2019, le seul site de Pornhub a proposé plus d’un million d’heures de nouveau contenu. Son rapport annuel affiche avec fierté qu’il faudrait 169 ans à une personne pour les visionner non-stop. Les scènes en direct à travers des webcams sont les uniques services qui obligent à remettre de l’argent pour continuer de satisfaire sa consommation.</p>
<p>L’addiction reste bien sûr aussi entretenue par une collecte et un traitement de données qui permettent de cerner les préférences et les goûts particuliers des consommateurs et, à partir de là, mieux fabriquer des contenus qui continuent de capter leur attention. Le savoir-faire de MindGeek en matière de données est parfois <a href="https://finance.yahoo.com/news/porn-sites-collect-more-user-130045307.html">comparé à celui des plus grands</a> à l’instar de Netflix et Hulu.</p>
<p>L’ampleur du phénomène d’addiction à la pornographie en ligne et son degré de gravité restent cependant difficiles à apprécier. À défaut de statistiques, observons simplement que les centres de traitement des addictions ont désormais ouvert des consultations spécialisées pour les accros du porno.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/409311/original/file-20210701-19-1rkmp6h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/409311/original/file-20210701-19-1rkmp6h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/409311/original/file-20210701-19-1rkmp6h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/409311/original/file-20210701-19-1rkmp6h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/409311/original/file-20210701-19-1rkmp6h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/409311/original/file-20210701-19-1rkmp6h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=280&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/409311/original/file-20210701-19-1rkmp6h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=280&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/409311/original/file-20210701-19-1rkmp6h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=280&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Visionnage de contenus pornographiques en ligne par les adolescents.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://sites.uclouvain.be/reso/opac_css/doc_num.php?explnum_id=4543">Ifop (2017).</a></span>
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</figure>
<p>Un autre phénomène plus préoccupant, car nul doute qu’il soit plus massif, a trait à la consommation des adolescents (10-18 ans selon l’Organisation mondiale de la santé). D’après une enquête de l’Ifop menée en 2017 auprès d’un échantillon représentatif d’un millier d’entre eux, <a href="https://sites.uclouvain.be/reso/opac_css/index.php?lvl=notice_display&id=447723">plus de la moitié a déjà surfé sur un site pornographique</a>, dont 7 % déclarent se connecter « souvent » et 25 % « parfois ». Plus précisément, environ un tiers des garçons au moins une fois par mois dont 1 sur 10 tous les jours ou presque.</p>
<p>La première fois se situe en moyenne à 14 ans. La consommation de pornographie est donc également massive chez les adolescents. Je vous ai assommé de chiffres car, si vous êtes parent d’ado, il y a de fortes chances que vous sous-estimiez le phénomène : les parents sont <a href="https://www.actions-addictions.org/wp-content/uploads/2014/08/Sondage-synthese-version-finale-5-juin-2018.pdf">trois fois moins nombreux</a> à penser que leur progéniture consomme du porno qu’il n’y a d’enfants qui déclarent aux sondeurs consommer du porno.</p>
<p>Il n’y a pas de doute que cette consommation désormais banale exerce une influence sur la sexualité des adolescents. Selon l’Ifop toujours, près de la moitié des garçons et des filles ayant déjà eu un rapport sexuel ont essayé de reproduire des scènes ou des pratiques qu’ils ou qu’elles ont vu.</p>
<p>Il y assez peu de voix pour décerner une valeur éducative aux sites pornographiques et défendre l’idée que leur influence puisse alors être positive chez les adolescents. C’est faire en effet abstraction de l’image tronquée et déformée véhiculée par les vidéos pornographiques : aucune place au romantisme et à l’amour, absence de préliminaires et de signes d’affection, hommes hyperpuissants, femmes ramenées au rang d’objet, toujours consentantes donc sans qu’il soit besoin de le leur demander, brutalité et violence très souvent la règle, etc.</p>
<p>La science économique a mis en évidence et a même théorisé l’importance du mimétisme dans les marchés financiers, mais elle ne s’est pas aventurée à étudier le phénomène dans le cas qui nous intéresse ici. Il m’est donc difficile de me prononcer sur l’ampleur des effets négatifs de la consommation des adolescents. À ma connaissance, mais elle reste sommaire, mes collègues de sciences humaines n’ont pas l’air d’être beaucoup plus avancés sur la question. Elle me semble donc rester encore aujourd’hui sans réponse solide.</p>
<p>Il n’y a en revanche pas débat sur les ravages pour les enfants et les adolescents filmés. Bien que la pédopornographie soit quasi-universellement condamnée et poursuivie, elle ne se cantonne pas à l’Internet clandestin. Une <a href="https://www.nytimes.com/2020/12/04/opinion/sunday/pornhub-rape-trafficking.html">enquête</a> du New York Times a montré en 2020 qu’il était parfaitement possible de rechercher et de trouver sur Pornhub des vidéos impliquant des moins de 18 ans et que le site hébergeait, entre autres atrocités, des séquences filmées de viol et de frappe d’enfants.</p>
<p>Le Gafa du porno a rapidement réagi en supprimant plusieurs millions de vidéos de son catalogue, les vidéos qui avaient été téléchargées par des personnes privées ou des professionnels sur ses serveurs sans qu’aucun contrôle et filtrage n’ai jamais été exercé.</p>
<p>Il reste cependant difficile de savoir quelles mesures de vérification ont été prises depuis, ainsi que leur efficacité. L’article du New York Times avançait le chiffre de 80 modérateurs de contenu dans le monde pour l’ensemble des sites de MindGeek. Ils sont 15 000 chez Facebook. Facebook qui s’était vu reproché par un professeur des écoles d’avoir fermé son compte après qu’il y eut affiché une <a href="https://www.telerama.fr/medias/facebook-vs-lorigine-du-monde-la-justice-considere-quil-y-a-eu-faute,-mais-ne-condamne-pas,n5528912.php">reproduction de <em>L’origine du monde</em> de Gustave Courbet</a>. Le Tribunal de grande instance de Paris saisi par l’affaire a donné tort à l’entreprise californienne. N’y aurait-il pas des combats et priorités plus urgentes ?</p>
<h2>Comment réguler ?</h2>
<p>Arrêtons-là la liste déprimante des effets négatifs de la pornographie en ligne (sans prétendre, hélas, les avoir tous cités) pour s’interroger sur les mesures de politique publique à prendre, en d’autres termes sur la régulation à mettre en œuvre.</p>
<p>Cette partie ne sera cependant pas très longue. Avant de savoir s’il convient de réglementer pour résoudre tel ou tel problème, il est en effet nécessaire d’en connaître l’ampleur. Une réglementation qui peut être coûteuse à mettre en œuvre et à faire respecter n’est justifiée que devant l’étendue et la gravité des effets à corriger et à éliminer.</p>
<p>Or, comme nous l’avons vu, ils sont très mal connus et mesurés. Il y a une surabondance de croyances et peu de connaissances avérées. Pour certains, à l’instar d’un journaliste américain qui se vante d’<a href="https://www.psychologytoday.com/ca/blog/all-about-sex/200904/does-pornography-cause-social-harm">écrire sur la sexualité depuis 36 ans</a>, la pornographie ne cause aucun dommage social, ce qui réglerait alors la question.</p>
<p>Viennent à l’appui de sa thèse des pseudo-travaux qui montreraient, contrairement aux clichés, une moindre consommation de pornographie chez les violeurs ou les maris qui divorcent. Pour d’autres, la pornographie est à bannir car elle crée des <a href="https://nofap.com">désordres physiques quasi irréversibles</a> et est une des principales causes des violences contre les femmes. Là encore, les arguments reposent sur des croyances plutôt que sur des résultats d’études bien menées et des liens de causalité établis.</p>
<p>Mais comment pourrait-il en être autrement quand elles manquent en nombre mais aussi et surtout en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0272735820301136">qualité</a> ? On ne sait finalement <a href="https://theconversation.com/incidences-de-la-pornographie-sur-les-comportements-ou-en-est-la-recherche-117133">pas grand-chose</a>.</p>
<p>En attendant de disposer de connaissances suffisantes, le principe de précaution pourrait justifier l’intervention publique. Mais pour éviter de trop mal faire, il serait nécessaire d’étudier, de comparer et d’évaluer les réglementations qui existent déjà. Mais, là encore, les travaux manquent.</p>
<p>Prenons les mesures pour limiter l’accès des plates-formes pornographiques aux adolescents. Il y en a de toutes sortes, l’obligation de déclarer être âgé de plus de dix-huit ans, le blocage des sites, le contrôle parental, la sensibilisation des parents, etc. Mais on ne sait pas ce qui marche, et lorsque cela ne marche pas, à l’exemple de l’initiative du Royaume-Uni abandonnée après plusieurs années d’un système de vérification de l’âge, on ne sait pas pourquoi…</p>
<p>Il existe de nombreuses études de synthèse et recherches sur les meilleures façons de réguler les réseaux électriques et de télécommunications, je n’ai rien trouvé sur la régulation de la pornographie en ligne. Mais ai-je peut-être insuffisamment cherché ?</p>
<p>Voilà, je me suis lancé et j’espère que ce n’était pas inutile d’apporter ces informations. Je pourrais conclure logiquement en appelant mes collègues économistes et de sciences humaines à plus s’intéresser à ce sujet, en particulier ceux qui travaillent déjà sur la drogue, la prostitution ou le jeu d’argent et donc connaisseurs de phénomènes analogues et des régulations pour les limiter. Mais je ne le ferai pas car je suis moi-même décidé à ne pas lui consacrer plus de temps. Trop déprimant, peu gratifiant et pas du tout amusant.</p>
<hr>
<p><em>François Lévêque vient de publier chez Odile Jacob « <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-lere-des-entreprises-hyperpuissantes-touche-t-elle-a-sa-fin-157831">Les entreprises hyperpuissantes</a> – Géants et Titans, la fin du modèle global ? »</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163735/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Lévêque ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les phénomènes d’addiction ou les impacts négatifs sur la sexualité des adolescents semblent difficiles à endiguer tant l’offre en ligne est aujourd’hui pléthorique et facile d’accès.
François Lévêque, Professeur d’économie, Mines Paris
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tag:theconversation.com,2011:article/163213
2021-06-24T17:30:50Z
2021-06-24T17:30:50Z
« Les mots de la science » : T comme testostérone
<p>Anthropocène, intersectionnalité, décroissance… Ce jargon vous dit quelque chose, bien sûr ! Mais parfois, nous utilisons ces mots sans bien savoir ce qu’ils veulent dire. Dans les Mots de la Science, on revient donc sur l’histoire et le sens de ces mots clés avec des chercheuses et chercheurs capables de nous éclairer.</p>
<p>L’épisode du jour est dédié à la testostérone, une hormone très souvent associée à des comportements dits masculins voire virils et convoquée pour expliquer l’agressivité, l’appétit sexuel, ou encore la compétition. Pour comprendre enfin ce qu’est la testostérone, ce qu’on en sait vraiment, comment elle influence nos corps et nos comportements, nous recevons la neurobiologiste Catherine Vidal.</p>
<p>Catherine Vidal est directrice de recherche honoraire à l’Institut Pasteur et membre du comité d’éthique de l’Inserm. Depuis toujours intéressée par les rapports entre science et société, les questions de déterminisme en biologie, les rapports entre cerveau, sexe et genre, elle a écrit de nombreux ouvrages sur ces sujets dont <a href="https://www.belin-editeur.com/cerveau-sexe-et-pouvoir#anchor1"><em>Cerveau, sexe et pouvoir</em></a> (Belin, 2015), et <a href="https://www.belin-editeur.com/nos-cerveaux-tous-pareils-tous-differents#anchor1"><em>Nos cerveaux, tous pareils, tous différents</em></a> (Belin, 2017).</p>
<iframe src="https://embed.acast.com/5f63618a37b1a24c4ff25896/60b88d3ee24996001a14b7f8?cover=true" frameborder="0" allow="autoplay" width="100%" height="110"></iframe>
<p><iframe id="tc-infographic-580" class="tc-infographic" height="100" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/580/79c5a87fdceb1b0efb535b241695d9bb89f1bb67/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Bonne écoute !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163213/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Hormone dite de l’agressivité, de la compétition… La testostérone a du mal à s’extraire de ces mythes ! Il est temps de faire le point sur ce que la science a vraiment mis à jour.
