tag:theconversation.com,2011:/nz/topics/urbanisme-21481/articlesurbanisme – The Conversation2024-03-26T16:42:15Ztag:theconversation.com,2011:article/2224232024-03-26T16:42:15Z2024-03-26T16:42:15ZLe skateboard, un atout pour la ville de demain ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/581345/original/file-20240312-30-j3omwl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=20%2C10%2C3473%2C2441&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le skateboard bâtit son identité à travers son rapport singulier à l’environnement urbain</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Souvent associé aux premières initiatives scandinaves des années 1990, le « skate urbanisme » est un mouvement activiste qui inscrit la pratique libre du skateboard dans l’aménagement urbain. Aujourd’hui de nombreuses municipalités en France et à travers le monde collaborent avec leurs communautés locales pour créer de nouveaux espaces publics en lien avec ses préceptes. Quels sont les raisons et les bénéfices attendus qui expliquent un tel engouement ?</p>
<h2>« Skateboarding is no longer a crime »</h2>
<p>Dans les années 1950 aux États-Unis, le skateboard trouve sa genèse dans la <a href="https://www.nomadeshop.com/fr/blog/histoire-du-skateboard-et-de-ses-origines-n57">culture californienne</a> à travers la détermination des surfers à vouloir « rider » au-delà de l’océan. Les pratiquants de skateboard se faisaient appeler <a href="https://www.skatedeluxe.com/blog/fr/wiki/skateboarding/histoire-de-skateboarding/">« les surfers de l’asphalte »</a> en référence au fait que les vagues ont été remplacées par une glisse d’un nouveau genre, sur le béton.</p>
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<p>Dans les années 1960, les États des côtes est et ouest des États-Unis sont les témoins de la popularité du skate qui passe de jouet bricolé à un véritable <a href="https://www.skatedeluxe.com/blog/fr/wiki/skateboarding/histoire-de-skateboarding/">accessoire sportif</a>. C’est à ce moment que la pratique se diversifie : freestyle (exécution de figures sur surface plane), downhill (recherche de vitesse dans les pentes) et slalom (parcours entre des cônes). Mais il aura fallu traverser l’Atlantique et attendre la fin des années 1970 pour voir la construction des premiers skateparks, comme à Munich, qui <a href="https://journals.openedition.org/critiquedart/2616">« synthétisent l’espace d’origine du skateboard, l’océan, et son lieu de naissance, la ville moderne »</a>, comme le décrit Raphaël Zarka.</p>
<p>Au même moment, afin de pallier leur manque de structure pour pratiquer, les skateboarders californiens se sont approprié des piscines, vidées pour lutter contre la sécheresse. Des spots qui ressemblent comme « deux gouttes d’eau » aux <em>bowls</em> (cuvettes arrondies souvent en béton) des skateparks actuels.</p>
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<p>Mais au-delà de la perspective sportive, le skateboard devient une subculture <a href="https://books.openedition.org/msha/16322">ritualisée de gestes, de signes, de symboles</a>, avec comme lieu de partage la rue. La maxime <a href="https://www.surfertoday.com/skateboarding/skateboarding-is-not-a-crime-the-origin-of-the-slogan">« Skateboarding is not a crime »</a>, popularisée par la vidéo « Public Domain » de la marque Powell Peralta (1988), symbolise la résilience d’une culture souvent incomprise. Le partage de l’espace public a mis à mal la réputation des skateboarders souvent décrits comme des marginaux, des rebelles, des destructeurs, où l’exploration de l’environnement urbain en skateboard semblait incompatible avec d’autres activités humaines.</p>
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<p>Ainsi les années 1970 sont synonymes de <a href="https://www.skatedeluxe.com/blog/fr/wiki/skateboarding/histoire-de-skateboarding/">répression</a>. Certaines villes de Californie et la <a href="https://olympics.com/fr/series-originales/episode/foul-play-l-interdiction-du-skateboard-en-norvege">Norvège interdisent la pratique libre du skateboard</a> pendant plusieurs années, la déclarant comme trop dangereuse en raison de certains accidents, parfois mortels. <a href="https://www.eurosport.fr/jeux-olympiques/comment-le-skate-a-survecu-a-une-interdiction-de-11-ans-en-norvege_vid1323323/video.shtml">Ce qui n’a pas empêché les plus irréductibles de continuer à “rider” en secret</a>. Inévitablement la ville est restée <a href="https://books.openedition.org/msha/16322">leur espace de jeu</a>.</p>
<p>Ces dernières années, le skateboard s’est popularisé davantage en devenant une <a href="https://www.lequipe.fr/Adrenaline/Tous-sports/Actualites/Jeux-olympiques-le-monde-du-skateboard-divise-en-deux/718760">discipline olympique (Tokyo 2020), une décision qui divise sa communauté</a> mais qui demeure le symbole d’une reconnaissance sociale et économique (tardive…).</p>
<h2>Le skateboard : un caléidoscope urbain</h2>
<p>Face à la popularité actuelle de la pratique <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/a-un-an-des-jeux-olympiques-de-tokyo-2020-l-equipe-de-france-de-skate-avance-pas-a-pas-1565831">(20 millions de skateboarders dans le monde dont 1 million en France)</a>, les skateparks se sont multipliés <a href="https://www.lesechos.fr/pme-regions/hauts-de-france/pourquoi-les-villes-cedent-a-la-mode-des-skateparks-1945695">(3500 en France)</a>.</p>
<p>Les municipalités souhaitent, d’une part, soutenir l’activité sportive et sociale des pratiquants, et, d’autre part, éviter <a href="https://actu.fr/grand-est/strasbourg_67482/sur-cette-place-de-strasbourg-guerre-ouverte-entre-les-skateurs-et-certains-habitants_50777286.html">d’éventuels problèmes de sécurité, de nuisances et de conflits</a> avec les autres usagers. Cet encadrement du skateboard fait écho au <a href="https://journals.openedition.org/echogeo/14634">modèle traditionnel de « la ville fonctionnelle</a> » théorisée par Le Corbusier : se loger, travailler, circuler et se récréer (via les loisirs). Dans cette logique, la construction d’un skatepark est fréquemment accompagnée d’une <a href="https://www.20minutes.fr/magazine/cultures-urbaines-mag/2425467-20131024-a-tokyo-l-option-skatepark-permet-d-eviter-les-sushis">politique publique contre la pratique libre du skateboard</a> (arrêtés municipaux, dispositifs anti-skate, amendes, etc.), occasionnant parfois la <a href="https://www.theguardian.com/cities/gallery/2018/feb/14/love-park-photos-book-skate-philidelphia-jonathan-rentschler">disparition de « spots » historiques</a> et de leur contribution sociale et culturelle à la ville.</p>
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<p>Néanmoins, le <a href="https://www.cairn.info/revue-staps-2010-2-page-61.htm">skateboard a continué de bâtir son identité à travers son rapport singulier à l’environnement urbain</a>. <a href="https://journals.openedition.org/eue/219">Son environnement</a> est composé des formes, des surfaces et des matériaux (courbes, béton, métal, etc.) issus de courants architecturaux souvent sources d’inspiration pour les pratiquants comme le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=SBRckzMW9ZM">brutalisme</a>. Ainsi, l’architecture de chaque ville favorise l’émergence d’un style original de pratique comme les <a href="https://www.newyorker.com/culture/video-dept/the-rush-and-risk-of-skateboarding-san-franciscos-hills">Down Hills de San Francisco</a> ou les <a href="https://bibliotheques.paris.fr/cinema/doc/SYRACUSE/1090854/tokyo-skate-les-paysages-urbains-du-skateboard">rues tokyoïtes</a>.</p>
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<p>Par conséquent, le skatepark reste une reproduction de la rue, un lieu clôturé dédié à une <a href="https://www.cairn.info/revue-panard-2022-2-page-132.htm">pratique plus normée et plus athlétique</a> que créative et artistique. Néanmoins, les décideurs publics ont constaté que substituer le skatepark à la rue était une décision inefficace. Ainsi, la ville demeure le <a href="https://www.persee.fr/doc/diver_1769-8502_2010_num_160_1_3260">lieu de consolidation d’une expérimentation</a> <a href="https://www.persee.fr/doc/diver_1769-8502_2010_num_160_1_3260">spatiale</a> portée aujourd’hui par le mouvement <a href="https://soloskatemag.com/tags/skate-urbanism">skate urbanisme</a> soutenu par de nombreuses municipalités « skate friendly » conscientes de ses potentiels bénéfices pour la collectivité.</p>
<h2>Le skate urbanisme comme levier des transitions urbaines à venir</h2>
<p>Le skate urbanisme est né de la volonté des communautés activistes et des mairies de <a href="https://stud.epsilon.slu.se/10290/1/angner_f_170626.pdf">planifier ensemble l’intégration du skateboard dans l’environnement urbain</a>. Plusieurs villes européennes (comme <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/IJSMS-05-2020-0101/full/html">Malmö</a>, Copenhague et Bordeaux) sont avant-gardistes dans l’application de programmes d’aménagement d’espaces hybrides ouverts au skateboard. Bordeaux <a href="https://www.sudouest.fr/gironde/bordeaux/skate-a-bordeaux-la-ville-est-passee-d-une-politique-repressive-a-une-politique-bienveillante-11636864.php">(recensant 35000 pratiquants)</a> applique depuis 2019 un <a href="https://www.bordeaux.fr/images/ebx/fr/CM/15163/6/acteCM/84253/pieceJointeSpec/176177/file/acte_00083716_D.pdf">schéma directeur</a> dont les grands principes sont <a href="https://www.sudouest.fr/gironde/bordeaux/bordeaux-des-bancs-en-granit-pour-s-asseoir-et-skater-1915024.php">l’installation d’un mobilier urbain spécifique</a>, la distribution d’un <a href="https://www.calameo.com/read/001480121a62fc6648e98">guide du skateboard</a>, une <a href="https://www.francebleu.fr/infos/societe/bordeaux-des-mediateurs-pour-calmer-le-conflit-entre-les-riverains-et-les-skateurs-1525600920">démarche de médiation</a> entre les skateboarders et la population, ou encore la création d’<a href="https://www.bougerabordeaux.com/sinformer/des-structures-pour-le-skate-sur-le-miroir-deau-de-bordeaux/">évènements culturels</a>.</p>
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<p>La popularité naissante du skate urbanisme au sein des équipes municipales s’explique par l’espoir d’en récolter des bénéfices économiques, environnementaux et sociaux. Le skateboard est devenu un marché important <a href="https://www.grandviewresearch.com/industry-analysis/skateboard-market">(740 millions d’euros en Europe)</a> au potentiel de développement territorial non négligeable. Pour exemple, Bordeaux accueille le <a href="http://www.sugarskatemag.com/">premier magazine français</a>, <a href="https://www.sudouest.fr/politique/education/culture-urbaine-bordeaux-une-ville-en-pointe-sur-le-skateboard-8482515.php">l’unique formation diplômante dédiée</a>, quatre sièges de marques mondialement connues, une vingtaine de distributeurs, six associations et plusieurs skateboarders professionnels. Enfin, la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=8r6jD4TW900">production visuelle de sa communauté</a> et la <a href="https://www.bordeaux-tourisme.com/skate-city">communication « skate friendly » de la municipalité</a> développent un <a href="https://journals.openedition.org/teoros/9929">tourisme consacré au skateboard</a>.</p>
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<p>Le skate urbanisme s’inscrit dans la tendance de <a href="https://www.cairn.info/revue-flux-2020-1-page-197.htm">« l’urbanisme circulaire »</a>, un modèle qui répond au défi de la transition écologique en souhaitant créer des villes sobres et durables grâce à la réinterprétation du bâti existant, <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/esprit-des-lieux/a-quoi-ressembleront-nos-villes-en-2050-6832830">80 % de la ville de 2050 existerait déjà</a>. Il s’agit non pas de créer ex nihilo de nouveaux espaces mais de capitaliser sur l’actuel. En ce sens, le skate urbanisme prône le recyclage urbain et la frugalité budgétaire en réhabilitant des <a href="https://www.dedication.website/projets/terrasse-gnral-koenig-bordeaux-mriadeck-2020">lieux de pratique en déshérence</a> ou en améliorant des « spots » existants, par exemple via la recommandation d’horaires de pratique afin de <a href="https://www.cairn.info/revue-espaces-et-societes-2018-4-page-163.htm">limiter les nuisances sonores</a>. Il permet également de sécuriser et d’intensifier l’utilisation de ces espaces via l’ancrage de la communauté et la fréquentation de nouveaux pratiquants par exemple les femmes qui sont de plus en plus nombreuses dans un environnement traditionnellement masculin. De plus, il propose une solution de mobilité douce, non polluante et physique au même titre que le vélo et la trottinette.</p>
<p>Enfin, ce mouvement contribue à la transition des modes de vie. La ville est désormais pensée selon ses usagers et <a href="https://fr.euronews.com/next/2021/09/17/qu-est-ce-que-la-ville-du-quart-d-heure-et-comment-peut-elle-changer-nos-vies">l’accès facilité à leurs besoins fondamentaux</a> comme le travail, les soins et les loisirs. Dans cette dynamique citoyenne, le skate urbanisme apporte aux mairies des solutions à cette transition en encourageant une <a href="https://www.sudouest.fr/gironde/bordeaux/un-guide-et-de-nouveaux-panneaux-dans-bordeaux-pour-les-skateurs-14528746.php">activité physique de proximité gratuite</a>, en stimulant l’engagement citoyen via des <a href="https://www.sudouest.fr/gironde/mios/mios-les-travaux-pour-la-ligne-de-skate-de-lacanau-de-mios-ont-commence-13164215.php">projets d’aménagement (par exemple portés par les budgets participatifs)</a> ou encore en favorisant le vivre ensemble à travers des <a href="https://www.sudouest.fr/gironde/bordeaux/nouveaux-modules-de-skate-au-miroir-d-eau-a-bordeaux-c-est-une-offrande-aux-skateurs-16336495.php">évènements culturels et sportifs</a> propices à l’expérience artistique et à la mixité des populations.</p>
<p>Par conséquent, les décideurs publics changent progressivement leur appréhension négative du skateboard libre et urbain pour le considérer comme un acteur vertueux de la ville durable et inclusive de demain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222423/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Peut-on penser l’urbanisme à travers la pratique du skate ? A quelles fins ?Jean-Sébastien Lacam, Professeur en Management, ESSCA School of ManagementJuliette Evon, Professeure en Management, ESSCA School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2210532024-03-11T16:14:19Z2024-03-11T16:14:19ZMobilité : et si on remettait le piéton au milieu du village ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/575293/original/file-20240213-22-qeinre.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=700%2C431%2C3785%2C2357&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Comment penser une rue où piétons, vélos, trottinettes, transports en commun et voitures cohabitent de façon apaisée ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/les-gens-qui-marchent-sur-le-trottoir-pendant-la-journee-Fzr-DIuWmFk">Robert Tjalondo/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les <a href="https://theconversation.com/paris-sans-voiture-on-en-revait-deja-en-1790-103140">Parisiens</a> ont voté le <a href="https://www.paris.fr/pages/plus-ou-moins-de-suv-les-parisiens-et-parisiennes-sont-invites-a-voter-le-4-fevrier-25381">4 février dernier</a> en faveur d’un triplement de la tarification du stationnement des <a href="https://theconversation.com/stationnement-des-suv-nos-voitures-sont-elles-devenues-obeses-222547">SUV</a>. À l’échelle de la France, la plupart des grandes villes tentent peu à peu de réduire la place de la voiture dans l’espace public, notamment au profit des transports collectifs, des piétons et des cyclistes.</p>
<p><a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/enquete-sur-la-mobilite-des-personnes-2018-2019">En moyenne en 2019</a>, 23,7 % des déplacements en France étaient effectués à pied. Un chiffre qui grimpait à 38 % à Paris et ses alentours et chutait à 18,9 % dans les agglomérations de moins de 200 000 habitants. Quant aux territoires ruraux, la marche y représente 13 % des trajets.</p>
<p>Malgré cette place importante de la <a href="https://theconversation.com/favoriser-la-marche-a-pied-en-ville-une-question-plus-complexe-quil-ny-parait-96242">marche</a> dans nos vies, le piéton demeure un angle mort des politiques de mobilité. En nous confinant dans un rayon d’un kilomètre autour de chez nous et en vidant les rues des automobilistes, la pandémie de Covid-19 a mis en lumière ce déséquilibre entre la place conférée à la voiture dans la conception de l’espace public et celle réservée aux mobilités dites « actives » (marche, vélo…).</p>
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<p>En réaction à ce besoin de redistribution des espaces publics, des stratégies d’<a href="https://theconversation.com/sinspirer-de-lurbanisme-tactique-pour-adapter-les-villes-a-la-distanciation-physique-136642">« urbanisme tactique »</a> ont proposé des aménagements temporaires – « coronapistes » cyclables, extension de terrasses sur les trottoirs et les places de stationnement – qui se sont parfois pérennisés pour montrer qu’il était possible de <a href="https://librairie.ademe.fr/urbanisme-et-batiment/5987-l-experience-de-l-amenagement-temporaire-d-espaces-publics.html">grignoter de l’espace à la voiture</a> pour donner plus de place à d’autres usages, à la nature, à la vie sociale et au bien-être des citadins.</p>
<p>Mais si cet épisode a eu un effet très bénéfique pour la <a href="https://theconversation.com/le-velo-ce-mode-de-deplacement-super-resilient-138039">pratique du vélo</a>, il n’en a pas été de même pour la marche.</p>
<h2>Les piétons, parents pauvres des politiques de mobilité</h2>
<p>Il est tellement naturel de marcher que les collectivités ne pensent en effet même pas à intégrer les piétons dans leurs réflexions et leur planification territoriale. Dans l’ordre des modes de déplacement, elles privilégient dans leur conception la circulation des voitures et leurs stationnements, avant les pistes cyclables et les aménagements pour les piétons qui sont trop souvent considérés comme une variable d’ajustement. Une hiérarchie qui se retrouve aussi d’un point de vue financier.</p>
<p>Un constat paradoxal alors que la marche constitue le mode de déplacement le plus vertueux et le plus universel. Elle est indispensable à l’intermodalité puisqu’elle joue le rôle de liant avec l’ensemble des autres modes, sans compter ses vertus pour la santé physique et psychique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/574325/original/file-20240208-28-by0n50.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="personnes âgées qui discutent dans la rue" src="https://images.theconversation.com/files/574325/original/file-20240208-28-by0n50.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574325/original/file-20240208-28-by0n50.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574325/original/file-20240208-28-by0n50.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574325/original/file-20240208-28-by0n50.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574325/original/file-20240208-28-by0n50.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574325/original/file-20240208-28-by0n50.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574325/original/file-20240208-28-by0n50.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le piéton, c’est tout le monde.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/deux-personnes-parlant-debout-pres-du-mur-q3FihXQ-13M">Cristina Gottardi/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>En outre, le piéton est la figure qui couvre toute la diversité de la population. Il n’y a pas un, mais des piétons : au-delà de la personne en bonne santé, c’est aussi la personne âgée, le parent avec sa poussette, la personne à mobilité réduite, le voyageur qui tire une valise ou encore l’enfant, grand disparu de l’espace public ces dernières décennies.</p>
<p>Alors qu’il y a 50 ans, les enfants marchaient seuls jusqu’à trois kilomètres autour du domicile, aujourd’hui quatre enfants sur dix de trois à dix ans ne jouent jamais dehors pendant la semaine (<a href="https://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2015/30-31/2015_30-31_3.html">selon un rapport publié en 2015 par l’Institut de veille sanitaire</a> (INVS). <a href="https://blogs.alternatives-economiques.fr/chassignet/2020/12/07/la-mobilite-vers-l-ecole-un-enjeu-de-sante-publique-trop-souvent-oublie-des-politiques-publiques">Près de la moitié d’entre eux sont amenés à l’école en voiture</a>.</p>
<p>Il est donc important de rappeler qu’aménager la ville pour les piétons correspond à aménager la ville pour toutes et tous, et paradoxalement ce n’est pas le cas aujourd’hui. Si un aménagement est pensé et adapté aux publics dits « vulnérables », alors il sera accessible au plus grand nombre.</p>
<h2>Pas qu’un sujet de grandes villes</h2>
<p>Dans ce contexte, l’Agence de la transition écologique (Ademe) a publié le guide « À pied d’œuvre », afin d’inciter les collectivités à replacer les piétons <a href="https://librairie.ademe.fr/urbanisme-et-batiment/5998-a-pied-d-oeuvre-mettre-les-pietons-au-coeur-de-la-fabrique-des-espaces-publics.html">au cœur de la stratégie des politiques publiques</a>.</p>
<p>Différentes initiatives menées ont mis en évidence que non seulement la marche intéressait les collectivités, mais qu’elle les concernait toutes : pas seulement les grandes agglomérations, où les alternatives à la voiture sont déjà bien développées, mais également les communes de petite taille, notamment en zone rurale ou périurbaine.</p>
<p>En 2023, un premier appel à projets de l’Ademe a incité les territoires à la créativité pour élaborer leur stratégie piétonne et expérimenter des aménagements favorables à la marche. 75 territoires lauréats sont ainsi accompagnés financièrement <a href="https://umap.openstreetmap.fr/fr/map/laureats-aap-marche-du-quotidien-2023-national_944999#6/46.206/4.629">dans la mise en œuvre de ces projets</a>.</p>
<h2>Le piéton comme point d’entrée</h2>
<p>Pour favoriser la marche dans les communes, la rue est une échelle de réflexion pertinente : plutôt que de partir de la planification stratégique territoriale, qui conçoit les espaces en fonction de la circulation automobile, la rue permet de penser à l’échelle du piéton, le plus petit des acteurs de la ville.</p>
<p>En en faisant le point d’entrée de la réflexion urbaine, en partant de ses usages et de ses besoins, on peut dépasser la conception dominante qui envisage les rues comme tuyaux dans lesquelles circulent les voitures.</p>
<p>Citons <a href="https://theconversation.com/les-rues-scolaires-un-concept-aux-resultats-encourageants-pour-transformer-la-mobilite-urbaine-157845">l’exemple des rues scolaires</a>, dispositif qui consiste à piétonniser temporairement les voies des écoles aux heures d’ouverture et de fermeture des classes, afin de les sécuriser, mais également d’encourager les déplacements à pied, à trottinette ou à vélo plutôt qu’en voiture. Un dispositif en plein essor partout en Europe.</p>
<p>Au-delà de la piétonnisation d’une rue ou d’une place, cela peut aussi passer par la végétalisation, l’apaisement des vitesses, l’installation de marquages au sol pour mieux matérialiser les traversées piétonnes ou la place du piéton dans la ville avec de l’art ou de la peinture. Derrière cette requalification de la rue transparaît également l’idée de réenchanter nos villes en les rendant moins ternes et plus désirables.</p>
<h2>Une ville plus désirable</h2>
<p>Dans de nombreux territoires, notamment ruraux et périurbains, le tout voiture a créé un cercle vicieux dans lequel le commerce de proximité a progressivement disparu, au profit des grandes surfaces et zones commerciales.</p>
<p>L’accès à une vie de proximité, à des commerces, des services publics et des équipements à portée de jambe correspond en outre à une demande des habitants, même si des craintes sont parfois à lever. À Cahors, par exemple, la réflexion sur la piétonnisation d’une place, actuellement utilisée comme parking, a été permise grâce à la concertation et à la réalisation d’enquêtes de terrain, grâce auxquelles les commerçants ont compris que leurs clients, pour la plupart, ne venaient pas en voiture.</p>
<p>La marche non seulement occupe peu d’espace, mais elle présente bien d’autres co-bénéfices : pour la santé, la qualité de l’air, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et du bruit… elle profite également au commerce local, permet d’animer les villes et participe au sentiment de sécurité.</p>
<h2>Une ville plus inclusive</h2>
<p>Pour toutes ces raisons, engager une politique piétonne ambitieuse a des répercussions en matière de santé publique, de pollution atmosphérique, d’attractivité des villes et villages et d’inclusivité. Sur le genre, par exemple, les filles adolescentes – comme les enfants – sont de plus en plus invisibilisées de l’espace public.</p>
<p><a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/les-enfants-de-plus-en-plus-confines-a-l-interieur-la-faute-aux-villes-7519619">Dans une émission sur <em>France Inter</em></a> du 18 octobre 2023, le sociologue et démographe Clément Rivière expliquait ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Il se trouve que les filles, en fait, sont encore plus enfermées que les petits garçons. Elles passent moins de temps à jouer dehors, elles vont moins souvent à l’école seules, sans adulte, que les petits garçons. Ce qui préfigure les différences qu’on observe à l’âge adulte, dans le rapport qu’entretiennent à la ville les hommes et les femmes. »</p>
</blockquote>
<p>Sur la même chaîne de radio, l’architecte <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/grand-bien-vous-fasse/la-ville-est-elle-sexiste-9592434">Anne-Sophie Kehr</a>, architecte ajoute :</p>
<blockquote>
<p>« Il faut partir de la genèse de la ville qui a été faite, pensée par et pour les hommes. L’espace public, c’est là où se fait la vie politique. Et nous, les femmes, nous n’avons pas été pensées comme partie prenante de l’espace public, l’espace des hommes. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/575042/original/file-20240212-18-h1eea9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/575042/original/file-20240212-18-h1eea9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/575042/original/file-20240212-18-h1eea9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/575042/original/file-20240212-18-h1eea9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/575042/original/file-20240212-18-h1eea9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/575042/original/file-20240212-18-h1eea9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/575042/original/file-20240212-18-h1eea9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/575042/original/file-20240212-18-h1eea9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Pyramides des mobilités, actuelle et souhaitable.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Faciliter la marche en ville n’implique pas d’évacuer totalement la voiture, mais nécessite de revenir sur son omniprésence (en ville on estime que 50 à 80 % de l’espace public est réservé à la voiture ou aux deux-roues motorisés). Il s’agit simplement de rééquilibrer le rapport de force entre les modes de déplacement, en tenant davantage compte de leurs contributions respectives à l’intérêt général. De manière schématique, l’idée est d’« inverser la pyramide » en accordant davantage de moyens (espace alloué et moyens financiers) aux moyens de transport les plus favorables à l’intérêt général.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221053/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Malgré son importance dans notre quotidien, la marche à pied demeure un angle mort des politiques publiques de mobilité.Christelle Bortolini, Ingénieure de recherche planification mobilité, Ademe (Agence de la transition écologique)Mathieu Chassignet, Ingénieur mobilité, qualité de l'air et transition numérique, Ademe (Agence de la transition écologique)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2251402024-03-11T16:13:04Z2024-03-11T16:13:04Z« Extérieurs : Annie Ernaux et la photographie » : quand la littérature rencontre ses images<p>Que se passe-t-il lorsque des formes d’art tranchantes et abrasives se rencontrent ? Le frottement peut les faire résonner, éventuellement grincer, ou les aiguiser encore plus. C’est ce qui se passe avec l’exposition dense et fascinante que l’écrivain Lou Stoppard a montée avec la <a href="https://theconversation.com/nobel-prize-in-literature-annie-ernaux-and-writing-from-experience-192050">lauréate du prix Nobel Annie Ernaux</a> à la <a href="https://www.mep-fr.org/event/exterieurs-annie-ernaux-et-la-photographie/">Maison européenne de la photographie</a> (MEP) de Paris.</p>
<p>Stoppard a été écrivaine en résidence à la MEP en 2022 et « Extérieurs » représente l’aboutissement de cette résidence. L’exposition reprend des pages du mince volume de 1993 d’Ernaux, <em>Journal du dehors</em>, et les place à côté de photographies de la collection de la MEP, suggérant des liens possibles, des résonances, des affinités.</p>
<p><em>Le Journal du dehors</em>, traduit vers l’anglais par Tanya Leslie sous le titre <a href="https://fitzcarraldoeditions.com/books/exteriors"><em>Exteriors</em></a> et publié chez Fitzcarraldo en 2021, se présente sous la forme d’entrées de journal aléatoires s’étalant sur sept ans, dans les années 1980 et au début des années 1990. Il donne à voir des rencontres fugaces ou récurrentes qui jalonnaient le trajet qu’Ernaux faisait alors très régulièrement entre Paris et son domicile en banlieue parisienne.</p>
<p>Le montage d’images et de pages découpées du volume intensifie l’écriture, happant les visiteurs par la concentration d’informations. Mais l’effet ajoute aussi de l’espace à la routine des déplacements quotidiens, aux couloirs souterrains immuables avec leurs mendiants familiers, au même parking devant le même supermarché, aux schémas de déplacements qui racontent notre façon de vivre et de travailler, qui donnent au Journal d’Ernaux sa corrosivité particulière.</p>
<p>Le texte d’Ernaux acquiert une clarté supplémentaire et une immobilité proprement photographique lorsqu’il est lu sous forme de panneaux accrochés au mur. Ses scènes du Paris des années 1980 nous parlent avec la force du « ça a été », avec leur paradoxale combinaison de tragédie sans fin et de fugacité : ce moment, cette robe, ces mots, ces chaussettes…</p>
<h2>Imagerie tranchante</h2>
<p>Ernaux veut depuis longtemps faire de son écriture un <a href="https://theconversation.com/annie-ernaux-french-feminist-who-uses-language-as-a-knife-wins-nobel-prize-for-literature-192084">couteau</a>. Son style est court, dépouillé, non lyrique. Elle va droit au cœur des choses sur lesquelles elle écrit, chaque mot étant nécessaire. Et l’organisation équilibrée et réfléchie de cette exposition est une extension de cette habileté à trancher. Elle nous montre que tout est dans le détail s’il est saisi avec suffisamment d’acuité pour en révéler l’importance. De nombreuses photographies sont, à cet égard, éblouissantes.</p>
<p>Elles sont presque toutes caractérisées par ce que le photographe français Henri Cartier-Bresson appelait des <a href="https://www.henricartierbresson.org/en/expositions/henri-cartier-bresson-images-a-la-sauvette/">« images à la sauvette »</a> : des scènes aperçues et saisies dans la rue, capturant des personnes à leur insu, saisissant leur présence singulière dans leurs moments d’absence. L’un des effets de la scénographie, faisant dialoguer deux ensembles de photographies, démontre combien cette approche peut générer des images merveilleusement différentes.</p>
<p>D’un côté de la galerie, étroite et semblable à un couloir, nous voyons une succession de petites images distinctes du photographe américain <a href="https://www.icp.org/browse/archive/constituents/harry-callahan">Harry Callahan</a>, tirées de sa série « Archives françaises » des années 1950. Ces tirages presque noirs sont traversés par des bandes de lumière du soleil ou par des taches minimales de luminosité. Des figures apparaissent énigmatiquement gravées dans la lumière, entrant et sortant du champ du visible.</p>
<p>Nous nous tournons ensuite vers l’autre mur où se trouve un fabuleux montage du photographe américano-japonais <a href="https://www.nytimes.com/2021/08/18/style/hiro-dead.html">Hiro</a>. Ces images, grandeur nature et continues, montrent les usagers d’un train de Tokyo des années 1960, exposés comme en vitrine et malgré eux à travers les fenêtres du wagon, leurs regards et leurs doigts pressés contre la vitre, s’adressant à nous et à d’autres passagers.</p>
<p>D’un côté, un profond sentiment de solitude. De l’autre, la pression des gens autour.</p>
<p>En dialoguant, ces deux sélections d’images mettent en lumière la qualité étrange du journal d’Ernaux, tout à la fois proche et détachée de la vie ordinaire. Elle regarde toujours depuis l’extérieur, même lorsqu’elle imagine, comme le soulignent les textes de l’exposition, qu’elle pourrait tout aussi bien être en train de se regarder elle-même.</p>
<h2>Un spectateur détaché</h2>
<p>L’inclusion de plusieurs séries d’œuvres de photographes japonais est frappante à cet égard, car elle crée un sentiment d’éloignement là où Ernaux a si systématiquement embrassé la familiarité de la vie française ordinaire. Les photographies de l’époque parisienne plus récente produisent un peu le même effet, en particulier dans la salle où se trouvent deux grandes œuvres de Mohamed Bourouissa et une œuvre de Marguerite Bornhauser, une des seules à ne pas inclure de figures humaines.</p>
<p>Les deux œuvres de Bourouissa montrent des scènes de la vie « des quartiers » en France. L’une d’elles représente un groupe de quatre jeunes autour d’une voiture brûlée dans une ruelle sale. L’un des membres du groupe se tient sur le toit, le haut du torse et la tête coupés par l’encadrement.</p>
<p>L’autre photo montre un homme qui se fait arrêter. Il est menotté, presque nu, et fixe du regard une femme, peut-être sa petite amie, debout devant lui, jambes nues, habillée seulement d’un long t-shirt. Le policier et la femme sont également décapités par le cadrage de Bourouissa.</p>
<p>Quant à la photographie de Bornhauser, elle montre l’impact d’une balle sur une vitre quelque part près du <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/attentats-du-13-novembre-2015-le-recit-d-une-nuit-d-horreur-par-ceux-qui-l-ont-vecue-2606892">Bataclan en 2015</a> après les attaques terroristes.</p>
<p>Ce sont des scènes d’une violence toute contemporaine. Elles nous suggèrent que même la mobilité sociale somme toute limitée de la génération d’Ernaux, et les formes fétiches de la vie moderne comme la voiture, ont débouché sur un échec.</p>
<p>Ces quelques images en couleur ne diminuent pas la violence évidente dans les autres œuvres plus calmes de cette salle, mais elles mettent en lumière une autre facette de l’écriture, sa qualité prémonitoire, en particulier dans les pages accrochées à côté des images extraordinaires de Bourouissa. Ces pages sont moins des notations de ce qui est que des extrapolations de ce qui pourrait être. Elles parlent de peur, d’espaces vides où la violence (voire le viol) pourrait ne pas être entendue, et les misères de l’ambition parentale qui annoncent une adolescence malheureuse.</p>
<p>Le spectateur en ressort avec le sentiment du pouvoir extraordinaire de ces images de la vie quotidienne. Et pour ceux qui admirent déjà Ernaux, « Extérieurs » est l’occasion de voir plus clairement comment elle a aiguisé son œil et son oreille contre la routine de ses trajets quotidiens.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225140/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anna-Louise Milne ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’exposition qui se tient à la Maison européenne de la photographie célèbre la relation entre la photographie et l’écriture d’Annie Ernaux, à travers des textes de son « Journal du dehors » (1993).Anna-Louise Milne, Director of Graduate Studies and Research, University of London Institute in ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2247972024-03-06T16:08:59Z2024-03-06T16:08:59ZS’inspirer du Bauhaus, une école de design pionnière, pour gérer la transition verte<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/578918/original/file-20240229-16-p8z0hc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C3924%2C2358&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'école du Bauhaus à Dessau associait à une école d'architecture et de design des ateliers depuis lequels cette photo est prise.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/B%C3%A2timent_du_Bauhaus_%28Dessau%29#/media/Fichier:Bauhaus_Dessau_2018.jpg">Aufbacksalami / Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Depuis plusieurs années, les recherches et les formations conduites en partenariat avec les acteurs socio-économiques témoignent de leur mobilisation pour œuvrer aux transitions qu’appellent notre temps, au premier rang desquelles la transition verte. Ici un fournisseur de l’aéronautique développe une <a href="https://www.cgs.minesparis.psl.eu/presentation/option-ic/#:%7E:text=L%27option%20Ing%C3%A9nierie%20de%20la,innovation%20et%20aux%20projets%20industriels">nouvelle filière pour le recyclage de ses composants</a> ; là une entreprise soutient la <a href="https://www.cgs.minesparis.psl.eu/presentation/option-ic/">mobilisation collective pour réinventer les stations de ski</a> face au changement climatique ; ailleurs le <a href="https://e-shape.eu/index.php/co-design">co-design</a> permet aux acteurs de mobiliser la donnée satellitaire pour de nouveaux services à fort impact pour le développement durable. Certains travaillent à <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/comme-un-air-de-revolution-chez-verallia.N2206927">alléger radicalement la bouteille en verre pour diminuer l’impact environnemental</a>, quand d’autres reconçoivent des socio-agro-écosystèmes avec de <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cepestici/l16b2000-t1_rapport-enquete">meilleurs couplages alimentation-agriculture-environnement</a>.</p>
<p>À peine entamées, les nombreuses transitions semblent pourtant <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/02/23/la-transition-ecologique-est-mal-partie_6218115_3234.html">déjà à la peine</a>. Les sciences de gestion nous indiquent que ces difficultés tiennent notamment au fait que manquent aujourd’hui les capacités à gérer collectivement l’inconnu. En effet il ne s’agit pas de suivre une <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/sans-transition-jean-baptiste-fressoz/9782021538557">trajectoire prédéfinie</a> vers un état final bien connu, comme le laisserait penser l’origine de la notion de transition. Les transitions contemporaines sont des transitions vers l’inconnu : il s’agit d’inventer un futur soutenable face aux crises et aux limites des modes de développement passés. De la notion, on peut cependant conserver le caractère systémique : toutes les dimensions de l’action sont à réinventer.</p>
<p>Les transitions contemporaines appellent ainsi un renouvellement des sciences, des usages et modes de vie, des compétences, des régimes de collaboration et de solidarité, des responsabilités, des façons d’apprendre et de transmettre… Loin d’un <a href="https://theconversation.com/les-cornucopiens-sont-parmi-nous-mais-qui-sont-ils-210481">techno-solutionisme naïf</a>, le besoin de conception se révèle immense et sous-estimé, tant il porte sur des aspects qui dépassent les catégories usuelles de la R&D et de la technologie. Et les sciences de gestion nous alertent : gérer les efforts de conception collective pour les transitions dans l’inconnu suppose un changement de paradigme majeur pour le management.</p>
<h2>De la destruction créatrice à la préservation créatrice ?</h2>
<p>Longtemps le manager a été assimilé au décideur, un décideur qui ne verrait dans les transitions contemporaines que des dilemmes sacrificiels où chaque décision ne fait que des perdants, conduisant inexorablement à un durcissement des positions et des discours : l’emploi contre la biodiversité, la paix sociale contre l’environnement, la mobilité pour tous contre les motorisations décarbonées… Le manager-décideur sera ainsi tenté de trancher et d’assurer une acceptabilité sociale minimale.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1689581528014028800"}"></div></p>
<p>Cependant face à l’inconnu, il ne s’agit pas de décider mais de concevoir. Le manager-concepteur organise l’exploration collective pour imaginer de nouvelles alternatives plus durables, plus soutenables, plus résilientes. Ceci se fait en mobilisant l’ensemble des ressources inventives sciences-arts-industries-sociétés pour dessiner les prospérités et les puissances futures.</p>
<p>La gestion de l’inconnu a pu se développer fortement dans les départements d’innovation apparus dans les entreprises et les organisations ces dernières années. Mais la gestion des inconnus des transitions présente deux caractéristiques singulières.</p>
<p>D’une part, les transitions contemporaines posent la question de la préservation tant des ressources que du vivre-ensemble, des valeurs ou des modes de vie. Le régime d’innovation ne saurait ici être une création destructrice schumpétérienne mais bien plutôt une <a href="https://minesparis-psl.hal.science/hal-03418896/document">création préservatrice</a>.</p>
<p>D’autre part, les transitions impactent de très nombreux acteurs : citoyens, associations, politiques, universitaires, et, dans l’entreprise, les fonctions les plus variées. Il s’agit aujourd’hui de rendre tous ces acteurs concepteurs, bien au-delà du strict cadre des « experts de l’innovation ». En résumé, gérer les inconnus des transitions suppose une action collective qui soit une création préservatrice dans laquelle tous les acteurs peuvent être concepteurs.</p>
<h2>S’inspirer du Bauhaus, une école de design pionnière</h2>
<p>Ce management reste largement à inventer. Il a certes été <a href="https://www.johnljerz.com/superduper/tlxdownloadsiteMAIN/id592.html">régulièrement évoqué</a> dans les sciences de gestion mais il manquait alors les sous-bassements théoriques rendant compte de cette rationalité dans l’inconnu à la fois génératrice et préservatrice. Les <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00163-017-0275-2">progrès</a> de la <a href="https://www.tmci.minesparis.psl.eu/">théorie de la conception</a> et les <a href="https://www.pressesdesmines.com/produit/la-mission-de-lentreprise-responsable/">avancées</a> en <a href="https://www.te.minesparis.psl.eu/">gouvernance de l’entreprise</a>, ont contribué à élaborer des fondements plus solides, et ont ouvert la voie à l’exploration des formes, des méthodes, des responsabilités de ce management des inconnus des transitions.</p>