Catherine Vidal, Neurobiologiste, membre du Comité d’éthique de l’Inserm, Inserm
Iris Deroeux, journaliste , The Conversation France
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tag:theconversation.com,2011:article/161126
2021-06-03T19:51:15Z
2021-06-03T19:51:15Z
« Sexualités, un regard philosophique » : le féminin et le masculin, clés de compréhension du monde
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/401678/original/file-20210519-17-1oa7uk1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C998%2C663&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Nous sommes tous jusqu’ici nés d’une femme, et issus d’une relation, si ce n’est hétérosexuelle, à tout le moins hétérosexuée féconde.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><em>« In extenso », des podcasts en séries pour faire le tour d’un sujet.</em></p>
<hr>
<p>Mouvement NoGender, procréation médicalement assistée, gestation pour autrui, et même bébés génétiquement modifiés en Chine, voire transhumanisme… Les sexualités n’ont jamais semblé autant bouleversées qu’aujourd’hui, ni les débats aussi vifs.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/401668/original/file-20210519-17-1rhnc82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/401668/original/file-20210519-17-1rhnc82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/401668/original/file-20210519-17-1rhnc82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=931&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/401668/original/file-20210519-17-1rhnc82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=931&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/401668/original/file-20210519-17-1rhnc82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=931&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/401668/original/file-20210519-17-1rhnc82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1169&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/401668/original/file-20210519-17-1rhnc82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1169&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/401668/original/file-20210519-17-1rhnc82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1169&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Phénoménologie des sexualités : la modernité et la question du sens.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Éditions L’Harmattan</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour le philosophe Laurent Bibard, auteur d’une <em>Phénoménologie des sexualités</em> aux Éditions L’Harmattan, l’évolution de la conception des notions de « féminin » et de « masculin » au travers de l’histoire peut permettre de mieux saisir les enjeux actuels.</p>
<p>Matrices de la vie politique ou encore économique, les sexualités, éclairées tant par les lumières de la pensée occidentale qu’orientale, doivent, selon lui, nous aider à comprendre qui nous sommes et le sens de ce que nous voulons être.</p>
<p>Quelle place pour le « féminin » et le « masculin » dans une époque marquée par la croyance dans le pouvoir de la technologie pour contrôler la nature ? Comment peuvent-elles offrir des clés d’analyse pertinentes pour comprendre notre monde ? Éléments de réponse dans ce premier épisode.</p>
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<p><iframe id="tc-infographic-569" class="tc-infographic" height="10/" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/569/0f88b06bf9c1e083bfc1a58400b33805aa379105/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<hr>
<p><em>Conception, Thibault Lieurade. Production, Romain Pollet</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161126/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
La présupposition contemporaine du contrôle de la nature par les technologies a tendance à nous faire oublier que nous sommes, femmes et hommes, faits de féminin et de masculin.
Laurent Bibard, Professeur en management, titulaire de la chaire Edgar Morin de la complexité, ESSEC
Thibault Lieurade, Chef de rubrique Économie + Entreprise, The Conversation France
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/144584
2020-11-19T23:28:39Z
2020-11-19T23:28:39Z
Entre sexe biologique et sexe symbolique : une pensée du monde complexe durant l'Antiquité
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/370388/original/file-20201119-17-13s6cxd.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C2%2C1447%2C965&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sceau et empreinte de sceau daté du XIVe s. av. J.-C. provenant d’Ougarit (Syrie) conservés au Musée du Louvre (Paris) © Gransard-Desmond, 2004. </span> <span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science 2020 (du 2 au 12 octobre 2020 en métropole et du 6 au 16 novembre en Corse, en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition a pour thème : « Planète Nature ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>Depuis le Paléolithique jusqu’à aujourd’hui, si tout ou partie d’une image peut fournir des informations sur la date et la culture qui l’a réalisée, peut-elle également fournir d’autres informations ? Une image ou une partie de celle-ci peut-elle fournir un récit compréhensible par tous, de ce qui est représenté, de la raison pour laquelle cela est représenté et, au-delà, de ce que cela nous apprend sur la culture des populations qui nous ont laissé ces représentations ? Aujourd’hui les images peuvent nous apporter toutes ces informations grâce à <a href="https://www.barpublishing.com/etude-sur-les-canidae-des-temps-prepharaoniques-en-egypte-et-au-soudan.html">« la méthode iconogénétique »</a>. En rassemblant les différents éléments qui vont révéler la spécificité de chaque élément de l’image, leur séquence génétique iconographique (SGI), leur « ADN », une image va nous en apprendre beaucoup sur les artisans et les artistes qui l’ont réalisée.</p>
<h2>L’exemple des représentations des bovins et des félins de l’Âge du Bronze syrien (IIIᵉ-IIᵉ millénaire av. J.-C.)</h2>
<p>La première difficulté à laquelle est confrontée l’iconologue, c’est-à-dire le scientifique qui étudie les images, est d’arriver à identifier la représentation qu’il étudie. Comment savoir si la représentation est celle d’un être humain, d’un animal, d’une plante ou de tout autre chose ?</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/368633/original/file-20201110-13-1i9ebm0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/368633/original/file-20201110-13-1i9ebm0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/368633/original/file-20201110-13-1i9ebm0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=634&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/368633/original/file-20201110-13-1i9ebm0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=634&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/368633/original/file-20201110-13-1i9ebm0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=634&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/368633/original/file-20201110-13-1i9ebm0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=797&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/368633/original/file-20201110-13-1i9ebm0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=797&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/368633/original/file-20201110-13-1i9ebm0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=797&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La méthode iconogénétique avec l’exemple d’un détail de la peinture de l’Investiture de Mari (Syrie) conservée au Musée du Louvre (Gransard-Desmond, 2004).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>C’est l’établissement de critères issus d’un échange entre l’iconologue et d’autres spécialistes qui le permettra. Dans le domaine de l’iconologie animale, il s’agira de spécialistes travaillant sur les animaux comme des zoologues, éthologues, paléozoologues, archéozoologues, mais également des éleveurs, des vétérinaires, des zootechniciens, etc.</p>
<p>Cette méthode que j’ai nommée méthode iconogénétique permet de définir des critères précis et critiquables qui sont seuls capables de fournir une identification démontrée d’une part et qui d’autre part pourra être reprise par d’autres iconologues. <a href="https://ixtheo.de/Record/654417172">Grâce à cette méthode</a>, il est possible de corriger des identifications déjà réalisées par le passé. C’est ainsi qu’il s’est avéré que les artisans de la Syrie de l’Âge du Bronze produisaient plus de représentations asexuées (60 %) que sexuées avec seulement 35 % de bovins mâles et 4 % de bovins femelles.</p>
<h2>Vers de nouvelles connaissances</h2>
<p>À ces résultats quantitatifs, la reprise des identifications a mis en évidence des associations passées jusque-là inaperçues. Pourquoi un artisan de l’Âge du Bronze, qui sait représenter un animal de façon naturaliste, irait-il rendre cette représentation illisible ? Aujourd’hui que la question du genre dans nos sociétés fait ressortir des associations diversifiées au-delà de l’hétérosexualité, il est intéressant de constater que nous n’étions pas les premiers à vouloir afficher une variété de possibles.</p>
<p>Les représentations d’Ishtar, d’Anat et d’Astarté en fournissent de bons exemples. Ces trois déesses qui n’en forment qu’une, tout en présentant chacune certaines nuances, offrent un symbolisme témoignant d’une compréhension complexe du monde. Déesses de l’amour et de la guerre, elles portent généralement des emblèmes caractéristiques des symboles masculins : tiare à cornes, animaux sauvages, armes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/368634/original/file-20201110-21-1or2gzi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/368634/original/file-20201110-21-1or2gzi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/368634/original/file-20201110-21-1or2gzi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/368634/original/file-20201110-21-1or2gzi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/368634/original/file-20201110-21-1or2gzi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/368634/original/file-20201110-21-1or2gzi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/368634/original/file-20201110-21-1or2gzi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Sceau et empreinte de sceau daté du XIVᵉ siècle. av. J.-C. provenant d’Ougarit (Syrie) conservés au Musée du Louvre (Gransard-Desmond, 2004).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le sceau-cylindre d’Ougarit (ci-dessus), daté du XIVᵉ siècle av. J.-C., et les fragments de terre cuite provenant du temple d’Astarté à Emar (ci-dessous), datés du XVIᵉ-XIIᵉ siècle av. J.-C., témoignent de cette complexité. Sur le sceau-cylindre, la déesse, reconnaissable à sa tiare à cornes, est assise sur un bovin mâle et un lion mâle, pendant que ce même lion mâle sert de support, avec un lion femelle, à un autre personnage. Sur les fragments de terre cuite d’Emar, les animaux reconnaissables comme des lions avec leurs crinières présentent pourtant des organes génitaux fort différents : l’un dispose de testicules alors que l’autre dispose d’une vulve. La question se pose alors de savoir s’il était question de représenter deux lions mâles avec un symbolisme masculin et féminin, ou d’un lion mâle et d’un lion femelle avec des attributs masculins.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/368635/original/file-20201110-19-168tf4s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/368635/original/file-20201110-19-168tf4s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/368635/original/file-20201110-19-168tf4s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=227&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/368635/original/file-20201110-19-168tf4s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=227&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/368635/original/file-20201110-19-168tf4s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=227&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/368635/original/file-20201110-19-168tf4s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=286&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/368635/original/file-20201110-19-168tf4s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=286&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/368635/original/file-20201110-19-168tf4s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=286&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Fragments en argile du temple d’Astarté à Emar (Syrie), XVIᵉ-XIIᵉ siècle av. J.-C., conservés au musée d’Alep (Syrie)</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mission archéologique de Meskéné/Emar, B. Muller, 2002</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette ambivalence sexuelle se retrouve dans les textes au sujet de l’Ishtar mâle et de l’Ishtar femelle. Enfin, l’association bovin/divinité mâle et félin/divinité femelle est mise à mal par l’association de déesses (Ishtar ou ‘Anat) avec des félins comme avec des bovins. Les vestiges sont nombreux qui en attestent directement (sceaux-cylindres, peinture de l’Investiture, modelages, etc.) et indirectement (vestiges contenant félins et bovins dans le temple d’Ishtar) à Mari comme à Ebla (stèle d’Ebla).</p>
<p>Enfin, cette ambivalence n’est pas le propre de la Syrie de l’Âge du Bronze. Elle se retrouve en Irak avec la figurine de Tell Khafadje datée de 2 400 av. J.-C. qui fut découverte in situ dans le temple VI de Nintu, à l’intérieur de l’autel. En l’absence d’une approche iconogénétique et selon un consensus qui a longtemps prévalu, cette figurine aurait représenté un bovin mâle. En effet, la tiare à cornes et la barbe correspondent généralement à des attributs assignés à des représentations de sexe mâle. Cependant, dans ce cas, la présence de pis démontre que l’artisan a souhaité donner une autre dimension à son œuvre. S’agit-il d’un bovin femelle avec des attributs masculins, d’un bovin mâle avec des attributs féminins ou encore d’un neutre dont la fonction est d’associer des attributs masculins et féminins pour illustrer un tout ?</p>
<h2>Au-delà d’une pensée binaire du monde</h2>
<p>En l’état, la question demeure, mais elle met en évidence un jeu entre sexe biologique et sexe symbolique dont les interactions dépassent une simple représentation duelle du monde pour s’inscrire dans un schéma où :</p>
<ul>
<li><p>il y a dissociation entre sexe biologique, avec ses représentants mâles, châtrés, femelles, et symboliques, avec ses représentants masculin, neutre, féminin</p></li>
<li><p>il y a apparition de la notion d’asexué ; c’est-à-dire ni mâle, ni châtré, ni femelle</p></li>
<li><p>il y a croisement ou non de chacun de ces différents aspects donnant un sens spécifique à la représentation qui peut ou non dépasser le seul critère esthétique ou naturaliste.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/368636/original/file-20201110-15-cw3n1r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/368636/original/file-20201110-15-cw3n1r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/368636/original/file-20201110-15-cw3n1r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/368636/original/file-20201110-15-cw3n1r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/368636/original/file-20201110-15-cw3n1r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/368636/original/file-20201110-15-cw3n1r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/368636/original/file-20201110-15-cw3n1r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/368636/original/file-20201110-15-cw3n1r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Schéma de la complexité de la pensée syrienne de l’Âge du Bronze Gransard-Desmond, 2006.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette ambivalence sexuelle met en évidence le jeu sur le caractère biologique et symbolique des sexes qui oblige à concevoir qu’une représentation asexuée a une signification qui biologiquement dépasse la représentation d’un être défini par ses marques ou ses organes génitaux. Ne pas sexuer une représentation est donc une démarche volontaire pouvant figurer la représentation d’une entité idéale intégrant l’ensemble des qualités mâles et femelles dans une évocation symbolique qui reste à définir pour chaque représentation.</p>
<p>Cette iconographie révèle ainsi la pensée complexe, non seulement de la culture de la Syrie de l’Âge du Bronze, mais potentiellement de toutes celles du Proche-Orient de cette époque. <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Albums-Beaux-Livres/Des-lions-et-des-hommes">En jouant sur le sexe biologique et le sexe symbolique des animaux</a>, ces civilisations nous ont laissé un témoignage de leur haut niveau d’abstraction et d’une connaissance du monde plus complexe que nous ne pouvions l’imaginer jusqu’alors.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/144584/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Olivier Gransard-Desmond est Directeur de recherches chez ArkéoTopia, une autre voie pour l'archéologie, Chercheur associé au laboratoire CNRS Archéologie et Archéométrie (UMR 5138)</span></em></p>
En jouant sur le sexe biologique et le sexe symbolique des animaux, nos ancêtres nous ont laissé un témoignage d'une connaissance du monde plus complexe que nous ne pouvions l'imaginer jusqu'alors.