<p>Ces travaux ont éclairé la façon dont des collectifs pouvaient être créatifs car préservateurs en s’appuyant sur leur patrimoine de création. On entend par là un ensemble de savoirs et de règles d’action collective caractérisant ce qui est préservé pour renforcer les logiques créatives associées. Il s’agit aujourd’hui de permettre le déploiement de ces travaux, d’en assurer l’impact socio-économique et l’approfondissement scientifique.</p>
<p>Et si l’inspiration pour cela était puisée dans le monde des formations à la création ?</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=524&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=524&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=524&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=658&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=658&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578917/original/file-20240229-30-cm5y8a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=658&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Logo du Bauhaus, créé en 1922 par Oskar Schlemmer.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Face aux transformations socio-économiques du XX<sup>e</sup> siècle, l’école allemande du Bauhaus réunissait les théoriciens, maîtres de la forme, et les praticiens de la conception, maîtres de la matière, pour développer les forces créatives en combinant les logiques de formation, de recherche et d’impact. Avant qu’elle ne soit dissoute par les nazis, voyant dans ses réalisations un « art dégénéré », et que ses membres partent en exil, elle a construit un apport décisif pour le design, l’industrie et les arts.</p>
<p>Inspirée par ce Bauhaus, et avec le soutien de partenaires partageant l’esprit de ce projet, Mines Paris – PSL inaugure un <a href="https://bauhausdestransitions.minesparis.psl.eu/">nouveau « Bauhaus des transitions »</a>. Chercheurs, praticiens, dirigeants des collectifs inventifs pourront y développer les nouveaux langages (les « formes ») et les nouvelles pratiques (la « matière ») pour gérer les inconnus des transitions contemporaines, en écologie, santé, mobilité, matériaux, énergie, souveraineté industrielle ou encore espaces informationnels.</p>
<p>Ce Bauhaus des transitions du XXI<sup>e</sup> siècle se donne pour objectif de renouveler la culture gestionnaire en approfondissement les modèles de la générativité préservatrice et en expérimentant concrètement des projets à impact. Il se veut un espace pour des recherches-utopies sur de nouvelles formes d’action collective pour gérer l’inconnu en lien avec les autres disciplines scientifiques explorant les logiques génératives (data science, biologie, histoire, mathématiques, sciences de l’ingénieur…). Il s’inscrit dans les réseaux français, <a href="https://community.eelisa.eu/communities/bauhaus-new-ways-in-education-and-management/">européens</a> et mondiaux d’universités, d’entreprises et d’institutions publiques qui ont vocation à répondre aux défis posés par la gestion des inconnus des transitions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224797/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les dynamiques créatives qui existaient au sein de l’école du Bauhaus pourraient-elles nous inspirer pour mieux gérer les inconnus des transitions ?Pascal Le Masson, Professeur Mines Paris - PSL, Mines Paris - PSLBenoit Weil, Professeur, Mines Paris - PSLBlanche Segrestin, Professeur en Sciences de Gestion, Centre de Gestion Scientifique, Mines Paris - PSLSophie Hooge, Professeur en Sciences de Gestion, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2240812024-02-28T15:37:59Z2024-02-28T15:37:59ZDensification des villes : comment les Français la perçoivent-ils ?<p>Les besoins en logement en France, très importants dans certaines zones géographiques attractives, conjugués à la loi ZAN qui prévoit un objectif <a href="https://www.vie-publique.fr/eclairage/287326-zero-artificialisation-nette-zan-comment-proteger-les-sols">« zéro artificialisation nette »</a> des espaces naturels, agricoles et forestiers à l’horizon de 2050, amènent les villes à se densifier.</p>
<p>Si la limitation de l’étalement urbain a un effet vertueux sur la préservation des espaces de nature, des sols et de la biodiversité, elle permet aussi de limiter les émissions de gaz à effet de serre en réduisant les trajets en voiture.</p>
<p>Dans ce contexte, la ville de demain va se développer « sur » la ville d’aujourd’hui. Mais comment cette densification de la ville est-elle perçue et vécue par ses habitants ? Cette question constitue un enjeu fort pour les acteurs de la fabrique de la ville (collectivités, urbanistes, architectes, promoteurs) qui doivent concevoir des projets de transformation de la ville avec la population habitante.</p>
<h2>Formes et ambiances urbaines</h2>
<p>Selon une <a href="https://www.audencia.com/recherche-etudes/la-perception-de-la-densite-urbaine">enquête</a> ObSoCo/Chaire Qualités de Villes menée auprès d’un échantillon représentatif de la population française, 52 % des Français perçoivent leur environnement de vie comme dense. Cependant, une <a href="https://www.audencia.com/actualites/publication-etude-sur-la-perception-de-la-densite-urbaine">enquête</a> auprès d’acteurs de l’urbanisme dans le Grand Ouest montre que la densité peut avoir des visages très différents.</p>
<p>Ainsi, quel point commun entre un écoquartier apaisé à l’écart du tumulte urbain, un quartier prioritaire dont le renouvellement urbain permet d’introduire plus de mixité fonctionnelle (services, espaces renaturés, commerces et logements) et une nouvelle centralité représentative de la « ville intense et compacte » ? Tous trois peuvent participer de la densification de leur territoire.</p>
<p>Outre la <a href="https://www.institutparisregion.fr/nos-travaux/publications/apprehender-la-densite-1/">pluralité de définitions</a> de la densité, son appréciation dépend notamment de la taille de l’agglomération urbaine, du type de constructions et plus généralement des ambiances urbaines. Ainsi, les bâtiments d’aspect massif ou monotone renvoient l’image d’une forte densité, ce qui n’est pas étranger à l’expérience des grands ensembles des années 1960 et 1970, devenus symboles de relégation et d’entassement, bien qu’assez peu denses (en nombre d’habitants rapporté à la surface).</p>
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<img alt="Fort d’Issy-les-Moulineaux" src="https://images.theconversation.com/files/577007/original/file-20240221-24-2mwl2m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/577007/original/file-20240221-24-2mwl2m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/577007/original/file-20240221-24-2mwl2m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/577007/original/file-20240221-24-2mwl2m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/577007/original/file-20240221-24-2mwl2m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/577007/original/file-20240221-24-2mwl2m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/577007/original/file-20240221-24-2mwl2m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La perception de la densité dépend des formes et des ambiances urbaines.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Fort_d%27Issy-les-Moulineaux_%2834984409671%29.jpg">Guilhem Vellut/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Des formes urbaines diversifiées et rythmées, la nature en ville et la mixité fonctionnelle permettent ainsi d’atténuer cette sensation de densité.</p>
<p>Si dans les représentations communes, la densité urbaine est souvent associée à la surpopulation et aux nuisances, l’enquête montre des perceptions plus nuancées : la densité est aussi perçue dans ses aspects positifs que sont l’accès et la proximité aux commerces, équipements et transports en commun.</p>
<p>Au-delà de la densité elle-même, c’est la densification et ses conséquences pour les habitants déjà installés qui provoque des réticences. Celles-ci se cristallisent notamment autour de l’axe « voir et être vu » : ensoleillement, vues depuis le logement, intimité. L’occupation de l’espace par les voitures est aussi un sujet de préoccupation majeur.</p>
<h2><strong>Une préférence pour la périphérie</strong></h2>
<p>Les espaces extérieurs sont effectivement essentiels pour les habitants, avec une forte préférence pour les jardins privés. Néanmoins, cette préférence est moins marquée pour les Français qui habitent dans des immeubles collectifs : 30 % choisissent le balcon ou la terrasse comme type d’espace extérieur idéal.</p>
<p>Une préférence pour les villes petites et moyennes par rapport aux grandes villes se double d’une inclination significative vers la vie dans les villages et en périphérie des villes. Par exemple, 10 % des Français choisissent le centre d’une ville moyenne comme lieu de vie idéal tandis que 20 % aimeraient habiter à proximité ou dans une ville moyenne mais en dehors du centre.</p>
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<img alt="Quartier Vauban : espaces verts collectifs et mare" src="https://images.theconversation.com/files/577009/original/file-20240221-28-p5hy7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/577009/original/file-20240221-28-p5hy7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/577009/original/file-20240221-28-p5hy7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/577009/original/file-20240221-28-p5hy7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/577009/original/file-20240221-28-p5hy7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/577009/original/file-20240221-28-p5hy7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/577009/original/file-20240221-28-p5hy7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La nature en ville permet d’atténuer la sensation de densité.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/adeupa/2402424545">Adeupa Brest/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>En outre, si l’habitat individuel continue de concentrer les aspirations de la majorité des Français, les petits logements collectifs (1 à 3 étages) sont perçus favorablement pour leur calme, leur aspect aéré et fonctionnel. Ce type de forme urbaine, qui tend à se développer dans les nouveaux projets d’aménagement, pourrait représenter une alternative désirable (et environnementalement vertueuse) à l’habitat individuel.</p>
<p>Toutefois, malgré le développement des concepts de mutualisation dans le domaine du logement, la majorité des Français n’est pas encore disposée à partager des espaces intimes comme une buanderie, une cuisine ou une chambre d’amis. Par exemple, 87 % des Français n’aimeraient pas partager une cuisine dont 57 % « pas du tout ».</p>
<p>Les Français se déclarent en revanche plus ouverts au partage des lieux et installations qui impliquent moins d’interactions intimes et permettent l’autoproduction, comme l’électricité (40 %) ou les jardins partagés (39 %).</p>
<h2>Un défi culturel</h2>
<p>Plus qu’un changement profond des aspirations des Français, ce sont bien l’impératif de sobriété foncière et les autres enjeux de politiques publiques (besoins en logement, développement économique, attractivité…) qui semblent déterminants dans l’évolution des villes et des formes urbaines.</p>
<p>Il convient néanmoins de ne pas perdre de vue que densifier n’implique pas toujours de démolir ou même de construire. Réhabilitation de friches, rénovation, limitation des meublés touristiques de courte durée, densification douce en milieu pavillonnaire à travers des démarches de surélévation ou d’exploitation du micro-foncier privé… Les chantiers ouverts sont nombreux pour favoriser une densification désirable aux multiples facettes.</p>
<p>Les défis sont techniques, économiques, juridiques, organisationnels… mais peut-être avant tout d’ordre sociétal et culturel.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224081/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La densité urbaine, souvent associée à la surpopulation et aux nuisances, peut aussi être appréciée pour la proximité du logement aux commerces, et aux équipements et transports en commun.Anne Launois, Professeur associée, AudenciaQuentin Missir, Chargé d'études - Aménagement et urbanisme, Chaire REALITES x Audencia, AudenciaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2221922024-02-21T15:40:06Z2024-02-21T15:40:06ZLes crises, accélératrices des mutations urbaines ?<p>Les crises, quelles qu’elles soient, constituent des accélérateurs du changement. Des éléments qui préexistaient dans le contexte antérieur à la crise deviennent des leviers permettant de la dépasser. La plasticité des villes va les conduire à s’adapter aux nouvelles contraintes, comme cela fut le cas à de <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/histoire-de-la-france-urbaine-georges-duby/9782020056663">nombreuses reprises</a> par le passé, que les pressions exercées aient résulté de tensions militaires, économiques, environnementales ou sanitaires. Les crises <a href="https://www.agirentempsdecrise.fr">se multipliant</a>, elles appellent des adaptations en profondeur. Loin des scénarios de <a href="https://theconversation.com/la-croissance-verte-de-moins-en-moins-credible-pour-les-universitaires-213965">décroissance</a> ou d’<a href="https://theconversation.com/bordeaux-lexode-urbain-dans-la-region-nest-il-quun-mythe-207335">exode urbain</a>, c’est probablement à des bifurcations dans la manière de concevoir les villes auxquelles nous allons assister.</p>
<p>Le début du XXI<sup>e</sup> siècle a vu s’amplifier des dynamiques urbaines déjà engagées, qui imposent de nouvelles contraintes. La pression urbaine s’observe dans tous les contextes géographiques : <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19103/435.fr.pdf">50 %</a> de la population mondiale vit dans des villes en 2007. La tendance devrait se poursuivre en parallèle d’une croissance de la population globale. Deux humains sur trois devraient être des urbains en 2050, avec un gain de l’ordre de 2,5 milliards d’habitants par rapport à la situation de 2018. Une pression croissante sur les ressources fossiles, mais aussi renouvelables, en résulte. <a href="https://www.un.org/fr/climatechange/climate-solutions/cities-pollution">ONU-Habitat estime</a> que 78 % de la consommation énergétique mondiale proviendrait actuellement des villes et que celles-ci génèreraient plus de 60 % des gaz à effet de serre. Cela impose des réponses à la hauteur des défis.</p>
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<figcaption><span class="caption">Agir en temps de crise : comment changer les systèmes urbains ?</span></figcaption>
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<h2>« Ville compacte » et solutions techniciennes</h2>
<p>Dans de multiples contextes apparaissent des projets se référant à la notion de <a href="https://theconversation.com/smart-city-la-technologie-ne-fait-pas-tout-219756">« smart city »</a>, qu’ils se nomment « territoires intelligents », « ville numérique », « ville connectée » ou encore « territoire innovant ». Nous les regrouperons ici sous l’appellation réductrice de « smart city », comme le propose le <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/etudes/join/2014/507480/IPOL-ITRE_ET(2014)507480_EN.pdf">Parlement européen</a>.</p>
<p>Ces projets territoriaux s’inscrivent dans les perspectives dessinées par la <a href="http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-La_troisi%C3%A8me_r%C3%A9volution_industrielle-394-1-1-0-1.html">Troisième Révolution industrielle</a> du spécialiste de prospective économique et scientifique Jérémy Rifkin. Ils ont émergé depuis une vingtaine d’années, à la convergence des opportunités offertes par « les nouvelles sources d’énergie » et par les « nouvelles technologies de communication ». Ils promeuvent un modèle de ville dense, ou <a href="https://tnova.fr/economie-social/logement-politique-de-la-ville/la-ville-compacte/">« ville compacte »</a> censés répondre de façon plus adaptée aux contraintes économiques liées au coût des infrastructures et de lutter contre un étalement urbain mal contrôlé.</p>
<p>Ils ont d’abord concerné les grandes agglomérations, comme à <a href="https://books.openedition.org/pressesmines/2373">Songdo</a>, lancée dans la périphérie de Séoul en 2003. Ils ont aussi résulté d’expérimentations ex nihilo (depuis 2008, <a href="https://www.lemonde.fr/grands-formats/visuel/2016/02/29/au-milieu-du-desert-le-mirage-de-masdar_4873704_4497053.html">Masdar</a> aux Émirats arabes unis en constitue un <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/vision-dexpert-il-est-evident-que-les-innovations-des-villes-intelligentes-profiteront-en-premier-aux-plus-riches-1489400">cas emblématique</a>).</p>
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<p>La finalité de ces projets est d’offrir une issue possible aux consommations énergétiques excessives en <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/des-villes-plus-vertueuses-pour-le-climat">optimisant les flux</a>. Ceci suppose la collecte de masse croissante d’informations provenant des individus, toujours plus connectés et communicants, et conduit à la création de multiples bases de données. En parallèle de la capacité croissante de stockage des informations, l’intégration de l’IA (intelligence artificielle) ouvre la possibilité de les exploiter en temps réel. Ceci constituerait l’une des clés permettant d’atteindre les objectifs fixés en termes d’efficacité énergétique.</p>
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<p>Le processus s’inscrit dans une tendance lourde. Le mouvement était déjà engagé dans le courant des années 2010 et la pandémie de Covid-19 a contribué à lui donner un nouvel essor. À la convergence des contraintes énergétiques et des inquiétudes sécuritaires, la « smart city » offrirait un modèle idéal de ville : sobre, connectée, efficace, participative et transparente (tout peut être connu et mis à disposition en temps réel). Selon le géographe <a href="https://www.jstor.org/stable/24432611">Rob Kitchin</a>, une « smart city » combinerait ainsi deux caractéristiques : d’une part, une informatisation générale qui voit tout et permet une gestion précise de la ville, et d’autre part, le déploiement de formes de gouvernance urbaine visant l’innovation et la participation.</p>
<h2>Projets et problèmes suscités</h2>
<p>Ce credo peut être appréhendé comme une utopie moderne, justifiée par un impératif largement partagé : rendre les villes compatibles avec les contraintes du développement durable. Ceci explique que ce champ soit à la fois investi par des acteurs politiques soucieux d’adapter leur territoire, mais aussi par des entreprises du BTP (Bouygues – <a href="https://www.bouygues-es.fr/liste-actualite/issygrid-premier-smart-grid-france">IssyGrid</a> à Issy-les-Moulineaux depuis 2012), de l’énergie (EDF – <a href="https://www.edf.fr/groupe-edf/inventer-lavenir-de-lenergie/rd-un-savoir-faire-mondial/toutes-les-actualites-de-la-rd/edf-lab-singapour-masera-devient-un-demonstrateur-multi-energies">microgrid MASERA</a> à Singapour depuis 2018) ou du big data (Sidewalks, filiale d’Alphabet, maison-mère de Google – <a href="https://www.usine-digitale.fr/article/smart-city-le-quartier-de-quayside-a-toronto-devient-un-laboratoire-d-idees-pour-le-territoire-intelligent.N838325">Quayside</a> à Toronto depuis 2017).</p>
<p>Néanmoins, les « smart cities » peuvent-elles se réduire aux dimensions techniques et à l’efficacité énergétique ? Ces conditions nécessaires se révéleront vite insuffisantes si les projets ne deviennent les catalyseurs de modifications dans la gestion des territoires. Cela place au cœur du jeu la problématique de l’inclusion sociale ainsi que celle de <a href="https://theconversation.com/conversation-avec-brigitte-metra-entre-smart-city-et-human-city-87472">l’implication des habitants</a>. Ceux-ci ne peuvent être <a href="https://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/territoires-intelligents-un-modele-si-smart/">réduits au rôle de capteurs</a>, mais doivent être considérés comme des acteurs à part entière, en mesure de mobiliser les nouveaux outils disponibles afin d’élever leur capacité d’action.</p>
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<p>En outre, ces projets supposent l’exploitation d’une quantité considérable de <a href="https://theconversation.com/video-surveillance-ou-vont-nos-donnees-171622">données individuelles</a> pour lesquelles il est nécessaire de fournir des garanties de confidentialité. Bouygues avait dû apporter des garanties à la CNIL lors du lancement d’IssyGrid. Le projet Quayside à Toronto fut quant à lui confronté à de fortes inquiétudes sur ce point de la part des populations concernées, raison pour laquelle il fût définitivement <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-google-city-de-toronto-les-raisons-dun-echec-1203831">abandonné</a> en mai 2020.</p>
<h2>Quelles perspectives pour les agglomérations ?</h2>
<p>Partant de la situation actuelle, plusieurs lignes de fuite peuvent être imaginées. Elles interrogent d’abord le modèle de « ville compacte » présenté comme la solution paradigmatique permettant de répondre aux défis environnementaux par le freinage de l’étalement urbain et la préservation des milieux naturels. Elles questionnent ensuite le modèle de la « smart city » comme solution adaptée au pilotage optimal de cette « ville compacte ».</p>
<p>La remise en question de la « ville compacte » résulte de trois fragilités :</p>
<ul>
<li><p>sa sensibilité aux îlots de chaleur urbaine dans une perspective d’aggravation de la crise climatique</p></li>
<li><p>la dégradation des conditions de vie des habitants dans les zones de forte densité urbaine (exacerbée lors de la pandémie)</p></li>
<li><p>la pénurie d’espaces naturels (verts ou bleus) entravant le ressourcement des habitants.</p></li>
</ul>
<p>Les réflexions qui portent sur le devenir des villes du XXI<sup>e</sup> siècle conduisent à identifier plusieurs possibles très contrastés. Selon le géographe <a href="https://www.lepassagerclandestin.fr/catalogue/essais/pour-en-finir-avec-les-grandes-villes-manifeste-pour-une-societe-ecologique-post-urbaine/">Guillaume Faburel</a>, les <a href="https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/ville-geographe-guillaume-faburel-veut-finir-grandes-villes-85516/">grandes agglomérations</a> auraient apporté la preuve par l’absurde de leur incompatibilité radicale avec les objectifs de sobriété énergétique et de préservation de la nature. Il serait donc urgent de tourner la page et de s’engager vers des modèles urbains alternatifs, enracinés dans leur territoire de proximité.</p>
<p>S’il porte un regard plus nuancé, le géographe <a href="https://www.lemonde.fr/smart-cities/article/2021/01/04/michel-lussault-il-faut-favoriser-un-urbanisme-de-l-attention-et-du-prendre-soin_6065141_4811534.html">Michel Lussault estime</a> que le modèle parfait n’existe pas, que la « smart city » ne peut être considérée comme la solution idéale, mais que la mobilisation de tous les acteurs concernés permettra de bricoler de nouvelles solutions. Il plaide par ailleurs pour un urbanisme de l’attention à l’autre et du prendre soin.</p>
<p>S’agissant de l’hypothèse de l’exode urbain, autrement dit de flux de départs massifs de populations quittant les grandes villes en raison des dysfonctionnements précédemment mentionnés, <a href="https://popsu.archi.fr/ressource/exode-urbain-petits-flux-grands-effets">il ne semble pas qu’elle soit confirmée</a>. Si des flux résidentiels ont été observés, ils restent de faible intensité, mais peuvent contribuer à un rééquilibrage de l’armature urbaine au profit des petites villes (entre 2000 et 20 000 habitants), voire des villes moyennes (20 000 à 200 000 habitants), au détriment des grandes villes.</p>
<hr>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/smart-city-la-technologie-ne-fait-pas-tout-219756">Smart city ? La technologie ne fait pas tout !</a>
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<h2>Quelles réponses pour un futur urbain incertain ?</h2>
<p>Prenant en compte les différentes mutations précédemment identifiées, plusieurs pistes d’adaptation peuvent être envisagées. Le modèle de la « smart city » constitue un dispositif auquel les acteurs territoriaux vont nécessairement recourir. Il se révèle pertinent à la condition de relever pour le moins quatre défis :</p>
<ul>
<li><p>Ces projets ne doivent pas être conçus comme des utopies techniciennes dans une logique descendante, mais placer les habitants au cœur des préoccupations.</p></li>
<li><p>Ces nouveaux dispositifs vont induire des déséquilibres (injustices sociales, générationnelles et <a href="http://www.jssj.org/article/mesurer-la-justice-socio-spatiale-de-lancien-au-nouveau-monde-promesses-et-menaces-du-big-data/">spatiales</a>). Ceux-ci doivent être pris en compte et des solutions adaptées doivent être inventées.</p></li>
<li><p>Ces projets ne doivent pas s’inscrire pas dans une perspective de compétition entre les territoires, mais de coopération.</p></li>
<li><p>Des garanties solides et vérifiables doivent être fournies quant à l’utilisation des données recueillies, ce qui suppose l’existence de contre-pouvoirs fiables. À défaut, le risque serait grand de voir ces dispositifs échapper à tout contrôle démocratique et dériver dans une <a href="http://www.jssj.org/article/gouvernementalite-algorithmique-smart-cities-et-justice-spatiale/">gestion algorithmique</a> des populations.</p></li>
</ul>
<p>En parallèle, les villes ne peuvent dépendre pour leur fonctionnement d’intrants venant de l’autre bout de la planète et résultant d’une exploitation prédatrice des milieux. Ceci nécessite de retisser des liens, en particulier pour la production agricole, avec les espaces de proximité. Dernier point, la conjugaison du développement du télétravail et les flux résidentiels au profit des petites villes peuvent contribuer à les revitaliser économiquement et dans le même temps, offrir aux grandes villes, du fait de l’amorce de leur dédensification, des opportunités foncières pour leur végétalisation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222192/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Didier Desponds a reçu des financements de différents organismes, dans le cadre de ses projets de recherche : Mairie de Cergy, Département du Val-d'Oise, ACNUSA, ANR,... </span></em></p>Les réflexions qui portent sur le devenir des villes du XXIᵉ siècle conduisent à identifier plusieurs possibles très contrastés.Didier Desponds, Professeur des universités en géographie urbaine et sociale., CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2221662024-02-20T08:27:48Z2024-02-20T08:27:48ZSénégal : Dakar se dote d'un nouveau système de transport de masse mais les défis de la mobilité demeurent<p>Un nouveau système de transport dénommé Bus rapid transit (BRT) ou encore Bus à haut niveau de service (BHNS) de Dakar a été inauguré le 14 janvier 2024 par le président Macky Sall. Il traduit, selon le <a href="https://www.cetud.sn/">Conseil exécutif des transports urbains de Dakar (CETUD)</a>, la vision du chef de l’État de promouvoir la mobilité collective, en prenant en compte les enjeux transversaux liés aux transitions numérique et énergétique. Il apparaît dans les médias comme une “<a href="https://africa24tv.com/mise-en-service-du-bus-rapid-transit-brt-pour-desengorger-dakar/">révolution des transports de masse</a>” dont la mise en service serait un “tournant dans le domaine du transport en masse”. Il devrait, selon Macky Sall, “<a href="https://www.rts.sn/actualite/detail/general/le-brt-est-une-avancee-majeure-pour-resoudre-les-problemes-actuels-de-transport-a-dakar-et-anticiper-les-defis-futurs-macky-sall">résoudre les problèmes actuels de transport à Dakar et anticiper les défis futurs</a>”. </p>
<p>En tant que enseignant-chercheur, j'ai accumulé 30 ans d'expérience dans l'enseignement et la recherche axés sur les villes africaines. Ces dernières années, mon intérêt s'est porté sur les transports et les mobilités à Dakar, y compris des études sur les systèmes BRT et la modernisation de la mobilité urbaine.</p>
<h2>Histoire du transport de masse</h2>
<p>Avant d’évoquer les défis, il faut tout de même préciser deux choses. La première est qu’au-delà de l’utilisation des nouvelles technologies, l’idée de transport de masse n’est pas nouvelle. Elle remonte aux années 1980 avec déjà la mise en service du <a href="https://www.seneplus.com/article/quand-le-%E2%80%9Cpetit-train%E2%80%9D-fait-le-bonheur-des-banlieusards">Petit train de banlieue en 1987</a>. Elle est par la suite <a href="https://www.researchgate.net/profile/Papa-Sakho-2/publication/317951764_Le_systeme_des_transports_urbains_a_Dakar_triomphe_de_la_negociation_de_l'Etat_au_quotidien/links/5952905d458515a207f7e403/Le-systeme-des-transports-urbains-a-Dakar-triomphe-de-la-negociation-de-lEtat-au-quotidien.pdf">consolidée en 1994 par le projet</a> d’en faire une dorsale adossée à l’axe ferroviaire avec une expérience de courte durée d’intermodalité avec la Société de transports urbains du Cap-Vert (SOTRAC) (1971-1998). </p>
<p>La deuxième porte sur l’histoire de BRT qui, <a href="https://www.itdp.org/2004/01/01/pre-feasibility-study-for-bus-rapid-transit-in-dakar-senegal/">en réalité, remonte à 2002 </a>. Le projet consistait à disposer d’une seule ligne de grande capacité menant au centre-ville de Dakar et un réseau limité d’axes de rabattement <a href="https://www.itdp.org/2004/01/01/pre-feasibility-study-for-bus-rapid-transit-in-dakar-senegal/">connectant les populations de la banlieue de Pikine et Guédiawaye</a>. Les deux schémas sont donc quasi identiques.</p>
<h2>Défis majeurs de la mobilité urbaine</h2>
<p>Quant aux défis majeurs de la mobilité urbaine à Dakar, trois défis paraissent cruciaux à court et long terme. A court et moyen terme, il s’agit d’une part, de la gestion des flux de déplacements et, d’autre part, de la gouvernance du système des transports urbains et, à plus long terme, de la planification des besoins de mobilité compte tenu de l’organisation de l’occupation de l’espace.</p>
<p>Le premier défi concerne la facilité d'accès au centre-ville pour les habitants des banlieues. Ce défi a trait à l’accès des populations des banlieues au centre-ville. Il s'agit de résoudre deux problèmes d'espace pour rendre les déplacements plus fluides. D'abord, le centre-ville est situé loin, à l'extrême sud-ouest de la ville qui concentre la plupart des activités économiques et de services du pays. Ensuite, l’étranglement de la presqu’île constitue un goulot aux déplacements vers le centre des populations des banlieues qui s’étendent en éventail de plus en plus vers l'est. </p>
<p>Le deuxième, celui de la gouvernance, est une offre préexistante de transport composée par des moyens de transport en commun privés dominés par ceux dits “informels”. Malgré de nombreuses tentatives de l’Etat de mettre en place un système formel, cette offre subsiste grâce à sa résilience et capacité d’adaptation. </p>
<p>Aujourd’hui encore, <a href="https://www.researchgate.net/profile/Papa-Sakho-2/publication/317951764_Le_systeme_des_transports_urbains_a_Dakar_triomphe_de_la_negociation_de_l'Etat_au_quotidien/links/5952905d458515a207f7e403/Le-systeme-des-transports-urbains-a-Dakar-triomphe-de-la-negociation-de-lEtat-au-quotidien.pdf">le programme de renouvellement admis en 1992 entamé depuis 2005</a> peine à être bouclé avec un gap de quelque 1800 “cars rapides” et Ndiaga Ndiaye à envoyer à la casse. Ce sont des minibus qui assurent les trajets dans des zones urbaines et périurbaines à Dakar, offrant un moyen de transport populaire et abordable pour de nombreux Sénégalais. </p>
<p>Le troisième est celui de la planification tenant compte à long terme de la géographie de l’agglomération. En effet, <a href="https://www.facebook.com/cetudsn/posts/brt-et-main-d%C5%93uvre-locale-le-cetud-remet-en-cause-le-rapport-itf-labogehu-gli-ht/3935381159852464/">les prévisions de croissance démographique évoquées pour l’ensemble de la région de Dakar</a> seront concentrées dans ces banlieues orientales ayant les plus besoin des services du centre-ville. En conséquence, leurs besoins d’accéder aux services du centre-ville seront de plus en plus croissants. Ainsi quelle que soit la qualité des infrastructures, le risque est grand d’être en deçà de la demande de mobilité polarisée par le centre. </p>
<h2>Que de faire ?</h2>
<p>Faut-il supprimer des cars qui assurent une bonne partie du transport de masse à Dakar - soit au moins 4 individus par équipage, et déguerpir ceux qui exercent des métiers connexes tout le long du parcours du BRT? Cela suppose de réfléchir sur les voies et moyens d’intégrer tous ces acteurs du système préexistant ou tout au moins sur le sort qui leur sera réservé.</p>
<p>L'organisation du réseau de transport (y compris le BRT et le Train Express Régional) doit tenir compte des contraintes liées à la géographie du site de la presqu'île. Cela suggère la nécessité de modifier la direction à sens unique des déplacements qui, actuellement va principalement de la banlieue vers le centre-ville excentré. Pour cela, il serait utile d'étendre l'aménagement urbain à une échelle plus vaste qui couvre l'aire métropolitaine de Dakar, Thiès et Mbour. </p>
<p>Casser les mouvements de navettes, c’est aussi privilégier les déplacements de proximité en démultipliant les services et activités de proximité pour créer de nouvelles centralités. Une telle approche irait dans le sens de promouvoir la mobilité douce, particulièrement adaptée aux distances relativement courtes. </p>
<p>En gros, la modernisation du système transport urbain dakarois a constamment rencontré des difficultés depuis les indépendances à apporter une réponse globale aux problèmes de mobilité dans l’agglomération urbaine de Dakar. Les réformes ont été au cours de leur mise en œuvre marquées par une incertitude face à la résilience des systèmes préexistants dits informels et à leurs capacités d’adaptation et de contestation. </p>
<p>Ce rapide survol interpelle les politiques sur deux questions. Comment articuler de manière cohérente la modernisation des infrastructures à la gestion des systèmes préexistants de transport? L’amélioration de l’accès à la ville au plus grand nombre peut-elle se réaliser par la seule modernisation des infrastructures de transport sans une réorganisation de l’espace urbain?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222166/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pape Sakho receives funding from MOVIDA.</span></em></p>Depuis les indépendances, la modernisation du système de transport urbain à Dakar a eu du mal à apporter une réponse globale aux problèmes de mobilité dans l’agglomération urbaine de Dakar.Pape Sakho, Maître de conférences CAMES, Université Cheikh Anta Diop de DakarLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2213902024-02-01T18:59:23Z2024-02-01T18:59:23ZLes classements des villes sur leur qualité de vie nous informent souvent mal sur leur développement durable<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/569946/original/file-20240108-27-dzn9ni.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C0%2C2751%2C1553&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les palmarès des villes se concentrent souvent sur les facteurs économiques et de développement et négligent la durabilité et l'environnement.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Chaque année, des indices sont publiés afin de classer les villes du monde selon leur <a href="https://www.theglobeandmail.com/investing/article-most-livable-cities-canada-2023/">habitabilité</a>, leur <a href="https://www.arcadis.com/en/knowledge-hub/perspectives/global/sustainable-cities-index">durabilité</a>, leur <a href="https://innovation-cities.com/worlds-most-innovative-cities-2022-2023-city-rankings/26453/">innovation</a> et leur qualité de vie en général. Les grandes villes canadiennes comme Vancouver, Calgary et Toronto sont <a href="https://www.cicnews.com/2023/12/3-canadian-cities-ranked-among-the-most-liveable-in-the-world-1241721.html">souvent</a> en <a href="https://www.cicnews.com/2023/12/3-canadian-cities-ranked-among-the-most-liveable-in-the-world-1241721.html">tête de ces listes</a>, en dépit de leur <a href="https://www.vancouverisawesome.com/local-news/vancouver-ranks-3rd-most-expensive-city-in-north-america-5490661">coût élevé de la vie</a>.</p>
<p>Le classement des <a href="https://macleans.ca/canadas-best-communities-in-2021-full-ranking/">meilleures collectivités du Canada</a> établi par le magazine <em>Maclean’s</em> évalue 415 collectivités en fonction de divers indicateurs, notamment la prospérité économique, l’accessibilité du logement, la fiscalité, la mobilité durable, la sécurité publique ainsi que l’accès aux services de santé et aux activités culturelles et de loisirs.</p>
<p>Ces indicateurs et indices de qualité de vie peuvent être utiles pour comparer les villes ou choisir un lieu de résidence. Néanmoins, si les villes basent leurs politiques sur de tels critères, cela pourrait conduire à un développement non durable.</p>
<h2>Différences entre durabilité et qualité de vie</h2>
<p>Une <a href="https://doi.org/10.1016/j.ecolind.2020.106879">étude récente</a> a mis en lumière les critères environnementaux et socio-économiques couramment utilisés, en utilisant des indicateurs tels que les espaces verts, le recyclage, l’utilisation des transports publics, le taux de chômage et le taux de criminalité.</p>
<p>Une autre récente <a href="https://www.espon.eu/programme/projects/espon-2020/applied-research/quality-of-life">étude internationale</a> réalisée par l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Observatoire_en_r%C3%A9seau_de_l%27am%C3%A9nagement_du_territoire_europ%C3%A9en#:%7E:text=L%27Observatoire%20en%20r%C3%A9seau%20de,de%20la%20politique%20r%C3%A9gionale%20europ%C3%A9enne.">Observatoire en réseau de l’aménagement du territoire européen</a> a évalué les villes selon des critères comme l’emploi, le logement, l’accès aux soins de santé et la sécurité. Les indicateurs comprenaient, entre autres, le coût de la vie, le revenu des ménages et la qualité des services publics.</p>
<p>Beaucoup des indicateurs de ces classements sont utilisés pour mesurer à la fois le développement durable et la qualité de vie dans une ville. Cette convergence peut s’expliquer par la <a href="https://www.iisd.org/articles/deep-dive/pathways-sustainable-cities">base commune de ces deux concepts</a> : il s’agit essentiellement de la manière dont une ville satisfait les besoins essentiels de ses habitants, que ce soit en matière de logement, de transport, de santé, d’éducation et de loisir.</p>
<p>La capacité à satisfaire ces besoins dépend fortement de facteurs économiques, comme le revenu, la richesse et le coût de la vie, qui jouent un rôle clé dans l’évaluation de la durabilité et de la qualité de vie des villes. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/568733/original/file-20240110-21-uisy1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un couple de personnes âgées se promenant dans un parc avec un vélo" src="https://images.theconversation.com/files/568733/original/file-20240110-21-uisy1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568733/original/file-20240110-21-uisy1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568733/original/file-20240110-21-uisy1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568733/original/file-20240110-21-uisy1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568733/original/file-20240110-21-uisy1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568733/original/file-20240110-21-uisy1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568733/original/file-20240110-21-uisy1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le développement visant à améliorer la vie urbaine peut parfois se faire au détriment de la durabilité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Malgré ces points communs, des <a href="https://researcharchive.lincoln.ac.nz/server/api/core/bitstreams/81da68e3-f4cb-4b2c-a67b-506d41bd84e4/content">contradictions</a> apparaissent. Des initiatives visant à améliorer la vie urbaine — l’expansion des infrastructures par exemple — peuvent parfois se faire au détriment de l’environnement, ce qui va à l’encontre des principes du développement durable.</p>
<p>En outre, l’accent mis sur la durabilité ne garantit pas nécessairement l’amélioration des conditions de vie. En effet, la durabilité peut requérir la réduction de la consommation de certains biens et services, une diminution de la taille des logements pour densifier les quartiers, ou l’instauration de taxes pour diminuer la pollution. </p>
<p>Ces mesures, quoique bénéfiques pour l’environnement, peuvent réduire le confort individuel et augmenter le coût de la vie, impactant ainsi la qualité de vie des habitants.</p>
<h2>Les caractéristiques des villes durables et agréables à vivre</h2>
<p>Nous avons récemment mené une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0264275123004201">étude visant à répondre à la question suivante</a> : quelles sont les caractéristiques des villes les plus performantes en termes de qualité de vie et de durabilité ?</p>
<p>Pour répondre à cette question, nous avons analysé les similitudes et les différences entre les facteurs qui sous-tendent les classements en matière de durabilité et de qualité de vie pour 171 villes canadiennes de plus de 25 000 habitants.</p>
<p>Nos résultats révèlent une corrélation positive et statistiquement significative entre la qualité de vie urbaine et les indicateurs de développement durable dans les villes canadiennes. Cependant, des contradictions importantes existent concernant la durabilité des modes de vie dans les trois principales dimensions du développement durable : économique, sociale et environnementale.</p>
<p>Par exemple, Wood Buffalo, en Alberta, se classe dans les 20 % des villes les plus performantes en matière de durabilité, principalement en raison de ses revenus élevés et de sa population instruite, malgré une faible performance environnementale. En revanche, elle se situe dans les 20 % inférieurs pour la qualité de vie à cause du coût élevé de la vie et du manque d’équipements culturels. </p>
<p>Kamloops, en Colombie-Britannique, a obtenu de bons résultats en matière de qualité de vie, grâce à son abordabilité, la qualité de l’éducation et des soins de santé, et sa richesse culturelle. En revanche, elle se situe dans les 20 % inférieurs pour la durabilité, en raison des défis liés à la gestion des déchets, de l’énergie et de l’écologisation.</p>
<p>Les évaluations de la qualité de vie sont principalement basées sur des dimensions économiques et prennent en compte des indicateurs tels que le taux de chômage et le revenu moyen. Certains indicateurs concernent également la dimension sociale du développement durable, notamment la criminalité, l’accessibilité du logement, la santé et les arts. </p>
<p>Toutefois, certains aspects sociaux fondamentaux du développement durable, comme la répartition de la richesse et l’éducation, ne sont pas abordés directement.</p>
<p>La dimension environnementale est également largement négligée, à l’exception de la mobilité durable (par exemple, combien de personnes utilisent les transports publics). Il y a également absence de mesures directes des émissions de gaz à effet de serre, de la qualité des espaces verts ou de la qualité de l’eau d’une ville.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/568734/original/file-20240110-21-au3gwa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un trottoir de ville très fréquenté" src="https://images.theconversation.com/files/568734/original/file-20240110-21-au3gwa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568734/original/file-20240110-21-au3gwa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568734/original/file-20240110-21-au3gwa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568734/original/file-20240110-21-au3gwa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568734/original/file-20240110-21-au3gwa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568734/original/file-20240110-21-au3gwa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568734/original/file-20240110-21-au3gwa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les indices de qualité de vie peuvent être utiles pour comparer les villes. Toutefois, si les villes fondent leur politique sur de telles mesures, cela pourrait conduire à un développement non durable.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Les villes devraient donner la priorité à la durabilité</h2>
<p>Ces différences entre la qualité de vie et le développement durable sont préoccupantes pour deux raisons principales. Tout d’abord, comme les gens peuvent utiliser ces classements pour décider où vivre, les villes bien classées, mais dont la durabilité est faible peuvent paraître attrayantes. </p>
<p>Deuxièmement, comme les villes cherchent généralement à attirer des résidents, elles peuvent être tentées de prendre des décisions basées sur des variables qui améliorent leur classement en matière de qualité de vie au détriment du développement durable. </p>
<p>Les villes les mieux classées sont susceptibles de maintenir le statu quo en ce qui concerne leur stratégie de développement afin de rester en tête de liste. En outre, les villes moins bien classées sont susceptibles d’imiter les façons de faire des villes les plus performantes.</p>
<p>Toutefois, ces objectifs ne sont pas toujours compatibles avec la durabilité urbaine, qui prend en compte des préoccupations environnementales et collectives plus larges, telles que la préservation de la qualité de l’environnement et la réduction de la pression sur les ressources naturelles et les espaces verts.</p>
<p>Cela signifie que la qualité de vie n’est pas durable si elle ne tient pas compte des impacts environnementaux tels que la gestion des déchets et l’utilisation de la voiture. Il en va de même pour la répartition de la richesse. </p>
<p>Donner la priorité à la durabilité, même si cela signifie un classement inférieur en termes de qualité de vie à court terme, garantit que les villes resteront viables. Intégrer des mesures de durabilité dans les politiques publiques, telles que l’amélioration des transports publics et la conservation d’espaces verts, est essentiel pour répondre aux besoins actuels et anticiper les défis futurs, garantissant ainsi un bien-être à long terme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221390/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les indicateurs qui mesurent la qualité de vie d’une ville dans les palmarès ne disent pas tout, notamment en ce a trait à son développement durable.Georges A. Tanguay, Professeur titulaire, Université du Québec à Montréal (UQAM)Juste Rajaonson, Professeur agrégé, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2201152024-01-08T16:59:08Z2024-01-08T16:59:08ZNos villes doivent être plus perméables : comment le biochar peut être une solution durable face aux inondations<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/567914/original/file-20240104-17-14aycx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=36%2C36%2C5961%2C3971&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Inondations à Nemours en Juin 2016</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/nemours-france-2th-june2016-view-people-431226898">photofort 77/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Ce sont des images devenues de plus en plus fréquentes en Europe : celles de villes inondées, de maisons sinistrées par la montée des eaux, de populations désemparées par ces épisodes.</p>
<p>Le <a href="https://climate.ec.europa.eu/climate-change/consequences-climate-change_fr">changement climatique</a> est identifié parmi les causes potentiels de l’augmentation de la fréquence et l’intensité des précipitations. Dans le contexte d’une urbanisation croissante, l’utilisation répandue de matériaux imperméables dans les constructions routières aggrave les ravages de ces phénomènes météorologiques. L’infiltration adéquate des eaux pluviales à la suite d’épisodes de fortes pluies est ainsi considérablement entravée, engendrant par là un ruissellement pollué et des risques d’inondations. Les réseaux d’évacuation des eaux de pluie en milieu urbain se trouvent de plus en plus dépassés, et posent un défi de taille aux autorités quant à la gestion de ces eaux.</p>
<p>Le modèle conventionnel de collecte intégrale des eaux pluviales via un système de canalisations, évacuant ces eaux seules ou mélangées aux eaux usées, a, de fait, atteint ses limites. Non seulement cette approche s’avère coûteuse, mais elle accroît également le risque d’inondations, comme observé au cours du printemps 2023, tout en contribuant à la pollution des écosystèmes aquatiques. Il semble ainsi nécessaire de repenser les stratégies de gestion des eaux pluviales en milieu urbain pour faire face aux défis actuels et futurs.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567917/original/file-20240104-25-bb5cad.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567917/original/file-20240104-25-bb5cad.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567917/original/file-20240104-25-bb5cad.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567917/original/file-20240104-25-bb5cad.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567917/original/file-20240104-25-bb5cad.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567917/original/file-20240104-25-bb5cad.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567917/original/file-20240104-25-bb5cad.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Saint Rémy-lès-Chevreuse.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Inondation_du_31_mai_2016_%C3%A0_Saint-R%C3%A9my-l%C3%A8s-Chevreuse_-_09.jpg">Lionel Allorge</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<h2>Imiter le cycle de l’eau</h2>
<p>Face à cette réalité, une nouvelle approche émerge, qui vise à se rapprocher du cycle naturel de l’eau en réduisant l’imperméabilisation de surfaces urbaines tout en favorisant l’infiltration des eaux de pluie dès leur chute. En plus de maîtriser la pollution à sa source, cette gestion contribue au rechargement des nappes phréatiques tout en favorisant le verdissement urbain. Nommée « gestion à la source des eaux pluviales » cette approche intéresse de plus en plus divers pays européens. De nombreuses collectivités ont ainsi adopté des stratégies intégrées reposant sur la perméabilisation et la restauration écologique de leurs sols <a href="https://www.o2d-environnement.com/wp-content/uploads/2018/11/Fiche-essais-de-permeabilite-des-sols-ADOPTA.pdf">afin de limiter les rejets dans les réseaux d’assainissement</a>.</p>
<p>Ces stratégies de gestion des eaux de pluie se concentrent sur l’absorption naturelle par le sol et la végétation environnante, considérée comme le moyen le plus efficace et respectueux de l’environnement pour gérer les excès d’eau de pluie. Les noues (fossés peu profonds), les jardins pluviaux, les toitures végétalisées et les revêtements de chaussée perméables figurent parmi les <a href="https://www.cerema.fr/fr/actualites/solutions-ville-demain-renaturation-sols-retour-journee">réalisations concrètes de cette approche</a>.</p>
<p>L’infiltration des eaux pluviales au plus près de leur point de chute <a href="https://eau.seine-et-marne.fr/fr/gestion-integree-des-eaux-pluviales">limite également l’accumulation de polluants</a> dans les eaux en évitant le ruissellement. Cette méthode représente ainsi un moyen durable et à faible impact sur l’environnement pour la gestion des eaux pluviales en milieu urbain.</p>
<h2>Matériaux drainants et végétalisation</h2>
<p>Pour rendre les sols urbains perméables, deux approches distinctes sont aujourd’hui mises en avant.</p>
<p>La première consiste à utiliser des matériaux drainants permettant d’ériger des sols tout en favorisant l’infiltration des eaux.</p>
<p>La seconde repose sur la végétalisation. Dans ce cas, les végétaux jouent un rôle crucial dans la prévention de l’érosion et la compaction des sols grâce à leurs racines tout en absorbant l’eau nécessaire à leur croissance. Cette action de décompactage <a href="https://www.18h39.fr/2-min-a-perdre/moins-de-beton-plus-de-vegetation-pour-lutter-contre-les-inondations.html">favorise l’infiltration des eaux de pluie</a>, évitant ainsi leur ruissellement.</p>
<p>La végétalisation compense enfin les avantages environnementaux perdus du fait du développement urbain en apportant de la biodiversité locale, des ilots de fraicheur ou la purification de l’air.</p>
<p>Pour rendre ainsi les sols urbains perméables tout en accroissant la végétalisation des villes, le <a href="https://biochar-international.org/about-biochar/how-to-make-biochar/biochar-technology/">biochar</a> apparaît comme un allier de choix. Ce matériau, à la fois poreux et riche en carbone, est issu de résidus organiques tels que les déchets verts ou forestiers, chauffés dans des conditions de faible oxygène, via un processus appelé décomposition thermique rendu possible grâce à des étapes successives de pyrolyse et de gazéification.</p>
<h2>Les nombreux atouts du biochar</h2>
<p>De par ses interactions physiques, chimiques et biologiques le biochar offre une multitude d’avantages lorsqu’il est intégré dans un sol. On peut noter à cet égard sa capacité à retenir l’eau, à prévenir la perte de nutriments des sols, à améliorer la structure du sol et à fertiliser les sols via sa capacité d’échange cationique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567237/original/file-20231222-27-oo2hro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567237/original/file-20231222-27-oo2hro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567237/original/file-20231222-27-oo2hro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567237/original/file-20231222-27-oo2hro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567237/original/file-20231222-27-oo2hro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567237/original/file-20231222-27-oo2hro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567237/original/file-20231222-27-oo2hro.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Biochar, le produit de la carbonisation des résidus verts en charbon.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Simon Dooley</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Son utilisation dans les terreaux représente également une alternative plus durable à des éléments moins écologiques tels que la perlite, la vermiculite et surtout la <a href="https://www.iucn.org/resources/issues-brief/peatlands-and-climate-change">tourbe</a>. </p>
<p>Cette dernière reste largement utilisée en Europe (<a href="https://www.researchgate.net/publication/318556686_Growing_media_constituents_used_in_the_EU_in_2013#fullTextFileContent">jusqu’à 80 % des substrats</a>) et provient de matière organique partiellement décomposée. </p>
<p>Toutefois, la tourbe est issue de tourbières, des écosystèmes vitaux pour la biodiversité et le stockage du carbone dans le sol. Face à l’augmentation de la demande et des coûts de la tourbe, une <a href="https://journals.vilniustech.lt/index.php/JEELM/article/view/1630">ressource non renouvelable</a>, il devient crucial de rechercher des alternatives plus durables comme le <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09064710.2021.1903986">biochar</a>.</p>
<p>En raison de sa porosité importante et de sa résistance à la biodégradation, le biochar agit comme un excellent adsorbant pouvant être utilisé pour filtrer et purifier l’eau, remplaçant ainsi le charbon actif très souvent importé et issu de ressources fossiles. De plus, le biochar peut être incorporé dans la reconstruction des sols, mélangé à d’autres matériaux tels que les pierres, le gravier et la terre, afin de faciliter l’infiltration des eaux dans les environnements urbains.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/inondations-et-canicules-quelles-solutions-pour-y-faire-face-en-ville-91790">Inondations et canicules : quelles solutions pour y faire face en ville ?</a>
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<h2>Le biochar : un matériau qui peut être produit directement en ville.</h2>
<p>Ultime avantage du biochar : il peut être produit directement en ville, et même participer à la gestion des déchets organiques, qui posent d’importants défis aux villes.</p>
<p>En effet, les résidus verts provenant des parcs et jardins constituent une ressource pouvant être transformée en biochar, offrant ainsi la possibilité d’une application dans les espaces verts urbains, dans le cadre d’une <a href="https://www.graie.org/graie/graiedoc/doc_telech/PlaqTA.pdf">approche intégrée de gestion des eaux de pluie par la végétalisation</a>. Le biochar peut agir à la fois en tant que substrat et amendement du sol, contribuant à décompacter et rendre perméables les surfaces urbaines.</p>
<p>Un exemple significatif d’utilisation du biochar dans l’amélioration structurale des sols est celui du projet <a href="https://www.biochar-journal.org/en/ct/77">Biochar à Stockholm</a> depuis Mars 2017. Celui-ci a permis une gestion conjointe des eaux pluviales et du verdissement urbain, favorisant la croissance des arbres par une optimisation de l’infiltration des eaux pluviales, évitant ainsi leur drainage vers les égouts et les stations d’épuration. </p>
<p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0048969718300378?via%3Dihub">Grâce à sa structure poreuse</a>, le biochar a également la capacité de purifier les eaux pluviales en éliminant les polluants, évitant ainsi la contamination des sources d’eau naturelles. Depuis, d’autres villes, à l’instar de <a href="https://bloombergcities.medium.com/inspired-by-stockholms-success-a-u-s-city-goes-big-on-biochar-70e011ccf865">Minneapolis</a> ou <a href="https://www.aalto.fi/sites/g/files/flghsv161/files/2020-02/Carbon%20Lane%20Executive%20Summary.pdf">Helsinki</a>, ont adopté cette approche.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/uQlDnXiG4Oc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Minneapolis Biochar project.</span></figcaption>
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<p>Par ailleurs, l’utilisation du biochar s’avère prometteuse dans le <a href="https://horti-generation.com/fr/introduction-utilisation-potentielle-du-biochar-dans-lindustrie-horticole-et-lagriculture-urbaine/">domaine de l’agriculture urbaine</a>. Il peut être intégré dans les toitures végétalisées en tant que <a href="https://char-grow.com/biochar-green-roofs">substrat horticole durable</a>. Ces toits verts peuvent retenir l’eau de pluie et atténuer les effets des îlots de chaleur urbains. Ainsi, le biochar offre un potentiel important dans la gestion écologique des ressources et dans la promotion de pratiques durables en milieu urbain.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/G_4iL18VHl8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Helsinki Biochar project.</span></figcaption>
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<h2>Le biochar dans les villes françaises</h2>
<p>Si le biochar reste peu connu en France, <a href="https://www.la-croix.com/environnement/promesses-biochar-charbon-vegetal-vertueux-2023-08-29-1201280539">certaines collectivités manifestent un intérêt</a> croissant pour son utilisation dans leurs aménagements urbains. Des municipalités telles que Pantin (Seine Saint Denis), Franconville (Val-d’Oise) et Le Hommet-d’Arthenay (Manche) l’emploient déjà. Le constat est positif : les plantes sont en bonne santé et les besoins en arrosage ont connu une réduction significative malgré des environnements très urbanisés et des conditions climatiques parfois rigoureuses.</p>
<p>La ville de Franconville, par exemple, rapporte que l’usage du biochar pour ses aménagements a largement atteint les objectifs fixés, contribuant ainsi à <a href="https://www.environnement-magazine.fr/eau/article/2023/03/28/143484/biochar-pour-regenerer-les-sols-urbains">l’embellissement de la commune</a>
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Bien que le respect des critères de qualité, de santé et de sécurité du <a href="https://www.european-biochar.org/en/ct/2-EBC-and-WBC-guidelines-documents">Certificat Européen du Biochar</a> élimine les risques liés à son utilisation, le manque de normalisation et de cadre politique en France limite cependant encore son intégration sur le marché. Par conséquent, la production reste faible et le prix du biochar demeure élevé en raison des coûts substantiels associés au processus de pyrolyse.</p>
<p>Par ailleurs, les projets phares menés en Suède et en Finlande ont démontré que l’impulsion et l’initiative devraient émaner du secteur public plutôt que d’attendre une prise de risque initiale du secteur privé, plus hésitant et fragile. De plus, pour favoriser le développement de la filière du biochar, l’approvisionnement en biomasse doit reposer sur des contrats à long terme entre les fournisseurs de ressources et les opérateurs de pyrolyse, garantissant ainsi une qualité constante et une quantité suffisante. Les déchets verts urbains représentent une ressource précieuse à cet égard.</p>
<p>Dans le cadre des <a href="https://www.notre-environnement.gouv.fr/themes/climat/article/l-adaptation-au-changement-climatique">objectifs fixés en matière de changement climatique et d’adaptation des villes</a>, la reconstitution des fonctions biologiques et naturelles des sols anthropisés (encore peu développés voire souvent négligée) est un enjeu primordial pour les années à venir. Une des clés de cette reconstitution réside dans la réintroduction de l’eau issue des eaux pluviales dans les sols urbains desséchés Pour y arriver, cela nécessite de développer des infrastructures adaptées pour collecter, stocker et infiltrer cette eau. En ce sens, le <a href="https://www.reversecarbon.com/blog/ipcc-biochar-potential-to-remove-26-billion-tonnes-co2">recours au Biochar</a> en ville peut être justifié et représente une opportunité.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-villes-peuvent-faire-face-au-risque-dinondations-lexemple-de-grenoble-197815">Comment les villes peuvent faire face au risque d’inondations, l’exemple de Grenoble</a>
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<p>Tous ces enjeux peuvent être surmontés grâce à des échanges constructifs entre diverses parties prenantes telles que les administrations municipales, les scientifiques, le secteur privé et les associations de gestion des eaux pluviales.Ces aspects font l’objet du projet <a href="https://cascade.nweurope.eu/">Interreg NWE CASCADE</a>, visant à rendre possible ces échanges, en introduisant des solutions de gestion durable du carbone dans 7 régions de l’Europe Nord-Ouest, en utilisant des chaînes de conversion de la biomasse en biochar et à créant des scénarios applicables et soutenables pour d’autres régions dont des solutions techniques intégrant le biochar ainsi que des bonnes pratiques pour la bonne gestion des eaux pluviales.</p>
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<p><em>Les auteurs tiennent à exprimer leur sincère gratitude envers M. Jean-Jacques Hérin, Président Association pour le développement Opérationnel et la Promotion des Techniques Alternatives en matière d’eaux pluviales : ADOPTA, pour avoir gracieusement consacré son temps et partagé ses connaissances lors de la relecture attentive de cet article. Ses précieux commentaires et suggestions ont grandement contribué à l’amélioration de ce travail.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220115/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lydia FRYDA a reçu des financements de l'Union Européenne dans le cadre de projets INTERREG NWE : THREEC, CAPCALL REDIRECT, CASCADE.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Abdoulaye KANE a reçu des financements de l'Union Européenne dans le cadre de projets INTERREG NWE : THREEC, CAPCALL REDIRECT, CASCADE.</span></em></p>Afin de lutter contre les inondations, mais aussi contre la pollution des nappes phréatiques, l'utilisation du biochar présente de multiples intérêts.Lydia Fryda, Enseignante-chercheure en procédés transformation biomasse, UniLaSalleAbdoulaye KANE, Enseignant-Chercheur en Procédés durables | Directeur de l’Unité de Recherche Cyclann Unilasalle Rennes, UniLaSalleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2118142024-01-03T16:06:20Z2024-01-03T16:06:20ZVoici comment l'IA aide à concevoir des œuvres d’art public engageantes et interactives<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/543339/original/file-20230711-29-7uc6gy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C33%2C4500%2C2957&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Prismatica, une installation artistique présentée en 2015 dans le Quartier des Spectacles de Montréal.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Grâce à son <a href="https://artpublic.ville.montreal.qc.ca">Bureau d'art public</a>, la Ville de Montréal détient une collection de plus de 360 œuvres intégrées tant dans ses espaces publics que dans ses édifices municipaux.</p>
<p>Parmi elles, des œuvres d’art interactives qui vont des <a href="https://wireframe.ca/portfolio-item/sound-sculpture/">sculptures audiovisuelles</a> aux <a href="https://www.mtl.org/fr/experience/luminotherapie">installations lumineuses</a> en passant par les <a href="https://massivart.com/fr/project/public-urban-art-installation-montreal/">aménagements ludiques qui invitent à l’action</a>. Bien que ces installations soient divertissantes, force est de constater qu’elles sont relativement uniformes.</p>
<p><a href="https://www.apa.org/members/content/social-media-research">La montée en puissance des médias sociaux</a> incite la population <a href="https://www.lalanguefrancaise.com/dictionnaire/definition/instagrammable">à rechercher les expériences instagrammables</a> et le contenu digne de TikTok. En réaction à ce phénomène, de nombreuses installations montréalaises ont été mises au point en songeant à leur rendu visuel sur le Web.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lart-ecologique-le-design-et-larchitecture-peuvent-etre-des-agents-du-changement-170184">L’art écologique, le design et l’architecture peuvent être des agents du changement</a>
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<h2>Créativité artificielle</h2>
<p>L’intelligence artificielle (IA) <a href="https://www.forbes.com/advisor/business/ai-statistics/">est en train de devenir une partie intégrante</a> de nos vies, <a href="https://hai.stanford.edu/news/ai-will-transform-teaching-and-learning-lets-get-it-right">tant dans la sphère de l’éducation</a>, <a href="https://www.businessnewsdaily.com/9402-artificial-intelligence-business-trends.html">que dans celles des affaires</a>, de <a href="https://builtin.com/artificial-intelligence/artificial-intelligence-healthcare">la santé</a>, <a href="https://theconversation.com/sci-fi-shows-like-westworld-and-altered-carbon-offer-a-glimpse-into-the-future-of-urban-transportation-179916">du transport</a> <a href="https://devtechnosys.com/insights/ai-in-gaming/">et des divertissements</a>.</p>
<p>Le monde des arts n’est pas en reste ; il profite lui aussi de ce que <a href="https://aelaschool.com/en/art/artificial-intelligence-art-changes/">l’IA a à offrir</a>. Montréal a exposé des œuvres exploitant cette technologie et continue de soutenir les arts et l’innovation. Prenez par exemple <a href="https://iregular.io/fr/work/faces/"><em>Faces</em></a>, du studio d’art <a href="https://iregular.io/fr/a-propos/">Iregular</a> : l’installation tire parti d’un algorithme de reconnaissance faciale qui collecte des images de l’assistance pour créer un portrait en constante évolution.</p>
<p><a href="https://iregular.io/fr/work/notre-habitat-commun/"><em>Notre Habitat Commun</em></a>, autre fruit d’Iregular, se sert quant à elle de la vision par ordinateur et des technologies d’IA pour spéculer au sujet de l’impact de l’humanité sur la planète. Par son intermédiaire, le studio cherche à <a href="https://expo2020.canada.ca/media/faconner-lavenir-de-lart-interactif.html">sensibiliser le public</a> au moyen de quatre installations dont on peut faire l’expérience sur d’immenses écrans.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/reel/CrN-eezK_8l","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<h2>Périls et opportunités</h2>
<p>Les espaces publics peuvent aider les citadins et citadines à interagir avec leur communauté, à tisser des liens avec les autres et à faire des expériences captivantes. Lorsqu’intégrées au domaine public, les technologies numériques ont le potentiel de remodeler <a href="https://repository.corp.at/661/">l’expérience urbaine</a>.</p>
<p>En créant des interactions dans l’espace public, il est possible de faire des villes des lieux ludiques et de socialisation, attractifs pour les résidents de tous âges. <a href="https://doi.org/10.1007/978-3-642-34292-9_16">La conception d’installations interactives présente toutefois quelques défis en milieu urbain</a>. Les œuvres comprenant des éléments audio risquent par exemple d’être perçues comme dérangeantes par certains ; les installations lumineuses peuvent pour leur part être moins visibles de jour ; et il faut tenir compte de la sécurité du public.</p>
<p>Un autre défi central concerne l’accessibilité. Les villes devraient <a href="https://urbandesignlab.in/redefining-universal-design-in-public-spaces/">respecter des principes de design universels</a> afin de favoriser le développement <a href="https://futurecitiescanada.ca/portal/wp-content/uploads/sites/2/2022/11/eg-fcc-publicspaces-accessible-fr-uae-nov-2022.pdf">d’espaces publics accessibles et inclusifs</a>.</p>
<p>L’intégration de l’art dans l’espace public soulève en outre la question des parties prenantes et des personnes mandatées pour prendre les décisions. <a href="https://effetquebec.ca/tendances/installations-interactives-espace-public-4-tendances-a-surveiller/">En général, une agence gouvernementale commande une œuvre sur mesure auprès d’artistes de la région</a>, mais plusieurs défendent une <a href="https://www.theguardian.com/artanddesign/artblog/2008/may/11/artinpublicspacesshouldbe">démarche plus démocratique</a>. <a href="https://doi.org/10.4000/belgeo.13381">D’autres conflits sont susceptibles de survenir</a> au sujet des questions à savoir si l’art est le bon outil pour reconstruire les espaces publics et si le public devrait contribuer aux œuvres, par exemple.</p>
<p>Cela dit, les installations interactives <a href="https://doi.org/10.1007/978-981-13-9765-3_9">peuvent accroître l’implication sociale et créer un dialogue au sein des communautés</a>. Diverses technologies d’IA, comme l’apprentissage machine et l’IA générative, sont capables de fournir des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2405896321001725?via%3Dihub">expériences dynamiques dans les espaces publics</a>.</p>
<p>L’IA pourrait en outre soutenir le développement des communautés urbaines tant par le biais des arts que par celui de la mobilité, de l’éducation et des soins de santé. En utilisant des données tirées de l’environnement immédiat, elle est capable de créer des expériences en temps réel comme des <a href="https://www.geotab.com/blog/future-of-transportation/">systèmes de transport intelligents</a>, des <a href="https://doi.org/10.1109/SCIOT50840.2020.9250204">interactions publiques propulsées par la réalité augmentée</a>, et des <a href="https://www.osti.gov/servlets/purl/773961">structures inclusives, sécuritaires et adaptatives</a>.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/CtUzUEwg1AS","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p>Ses capacités peuvent même servir à promouvoir l’apprentissage dans la sphère publique. L’engouement croissant pour les technologies d’intelligence artificielle <a href="https://doi.org/10.3389/fpsyg.2022.825625">suscite la curiosité et attire différents publics</a>. Incorporer des installations interactives qui proposent des expériences amusantes, enrichissantes et captivantes pourrait permettre de rendre les villes plus justes et durables.</p>
<p>En même temps, l’adoption des technologies d’IA dans le domaine public soulève des enjeux liés <a href="https://doi.org/10.1016/j.giq.2016.06.004">au consentement, à la vie privée</a> et au <a href="https://www.dukeupress.edu/cloud-ethics">rôle des algorithmes dans la société</a>.</p>
<h2>Expériences interactives</h2>
<p>Bien que les œuvres d’art faisant appel à l’IA commencent à peine à apparaître dans la sphère publique, les artistes et concepteurs ont déjà recours aux multiples fonctions de l’intelligence artificielle, comme la génération de données et le traitement d’image, pour créer des œuvres uniques. Dans le cas spécifique des œuvres interactives, l’IA améliore l’expérience en créant un engagement stimulant avec le public.</p>
<p><a href="https://www.tomokihara.com/">Tomo Kihara</a>, designer d’interaction d’origine japonaise, du studio de design <a href="https://studioplayfool.com/">Playfool</a>, localisé au Royaume-Uni, ont travaillé ensemble sur le jeu <a href="https://deviationgame.com/"><em>Deviation Game</em></a>, une installation multimédia avec un jeu électronique, qui imprime les résultats.</p>
<p><em>Deviation Game</em> est un bon exemple de l’idée d’engagement participatif, où les joueurs interagissent à la fois entre eux et avec l’IA par voie électronique. Les joueurs doivent décrire des mots choisis au hasard en dessinant sur un écran. Le but est de s’exécuter de telle façon que les autres joueurs devinent ce dont il s’agit tout en rendant les images incompréhensibles pour l’IA.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/538544/original/file-20230720-15-sd93cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="trois personnes sont assises autour d’un écran, l’une d’entre elles dessine sur une tablette" src="https://images.theconversation.com/files/538544/original/file-20230720-15-sd93cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538544/original/file-20230720-15-sd93cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538544/original/file-20230720-15-sd93cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538544/original/file-20230720-15-sd93cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538544/original/file-20230720-15-sd93cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538544/original/file-20230720-15-sd93cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538544/original/file-20230720-15-sd93cy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Dans <em>Deviation Game</em>, les joueurs doivent dessiner des images sur une tablette et tenter de déjouer l’IA.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(S. Maruyama)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p><a href="https://infratonal.com/portfolio_page/intention/"><em>Intention</em></a> est un autre exemple d’œuvre interactive recourant à l’IA. Créée par <a href="https://infratonal.com/about-2/">l’artiste d’origine française Louk Amidou</a>, elle se sert de la technologie pour réagir aux gestes.</p>
<p>L’œuvre présente un mode d’engagement individuel, ce qui permet aux membres de l’assistance de jouer avec les formes numériques. <em>Intention</em> recourt au design d’interaction, à l’IA, à l’art numérique et à la musique électronique pour produire une expérience multisensorielle.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/535636/original/file-20230704-17-u71i6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="photo montrant une main humaine qui tente de saisir une image générée par ordinateur" src="https://images.theconversation.com/files/535636/original/file-20230704-17-u71i6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535636/original/file-20230704-17-u71i6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=329&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535636/original/file-20230704-17-u71i6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=329&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535636/original/file-20230704-17-u71i6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=329&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535636/original/file-20230704-17-u71i6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535636/original/file-20230704-17-u71i6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535636/original/file-20230704-17-u71i6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Capture d’écran d’<em>Intention</em>, une installation interactive créée par l’artiste d’origine française Louk Amidou.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(L. Amidou)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Ces deux installations créent des expériences interactives uniques qui encouragent la participation en impliquant l’assistance dans le processus de création.</p>
<h2>Villes ludiques</h2>
<p>Les artistes et programmeurs pour l’espace public peuvent prendre certaines mesures pour s’assurer que les pratiques d’apprentissage machine soient <a href="https://doi.org/10.1109/MTS.2020.2967486">éthiques et moralement responsables</a>. Les spécialistes en informatique développent d’ailleurs des approches humanocentriques en matière de <a href="https://doi.org/10.1007/978-981-15-5679-1_49">protection de la vie privée</a> pour les <a href="https://doi.org/10.1016/j.neucom.2020.06.149">applications intelligentes</a>, les <a href="https://doi.org/10.1145/3408308.3427605">outils d’évaluation de risque</a>, les <a href="https://doi.org/10.1108/DPRG-03-2022-0023">approches axées sur les données pour les villes intelligentes</a> et plus encore.</p>
<p>L’IA peut rendre les installations interactives présentes en ville plus ludiques, plus divertissantes et même plus formatrices. Le résultat serait des espaces publics remodelés, proposant des activités engageantes pour la population locale et les touristes. Chose certaine, l’IA promet des fonctions intéressantes pour améliorer ces installations, à condition d’être conçue de façon responsable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211814/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Carmela Cucuzzella reçoit un financement du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Burcu Olgen ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les œuvres d’art interactives sont fréquentes dans les espaces publics de Montréal. Bien que divertissantes, elles peuvent devenir monotones. Les technologies numériques aident à remodeler l’expérience.Burcu Olgen, PhD Candicate, Research Assistant, Lecturer, Concordia UniversityCarmela Cucuzzella, Professor Design and Computation Arts, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2171142023-11-28T17:12:08Z2023-11-28T17:12:08ZLa France « moche » ne l’est pas pour tout le monde<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/562182/original/file-20231128-17-a9hl16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=43%2C39%2C3200%2C2404&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La galerie marchande du centre commercial de Noyelle-Godault.</span> <span class="attribution"><span class="source">Fabrice Raffin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Au premier jour d’une <a href="https://ittecop.fr/fr/tous-les-projets/recherches-2012/item/34-plateformes">recherche sociologique</a> menée pour le ministère de l’Écologie, programme ITTECOP (Infrastructure de transport, territoires, écosystèmes et paysages), entre 2012 et 2017 sur la zone commerciale de Noyelle-Godault tout près d’Hénin-Beaumont, je prends la sortie 26 de l’autoroute à A1 en direction de Lille. <a href="https://www.telerama.fr/monde/comment-la-france-est-devenue-moche,52457.php">La France des zones commerciales soi-disant « moches »</a> est là, devant moi.</p>
<p>Autant le dire tout de suite, ces formes urbaines <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/geographie-a-la-carte/faut-il-embellir-la-france-moche-2696299">souvent décriées</a> sont non seulement appréciées par la majorité de ceux qui les fréquentent, mais elles sont même plébiscitées, surtout par les familles, par les jeunes aussi. Elles sont support de leur quotidien, de leurs loisirs et de leurs pratiques culturelles. Elles font repère pour leur identité.</p>
<p>Dans la pratique et dans l’imaginaire, ces zones commerciales sont les centres urbains de ce début de XXI<sup>e</sup> siècle. Dans bon nombre de villes moyennes, ils ont remplacé les centres anciens moribonds aux commerces abandonnés. Même si on note une baisse de leur fréquentation, ils représentent encore plus de 60 % de l’approvisionnement alimentaire. Surtout, ils structurent un mode de vie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/en-finir-avec-la-france-moche-peut-on-changer-notre-perception-des-zones-commerciales-214334">En finir avec la « France moche » : peut-on changer notre perception des zones commerciales ?</a>
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<p>Cette France contemporaine s’étale donc devant moi plus qu’elle ne se dresse puisque les bâtiments ne dépassent pas la hauteur d’un immeuble de trois étages. Autour des mastodontes de la consommation (Auchan, Ikea, Décathlon) s’alignent des dizaines d’enseignes plus petites, mais tout aussi tape-à-l’œil.</p>
<p>Des lieux de loisirs sont là également : restaurants, hôtels, cinémas, espaces de paintball et même un circuit de karting. Une architecture commerciale qui se présente comme une accumulation de cubes métalliques et de rectilinéaires colorés. Une architecture dictée dans un langage mathématique, celui des mètres carrés commerciaux, tout en perpendiculaires : la carte devenue territoire pour paraphraser Houellebecq. Au milieu de ces hangars maquillés, « des milliers d’automobiles en stationnement étincèlent sur un vaste étang de goudron », <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-tour-du-monde-des-idees/abattoir-5-de-kurt-vonnegut-cinquantieme-anniversaire-2468283">pour reprendre les mots de Kurt Vonnegut</a>.</p>
<h2>La vie en habitacle ou l’appauvrissement des sens</h2>
<p>Durant les 5 années de cette enquête menée au laboratoire Habiter le Monde, nous avons pu appréhender les caractéristiques de ce mode de vie et des valeurs périurbaines, notamment ici, esthétiques, qui le structurent.</p>
<p>Ces zones commerciales sont nées au XX<sup>e</sup> siècle du mouvement de spécialisation des espaces de la ville, le « zonage » disent les urbanistes. Alors que la ville industrielle du XIX<sup>e</sup> siècle <a href="https://www.mediatheques.strasbourg.eu/Conservatoire/doc/IGUANA_2/126867/la-ville-phenomene-economique-jean-remy">concentre sur un même espace</a> l’habitat, l’approvisionnement, le travail, la pensée fonctionnaliste en urbanisme fait éclater ces fonctions, les sépare et les localise <a href="https://www.cairn.info/les-methodes-de-l-urbanisme--9782130813446-page-7.htm">chacune dans des zones distantes</a>. La voiture individuelle fera le lien entre ces espaces séparés désormais par des distances que l’on ne peut plus faire à pied.</p>
<p>Autour d’Hénin-Beaumont, <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/1360/gallery/">dans l’ancien Bassin-Minier</a>, la vie est donc une vie automobile, indispensable pour aller faire ses courses, chercher ses enfants à l’école, promener son chien dans le parc aménagé d’un ancien terril, assister à un concert au 9/9bis, se rendre au cinéma dans la zone commerciale.</p>
<p>La vie périurbaine est une vie en habitacle à air conditionné, coupée des éléments climatiques. <a href="https://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1998_num_78_1_2164">Christophe Gibout</a> note d’ailleurs que la voiture acquiert également dans ce contexte, « le caractère d’un référent symbolique de la modernité urbaine et de l’achèvement d’une liberté individuelle de circulation ». Une vie en habitacle à propos de laquelle Richard Sennett problématise <a href="https://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1992_num_55_1_1689_t1_0202_0000_2">l’appauvrissement des sens</a>. Dans ces espaces dispersés parcourus en automobile, l’expérience du corps s’affaiblirait, réduisant les sensations du mouvement, du toucher. Lorsqu’on passe de l’air conditionné de la voiture à celui de la galerie marchande, le contact est furtif avec l’environnement « réel ».</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">légende.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fabrice Raffin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Esthétique hollywoodienne</h2>
<p>Comme on me le déclarait de nombreuses fois en substance, on aime venir au centre commercial pour accéder à une modernité clinquante, féérique, multicolore et proprement aseptisée. Un décor entièrement factice, une anthropisation maximale de l’espace, rehaussé de lumière. Des millions de leds resplendissent sur fond de tôle ondulée. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, cette modernité occidentale, se construit sur un référent diffusé dans les séries et les cinémas produites principalement « outre-Atlantique ».</p>