Jean-Olivier Gransard-Desmond, Docteur ès science historique et archéologique, École pratique des hautes études (EPHE)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/150485
2020-11-19T23:17:49Z
2020-11-19T23:17:49Z
Regarder du porno est-il mauvais pour la santé ? Cinq experts répondent
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/370470/original/file-20201119-18-18ikcrk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=89%2C26%2C5897%2C3967&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les sites « pour adultes » ont fait beaucoup parler d’eux pendant le premier confinement.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Pendant le confinement dû au coronavirus, le taux de visionnage de films pornographiques aurait grimpé en flèche, certains sites « pour adultes » entretenant le buzz en proposant un accès gratuit à leurs contenus pendant la durée de l’isolement.</p>
<p>Peut-être vous êtes-vous demandé à cette occasion si la consommation de contenus pornographiques pouvait avoir des effets délétères sur la santé ?</p>
<p>Nous avons posé la question à cinq experts.</p>
<hr>
<h2>Trois experts sur cinq ont répondu oui</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/345928/original/file-20200707-27837-n0addf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/345928/original/file-20200707-27837-n0addf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=99&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/345928/original/file-20200707-27837-n0addf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=99&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/345928/original/file-20200707-27837-n0addf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=99&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/345928/original/file-20200707-27837-n0addf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=125&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/345928/original/file-20200707-27837-n0addf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=125&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/345928/original/file-20200707-27837-n0addf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=125&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les principales préoccupations des experts interrogés portent sur le fait que la pornographie engendre des attentes irréalistes, qu’elle met en scène la violence sexiste et qu’elle peut comporter un risque de dépendance.</p>
<p>Certains experts ont cependant aussi suggéré que ces préjudices potentiels peuvent être désamorcés grâce à une éducation à la sexualité appropriée, et que dans certains cas, la pornographie peut jouer un rôle positif, notamment pour les jeunes LGBTIQ+ qui peinent à trouver des informations sur la sexualité par des voies classiques.</p>
<p>Voici leurs réponses détaillées :</p>
<p><iframe id="tc-infographic-548" class="tc-infographic" height="400px" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/548/bfde445540a866080ea944fe0eada641197b6ad6/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/150485/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Si certains experts s’inquiètent des attentes irréalistes que peut créer le porno, de sa violence sexiste, et de son potentiel addictif, d’autres pensent que l’éducation peut contrer ces méfaits.
Lionel Cavicchioli, Chef de rubrique Santé + Médecine, The Conversation France
Liam Petterson, Deputy Politics Editor, The Conversation Australia
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/147494
2020-10-13T18:11:23Z
2020-10-13T18:11:23Z
« Dette de sexe » : pourquoi les femmes se sentent parfois obligées d’accepter des rapports non désirés
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/362226/original/file-20201007-22-1x43u3q.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=55%2C40%2C3289%2C2187&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les assignations et rôles de genre contraignent souvent les femmes à accepter les 'faveurs' ou propositions d'hommes sans avoir vraiment envie de s'engager dans un échange sexuel.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/restaurant-homme-costume-barre-4694280/">cottonbro/pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Un homme qui paye un verre ou un repas à une femme, ou lui offre l’hébergement à la suite d’une sortie en discothèque, a-t-il forcément des attentes sexuelles ? C’est en tout cas ce que pensent les jeunes femmes rencontrées dans le cadre d’une <a href="http://www.hets-fr.ch/fr/recherche/projets/projets-termines">recherche menée en Suisse sur les transactions sexuelles</a>, c’est-à-dire, des expériences d’ordre sexuel associées à un échange financier, matériel et/ou symbolique.</p>
<p>Face à de telles attentions, elles sont plusieurs à avoir parfois consenti à s’engager dans des expériences sexuelles (baisers, caresses, sexe oral, relation sexuelle) avec des hommes sans forcément en avoir envie, mais par sentiment de redevabilité. Ce sentiment de redevabilité a également été exprimé par quelques jeunes hommes dans le cadre de relations homosexuelles.</p>
<p>Dans cet article nous faisons cependant le choix de nous concentrer sur les relations hétérosexuelles, où cette logique est ressortie de façon plus marquée.</p>
<p>Les jeunes femmes rencontrées expliquent que, si elles ont accepté, ce n’est pas parce qu’elles n’arrivent pas à dire non, mais parce qu’elles auraient dû se douter qu’en acceptant ces faveurs, elles créeraient des attentes sexuelles chez eux.</p>
<h2>Des hommes toujours désirants et des femmes toujours sexuellement disponibles ?</h2>
<p>La sexualité, comme d’autres pratiques sociales, peut être comprise comme un espace où les rapports de sexe <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2013-1-page-93.htm">se matérialisent</a>.</p>
<p>Si les jeunes femmes interrogées se sentent davantage redevables de sexe que les jeunes hommes, c’est qu’elles et ils sont soumis à des attentes de comportements lié un système de représentations binaires de la sexualité appelé « l’hétéronormativité ».</p>
<p>Dans ce système, le sexe correspond au genre et l’<a href="https://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-trouble_dans_le_genre-9782707150189.html">hétérosexualité est la norme</a>.</p>
<p>Dans cette logique, les rôles sexuels des hommes et des femmes sont compris comme étant différents et complémentaires : la sexualité masculine est caractérisée par l’assertivité, la performance sexuelle, la virilité et le désir sexuel associé aux besoins physiologiques. La sexualité féminine, d’ordre relationnel, est liée à <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Enquete_sur_la_sexualite_en_France-9782707154293.html">l’affectivité et à la conjugalité</a>.</p>
<p>Plusieurs études montrent que ces représentations sont profondément encore aujourd’hui majoritaires dans nos sociétés.</p>
<p>Selon une <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Enquete_sur_la_sexualite_en_France-9782707154293.html">enquête française</a>, 73 % des femmes et 59 % des hommes français adhèrent à la croyance selon laquelle « par nature, les hommes ont plus de besoins sexuels que les femmes ». Toujours selon cette enquête, cette croyance a des incidences sur les pratiques sexuelles des femmes qui reconnaissent accepter davantage d’avoir des rapports sexuels sans en avoir envie.</p>
<p>Une recherche menée en Suisse auprès de jeunes âgé·e·s de 26 ans en moyenne révèle que 53 % des femmes interrogées ont accepté des relations sexuelles <a href="https://www.iumsp.ch/Publications/pdf/rds291_fr.pdf">sans désir</a>.</p>
<h2>Des « dettes » de sexes</h2>
<p>Les résultats de notre étude vont dans le même sens et mettent en exergue que l’ordre hétéronormatif engendre ce qu’on peut appeler des <a href="https://www.cairn.info/revue-journal-des-anthropologues-2019-1-page-197.htm">« dettes de sexe »</a>.</p>
<p>Du côté des jeunes femmes, nos analyses montrent que si elles se retrouvent plus souvent que les jeunes hommes à accepter des transactions sexuelles non-souhaitées, c’est parce que dans « l’ordre du genre », la sexualité féminine est posée comme une « dette de sexe » qui les amène à se sentir redevables face aux attentes sexuelles des hommes.</p>
<p>Or, en consentant à des transactions sexuelles sans forcément le désirer, les femmes confirment aux hommes leur propre « dette de sexe », qui est celle d’assurer une sexualité assertive, déterminée et désirante, et qui les amène parfois à faire preuve d’un (apparent) détachement face aux demandes des femmes.</p>
<p>Ainsi, femmes et hommes se rejoignent dans la complémentarité de leurs « dettes de sexe », mais dans un rapport hiérarchisé : les femmes pensent ne pas avoir d’autre choix que d’offrir leur sexualité en réponse aux attentes présumées des hommes, auxquels elles confirment qu’ils n’ont pas d’autre choix que de se montrer désirants, disponibles sexuellement et performants.</p>
<p>De ce fait, elles et ils reproduisent, sans forcément le vouloir, l’<a href="https://www.armand-colin.com/les-jeunes-et-lamour-dans-les-cites-9782200351151">« ordre du genre »</a>.</p>
<h2>Le consentement : un processus de négociation</h2>
<p>Les expériences sexuelles s’inscrivent dans un rapport de négociation réciproque où, selon la situation, tout n’est pas joué d’avance. Dans le cas que nous analysons, les jeunes conservent une certaine liberté, qui leur permet de négocier la suite de la transaction, malgré le sentiment de redevabilité qui peut intervenir.</p>
<p>Notamment, certaines jeunes femmes ont affirmé trouver quelques avantages à ces relations sexuelles non désirées, qui peuvent être d’ordre matériel (hébergement, nourriture, etc.) et/ou symbolique (sentiment de reconnaissance, protection, etc.). D’autres jeunes femmes refusent de se conformer aux attentes liées à leur genre et adoptent des comportements plutôt associés au genre masculin, en se montrant par exemple assertives à la fois sur le plan verbal et dans l’attitude ou encore en exprimant clairement leurs limites et en laissant peu de place à l’implicite et aux malentendus.</p>
<p>Ces stratégies n’ont toutefois souvent qu’un effet limité, car elles consistent à changer le comportement des femmes, sans remettre en question l’ordre hétérosexuel au sein duquel prennent place ces comportements.</p>
<p>Ces résultats montrent que le consentement sexuel est un processus complexe qui ne se réduit pas à dire « oui » ou « non » et que « accepter » ne signifie pas forcément « avoir envie ».</p>
<p>Ainsi, le sentiment de redevabilité est révélateur des logiques associées à un « ordre de genre » fondé sur l’hétéronormativité. Cela étant,le consentement sexuel ne relève pas de la seule responsabilité individuelle, notamment celle des femmes, d’affirmer ses droits. Nos conclusions invitent à comprendre le consentement sexuel comme un processus de négociation, entre conformité aux normes de genre et capacité de négocier des individus.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147494/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Myrian Carbajal receives funding from Oak Foundation.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Annamaria Colombo receives funding from Oak Foundation.</span></em></p>
Une recherche récente montre que de nombreuses jeunes femmes consentent à un échange sexuel non par envie mais par sentiment de redevabilité.