<p>Au-delà des magasins en effet, la zone dans son ensemble a de faux airs américains, et se présente comme un décor de cinéma : « diners » et fast-foods, restaurants à la mise en scène spectaculaire constitués de véritables wagons suspendus à trois mètres du sol, « shopping promenade », comme autant d’échos réels aux flux culturels diffusés dans les productions audiovisuelles américaines.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’imaginaire américain est omniprésent.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fabrice Raffin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Alors ; aller au centre commercial c’est vivre la fiction, vivre dans le décor hollywoodien devenu réalité locale, selon une continuité médiatico-spatiale pourrait-on dire. L’espace est facile d’accès, on y entre gratuitement ; pour autant, les loisirs y sont payants et formatés.</p>
<p>Autour des espaces de la grande distribution, l’attractivité joue des représentations d’une modernité consumériste séduisante où les grandes enseignes de l’agroalimentaire vantent souvent leur caractère « authentique », « traditionnel », « naturel », comme un pied de nez au centre-ville patrimonialisé, perçu par les personnes que j’interviewe, selon leurs termes, comme « désuet » et « mort », duquel les habitants se détournent.</p>
<h2>Animation constante</h2>
<p>Le centre commercial au contraire est une zone urbaine où il se passe toujours quelque chose. L’événement caractéristique des <a href="https://www.cairn.info/revue-flux1-2009-4-page-17.htm*">mondes urbains</a> se joue désormais pour beaucoup sur les parkings du centre commercial, dans les galeries marchandes, au rythme des animations des fêtes devenues commerciales qui animent le décor : Noël, Halloween en tête, Pâques, le Carnaval dans le Nord, la Saint-Valentin, etc.</p>
<p>Chaque fois des décors différents, des animations différentes. Des événements superficiels ? Peut-être, mais les enfants comme les parents que je rencontre, apprécient ces décors toujours féériques, l’ambiance tranquille. Ici, tout semble sécurisé, dans la galerie marchande, « on peut laisser courir les enfants » me dit-on. Chaque chose est à sa place, ça sent même « le propre », le néo-hygiénisme règne. Les relations sociales sont apaisées, une armée de vigiles et de caméras sont là pour y veiller. Dans un monde social souvent perçu à travers le prisme médiatique de l’insécurité, le centre commercial représente <a href="https://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1992_num_55_1_1689_t1_0202_0000_2">l’espace pacifié des rapports sociaux</a> dans un cadre structuré par la consommation de masse et l’imaginaire de l’abondance.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">légende.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fabrice Raffin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Du politique et de la consommation</h2>
<p>Il reste une différence notable entre ces centralités commerciales et le centre-ville : c’est l’absence du « politique » et de ses symboles. La galerie marchande n’est pas l’espace de la dispute démocratique et la mairie est restée dans le centre ancien. Les terrasses des cafés standardisés, protégées des intempéries dans la galerie marchande, ont <a href="https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2014-3-page-77.htm">peu à voir avec l’espace de mise en publicité cher à Habermas</a>, espace de la dispute démocratique. L’être urbain y est surtout identifié en consommateur.</p>
<p>Dès lors, l’appartenance urbaine et les enjeux démocratiques semblent lointains, comme restés dans le centre-ville. Le politique mis à l’écart, le commun, la « communauté locale », se joueraient-ils exclusivement dans l’accès à la consommation ? Quoi qu’il en soit, l’espace commercial, le plus souvent, n’est pas perçu comme « moche » par celles et ceux qui l’occupent, le fréquentent, et ce faisant, le consomment et le produisent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217114/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Raffin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans la pratique et dans l’imaginaire, ces zones commerciales sont les centres urbains de ce début de XXIᵉ siècle.Fabrice Raffin, Maître de Conférence à l'Université de Picardie Jules Verne et chercheur au laboratoire Habiter le Monde, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2099322023-10-11T17:22:54Z2023-10-11T17:22:54ZJumeaux numériques : comment ces avatars modifient la gestion des territoires<p>Les villes et les régions utilisent de plus en plus de données numériques pour améliorer la gestion de leur territoire. Par exemple, la <a href="https://dtcc.chalmers.se/virtual-gothenburg-the-citys-digital-twin/">ville de Gothenburg, en Suède, a créé son jumeau numérique</a> pour gérer les transports, l’eau et l’énergie. Le jumeau numérique est utilisé pour simuler différents scénarios et améliorer les infrastructures urbaines.</p>
<p>Les jumeaux numériques sont des représentations numériques de territoires donnés, créées à partir de données collectées en temps réel et traitées par des algorithmes. Ils participent à la transformation des modes de gestion des territoires en participant à accélérer la compréhension d’une situation et la prise de décision. Il s’agit de <a href="https://ecoter.org/wp-content/uploads/2020/02/Acte-Visio-Jumeau-nume%CC%81rique-octobre-2021.pdf">« copies » virtuelles et interactives d’espaces géographiques réels</a> qui intègrent des informations sur l’urbanisme, l’environnement, la gestion des services publics notamment – d’où le terme de « jumeaux ».</p>
<p>Cette pratique numérique s’étend aujourd’hui à des territoires plus petits qui se distinguent des villes par des approches plus participatives dès la conception. Le village de Cozzano en Corse, entouré de montagnes et de forêts, accueille 300 habitants et vise à devenir une zone à énergie positive grâce à l’utilisation de sources d’énergie renouvelables telles que la biomasse, l’hydroélectricité et le solaire. Un projet qui repose sur la création du <a href="https://smartvillage.universita.corsica"><em>smart village</em> de Cozzano</a>, « jumeau numérique » collectant les données sur l’environnement et les activités du village (agriculture, élevage, risques, etc.), permettant de les stocker, les analyser et surtout de prédire l’état des ressources (énergie, eau, déchets) afin d’en assurer une gestion efficace. Cet outil, lancé en 2017 et développé grâce à l’implication des habitants, qui agissent et visualisent des informations du village au travers d’interfaces sur un navigateur web et des réseaux sociaux, est devenu essentiel pour la transition énergétique du village et les interactions sociales.</p>
<h2>Mieux gérer les territoires sur le long terme</h2>
<p>Les jumeaux numériques sont très souvent mis à profit pour expérimenter divers scénarios et anticiper des situations.</p>
<p>En particulier, la gestion de la logistique urbaine est touchée par l’apport du numérique, à l’instar de la métropole de Rennes qui a conçu en collaboration avec Dassault Systèmes son jumeau numérique <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/a-rennes-dassault-systemes-experimente-sa-solution-virtuelle-d-urbanisme-numerique.N1823567">dans le but de mieux comprendre les flux de circulation urbaine, d’optimiser les infrastructures de transport et d’anticiper les répercussions des projets de construction</a>.</p>
<p>Dans le domaine du ramassage des déchets par tournée, un jumeau numérique permet de visualiser de manière détaillée les différentes zones de ramassage, leurs horaires, ainsi que les types de déchets collectés afin d’optimiser les itinéraires des camions de collecte, comme <a href="https://www.chatou.fr/Grands-Projets/Coeur-d-Europe/Ville-intelligente-Chatou-commune-pionniere">à Chatou par exemple</a>.</p>
<p>Enfin, le <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/1573062X.2020.1771382?journalCode=nurw20">réseau de distribution d’eau de la métropole de Valence, en Espagne,</a> est désormais géré grâce à un des <a href="https://www.waterworld.com/water-utility-management/article/14178027/maximizing-efficiencies-with-digital-twins">rares jumeaux numériques de cette envergure au monde</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/realite-virtuelle-comment-lindustrie-nucleaire-se-modernise-172882">Réalité virtuelle : comment l’industrie nucléaire se modernise</a>
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<h2>Anticiper la gestion de crises</h2>
<p>Le jumeau numérique du territoire offre également la possibilité de réaliser des simulations en matière de gestion de crise et d’alerte, afin de préparer et planifier des réponses appropriées. Ainsi, les acteurs humains d’un territoire (citoyens, décideurs, élus, milieux associatifs, professionnels et pouvoirs publics) peuvent obtenir des informations rapidement pour prendre leurs décisions.</p>
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<p>Ainsi, des capteurs de la <a href="https://papers.phmsociety.org/index.php/phme/article/view/3300">qualité de l’air</a> peuvent nourrir de données un jumeau numérique, ce qui permet de prendre des mesures préventives, comme dans la Vallée des Gaves dans les Pyrénées.</p>
<p>La ville de Grenoble utilise un jumeau numérique pour <a href="https://theconversation.com/comment-les-villes-peuvent-faire-face-au-risque-dinondations-lexemple-de-grenoble-197815">gérer les risques d’inondation dans la plaine du Drac et de l’Isère</a>. Celui-ci peut simuler différents scénarios quant à l’étendue et la gravité de l’événement en fonction des conditions météorologiques, du relief, de la répartition du bâti, ce qui permet aux autorités locales de préparer des plans d’évacuation, de mettre en place des mesures de protection et d’informer les citoyens en temps réel des consignes de sécurité à suivre.</p>
<h2>Des jumeaux numériques à différentes échelles</h2>
<p>Les jumeaux numériques adoptent de plus en plus une approche intégrative à plusieurs échelles pour agréger les données territoriales, englobant ainsi tout le spectre, des foyers aux départements, en passant par les quartiers, les régions et jusqu’à l’échelon national.</p>
<p>Ainsi, le <a href="https://www.hinaura.fr/">jumeau numérique de la région Auvergne-Rhône-Alpes</a> est développé pour optimiser la gestion des secteurs agricole, touristique et énergétique tout en fournissant un outil d’évaluation politique. Il permet d’effectuer des simulations de divers scénarios, tels que le changement climatique ou les catastrophes naturelles, afin de renforcer la résilience des régions concernées en identifiant des actions prioritaires en termes de politiques publiques.</p>
<p>Cependant, un défi subsiste quant à l’<a href="https://www.mdpi.com/2673-3951/1/2/7">intégration et à l’interopérabilité des données</a>. Celles-ci nécessitent une approche à la fois globale et modulaire. En effet, certaines ressources sont propres aux communes (entretien des routes et des bâtiments publics, gestion des déchets, approvisionnement en eau potable), tandis que d’autres ressources sont partagées au niveau intercommunal (équipements culturels et sportifs, services de transport en commun), voire plus agrégées encore.</p>
<p>Imaginez que chaque ville ou village ait une version numérique d’elle-même, comme un avatar dans un jeu vidéo. Maintenant, imaginez que tous ces avatars puissent partager des informations. Au lieu d’avoir juste un avatar pour une ville, nous pourrions avoir un grand avatar pour une région entière ou même un pays. C’est comme assembler un puzzle où chaque pièce est un village, une ville ou une région.</p>
<h2>Partager les données tout en assurant le bon niveau de confidentialité</h2>
<p>Les données provenant du réel ou dérivées des simulations ont la capacité d’être partagées parmi les divers intervenants, incluant les citoyens, les municipalités et les entités intercommunales. Le jumeau numérique joue également un rôle crucial dans la coordination d’un <a href="https://ts2.space/fr/jumeaux-numeriques-et-interoperabilite-permettre-une-integration-transparente-des-systemes-urbains/">partage transparent et efficace des données</a>.</p>
<p>Cependant, <a href="https://www.village-justice.com/articles/jumeau-numerique-face-aux-enjeux-protection-des-donnees-personnelles,41441.html">certaines données utilisées par les jumeaux numériques sont potentiellement confidentielles (secret industriel, données sensibles en termes de sécurité d’approvisionnement en eau ou électricité)</a> et doivent faire l’objet de protections particulières des hébergeurs.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/hopital-les-jumeaux-numeriques-un-nouvel-outil-de-simulation-155344">Hôpital : les « jumeaux numériques », un nouvel outil de simulation</a>
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<p>Imaginez les jumeaux numériques comme des poupées russes, où chaque poupée, ou niveau, représente une dimension différente : un individu, une maison, un quartier, une ville, et ainsi de suite. Chaque poupée a ses propres informations, et lorsqu’elle s’intègre dans une poupée plus grande, elle ne partage que ce qui est nécessaire pour cette dimension plus large. Chaque élément est à la fois un tout et une partie d’un tout plus grand. Cette structure garantit que les informations sont partagées au bon niveau, protégeant ainsi la vie privée. Cependant, il est essentiel de maîtriser les échanges d’informations entre les différents niveaux.</p>
<h2>Une approche globale de transformation des services</h2>
<p>Le jumeau numérique d’un territoire, au-delà d’être un simple outil, propose en synthèse une approche globale de transformation des services à la population, qui nécessite l’engagement des parties prenantes et une gouvernance renouvelée. En effet, le succès du jumeau numérique dépend donc en premier lieu de la profondeur de la réflexion initiale sur les usages attendus.</p>
<p>Son efficacité repose de plus sur une collecte et une intégration minutieuses des données, et sur la garantie de leur confidentialité et de leur sécurité. Il est également crucial d’intégrer, lors du développement informatique du jumeau numérique, une capacité d’adaptation pour faire face à l’évolution et à la complexité croissante des systèmes simulés.</p>
<p>Si ces contraintes deviennent bien maîtrisées, il devient envisageable d’établir des jumeaux numériques interconnectés à l’échelle nationale, agrégeant les informations depuis les niveaux les plus détaillés, et répondant ainsi à l’ensemble des besoins en informations des diverses collectivités, qu’elles soient urbaines ou rurales. Un projet à l’échelle nationale est déjà en cours au <a href="https://www.tradeandinvest.lu/news/a-nation-wide-digital-twin/">Luxembourg, qui considère l’intégralité de son territoire comme un banc d’essai numérique</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209932/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>De l’échelle locale à l’échelle nationale, les jumeaux numériques visent à transformer la gestion des territoires, de plus en plus basée sur des données réelles et des modèles précis.Gregory Zacharewicz, Professeur de l'Institut Mines Telecom, IMT Mines Alès – Institut Mines-TélécomCedrick Beler, Maître de Conférences en Systèmes d'Information, École Nationale d'Ingénieurs de Tarbes (ENIT)Souad Rabah, enseignante chercheuse, IMT Mines Alès – Institut Mines-TélécomLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2143342023-09-26T19:10:53Z2023-09-26T19:10:53ZEn finir avec la « France moche » : peut-on changer notre perception des zones commerciales ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/550201/original/file-20230926-25-1l1pk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5176%2C3872&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Héritage des trente glorieuses, les zones commerciales en périphérie des villes souffrent d'une mauvaise image. </span> <span class="attribution"><span class="source">Elodie Bitsindou</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Le 11 septembre 2023, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, et la ministre déléguée chargée des Petites et moyennes entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, Olivia Grégoire, ont annoncé un <a href="https://www.gouvernement.fr/upload/media/content/0001/07/2dc90efc2c1a0e97572bf027240fac63e4dc9d75.pdf">programme national de transformation des zones commerciales</a>.</p>
<p>Souvent situées en entrée de ville, ces zones demeurent des pôles de consommation majeurs. 72 % des dépenses des Français sont effectuées dans ces zones, a annoncé Bercy, un chiffre, semble-t-il, tiré d’une <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1283665">étude de l’Insee publiée en 2014</a>.</p>
<p>Face à la crise écologique, l’arrêt de la construction de nouvelles zones et l’adaptation de l’existant (<a href="https://www.gouvernement.fr/actualite/lancement-du-programme-de-transformation-des-zones-commerciales">1 500 zones commerciales couvrant cinq fois la taille de Paris</a> sont nécessaires. Mais si ces zones sont associées à un mode de vie jugé obsolète par les professionnels de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire, celui du règne de l’automobile et de la surconsommation, elles sont un héritage des Trente Glorieuses et abritent à ce titre une mémoire collective.</p>
<p>Un questionnement sur l’identité de ces lieux permettrait d’avancer sur certaines des difficultés auxquelles les projets devront faire face : création de valeur hors du secteur commercial, et nécessité de faire évoluer l’image de ces zones pour convaincre de se loger sur ce foncier hautement rentable, mais souffrant d’un mépris culturel.</p>
<h2>« La France moche » : un point de vue subjectif</h2>
<p>Depuis l’annonce du gouvernement, l’expression « France moche » a <a href="https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/a-quoi-bon-embellir-la-france-moche-20230920_RUJYQZAV6JANXNY7ZPXOIFXNWA/">refait son apparition dans le débat public</a>. Vue pour la première fois <a href="https://www.telerama.fr/monde/comment-la-france-est-devenue-moche,52457.php">dans les pages de Télérama en 2010</a>, la formule pointe les formes de l’étalement urbain : infrastructures routières, zones commerciales, lotissements.</p>
<p>Ses détracteurs y perçoivent laideur, banalité, ennui et mal-être. Leurs habitants sont perçus comme des exilés. Or, un tiers de la population réside aujourd’hui dans ces territoires, selon une mosaïque socio-économique et des mobilités résidentielles diverses. En outre, la <a href="https://www.eyrolles.com/BTP/Livre/la-ville-franchisee-9782903539757/">« ville franchisée » décrite par le sociologue David Mangin</a> en 2003 est une réalité qui concerne aujourd’hui aussi bien les périphéries que les villes historiques. <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/histoires-economiques/histoires-economiques-du-lundi-24-janvier-2022-8956659">L’abondance de la publicité</a> sous toutes ses formes dans les quartiers centraux de la capitale en constitue un parfait exemple.</p>
<p>À rebours de ce rejet, nombre d’auteurs nous invitent à considérer ces espaces sous un angle nouveau. En 2011, Éric Chauvier s’opposait à ces critiques en publiant l’essai <a href="https://www.editions-allia.com/fr/livre/489/contre-telerama"><em>Contre Télérama</em></a>. L’écrivaine Annie Ernaux, de son côté, a rendu compte de son expérience sensible des hypermarchés dans l’opus <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/regarde-les-lumieres-mon-amour-annie-ernaux/9782370210371"><em>Regarde les lumières mon amour</em></a>. Elle a depuis obtenu le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=zGdHgAvc-OA">prix Nobel de littérature</a>.</p>
<p>C’est par la médiation de l’art, nous apprend le <a href="https://editions.flammarion.com/nus-et-paysages/9782700734133">philosophe Alain Roger</a>, que nous pouvons apprécier un paysage. Les artistes, en particulier les photographes, nous ont offert quantité de matière pour apprendre à percevoir cette dimension des zones commerciales. Comme <a href="https://archive.org/details/RobertVenturiStevenIzenourDeniseScottBrownLearningFromLasVegasTheForgottenSymbol">Robert Venturi et Denise Scott Brown</a> prirent conscience des qualités visuelles et culturelles des boulevards commerciaux de Las Vegas, pouvons-nous aussi changer de regard sur les zones commerciales en périphérie des villes françaises ?</p>
<h2>Quand la production artistique rencontre l’aménagement du territoire</h2>
<p>L’intérêt des photographes français pour les espaces périurbains se manifeste pour la première fois à l’occasion de la <a href="https://missionphotodatar.anct.gouv.fr/accueil">Mission photographique de la DATAR</a> (Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale). Créée en 1963, la DATAR avait pour objectif de superviser la politique nationale d’aménagement du territoire. En 1984, Bernard Latarjet et François Hers lancent la Mission avec l’objectif de « représenter le paysage français des années 80 » et de recréer « une culture du paysage ».</p>
<p>Parmi les participants, des tendances se dégagent. Ils capturent la transformation des bords de mer, des zones rurales et provinciales ; témoignent des effets de l’urbanisation diffuse ; saisissent une ruralité perdue, ou du moins, irrémédiablement transformée ; explorent les infrastructures et les paysages en mouvement ; et montrent les hommes et les femmes qui investissent ces espaces.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/550207/original/file-20230926-23-py161m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550207/original/file-20230926-23-py161m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550207/original/file-20230926-23-py161m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550207/original/file-20230926-23-py161m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550207/original/file-20230926-23-py161m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550207/original/file-20230926-23-py161m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550207/original/file-20230926-23-py161m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Série Espaces commerciaux, Midi.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Albert Giordan, Mission photographique de la Datar</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Dévoilées au public pour la première fois à la fin de l’année 1985, les photographies de la DATAR furent <a href="https://www.ina.fr/recherche?q=Territoires+photographiques&espace=1&sort=pertinence&order=desc">largement diffusées dans les médias</a>. Cependant, l’opinion du philosophe Michel Guerrin selon laquelle <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1986/01/13/miracle-on-a-retrouve-des-paysages-en-france_2938819_1819218.html">« Miracle ! On a retrouvé des paysages en France ! »</a>, reste une exception. Le public de l’époque ne perçut pas tant une volonté de renouvellement des paysages que le témoignage de leur altération.</p>
<p>Ces images forment le récit d’une France subissant de profondes transformations : celui d’un territoire conquis par les flux de circulation et d’énergies ; où nature (jamais sauvage) habitat et industrie se superposent et s’entremêlent ; où le fonctionnalisme de l’État aménageur des Trente Glorieuses coexiste avec la prolifération de l’habitat individuel ; où l’espace public est peuplé d’images et de signes.</p>
<h2>Nouveaux récits</h2>
<p>Sur le modèle de la DATAR, des commandes photographiques et missions indépendantes – <a href="https://www.archive-arn.fr/">tels l’ARN, Atlas des régions naturelles</a> – montrent des portraits de paysages où la dimension sensible n’occulte jamais les réalités urbaines.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/550208/original/file-20230926-19-w4cu54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550208/original/file-20230926-19-w4cu54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550208/original/file-20230926-19-w4cu54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550208/original/file-20230926-19-w4cu54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550208/original/file-20230926-19-w4cu54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550208/original/file-20230926-19-w4cu54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550208/original/file-20230926-19-w4cu54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Montchanin. Atlas des Région Naturelles (ARN).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nelly Monnier et Éric Tabuchi</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Initiée par le Forum vies mobiles (un institut de recherche sur la mobilité), <a href="https://www.citedesartsparis.net/fr/exposition-les-vies-quon-mene-cite-x-tendance-floue-x-forum-vies-mobiles">« Les vies qu’on mène »</a> cherche à capturer la diversité des modes de vie contemporains en France. Les séries photographiques sont des récits, suivant des individus de tous horizons, dans des territoires variés. Elles examinent notamment le rôle essentiel de l’automobile dans la vie quotidienne, principal moyen de déplacement, outil de travail ou objet de fierté, et exposent <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782367441627-les-vies-qu-on-mene-tendance-floue-nicolas-mathieu/">« notre dépendance aux énergies carbonées »</a>. Exposées à la Cité internationale des arts en 2022, ces images dialoguent avec les statistiques, soulignant qu’actuellement, 70 % des déplacements en France se font en voiture, et que 85 % des foyers étaient motorisés en 2018.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/550209/original/file-20230926-29-w4cu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550209/original/file-20230926-29-w4cu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=748&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550209/original/file-20230926-29-w4cu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=748&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550209/original/file-20230926-29-w4cu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=748&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550209/original/file-20230926-29-w4cu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=940&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550209/original/file-20230926-29-w4cu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=940&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550209/original/file-20230926-29-w4cu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=940&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Série « Sur la piste des derniers hommes sauvages « , 2015.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Antoine Séguin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Une autre initiative indépendante, lancée en 2020, <a href="http://www.francesterritoireliquide.fr/">« France(s) territoire liquide »</a> se distingue par son ambition de reprendre le flambeau de la DATAR, tout en se libérant des contraintes de commande. Il s’agit d’explorer un territoire en mutation, dans ses différentes dimensions, matérielles comme émotionnelles. Loin d’être documentaire, cette mission privilégie la narration, en mettant en scène les habitants des zones périurbaines avec une puissance évocatrice saisissante.</p>
<h2>Une esthétique du contraste</h2>
<p>Il est difficile d’établir une liste exhaustive des photographes qui ont pris les périurbains comme sujets.</p>
<p>À l’image de Raymond Depardon, qui participa à la Mission DATAR en <a href="https://www.imageandnarrative.be/index.php/imagenarrative/article/view/203">capturant les effets de l’étalement urbain sur le monde rural</a>, puis publia son recueil <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-france-de-raymond-depardon-raymond-depardon/9782021009941"><em>La France de Raymond Depardon</em></a> près de vingt ans plus tard, les photographes se sont engagés dans une réflexion sur la <a href="https://editions.flammarion.com/la-france-peripherique/9782081312579">« France périphérique »</a>.</p>
<p>Leurs choix de sujets et de cadrage influencent notre perception de ces espaces. Leur regard n’est jamais neutre : ils sont animés par la nostalgie, le second degré, ou influencés par les représentations cinématographiques. Les zones commerciales y sont mises en narration et leurs qualités visuelles, riches de contrastes, sont sublimées par leur travail.</p>
<p><a href="https://www.galignani.fr/livre/9782916774008-hexagone-t-1-le-paysage-fabrique-jurgen-nefzger/">« Hexagone : le paysage fabriqué »</a> de Jurgen Nefzger montre des paysages périurbains dotés de points de repères et de monumentalité. Les chefs-d’œuvre de l’architecture post-moderne, structurent l’espace au même titre que les fameux pastiches d’architecture vernaculaire délivrés partout à l’identique par les chaînes de restauration.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/550210/original/file-20230926-23-r93gm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550210/original/file-20230926-23-r93gm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550210/original/file-20230926-23-r93gm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550210/original/file-20230926-23-r93gm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550210/original/file-20230926-23-r93gm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550210/original/file-20230926-23-r93gm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550210/original/file-20230926-23-r93gm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Série Autoroute du soleil.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphaël Bourelly</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p><a href="http://www.julienrochephotography.com/gallery/paradise-lost/">« Paradise Lost »</a> de Julien Roche joue sur la répétition, tandis qu’avec <a href="https://antoineseguin.com/Sur-la-piste-des-derniers-hommes-sauvages">« Sur la piste des derniers hommes sauvages »</a>, Antoine Séguin s’appuie sur les différences d’échelles entre <em>l’Homo périurbanus</em> et son environnement.</p>
<p><a href="https://xavierlours.bigcartel.com/product/rodeo">« Rodéo 3 »</a> de Xavier Lours s’attarde sur la vie nocturne de <a href="https://www.revue-urbanites.fr/vu-rodeo/">Plan-de-Campagne</a>, créée en 1960 dans la périphérie de Marseille, la plus grande zone commerciale de France, dans le viseur des photographes depuis la mission DATAR.</p>
<p>Quant à la série <a href="http://www.raphaelbourelly.com/autoroute.html">« Autoroute du soleil »</a> de Raphaël Bourelly, elle met à l’honneur néons et jeux de lumière.</p>
<p>Signe de l’intérêt institutionnel pour les zones commerciales en tant que paysages, ces quatre projets photographiques ont été récompensés dans le cadre du concours <a href="https://www.urbanisme-puca.gouv.fr/IMG/pdf/puca-27042021allegecorrige.pdf">« Regards sur les zones d’activité économique »</a> sponsorisé <a href="https://www.urbanisme-puca.gouv.fr/">par le PUCA</a> (Plan Urbanisme Construction Architecture) – un service interministériel créé en 1998 afin de faire progresser les connaissances sur les territoires et les villes et éclairer l’action publique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/550212/original/file-20230926-15-bm5p19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550212/original/file-20230926-15-bm5p19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550212/original/file-20230926-15-bm5p19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550212/original/file-20230926-15-bm5p19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550212/original/file-20230926-15-bm5p19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550212/original/file-20230926-15-bm5p19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550212/original/file-20230926-15-bm5p19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Série Hyperlife, 2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Stéphanie Lacombe</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>La photographe Stéphanie Lacombe, de son côté, opère un changement d’échelle et de focale, en montrant moins les paysages des zones commerciales que l’appropriation dont elles font l’objet par les individus. Sa série <a href="https://lacombestephanie91e7.myportfolio.com/hyper-life">« Hyperlife »</a>, au nom évocateur – ces lieux que l’on qualifie de « France moche » sont aussi et surtout des lieux « hypervivants » – donne à voir les liens de sociabilité qui se jouent sur le parking de l’Intermarché de Saint-Erme (Hauts-de-France). Dans une intéressante subversion des fonctions, qui valorise différemment l’espace et le valide comme lieu de vie à part entière, le travail de la photographe a été exposé sur le parking en question.</p>
<p>À travers ce corpus, les zones commerciales ne sont plus simplement perçues comme des espaces fonctionnels ou des centres de consommation, mais se révèlent comme des lieux où se superposent des échelles, des lisières et des interstices. À partir de ces représentations, il est crucial de reconnaître et de préserver les pratiques préexistantes qui ne s’inscrivent pas dans une grille de lecture consumériste, plutôt que de les effacer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214334/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elodie Bitsindou ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment faire évoluer l’image des zones commerciales, qui souffrent d’une forme de mépris culturel ?Elodie Bitsindou, Doctorante en histoire de l'architecture contemporaine, Centre Chastel, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2122872023-09-08T08:44:41Z2023-09-08T08:44:41ZAux frontières de Paris, apprendre de la Zone et de ses conflits<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/545727/original/file-20230831-23-juguw6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C5120%2C3395&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Au fil des nuages, Place Jacques Duclos, Montreuil.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jmenj/9621377068/in/album-72157644984085889">Jeanne Menjoulet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Après les <a href="https://theconversation.com/emeutes-au-dela-des-eclats-le-reflet-de-vies-brutalisees-209239">émeutes urbaines</a> de fin juin-début juillet 2023, le Conseil de la Métropole du Grand Paris a adopté une résolution qui doit « permettre aux quartiers en difficulté de retrouver une dynamique positive de développement ».</p>
<p>Cette résolution fait partie des 12 orientations du Schéma de cohérence territoriale – le <a href="https://www.metropolegrandparis.fr/fr/actualites/la-metropole-du-grand-paris-adopte-definitivement-963-son-schema-de-coherence">SCoT</a> –, voté le 13 juillet 2023 avec pour ambition de constituer « la colonne vertébrale de la Métropole pour les 15 années à venir ».</p>
<p>Comment cette nouvelle dynamique est-elle censée se réaliser au niveau des « quartiers en difficulté » ? Par un plan d’urbanisme surplombant et un ensemble de décisions politiques qui, depuis les hauteurs de l’expertise, se projetteraient au sol des banlieues ? Après le <a href="https://theconversation.com/medine-dans-lactualite-comment-le-rap-fait-parler-les-politiques-163022">rappeur Médine</a> et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=6sfVkZYIyik">ses différents collectifs</a> qui ont scandé « c’est nous le Grand Paris », les juristes Xavier Matharan et Serge Pugeault ont exprimé autrement leur volonté d’élargir le droit de participer pleinement à la ville. Aussi viennent-ils d’en appeler à la formation <a href="https://www.lejournaldugrandparis.fr/pour-une-assemblee-constituante-au-secours-du-grand-paris/">d’une assemblée constituante</a> pour réussir <a href="https://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/le-pari-du-grand-paris/">« le pari du Grand Paris »</a> ; une réussite qui suppose d’inviter toutes les catégories de la population – dont celles des banlieues – à prendre part aux décisions.</p>
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<figcaption><span class="caption">Médine, Le Grand Paris 2.</span></figcaption>
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<p>Les recherches que j’ai menées seul et <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/12063312231155353">avec d’autres collègues</a> m’ont appris que ces questions comme ces confrontations entre centre-ville et périphéries ont toutes un point de jonction qui mène à l’histoire largement oubliée de la « Zone ». Si cette dernière ne doit pas être confondue avec la banlieue, son histoire n’en reste pas moins celle des frontières urbaines et des conflits autour <a href="https://metropolitiques.eu/50-ans-apres-actualites-du-droit-a-la-ville-d-Henri-Lefebvre.html">d’un droit à la ville</a> dénié aux marginalisés. Hier comme aujourd’hui, ils restent le plus souvent mis au ban d’un projet métropolitain qui les traite en <a href="http://www.editionsamsterdam.fr/les-sauvages-de-la-civilisation/">« sauvages de la civilisation »</a>.</p>
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<h2>La Zone, territoire « sauvage »</h2>
<p>« C’est la zone ! » Voilà ce que l’on dit en français courant d’un endroit dont on veut souligner la marginalité ou le dénuement. Peu savent cependant que, du milieu du XIX<sup>e</sup> au milieu du XX<sup>e</sup> siècle, la Zone a été le toponyme d’un territoire annulaire qui se situait en lieu et place de l’actuelle autoroute du périphérique urbain : le « périph’ », dont les 50 ans viennent <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-le-periph-apres-tout">d’être fêtés</a> et qui continue de tracer une frontière entre Paris intramuros et la <a href="https://www.pavillon-arsenal.com/fr/edition-e-boutique/collections/19-x-30/11957-des-fortifs-au-perif.html">banlieue</a>.</p>
<p>C’est pendant la seconde moitié du XIX<sup>e</sup> siècle que la Zone a pris forme au pied des fortifications de Paris, dont elle a usurpé (on dirait aujourd’hui « squatté ») une bande de terre initialement réservée <a href="http://www.editionsdelasorbonne.fr/fr/livre/?GCOI=28405100256560">aux manœuvres militaires</a>.</p>
<p>Au tournant du XX<sup>e</sup> siècle, ses roulottes, wagons désaffectés et autres baraquements de fortune abritaient une majorité de travailleuses et de travailleurs pauvres, ainsi qu’une minorité de « petits malfrats » exclus du centre bourgeois, comme de la banlieue ouvrière. La morphologie sociale des habitants de la Zone – les « zonières » et les « zoniers » – correspondait à celle du lumpenprolétariat tel que Karl Marx <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782710324140-les-luttes-de-classes-en-france-1848-1850-le-18-brumaire-de-louis-bonaparte-karl-marx">l’a décrit</a>, non sans mépris, lorsqu’il analysait les luttes de classes en France.</p>
<p>Dans les représentations savantes comme dans les représentations populaires, la Zone agrégeait toutes sortes de <a href="http://www.editionsamsterdam.fr/les-sauvages-de-la-civilisation/">« sauvages de la civilisation »</a>, dont les chroniqueurs du fantastique social – journalistes, nouvellistes ou chansonniers – ont exploité la prétendue « dangerosité ».</p>
<p>Avant Victor Hugo qui a repris l’expression dans <a href="https://gallica.bnf.fr/essentiels/hugo/miserables"><em>Les Misérables</em></a>, Alfred Delvau <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2045247.image">a dédié quelques pensées</a> à ces soi-disant « sauvages de Paris » composés de celles ou ceux – chiffonniers, truands, voleuses et prostituées – qu’aucune cause à part la leur ne pouvait rallier</p>
<p>S’il paraissait donc irrécupérable, ce peuple <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/les-bas-fonds-dominique-kalifa/9782020967624">« des bas-fonds »</a> semblait aussi ingouvernable que rétif à toute forme d’autorité, ou de vie un tant soit peu instituée par autre chose que les codes de son propre monde.</p>
<p>Ces disqualifications du « bas peuple » parisien sont une constante des traits appliqués <a href="https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2018-2-page-329.htm?ref=doi">à la description</a> des visages et du quotidien de la Zone. En 1907, Stéphane Courgey – un médecin hygiéniste d’Ivry-sur-Seine – a par exemple <a href="https://www.persee.fr/doc/bmsap_0037-8984_1907_num_8_1_7018">fustigé</a> ces « ramassis de cabanes, de voitures de nomades usées, de wagons déclassés » ; selon lui « une curiosité mais aussi une honte de Paris ».</p>
<p>En 1932, dans son <em>Voyage au bout de la nuit</em>, Céline a brossé <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782070213047-voyage-au-bout-de-la-nuit-louis-ferdinand-celine/">avec le même dégoût</a> le portrait des venelles comme celui des personnages de ce « village qui n’arrive jamais à se dégager tout à fait de la boue ».</p>
<h2>Des zoniers aux zonards</h2>
<p>La Zone a toutefois subsisté aux portes de la capitale pendant plus d’un siècle, à cheval entre le milieu du XIX<sup>e</sup> et celui du XX<sup>e</sup>, avant que son démantèlement ne l’efface comme une <a href="http://www.lenouvelattila.fr/paris-insolite/#auteur">« tache de graisse »</a> – l’expression est de l’écrivain Jean-Paul Clébert – dont les dernières auréoles ont été bitumées.</p>
<p>Après les grands chantiers parisiens dirigés par le baron Haussmann au cours de la décennie 1850 – et dont la Mairie de Paris fête cette année les <a href="https://www.paris.fr/pages/haussmann-l-homme-qui-a-transforme-paris-23091">170 ans</a> –, d’autres travaux ont réalisé ce recouvrement. Achevés il y a tout juste 50 ans, ils ont tracé <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/la-zone-l-ancetre-du-peripherique-parisien-2123331">l’autoroute</a> du périphérique urbain en lieu et place de la Zone.</p>
<p>À sa manière, elle a tout de même résisté à cet effacement physique par les <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/non-lieux-marc-auge/9782020125260">« non-lieux »</a> – autant d’espaces dédiés au seul passage, comme les périphériques urbains, les supermarchés, les gares et autres transports en commun – caractéristiques d’une modernité qui s’est accélérée.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/545728/original/file-20230831-17-n7bhi3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/545728/original/file-20230831-17-n7bhi3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/545728/original/file-20230831-17-n7bhi3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/545728/original/file-20230831-17-n7bhi3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/545728/original/file-20230831-17-n7bhi3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/545728/original/file-20230831-17-n7bhi3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/545728/original/file-20230831-17-n7bhi3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Périf.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/christian_bachellier/3281913517/in/photolist-611ExP-Qt9jyo-cgVK4U-PGQfiL-ChTeFb-uh6bM-2m5p8Gb-8U6Mee-dwzC5Y-4MVuy5-iFdd6L-7PhHR5-aTLLt6-23JdAFH-6TjcGF-2nuV7kR-9YEf1-2m6o8i8-xtGT2m-SAWjBm-2jgrhMk-6if1kF-2jgrhFt-7Qezse-DRQyF6-Fz23zm-9Typn6-8H9PUd-84p241-7MKv5s-5Waycs-eUMPLq-6o7qdy-4PoDi4-awF4Xw-6XbEZc-2jgonv1-2iYZDZW-82BsNW-PJNDm6-7KpjqW-2jgsxLn-9zC4Pc-G6wR5W-252hTMg-TqPYju-Fz1SmL-3UTrBP-qSu4ax-2j88X2a">Christian Bachellier/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>C’est aussi à compter de ce moment que, dans le langage courant, la Zone s’est déplacée, puis reconstituée autour d’une signification aussi nouvelle que dérivée de l’ancienne. Au cours des années 1970, ses usages populaires l’ont redéfinie en nom des marges répandu bien au-delà de ses premières localisations parisiennes.</p>
<p>Tandis que c’en était fini du territoire annulaire des zoniers, les « zonards » se sont peu à peu imposés dans les manières de désigner celles ou ceux qui continuaient de porter les stigmates d’une Zone <a href="https://journals.openedition.org/terrain/17600">désormais dématérialisée</a>.</p>
<p>Comme d’autres signifiants ambivalents, « zonard » n’a pris tout son sens qu’au travers des usages qui en ont été faits : d’un côté l’assignation stigmatisante tenant de l’insulte faite au « marginal » que l’on disqualifie et, de l’autre, le retournement du stigmate opéré par celles ou ceux qui en sont affublés et décident de s’en revendiquer. Ces nouvelles façons de vivre, de choisir ou d’être assigné à la Zone ont été incarnées par les rockers, les <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/la_generation_des_blousons_noirs-9782707139931">« blousons noirs »</a> et les bikers photographiés dans les marges parisiennes <a href="https://www.lamanufacturedelivres.com/livre/blousons-noirs">par Yan Morvan</a> ou Esaias Baitel, dont l’expérience a fait l’objet du documentaire <a href="https://www.itamaralcalay.net/four-years-of-night">Four years of night</a>. À leur suite, les <a href="https://archives.zonemondiale.fr/products/arno-rudeboy-nyark-nyark-livre">punks français</a> se sont également approprié ce signifiant des marges, dont une mémoire aussi vive que transgressive est conservée par le label les <a href="https://archives.zonemondiale.fr/products/rebelles-remi_pepin">Archives de la Zone Mondiale</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Four Years of Night, trailer, 2012.</span></figcaption>
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<h2>Des chemins alternatifs</h2>
<p>Au tournant des années 1990 et 2000, les routards, teufeurs et autres techno travellers français ont ajouté leurs subcultures aux usages d’une Zone qui, de leur point de vue, désigne les <a href="https://www.puf.com/content/Zonards_Une_famille_de_rue">chemins alternatifs</a> que tracent ces groupes plus ou moins nomades dans le dos des pouvoirs, des règles et, parfois, des lois de la société instituée.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/545492/original/file-20230830-29-q3zfuf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/545492/original/file-20230830-29-q3zfuf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/545492/original/file-20230830-29-q3zfuf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/545492/original/file-20230830-29-q3zfuf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/545492/original/file-20230830-29-q3zfuf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/545492/original/file-20230830-29-q3zfuf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/545492/original/file-20230830-29-q3zfuf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/545492/original/file-20230830-29-q3zfuf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« Sur la route », Photographie d'Emy, extraite du documentaire Zone 54, Amandine Turri Hoelken.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://amandineturrihoelken.fr/">Avec l’aimable autorisation d’Amandine Turri Hoelken</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La Zone (ré) apparaît aussi dans le lexique des banlieues, dont elle désigne non pas l’ensemble, mais les espaces troubles et leurs styles de vie les plus marginaux. Si elle n’est en aucun cas une bannière sous laquelle se rassembleraient les groupes qui vivent selon le <a href="https://wwnorton.com/books/Code-of-the-Street/">« code de la rue »</a> – un ensemble de règles non-écrites qui forment une loi substitutive à celle que la société a instituée –, la Zone exprime autant qu’ elle situe leurs territoires et leurs expériences dans les dédales des banlieues.</p>
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<figcaption><span class="caption">Iencli, Vald x Sofiane.</span></figcaption>
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<p>Parce qu’ils captent toutes les attentions, ces styles de vie et leurs personnages produisent sur la banlieue un effet de « zonification ». Comme dans le cas de la Zone historique, il oriente les perceptions et conduit le plus grand nombre à ne voir là que des espaces d’abandon peuplés de minorités rétives, ou coupables de toutes sortes de transgressions. Ce stéréotype est renforcé par les politiques qui pointent du doigt les « zones de non-droit » et tiennent, à l’exemple du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, des <a href="https://www.bfmtv.com/politique/gerald-darmanin-il-y-a-des-quartiers-qui-sont-reconquis_VN-202308250384.html">discours</a> de « reconquête » des quartiers prétendument « perdus » par la République.</p>
<h2>Un mot de passe</h2>
<p>Porter un tel regard sur les espaces périphériques pose une question qui, d’hier à aujourd’hui, conserve toute son actualité : celle de la (dis) qualification des marges, dont la Zone est un mot de passe.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/M-gmLjEefi8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">SDM feat Booba, « La Zone ».</span></figcaption>
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<p>Il a beau s’exprimer différemment au fil du temps, cet « ensauvagement » ne cesse de réapparaître, avec ses appels au contrôle social qu’il faudrait exercer sur celles et ceux qui semblent toujours y échapper – parce qu’on ne les comprend pas plus qu’on ne les entend.</p>
<p>À partir d’une analyse des histoires comme des regards qui ont produit les récits de la Zone – et des différentes générations de « sauvages de la civilisation » qu’elle aurait abrités –, on peut continuer d’interroger les diverses façons de désigner, mépriser ou dominer les populations marginalisées.</p>
<p>On peut aussi étudier la violence qu’on leur prête, souvent pour mieux cacher <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0896920519880948?journalCode=crsb">celle qu’on leur fait</a>. Le boulevard périphérique dont Paris a fêté les 50 ans en avril 2023 aurait-il donc recouvert à jamais les traces de celles et ceux qui ont vécu là, en marge de la société instituée ? Peut-être pas tout à fait, ou pas tant que la Zone continuera de se faire entendre…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212287/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Beauchez ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les projets visant à renouveler les rapports entre centres-ville et périphéries oublient souvent un pan crucial de l’histoire parisienne et de ses conflits : celle de la « Zone ».Jérôme Beauchez, Sociologue et anthropologue, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2124782023-09-08T08:44:40Z2023-09-08T08:44:40ZZones commerciales périphériques : de l’eldorado économique au péril territorial<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/545501/original/file-20230830-25-se5vjb.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C2%2C940%2C530&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le parc des Senteurs 3 : un nouvel ensemble commercial en cours d'aménagement.</span> <span class="attribution"><span class="source">S. Deprez</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>La ministre déléguée chargée des PME, du commerce, de l’artisanat et du tourisme, Olivia Grégoire, annonçait en octobre dernier un plan de transformation des zones commerciales <a href="https://www.la-croix.com/Economie/Le-gouvernement-lance-plan-transformer-commerces-2022-10-30-1201240014">doté de 24 millions d’euros en 2023</a>, avec pour principale ligne directrice la transformation des plus touchées par la vacance. Ce sujet du <a href="https://www.persee.fr/doc/geo_0003-4010_1982_num_91_506_20129">commerce périphérique</a> et de son évolution fait ainsi l’objet de projets ambitieux et nécessaires, également à l’agenda politique de cette rentrée, mais qui appellent des changements bien plus profonds que nous avons mis en évidence dans de précédents <a href="http://www.riurba.review/Revue/l-avenir-des-zones-commerciales-71/">travaux</a>.</p>
<p>Prenons un exemple concret, en Seine-Maritime. Au cœur de l’été normand, les engins de construction réalisent les derniers aménagements du Parc des Senteurs 3, un énième ensemble commercial qui, sur 8 500 m<sup>2</sup>, accueillera dans quelques mois cinq nouvelles enseignes, sises dans la commune de Pissy-Pôville. </p>
<p>Ce projet fut en première intention refusé (avis défavorable n°2018-01 du 27 mars 2018) par la Commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) en raison d’une vacance commerciale forte dans la zone voisine où de nombreux locaux attendent depuis longtemps d’accueillir de nouvelles activités et du non-recours aux énergies renouvelables. Il a finalement été accepté en seconde lecture et motivé par les réponses du requérant sur le volet environnemental (avis favorable n°2019-09 du 23 juillet 2019).</p>
<p>Ce volte-face résume à bien des égards toute la réalité du moment où, à travers des démarches plus « vertueuses » – un mur végétalisé sur un bâtiment, des panneaux photovoltaïques sur son toit, des bornes de recharges électriques, des arceaux pour les vélos, le tri des déchets… –, le « développement durable » est mobilisé pour légitimer la non-remise en question du modèle commercial à la française dont on observe à la fois l’essoufflement et les dérives.</p>
<h2>Illustration d’un mal français</h2>
<p>Cet équipement – la troisième réalisation du même promoteur après l’ouverture des parcs éponymes 1 et 2 en 2009 et 2015 – marque un nouveau temps d’un long processus de mise en commerce initié il y a 40 ans maintenant, avec l’inauguration de l’hypermarché Carrefour et de sa galerie marchande dans la commune voisine de Barentin. Autour de lui s’est développée pas à pas une vaste zone commerciale où se juxtaposent, sans cohérence d’ensemble, les différents modèles d’implantation.</p>
<p>On pense ainsi aux parcs <em>solos</em> dans les années 1970, aux parcs d’aménagement commercial de la décennie suivante et au plus récents <em>retail park</em>. Tous ont marqué avec la même brutalité, partout sur le territoire, les entrées de villes comme les périphéries urbaines et alimenté une <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/letalement-urbain-une-heresie-130807">consommation effrénée</a> de terres agricoles pour développer une offre toujours plus dense et diversifiée et créer les parking pour accueillir les clients. À titre d’exemple l’Île-de-France compte à elle seule <a href="https://www.institutparisregion.fr/nos-travaux/publications/faciliter-la-mutation-du-foncier-commercial-vers-une-ville-mixte/">3 400 hectares de surface commerciale</a> : 48 % de l’emprise seraient occupés par le bâti, 28 % par des parkings et les 24 % restants par des « espaces libres, artificialisés, essentiellement dédiés aux circulations ».</p>
<h2>Un colosse au pied d’argile</h2>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/TIPtceGULZM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">4 septembre 1990 A Rennes, le centre commercial Alma s’agrandit avec la création d’une tour de verre, Alma CITY. Le journaliste Loïc MATHIEU en fait un billet d’humeur, regrettant l’ancienne épicerie de village qui disparaît derrière les centres commerciaux, signe de l’évolution des mentalités et de la consommation (Institut National de l’Audiovisuel/INA).</span></figcaption>
</figure>
<p>On a longtemps cru le modèle pérenne et difficile à contester. On le sait désormais fragilisé et vulnérable. Les inquiétudes transparaissent dans le discours alarmiste des professionnels du secteur.</p>
<blockquote>
<p>« Jamais la mise en place d’une politique publique du commerce n’a été aussi urgente et impérative. Il n’est plus possible d’attendre. Il faut à la fois stopper l’hémorragie, éviter une décommercialisation suite à la multiplication de fermetures de points de vente, les défaillances de réseaux et la vacance commerciale. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/546934/original/file-20230907-21-3s7bq7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/546934/original/file-20230907-21-3s7bq7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546934/original/file-20230907-21-3s7bq7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546934/original/file-20230907-21-3s7bq7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546934/original/file-20230907-21-3s7bq7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546934/original/file-20230907-21-3s7bq7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546934/original/file-20230907-21-3s7bq7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546934/original/file-20230907-21-3s7bq7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution du taux de vacance commerciale par type de pôle marchand en France entre 2013 et 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Panel Institut pour la Ville et le Commerce 220 agglomérations, données Codata retraitées, ORF</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les termes sont du directeur de la fédération pour la promotion du commerce spécialisé (<a href="https://www.procos.org/images/procos/presse/2023/Conf_2023/procos_cp_080223.pdf">PROCOS</a>) pour rappeler les difficultés du commerce spécialisé, omniprésent dans les zones périphériques. Et les prévisions de l’<a href="https://www.orf.asso.fr/">Observatoire régional du foncier d’Île-de-France</a> ne sont guère plus rassurantes : « Si cette dynamique nationale se poursuit, la vacance pourrait atteindre les 11 % en 2025 et 13 % en 2030 ».</p>
<h2>Surproduction immobilière : spéculation financière et déni territorial</h2>
<p>On observe pourtant une reprise rapide post-Covid de la production de mètres carrés dans l’immobilier commercial : s’il reste encore inférieur de 40 % à son niveau pré-pandémique de 2019 et se décline sous des projets plus petits, le <a href="https://www.lemoniteur.fr/article/immobilier-commercial-des-projets-toujours-plus-petits.2254286">volume global des surfaces (922 570 m²) augmente de 50 % sur un an</a>.</p>
<p><a href="https://www.eyrolles.com/Entreprise/Livre/les-mutations-de-l-immobilier-9782746713420/">La financiarisation de l’immobilier commercial</a> dans lequel chaque point de vente constitue un actif dans un portefeuille constitue le principal moteur de cette fuite en avant dans la production de surfaces de vente. Elle a porté un découplage croissant entre l’évolution des surfaces de commerce et <a href="https://theses.hal.science/tel-01529216">l’évolution de la consommation des territoires</a> bien identifié par Pascal Madry et alimenté, par effet rebond, dans un contexte de tassement des ventes et de recomposition des activités commerciales, le phénomène de vacance.</p>
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<p>Au gré de cessations d’activités, de rachats ou de repositionnements stratégiques des promoteurs et des franchises apparaissent et s’effacent ainsi des enseignes, se ferment et s’ouvrent de nouveaux points de vente sans que l’arrière-plan territorial ne dépasse la présence d’un marché rémunérateur. Ainsi les territoires sont-ils devenus de simples terrains de jeu, sans aucune attention ou presque sur les effets de leur implantation puis de leur départ sur l’économie locale et moins encore l’environnement.</p>
<h2>Gabegie et dérives environnementales</h2>
<p>On n’oublie en effet trop rapidement qu’à chaque nouveau mètre carré construit sont associées des consommations plurielles : de foncier, avec tous les effets de l’imperméabilisation des <a href="https://theconversation.com/pourquoi-il-est-si-important-de-preserver-la-sante-de-nos-sols-175934">sols</a> sur la <a href="https://theconversation.com/la-biodiversite-des-sols-nous-protege-protegeons-la-aussi-88538">gestion des eaux</a>, la faune, la flore et les <a href="https://theconversation.com/il-y-a-de-la-vie-dans-nos-sols-urbains-104649">équilibres naturels</a> ; de matériaux, souvent non renouvelables, pour bâtir et aménager les parkings ; d’énergie pour chauffer, éclairer et climatiser des locaux ; de carburants aussi, par les véhicules des clients et ceux des professionnels pour approvisionner les points de vente ou évacuer les déchets.</p>
<p>Et d’autres consommations seront engagées demain pour le démantèlement des équipements sans occupation et la requalification de ces espaces pour évoluer vers d’autres usages.</p>
<hr>
<p>
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<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/inondations-y-a-t-il-un-bon-urbanisme-48772">Inondations : y a-t-il un bon urbanisme ?</a>
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<hr>
<h2>Penser l’urbanisme par la consommation : une nouvelle approche</h2>
<p>Aussi faut-il retenir de l’exemple des zones périphériques des enseignements bien plus profonds qui amènent à réinterroger les approches, les conceptions et les façons d’agir en matière d’urbanisme. Il invite à poser la consommation comme fil directeur et élément transverse dans les réflexions sur la <a href="https://www.univ-lehavre.fr/spip.php?article3920">fabrique des territoires et le projet urbain</a>.</p>
<p>La consommation est à la fois pratique et réponse à la satisfaction d’un besoin (ici l’approvisionnement et l’équipement des personnes et foyers, ailleurs des carburants ou de tout bien) ; fonctionnelle (électricité et flux divers dans un commerce, un logement ou tout autre équipement) ; matérielle au sens des éléments produits et mobilisés pour la construction des infrastructures et autres artefacts puis leur effacement. Elle concerne enfin aussi les ressources, foncières et naturelles, renouvelables ou non ainsi qu’un ensemble d’autres facteurs.</p>
<p>À cette croisée entre consommations et urbanisme prennent corps les fondements possibles d’une dialectique nouvelle, que j’appelle le consurbanisme, pour poser un regard original sur les divers processus d’urbanisation passés et présents et proposer une grille de lecture des futurs projets dans un contexte de dépassement des limites planétaires. Les trajectoires du moment dans certains secteurs – la création effrénée d’entrepôts logistiques par exemple – en rappellent avec force toute l’urgence.</p>
<p>Mais il nous faudra aussi réinterroger fondamentalement la <a href="https://www.blast-info.fr/emissions/2022/peut-on-sortir-de-la-societe-dhyperconsommation-CXL6iTDhQ5yJEJkfsPo_Lw">société de l’hyperconsommation</a> qui porte et alimente tous ces processus. Les échanges dans le cadre du <a href="https://www.eventbrite.fr/e/billets-colloque-du-cercle-de-lobsoco-672633132807?aff=eemailordconf&utm_campaign=order_confirm&ref=eemailordconf&utm_medium=email&utm_source=eventbrite&utm_term=viewevent">prochain colloque du cercle de l’ObSoCo</a> nous y aideront sans nul doute.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212478/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Samuel Deprez ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le modèle des zones commerciales s’essoufle et nécessite d’être repensé en profondeur pour allier consommation et urbanisme de façon plus vertueuse.Samuel Deprez, Maître de conférences habilité à diriger des recherches en aménagement de l'espace et urbanisme, Université Le Havre NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2115322023-08-15T21:12:05Z2023-08-15T21:12:05ZParis est une des pires villes européennes en temps de canicule. Comment changer cela ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/542559/original/file-20230814-20-c3uzzn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C23%2C7915%2C4433&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/paris-streets-view-on-famous-eifel-1170214318">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>En compilant des données sur plus de 800 villes européennes, une <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanplh/article/PIIS2542-5196(23)00023-2/fulltext">récente étude scientifique</a> a estimé que Paris était une des villes d’Europe les plus meurtrières en cas de canicule. </p>
<p>Pour comprendre pourquoi, il faut se pencher sur la notion d’îlot de chaleur urbain (ICU). Un phénomène bien connu des météorologues et qui exacerbe l’augmentation locale des températures avec la multiplication des pics de chaleur en période estivale. </p>
<p>Or toujours selon cette étude parue dans le <em>Lancet Planetary Earth</em> 90 % des Parisiens étaient exposés à un îlot de chaleur urbain de forte intensité (entre 3 et 6 °C de différence) et 10 % à un îlot de chaleur urbain de très forte intensité (plus de 6 °C de différence) en 2021.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/542575/original/file-20230814-19-og63qi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Carte de la Métropole du Grand Paris montrant les vulnérabilités géographiques face aux fortes chaleurs" src="https://images.theconversation.com/files/542575/original/file-20230814-19-og63qi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/542575/original/file-20230814-19-og63qi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=721&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/542575/original/file-20230814-19-og63qi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=721&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/542575/original/file-20230814-19-og63qi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=721&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/542575/original/file-20230814-19-og63qi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=906&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/542575/original/file-20230814-19-og63qi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=906&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/542575/original/file-20230814-19-og63qi.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=906&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La carte a été réalisée par interprétation visuelle des teintes dominantes de la carte de thermographie d’été de l’APUR à l’intérieur des îlots statistiques de l’Insee (Bouddad et al. 2017). Les zones laissées en blanc sur la carte correspondent soit à des espaces inhabités (zones industrielles et portuaires, aéroports), soit à des quartiers habités par des ménages de catégorie moyenne.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si aujourd’hui protéger des pics de chaleur les habitats des villes est devenu un enjeu de santé publique et d’environnement, ces enjeux ont rarement préoccupé les partisans du développement urbain aux siècles passés.</p>
<p>Les villes ont d’abord été construites pour protéger leurs habitants avant d’intégrer des <a href="https://www.pavillon-arsenal.com/fr/edition-e-boutique/collections/hors-collection/11876-histoire-naturelle-de-larchitecture.html">objectifs hygiénistes</a>. Plus récemment, le pétrole bon marché et la voiture individuelle ont favorisé la mise en place de politiques familiales et d’aménagement facilitant l’étalement urbain.</p>
<p>À Paris, on qualifie de canicule un épisode d’au moins 3 jours consécutifs où les températures maximales dépassent 31 °C et les températures minimales 21 °C. Celle de 2003 a constitué un évènement extrême qui a suscité une prise de conscience européenne, vu son ampleur géographique et son impact sanitaire. Depuis, les canicules se succèdent et vont encore s’amplifier <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/publication-du-6e-rapport-synthese-du-giec">d’ici à 2050</a>, sans réelle mise en débat politique des modèles d’urbanisation <a href="https://cdn.paris.fr/paris/2023/04/21/paris_a_50_c-le_rapport-Jc4H.pdf">sauf exception</a>.</p>
<p>Les vagues de chaleur représentent pourtant un danger direct pour la santé des populations, et affectent particulièrement des quartiers déjà vulnérables. Tâchons donc de comprendre d’abord pourquoi l’effet d’îlot de chaleur urbain est particulièrement néfaste en Île-de-France, avant de voir comment nous pourrions y remédier. </p>
<h2>L’îlot de chaleur urbain</h2>
<p>Toutes les surfaces artificielles génèrent de la chaleur en excédent, la température moyenne en ville étant supérieure de quelques dixièmes de degrés (bourg de petite taille) à plusieurs degrés (métropole) par rapport à celle de la campagne environnante. Par exemple, un <a href="https://www.apur.org/fr/nos-travaux/ilots-chaleur-urbains-paris-cahier-1">écart de 4 °C</a> a été observé entre le centre de Paris et les bois périphériques lors de la canicule de 2003.</p>
<p>Pour comprendre pourquoi, <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/comprendre-les-ilots-de-chaleur-urbains">plusieurs facteurs</a> sont à prendre en compte.</p>
<p>L’ICU augmente avec :</p>
<ul>
<li><p>La chaleur due aux activités humaines (combustion, climatiseurs, chauffage, serveurs…).</p></li>
<li><p>La nature et la couleur des matériaux : béton, asphalte, tuiles et autres matériaux minéraux et synthétiques sombres qui absorbent l’énergie solaire le jour, et la réémettent la nuit (rayonnement thermique).</p></li>
<li><p>La hauteur et l’espacement entre les bâtiments : une forte densité de bâti piège l’air chaud et limite le refroidissement des surfaces et des murs. Les immeubles de haute taille et les extensions horizontales de la métropole provoquent un ralentissement aérodynamique, limitant l’évacuation de la chaleur.</p></li>
</ul>
<p>À l’inverse, les facteurs d’atténuation sont :</p>
<ul>
<li><p>Les sols naturels, la végétation et l’eau : un sol constitué de gravillons contient des poches d’air (isolantes), qui limitent l’absorption de chaleur et sa couleur claire réfléchit le rayonnement solaire. L’eau a, elle, un fort pouvoir rafraichissant, grâce à l’évaporation en surface. La végétation en bonne santé joue le même rôle, par sa transpiration. Elle peut se développer dans tous les interstices du bâti, plus facilement et durablement que des nappes d’eau.</p></li>
<li><p>L’ombre : les sols ombragés par les bâtiments riverains, des ombrières (structures destinées à fournir de l’ombre) ou par des arbres de haute taille accumulent moins de chaleur.</p></li>
<li><p>Les sols, murs et toits clairs réfléchissant la lumière du soleil. Ils emmagasinent donc moins de rayonnement que les matériaux sombres. En revanche, la réflexion du soleil peut aggraver la chaleur de l’air à proximité de la surface dans la journée.</p></li>
<li><p>Localement, les surfaces chaudes provoquent une dépression atmosphérique, qui favorise la circulation de l’air venant des périphéries plus fraîches (<a href="https://www.apur.org/fr/nos-travaux/ilots-chaleur-urbains-coeur-agglomeration-parisienne-cahier-3-brises-thermiques">brise thermique nocturne</a>.</p></li>
</ul>
<p>De même, le relief favorise pendant la nuit la circulation de l’air vers le bas des pentes.</p>
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<p>Les différents paramètres énoncés ci-dessus font que la Métropole du Grand Paris (MGP) présente un très fort îlot de chaleur urbain. Le <a href="https://land.copernicus.eu/user-corner/technical-library/urban_atlas_2012_2018_mapping_guide_v6.3">tissu urbain continu</a> autour de Paris <em>intra muros</em> aggrave encore plus cette situation. </p>
<p>Dans les quartiers périphériques où habitent les ménages les plus modestes, le bâti est mêlé à des zones industrielles et commerciales, et les températures diurnes atteignent des valeurs extrêmes dues à des <a href="http://www.apur.org/fr/nos-travaux/ilots-chaleur-urbains-paris-cahier-4-influence-climatique-revetements-sol-paris">revêtements imperméables et sombres prépondérants</a>.</p>
<p>Au contraire, à l’ouest de Paris et dans la boucle de la Marne où vivent les ménages les plus aisés, les températures sont moindres, soit proches de la moyenne, soit plus fraîches, du fait de l’extension de zones pavillonnaires avec jardins, souvent situées à proximité de grands espaces verts.</p>
<p>La circulation de l’air y est également favorisée par les couloirs de fraîcheur rentrant dans la ville (air le long de la vallée de la Seine, ou venant des forêts proches sur les plateaux au Sud-Ouest). Inversement, la circulation de l’air est freinée dans le cœur de ville, dans les quartiers nord et de proches banlieues denses, par la minéralité et la hauteur des bâtiments (dont beaucoup d’immeubles sur dalle).</p>
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<img alt="La dalle minéralisée de la Défense" src="https://images.theconversation.com/files/542577/original/file-20230814-9571-6bq2by.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/542577/original/file-20230814-9571-6bq2by.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/542577/original/file-20230814-9571-6bq2by.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/542577/original/file-20230814-9571-6bq2by.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/542577/original/file-20230814-9571-6bq2by.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/542577/original/file-20230814-9571-6bq2by.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/542577/original/file-20230814-9571-6bq2by.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La dalle très minérale du quartier d’affaires de La Défense, vue depuis la Grande Arche.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Serge Muller</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Certains modèles d’urbanisme, comme les cités-jardins ou les ceintures vertes, alternatives impulsées au tournant du XX<sup>e</sup> siècle pourraient être des sources d’inspiration, grâce à des surfaces plus importantes de végétation arborée, sols perméables, rivières et étangs pérennes, contribuant aussi au bien-être des habitants. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="La cité jardin de Payret-Dortail au Plessis-Robinson : construite dans les années 1920, elle mêle petits collectifs et pavillons, séparés par des jardins et des rues arborées" src="https://images.theconversation.com/files/542797/original/file-20230815-25-3m5wra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/542797/original/file-20230815-25-3m5wra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/542797/original/file-20230815-25-3m5wra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/542797/original/file-20230815-25-3m5wra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/542797/original/file-20230815-25-3m5wra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/542797/original/file-20230815-25-3m5wra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/542797/original/file-20230815-25-3m5wra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La cité jardin de Payret-Dortail au Plessis-Robinson : construite dans les années 1920, elle mêle petits collectifs et pavillons, séparés par des jardins et des rues arborées.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurence Eymard</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>C’est le cas pour le Grand Londres, qui en plus d’être bordé de zones humides et de grands réservoirs d’eau jouit de grands parcs et d’un réseau hydrographique accentuant la fraîcheur maritime. Du fait de son urbanisme moins dense et de sa situation légèrement plus septentrionale le Grand Londres connaît des températures bien moindres que le <a href="https://theconversation.com/canicule-et-urbanisme-arretons-de-densifier-nos-villes-142504,">Grand Paris</a>. </p>
<p>Comme le Grand Paris est déjà largement construit, il s’agit ici de proposer avant tout des solutions d’adaptation et d’atténuation aux canicules et autres extrêmes climatiques, le tout sans aggraver les inégalités existantes.</p>
<h2>Un urbanisme à repenser face au changement climatique</h2>
<p>Densifier encore fortement le tissu urbain, comme le prévoit le <a href="https://www.institutparisregion.fr/planification/ile-defrance-2030/le-schema-directeur-de-laregion-ile-de-france-sdrif">schéma directeur de l’Île-de-France</a> aura pour effet d’augmenter la superficie du dôme de l’îlot de chaleur urbain, et exacerbera très probablement son intensité maximale au centre, étant donné que la circulation de l’air risque d’être bloquée en périphérie. </p>
<p>Comme les Parisiens ont pu le vivre, notamment en 2022, le centre de la métropole deviendra invivable en période chaude. Cela conduira à une aggravation des inégalités sociales, sans résoudre les problèmes structurels de l’Île-de-France, puisque la seule issue des ménages est de partir en périphérie voire en province pour les plus chanceux.</p>
<p>Afin de garantir une qualité de vie satisfaisante sans accroître sa superficie et ses disparités sociales et spatiales, la piste la plus prometteuse est donc d’exploiter les sources internes de rafraîchissement et d’optimiser la circulation de l’air à toutes les échelles. </p>
<h2>Ce qu’il faut préserver et améliorer</h2>
<p>Les arbres existants, qu’ils soient implantés dans des espaces verts, le long d’alignements, ou dans des cités-jardins, de même que les zones perméables non recouvertes de bitume, les terrains de sport non recouverts de revêtements synthétiques, doivent être préservés, multipliés et étendus.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/542578/original/file-20230814-27-qeu3kt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/542578/original/file-20230814-27-qeu3kt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/542578/original/file-20230814-27-qeu3kt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/542578/original/file-20230814-27-qeu3kt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/542578/original/file-20230814-27-qeu3kt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/542578/original/file-20230814-27-qeu3kt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/542578/original/file-20230814-27-qeu3kt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le jardin du Trocadéro (Paris 16ᵉ), un espace vert à couvert végétal diversifié.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Serge Muller</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Les zones agricoles situées à l’extérieur de la Métropole du Grand Paris pour la plupart (ex. Plateau de Saclay, Triangle de Gonesse), doivent aussi être conservées ou préservées, car les sols y sont perméables et relativement frais (hors longue période de sécheresse). À l’échelle du territoire, il est indispensable de conserver les zones de faible densité urbaine, car elles apportent une surface de sol naturel intéressante (jardins individuels ou de petits groupes d’immeubles), et un potentiel de circulation de l’air par la faible hauteur de bâti. </p>
<p>C’est pourtant l’inverse qui se produit dans la Métropole du Grand Paris. Les cités-jardins, du fait du vieillissement du bâti, sont menacées de destruction, alors qu’elles devraient être réhabilitées et classées, car ce modèle d’urbanisme est pertinent à la fois d’un point de vue social et bioclimatique.</p>
<p>Les nouvelles constructions dans d’anciennes zones pavillonnaires classées comme des îlots d’habitats dans le Mode d’Occupation des Sols (Inventaire numérique de l’occupation des sols en Île-de-France établi par l’Institut Paris Région) occupent l’essentiel du terrain, les jardins étant détruits. La multiplication des infrastructures souterraines limite également les possibilités de végétalisation. Les aménagements pour les Jeux olympiques et paralympiques sont à cet égard insuffisamment vertueux.</p>
<p>Les projets urbains en cours de réalisation pour cette échéance ont été conçus il y a dix ans à une époque d’insouciance aujourd’hui révolue. En témoigne la récente remise à jour du Schéma directeur de la Région Île-de-France. Ces projets devraient ainsi être amendés pour réduire l’impact des vagues de chaleur (notamment prohiber les revêtements sombres des immeubles (murs, volets et toits), favoriser la circulation de l’air dans les appartements, isoler les murs par l’extérieur, espacer les immeubles et les entourer de jardins arborés de pleine terre. </p>
<p>De même, les projections de croissance démographique et de besoins en logements de la Métropole du Grand Paris devraient être réactualisées à l’aune de l’ère post-pandémie de Covid-19, qui les a réduites.</p>
<h2>Végétaliser certes, mais comment ?</h2>
<p>La Métropole du Grand Paris est particulièrement dépourvue en végétation arborée, comme le montre la carte de l’Atelier parisien d’Urbanisme, <a href="https://opendata.apur.org/datasets/hauteur-vegetation-2021/explore?location=48.878516%2C2.367554%2C11.00">mise à jour en 2021</a>. Des compléments de plantations d’arbres sont donc hautement souhaitables, dans tous les <a href="https://theconversation.com/grand-paris-pourquoi-il-faut-suivre-lexemple-de-new-york-et-planter-1-million-darbres-141393">espaces appropriés</a>. Ces plantations devront être adaptées aux conditions climatiques des <a href="https://theconversation.com/a-paris-quels-arbres-pour-adapter-la-ville-au-changement-climatique-190030">prochaines décennies</a>. Elles pourront prendre des formes différentes et complémentaires en fonction des espaces :</p>
<ul>
<li>Multiplication des plantations <a href="https://paris.vivarbre.fr/info.php">d’essences variées</a> et <a href="https://sesame.cerema.fr/">adaptées</a> le long des avenues afin d’accroître l’ombrage des chaussées et trottoirs, de constituer des corridors favorables à la circulation de la biodiversité et de favoriser des voitures moins climatisées.
À l’origine, les plantations sur les grands boulevards ont été dominées par un petit nombre d’espèces. Sur 1900 arbres des Champs-Élysées, par exemple, 900 environ sont des marronniers et 560 des platanes. Ce type de monoculture n’est clairement pas à favoriser, de par le caractère d’adaptation limité de ces espèces face au dérèglement climatique, du danger que court une plantation avec seulement quelques espèces face à d’éventuelles <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/paris-ile-de-france/hauts-de-seine/platanes-danger-alerte-au-chancre-colore-ile-france-1726503.html">menaces pathogènes</a> et de la pauvreté de ce type de plantation pour la biodiversité.</li>
</ul>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/542654/original/file-20230814-29-lf29zo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/542654/original/file-20230814-29-lf29zo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/542654/original/file-20230814-29-lf29zo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/542654/original/file-20230814-29-lf29zo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/542654/original/file-20230814-29-lf29zo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/542654/original/file-20230814-29-lf29zo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/542654/original/file-20230814-29-lf29zo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Ensemble de Paulownia.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Serge Muller</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<ul>
<li><p>Création et/ou extension de nouveaux parcs, jardins et squares urbains, sur le modèle multifonctionnel des parcs haussmanniens de Paris constituant des espaces de récréation (et de refuge, même nocturne lors des épisodes de canicules) pour les <a href="https://theconversation.com/arbres-et-oiseaux-balade-au-parc-montsouris-ce-point-chaud-de-la-biodiversite-parisienne-139329">populations</a>.</p></li>
<li><p>Accroissement de la végétalisation (avec l’inclusion de végétaux arbustifs et herbacés) sur les places minéralisées de la métropole, sur le modèle des plantations d’arbres réalisées à la place de la Comédie de Montpellier ou à la place de la gare de Strasbourg.</p></li>
<li><p>Maintien de friches spontanées, à l’image de celles qui se sont développées en bordure de la <a href="https://www.paris.fr/pages/la-petite-ceinture-2537">« petite ceinture parisienne »</a>.</p></li>
<li><p>Création de nouvelles forêts ou de bosquets denses urbains, constituant des îlots de fraîcheur, à l’exemple des <a href="https://theconversation.com/microforets-urbaines-que-penser-de-la-methode-miyawaki-156822">« micro-forêts Miyawaki »</a> (de l’ordre de quelques centaines de m<sup>2</sup>) ou de projets sur des surfaces plus conséquentes (de l’ordre de l’hectare) comme celle en cours de réalisation de la <a href="https://theconversation.com/quels-arbres-choisir-pour-la-future-foret-urbaine-place-de-catalogne-a-paris-173781">place de Catalogne à Paris</a>.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/542655/original/file-20230814-17-g9d7ql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/542655/original/file-20230814-17-g9d7ql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/542655/original/file-20230814-17-g9d7ql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/542655/original/file-20230814-17-g9d7ql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/542655/original/file-20230814-17-g9d7ql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/542655/original/file-20230814-17-g9d7ql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/542655/original/file-20230814-17-g9d7ql.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Ensemble végétal structuré avec strates arborescente, arbustive et herbacée, rue Vercingétorix (Paris 14ᵉ).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Serge Muller</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’ensemble de ces formations végétales, complémentaires et adaptées à chaque situation locale, contribuera à accroître <a href="https://www.itreetools.org/documents/485/Sustainable_Urban_Forest_Guide_14Nov2016_pw6WcW0.pdf">l’indice global de canopée</a> de la Métropole du Grand Paris et à tendre vers une réelle <a href="https://theconversation.com/de-quoi-se-compose-exactement-la-foret-urbaine-168450">« forêt urbaine »</a> qui constitue la meilleure adaptation possible des villes aux <a href="https://www.fao.org/3/i6210fr/i6210fr.pdf">canicules à venir</a>.</p>
<p>Il est aussi important, à l’échelle régionale, de relier ces zones végétalisées par des corridors de fraîcheur, orientés de façon à optimiser la circulation des brises dominantes arrivant des zones agricoles, forestières ou humides plus fraîches situées en périphérie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211532/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Serge Muller, Laurence Eymard et Marianne Cohen sont membres du Groupe sur l’urbanisme écologique (GUE) de l’Institut de la transition environnementale de Sorbonne-Université (SU-ITE).
Serge Muller est en outre membre associé de l'Autorité environnementale de l'Inspection générale de l'Environnement et du Développement durable.