Myrian Carbajal, Professeure, Haute école du travail social , Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO)
Annamaria Colombo, Professeure, Haute école de travail social Fribourg, Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/142079
2020-07-08T21:46:16Z
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Vibromasseur, bondage, sado-masochisme… de la libération à la « pornification » de la sexualité
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/345763/original/file-20200706-3947-l0nmly.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C0%2C1185%2C801&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">D’ici 2024, le marché mondial du bien-être sexuel devrait atteindre 39&nbsp;milliards de dollars.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Alexkoral / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les filles et les femmes sont-elles plus libérées sexuellement que jamais ? C’est ce que suggère le <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=GFsvDwAAQBAJ">succès</a> de certains produits : des vibromasseurs aux accessoires de bondage, le marché sexualisé a transformé les pratiques sexuelles transgressives en affaires domestiques quotidiennes.</p>
<p>Mais cette liberté sexuelle est-elle vraiment libératrice ? Ou transforme-t-elle les femmes d’objets sexuels de désir masculin en sujets sexuels à part entière ?</p>
<p>Telles sont les questions que nous avons cherchées à explorer dans notre <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1470593120926240">étude</a> sur la vie sexuelle et intime des jeunes femmes, à travers une série d’entretiens approfondis. Au cours de ces entretiens, qui se sont déroulés dans un état du sud des États-Unis, nous avons été frappées par la façon dont les relations sexuelles et intimes des femmes reflètent les tendances à la « pornification », notamment en ce qui concerne les relations soumission/domination.</p>
<h2>De <em>Sex and the City</em> à <em>365 jours</em></h2>
<p>Les dernières décennies ont vu l’émergence d’une <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1363460718781342">industrie érotique orientée vers les femmes</a>, avec des boutiques érotiques sensibles à la mode, un marché pour les créateurs de jouets sexuels de marque et une attirance sur les pratiques sexuelles risquées et taboues dans la culture populaire, les manuels de sexe, les blogs ou les podcasts.</p>
<p>D’ici 2024, le marché mondial du bien-être sexuel (jouets sexuels, lubrifiants, lingerie exotique, etc.) devrait atteindre <a href="https://www.reportbuyer.com/product/5151520/sexual-wellness-market-global-outlook-and-forecast-2019-2024.html">39 milliards de dollars</a>. Ce chiffre est renforcé par l’industrie de la pornographie en ligne, dont la valeur est actuellement estimée à <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2018/dec/30/internet-porn-says-more-about-ourselves-than-technology">15 milliards de dollars</a>.</p>
<p>Ensemble, ces tendances reflètent cette <a href="https://www.nytimes.com/2005/09/11/books/review/pornified-dirty-minds.html">« pornification » de la culture</a>, par laquelle les thèmes et récits pornographiques s’intègrent dans les textes populaires, mettant en évidence et normalisant certains types de sexualité.</p>
<p>Les exemples contemporains de pornographie remontent aux années 1990, après la première de HBO’s <em>Sex and the City</em> (1998-2004), qui a normalisé le sexe occasionnel et popularisé les jouets sexuels, comme le vibrateur haut de gamme Rabbit, pour <a href="http://shura.shu.ac.uk/2763/">toute une génération de femmes</a>. C’est l’un des premiers cas où le sexe a été réimaginé comme étant libérateur, quelque chose que les femmes font pour se faire plaisir à elles plutôt qu’à leurs homologues masculins.</p>
<p>La commercialisation consécutive, des cours de pole dance aux talons aiguilles, plates-formes de rencontre et guides sexuels du kamasutra, a depuis refondu la sexualité de manière à célébrer ostensiblement l’autonomie, la féminité et le <a href="https://www.researchgate.net/publication/274704981_Technologies_of_Sexiness_Sex_Identity_and_Consumer_Culture">pouvoir sexuel des femmes</a>. En 2011, le premier épisode des <em>Cinquante nuances de Grey</em> (<em>Fifty Shades of Grey</em>) trilogie érotique popularisant le BDSM – une abréviation condensée de bondage et discipline, domination et soumission, sadisme et masochisme – a fait son apparition pour devenir le livre le <a href="https://www.nbcnews.com/pop-culture/books/fifty-shades-grey-was-best-selling-book-decade-n1105731">plus vendu</a> de la décennie.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/344500/original/file-20200629-155353-16oxa5s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/344500/original/file-20200629-155353-16oxa5s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/344500/original/file-20200629-155353-16oxa5s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/344500/original/file-20200629-155353-16oxa5s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/344500/original/file-20200629-155353-16oxa5s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/344500/original/file-20200629-155353-16oxa5s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/344500/original/file-20200629-155353-16oxa5s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"><em>Fifty Shades of Grey</em>, the best-selling book of the decade.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Radu Bercan/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
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<p>Les films successifs ont généré un total de <a href="https://www.forbes.com/sites/scottmendelson/2018/02/24/box-office-fifty-shades-freed-tops-300-million-pushing-fifty-shades-trilogy-to-1-25-billion/">1,25 milliards de dollars de recettes</a>. Le phénomène <em>Fifty Shades</em> a porté le porno chic vers de nouveaux sommets, en revisitant le sexe violent comme une forme de jeu sexuel érotique. Par la suite, les médias ont capitalisé sur cette tendance, comme en témoigne le populaire drame Netflix <em>365 jours</em>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/WY2VLk27yPM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bande-annonce du film «365 jours » (Ensworld, 2020).</span></figcaption>
</figure>
<p>Peu à peu, les fantasmes nés dans le porno ont commencé à s’infiltrer dans les médias et le marché, faisant éclore un nouveau mode de féminité organisé autour de l’entrepreneuriat sexuel.</p>
<h2>Investir dans son émancipation sexuelle</h2>
<p>L’entrepreneuriat sexuel résume la façon dont, au cours des dernières décennies, le sexe et les relations intimes ont été soumis aux <a href="https://kclpure.kcl.ac.uk/portal/en/publications/spicing-it-up-sexual-entrepreneurs-and-the-sex-inspectors(5e24045c-a4dc-49e3-ae84-0e0220c48402).html">logiques de marché</a> du consumérisme, de l’investissement et de l’entreprise.</p>
<p>Par exemple, il est devenu courant d’<a href="https://www.nytimes.com/2012/05/27/books/review/the-outsourced-self-by-arlie-russell-hochschild.html">externaliser</a> les questions d’amour à des plates-formes de rencontre, des thérapeutes de couple et des organisateurs de mariage. On s’attend de plus en plus l’incarnation de sexualités sûres d’elles-mêmes et averties, mais aussi qu’elles soient habiles dans une variété de comportements et de pratiques.</p>
<p>Pour les femmes, cela signifie que la virginité, l’innocence et la vertu, en tant que monnaie dominante de la désirabilité féminine, sont passées <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1750481309343870">au second plan de l’émancipation sexuelle</a>. Pour parvenir à cet état d’émancipation sexuelle, les femmes sont appelées à travailler, à investir et à gérer leur vie sexuelle de manière permanente, souvent par le biais de la consommation.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/345781/original/file-20200706-4008-1q9i5ko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/345781/original/file-20200706-4008-1q9i5ko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/345781/original/file-20200706-4008-1q9i5ko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/345781/original/file-20200706-4008-1q9i5ko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/345781/original/file-20200706-4008-1q9i5ko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/345781/original/file-20200706-4008-1q9i5ko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/345781/original/file-20200706-4008-1q9i5ko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les thérapeutes de couple, un moyen d’externaliser les questions relatives à l’amour et au sexe.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mangostock/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une variante du postféminisme soutient cette notion d’entrepreneuriat sexuel. Le postféminisme – concept relativement fourre-tout – met en effet en avant des objectifs comme l’émancipation, la confiance et la libération sexuelle. Or, ce postféminisme en est venu à <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/13634607110140050804">dicter la manière</a> dont les femmes gèrent leur vie physique, psychique et sexuelle.</p>
<p>Par exemple, les messages invitant les femmes à « aimer leur corps » et à « avoir confiance », comme en témoigne par exemple dans son livre <a href="https://leanin.org/about/fr"><em>Lean In</em></a>, Sheryl Sandberg, femme d’affaires américaine passée par Google et Facebook, ont cultivé une culture qui appelle les femmes à <a href="https://www.researchgate.net/publication/276125880_Notes_on_the_Perfect_Competitive_Femininity_in_Neoliberal_Times">rechercher continuellement la perfection</a> dans toutes les sphères de la vie.</p>
<p>Mais comment cela se traduit-il dans les relations intimes et les expériences sexuelles vécues par les femmes ?</p>
<h2>Sentiment d’équité</h2>
<p>Au cours de nos <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1470593120926240">recherches</a>, il est apparu clairement que les femmes exercent un pouvoir considérable dans leurs relations intimes. Cette domination – bien que subtile – se manifeste souvent dans les domaines domestiques ou relationnels, par opposition aux domaines financiers et économiques plus larges, où les femmes restent <a href="https://www.dukeupress.edu/gendering-the-recession">désavantagées de manière disproportionnée</a>.</p>
<p>Par exemple, les femmes dans les relations peuvent dicter le calendrier social du couple ou les choix de mode du couple, mais s’en remettent à leur partenaire lorsqu’elles sont confrontées à des décisions financières importantes, comme un déménagement ou l’achat d’une maison.</p>
<p>Cette autorité déclarée permet aux femmes d’atteindre un sentiment d’équité dans leurs relations intimes qui n’a pas toujours l’effet escompté. Les femmes utilisent notamment le sexe oral comme un moyen de contrôler leurs relations et leur corps. Celles qui perçoivent leur corps, en particulier leur vagin, comme dégoûtant ou honteux exigent de leur partenaire qu’il évite le cunnilingus, mais se livrent perfidement à une fellation. En retour, les femmes se sentent en droit d’avoir des exigences réciproques, souvent sous la forme de cadeaux, de sorties nocturnes ou de l’assurance d’une relation exclusive.</p>
<p>Le plus troublant est que, dans certains cas, les femmes exercent ce pouvoir de manière rétroactive pour mettre fin à des situations qui les privent de leur autonomie. En particulier, dans le cas des agressions sexuelles, les femmes reformulent, nient ou même assument la responsabilité d’expériences sexuelles non désirées.</p>
<p>Ces expériences sont redéfinies parce que les femmes en <a href="https://www.indiebound.org/book/9780062413512">minimisent la gravité</a>, ou pire, parce qu’elles ont le sentiment d’avoir été complices d’une manière ou d’une autre et qu’elles auraient pu les empêcher de se produire.</p>
<h2>Asservissement narcissique</h2>
<p>Ce sentiment de pouvoir prend cependant une autre signification derrière des portes closes, où les femmes sont plus susceptibles d’adopter un positionnement sexuel soumis de manière à reérotiser les relations traditionnelles de pouvoir.</p>
<p>Dans l’ensemble, les femmes encadrent leurs expériences sexuelles dans un discours « faites-vous plaisir », par lequel elles <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1750481309343870">intériorisent les désirs des hommes</a> de les comprendre authentiquement comme les leurs.</p>
<p>Les femmes se livrent souvent à des pratiques sexuelles taboues et douloureuses, comme le BDSM ou le sexe anal, afin d’offrir à leurs partenaires une position de supériorité. Ce renoncement au contrôle – associé à une réaction sexuelle exagérée (pensez au faux orgasme de Meg Ryan dans <em>Quand Harry rencontre Sally</em>) qui accompagne leurs orgasmes (réels ou faux) – permet aux femmes d’accroître leur désirabilité auprès des hommes.</p>
<p>Les femmes, semble-t-il, peuvent tirer une satisfaction sexuelle – non pas d’une expérience sexuelle incarnée – mais de leur propre <a href="https://asu.pure.elsevier.com/en/publications/sexuality-on-the-market-an-irigarayan-analysis-of-female-desire-a">asservissement narcissique</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/b0OeM6UUAoI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">L’orgasme simulé de Meg Ryan dans le film <em>Quand Harry rencontre Sally</em> (1989).</span></figcaption>
</figure>
<p>En ce qui concerne les orgasmes, les femmes tiennent en haute estime les orgasmes des hommes. En fait, selon une personne interrogée, « le sexe ne fonctionne que si “il” a des orgasmes ». L’orgasme féminin ne suscite guère d’inquiétude, si ce n’est pour sa capacité à stimuler l’ego des hommes ou à les rassurer de manière générale.</p>
<p>Pire encore, les femmes qui ne peuvent pas jouir rapidement et efficacement sont (auto)pathologisées comme étant « difficiles » ou même « détruites », selon certaines personnes interrogées. Bien sûr, il existe aujourd’hui d’innombrables solutions commerciales liées au sexe (<a href="https://www.newsweek.com/smart-sex-toy-vibrator-technology-orgasms-650732">vibromasseurs</a> promettant des orgasmes plus faciles) commercialisées auprès des femmes comme étant « féministes », « bienveillantes » et même <a href="https://www.nytimes.com/2017/07/01/fashion/a-wearable-vibrator-for-couples.html">« thérapeutiques »</a>.</p>
<p>Ces résultats montrent comment la pornification de la culture semble dicter le désir sexuel. Poussées par une avalanche de « sexpertise » offerte par des chroniqueurs célèbres et de l’érotisme dit féministe promettant la libération sexuelle, les femmes adhèrent à des scénarios culturels ancrés dans la culture populaire et à la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/0092623X.2012.687654">pornographie hétérosexuelle ciblant les hommes</a>.</p>
<p>Dans ce monde imaginaire, les femmes sont censées être dominantes dans la rue, mais soumises sous les draps. Mais en réalité, même si les femmes se sentent habilitées, la pornification de la culture sert des idéaux patriarcaux anachroniques qui maintiennent les hommes au sommet.</p>
<hr>
<p><em>Cette contribution est tirée de l’article de recherche « <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1470593120926240">(Wo)men On Top ?</a> Postfeminist Contradictions in Young Women’s Sexual Narratives » publié dans la revue « Marketing Theory ».</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/142079/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
L’émergence d’une nouvelle industrie érotique à destination de la clientèle féminine conduit les femmes à intérioriser les désirs des hommes.
Alexandra S. Rome, Assistant Professor of Marketing, ICN Business School
Aliette Lambert, Lecturer in Marketing, University of Exeter
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/140490
2020-06-18T17:39:06Z
2020-06-18T17:39:06Z
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l’économie des sites de rencontres (sans jamais oser le demander)
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/341165/original/file-20200611-80746-3jadu0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C2%2C994%2C651&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Selon les données collectées en ligne, les hommes auraient tendance à rechercher des partenaires plus petites, plus jeunes et moins diplômées qu’eux.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Fotokalua / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Vous êtes en quête d’une relation durable ou d’une rencontre sans lendemain ? Inscrivez-vous à Tinder ou à Bumble. Ou encore, si vos préférences sont nettement plus ciblées, à GlutenfFreeSingles ou ClownDating. Les algorithmes ont remplacé les agences matrimoniales et la drague à l’ancienne. L’analyse économique s’était risquée sans données à échafauder une théorie du mariage, l’explosion des sites de rencontres a depuis tourné la tête de bien des économètres.</p>
<p>Savez-vous qu’un <a href="https://www.bfmtv.com/international/sites-rencontres-a-lorigine-dun-couple-trois-aux-etats-unis-529778.html">mariage sur trois</a> aujourd’hui aux États-Unis débute par une mise en relation virtuelle ? Qu’une entreprise chinoise qui s’était mariée à un site californien LGBT a été <a href="https://www.theverge.com/2020/3/6/21168079/grindr-sold-chinese-owner-us-cfius-security-concerns-kunlun-lgbtq">forcée de divorcer</a> par l’administration américaine pour des raisons de sécurité intérieure ? Que chacun, dans ses requêtes de partenaires, privilégie des profils plus favorables que le sien et qu’en conséquence une proportion significative d’utilisateurs ne récolte jamais de réponse à leur avance ?</p>
<p>Avant de se pencher sur la formation des couples, donnons quelques éléments d’économie de base sur l’industrie des plates-formes de rencontre. C’est moins sexy, mais c’est utile à savoir si vous êtes une future utilisatrice ou un futur utilisateur.</p>
<h2>Racolés avec une offre gratuite</h2>
<p>Si vous craignez les monopoles, la multitude de sites (plusieurs milliers en tout) vous rassurera. À tort pourtant. Il n’y a pas de Google ou d’Amazon visibles qui trustent le marché, mais un acteur peu connu, Interactive Corp., le domine à travers sa filiale Match Group, cotée au Nasdaq. Elle est à la tête d’une <a href="https://www.nyulawreview.org/issues/volume-94-number-4/antitrust-and-commitment-issues-monopolization-of-the-dating-app-industry/">cinquantaine de sites</a> dont les tout premiers en audience : le leader Tinder, mais aussi Plenty Of Fish, Match.com, OK Cupid, Hinge, Meetic, etc.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/341238/original/file-20200611-80750-bkmzpj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/341238/original/file-20200611-80750-bkmzpj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/341238/original/file-20200611-80750-bkmzpj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=326&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/341238/original/file-20200611-80750-bkmzpj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=326&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/341238/original/file-20200611-80750-bkmzpj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=326&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/341238/original/file-20200611-80750-bkmzpj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=409&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/341238/original/file-20200611-80750-bkmzpj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=409&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/341238/original/file-20200611-80750-bkmzpj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=409&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Parts de marchés dans le secteur des rencontres en ligne.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.nyulawreview.org/issues/volume-94-number-4/antitrust-and-commitment-issues-monopolization-of-the-dating-app-industry/">« Antitrust and commitment issues :monopolization of the dating app industry » d’Evan Michael Gilbert</a></span>
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<p>Les inclinations amoureuses diverses et les préférences sexuelles particulières des utilisateurs expliquent cette multiplicité des marques. En posséder plusieurs en portefeuille permet d’étendre la clientèle auprès d’audiences spécifiques ainsi que de conserver dans son giron les consommateurs qui papillonnent d’une plate-forme généraliste à l’autre.</p>
<p>À la crainte ordinaire du prix élevé du monopole s’ajoute ici un risque de dégradation de la qualité du service. Un modèle d’affaires des sites de rencontre consiste en effet à racoler des clients sur une offre basique gratuite pour les convertir ensuite vers une offre payante plus complète. Or, une fois le partenaire idéal trouvé et conquis, fiancé et marié, la plate-forme perdra son abonné – au moins pour quelque temps. La concurrence sur la qualité contrecarre cette incitation naturelle à freiner l’amélioration des performances des algorithmes pour former des couples durables.</p>
<p>En termes d’affaires, le positionnement marketing pour faciliter les rencontres éphémères rapporte plus. Surtout quand l’offre gratuite rapporte de solides recettes publicitaires. Toutefois, certains sites s’affichent spécialisés dans la recherche d’âme sœur. C’est ce que prétend <a href="https://www.cnet.com/news/facebook-dating-wont-push-tinder-off-your-home-screen-just-yet/">Facebook Dating</a>, un nouveau venu qui n’a pas encore vraiment percé. Son orientation est cependant crédible dans la mesure où il s’agit d’un service complémentaire du réseau social mondial plus qu’un centre de profit qui cherchera à le maximiser.</p>
<h2>L’infidélité, ça peut coûter cher…</h2>
<p>Quel que soit le positionnement des plates-formes, il faut faire aussi attention aux données personnelles. Les sites de rencontre enregistrent et conservent des informations intimes. Cela va bien au-delà du nom, prénom, adresse et numéro de carte bancaire.</p>
<p>Pour dresser leur profil, OK Cupid pose à ses abonnés des centaines de questions. Entre autres : « S’ils se sont déjà livrés à une activité sexuelle effrénée alors qu’ils étaient dans un état dépressif » ou « S’ils sont prêts à couiner comme un dauphin si leur partenaire le leur demande pendant l’acte sexuel » ! (Pour ceux qui s’inquièteraient de mes travers sachez que j’ai découvert ces <a href="https://thoughtcatalog.com/brian-donovan/2012/09/a-tour-of-the-sex-questions-on-okcupid/">questions insolites</a> sans m’abonner au site de Cupidon. Je n’ai donc pas eu à y répondre).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/341236/original/file-20200611-80754-4zyuk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/341236/original/file-20200611-80754-4zyuk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/341236/original/file-20200611-80754-4zyuk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/341236/original/file-20200611-80754-4zyuk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/341236/original/file-20200611-80754-4zyuk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/341236/original/file-20200611-80754-4zyuk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/341236/original/file-20200611-80754-4zyuk9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« Couinez-vous comme un dauphin si votre partenaire le demande ? », une question que le site Ok Cupid ne se gêne pas pour poser….</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pxfuel.com/en/free-photo-oeril">Pxfuel</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>En 2016, 70 000 comptes ont été piratés et leurs informations divulguées par des <a href="https://openpsych.net/files/papers/Kirkegaard_2016g.pdf">étudiants danois en master</a>. Autre esclandre, le piratage de <a href="https://www.lci.fr/international/ashley-madison-le-dramatique-bilan-du-piratage-du-site-de-rencontres-extraconjugales-1538133.html">plusieurs millions de comptes</a> d’un site américain spécialisé dans les rencontres extra-conjugales. L’infidélité peut coûter cher…</p>
<p>Il y a des dizaines d’affaires de ce type. Elles concernent surtout des plates-formes peu connues, peu visibles, souvent éphémères. Leurs méthodes douteuses sont alors plus difficiles à contrôler et à sanctionner.</p>
<p>Les données peuvent également être transmises à des tiers (les prestataires de services techniques des sites, par exemple) ou vendues à des fins publicitaires. Le risque d’usage malveillant est réduit, mais il peut rester bien embarrassant. Par le passé, Grindr qui s’adresse aux gays, bi – et transsexuels, a renseigné des commerçants de logiciel sur l’adresse et le téléphone d’abonnés, mais également sur leur séropositivité au Sida.</p>
<h2>Des fiançailles (capitalistiques) brisées</h2>
<p>Ce site LGBT a aussi fait parler de lui d’une autre façon. En 2018, après deux années de fiançailles capitalistiques, il s’est <a href="https://www.theverge.com/2020/3/6/21168079/grindr-sold-chinese-owner-us-cfius-security-concerns-kunlun-lgbtq">entièrement donné</a> à une entreprise chinoise, spécialisée dans les jeux en ligne. Il semble qu’elle n’aurait pas alors notifié sa prise de contrôle auprès du CFIUS, le comité en charge d’évaluer les implications des investissements étrangers sur la sécurité intérieure des États-Unis.</p>
<p>Craignant que le gouvernement chinois puisse utiliser les données personnelles pour faire chanter des citoyens américains – dont éventuellement des élus du Congrès et des représentants de l’administration – le comité a ordonné une séparation sans consentement mutuel. Grindr a été cédé le mois dernier à un groupe d’investisseurs californiens.</p>
<p>Vos données personnelles seront mieux protégées si vous résidez en Europe. Vous pourrez plus facilement en exercer le contrôle et accéder aux informations que vous avez semées derrière vous comme des petits cailloux. Une masse qui peut être conséquente comme en témoigne la journaliste Judith Duportail dans <em><a href="https://www.theguardian.com/technology/2017/sep/26/tinder-personal-data-dating-app-messages-hacked-sold">I asked Tinder for my data</a>. It sent me 800 pages of my deepest, darkest secrets</em>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"912642655728865280"}"></div></p>
<p>Au terme de ce rapide survol, il apparaît raisonnable de s’abonner à plus d’un site, de les sélectionner de propriétaires différents, d’identifier leur positionnement pour la drague d’un soir ou pour une relation durable, de privilégier les plates-formes ayant pignon sur rue, ainsi que de lire attentivement les conditions d’utilisations de vos données. Sinon, pour choisir plus précisément je suggère, comme pour l’achat d’une tondeuse à gazon ou d’un fer à repasser, de consulter les enquêtes et tests comparatifs de <a href="https://www.quechoisir.org/comparatif-sites-de-rencontres-en-ligne-n189/">Que choisir ?</a> ou de <a href="https://www.consumerreports.org/dating-relationships/online-dating-guide-match-me-if-you-can/">Consumer Reports</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/341245/original/file-20200611-80766-gqvqi8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/341245/original/file-20200611-80766-gqvqi8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/341245/original/file-20200611-80766-gqvqi8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=861&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/341245/original/file-20200611-80766-gqvqi8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=861&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/341245/original/file-20200611-80766-gqvqi8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=861&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/341245/original/file-20200611-80766-gqvqi8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1082&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/341245/original/file-20200611-80766-gqvqi8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1082&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/341245/original/file-20200611-80766-gqvqi8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1082&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">C’est à Aristophane que l’on doit la plus ancienne théorie de la formation des couples. Ici, son buste au Musée des Offices à Florence, en Italie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span></span>
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<p>Pour les esprits moins pratiques, la théorie de la formation des couples offre aussi un éclairage utile. La plus ancienne est racontée par le poète grec Aristophane dans <em>le Banquet de Platon</em>, au V<sup>e</sup> siècle avant J.-C. À l’origine les hommes étaient dotés de quatre bras, quatre jambes et deux visages. Punis pour avoir tenté d’escalader le ciel, Zeus les sépare en moitiés. Il condamne définitivement chacun à errer en quête de l’âme sœur pour <a href="https://www.philolog.fr/le-mythe-de-landrogyne-texte-de-platon/comment-page-1/">reconstituer son antique nature</a>.</p>
<p>Plus terre à terre, le prix Nobel d’économie Garry Becker dans <em>Une théorie du mariage</em> suppose également que le désir d’union de chacun est gouverné par la <a href="https://www.nber.org/chapters/c2970.pdf">recherche d’une moitié unique</a>. Mais il s’agit alors du partenaire qui, grâce à ses qualités complémentaires spécifiques, maximisera le gain d’une vie en commun avec enfants, maison et voiture.</p>