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Laurence Eymard, Marianne Cohen et Romain Courault ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>De par son urbanisme et son manque d’espaces verts, Paris est actuellement l’une des villes européennes les moins adaptées à la canicule.Marianne Cohen, Professeure des universités en Géographie, Sorbonne UniversitéLaurence Eymard, Directrice de recherche CNRS émérite, chercheuse dans le domaine du climat et de l'environnement, Sorbonne UniversitéRomain Courault, Maître de conférences en Géographie, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneSerge Muller, Professeur émérite, chercheur à l’Institut de systématique, évolution, biodiversité (UMR 7205), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2090082023-07-09T15:32:16Z2023-07-09T15:32:16ZQuartiers populaires : 40 ans de déni ?<p><em>Sociologues, géographes, historiens ou anthropologues alertent depuis près d’un demi-siècle sur la façon dont les « quartiers populaires » sont représentés dans les médias et les imaginaires, <a href="https://www.mediapart.fr/journal/france/300623/mort-de-nahel-les-reponses-des-politiques-vont-etre-determinantes">leurs réalités instrumentalisées par le monde politique</a> ou les <a href="https://www.nouvelobs.com/societe/20130219.OBS9360/banlieues-le-gouvernement-n-a-pas-pris-la-mesure-du-probleme.html">pistes proposées par les pouvoirs publics</a> insuffisantes.</em></p>
<p><em>Pour The Conversation, quatre de ces universitaires reviennent en détail sur la façon dont la société française et ses représentants politiques se sont positionnés vis-à-vis de ce qu’on a nommé les « banlieues », les « cités » ou les « quartiers populaires », termes désignant ces grands ensembles d’habitations nées aux marges des métropoles françaises après-guerre. Leurs réflexions balaient le traitement médiatique de ces lieux et leurs habitants, leur politisation et les tensions qui les traversent.</em></p>
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<p><strong>Quel est le traitement médiatique de ces espaces, comment contribue-t-il à construire une image et un discours sur ces lieux à travers les années ?</strong></p>
<p><strong>Julie Sedel :</strong> Rappelons d’emblée que <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/07/05/emeutes-urbaines-les-journalistes-face-a-la-difficulte-de-travailler-dans-les-quartiers-populaires_6180705_3224.html">ce traitement médiatique</a> a beaucoup évolué et qu’il faudrait de nouvelles enquêtes aujourd’hui, dans un contexte autre pour le qualifier. <a href="https://www.editionsbdl.com/produit/les-medias-et-la-banlieue/">Le travail que j’ai mené</a> s’attachait, dans un premier temps, à mettre en évidence les cadrages journalistiques successifs associés aux « banlieues », des années 1960 à 2002, en s’appuyant sur les archives de l’INA et de presse écrite.</p>
<p>S’il existe des prémices avant, le terme « émeute » entre dans le vocabulaire courant en 1990 <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/1990-les-emeutes-de-vaulx-en-velin">lors des soulèvements à Vaulx-en-Velin</a> pour s’installer durablement dans le débat public.</p>
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<figcaption><span class="caption">À Vaulx-en-Velin, dans la banlieue Lyonnaise, émeutes, incendies, pillages et affrontements avec les forces de police à la suite de la mort controversée, samedi 6 octobre 1990, de Thomas Claudio, passager d’une moto percutée par la police (INA).</span></figcaption>
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<p>Parallèlement, j’ai mené deux enquêtes dans deux grands ensembles d’habitat social de banlieue parisienne croisant observations, entretiens, analyse de documents (rapports, données statistiques, plans d’urbanisme, résultats électoraux…). Je me suis ensuite intéressée aux relations entre les journalistes de rédaction nationale et locale et les acteurs locaux. J’ai étudié les efforts de ces acteurs (élus, fonctionnaires municipaux, travailleurs sociaux, associatifs, enseignants, médecins, habitants, etc.) pour contester, tenter de rectifier <a href="https://www.cairn.info/revue-savoir-agir-2014-2-page-51.htm">l’image publique de ces espaces urbains et de leurs habitants</a>.</p>
<p>Pour finir, j’ai observé les usages journalistes et politiques des « banlieues » à travers la couverture de la visite du ministre de l’Intérieur à la cité des 4000 à la Courneuve à la suite du décès d’un enfant. C’est à cette occasion qu’il a prononcé le mot de « karcher ».</p>
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<figcaption><span class="caption">Nicolas Sarkozy visite la cité des 4000, à la Courneuve, 20 juin 2005 (INA).</span></figcaption>
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<p>Ce travail réalisé post-émeutes de 2005, dans une période de remise en question du journalisme en banlieue, m’a permis d’étudier, au plus près, les conditions de production de l’information en « banlieues », et de souligner comment celles-ci pouvaient varier d’une institution de presse, d’un support (média écrit, audiovisuel), d’un journaliste à un autre ou, au contraire, présenter des régularités.</p>
<p>Dans les années 1990-2000, les journalistes qui traitaient des banlieues n’étaient par toujours très disposés à répondre à mes questions, car ce sujet pouvait être embarrassant. Les journalistes investis sur ces sujets étaient proches du terrain avec un réseau local, mais étaient peu considérés dans leur rédaction. Cela pouvait aussi être des journalistes plus aguerris et militants. Mais le plus souvent, et dans les gros services généralistes des chaînes de télévision, il s’agissait de jeunes entrants, sans expérience ni connaissance de la question urbaine ou prise de distance critique, qui y étaient comme parachutés pour répondre à des commandes parfois farfelues, comme réaliser un reportage sur les ventes d’armes en banlieues pour le lendemain…</p>
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<h2>La comparaison actuelle avec 2005 est-elle pertinente ?</h2>
<p><strong>Julie Sedel :</strong> Pour établir une comparaison, il faudrait refaire l’enquête aujourd’hui. Cela impliquerait, dans un premier temps, de regarder les transformations de ces espaces urbains au principe de leur représentation. Cela nécessiterait ensuite d’étudier les conditions de production de ces représentations. Cela consisterait à étudier la façon dont le champ journalistique s’est transformé, sous l’effet de la concentration des entreprises et des plates-formes, des modèles économiques, de la généralisation d’Internet, des <a href="https://theconversation.com/twitter-snapchat-tiktok-brut-une-nouvelle-facon-de-sinformer-pour-les-jeunes-171226">réseaux sociaux</a> (Facebook, YouTube, TikTok, etc.), des autopublications. Ajouté à cela, le renouvellement des pratiques de consommation des actualités, tout cela mis bout à bout a bouleversé le champ des médias d’information, c’est-à-dire les hiérarchies entre journaux, la définition des médias qui « comptent ».</p>
<p>Parallèlement, les conditions d’exercice de la profession ont changé, avec l’augmentation de la précarité et les « entraves » au métier : <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/a-la-source/a-la-source-chronique-du-samedi-26-novembre-2022-9749123">procédure « baillon »</a> ou <a href="https://www.liberation.fr/checknews/manifestations-les-journalistes-denoncent-une-vague-de-violences-policieres-et-dentrave-a-linformation-20230322_YVL7CNRZ25H5LIVL5RCMFCH2D4">pressions policières</a>.</p>
<p>Pour comparer, il faudrait aussi prendre en considération les politiques publiques, la manière dont sont élaborés les <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/07/06/emeutes-urbaines-ce-qu-elles-relevent-ce-n-est-pas-tant-l-echec-de-la-politique-de-la-ville-que-celui-de-toutes-les-politiques-publiques_6180744_3232.html">« diagnostics de crise » et les réponses</a>. Pour finir, il conviendrait d’étudier le rôle des <a href="https://www.cairn.info/revue-idees-economiques-et-sociales-2017-4-page-6.htm">« entrepreneurs de cause »</a>, qui cherchent à problématiser une situation, à la constituer en problème qui puisse être débattu publiquement.</p>
<p>Aujourd’hui, on observe une tension entre une volonté d’inscrire les <a href="https://theconversation.com/maintien-de-lordre-et-violences-policieres-ce-que-lhistoire-nous-apprend-108796">violences</a> commises par les forces de l’ordre (voire les <a href="https://www.liberation.fr/idees-et-debats/mort-de-nahel-combien-dautres-morts-faudra-t-il-pour-reformer-la-police-20230630_AYDPZGXUKZETNFCFSSQDHOGPIU">homicides</a>) sur l’agenda politique, et une volonté de maintenir confinés ces éléments, portée par des <a href="https://www.theses.fr/s331638">acteurs institutionnels</a> (Parquet, syndicats de police, gouvernement).</p>
<p>Si le problème est parvenu, récemment, à gagner en visibilité, c’est qu’il s’est étendu à d’autres univers, secteurs. Alors qu’en 2005, les « violences policières » étaient associées aux jeunes hommes d’origine sociale modeste et immigrée, leur extension aux « gilets jaunes », c’est-à-dire à une population plus installée, et aux militants écologistes, plus proches des classes moyennes, a donné à ce problème une portée plus générale et, peut-être aussi, davantage de considération.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/violence-et-police-un-probleme-dencadrement-juridique-185097">Violence et police : un problème d’encadrement juridique</a>
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<p><strong>De nombreux travaux montrent que les voix politiques qui émergent de ces espaces sont souvent minorées. Parfois, elles sont disqualifiées car taxées de <a href="https://theconversation.com/debat-le-fantasme-des-listes-communautaires-130897">communautaristes</a>. Quelles place et forme prennent-elles ? Pourquoi est-ce difficile de les structurer ?</strong></p>
<p><strong>Julie Sedel :</strong> Ces voix souffrent d’une forme d’asymétrie de l’espace public. Celle-ci vient souligner les <a href="https://www.pur-editions.fr/product/4712/agir-par-la-parole">conditions inégales d’accès des groupes sociaux au débat public</a>. Certains collectifs y ont un accès privilégié (les journalistes, les acteurs politiques) parce qu’ils co-animent ce débat public. D’autres y ont un accès intermittent. Une troisième catégorie – sans caricaturer, car il existe un camaïeu de situations – y accède seulement sous des formes (actions violentes) qui se retournent contre leurs auteurs. Typiquement les <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-Faire_l_opinion-3118-1-1-0-1.html">« jeunes de banlieues »</a>, catégorie du sens commun qui s’est imposée, à partir des années 1980, dans le débat public.</p>
<p>Ces fractions de la jeunesse n’ont pas de porte-parole pour exprimer leurs griefs et leurs revendications dans les <a href="https://theconversation.com/prends-moi-un-yop-labsurde-au-coeur-des-emeutes-208958">formes attendues</a>, c’est-à-dire, de façon argumentée, raisonnée, présentable. Cela explique que les « jeunes de banlieue » doivent, la plupart du temps, s’en remettre <a href="https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1984_num_52_1_3333">à une forme d’autorité supérieure</a>. Cela peut – être des sociologues, les « experts » au sens large, éducateurs, enseignants, élus… avec tous les problèmes inhérents <a href="https://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1984_num_52_1_3331">à la délégation</a> que cela comporte.</p>
<p><strong>Julien Talpin :</strong> Dès les années 1980, lorsque les habitants des quartiers populaires s’organisent de façon autonome, ils sont délégitimés, ramenés à leurs origines, par les pouvoirs publics de gauche comme de droite. C’est très clair par exemple en 1982-1983 dans les grèves dans le secteur automobile, où les ouvriers, majoritairement musulmans, vont être accusés de <a href="https://geneses.hypotheses.org/1758">fondamentalisme</a>. Ces phénomènes vont s’accélérer avec <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/30-ans-de-l-affaire-du-foulard-de-creil-le-voile-de-la-discorde-7058333">l’affaire du foulard à Creil</a>, en 1989, qui va contribuer à l’émergence du « problème musulman » et à la focalisation sur l’islam dans le débat public.</p>
<p>Ce phénomène n’a cessé de s’accentuer avec le temps. La catégorie <a href="https://www.puf.com/content/Communautarisme">« communautarisme »</a> se développe vraiment après le 11 septembre 2001, et plus encore les révoltes de 2005. Cette catégorisation contribue à disqualifier les revendications portées par les groupes minoritaires, les renvoyant à un <a href="https://theconversation.com/qui-est-identitaire-enquete-dans-les-quartiers-populaires-160629">particularisme de principe</a>.</p>
<p><strong>Marie-Hélène Bacqué :</strong> Les événements comme les révoltes peuvent représenter un moment dans la construction d’une subjectivité politique. Or celle d’une organisation politique qui découlerait de ce moment particulier n’est pas donnée d’avance. Ainsi, les révoltes de 2005 n’ont pas conduit à un « mouvement unifié des quartiers populaires » malgré les <a href="https://www.cairn.info/revue-mouvements-2015-3-page-17.htm">tentatives qui ont suivi</a>. Des associations comme ACLFEU, née à Clichy-sous-Bois à ce moment-là, sont cependant toujours très actives à côté d’autres collectifs comme le collectif Vérité pour Adama créé en 2017 ou le collectif Pas sans Nous.</p>
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<figcaption><span class="caption">Une trentaine de militants du collectif ACLEFEU, créé après les émeutes de l’automne 2005, ont investi un hôtel particulier parisien pour y installer « un ministère de la crise des banlieues » (21 février 2012).</span></figcaption>
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<p>Une des difficultés reste la coordination de ces collectifs. Mais nous ne sommes plus en 2005. Les révoltes sont sorties des quartiers populaires, pour aller vers les centres-villes. Elles succèdent à des mouvements sociaux importants comme les « gilets jaunes » ou le mouvement contre la réforme de la retraite, qui se sont heurtés <a href="https://theconversation.com/les-contestations-des-violences-policieres-ont-une-histoire-109272">à la même logique répressive</a>. Ce contexte donne peut-être la possibilité d’alliances ou de convergences.</p>
<p><strong>La dé-politisation ou du moins une autre forme de politisation semble aussi suivre l’histoire de la désindustrialisation de la société française. Qu’en est-il ?</strong></p>
<p><strong>Eric Marlière :</strong> <a href="https://journals.openedition.org/lectures/14279">La disparition des banlieues rouges et des systèmes sociaux</a> qui les accompagne ont laissé la classe ouvrière exsangue. Les premières générations de jeunes de cité apparaissent comme des <a href="https://books.openedition.org/septentrion/13944?lang=fr">enfants d’ouvriers et d’immigrés</a> (pour la plupart) qui ne peuvent plus embaucher comme ouvriers du fait de la désindustrialisation. Le système social et politique des « banlieues rouges » s’est effiloché progressivement dans les années 1980 et peine à être remplacé par de nouvelles dynamiques politiques malgré les initiatives et les bonnes volontés.</p>
<p>Confrontée aux fermetures d’usines, cette génération fait aussi face à un secteur tertiaire qui exige de nouvelles qualifications que beaucoup n’ont pas à l’époque, ce qui contribue à les entraîner dans une spirale de précarité. Au début des années 1980, on constate également l’arrivée des drogues dures dans la petite couronne parisienne avec les <a href="http://www.editionsamsterdam.fr/la-catastrophe-invisible/">dégâts sanitaires et sociaux</a> que cela va provoquer une décennie plus tard.</p>
<p><strong>Comment cela a-t-il influencé les systèmes de solidarité, le travail associatif notamment ?</strong></p>
<p><strong>Eric Marlière :</strong> Les solidarités populaires sont moins fortes qu’elles ne l’étaient dans les années 1980 en raison des processus d’individuation qui se sont matérialisés dans différentes compétitions, dans la poursuite des études pour certains, le business pour d’autres, sans oublier la volonté de quitter le « quartier » lorsque les personnes s’en sortent.</p>
<p>Les associations sont beaucoup moins denses. Et les municipalités ont cherché à garder le contrôle sur les initiatives politiques et associatives des quartiers populaires urbains, étouffant les démarches et autres doléances politiques émanant de ces quartiers. Le travail social est confronté <a href="https://theconversation.com/comment-le-travail-social-est-il-devenu-un-metier-a-risque-163500">à une perte de sens et de moyens financiers</a> due à un management et des mesures de plus en plus néo-libérales. Et sur le terrain, les éducateurs peinent encore à exercer leur métier car les mesures sécuritaires imposent des restrictions réelles sur l’accompagnement éducatif confidentiel auprès des jeunes. Depuis le début des années 2010, beaucoup d’éducateurs expérimentés <a href="https://champsocial.com/book-ou_va_le_travail_social_controle_activation_et_emancipation,1258.html">ont déserté la prévention spécialisée</a>.</p>
<p><strong>Julien Talpin :</strong> Aujourd’hui, la revendication d’égalité des associations antiracistes est majoritairement disqualifiée comme « communautariste » par les pouvoirs publics, le simple fait de mettre en évidence des inégalités de traitement venant entacher l’universalisme républicain…</p>
<p>En 2021, le terme de « communautarisme » a été remplacé par celui de « séparatisme » avec la loi <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000042635616/">« confortant le respect des principes de la République »</a>, dite loi <a href="https://theconversation.com/la-lutte-contre-le-separatisme-le-nouveau-cadre-de-laction-publique-147472">« séparatisme »</a> qui <a href="https://theconversation.com/lutte-contre-le-separatisme-une-loi-qui-stigmatise-les-minorites-159576">institutionnalise</a> tout un ensemble de pratiques jusque là informelles. Par exemple avec la création du Contrat d’engagement républicain (CER) que doivent désormais signer les associations, qui constitue un instrument de surveillance et de défiance des pouvoirs publics à l’égard du monde associatif, tout particulièrement dans les quartiers populaires.</p>
<p>Initialement pensé pour lutter contre des organisations à visées terroristes, ou qui voudraient lutter contre les intérêts fondamentaux de la nation, le CER a surtout servi <a href="https://aoc.media/analyse/2023/02/16/loi-separatisme-la-critique-associative-face-au-contrat-dengagement-republicain/">à criminaliser des associations écologistes</a>. Mais il a également des incidences dans les quartiers populaires, des MJC ou des associations ayant perdu leurs financements du fait du port du voile, pourtant parfaitement légal, par certaines salariées. Il constitue surtout une sorte d’épée de Damoclès au-dessus de la tête des associations qui ne les incitent pas à s’emparer de sujets sensibles comme les violences policières ou la lutte contre les discriminations.</p>
<p><strong>Marie-Hélène Bacqué :</strong> On observe cependant beaucoup de <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-developpement-social-urbain-2018-2-page-16.htm">formes de solidarité</a> dans les quartiers populaires comme les périodes de confinement ont pu le mettre en lumière. Cette solidarité prend des formes <a href="https://www.cairn.info/quel-monde-associatif-demain--9782749270425-page-157.htm">individuelles et collectives</a> à travers différentes initiatives qui peuvent être très spontanées comme des maraudes, de l’activité associative ou des collectifs moins pérennes.</p>
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<figcaption><span class="caption">À Marseille, la solidarité spontanée s’organise durant la crise sanitaire (2020).</span></figcaption>
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<p>Il est difficile de mesurer comment cette solidarité s’exprime pendant cette période de révolte. Il semble que les familles et les professionnels de la jeunesse, les animateurs, ceux que l’on qualifie parfois de « grands frères » partagent la colère des jeunes, même s’ils ne se joignent pas à des manifestations violentes. Beaucoup sont descendus dans la rue, non pour essayer d’étouffer la révolte mais pour empêcher des dérapages, en quelque sorte jouer un rôle de protection.</p>
<p><strong>D’où vient la défiance que peuvent ressentir certains jeunes vis-à-vis de la politique institutionnelle ?</strong></p>
<p><strong>Eric Marlière :</strong> Ces jeunes vivent dans un pays perçu comme développé et donc « riche ». Mais ils ont aussi le sentiment réel de se retrouver exclus du mode de vie de ce qu’ils perçoivent des classes moyennes. Le triptyque républicain « Liberté, Egalité, Fraternité » est vécu comme un mensonge au regard de leur vécu au quotidien. <a href="https://theconversation.com/les-trajectoires-scolaires-des-jeunes-des-quartiers-populaires-entre-parcours-dobstacles-et-aspirations-a-la-reussite-192042">L’école</a> est appréhendée comme une institution instaurant une compétition économique par le diplôme dont <a href="https://theconversation.com/le-merite-est-il-encore-un-ideal-democratique-159488">ils se retrouvent exclus</a>.</p>
<p>Beaucoup d’institutions d’encadrement sont appréhendées au mieux comme inefficaces, au pire comme hostiles. Les injonctions de réussite par la consommation véhiculent des valeurs contradictoires de la société contemporaine car elles incitent à la défiance vis-à-vis du politique institutionnel. Il existe une <a href="https://theconversation.com/pourquoi-a-t-on-ou-pas-confiance-dans-les-responsables-politiques-72483">réelle défiance</a> à l’égard des politiques d’une manière générale, qui n’est pas propre aux banlieues mais peut-être plus exacerbée. La parole publique n’a plus de crédibilité pour une majorité des habitants des quartiers populaires urbains.</p>
<p>Les politiques sécuritaires ont dépolitisé les problèmes économiques et sociaux auxquels ils sont confrontés. Au bout de quarante ans (trois générations de jeunes), les enjeux politiques, économiques et sociaux ne se sont pas améliorés.</p>
<p><strong>Julien Tapin :</strong> Les habitants de ces quartiers sont pris dans une sorte de dilemme intenable : il ne faut pas qu’ils mettent en avant leurs origines s’ils veulent être reconnus (et financés) par les pouvoirs publics, mais c’est au nom de cela, et des formes de pacification sociale qu’on attend d’eux que l’on va les considérer – on parlera à l’époque de <a href="https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2001-1-page-104.htm">« politique des grands frères »</a>.</p>
<p>À Roubaix par exemple, un de mes principaux terrains d’enquête, on voit dans les années 1980 émerger des « associations de jeunes », composées en fait majoritairement de jeunes descendants de l’immigration postcoloniale, soucieux d’égalité et de lutte contre les discriminations, qui ne peuvent l’afficher trop ouvertement, sous peine de sanctions. Ainsi, dès le début des années 1990, on va leur reprocher une <a href="https://www.cairn.info/la-jeunesse-comme-ressource--9782865869138-page-213.htm">« dérive ethnique »</a>, le fait que ces associations soient majoritairement composées de minorités ethnoraciales, c’est-à-dire qu’elles soient <a href="https://books.openedition.org/septentrion/53114?lang=fr">à l’image de ces quartiers</a>.</p>
<p><strong>Marie-Hélène Bacqué :</strong> Notre enquête Pop-Part auprès de jeunes de quartiers populaires en Île-de-France de 2017 à 2021 montre la <a href="https://theconversation.com/les-podcasts-jeunes-de-quartier-leur-quotidien-raconte-par-eux-memes-182088">force des expériences communes à ces jeunes</a>. Ces expériences sont marquées par la stigmatisation territoriale, la discrimination raciale et la force des inégalités sociales.</p>
<p>Ces jeunes ont aussi en commun une expérience de l’altérité ; ils habitent dans des quartiers aux populations très diverses de part leurs origines et trajectoires migratoires. La religion a aussi joué un rôle important dans <a href="https://theconversation.com/fabien-truong-je-refuse-de-considerer-les-attentats-islamistes-en-ne-raisonnant-qua-travers-le-prisme-de-la-religion-86126">leur socialisation</a>, qu’ils soient comme la plupart musulmans ou bien évangélistes.</p>
<p>Le rapport distendu avec la politique institutionnelle peut s’accompagner <a href="https://theconversation.com/jeunes-de-quartier-la-politique-elle-se-fait-a-cote-179811">d’un réel intérêt pour le politique</a>, que ce soit au niveau local, national ou international. Cette distance s’explique par le sentiment de ne pas être entendu, de ne pas être représenté. Les jeunes trouvent donc d’autres voix pour se faire entendre.</p>
<p>Notons cependant que parmi les cent jeunes de notre <a href="https://jeunesdequartier.fr/">recherche POP-PART</a>, 7 se sont présentés aux dernières élections municipales, sur des listes diverses, et sans affiliation politique. Ce constat s’inscrit plus globalement dans les villes populaires en Île-de-France, par l’émergence de nouveaux profils d’élus, issus de la société civile, appartenant aux minorités racisées, et, depuis la loi pour la parité, plus féminins.</p>
<p><strong>De quand datent les premiers travaux sociologiques sur les « quartiers populaires » ? Voit-on une prise en compte de ces travaux dans les politiques publiques ?</strong></p>
<p><strong>Eric Marlière</strong> Les premiers travaux remontent aux années 1980. Mais sans qu’il n’ y ait eu de véritables évolutions des préconisations. Certains collègues dont les travaux étaient pionniers dans ces années, pensons à <a href="https://www.fayard.fr/sciences-humaines/la-galere-jeunes-en-survie-9782213019048">François Dubet</a>, ou <a href="https://www.cairn.info/la-galere--9782222036340.htm">Jean-Charles Lagrée et Paula-Lew Faï</a> étaient clairs sur les enjeux sociaux et économiques liés à la désindustrialisation et ses conséquences sur les quartiers populaires urbains.</p>
<p>La plupart de ces travaux n’ont malheureusement pas été pris en compte par les politiques publiques. La question sociale et les discriminations ethniques apparaissent toujours taboues ou délicates à traiter pour les politiciens de premier plan. Il n y a pas de prise en compte du malaise exprimé par les jeunes, les seules réponses sont répressives. Les travaux des sociologues ne sont pas véritablement relayés par les politiques de gauche comme de droite.</p>
<p><strong>Julien Talpin :</strong> Le déni institutionnel semble n’avoir jamais été aussi grand : il suffit de voir les réactions, récemment encore, <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-force-de-l-ordre-didier-fassin/9782757848760">sur le racisme dans la police</a>, à rebours de <a href="https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2022-2-page-85.htm">toutes les études</a> qui le démontrent, témoignant d’une action publique qui se fait d’une certaine façon contre la science.</p>
<p>D’un autre côté, on assiste à une montée de l’extrême droite, une <a href="https://theconversation.com/nostalgie-reactionnaire-et-politique-la-fabrique-dune-memoire-fantasmee-180609">circulation de ses idées</a> et de ses <a href="https://theconversation.com/dou-vient-lobsession-identitaire-de-la-politique-francaise-175540">schèmes de perception</a> dans la société et le débat public via les relais médiatiques qu’elle est parvenue à acquérir, qui rend le processus de racisation (clivage sur bases raciales) encore plus violent qu’il ne l’était.</p>
<p><strong>Marie-Hélène Bacqué :</strong> La période récente a été marquée par une remise en cause de certains travaux critiques d’abord taxés <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/pour_la_sociologie-9782707188601">« d’excuse sociologique »</a> puis d’idéologiques quand ce n’est pas <a href="https://theconversation.com/islamo-gauchisme-sen-prendre-a-la-recherche-montre-limpossible-decolonisation-de-luniversite-149411">« d’islamo-gauchistes »</a>. Beaucoup de ces travaux ont tiré depuis longtemps le signal d’alarme sur la situation sociale et économique des quartiers populaires, la prégnance de la discrimination, la fragilisation du tissu associatif par la baisse des moyens mais aussi la répression et la volonté d’encadrement qu’il subit. On ne peut pas dire qu’ils aient été entendus.</p>
<p>J’ai pour ma part eu l’occasion de rédiger en 2013 avec Mohamed Mechmache un <a href="https://www.vie-publique.fr/rapport/33298-pour-une-reforme-radicale-de-la-politique-de-la-ville">rapport</a> sur la participation dans les quartiers populaires. Nous avions fait un ensemble de propositions élaborées et discutées avec des habitants, des professionnels, des militants des quartiers populaires. Elles sont restées lettre morte. Aujourd’hui, quand des jeunes s’attaquent aux bâtiments institutionnels, ils reposent pourtant bien la question de leur participation et de leur reconnaissance.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209008/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Talpin a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marie-Hélène Bacqué a co-coordonné le projet de recherche participative Pop-Part (ANR) <a href="https://histoire-sociale.cnrs.fr/la-recherche/programmes/pop-part/">https://histoire-sociale.cnrs.fr/la-recherche/programmes/pop-part/</a>. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Eric Marliere et Julie Sedel ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Des universitaires travaillent depuis 40 ans sur les banlieues, pourquoi ont-ils le sentiment de ne pas être écoutés ? Décryptage avec quatre sociologues.Eric Marliere, Professeur de sociologie à l'université de Lille, Université de LilleJulien Talpin, Chargé de recherche en science politique au CNRS, Université de LilleJulie Sedel, Maîtresse de conférences - HDR, Université de StrasbourgMarie-Hélène Bacqué, Sociologue, urbaniste, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2066622023-06-12T14:51:12Z2023-06-12T14:51:12ZFaut-il une collaboration entre villes et commerçants pour réussir une piétonnisation ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/531395/original/file-20230612-15-dbyrjc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C6211%2C4138&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des gens déambulent sur la rue Ste-Catherine, devenue piétonne. Pour réussir une piétonnisation, commerçants et dirigeants doivent être en harmonie.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Le développement des rues piétonnes a atteint un sommet en 2020 au Québec, en réponse à la pandémie. On souhaitait notamment assurer une <a href="https://theconversation.com/comment-va-t-on-circuler-dans-les-villes-tout-en-etant-distancie-137244">distanciation</a> entre les piétons et permettre l’ouverture des terrasses des restaurants et des bars.</p>
<p>Plusieurs d’entre elles continueront à opérer selon ce mode cet été. Le modèle fait des émules. Ce n’est pas surprenant, puisque les résultats sont parfois fort impressionnants. </p>
<p>Par exemple, la <a href="https://www.nyc.gov/html/dot/downloads/pdf/streets-for-recovery.pdf">ville de New York</a> rapporte des ventes taxables de 20 % supérieures et une meilleure rétention des commerces sur les rues piétonnes, par rapport à celles comparables. Malheureusement, peu de villes ont ainsi rendu publiques des données objectives des retombées de leurs programmes. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="graphique" src="https://images.theconversation.com/files/529678/original/file-20230601-16-kkv04o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/529678/original/file-20230601-16-kkv04o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/529678/original/file-20230601-16-kkv04o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/529678/original/file-20230601-16-kkv04o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/529678/original/file-20230601-16-kkv04o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/529678/original/file-20230601-16-kkv04o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/529678/original/file-20230601-16-kkv04o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=508&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Variation du nombre de restaurants et bars sur des rues piétonnes (Open Streets) en comparant à des rues contrôles et à la moyenne du quartier à New York.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Streets for Recovery : The Economic Benefits of the NYC Open Streets Program</span></span>
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<p>Dans le cadre de la recherche préparatoire à son mémoire de maîtrise, Roxane Bédard, sous ma direction, a produit un inventaire de ces initiatives au Québec, principalement basé sur la couverture médiatique des projets de piétonnisation. En tant que chercheurs intéressés par les politiques publiques, les villes et la mobilité durable, nous nous intéressons aux acteurs et aux facteurs de succès des projets de transformation de rues. </p>
<p>Ainsi, les Sociétés de Développement Commercial (SDC) sont devenues des facilitatrices souvent indispensables dans les démarches de piétonnisation. Celles-ci ont démontré pouvoir convaincre leurs membres, structurer des solutions acceptables, négocier avec les villes, obtenir des fonds publics pour mener à bien ces activités et maintenir l’engagement de leurs membres, parfois sur le long terme. </p>
<p>Les SDC peuvent également rassembler des voix divergentes. Les restaurants, bars et commerces « de routine », de quartier et de consommation spontanée sont ceux qui gagnent le plus d’une piétonnisation. Au contraire, les propriétaires de commerces dits de « destination », attirant une clientèle vivant plus loin, intéressée par un produit spécialisé difficile à trouver ailleurs, craignent la perte de stationnement et d’achalandage. </p>
<h2>Pas seulement dans les grandes villes, mais plus difficile en région</h2>
<p>Dans les dernières années, près d’une quarantaine de rues commerciales piétonnes ont été déployées au Québec. </p>
<p>Avant la pandémie, des projets de piétonnisation existaient, autant à Montréal et Québec qu’en région, mais généralement dans une logique événementielle et ponctuelle. Le centre-ville de Trois-Rivières est ainsi passé depuis 2020 d’une piétonnisation les <a href="https://www.lechodetroisrivieres.ca/actualites/culturel/294296/lanimation-estivale-du-centre-ville-un-incontournable">vendredi et samedi soir</a> à une rue piétonne <a href="https://www.v3r.net/a-propos-de-la-ville/communications/actualites/retour-de-la-pietonnisation-dune-partie-de-la-rue-des-forges">permanente lors de la saison estivale</a>. <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1978358/economie-environnement-commerces-abitibi">Rouyn-Noranda</a> et <a href="https://www.latribune.ca/2023/03/22/well-nord--une-pietonnisation-limitee-et-un-sens-unique-cet-ete-acc5cd6704b3ecbc645b979859bfd2e9/">Sherbrooke</a> ont suivi des trajectoires similaires. </p>
<p>Bien que la plupart des piétonnisations de 2020 aient été couronnées de succès, aucun de ces projets n’ont été reconduits en 2023 dans les autres villes recensées, soit <a href="https://lelacstjean.com/actualite/le-centre-ville-dalma-sanimera/">Alma</a>, <a href="https://lecourrier.qc.ca/le-rapport-de-saint-hyacinthe-technopole-rendu-public/">Saint-Hyacinthe</a>, <a href="https://www.lenouvelliste.ca/2021/04/14/Covid-19-rues-pietonnes-et-terrasses-elargies-encore-cet-ete-a-shawinigan-9c4f70f784ec580ec57d9d675a3ea505/">Shawinigan</a>, <a href="https://www.lechodelatuque.com/actualites/sdc-partenariat-avec-la-sadc-et-trois-nouveaux-axes-dintervention/">La Tuque</a> et <a href="https://www.lanouvelle.net/actualites/la-rue-notre-dame-demeurera-ouverte/">Victoriaville</a>. La SDC de La Tuque déclare toutefois avoir vu l’intérêt de s’impliquer dans l’urbanisme et l’embellissement, tandis que celles de Victoriaville et de Saint-Hyacinthe retourneront à l’animation ponctuelle. </p>
<p>L’abandon des projets de piétonnisation semble ainsi plus fréquent en région. À Montréal, un <a href="https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwix0KiFnaX_AhVijIkEHew8DhAQFnoECAkQAQ&url=http%3A%2F%2Fville.montreal.qc.ca%2Fpls%2Fportal%2Fdocs%2FPAGE%2FARROND_VSP_FR%2FMEDIA%2FDOCUMENTS%2FPROGRAMME_RUES_PIETONNES_2017.PDF&usg=AOvVaw1k8ngt948H7iZbFNaOoR2B">programme</a> de subvention de rues piétonnes et partagées en vigueur depuis 2015 facilite certainement le succès et la pérennisation de celles-ci. <a href="https://www.ledevoir.com/societe/791899/urbanisme-les-pietons-ont-conquis-le-plateau-mont-royal">Ainsi à Montréal cet été, dix rues seront piétonnes</a>. Mont-Royal le sera durant quatre mois plutôt que trois.</p>
<p>Un programme panquébécois de subventions pourrait aider à remédier cette disparité. En effet, cela pourrait clarifier les objectifs et les modalités de la piétonnisation tout en partageant le fardeau des coûts.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/529875/original/file-20230602-15-1t42o1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/529875/original/file-20230602-15-1t42o1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=813&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/529875/original/file-20230602-15-1t42o1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=813&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/529875/original/file-20230602-15-1t42o1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=813&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/529875/original/file-20230602-15-1t42o1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1021&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/529875/original/file-20230602-15-1t42o1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1021&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/529875/original/file-20230602-15-1t42o1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1021&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Foule piétonne marchant sur la rue Sainte-Catherine dans le Village à Montréal sous les boules roses en 2016..</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Carl Campbell)</span></span>
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<h2>Partager le risque politique de la piétonnisation</h2>
<p>Bien qu’une SDC ne soit pas nécessaire à la piétonnisation, elle y est très utile. </p>
<p>Elle permet notamment à la Ville de déléguer les responsabilités d’animation et de gestion et de traiter avec un unique interlocuteur. Dans le quartier Mile-End, à Montréal, faute d’une SDC, un conseiller municipal a dû aller voir chacun des commerçants pour leur expliquer le concept de rue partagée. </p>
<p>Pour les commerçants, une SDC permet d’avoir une voix forte et unie auprès des élus pour mettre des ressources en commun, réclamer des aménagements favorables aux commerces et obtenir des <a href="https://journalmetro.com/local/2792940/societes-developpement-commercial-montreal-132-trois-ans/">fonds</a>. Des subventions qui stimulent le dynamisme des artères commerciales tout en améliorant la qualité de vie tendent à établir un <a href="https://www.ledevoir.com/bis/625500/le-pari-reussi-de-la-pietonnisation">certain consensus</a>. </p>
<p>La création de rues piétonnes encourage la mobilité active, ce qui peut être mal vu des automobilistes. Ainsi, les politiciens municipaux peuvent partager une partie du risque politique de ces changements dans l’aménagement avec la SDC. Le maire de <a href="https://www.lechodelatuque.com/actualites/la-rue-commerciale-sera-pietonniere-cet-ete/">La Tuque</a>, disait en 2020 qu’il n’avait jamais osé piétonniser son centre-ville, même s’il y pensait depuis longtemps, mais qu’avec le soutien de la SDC, c’était maintenant le bon moment. La participation des acteurs commerciaux peut servir d’impulsion au projet même s’il s’agit d’une décision de la municipalité.</p>
<p><a href="https://www.lanouvelle.net/actualites/notre-dame-en-partie-pietonniere-pas-que-des-heureux/">La SDC</a> peut également rejeter une partie de la responsabilité sur la Ville en cas de problèmes, puisque que cette dernière est formellement responsable du projet. En somme, à travers le processus de piétonnisation, la Ville et la SDC forment une relation fort symbiotique ! </p>
<h2>Vers une transformation de la mobilité</h2>
<p>La piétonnisation d’artères commerciales est une démarche importante dans la transition vers une mobilité durable. </p>
<p>Pour que les commerçants puissent collectivement participer à cette transformation, ils devront probablement militer au-delà de leur tronçon commercial respectif, et en considérer plus généralement l’accès par des modes alternatifs. En effet, si on réduit ou complique l’accès à une artère commerciale en automobile, on doit l’augmenter par d’autres modes de transport pour qu’elle conserve son dynamisme, son attractivité et son bassin de clientèle. Ainsi, <a href="https://www.st-hyacinthe.ca/services-aux-citoyens/transport-collectif/horaire-dautobus">sans transport collectif</a> vers le centre-ville le dimanche à Saint-Hyacinthe, on a restreint en partie l’accès à l’artère. </p>
<p>En se mobilisant pour diversifier les modes d’accès à leurs artères commerciales, particulièrement si elles sont piétonnisées, les SDC du Québec pourraient devenir des alliées de taille à la mobilité durable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206662/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ugo Lachapelle a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), notamment pour travailler sur le rôle des différentes formes d'accès à l'alimentation dans la mobilité quotidienne et la possession d'automobile. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Roxane Bédard est subventionnée par le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), notamment pour travailler sur le rôle des différentes formes d'accès à l'alimentation dans la mobilité quotidienne et la possession d'automobile. </span></em></p>La piétonnisation est une bonne stratégie pour démarquer les artères commerciales des centres commerciaux. Les SDC sont devenues des facilitatrices souvent indispensables de cette démarche.Ugo Lachapelle, Professeur au département d'études urbaines et touristiques, Université du Québec à Montréal (UQAM)Roxane Bédard, Auxiliaire de recherche en études urbaines, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2070412023-06-07T19:39:05Z2023-06-07T19:39:05ZLogement : un enjeu de santé publique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/530376/original/file-20230606-22-6qgq9x.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C48%2C4031%2C2969&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les Olympiades, Paris 13e, un des sites d'étude du programme SAPHIR (2023).</span> <span class="attribution"><span class="source">SAPHIR</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Le gouvernement vient de proposer des <a href="https://www.lepoint.fr/societe/crise-du-logement-le-gouvernement-devoile-des-mesures-techniques-05-06-2023-2522994_23.php">mesures</a> pour relancer la construction, la rénovation et l’accession à la propriété. Mais ces mesures prendront-elles en compte les pollutions que présentent certains habitats ? En effet on considère souvent – à tort – les logements comme des abris à l’écart des toxicités de la vie urbaine. Celles-ci sont par ailleurs élevées. Selon le <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanplh/article/PIIS2542-5196(22)0 0090-0/fulltext">The _Lancet_Planetary Health</a> du 18 mai 2022, neuf millions de personnes meurent ainsi chaque année dans le monde à cause de la pollution, de l’air, de l’eau ou des sols soit trois fois plus que les morts cumulés des suites du sida, de la tuberculose et du paludisme. En Île-de-France, le nombre de décès évitable est estimé à <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/pollution-et-sante/air/documents/article/mortalite-attribuable-a-la-pollution-atmospherique-en-ile-de-france.-quelle-evolution-depuis-10-ans-et-quels-benefices-d-une-amelioration-de-la-qua">8000 par an</a>.</p>
<p>Or, l’<a href="https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/276001/9789241550376-eng.pdf">Organisation mondiale de la Santé (OMS)</a> a montré le rôle primordial de la qualité du logement dans la prise en charge de ces questions. Ainsi les maladies respiratoires et cardiovasculaires, les dépressions et le stress sont aussi à mettre en rapport avec la qualité de l’air et des matériaux, l’humidité, l’isolation phonique et thermique, le manque d’espace de nos logements.</p>
<p>Depuis une dizaine d’années, plusieurs équipes d’experts réfléchissent à la mise au point <a href="https://ehjournal.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12940-022-00866-8">d’un index</a> des qualités de l’habitat en matière de santé.</p>
<p>Cependant, les mesures établies par ces chercheurs, qu’il s’agisse de l’Indice de salubrité du logement (2014), Healthy Homes Barometer (2015), HEQI (2019), ou Domiscore (2020), considèrent peu la santé comme un état de bien-être physique et mental (définition de l’OMS de 1946), et ne s’intéressent pas aux immeubles ordinaires non classés comme insalubres.</p>
<p>De plus les études nécessitent de tenir compte des évolutions démographiques comme le vieillissement de la population, ou l’augmentation des familles monoparentales qui montrent que les qualités attendues de l’habitat sont aussi plurielles que liées à la santé physique et mentale (chutes, accidents domestiques, stress…).</p>
<h2>La qualité architecturale des logements… sans la santé !</h2>
<p>Le problème de la qualité des logements est en effet général. Depuis une dizaine d’années, les architectes et les constructeurs réfléchissent à cette question. Après la loi <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/loi-portant-evolution-du-logement-lamenagement-et-du-numerique-elan">Élan</a> (2018) qui propose de « construire plus, mieux et moins cher », trois rapports officiels abordent le sujet.</p>
<ul>