<p>Ce premier article d’économie sur le mariage est une construction purement théorique. Il n’est étayé par aucune donnée empirique. À cette époque de la vie de Becker, Internet n’existait pas et les agences matrimoniales d’alors n’enregistraient pas d’informations statistiquement exploitables.</p>
<p>Notez l’absence de jalousie et de rivalité entre les hommes dans ces deux fictions. La prédestination et la nature n’offrent à tout à chacun qu’un seul choix. Inutile de convoiter le partenaire d’un autre puisqu’il correspondra toujours à une moins bonne option.</p>
<h2>Appariements à attractivité égale</h2>
<p>Aujourd’hui en revanche, les théories de la formation des couples qui prévalent jouent à fond la concurrence. Le principe général est le suivant : les individus classent les partenaires possibles selon une échelle de préférence ou encore d’attractivité ; ils font leur demande en mariage auprès de leur préféré ou du plus attractif, mais ils ne sont pas les seuls à guigner le même partenaire ; celui-ci a bien sûr son mot à dire ; il peut refuser telle proposition espérant trouver un meilleur parti.</p>
<p>Un modèle fameux pour parvenir à caser tout ce monde rival a été conçu par un couple académique formé d’un mathématicien, David Gale, et d’un économiste, Lloyd Shapley (voir l’appendice de ma <a href="https://theconversation.com/lacces-aux-sommets-de-lenseignement-superieur-rarete-clubs-et-classements-103171">chronique de septembre 2018</a>).</p>
<p>Le modèle aboutit à une affectation stable où chacun a trouvé chaussure à son pied : aucun couple formé ne peut dévier de sorte que ses membres s’en sortent mieux. Si l’un voulait convoler avec un partenaire plus attractif, ce dernier perdrait au change, car le nouveau prétendant serait forcément moins bien que le sien.</p>
<p>Autrement dit, il ne sert à rien de vouloir conquérir un partenaire plus attractif que soi, car un rival plus attractif vous délogera et prendra son cœur. Les appariements se réalisent finalement entre partenaires d’attractivité égale, ce qui est une autre forme de complémentarité. On montre d’ailleurs mathématiquement que la formation des couples par complémentarité ou par rivalité aboutit <a href="https://princetonup.degruyter.com/view/title/535213?tab_body=toc">au même équilibre</a>, à la même affectation optimale.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/341255/original/file-20200611-80742-vtnpca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/341255/original/file-20200611-80742-vtnpca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/341255/original/file-20200611-80742-vtnpca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/341255/original/file-20200611-80742-vtnpca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/341255/original/file-20200611-80742-vtnpca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/341255/original/file-20200611-80742-vtnpca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/341255/original/file-20200611-80742-vtnpca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La théorie de la formation des couples part du principe que les individus classent les partenaires possibles selon une échelle d’attractivité, mais que la concurrence pour un même partenaire peut être rude….</span>
<span class="attribution"><span class="source">Daxiao Productions/Shutterstock</span></span>
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<p>Naturellement, l’affectation idéale n’est possible que dans le cadre d’hypothèses simplificatrices en particulier sur l’ordre des préférences et sa connaissance par les individus. Dans la réalité, forcément plus complexe, il en va autrement. Il n’y aurait pas de divorces sinon !</p>
<p>On se doute par exemple que les abonnés des sites de rencontre visent plutôt un partenaire mieux qu’eux, comprendre plus beau et plus riche. C’est ce qu’a cherché à démontrer un couple académique, cette fois formé d’un physicien et d’une sociologue.</p>
<p>Les deux chercheurs ont établi une échelle de désidérabilité selon le nombre de premiers messages reçus en un mois par les utilisateurs d’un site de rencontre hétérosexuel dans plusieurs villes des États-Unis. Le record est détenu par une New-Yorkaise de 30 ans avec plus de 1 000 approches. Ils ont également classé les utilisateurs en appliquant Page Rank, l’algorithme de Google pour estimer la popularité des pages web. Eh bien, en moyenne les hommes et les femmes recherchent des partenaires qui sont 25 % plus désirables qu’eux-mêmes.</p>
<h2>Tenter le coup</h2>
<p>Le <a href="https://ideas.repec.org/a/eee/jetheo/v185y2020ics0022053119301061.html">modèle proposé</a> pour expliquer ce phénomène repose sur un arbitrage entre viser haut et soulever un intérêt réciproque. En effet, plus le choix s’éloigne vers le haut de son propre score d’attractivité, moins il y a de chances de nouer un lien amical ou amoureux.</p>
<p>Or, même si retenir et envoyer une proposition est aisé – il suffit de balayer des dizaines de profils et d’afficher un cœur sur une photo ou de rédiger quelques mots – le temps passé et l’effort consenti, donc le coût, ne sont pas nuls. Sans parler du désagréable sentiment de se prendre un râteau.</p>
<p>Une interprétation intuitive de ce <a href="https://www.dallasfed.org/research/economics/2020/0211">modèle</a> est que les hommes et les femmes ne distinguent qu’imparfaitement l’attractivité des partenaires potentiels et comptent alors sur une erreur de l’autre : il y a une chance qu’il, ou qu’elle, ne s’aperçoive pas que je ne joue pas dans sa catégorie. Alors je tente. Mais pas systématiquement, car les approches ont bien un coût.</p>
<p>On se doute aussi que le genre masculin n’est pas à son avantage. Sans surprise, les données des sites de rencontre hétérosexuels montrent qu’en comparaison d’eux-mêmes les hommes s’adressent préférentiellement à des femmes plus petites, plus jeunes et moins diplômées et qu’ils accordent <a href="https://www.researchgate.net/publication/281965128_Gender_Differences_in_Online_Dating_What_Do_We_Know_So_Far_A_Systematic_Literature_Review">plus d’importance aux attraits physiques</a> que les femmes.</p>
<p>Sans surprise également, les hommes répondent à 60 % aux invitations tandis que les femmes, peut-être moins intéressées par des rencontres éphémères, ne répondent qu’à 6 % des propositions. Ces <a href="https://www.economist.com/leaders/2018/08/18/modern-love">chiffres</a> sont fournis par le Tinder chinois, Tantan, qui précise aussi que 5 % des hommes ne reçoivent jamais de réponse à leur invitation de rencontre. Pour Tinder, on retrouve, semble-t-il, une disproportion des <em>likes</em> similaires : les femmes acceptent 12 % des sollicitations <a href="https://medium.com/@worstonlinedater/tinder-experiments-ii-guys-unless-you-are-really-hot-you-are-probably-better-off-not-wasting-your-2ddf370a6e9a">contre 72 % pour les hommes</a>.</p>
<p>Il serait intéressant de connaître les chiffres de Bumble. Sur ce site qui talonne désormais Tinder, seules les femmes peuvent établir le premier contact. Une innovation simple qui lui a permis d’en recruter un très grand nombre de façon accélérée. « Rejoignez la ruche », tel est son slogan. Aux hommes pour une fois d’attendre d’être sollicités. Si vous ne le savez pas <em>Bumblebee</em> désigne en anglais le genre des bourdons (<em>Bombus</em>), des sortes d’abeilles dont les ouvrières n’ont pas besoin de s’accoupler pour pondre des œufs. Le taux d’acceptation des sollicitations par les hommes sur ce site frôle-t-il alors les 100 % ?</p>
<h2>Une plus forte proportion de mariages mixtes</h2>
<p>Au chapitre de l’endogamie, on ne sera pas surpris non plus des préférences révélées par les appariements réalisés sur les sites de rencontre : les individus préfèrent nouer des liens avec des partenaires de même couleur de peau et de religion identique. Mais le point important n’est pas là. Il faut comparer les rencontres en ligne avec les <a href="https://web.stanford.edu/%7Emrosenfe/Rosenfeld_et_al_Disintermediating_Friends.pdf">formes alternatives traditionnelles</a> qu’elles remplacent en partie.</p>
<p>Avant Internet, les mariages étaient issus d’une première rencontre dans le cercle familial ou amical, dans les cafés ou au ciné, sur les bancs du lycée ou de l’université, au travail ou, plus rarement, à l’église ou grâce aux petites annonces. Depuis, toutes ces formes déclinent.</p>
<p>Aux États-Unis, les sites de rencontre sont même en passe d’arriver en tête. Or, les mariages issus d’un premier contact en ligne se caractérisent par une plus grande exogamie : la proportion de mariages mixtes et de mariages interreligieux est <a href="https://academic.oup.com/sf/article-abstract/98/3/1257/5498124?redirectedFrom=fulltext">plus élevée</a>.</p>
<p>A contrario, les sites de rencontre ont permis aux personnes aux orientations sexuelles moins partagées – et donc forcément moins nombreuses dans leur entourage proche –, de trouver plus facilement un partenaire. Aux États-Unis 70 % des homosexuels rencontrent leur partenaire en ligne, une proportion plus de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0003122412448050">trois fois plus grande</a> que les hétérosexuels.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/341789/original/file-20200615-65952-krv9l0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/341789/original/file-20200615-65952-krv9l0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/341789/original/file-20200615-65952-krv9l0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/341789/original/file-20200615-65952-krv9l0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/341789/original/file-20200615-65952-krv9l0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/341789/original/file-20200615-65952-krv9l0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/341789/original/file-20200615-65952-krv9l0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les applications favorisent les rencontres de partenaires éloignés l’entourage proche.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Santypan/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La <a href="https://www.sociologicalscience.com/download/vol-4/september/SocSci_v4_490to510.pdf">comparaison</a> avec les formes de rencontres traditionnelles semble également montrer que les relations durables issues d’une première rencontre initiées sur Internet sont <a href="https://www.economist.com/briefing/2018/08/18/how-the-internet-has-changed-dating">plus longues et plus heureuses</a>.</p>
<p>Il n’y a aucun doute qu’en élargissant considérablement le nombre de partenaires potentiels au-delà du cercle restreint des connaissances amicales, familiales et professionnelles, les sites de rencontre ont augmenté les chances d’appariements mieux assortis.</p>
<p>Voilà, vous ne savez pas encore tout sur les sites de rencontre, mais suffisamment peut-être pour vous décider d’y recourir ou non, pour un plan d’un soir ou pour trouver l’âme sœur. Suffisamment aussi pour porter un jugement moins subjectif sur leur utilité sociale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/140490/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Lévêque ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Des tensions géopolitiques autour des données – très – personnelles aux stratégies des utilisateurs, découvrez les rouages d’un secteur à l’origine d’un mariage sur trois aux États-Unis.
François Lévêque, Professeur d’économie, Mines Paris
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/139325
2020-05-25T18:12:23Z
2020-05-25T18:12:23Z
Podcast : Le confinement a aussi des effets… sous la couette
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/337331/original/file-20200525-106848-1cisxch.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/60QEnTvCNDo">Daniel Tafjord/unsplash</a></span></figcaption></figure><p>En temps d’épidémie, et à plus forte raison, en temps de pandémie, les gouvernements peuvent décider de placer des villes ou des nations entières en confinement. Ce type de mesure restreignant les mouvements et séparant les personnes a principalement pour objectif de diminuer de manière drastique la propagation de la maladie contagieuse. Bien que souvent préférable à une inaction, cette situation a, tout de même, un lourd coût pour la population qui y est soumise.</p>
<p>Un certain nombre d’études a pu montrer que face à une privation de liberté de mouvement et d’interaction, les effets psychologiques, neurobiologiques, voire psychiatriques pouvaient être <a href="https://soundcloud.com/latetedanslecerveau">nombreux et non négligeables</a>.</p>
<p>S’intéressant aux individus moyens, personnes fragiles, personnels de santé, travailleurs, enfants ou même aux femmes enceintes, ces travaux étudient l’impact de ce type de mesure sur des éléments qui semblent particulièrement sensibles comme la sensation de bien-être, le sommeil, les comportements alimentaires ou la santé mentale.</p>
<p>Mais qu’en est-il pour d’autres comportements tels que le sexe ? Autrement dit, suite à un confinement, nos comportements sous la couette sont-ils modifiés ?</p>
<p>En l’espace de seulement quelques semaines, pas moins de <a href="https://cervenargo.hypotheses.org/3805">cinq études</a> ont été publiées sur l’impact que pouvait avoir le confinement sur la vie sexuelle des individus.</p>
<p>En 15 minutes, avec cet épisode, découvrez en détail les résultats de ces études qui plus de s’intéresser à cet aspect bien spécifique de nos vies, permettent également de prendre un recul critique sur les conclusions de ce type d’étude.</p>
<hr>
<p><em>Un podcast en partenariat avec <a href="https://soundcloud.com/latetedanslecerveau">La tête dans le cerveau</a> dont toutes les références scientifiques sont à retrouver sur <a href="https://cervenargo.hypotheses.org/3805">Cerveau en Argot</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/139325/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Rodo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Faisons le point sur l’effet du confinement sur nos rapports intimes à travers cinq études scientifiques très récentes.
Christophe Rodo, Jeune chercheur ATER terminant une thèse en neurosciences, au sein du Laboratoire de Neurosciences Cognitives, de l’Institut de Neurosciences des Systèmes et de l’Institut des Sciences du Mouvement, Aix-Marseille Université (AMU)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/134632
2020-04-01T17:43:02Z
2020-04-01T17:43:02Z
Coronavirus et sexe : quoi faire et ne pas faire en période de distanciation sociale
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/324620/original/file-20200401-23130-17o79gm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Faites attention aux recommandations des scientifiques. Rien ne prouve qu'embrasser à travers un masque - comme le montre cette image - est une pratique sûre. C'est le moment de faire preuve d'imagination et de pratiquer un autre type de sexe sans risque. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Street art in Bryne, Norway, by Pøbel. Photo by Daniel Tafjord/Unsplash)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Le sujet dont se soucie actuellement le monde entier est le nouveau coronavirus.</p>
<p>Dans ce contexte, à titre de <a href="https://theconversation.com/whos-your-ideal-mate-your-first-love-may-have-something-to-do-with-it-9106">chercheur en neurosciences du sexe</a> et de <a href="https://theconversation.com/les-facons-davoir-des-rapports-sexuels-se-declinent-presque-a-linfini-et-tous-sont-naturels-119426">partisan du sexe positif</a>, j’écris cet article avec plusieurs objectifs en tête : informer les lecteurs et lectrices du rapport entre le sexe et la pandémie actuelle, et prévenir la diffusion de mythes et de fausses informations dans un environnement social troublé.</p>
<p>Étant donné les modes de transmission courants des virus respiratoires, la pratique de certains types d’activités sexuelles risque de propager le virus. Il n’est cependant pas réaliste de s’attendre à ce que les gens s’abstiennent de relations sexuelles en période d’isolement.</p>
<p>Dans la situation actuelle, comme le sexe ne constitue pas un sujet de discussion prioritaire, les fausses informations circulent assez facilement. Les gens pourraient sans le vouloir aggraver la propagation du virus s’ils ne prennent pas les précautions nécessaires.</p>
<p>Alors, lavez-vous les mains avec du savon et de l’eau pendant au moins vingt secondes, et passons aux choses sérieuses !</p>
<h2>Sexe et Covid-19</h2>
<p>Le coronavirus peut-il se transmettre sexuellement ? La réponse est simple : on ne le sait pas. Pour le moment, aucune recherche fiable, aucune communication officielle ni aucun rapport scientifique n’ont été présentés par les autorités compétentes.</p>
<p>La transmission du virus par voie sexuelle et le fait de le contracter de son partenaire sexuel sont deux choses différentes. Le premier cas <a href="https://www.cdc.gov/std/general/default.htm">implique une transmission</a> par des contacts sexuels et l’échange de liquides organiques, par exemple par le sexe vaginal, oral et anal. Le second cas concerne la transmission qui peut survenir, entre autres, lorsque les partenaires s’embrassent.</p>
<p>Un porte-parole de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Christian Lindmeier, a déclaré au <em>New York Times</em> que les coronavirus <a href="https://www.nytimes.com/2020/03/02/health/coronavirus-how-it-spreads.html">ne se transmettent généralement pas par voie sexuelle</a>. Aux États-Unis, <a href="https://www.cdc.gov/coronavirus/types.html">d’après le Centers for Disease Control and Prevention</a> (CDC), il existe sept types de coronavirus – et tous exercent ordinairement leurs effets sur les voies respiratoires chez les humains.</p>
<p>D’autres experts en maladies infectieuses <a href="https://www.health.com/condition/infectious-diseases/coronavirus/can-you-get-coronavirus-from-sex">appuient ces observations</a>. Or, le coronavirus <a href="https://doi.org/10.1002/jmv.25725">ne touche pas seulement les voies respiratoires</a>. En effet, <a href="https://doi.org/10.1056/NEJMoa2001191">on en a retrouvé certaines traces</a> dans les <a href="http://weekly.chinacdc.cn/en/article/id/ffa97a96-db2a-4715-9dfb-ef662660e89d">selles de patients infectés</a>. Les CDC américains <a href="https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/php/water.html">estiment toutefois que le risque de transmission par cette voie est faible</a>.</p>
<p>Le nouveau coronavirus <a href="https://www.who.int/fr/emergencies/diseases/novel-coronavirus-2019/advice-for-public/q-a-coronaviruses">se transmet par les gouttelettes</a> expulsées par les personnes infectées lorsqu’elles expirent, toussent ou éternuent. L’entourage est infecté en inhalant ces gouttelettes, ou les touchant sur une surface, puis en se touchant le visage. Les chances de contracter le virus par des activités sexuelles avec une personne infectée sont donc très élevées.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/322586/original/file-20200324-155658-1lt64ai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/322586/original/file-20200324-155658-1lt64ai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/322586/original/file-20200324-155658-1lt64ai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/322586/original/file-20200324-155658-1lt64ai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/322586/original/file-20200324-155658-1lt64ai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/322586/original/file-20200324-155658-1lt64ai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/322586/original/file-20200324-155658-1lt64ai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">En raison de la pandémie, vous devrez peut-être remettre à plus tard vos relations sexuelles, ou changer votre façon de les concevoir.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Demorris Byrd/Unsplash</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Comme le virus est présent dans les sécrétions respiratoires, on suppose sans peine qu’il se transmettra durant n’importe quel type de pratique sexuelle, en raison de la proximité physique. Ce n’est donc pas le moment d’organiser un rassemblement social à caractère osé.</p>
<p>D’ailleurs, la directrice générale de la coalition américaine des travailleurs et travailleuses du divertissement pour adultes, Michelle L. LeBlanc, <a href="https://www.freespeechcoalition.com/blog/2020/03/16/a-letter-from-our-executive-director/">a demandé un arrêt volontaire</a> de toutes les productions de ce secteur durant la pandémie afin d’aider à prévenir la propagation du virus.</p>
<h2>L’isolement exige-t-il l’abstinence ?</h2>
<p>En matière de comportement sexuel, la variété est un attribut très prisé. Bien qu’il soit pratiquement impossible de demander aux gens de ne pas avoir de relations sexuelles, il serait peut-être utile de suggérer de petites expériences toutes simples.</p>
<p>Comme on peut avoir le virus <a href="https://www.who.int/news-room/q-a-detail/q-a-coronaviruses">sans présenter de symptômes</a>, la seule façon fiable de savoir si vous ou votre partenaire êtes infectés est de faire un test. En revanche, si vous ou votre partenaire ne présentez aucun symptôme et êtes restés chez vous, les relations sexuelles ne devraient poser aucun problème.</p>
<p>Nous pouvons aider à contrôler la pandémie de Covid-19 en prenant quelques précautions. Nous pouvons également apprendre à faire les choses différemment en période de manque. Voici quelques recommandations générales pour réduire les risques de transmission de le Covid-19.</p>
<h2>Pour du sexe moins risqué</h2>
<p>Avant tout, lavez-vous les mains pendant au moins vingt secondes avec du savon et de l’eau chaude avant de faire quoi que ce soit, mais aussi après toute activité.</p>
<p>Voyez-le comme un nouveau préliminaire en période d’isolement !</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/322588/original/file-20200324-155620-jwhrhb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/322588/original/file-20200324-155620-jwhrhb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/322588/original/file-20200324-155620-jwhrhb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/322588/original/file-20200324-155620-jwhrhb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/322588/original/file-20200324-155620-jwhrhb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/322588/original/file-20200324-155620-jwhrhb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/322588/original/file-20200324-155620-jwhrhb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Voyez le lavage de mains comme un nouveau préliminaire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Claudio Schwarz/Unsplash</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Vous pensez peut-être avoir besoin d’un masque, mais ce n’est probablement pas le cas. Le port d’un masque <a href="https://www.who.int/fr/emergencies/diseases/novel-coronavirus-2019/advice-for-public/when-and-how-to-use-masks">n’est recommandé par l’OMS que dans certains cas</a>. Des données indiquent qu’au Japon, des femmes portent un masque facial pour accroître leur charme en cachant leur visage lorsqu’elles ne sont pas maquillées. Or, une étude à ce sujet a montré que pour certaines personnes, les masques faciaux <a href="https://doi.org/10.1111/jpr.12116">diminuent l’attrait du visage</a>.</p>
<p>Vous pouvez réduire davantage le risque de contagion en utilisant un condom, une digue ou des gants de latex. Ce n’est peut-être pas votre truc, mais aux grands maux les moyens amusants !</p>
<h2>Intimité non conventionnelle</h2>
<p>Les actes associés à l’intimité sexuelle peuvent avoir autant de variantes et de solutions de rechange que l’imagination le permet. Au lieu de vous embrasser et d’avoir des relations sexuelles, essayez les massages érotiques, les clavardoirs et la masturbation mutuelle, faites la cuillère, consultez des vidéos ou du matériel érotiques, regardez votre partenaire se donner du plaisir, etc.</p>
<p>L’anulingus (bouche à anus) doit être totalement exclu.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/322363/original/file-20200323-112694-1t0xhy2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=564%2C263%2C1815%2C1752&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/322363/original/file-20200323-112694-1t0xhy2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/322363/original/file-20200323-112694-1t0xhy2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/322363/original/file-20200323-112694-1t0xhy2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/322363/original/file-20200323-112694-1t0xhy2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/322363/original/file-20200323-112694-1t0xhy2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/322363/original/file-20200323-112694-1t0xhy2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Vous pouvez minimiser les risques en vous abstenant, mais si vous avez déjà entamé des relations avec des gens, gardez en mémoire les personnes avez qui vous avez été, ainsi qu’où et quand.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Harris Ananiadis/Unsplash</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La pratique de toute forme de relation sexuelle implique un risque inutile, notamment parce <a href="https://www.who.int/fr/emergencies/diseases/novel-coronavirus-2019/advice-for-public/q-a-coronaviruses">qu’il n’existe toujours pas de vaccin ou de remède pour prévenir ou traiter la maladie</a>.</p>
<p>C’est bien connu, on aime toujours ce qu’on ne peut pas avoir. Se retenir ou s’abstenir de faire vos activités favorites afin de minimiser les risques ne les rendra que meilleures à la fin, quand l’orage aura passé.</p>
<h2>Communication</h2>
<p>Il est essentiel de rester à l’écoute de votre partenaire, en particulier si vous ne vous sentez pas bien ou si ne voulez pas vous livrer à une activité sexuelle. Quant aux célibataires, sachez qu’à l’image des entreprises qui souffrent de l’arrêt forcé, votre bassin de fréquentations pourrait aussi en pâtir.</p>
<p>Ce n’est en aucun cas le bon moment pour prévoir une rencontre Tinder ou vous exposer à des risques inutiles avec de nouveaux partenaires. Si vous leur plaisez vraiment, ils attendront. Cependant, si vous avez déjà entamé des relations avec des gens, il serait bon de garder en mémoire les personnes avez qui vous avez été, ainsi qu’où et quand.</p>
<h2>Restez au courant</h2>
<p>Le nouveau coronavirus n’est pas à prendre à la légère. Il a déjà coûté la vie à des milliers de personnes dans le monde ainsi <a href="https://gisanddata.maps.arcgis.com/apps/opsdashboard/index.html#/bda7594740fd40299423467b48e9ecf6">qu’à plusieurs centaines d’autres</a> au Canada. Nous pouvons toutes et tous contribuer à prévenir la propagation et assurer la sécurité des personnes à risque.</p>
<p><a href="https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/maladies/maladie-coronavirus-covid-19.html">Consultez de l’information fiable</a>. Ne paniquez pas. Restez chez vous pour le moment. La peur, les rumeurs et la désinformation se répandent rapidement. Enfin, il est crucial de faire confiance aux recommandations des scientifiques.</p>
<p>Si les gouvernements, les scientifiques et tous les êtres humains fournissent les efforts appropriés tout en faisant preuve d’assez de patience, nous surmonterons cette pandémie et pourrons reprendre, avec un peu de chance, le cours de nos vies. Peut-être alors pourrons-nous revenir à nos pratiques disons plus « folichonnes ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/134632/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gonzalo R. Quintana Zunino ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
L'activité sexuelle peut présenter des risques de transmission de la Covid-19. Un expert explique comment la prévenir et vivre sa sexualité sereinement en ces temps troubles.