<li><p>Le rapport <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/remise-du-rapport-lemas-sur-qualite-des-logements-sociaux">Lemas/Badia (2020)</a>, met l’accent sur la question des surfaces des logements sociaux, leur modularité et leur adaptabilité, leur luminosité et leur rapport à l’extérieur.</p></li>
<li><p>Le rapport <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Rapport%20Mission%20Logement%20210904.pdf">Laurent Girometti et François Leclerq (2021)</a> qui soutiennent « un référentiel destiné à améliorer la qualité d’usage des logements pour répondre aux nouveaux besoins des occupants et retrouver le désir d’habiter en ville ».</p></li>
<li><p>Le rapport de l’Institut des Hautes Études pour l’Action dans le Logement <a href="https://www.faire-face.fr/wp-content/uploads/2021/09/etude-Idheal-appartements-2021.pdf">IDHEAL (2021)</a> souligne la méconnaissance des usages et modes de vie de la part des concepteurs. Sur la base d’une analyse de 200 plans d’appartements construits depuis vingt ans, il constate une détérioration des surfaces aménageables dans les appartements, notamment la surface des pièces, les cuisines ouvertes, et les espaces extérieurs.</p></li>
</ul>
<p>En 2021, le gouvernement a lancé un vaste appel d’idées et d’expérimentations sur <a href="https://www.engages-pour-la-qualite-du-logement-de-demain.archi.fr/">« la qualité du logement de demain »</a> et désigné une centaine de lauréats faisant l’objet d’un <a href="https://www.chaire-logementdemain.fr/recherche/recherches-de-la-chaire.html">suivi scientifique et technique</a>.</p>
<p>Cependant, dans ces consultations, la notion de santé n’apparaît pas ou peu, du moins de façon explicite. Ceci illustre les difficultés des deux domaines du logement et de la santé à dialoguer, ce qui n’a pas toujours été cas.</p>
<h2>Santé et confort de l’habitat ont une longue histoire</h2>
<p>Le XIX<sup>e</sup> siècle correspond à l’entrée du logement comme question politique. En France, la loi sur l’habitat insalubre, adoptée en 1850, vise les appartements loués dont les caractéristiques sont « susceptibles de nuire à la vie ou à la santé des habitants ». En 1891, le docteur Jacques Bertillon, qui publie le <a href="https://www.cogitatiopress.com/urbanplanning/article/view/4706">premier recensement</a> des conditions de logement et cartographie le surpeuplement des ménages, compare cette carte avec <a href="https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb30096478q">celle des décès</a> (Bertillon, 1894).</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/530375/original/file-20230606-19-f3szcd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Docteur Jacques Bertillon, qui a parmi les premiers au XIXᵉ siècle conçu l’idée de logement sains" src="https://images.theconversation.com/files/530375/original/file-20230606-19-f3szcd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530375/original/file-20230606-19-f3szcd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=816&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530375/original/file-20230606-19-f3szcd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=816&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530375/original/file-20230606-19-f3szcd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=816&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530375/original/file-20230606-19-f3szcd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1025&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530375/original/file-20230606-19-f3szcd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1025&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530375/original/file-20230606-19-f3szcd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1025&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Docteur Jacques Bertillon, qui a parmi les premiers au XIXᵉ siècle conçu l’idée de logement sains.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Bertillon#/media/Fichier:Jacques_Bertillon_(1851-1922).png">Wikimedia</a></span>
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<p>Les architectes du mouvement moderne, guidé par Le Corbusier, mettront à profit ces constats. Au nom de l’hygiène, ils préconisent des logements aérés, lumineux et respectant des dimensions standardisées devant procurer à l’habitant un <a href="http://www.fondationlecorbusier.fr/corbuweb/morpheus.aspx?sysInfos=1&sysLanguage=fr-fr&sysName=home">sentiment de bien-être et de confort</a>.</p>
<p>De son côté, la statistique publique des conditions de logement se fonde depuis l’après-guerre sur la présence d’équipements sanitaires comme indice de salubrité. À partir de 2000, observant que plus de 90 % des logements sont équipés, des chercheurs de l’Insee <a href="https://www.insee.fr/en/statistiques/1380823">ont montré</a> que d’autres défauts affectent l’habitat et la santé.</p>
<p>Ainsi, la qualité de l’habitat ne se réduit pas à des dimensions techniques. Elle comprend la possibilité pour l’habitant de partir ou de déménager (principe de mobilité) ; le principe d’adaptabilité du logement à tous les âges et cycles de la vie ; le principe d’identité qui permet ou non à l’habitant de <a href="https://sciences-et-bonheur.org/2017/09/18/yankel-fijalkow-du-confort-au-bonheur-dhabiter/">se reconnaître dans son lieu de vie et d’en parler</a> (principe de narrativité).</p>
<p>Ces éléments correspondent à la notion de santé dans le sens de l’OMS (un sentiment de bien-être physique et mental) on peut étudier l’effet de la représentation par les habitants de leur habitat sur leur santé. La qualité des habitats peut-elle être évaluée à partir de la notion de santé ?</p>
<h2>Impliquer les habitants</h2>
<p>La qualité des habitats peut-elle être évaluée à partir de la notion de santé ? Tel est le projet du programme SAPHIR, soutenu par <a href="https://www.crh.archi.fr/Projet-SAPHIR-Agence-Regionale-Sante-Paris-Habitat">L'Agence Régionale pour la Santé</a>. Il consiste en une recherche-action dans le cadre d’un partenariat entre le bailleur social Paris Habitat et IDHEAL.</p>
<p>Il s’appuie sur une typologie de 12 immeubles représentatifs, par leur taille, l’époque de construction du Nord-est parisien. Ils reflètent une gamme diversifiée de logements sociaux et très sociaux. Auprès des habitants de ces immeubles, il s’agit de mesurer la capacité des habitants à se saisir des questions d’habitat par le biais de la santé, qu’il s’agisse du chauffage, de l’humidité, de la qualité de l’air, des nuisances sonores, etc.</p>
<p>La recherche de la santé et le bien-être dans le logement sont ainsi des occasions d’évoquer le rapport des habitants à l’architecture qu’ils habitent, aux dispositifs techniques, et au gestionnaire.</p>
<p>Concrètement, dans chaque immeuble l’intervention des chercheurs correspond à plusieurs étapes :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/530358/original/file-20230606-15-hmyor5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530358/original/file-20230606-15-hmyor5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530358/original/file-20230606-15-hmyor5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530358/original/file-20230606-15-hmyor5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530358/original/file-20230606-15-hmyor5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530358/original/file-20230606-15-hmyor5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530358/original/file-20230606-15-hmyor5.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Focus group 2 à Champigny-sur-Marne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">SAPHIR 2022</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<ul>
<li><p>Un « café pédagogique » où les habitants sont abordés dans l’espace d’accueil au moyen d’une affiche grand format présentant la recherche et les affections probables dans le logement</p></li>
<li><p>Une campagne d’entretiens individuels amenant les locataires à expliciter leurs parcours résidentiels, leurs pratiques de l’habitat et du quartier, leurs difficultés et le lien qu’ils font ou non avec les questions de santé.</p></li>
<li><p>Un premier focus group d’habitants dressant des éléments de diagnostics et de bilan partagés sur la qualité des logements. Il développe, amplifie ou minimise les éléments apparus lors des entretiens individuels.</p></li>
<li><p>Un second focus avec les équipes techniques.</p></li>
</ul>
<p>Les premiers résultats de la recherche montrent que si la préoccupation de la santé dans l’habitat se développe, elle n’aborde pas les mêmes thèmes selon les types d’immeubles et les phases du cycle de vie. De nouveaux critères de qualité de l’habitat émergent (comme la qualité de l’air, l’isolation phonique et thermique) à la fois plus subjectifs et techniques.</p>
<p>Des modalités de dialogues entre habitants et gestionnaires sont à inventer, les chercheurs ayant joué un rôle d’éveilleur, en posant la question de la santé comme un problème collectif. Cependant le rôle de la recherche ne s’arrête pas là. Elle consiste aussi à interroger les concepteurs, car si le consommateur d’aujourd’hui est exigeant à l’égard des produits qui lui sont proposés, il est permis de penser que l’habitant de demain le sera vis-à-vis de son cadre de vie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207041/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yankel Fijalkow a reçu des financements de l'Agence Régionale pour la Santé</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Yaneira WILSON a reçu des financements de l'Agence Régionale pour la Santé. </span></em></p>Les atteintes de l’environnement à la santé humaine sont bien connues. Mais si l’intérieur des logements est aussi affecté, les habitants en sont plus en plus conscients.Yankel Fijalkow, Professeur, sociologue et urbaniste, Laboratoire LAVUE UMR 7218 CNRS, École nationale supérieure d’architecture de Paris Val de Seine (ENSAPVS) – USPCYaneira Wilson, Architecte - Docteure en Urbanisme, École nationale supérieure d’architecture de Paris Val de Seine (ENSAPVS) – USPCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2056622023-05-31T16:20:51Z2023-05-31T16:20:51ZAvez-vous changé votre manière de vous déplacer depuis la pandémie ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/526507/original/file-20230516-21-m0hs5x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=331%2C42%2C3751%2C2658&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Y'a-t-il vraiment eu un « un monde d’après » concernant les mobilités ? </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/bqUX5QhlQUM">Overade Company / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Début mai 2023, le gouvernement a présenté son nouveau <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/09/20/le-plan-velo-sera-dote-de-250-millions-d-euros-en-2023-annonce-matignon_6142361_3234.html">plan vélo</a> et mobilités actives pour 2023-2027. Celui-ci acte un doublement des investissements de l’État en faveur du développement de la pratique du vélo, qui complète les investissements déjà très conséquents engagés récemment par les collectivités locales.</p>
<p>Ces financements s’inscrivent en continuité d’une intégration graduelle du cyclisme dans les politiques de mobilité depuis une dizaine d’années. Ceux-ci visent également à répondre à l’augmentation de la pratique du vélo accélérée par la crise du Covid-19. Mais, au-delà de cet engouement pour la petite reine, comment ont évolué les pratiques et les politiques de mobilité depuis la pandémie ?</p>
<p>Si la modification des mobilités pendant la crise est <a href="https://forumviesmobiles.org/dictionnaire/13661/confinement">attestée</a> (diminution des déplacements en transports collectifs et en voiture, augmentation des <a href="https://theconversation.com/marche-velo-les-gains-sanitaires-et-economiques-du-developpement-des-transports-actifs-en-france-189487">déplacements à pied et à vélo</a>, valorisation de la proximité spatiale), il apparaît plus difficile de caractériser une inflexion des pratiques après la pandémie.</p>
<p>Peu d’enquêtes sont disponibles pour documenter ces évolutions. L’Île-de-France fait office de précieuse exception : <a href="https://omnil.fr/spip.php?article262">8 enquêtes</a> y ont été menées entre 2020 et 2022 par l’Observatoire des Mobilités. Celles-ci soulignent une amplification des tendances existantes et infirment l’hypothèse d’« un monde d’après » radicalement différent. Cinq informations principales ressortent de ces études.</p>
<p>La première souligne une réduction du nombre de déplacements par jour, avec une baisse de 10 % (de 43 millions avant la crise sanitaire à 39 millions de déplacements en juin 2022). La seconde indique une augmentation du <a href="https://theconversation.com/teletravail-trois-ans-apres-le-premier-confinement-quelles-tendances-perdurent-203196">télétravail</a> avec une part des actifs télétravaillant au moins un jour par semaine en hausse (34 % en juin 2022 contre 29 % en juin 2021). La troisième information mesure une diminution de la fréquentation des <a href="https://theconversation.com/developper-le-reseau-de-transports-en-commun-beneficie-t-il-vraiment-aux-plus-pauvres-198261">transports collectifs</a> (-21 % de déplacements en juin 2022 par rapport à 2018) et de l’usage de la voiture (-22 % de déplacements en juin 2022 par rapport à 2018). La quatrième confirme la croissance de la marche comme premier mode de déplacement (17 millions de déplacements par jour) et de l’usage du vélo, même si sa part dans le total de déplacements reste faible (1,2 million de déplacements par jour). Enfin, la cinquième atteste du renforcement des logiques de proximité, déjà majoritaires dans la période pré-crise (49 % des déplacements dans la commune de résidence et 12 % dans une commune limitrophe en 2018), mais s’accentuant (62 % des déplacements dans la commune de résidence en juin 2022 et 13 % dans une commune limitrophe).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/To5oXucDWL8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Ces enquêtes apportent des informations sur les déplacements mais également leur sociologie et leur géographie. Elles montrent par exemple que le développement du télétravail est réel, mais concerne principalement les cadres et les professions intermédiaires. Enfin, si ces enquêtes ne traitent pas de la mobilité des marchandises (4,3 millions de mouvements logistiques en Île-de-France en 2018), le chiffre d’affaires du commerce en ligne en France a connu une hausse importante (<a href="https://www.fevad.com/bilan-du-e-commerce-en-2020-les-ventes-sur-internet-atteignent-112-milliards-deuros-grace-a-la-digitalisation-acceleree-du-commerce-de-detail/">+37 % en 2020</a>). L’impact de cette croissance sur la réorganisation des circuits logistiques (livraison à domicile, drives, dark stores…) est <a href="https://www.apur.org/fr/nos-travaux/1er-octobre-e-commerce-metropole-grand-paris">considérable</a>. Elle implique des enjeux nouveaux de régulation.</p>
<h2>Une inflexion des politiques de mobilité ?</h2>
<p>Cette amplification des tendances préexistantes à la pandémie s’est-elle accompagnée d’une évolution des politiques de mobilité ? Ces politiques sont marquées depuis les années 2000 par des <a href="https://shs.hal.science/tel-01261303">objectifs de réduction des impacts environnementaux</a> associés à une boîte à outils standard (développement du transport collectif, réduction de la place de l’automobile, soutien aux modes actifs que sont la marche et le vélo, densification urbaine).</p>
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<p>À la fin du premier confinement, les collectivités locales ont eu recours à un urbanisme « tactique » pour aménager des espaces dédiés au vélo et aux piétons pour organiser la distanciation spatiale, fluidifier la circulation et décongestionner les transports publics. En Île-de-France, <a href="https://observatoire-coronapistes.velo-iledefrance.fr/">158 km de pistes temporaires</a> ont ainsi été aménagés durant la crise sanitaire, dont un tiers à Paris. Ces aménagements ont pris des formes différentes : pistes, espaces pacifiés, voies sur chaussée ou sur trottoir, etc. La pandémie a eu également un effet immédiat sur l’aménagement des espaces publics piétons de façon à organiser la distanciation sociale (extension des zones à priorité piétonne, réservation de rues aux modes actifs, création d’espaces d’attente et traversées piétonnes).</p>
<p>Une partie de ces aménagements temporaires a été ou est en cours de pérennisation, en lien avec des incitations de l’État, des appuis financiers de la Région et des revendications d’associations. La crise liée au Covid-19 a eu ainsi des effets sur l’intensification des politiques vélo, à l’échelle régionale (avec la consolidation du <a href="https://rerv.fr/">projet de RER vélo</a> engagé en 2020), métropolitaine (<a href="https://www.metropolegrandparis.fr/fr/plan-velo-metropolitain">Plan vélo métropolitain</a> soutenu par la métropole du Grand Paris) et locale, de manière différenciée – comme le souligne la <a href="https://velo-iledefrance.fr/accueil/cartecyclable/">carte ci-dessous</a>.</p>
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<img alt="Les aménagements cyclables d’Île-de-France" src="https://images.theconversation.com/files/526278/original/file-20230515-26296-7oogjm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/526278/original/file-20230515-26296-7oogjm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=493&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/526278/original/file-20230515-26296-7oogjm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=493&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/526278/original/file-20230515-26296-7oogjm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=493&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/526278/original/file-20230515-26296-7oogjm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=620&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/526278/original/file-20230515-26296-7oogjm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=620&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/526278/original/file-20230515-26296-7oogjm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=620&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les aménagements cyclables d’Île-de-France.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://velo-iledefrance.fr/accueil/cartecyclable/">Collectif Vélo Ile-de-France, Métropole du Grand Paris, OSM France</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour des communes déjà engagées en faveur du vélo, comme à <a href="https://www.paris.fr/pages/un-nouveau-plan-velo-pour-une-ville-100-cyclable-19554">Paris</a>, à <a href="https://www.montreuil.fr/vie-citoyenne/la-municipalite/espace-presse/detail/barometre-de-la-pratique-du-velo-la-politique-ambitieuse-de-montreuil-en-matiere-de-pistes-cyclables-et-de-stationnement-velo-placent-montreuil-dans-lesvilles-cyclables-en-plus-forte-progression-ces-deux-dernieres-annees">Montreuil</a> ou <a href="https://www.sevres.fr/dossiers/le-velo-a-sevres/">Sèvres</a>, la crise a conforté leurs actions. Pour d’autres, elle a accéléré la concrétisation d’une politique vélo en émergence (comme au Kremlin-Bicêtre autour du projet de <a href="https://www.lemoniteur.fr/article/la-rd-7-requalifiee-en-boulevard-urbain.1120704">requalification de la RD 7</a>).</p>
<p>Pour d’autres, la pandémie n’a rien changé. Certaines communes, telles qu’Argenteuil ou Puteaux, ont en effet <a href="https://www.lemonde.fr/blog/transports/2020/06/03/ces-villes-qui-suppriment-des-pistes-cyclables-temporaires/">supprimé des aménagements cyclables temporaires</a>, pour ne pas contraindre la fluidité automobile. Ces exemples illustrent alors le caractère controversé de ces aménagements cyclables, comme l’illustrent les conflits médiatisés autour des voies cyclables de l’avenue de Saint-Ouen ou de l’avenue Michelet à <a href="https://www.leparisien.fr/seine-saint-denis-93/vegetalisation-mobilites-douces-stationnements-a-saint-ouen-le-reamenagement-de-lavenue-michelet-prend-forme-07-07-2022-F6JAGPXFGJGULCOEABEJBAS3W4.php">Saint-Ouen</a> – ou des aménagements temporaires à Drancy ou <a href="https://actu.fr/ile-de-france/noisy-le-grand_93051/seine-saint-denis-petition-et-manifestation-contre-les-nouvelles-pistes-cyclables-de-noisy-le-grand_35442191.html">Noisy-le-Grand</a>.</p>
<p>Au-delà de la question des modes « actifs », la crise liée au Covid-19 a également interpellé les politiques de mobilité sur d’autres points. Elle a révélé la fragilité du système de transport collectif en Île-de-France. En effet, le niveau de service peine à revenir à ces niveaux antérieurs, du fait du cumul de différents problèmes (recrutement de chauffeurs et conducteurs, retard dans des chantiers, <a href="https://www.institutparisregion.fr/nos-travaux/publications/financement-de-lexploitation-des-transports-collectifs-en-ile-de-france/">difficultés de financements de l’exploitation</a>). Les effets du télétravail sur la fréquentation du transport collectif (<a href="https://www.institutparisregion.fr/nos-travaux/publications/des-heures-de-pointe-aux-jours-de-pointe-effets-de-la-pandemie-sur-le-mass-transit-en-ile-de-france/">avec l’apparition de jours de pointe</a>) soulèvent également de nouvelles questions pour l’autorité organisatrice (Île-de-France Mobilités) et les exploitants.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/developper-le-reseau-de-transports-en-commun-beneficie-t-il-vraiment-aux-plus-pauvres-198261">Développer le réseau de transports en commun bénéficie-t-il vraiment aux plus pauvres ?</a>
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<p>La crise sanitaire, combinée au surcoût de l’énergie en raison de la reprise de l’activité post-pandémie puis de la guerre en Ukraine, a creusé le déficit des transports franciliens que l’autorité organisatrice Île-de-France Mobilités peine à combler sans appui de l’État. Au plus fort de la pandémie, la perte de recettes d’Île-de-France Mobilités était estimée à <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2022-02/20220216-rapport-RPA-2022.pdf">1,4 milliard en 2020</a>. Cela pose la question controversée d’une augmentation de la contribution des usagers au financement des transports.</p>
<h2>Tout bouge, rien ne change ?</h2>
<p>Si l’hypothèse d’une évolution radicale des mobilités a pu être avancée au plus fort de la crise, les tendances en cours indiquent plutôt une inflexion relative des pratiques. On constate une baisse mesurée des déplacements, un renforcement des logiques de proximité, une croissance de la marche et du vélo, une fragilisation des transports collectifs et une inflexion de la mobilité automobile.</p>
<p>Cette évolution participe d’une modification des politiques publiques en particulier en faveur du vélo. Il sera intéressant d’en suivre la pérennité. Le monde « d’après » semble néanmoins ressembler beaucoup au monde « d’avant », car si cette pandémie a modifié pour un temps les conditions de mobilité, les modes de vie restent peu bousculés en sortie de crise. À l’exception de quelques ménages plus libres de leurs mouvements, la majorité reste dépendante de conditions de mobilité <a href="https://shs.hal.science/halshs-01230217">contraintes à l’échelle francilienne</a>. Les <a href="https://www.omnil.fr/IMG/pdf/20220802_resultats_Covid_juin_2022_p8_vf.pdf">inégalités sociales et spatiales persistent</a>, posant la question d’une évolution des politiques de mobilité pour mieux prendre en compte ces enjeux.</p>
<hr>
<p><em>Ce travail de recherche s’inscrit dans le cadre du programme <a href="https://geographie-cites.cnrs.fr/mama/">Du Monde d’avant au monde d’après</a> (MAMA, 2021-2024) financé par l’institut des sciences humaines et sociales du CNRS.</em></p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Science et Société se nourrissent mutuellement et gagnent à converser. La recherche peut s’appuyer sur la participation des citoyens, améliorer leur quotidien ou bien encore éclairer la décision publique. C’est ce que montrent les articles publiés dans notre série « Science et société, un nouveau dialogue », publiée avec le soutien du <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr">ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205662/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cette recherche menée à l'UMR Géographie-cités s'inscrit dans le programme Monde d’Avant Monde d’Après (MAMA, 2021-2024) financé par l’institut des sciences humaines et sociales du CNRS
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Cette recherche menée à l'UMR Géographie-cités s'inscrit dans le programme Monde d’Avant Monde d’Après (MAMA, 2021-2024) financé par l’institut des sciences humaines et sociales du CNRS.</span></em></p>Comment ont évolué les pratiques et les politiques de mobilité depuis la crise de Covid-19 ? Y a-t-il vraiment eu un « un monde d’après » ? Étude du cas francilien.Jean Debrie, Professeur des Universités, Urbanisme et Aménagement, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneJuliette Maulat, Maître de conférence en urbanisme et en aménagement , Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2029192023-05-08T18:06:35Z2023-05-08T18:06:35ZPollution de l’air : En France, des zones à faibles émissions efficaces mais inégalitaires ?<p>Les études alertant sur <a href="https://theconversation.com/comment-les-voitures-remettent-des-particules-polluantes-en-suspension-dans-lair-en-roulant-191389">l’impact de la pollution</a> de l’air <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/pollution-lair-origines-situation-et-impacts">sur la santé se succèdent</a> sans que les pouvoirs publics ne semblent avoir <a href="https://theconversation.com/la-pollution-de-lair-un-probleme-pour-92-de-la-population-urbaine-mondiale-70855">pris la mesure du problème</a>.</p>
<p>En 2015, la ville de Paris décide néanmoins d’instaurer la première Zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m) française. Poussé par l’Union européenne, l’État français a finalement depuis fait adopter les <a href="https://librairie.ademe.fr/air-et-bruit/27-zones-a-faibles-emissions-low-emission-zones-lez-a-travers-l-europe-les.html">ZFEm dans les agglomérations françaises, à la suite de ces voisins</a>. </p>
<p>Si seulement 11 agglomérations disposent d’une ZFE-m en 2023, elles seront 43 d’ici à 2025, conséquence de la loi Climat et résilience <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/politiques-publiques-reduire-pollution-lair">qui a rendu leur instauration obligatoire</a>.</p>
<p>Ce dispositif vise à restreindre progressivement l’accès en ville des véhicules les plus polluants en s’appuyant sur les vignettes Crit’Air, <a href="https://theconversation.com/loi-climat-et-resilience-vers-une-mobilite-electrique-plus-accessible-161481">qui les catégorisent</a> en fonction de leur motorisation et de leur ancienneté, pour réduire l’impact de la pollution automobile. </p>
<p>Deux types de polluants les plus présents en ville et les plus impactants pour la santé humaine sont ainsi visés, le dioxyde d’azote (NO<sub>2</sub>) et les particules fines (PM).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Pour suivre au plus près les questions environnementales, retrouvez chaque jeudi notre newsletter thématique « Ici la Terre ». <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-environnement-150/">Abonnez-vous dès aujourd’hui</a>.</em></p>
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<h2>ZFE-m et polluants</h2>
<p>Dans les années 1990, l’Europe a mis en place les normes Euro, qui limitent les émissions de polluants des véhicules routiers à l’échappement – cela a ainsi divisé par 20 les émissions d’oxydes d’azote (NOx) en 20 ans entre Euro 0 et Euro 6. </p>
<p><a href="https://theconversation.com/fr/topics/dieselgate-95169">Mais le scandale du « dieselgate »</a> a mis en lumière les biais des mesures d’émissions : depuis 2016, celles-ci sont enfin calculées suivant un test proche des conditions de conduite réelle. </p>
<p>Actuellement, l’Union européenne tente d’établir une norme Euro 7 limitant également les PM émises par les pneus et les freins, qui représentent la majorité des particules émises par les véhicules récents.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/518295/original/file-20230329-25-q4062y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Figure sur les différents types d'impact de la pollution de l’air" src="https://images.theconversation.com/files/518295/original/file-20230329-25-q4062y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/518295/original/file-20230329-25-q4062y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/518295/original/file-20230329-25-q4062y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/518295/original/file-20230329-25-q4062y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/518295/original/file-20230329-25-q4062y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/518295/original/file-20230329-25-q4062y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/518295/original/file-20230329-25-q4062y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La pollution de l’air et ses différents niveaux d’évaluation.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Premiers retours d’expérience</h2>
<p>En Île-de-France, Airparif a estimé les gains de <a href="https://www.airparif.asso.fr/comprendre-et-respecter-les-zones-faibles-emissions">l’accélération du renouvellement du parc routier par les ZFE-m</a>. </p>
<p>Avec un respect strict de la mesure, entre 3 et 20 % de gain peuvent être attendus sur les émissions de PM en fonction du périmètre. Ils ne se limitent d’ailleurs pas au périmètre de la ZFE-m du fait de la baisse des quantités de polluants diffusés dans l’air, mais aussi du renouvellement du parc de véhicule des résidents extérieurs au périmètre qui doivent se remotoriser <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S001393512030298X">afin de pouvoir rentrer dans la ZFE-m</a>.</p>
<p>La qualité de l’air est souvent vue au prisme des concentrations de polluants dans l’air, qui ont l’avantage de prendre en compte les multiples sources émettrices de polluants et d’être spatialisées. <a href="https://www.airparif.asso.fr/le-dioxyde-dazote">Si le NO₂ de l’air des métropoles est issu principalement du trafic routier</a>, ce n’est pas le cas pour les PM, en <a href="https://www.airparif.asso.fr/les-particules-fines">baisse continuelle ces dernières années</a>. Le chauffage des bâtiments et notamment le chauffage au bois <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/06/04/le-chauffage-au-bois-premiere-source-d-emission-de-particules-fines_6082815_3244.html">est la principale source de PM</a> <a href="https://www.ors-idf.org/fileadmin/DataStorageKit/ORS/Etudes/2018/Etude2018_7/2018_focus_chauffage_au_bois_ORS_1_.pdf">même dans les grandes métropoles</a> où son usage est <a href="https://www.bfmtv.com/lyon/grand-lyon-les-vieilles-cheminees-a-bois-et-foyer-ouvert-bientot-interdites_AN-202211250532.html">partiellement réglementé</a> (autorisé uniquement à usage domestique à Paris et Lyon) mais étrangement toujours autorisé).</p>
<p>À l’échelle européenne, les retours d’expérience de ZFE-m, où la restriction ne concerne que les véhicules les plus anciens, montrent que les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1352231015300145?via%3Dihub">concentrations de NO₂ et de PM baissent seulement de quelques pourcents</a>.</p>
<h2>Un impact potentiel fort sur la santé</h2>
<p>Pour minimiser l’impact sur la santé de la pollution de l’air, les épidémiologistes définissent des niveaux d’exposition à ne pas dépasser plus d’un certain temps dans l’année. Ces niveaux dépendent non seulement des lieux de résidence des populations mais aussi de leurs lieux d’activités quotidiennes. </p>
<p>C’est ainsi que la ZFE-m bénéficie à la population résidant dans le périmètre mais aussi à <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1361920921002753">celle habitant en dehors mais qui y passe une partie de la journée</a>. </p>
<p>Cependant, pour que les résultats <a href="http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2022/19-20/2022_19-20_5.html">soient à la hauteur</a> des attentes, il s’agit de favoriser son acceptabilité sociale et d’instaurer un contrôle des véhicules circulant dans le périmètre, ce qui semble aujourd’hui trop risqué d’un point de vue social.</p>
<h2>Une pollution qui nuit inégalement</h2>
<p>Aussi, la ZFE-m met en évidence les tensions entre les enjeux environnementaux et sociaux de la régulation de la mobilité. </p>
<p>Les résidents du centre des agglomérations subissent en moyenne davantage la pollution de l’air aux PM et NO<sub>2</sub> quand bien même ils sont aussi les plus nombreux à ne pas utiliser de voiture au quotidien. </p>
<p>Cette inégalité territoriale est renforcée par le fait qu’une part des automobilistes des périphéries émettent des polluants dans le centre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S004896972200568X">sans subir les effets de cette pollution à leur résidence</a>.</p>
<p>Telle qu’elle a été définie, La ZFEm répond en partie à cette inégalité en restreignant l’accès à certains véhicules parmi les plus polluants. </p>
<h2>Des ZFE-m qui pénalisent les plus défavorisés</h2>
<p>En contrepartie toutefois, les voitures ciblées sont détenues dans leur grande majorité <a href="http://dataviz.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/ZFEShinyAppv3/">par des résidents socialement défavorisés</a>, qui auront du mal financièrement à racheter une voiture plus récente malgré les aides proposées. </p>
<p>Cette inégalité sociale structurelle est encore exacerbée par la nouvelle légitimité donnée aux véhicules récents dont les plus lourds comme les SUV <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/infographies-plus-lourds-plus-polluants-plus-dangereux-pourquoi-les-suv-sont-dans-le-retro-viseur-des-ecolos_4105801.html">sont parmi les plus chers et aujourd’hui les plus vendus</a>. Comme les voitures électriques à grande autonomie, <a href="https://presse.ademe.fr/2022/04/plus-de-la-moitie-des-particules-fines-emises-par-les-vehicules-routiers-recents-ne-proviennent-plus-de-lechappement.html">ils participent pourtant fortement aux émissions de PM</a>.</p>
<p>La voiture est parfois d’autant plus indispensable aux catégories les plus modestes qu’elles résident souvent loin du centre, travaillent en horaires décalés et dans des lieux souvent mal desservis en transport public. </p>
<p>Un dispositif alternatif pourrait cibler le poids des voitures pour viser les populations riches encore motorisées du centre qui gardent avec la ZFE-m une mobilité pourtant totalement inadaptée à l’environnement urbain très dense.</p>
<h2>Une aide à la conversion très coûteuse</h2>
<p>Quels que soient les véhicules, même si les normes successives de motorisation diminuent les émissions, les gains du renouvellement du parc se heurtent à un seuil.</p>
<p>L’aide à la conversion pour acheter un SUV électrique coûte très cher à l’État <a href="https://theconversation.com/fin-de-la-voiture-thermique-pourquoi-le-tout-electrique-na-rien-dune-solution-miracle-192264">pour des bénéfices environnementaux limités</a>. Comme pour de nombreuses nuisances urbaines, les solutions passent par la réduction du trafic automobile et une révolution dans l’aménagement de la périphérie des agglomérations.</p>
<p>Mais des décennies de politiques de transport et d’urbanisme favorables à la voiture et à l’étalement urbain rendent aujourd’hui difficile toute politique restrictive de l’usage des véhicules dans les périphéries. </p>
<h2>Repenser l’aménagement urbain périphérique</h2>
<p>Diminuer la place dédiée à la voiture en faveur de la marche et du vélo est urgent et ne doit plus se limiter au centre des agglomérations. L’étalement urbain encore à l’œuvre produit toujours des espaces périphériques dépendants de l’automobile.</p>
<p>Les liens du centre de l’agglomération avec sa périphérie nécessitent la mise en place de politiques cohérentes afin d’éviter des trajectoires opposées entre un centre limitant les voitures et une périphérie toujours plus étalée entre lotissements, entrepôts logistiques géants et zones commerciales.</p>
<p>La pollution de l’air ne doit pas être perçue comme un problème local qui nécessite une réponse sectorielle. Elle rejoint des problématiques de bruit ou d’accessibilité jusqu’à des questions de justice sociale ou de limites planétaires. Tous ces enjeux doivent être pensés de manière globale et systémique pour que les réponses apportées soient justes et efficaces.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202919/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Malgré leur relative efficacité, ces dispositifs sont inégalitaires et ne répondent pas à la nécessité de révolutionner l’aménagement urbain.Alexis Poulhès, Enseignant-chercheur, Laboratoire Ville Mobilité Transport, École des Ponts ParisTech (ENPC)Laurent Proulhac, Ingénieur d’études, Laboratoire Ville Mobilité Transport, Université Gustave EiffelLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2038262023-04-24T18:19:17Z2023-04-24T18:19:17ZLe périphérique parisien a 50 ans, qu’en est-il du projet de « ceinture verte » ?<p>« Une fin et un commencement ». C’est par ces mots que <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1973/04/25/le-peripherique-une-fin-et-un-commencement_2545338_1819218.html"><em>Le Monde</em></a> salue, le 25 avril 1973, le « bouclage » des 35 kilomètres du <a href="https://theconversation.com/topics/paris-21728">boulevard périphérique</a>, enfin achevé au terme de 17 ans de travaux. Pierre Messmer, premier ministre du gouvernement de Georges Pompidou, <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/caf97513012/pierre-messmer-inaugure-le-boulevard-peripherique">inaugure</a> ce jour-là le dernier tronçon porte Dauphine (XVI<sup>e</sup> arrondissement) – porte d’Asnières (XVII<sup>e</sup> arrondissement).</p>
<p>Attendu avec impatience, l’ouvrage, qui fête en ce mois d’avril son cinquantième anniversaire, déçoit, avant même son achèvement, au moment où s’affirme le rejet des grands ensembles, dans un contexte de grèves ouvrières et de mobilisations écologiques. « Une dangereuse illusion » ; « Périmé avant d’être terminé » : dès la fin de l’année 1969, les journaux <em>Combat</em> et <em>L’Aurore</em> soulignent la massification de l’automobilisme qui provoque la saturation de l’infrastructure, tandis que les maquettes d’un projet de <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1969/12/17/un-projet-seduisant-mais-contestable-le-super-peripherique-a-deux-chaussees-superposees_2406668_1819218.html">« Super-périphérique »</a>, qui prévoit d’en doubler la capacité, sont détruites par des « saboteurs anonymes » la veille de sa présentation au public.</p>
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<p>Le « périf », tel qu’on le surnomme, est un héritage qu’il nous faut regarder sans honte et avec soin. Son rapport à la ville n’a jamais cessé d’être présent même si, comme l’ont montré <a href="https://www.calameo.com/read/004309853100e9df78af2?authid=gMmtBLCKAwWd">nos travaux</a>, cette « ville » a, au cours de son histoire, revêtu des significations différentes. Son destin s’envisage aujourd’hui à l’aune des changements globaux dont il est un nœud de l’atténuation et de l’adaptation.</p>
<p>La Ville de Paris a pour ambition de le transformer en « <a href="https://www.apur.org/fr/nos-travaux/ceinture-verte-paris-xxie-siecle-hier-aujourd-hui-demain">nouvelle ceinture verte</a> », l’horizon des <a href="https://theconversation.com/topics/jeux-olympiques-21983">Jeux olympiques et paralympiques</a> de 2024 approchant comme un « accélérateur » de sa mutation. Une <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/04/17/paris-ouvre-une-consultation-sur-l-avenir-d-une-voie-du-peripherique-de-la-capitale_6169858_823448.html">consultation</a> projetant la réservation exclusive d’une voie pour le <a href="https://theconversation.com/les-autosolistes-sont-ils-prets-a-se-mettre-au-covoiturage-pour-les-trajets-du-quotidien-190863">covoiturage</a> a d’ailleurs été lancée. </p>
<p>Qu’entend-on cependant par « ceinture verte » ? Recouvrer l’usage du sol, canaliser le trafic, gouverner la grande échelle : ces trois questions, qui sont à l’origine de son histoire, déterminent les conditions d’une restauration de l’infrastructure végétale du Grand Paris.</p>
<h2>La « ceinture » de Paris : un commun</h2>
<p>Équipement du Grand Paris en expansion, le périphérique s’est installé sur un territoire que l’on nomme la <a href="https://www.pavillon-arsenal.com/fr/edition-e-boutique/collections/19-x-30/11957-des-fortifs-au-perif.html">« ceinture »</a>. Cet espace, qui depuis longtemps articule les destins de Paris et des banlieues, c’est celui des anciennes <a href="https://books.openedition.org/psorbonne/2381">fortifications</a> dites de Thiers, édifiées entre 1841 et 1844, et de leur <a href="https://www.urbanisme-puca.gouv.fr/IMG/pdf/granier_anne_resume.pdf">« zone »</a> <em>non aedificandi</em>, inconstructible. L’ensemble – murs, bastions, rocades, talus, fossés, zone – délimite une bande de 400 mètres de large. L'enceinte militaire encercle le territoire intra-muros, englobant une partie des communes riveraines de Paris, la <a href="https://books.openedition.org/psorbonne/2383?lang=fr">« petite banlieue »</a>, qui sera <a href="https://journals.openedition.org/rh19/4606">annexée</a> fin 1859. La loi sur “<a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5523577z.image">l'extension des limites de Paris</a>” consacre les nouveaux contours politiques de la capitale.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/520997/original/file-20230414-120-j7jxj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/520997/original/file-20230414-120-j7jxj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520997/original/file-20230414-120-j7jxj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=512&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520997/original/file-20230414-120-j7jxj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=512&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520997/original/file-20230414-120-j7jxj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=512&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520997/original/file-20230414-120-j7jxj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=644&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520997/original/file-20230414-120-j7jxj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=644&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520997/original/file-20230414-120-j7jxj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=644&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les fortifications de Paris en 1859.</span>
<span class="attribution"><span class="source">J.M. Schomburg/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Le démantèlement des « fortifs » qui se poursuit jusqu’en 1929, après leur déclassement voté en 1919, laisse un gigantesque vide, rapidement <a href="https://www.youtube.com/watch?v=143GgBYZYBU">comblé</a> de manière licite et illicite. Un vaste bidonville peuplé par les « zoniers » s’installe. La ceinture devient aussi le réceptacle des besoins et des projets de la ville, des cimetières aux stades, du logement à la circulation. La <a href="https://journals.openedition.org/insitu/855">Cité internationale universitaire</a> en est l’un des joyaux. Le <a href="https://journals.openedition.org/traces/8207">boulevard périphérique</a> en forme l’une des pièces centrales.</p>
<p>L’idée de <a href="https://empreintedesfortifs.webnode.fr/">« ceinture verte »</a> apparaît tôt et perdure longtemps. Avant même que l’enceinte ne soit abattue, les Parisiens traversent ses portes le temps d’un dimanche en famille pour y chercher le bon air, profiter de l’espace libre et planté. Au tournant du siècle dernier, les <a href="https://www.persee.fr/doc/genes_1155-3219_1994_num_16_1_1245">visions</a> réformatrices et hygiénistes de l’influent groupe du Musée social projettent son lotissement avec parcs, immeubles et voies. Né finalement en 1943, sous Vichy, le « boulevard périphérique » figure une boucle de circulation très arborée qui désengorgerait les boulevards des maréchaux.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/520998/original/file-20230414-18-uqt1v6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/520998/original/file-20230414-18-uqt1v6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520998/original/file-20230414-18-uqt1v6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520998/original/file-20230414-18-uqt1v6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520998/original/file-20230414-18-uqt1v6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520998/original/file-20230414-18-uqt1v6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520998/original/file-20230414-18-uqt1v6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520998/original/file-20230414-18-uqt1v6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=479&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La « zone », vue des fortifications Porte de Saint-Ouen.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Scanné par Claude Shoshany Wikimedia</span></span>
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<p>Les années 1950 font néanmoins basculer le destin de la ceinture. Trafic automobile, urbanisation régionale : les prévisions d’expansion transforment les attendus de la voie qui de <a href="https://www.calameo.com/read/004309853100e9df78af2?authid=gMmtBLCKAwWd">parkway</a>, comme disent les Anglo-saxons pour désigner une route située dans, à travers ou vers un parc, devient autoroute. La décision est scellée suite au rapport sur les « <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1954/12/17/m-lafay-defend-l-idee-d-un-remodelage-des-quartiers-est-de-paris_2032133_1819218.html">Solutions aux problèmes de Paris</a> » présenté en 1954 au Conseil de Paris. Le chantier s’engage en 1957.</p>
<p>Alors que le souci du paysage urbain anime la réalisation de la section Sud, la logique des flux l’emporte progressivement. La ceinture se fragmente. Les ouvrages et les vitesses étirent les échelles, dilatent l’espace, décollent le sol.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"846378912351440896"}"></div></p>