Gonzalo R. Quintana Zunino, PhD, Behavioural Neuroscience, Concordia University
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/133109
2020-03-10T18:44:21Z
2020-03-10T18:44:21Z
Fact check : les chiffres de la dernière campagne Durex sont-ils objectifs ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/319655/original/file-20200310-61148-1bx6dnl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C6%2C2048%2C1526&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La dernière campagne Durex, dans le métro.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://twitter.com/JadouPatatas/status/1229803102041255937/photo/1">Twitter / Jenko</a></span></figcaption></figure><p>À la mi-février, on a vu fleurir dans le métro et sur les réseaux sociaux une campagne Durex fondée sur le slogan : « cassons les codes ». Jadis accusée de véhiculer une <a href="https://www.thedrum.com/news/2020/02/14/durex-emerges-activist-against-sexual-taboos-and-stigmas-brand-overhaul">vision immorale de la sexualité</a> et <a href="http://leplus.nouvelobs.com/contribution/326068-preservatifs-et-pub-trash-le-spot-durex-censure-au-super-bowl.html">parfois même censurée</a>, la marque veut se ranger aujourd’hui du côté des pourfendeurs d’une sexualité irréaliste, avec une ambition pédagogique qui s’inscrit dans la lignée du <a href="https://lareclame.fr/millesoixantequatre/news/ce-que-netflix-nous-apprend-sur-le-brand-content-avec-sex-education">succès de la série Netflix <em>Sex Education</em></a>.</p>
<p>La nouvelle campagne, qui utilise l’aspect visuel des <a href="https://www.arteradio.com/son/61662795/collages_feministes">« collages », empruntés aux activistes féministes</a>, a été globalement appréciée par les <a href="https://www.ladn.eu/mondes-creatifs/liberation-sexuelle-repositionnement-durex/">parties prenantes (agences de communication, experts)</a>. Cependant, les chiffres avancés dans les accroches des différents visuels poussent à s’interroger sur leur objectivité. On pouvait lire ainsi : « 71 % des hommes utilisent la pornographie comme modèle pour leur vie sexuelle » et dans d’autres visuels, « 2 personnes sur 3 ne sont pas satisfaites de leur vie sexuelle ».</p>
<h2>« 71 % des hommes utilisent la pornographie comme modèle pour leur vie sexuelle »</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/318967/original/file-20200305-106553-bh03br.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/318967/original/file-20200305-106553-bh03br.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/318967/original/file-20200305-106553-bh03br.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/318967/original/file-20200305-106553-bh03br.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/318967/original/file-20200305-106553-bh03br.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/318967/original/file-20200305-106553-bh03br.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=760&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/318967/original/file-20200305-106553-bh03br.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=760&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/318967/original/file-20200305-106553-bh03br.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=760&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une accroche de la nouvelle communication Durex.</span>
<span class="attribution"><span class="source">JadouPatatas/Twitter</span></span>
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<p>Cette statistique proviendrait d’une étude mondiale menée par Durex en 2017. De nombreux articles de presse en ligne – <a href="https://www.ladn.eu/mondes-creatifs/liberation-sexuelle-repositionnement-durex/">francophones</a> et <a href="https://www.campaignlive.co.uk/article/durex-challenges-sexual-norms-major-brand-relaunch-valentines-day/1674071">anglophones</a> – citent cette étude, mais le rapport complet reste introuvable sur le web. Le site de Durex USA évoque une <a href="https://www.durexusa.com/pages/global-research">enquête sur le bien-être sexuel menée en 2006/2007</a>. La plate-forme Durex Network fait mention d’une unité de recherche (Durex Network Research Unit (DNRU) fondée en 2005 qui <a href="http://www.durexnetwork.org/en-gb/research/">étudie chaque année les comportements sexuels</a> mais n’a produit que cinq rapports datés de <a href="http://www.durexnetwork.org/en-gb/research/faceofglobalsex/pages/home.aspx">2005, 2007, 2008, 2009 et 2010</a>, et aucun de ces documents ne fait allusion à l’influence de la pornographie. Enfin, le site Durex France ne donne aucune information concernant les <a href="https://www.durex.fr/">chiffres de cette étude</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/319062/original/file-20200306-118960-1jp58ve.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/319062/original/file-20200306-118960-1jp58ve.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/319062/original/file-20200306-118960-1jp58ve.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=797&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/319062/original/file-20200306-118960-1jp58ve.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=797&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/319062/original/file-20200306-118960-1jp58ve.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=797&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/319062/original/file-20200306-118960-1jp58ve.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1002&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/319062/original/file-20200306-118960-1jp58ve.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1002&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/319062/original/file-20200306-118960-1jp58ve.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1002&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La version britannique d’une communication Durex.</span>
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<p>L’origine de ce chiffre paraît donc incertaine. Une statistique non justifiée et non explicitée n’est scientifiquement pas acceptable. Par ailleurs, la formulation des slogans est imprécise. L’étude est-elle basée sur des <a href="https://www.hitwise.com/en/2016/01/25/inferred-declared-observed-demystifying-common-data-types/">données déclarées par les répondants ?</a> Dans ce cas, cela devrait apparaître dans la formulation avec par exemple : 71 % des hommes déclarent… Ou sur des données observées chez les répondants ? Mais cela paraît difficilement observable et le cas échéant, il faudrait aussi le préciser. Le manque d’information sur l’étude invite à douter de son sérieux et de ses résultats, et dénote une absence de données scientifiquement fondées.</p>
<p>Pire, la version anglophone de cette campagne publicitaire indique « 71 % of young guys go online for inspiration in the bedroom » (« En matière de sexualité, 71 % des jeunes hommes cherchent l’inspiration sur le web »). On voit bien qu’il s’agit de deux façons de mettre en avant un même chiffre, mais qui impliquent un sens différent en fonction de la langue utilisée. La première concerne les hommes en général – qui prendraient la pornographie pour modèle – alors que la seconde se concentre sur les jeunes hommes, catégorie on ne peut plus floue, qui eux se contenteraient de s’en inspirer.</p>
<h2>Influence de la pornographie sur les comportements sexuels : ce que l’on sait</h2>
<p>Des centaines d’articles ont été publiés sur la thématique de l’<a href="https://scholar.google.com/scholar?hl=en&as_sdt=0%2C5&q=pornography+sexual+behavior&btnG=">influence de la pornographie sur les comportements sexuels</a>, avec des perspectives de recherche variées. La pornographie semble influencer les comportements mais d’une manière beaucoup plus nuancée que ce que laissent supposer les chiffres avancés dans la campagne Durex.</p>
<p>Une chercheuse en sociologie, Stacy Gorman, à consacré sa thèse de doctorat à cette thématique en analysant l’impact de la pornographie sur <a href="https://scholarworks.gsu.edu/cgi/viewcontent.cgi?referer=https://scholar.google.com/&httpsredir=1&article=1073&context=sociology_diss">les comportements, les attitudes et les relations</a>. À partir des résultats issus d’un échantillon représentatif de la population américaine, il apparaît que la pornographie influence beaucoup moins les comportements sexuels que ne le laisse supposer la campagne Durex.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/319098/original/file-20200306-118885-ppjqjt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/319098/original/file-20200306-118885-ppjqjt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=188&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/319098/original/file-20200306-118885-ppjqjt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=188&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/319098/original/file-20200306-118885-ppjqjt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=188&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/319098/original/file-20200306-118885-ppjqjt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=236&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/319098/original/file-20200306-118885-ppjqjt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=236&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/319098/original/file-20200306-118885-ppjqjt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=236&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Résultats de l’étude sur l’impact de la pornographie sur les comportements sexuels issus de la thèse Stacy Gorman.</span>
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<p>Au regard de cette étude, 4,5 % des femmes et 5,7 % des hommes affirment souvent essayer ce qu’ils visionnent dans les contenus pornographiques. Et uniquement 1 % d’entre eux disent vouloir toujours essayer. Nous sommes ici bien loin de l’accroche de Durex qui d’ailleurs ne distingue pas l’influence de la consommation pornographique selon le genre.</p>
<h2>« 2 personnes sur 3 ne sont pas satisfaites de leur vie sexuelle »</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/318997/original/file-20200306-106594-eprizl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/318997/original/file-20200306-106594-eprizl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/318997/original/file-20200306-106594-eprizl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/318997/original/file-20200306-106594-eprizl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/318997/original/file-20200306-106594-eprizl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/318997/original/file-20200306-106594-eprizl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/318997/original/file-20200306-106594-eprizl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/318997/original/file-20200306-106594-eprizl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un message de la nouvelle communication Durex dans le métro parisien.</span>
<span class="attribution"><span class="source">delf2paname/Twitter</span></span>
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<p>Comme pour la première statistique, nous n’avons aucune information sur le protocole de recherche mis en place pour obtenir cette donnée. Comment la satisfaction sexuelle a-t-elle été mesurée ? Sur la base d’une question affirmative ? Sur la déclaration du nombre d’orgasmes au cours d’une période donnée ? Ou à partir d’autres critères ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/319000/original/file-20200306-106568-dx5fwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/319000/original/file-20200306-106568-dx5fwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/319000/original/file-20200306-106568-dx5fwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/319000/original/file-20200306-106568-dx5fwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/319000/original/file-20200306-106568-dx5fwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/319000/original/file-20200306-106568-dx5fwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/319000/original/file-20200306-106568-dx5fwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">D’autres résultats de l’étude Durex.</span>
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<p>À ce jour, l’étude la plus importante sur le thème de la satisfaction sexuelle est sûrement la <a href="http://www.natsal.ac.uk/home.aspx">National Surveys of Sexual Attitudes and Lifestyles</a> (NATSAL). Menée pour la première fois en 1990, elle est reconduite tous les 10 ans depuis. Cette étude interroge un échantillon représentatif de la population britannique sur ses attitudes et ses habitudes sexuelles. À ce jour, plus de <a href="http://www.natsal.ac.uk/about.aspx">45 000 personnes y ont participé</a> et les résultats ont donné lieu à de <a href="http://www.natsal.ac.uk/natsal-3/publications.aspx">nombreuses publications scientifiques</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Mfsq-Hd7srE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Synthèse des résultats de l’étude NATSAL publié dans plusieurs articles de recherche.</span></figcaption>
</figure>
<p>Les <a href="http://www.natsal.ac.uk/media/2102/natsal-infographic.pdf">résultats de la dernière enquête en date de 2012</a> montrent que plus de 60 % des personnes ont déclaré avoir eu des relations sexuelles récemment et que plus de 60 % des personnes ont déclaré être satisfaites de leur vie sexuelle. On apprend également que les personnes en mauvaise santé étaient moins susceptibles d’avoir eu des rapports sexuels récemment et moins susceptibles de se dire satisfaites. Ceci se vérifie même après avoir pris en compte l’âge et le fait que les personnes soient en couple ou non.</p>
<p>Ce chiffre contredit celui de l’étude de Durex, qui a également été exploitée dans la version anglaise de sa campagne de publicité. Bien que les chiffres aient pu changer entre 2012 et 2017, il y a peu de chances que la tendance s’inverse, passant d’une majorité à une minorité de personnes se disant satisfaites, en seulement 5 ans.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/319063/original/file-20200306-118956-1ryhds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/319063/original/file-20200306-118956-1ryhds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/319063/original/file-20200306-118956-1ryhds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/319063/original/file-20200306-118956-1ryhds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/319063/original/file-20200306-118956-1ryhds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/319063/original/file-20200306-118956-1ryhds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/319063/original/file-20200306-118956-1ryhds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/319063/original/file-20200306-118956-1ryhds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La version britannique d’une communication Durex.</span>
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<p>Les chiffres de la campagne Durex s’apparentent bien à des accroches communicationnelles et non aux résultats d’une étude scientifique sérieuse. Sélectionner des résultats issus de sondages maison où d’études scientifiques indépendantes est une pratique courante en marketing. Cependant, le protocole et le rapport de recherche sur lequel se fondent la campagne devraient être disponibles pour tou·te·s sur le modèle de la <a href="https://www.unilever.com/Images/dove-girls-beauty-confidence-report-infographic_tcm244-511240_en.pdf">marque Dove avec son étude</a> sur la <a href="https://www.prnewswire.com/news-releases/girls-on-beauty-new-dove-research-finds-low-beauty-confidence-driving-8-in-10-girls-to-opt-out-of-future-opportunities-649549253.html">beauté et la confiance en soi</a>.</p>
<p>Durex souhaite se positionner comme une marque émancipatrice des stéréotypes sexuels. Mais en utilisant des statistiques chocs, là où la réalité est beaucoup plus nuancée, ne serait-elle pas en train d’en créer de nouveaux ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/133109/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Samy Mansouri est financé par le Ministère de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l'Innovation.</span></em></p>
Les statistiques choc avancés par Durex relèvent-elles plus de la communication que de la science ?
Samy Mansouri, Doctorant en Sciences de Gestion, Université Paris Dauphine – PSL
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