<p>Depuis, la ceinture n’a cessé de se remplir encore. Récemment, les tours <a href="https://www.lemonde.fr/culture/article/2022/09/28/les-tours-duo-a-paris-des-monuments-a-contretemps_6143465_3246.html">Duo</a> se sont érigées porte d’Ivry. Un nouveau complexe <a href="https://www.lequipe.fr/Tous-sports/Actualites/Reportage-sur-le-chantier-de-l-arena-porte-de-la-chapelle-prevue-pour-janvier-2024/1376485">Arena</a> se réalise Porte de la Chapelle (18ᵉ arrondissement). <a href="https://www.portedebagnolet-gallieni.fr/le-projet/">Porte de Bagnolet</a> (20ᵉ arrondissement), on s’interroge sur le devenir du centre commercial. Le projet de réaménagement de la <a href="https://www.liberation.fr/societe/ville/a-paris-la-majorite-se-dechire-sur-le-projet-de-la-porte-de-montreuil-20221013_IECJTSKNZNFN7K5XN5KU5XHMIM/">porte de Montreuil</a> (20ᵉ arrondissement) continue de susciter des débats tandis que, porte de Vanves (14ᵉ arrondissement), le <a href="https://mairie14.paris.fr/pages/reamenagement-et-renovation-du-jardin-anna-marly-23367">jardin sur dalle</a> doit être prochainement rénové. Le paysage du périphérique égraine une forte dynamique de chantiers, le moindre interstice étant convoité, occupé, chahuté. C’est là que se trouvent les ressources foncières de la ville, à proximité de réseaux névralgiques.</p>
<h2>Dompter le monstre moderne</h2>
<p>À l’intensité des édifices s’ajoute celle des <a href="https://cdn.paris.fr/paris/2020/11/26/681d6f333be6d30e028e32938646b56a.pdf">trafics</a>. 1,1 million de véhicules par jour, 8 millions de kilomètres parcourus, 1,1 personne par véhicule. Les chiffres du périphérique montrent les symptômes multiples de l’automobilisme. Éprouvée par les Grand-Parisiens, pour beaucoup dépendants d’une mobilité carbonée, la congestion du « périf » pèse sur le quotidien de plusieurs centaines de milliers de riverains : <a href="https://www.bruitparif.fr/pages/En-tete/300%20Publications/600%20Rapports%20d%E2%80%99%C3%A9tude%20-%20bruit%20routier/2021-05-31%20-%20Campagne%202020%20de%20mesure%20du%20bruit%20autour%20du%20boulevard%20p%C3%A9riph%C3%A9rique%20parisien.pdf">bruit</a> et <a href="https://www.airparif.asso.fr/actualite/2022/2021-la-pollution-de-lair-diminue-mais-insuffisamment">pollution</a>.</p>
<p>Voies dédiées aux bus et covoiturages, zones à faibles émissions, nouveaux transports en commun : les alternatives et les régulations visent la diminution des émissions et le « report » du trafic. En « apaisant » la circulation, en réduisant la part de l’espace motorisé, l’autoroute exclusive se transformera-t-elle en voie amène ? Le temps d’une <a href="https://www.lemonde.fr/blog/transports/2019/10/06/nuit-blanche-on-a-pedale-sur-le-periph/">« nuit blanche »</a>, en octobre 2019, les citadins ont déjà éprouvé ce possible de l’extraordinaire en arpentant le périphérique à pied ou à vélo, de la porte de la Villette à la porte de Pantin (19ᵉ arrondissement).</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/521003/original/file-20230414-22-nq983n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521003/original/file-20230414-22-nq983n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521003/original/file-20230414-22-nq983n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521003/original/file-20230414-22-nq983n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521003/original/file-20230414-22-nq983n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521003/original/file-20230414-22-nq983n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521003/original/file-20230414-22-nq983n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521003/original/file-20230414-22-nq983n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Difficile d’imaginer qu’un viaduc autoroutier occupait tout cet espace de Séoul au début des années 2000.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Cheonggyecheon#/media/File:CheonggyecheonSeoul.jpg">Grayswoodsurrey (2012)/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Ailleurs dans le monde, des projets ont reconverti radicalement des infrastructures. Le <a href="https://www.institutparisregion.fr/fileadmin/NewEtudes/Etude_1017/SEOUL_Cheonggyecheon_Expressway.pdf">cas de Séoul</a> est sans doute l’un des plus connus à ce jour. Un viaduc autoroutier de 6 kilomètres qui couvrait un ancien cours d’eau, y a été fermé au trafic puis démonté, la rivière restaurée et ses abords aménagés. L’opération, mûrement réfléchie par des collectifs associatifs et universitaires, a été décidée trois mois après l’élection en 2002 du maire de Séoul Mung-Bak Lee. Elle s’est achevée en 2005.</p>
<p>Les effets furent convaincants: évaporation du trafic, apparition d’îlots de fraîcheur, loisirs urbains. Elle a toutefois nécessité au préalable des changements profonds du système de <a href="https://www.institutparisregion.fr/fileadmin/DataStorage/user_upload/benchmark_mass_transit_rapport_FinalV2_20180727.pdf"><em>mass transit</em></a>, dont le plus spectaculaire a été la mise en place d’un réseau de bus à quatre vitesses sur voies dédiées à l’échelle de la métropole tout entière.</p>
<h2>Gouverner au-delà des murs</h2>
<p>En Île-de-France, il n’existe pas de municipalité élue à une vaste échelle. On objectera ainsi que la <a href="https://hal-sciencespo.archives-ouvertes.fr/hal-00973108v1/document">« gouvernance »</a> du Paris métropolitain, chargée en rivalités et en rapports de force, constitue un obstacle lourd à franchir pour tout projet de transformation d’envergure. Ce n’est pas nouveau : l’histoire de la région parisienne est faite d’oppositions et de coalitions, qu’ont pu surmonter des projets à grande échelle. La réalisation du métro du Grand Paris express montre aujourd’hui encore que les inerties et les résistances peuvent être dépassées.</p>
<p>Paris et les banlieues ont tout à gagner d’une solidarité renforcée autour du futur du périphérique. Penser au-delà des murs, c’est concevoir la ceinture de Paris non pas comme enceinte – frontière (de Paris), barrière (des banlieues), artère (régionale) – mais comme lieu d’une multiappartenance. Circulation, habitat, vivant : ces questions s’enchâssent dans un espace qui nécessite de le considérer à l’échelle du <a href="https://www.inventerlegrandparis.fr/">Grand Paris</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/521365/original/file-20230417-28-pik83r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521365/original/file-20230417-28-pik83r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521365/original/file-20230417-28-pik83r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521365/original/file-20230417-28-pik83r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521365/original/file-20230417-28-pik83r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521365/original/file-20230417-28-pik83r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521365/original/file-20230417-28-pik83r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521365/original/file-20230417-28-pik83r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les espaces verts de la région – Carte au 1/200 000.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.institutparisregion.fr/cartotheque/">Institut Paris Région</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>La crise environnementale invite à se ressaisir de la possibilité de recréer une grande respiration végétale à cet endroit. Dans un contexte où le droit se pensera de plus en plus selon les <a href="https://reseauactionclimat.org/les-pertes-et-dommages-consequences-irreversibles-du-changement-climatique/">« pertes et dommages »</a>, les impératifs de santé publique réorientent les priorités de l’aménagement. Sanctuariser les <a href="https://www.paris.fr/pages/de-la-ceinture-grise-a-la-ceinture-verte-comment-le-peripherique-va-se-metamorphoser-21145">talus et terre-pleins végétalisés</a> certes, mais aussi recréer au sein de la métropole, un système d’espaces libres, parcs et jardins, qui soit le patrimoine commun de ses 10 millions d’habitants.</p>
<p>André Malraux, Georges Valbon, <a href="https://journals.openedition.org/focales/333">Le Sausset</a>, La Plage Bleue : ces noms désignent les <a href="https://sacg.seinesaintdenis.fr/IMG/pdf/04_00_Schema_environnement_vert_S.E.V.E.S_Rapport.pdf">parcs départementaux</a> réalisés dans les années 1970 à Nanterre (Hauts-de-Seine), La Courneuve, Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), Valenton (Val-de-Marne), au moment où s’achevait le chantier du périphérique et alors que s’engageait une politique publique en faveur de l’environnement. Aménagés parfois dans des contextes difficiles, sur des friches, des délaissés, des terrains inconstructibles, ils forment aujourd’hui les maillons d’une infrastructure paysagère régionale qui ne demande qu’à s’agrandir.</p>
<p>La Seine fait ce mois-ci la couverture du <a href="https://time.com/6261729/seine-clean-up-paris-olympics-2024/"><em>Time Magazine</em></a>. Son écologie est en voie de restauration, bien au-delà des plaisirs vitaux de la baignade fluviale, salutaire au vu des étés de plus en plus <a href="https://interactive.afp.com/features/Demain-quel-climat-sur-le-pas-de-ma-porte_621/city/75056-Paris/">caniculaires</a> qui frapperont la capitale. Le périphérique sera-t-il l’autre grand projet de restauration d’une nature grand-parisienne ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203826/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Roseau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les mesures pour limiter la pollution visent notamment à répondre aux problèmes créés par des décennies de construction ininterrompue dans l'espace du périphérique.Nathalie Roseau, Professeure d’urbanisme, École des Ponts ParisTech (ENPC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2042542023-04-21T14:04:56Z2023-04-21T14:04:56ZUn nouveau projet de troisième lien entre Lévis et Québec, mais toujours pas d’études<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/522226/original/file-20230420-26-xg4ybr.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=50%2C0%2C4850%2C3528&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La ministre des Transports du Québec, Geneviève Guilbault, annonce que le gouvernement ne construira pas de troisième lien pour les voitures entre Lévis et Québec lors d'une conférence de presse, le 20 avril 2023 à Québec.</span> <span class="attribution"><span class="source">(La Presse Canadienne/Jacques Boissinot)</span></span></figcaption></figure><p>L’annonce de la CAQ, mercredi, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1973006/troisieme-lien-tunnel-quebec-levis-transport-collectif">à l’effet que le troisième lien autoroutier entre Québec et Lévis sera consacré exclusivement au transport en commun</a> est certes positive, mais il reste de nombreux questionnements en suspens, notamment en lien avec la viabilité même du projet.</p>
<p>C’est un pas dans la bonne direction. Cela fait en effet des mois que nous attendons d’en savoir plus sur les <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1918094/etudes-troisieme-lien-59-millions-opportunite-public-cache">études réalisées</a> dans le cadre de ce projet. <a href="https://www.lapresse.ca/debats/opinions/2022-01-15/abandonnons-le-projet-du-troisieme-lien-quebec-levis.php">De nombreux experts s’y étaient ouvertement opposés</a>. Mais une fois ce recul annoncé, il faudra bien faire face aux enjeux actuels, notamment les changements d’habitudes liés au télétravail, et articuler des éléments de solution pour aborder la mobilité dans la région de Québec.</p>
<p>Étant moi-même impliquée dans ce débat d’actualité, et experte en grands projets d’infrastructure publique, je ne peux prétendre à la neutralité. Ce que je peux avancer par contre, en me basant sur les données scientifiques et les recherches sur ces questions, c’est qu’il serait impératif à ce stade que les citoyens et membres de la société civile puissent accéder aux analyses et hypothèses, suggérer des solutions, voire remettre en question les fondements mêmes de ce projet.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/acceptabilite-sociale-il-faut-repenser-la-gouvernance-des-grands-projets-publics-183001">Acceptabilité sociale : il faut repenser la gouvernance des grands projets publics</a>
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<hr>
<h2>Déterminer les meilleures solutions</h2>
<p>Il y a des infrastructures vieillissantes. C’est établi. Le pont de Québec a plus de 100 ans, et le pont Pierre-Laporte, plus de 50 ans. Quant au pont Champlain, récemment déconstruit à Montréal, il aura survécu moins de 60 ans, quoique le nouveau devrait en théorie tenir 125 ans. Il y a un <a href="https://tramwaydequebec.info">projet de tramway au centre-ville de Québec</a> qui avance tant bien que mal depuis quelques décennies, qui converge et diverge au gré des acteurs politiques et des coalitions d’acteurs en place. Et il y a une transition écologique, qui demande une modification en profondeur des façons de travailler, de se transporter et de consommer. </p>
<p>Est-ce que creuser un tunnel, entre les centres-villes de Québec et de Lévis, même si cela permet seulement le transport en commun, est réellement la meilleure solution ? Quelles sont les alternatives ? Pourrions-nous prendre part à cette réflexion, nous les citoyens, membres de la société civile, et les experts sur ces questions ? </p>
<p>Pourquoi le parti au pouvoir, la CAQ, qui a défendu le projet du troisième lien malgré tous les avis d’experts et de la science, propose-t-il maintenant une nouvelle solution, sans que plus d’études soient rendues publiques ? Celles-ci devraient inclure des projections d’achalandage ainsi que les coûts et les bénéfices que ce projet pourra engendrer. Il serait intéressant et important de considérer ces enjeux de façon proactive et concertée, plutôt que de réagir et de se repositionner au gré des vagues de l’opinion publique. </p>
<h2>Prendre en compte les nouvelles données</h2>
<p>Il faut désormais considérer <a href="https://theconversation.com/acceptabilite-sociale-il-faut-repenser-la-gouvernance-des-grands-projets-publics-183001">l’acceptabilité sociale</a> dans les grands projets publics. On l’a vu récemment dans le cadre du <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1950451/rem-est-montreal-correspondances-train-leger">projet du REM de l’Est</a>. Les résidents vivant à proximité de l’infrastructure proposée en structure aérienne craignaient une perte de leur qualité de vie. Les acteurs clés de l’Est, les sociétés de transport et les municipalités impactées par le projet n’avaient pas été consultés, notamment sur l’arrimage entre le REM et les infrastructures existantes. </p>
<p>Le repositionnement du projet de troisième lien permet d’envisager une contribution importante du gouvernement fédéral. Ottawa inclut dans ses critères de financement les infrastructures de mobilité durable. </p>
<p>Cependant, au-delà de la solution envisagée, et mise de l’avant sans explications, il faut que le gouvernement caquiste prenne en compte les données sociales, environnementales et systémiques. Par exemple, il faut considérer les flux de transport de personnes, de matériel, mais également miser sur des incitatifs pour régulariser le trafic dans les heures de pointe, en considérant notamment ceux offerts aux fonctionnaires et aux personnes qui adoptent le transport en commun. Ces enjeux sont non seulement contemporains, ils sont extrêmement complexes et ne peuvent être appréhendés que par une seule perspective ou expertise.</p>
<h2>Il faut cesser de glorifier les grands projets</h2>
<p>Si on veut induire du changement, développer le réseau de transport en commun et limiter les coûts en lien avec les infrastructures publiques (autant pour les coûts de projets que de maintien des actifs sur leur durée de vie), on doit réfléchir à ces enjeux en commun, en amont, avec transparence et ouverture aux solutions alternatives, et ne pas improviser en cours de route. </p>
<p>Toute solution ne passe pas nécessairement par de nouvelles constructions. Nous devons être créatifs, et penser autrement, en nous guidant avec ce que la science, aussi interdisciplinaire soit-elle, a à offrir en termes de réponses.</p>
<p>Des grands projets publics, il faut en concevoir. Certains sont incontournables, d’autres sont vraiment intéressants en termes de bénéfices générés versus les coûts investis. Cependant, il faut arrêter de glorifier les grands projets et de vouloir en réaliser à tout prix, coûte que coûte. </p>
<p>La sobriété et la décroissance sont de plus en plus en vogue, et il serait intéressant d’entrevoir des solutions qui permettent de réellement diminuer notre empreinte et notre consommation énergétique. Par ailleurs, ceci n’est pas une vision seulement centrée sur Québec. Le mégachantier de refonte de l’autoroute métropolitaine à Montréal est actuellement en phase d’avant-projet, et <a href="https://www.alliium.com/">nous espérons que des idées audacieuses</a>, inspirées par la nature et rehaussant le bien-être des communautés, pourront influencer la conception et la revitalisation des infrastructures de mobilité urbaine d’aujourd’hui et de demain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204254/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Maude Brunet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il faut arrêter de glorifier les grands projets et de vouloir en réaliser à tout prix, mais privilégier la sobriété et la décroissance, afin de diminuer notre consommation énergétique.Maude Brunet, professeure de gestion de projet, HEC MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2031912023-04-13T17:49:53Z2023-04-13T17:49:53ZSéisme en Turquie : Pourquoi autant de dégâts et d’impuissance ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/519941/original/file-20230407-22-g3cadh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C8192%2C5457&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le tremblement de terre du 6&nbsp;février 2023, qui a frappé une zone frontalière turco-syrienne, a fait plus de 50&nbsp;000 morts.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/turkey-earthquake-kahramanmaras-gaziantep-adana-hatay-2261981611">FreelanceJournalist/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>À un mois de <a href="https://www.france24.com/fr/europe/20230310-pr%C3%A9sidentielle-en-turquie-l-opposition-unie-face-%C3%A0-un-erdogan-plus-fragilis%C3%A9-que-jamais">l’élection présidentielle en Turquie</a>, le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan essuie de nombreuses critiques du fait de sa gestion du <a href="https://theconversation.com/seisme-en-turquie-la-catastrophe-humanitaire-sexplique-aussi-par-la-corruption-generalisee-200568">tremblement de terre du 6 février dernier</a>, qui a provoqué un traumatisme national. Dans les heures suivant la catastrophe, la société civile s’est mobilisée en un temps record pour envoyer de l’aide humanitaire dans la région. L’État, lui, a semblé tétanisé, et n’a commencé à réagir qu’au bout de 48 heures.</p>
<p>Chacun a pu constater que l’État n’était pas vraiment préparé à un plan d’action d’urgence en cas de séisme de grande ampleur et que ses services étaient largement dysfonctionnels. Au-delà, la catastrophe a également mis en évidence les immenses lacunes de la Turquie en matière de mise en œuvre d’une urbanisation rationnelle tenant compte du <a href="https://theconversation.com/pourquoi-il-y-a-des-seismes-en-cascade-en-turquie-et-en-syrie-199350">risque sismique</a>.</p>
<p>Ce risque n’a pourtant rien de nouveau dans le pays, qui a déjà connu, par le passé, des secousses comparables, notamment le <a href="https://www.rfi.fr/fr/europe/20230207-la-turquie-une-longue-histoire-de-s%C3%A9ismes-d%C3%A9vastateurs">séisme d’Elazığ en 1939, qui avait causé la mort de 33 000 personnes</a>. Rien que depuis 1999, la Turquie a subi (si l’on tient compte du 6 février dernier) 11 tremblements de terre d’une magnitude de plus de 6 sur l’échelle de Richter, qui ont causé au total plus de 70 000 morts et des dégâts colossaux.</p>
<p>Pourquoi la Turquie n’arrive-t-elle toujours pas à mettre en place un système de construction fiable et solide et une politique urbanistique adaptée aux réalités géologiques ? Le 6 février en a tragiquement rappelé l’urgence, d’autant que les spécialistes indiquent qu’un séisme de grande ampleur <a href="https://www.courrierinternational.com/article/geologie-istanbul-tarde-a-se-premunir-contre-le-seisme-qui-vient">va très probablement bientôt frapper la métropole d’Istanbul</a> et ses 16 millions d’habitants…</p>
<h2>Cent ans d’urbanisation prenant très peu en compte les risques sismiques</h2>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-mouvements-2017-2-page-54.htm">L’urbanisation</a> a été une priorité de l’État dans les premières années suivant la fondation de la République (1923). Le gouvernement de Mustafa Kemal Atatürk avait alors convié des aménageurs français et allemands pour planifier et développer des villes, notamment la capitale <a href="https://books.openedition.org/ifeagd/2700?lang=fr">Ankara</a>, selon des normes modernes.</p>
<p>Néanmoins, dès la fin des années 1930, cette volonté s’est heurtée à deux phénomènes devenus endémiques jusqu’à nos jours : d’une part, le manque de moyens ; de l’autre, la spéculation et les intérêts fonciers des dirigeants eux-mêmes.</p>
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<p>Dès les années 1940, les politiques d’urbanisation et de logement sont pratiquement devenues lettre morte et les villes se sont développées d’une manière anarchique, les grandes métropoles se couvrant d’habitats informels (gecekondus). Si bien que, dans les années 1990, 72 % des habitants d’Ankara vivaient dans ce type de logements.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/519940/original/file-20230407-26-xepsrk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/519940/original/file-20230407-26-xepsrk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/519940/original/file-20230407-26-xepsrk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/519940/original/file-20230407-26-xepsrk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/519940/original/file-20230407-26-xepsrk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/519940/original/file-20230407-26-xepsrk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/519940/original/file-20230407-26-xepsrk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue de bidonvilles à Ankara.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cem Aytas/Shutterstock</span></span>
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<p>Mis à part quelques tentatives infructueuses, les gouvernements ont longtemps laissé faire, et n’ont pas tenté de transformer à grande échelle les gecekondus, craignant une sanction électorale dans ces zones fortement peuplées.</p>
<p>Cette position a évolué à la suite <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-reportage-de-la-redaction/turquie-ao%C3%BBt-1999-17-000-morts-en-moins-de-quarante-secondes-4517831">du grand tremblement de terre de 1999</a> dans la mer de Marmara près d’Istanbul, qui a causé la mort de 16 000 personnes et la destruction de 20 000 bâtiments, et de la <a href="https://www.persee.fr/doc/tiers_1293-8882_2003_num_44_175_5414">crise financière de 2001</a>, qui a provoqué une rupture politique et économique considérable.</p>
<p>Porté au gouvernement après la crise de 2001, le Parti de la justice et du développement (AKP) a massivement utilisé l’argument du risque sismique pour entreprendre de vastes projets urbains : transformation ou rénovation des quartiers informels ou vétustes, construction de grandes infrastructures comme des ponts, des autoroutes et des aéroports. L’idée était de relancer la croissance économique du pays en stimulant le secteur de la construction. Malheureusement, l’urbanisation rapide ainsi mise en œuvre n’a guère pris en compte les normes anti-sismiques, ce qui aurait pu sauver des milliers de vies au vu des séismes qui se sont produits par la suite et qui, pour la plupart, étaient prévisibles.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/519051/original/file-20230403-26-mwa3tf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/519051/original/file-20230403-26-mwa3tf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/519051/original/file-20230403-26-mwa3tf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/519051/original/file-20230403-26-mwa3tf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/519051/original/file-20230403-26-mwa3tf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/519051/original/file-20230403-26-mwa3tf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/519051/original/file-20230403-26-mwa3tf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Institution nationale des statistiques de Turquie (TÜIK).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les projets d’urbanisation ont souvent été justifiés par la nécessité d’adapter les bâtiments et infrastructures du pays aux risques sismiques mais, dans les faits, les normes correspondantes n’ont que très peu été appliquées, et ces projets ont surtout servi à enrichir les entreprises proches de l’AKP et, partant, à renforcer le pouvoir en place.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/520272/original/file-20230411-1531-2y20ky.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520272/original/file-20230411-1531-2y20ky.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=219&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520272/original/file-20230411-1531-2y20ky.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=219&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520272/original/file-20230411-1531-2y20ky.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=219&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520272/original/file-20230411-1531-2y20ky.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=275&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520272/original/file-20230411-1531-2y20ky.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=275&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520272/original/file-20230411-1531-2y20ky.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=275&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1111/1468-2427.12154">Erdi-Lelandais, 2014</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’urbanisation conduite par l’AKP a abouti à la destruction des gecekondus et au déplacement forcé de leurs habitants vers les marges des villes. Comme le montre le tableau ci-dessus, la construction de nouveaux bâtiments suite à une catastrophe naturelle comme le séisme est restée minime (0,1 %), la priorité étant donnée à l’édification d’immeubles générant de hauts profits et rapportant de l’argent à l’État (75,25 %).</p>
<h2>La centralisation des politiques d’urbanisme</h2>
<p>En termes de construction et de protection contre les désastres naturels, la Turquie possède un arsenal législatif couvrant l’ensemble des domaines de l’urbanisation.</p>
<p>Dès son arrivée au pouvoir, l’AKP décide de restructurer la gouvernance du marché immobilier et de l’urbanisme en renforçant le rôle des institutions étatiques dans ce secteur.</p>
<p>En 2003, il élargit les compétences de l’Administration des Logements Collectifs (TOKI), autorisée à édifier des logements sur les terrains appartenant à l’État. En 2004, la TOKI obtient le pouvoir de procéder à des expropriations dans les zones de rénovation urbaine, d’établir des partenariats avec des entreprises privées et des trusts financiers, et de développer des projets de transformation dans les zones de gecekondus. En 2007, elle devient la seule autorité responsable de la détermination des zones de construction et de la vente des terrains publics. Enfin, en 2012, la « loi sur la transformation des zones à risques de catastrophe » donne au gouvernement les mains libres pour entreprendre des projets de renouvellement, toujours via la TOKI, en utilisant l’argument du « risque ». Les propriétaires des logements situés dans des zones déclarées à risque sont obligés de les vendre à la municipalité ou de les démolir à leurs propres frais.</p>
<p>Depuis le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2017/04/16/le-premier-ministre-turc-proclame-la-victoire-du-oui-au-referendum-constitutionnel_5112199_3210.html">référendum constitutionnel de 2017</a>, le pouvoir politique est plus que jamais centralisé autour du président Erdogan qui gère plusieurs domaines comme la défense, le patrimoine national, les affaires religieuses voire la communication, via des décrets présidentiels, sans passer par le Parlement. Cette centralisation se reflète au niveau local : les mairies métropolitaines deviennent compétentes dans l’ensemble des départements où elles se trouvent, y compris les villages et les zones rurales. Elles peuvent entreprendre des actions d’expropriation ou changer la caractéristique des sols, ouvrant les zones agricoles à la construction.</p>
<h2>Clientélisme et corruption</h2>
<p>Si l’ultra-centralisation aurait pu fournir à l’État la possibilité d’améliorer l’ensemble du parc immobilier du pays de façon à le rendre plus résistant aux séismes, la législation n’a pas été utilisée en ce sens.</p>
<p>L’État a utilisé l’urbanisation et la construction pour faire des profits grâce au développement de projets dans des zones à haute valeur foncière, ces projets étant sous-traités à des entreprises privées de construction « amies » : Limak, Cengiz, Kolin, Kalyon et Makyol… Les dirigeants de ces entreprises figurent dans le cercle rapproché d’Erdogan et constituent ensemble la <a href="https://www.jstor.org/stable/2777096">« machine de croissance » urbaine</a> du pays, selon les termes du sociologue Harvey Molotch.</p>
<p>Le candidat de l’opposition à la prochaine élection présidentielle, <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/turquie/turquie-qui-est-kemal-kilicdaroglu-l-homme-qui-va-defier-recep-tayyip-erdogan-dans-les-urnes_5703293.html">Kemal Kılıçdaroğlu</a>, utilise la formule <a href="https://www.duvarenglish.com/erdogan-sues-main-opposition-chp-leader-kemal-kilicdaroglu-for-1-million-liras-for-calling-him-money-collector-of-five-construction-firms-news-60772"><em>Beşli Çete</em> (Gang des Cinq)</a> pour désigner ces entreprises. Celles-ci accumulent les contrats publics et se sont constitué, d’après l’opposition, une fortune d’environ 418 milliards de dollars attribués uniquement par l’État.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/JwoPBVOVdaE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Cette gouvernance où s’imbriquent et se chevauchent des liens amicaux, familiaux, économiques, financiers mais aussi politiques se retrouve non seulement dans la construction et les infrastructures physiques (transport, facilités portuaires, canalisation, approvisionnement en eau, etc.) mais aussi dans les infrastructures sociales (éducation, culture, technologie…). Mais le secteur de la construction est particulièrement marqué par le clientélisme. Jusqu’à récemment, les constructeurs pouvaient choisir eux-mêmes l’entreprise chargée d’inspecter la conformité de leurs bâtiments aux normes antisismiques.</p>
<p>Les intérêts financiers ont toujours dépassé l’intérêt public et le pouvoir a fermé les yeux pendant des années sur ces relations. Aucun système efficace, susceptible de sanctionner ces dérives, n’a été établi.</p>
<p>Depuis des années, des <a href="https://www.lefigaro.fr/international/turquie-le-seisme-revele-le-manque-d-anticipation-des-autorites-20230207">scientifiques annonçaient l’imminence d’un grand séisme dans la région</a>, mais le gouvernement a fait la sourde oreille et continué d’autoriser la construction de bâtiments au-dessus des lignes de faille.</p>
<p>Le comble a été <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/seisme-en-turquie-et-en-syrie/seisme-en-turquie-une-loi-d-amnistie-a-autorise-durant-plus-de-40-ans-la-construction-illegale-de-logements_5660081.html">l’adoption en 2018 d’une loi rendant légaux les bâtiments construits dans des zones à risques</a> illégalement et sans respecter les normes sismiques. Ce faisant, au lieu de consolider le bâti résistant au séisme, l’État a laissé en place de nombreux bâtiments mal conçus, ce qui a, de fait, augmenté le nombre de pertes humaines le 6 février dernier.</p>
<p>On l’aura compris : l’État turc actuel, ultra-centralisé, focalisé sur les intérêts financiers d’entreprises proches du pouvoir, voit ses institutions publiques de tous les niveaux pratiquement paralysées et incapables d’agir pour réduire les risques sismiques. À chaque niveau, l’accord des supérieurs hiérarchiques est nécessaire, ce qui empêche ainsi un fonctionnement souple. À titre d’exemple, l’envoi de soldats dans la zone du séisme du 6 février pour participer aux opérations de sauvetage a pris deux jours car (en partie à cause de la méfiance envers l’armée consécutive à la <a href="https://theconversation.com/erdogan-la-guerre-tous-azimuts-64916">tentative de putsch de 2016</a>) hormis le président Erdogan, personne n’était habilité à prendre cette décision. La transformation du fonctionnement du système politique et étatique en Turquie apparaît aujourd’hui plus nécessaire que jamais. Il aura fallu les dizaines de milliers de morts du 6 février pour que cette prise de conscience s’opère…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203191/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gülçin Erdi a reçu des financements de l'ANR France pour un projet de recherche sur les villes capitales (SPACEPOL) </span></em></p>Le bilan du tremblement de terre qui a dévasté le 6 février dernier une zone à cheval entre la Turquie et la Syrie s’explique en partie, côté turc, par des décennies d’urbanisation incohérente.Gülçin Erdi, Chargée de recherches CItés, TERritoires, Environnement, Sociétés (CITERES), CNRS, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1955062023-01-19T16:00:09Z2023-01-19T16:00:09ZLa fiscalité, un outil précieux pour résoudre la crise du logement<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/505177/original/file-20230118-16-izbt03.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2995%2C2061&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des manifestants réclament davantage de logements sociaux et abordables à Montréal, le 24 avril 2021. Une des manières d'y parvenir serait grâce à la fiscalité.</span> <span class="attribution"><span class="source">La Presse canadienne/Graham Hughes</span></span></figcaption></figure><p>La Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) a adopté le 24 novembre dernier sa <a href="https://cmm.qc.ca/communiques/la-cmm-se-dote-dune-premiere-politique-en-habitation/">première politique d’habitation</a>.</p>
<p>Celle-ci arrive dans un contexte de <a href="https://www.nbc.ca/content/dam/bnc/taux-analyses/analyse-eco/logement/housing-affordability.pdf">dégradation importante de l’abordabilité du logement dans de nombreuses villes canadiennes</a>. En effet, les coûts supportés par les ménages pour se loger dans les grandes villes canadiennes, dont Montréal, augmentent bien plus vite que leurs revenus.</p>
<p>Face à cet enjeu, la CMM propose plusieurs mesures visant à accroître l’offre de logements aux ménages montréalais, dont l'insuffisance est de plus en plus souvent signalée comme une des <a href="https://www.cmhc-schl.gc.ca/fr/lobservateur-du-logement/2022/retablir-labordabilite-dici-2030">causes de l’envolée de leurs prix</a>. Cette politique est donc bienvenue. Elle repose toutefois essentiellement sur la construction de nouveaux logements sociaux et privés, et sur la rénovation des logements plus anciens.</p>
<p>Professeur d’économie à l’ESG-UQAM et spécialiste des questions d’économie urbaine, je pense qu’une dimension importante est ignorée dans cette première politique métropolitaine d’habitation : l’utilisation de la fiscalité afin de s’assurer que tous les logements déjà existants soient effectivement mis à la disposition des Montréalais.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505178/original/file-20230118-7953-usmvs7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505178/original/file-20230118-7953-usmvs7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505178/original/file-20230118-7953-usmvs7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505178/original/file-20230118-7953-usmvs7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505178/original/file-20230118-7953-usmvs7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=571&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505178/original/file-20230118-7953-usmvs7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=571&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505178/original/file-20230118-7953-usmvs7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=571&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une femme brandit une pancarte réclamant plus de logements sociaux et abordables lors d’une manifestation à Montréal, le 24 avril 2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse canadienne/Graham Hughes</span></span>
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<h2>Construire et rénover des logements, pas si simple aujourd’hui</h2>
<p>Accroître le stock de logements de qualité en rénovant les anciens et en en construisant de nouveaux est sans aucun doute nécessaire. Mais dans le contexte actuel, <a href="https://www.cmhc-schl.gc.ca/fr/lobservateur-du-logement/2022/offre-logements-dans-6-grandes-villes-canada">il s’agit d’une avenue difficile et incertaine</a>.</p>
<p>En effet, les pénuries de main-d’œuvre n’épargnent pas le secteur de la construction. De plus, l’inflation et les perturbations dans les chaînes d’approvisionnement durant la pandémie ont engendré une augmentation importante des coûts de construction. Enfin, la hausse récente des taux d’intérêt risque de conduire les <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/230116/dq230116b-eng.htm">promoteurs à mettre certains projets sur la glace</a>.</p>
<p>Compte tenu des difficultés de recrutement dans le secteur de la construction, les <a href="https://www.cmhc-schl.gc.ca/fr/salle-de-presse/news-releases/2022/penurie-logements-canada-capacite-main-doeuvre-qualifiee">estimations sont peu optimistes</a> : il sera impossible pour la Colombie-Britannique, l’Ontario et le Québec de rétablir l’abordabilité d’ici 2030. De plus, des <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/grand-montreal/2022-12-03/crise-de-l-habitation/des-chantiers-sur-pause-malgre-la-penurie.php">lenteurs dans les processus administratifs d’octroi des permis de construire et des freins mis par les municipalités</a> <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/grand-montreal/2022-12-03/crise-de-l-habitation/des-chantiers-sur-pause-malgre-la-penurie.php">à certains projets immobiliers</a> sont parfois à regretter. D’autres leviers doivent donc être mobilisés en parallèle de la construction de nouveaux logements.</p>
<h2>Des logements existants indisponibles pour les résidents</h2>
<p>Le recensement de la population permet d’identifier le nombre de logements qui ne sont pas occupés par des « résidents habituels » : cela inclut les logements inoccupés, ceux détenus par des personnes dont la résidence principale se situe ailleurs au Canada ou à l’étranger, ou encore offerts sur les plates-formes de location à court terme, telles Airbnb. À Montréal, ce sont <a href="https://censusmapper.ca/maps/3055#8/45.346/-73.943">7,1 % des logements qui seraient dans cette situation en 2021</a>.</p>
<p>Des <a href="https://financialpost.com/real-estate/busting-the-myth-of-canadas-million-or-more-vacant-homes">débats existent concernant la part de ces logements qui pourraient être réellement rendus disponibles pour les résidents</a>. On sait que certains propriétaires préfèrent ne pas mettre les logements qu’ils détiennent sur le marché locatif à long terme. À cela plusieurs raisons : ils occupent temporairement ces logements à titre de résidences secondaires, ils trouvent plus rentable de les louer pour des courtes périodes, ou ils ne souhaitent pas avoir à gérer les parfois difficiles relations propriétaire-locataire. Dans tous les cas, le retrait de ces logements de l’offre immobilière peut conduire à aggraver les problèmes d’abordabilité.</p>
<p>De nombreuses études montrent qu’à <a href="https://www.bde.es/f/webpi/SES/seminars/2019/Fich/sie20191210.pdf">Barcelone</a>, <a href="https://www.diw.de/documents/publikationen/73/diw_01.c.796620.de/dp1890.pdf">Berlin</a>, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0094119021000383">Los Angeles</a> et dans l’ensemble des <a href="https://marketing.wharton.upenn.edu/wp-content/uploads/2019/08/09.05.2019-Proserpio-Davide-Paper.pdf">villes américaines</a>, l’arrivée d’Airbnb a contribué à l’augmentation des loyers et du prix de vente des logements.</p>
<h2>La taxation des logements vacants, un outil qui a fait ses preuves</h2>
<p>Afin d’inciter les propriétaires à mettre leurs logements vacants en vente ou en location de long terme, plusieurs villes ou pays ont eu recours à la fiscalité.</p>
<p>Au Canada, <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/national/2022-11-26/ottawa-commence-a-taxer-les-logements-vacants.php">Ottawa vient de mettre en place</a> une taxe sur les logements vacants dont les recettes serviront à financer la construction de logements abordables. Toronto, où le <a href="https://www.theglobeandmail.com/business/article-vacant-homes-are-on-the-rise-in-toronto-census-indicator-suggests/">nombre de logements vacants tend à augmenter</a>, aura également une <a href="https://www.toronto.ca/services-payments/property-taxes-utilities/vacant-home-tax/">taxe de ce type en 2023</a>. <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0047272719301409?fr=RR-2&ref=pdf_download&rr=7748ff1e28434bd1">L’évaluation d’une taxe sur les logements vacants mise en œuvre en France</a> à la fin des années 1990 montre qu’elle a permis de faire significativement baisser le taux de vacance.</p>
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<img alt="Vue extérieure d’un immeuble à condos" src="https://images.theconversation.com/files/505179/original/file-20230118-14-5sy7jz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505179/original/file-20230118-14-5sy7jz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505179/original/file-20230118-14-5sy7jz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505179/original/file-20230118-14-5sy7jz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505179/original/file-20230118-14-5sy7jz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505179/original/file-20230118-14-5sy7jz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505179/original/file-20230118-14-5sy7jz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Plusieurs appartements montréalais restent vacants ou louer seulement sur des plates-formes comme Airbn. Afin d’inciter les propriétaires à mettre leurs logements vacants en vente ou en location de long terme, plusieurs villes ou pays ont eu recours à la fiscalité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Son impact a été particulièrement fort dans les villes où le taux de vacance était élevé et pour les logements qui étaient vacants depuis longtemps. En Colombie-Britannique, une taxe sur la spéculation et les logements vacants a été mise en place en 2018. La Ville de Vancouver a pris au même moment d’autres mesures sur les logements vacants et sur les locations à court terme. <a href="https://www.bcrea.bc.ca/wp-content/uploads/Speculation-and-Vacancy-Tax.pdf">Une étude montre un ralentissement des prix de l’immobilier peu de temps après</a>, surtout à Vancouver, où la situation était particulièrement critique.</p>
<h2>Taxer aussi les terrains vacants</h2>
<p>Par ailleurs, il arrive que les promoteurs immobiliers achètent des terrains, mais n'y construisent pas immédiatement. Ils attendent pour le faire des conditions de marché plus favorables afin de réaliser des profits plus élevés. C’est ce que l’on appelle le « land banking », et cela contribue également à aggraver la pénurie de logements.</p>
<p>Afin de contrer ce phénomène, une taxe exceptionnelle sur les terrains vacants pourrait être utile. De manière générale, une réforme de la fiscalité foncière conduisant à un <a href="https://www.ledevoir.com/opinion/idees/699180/point-de-vue-reformer-l-impot-foncier-pour-accroitre-l-offre-de-logements">taux de taxe (beaucoup) plus élevé sur les terrains que sur les bâtiments</a> stimulerait la <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/abs/10.1086/NTJ41789240">construction de logements et la densification de ces derniers</a>.</p>
<p>En effet, lorsque le taux de taxe sur les terrains est plus élevé, il devient avantageux de construire plus de logements sur chaque parcelle afin de répartir la taxation du terrain entre un nombre plus élevé de propriétaires. Cette évolution est préférable à la <a href="https://www.ledevoir.com/societe/transports-urbanisme/773973/ces-villes-qui-taxent-la-densite">taxation majorée des immeubles de six étages ou plus que plusieurs municipalités du Grand Montréal mettent ou souhaitent mettre en œuvre</a>. Cette dernière décourage en effet la densification urbaine, qui est pourtant souhaitable pour accroître l’offre de logements tout en respectant au mieux les limites environnementales.</p>
<p>Il est certain que de tels changements de la fiscalité foncière ne feraient pas que des heureux. <a href="https://doodles.mountainmath.ca/blog/2020/12/07/what-to-expect-from-an-empty-homes-tax/">De plus, la fiscalité ne résoudra pas à elle seule la pénurie de logements</a>.</p>
<p>Mais taxer les logements et les terrains vacants est un moyen efficace de s’assurer que le stock de logements et de terrains existants est utilisé au mieux. La fiscalité fait partie des outils à activer pour créer un écosystème du logement qui favorise l’abordabilité. Cela permettrait par ailleurs, le temps que les propriétaires adaptent leur comportement, de dégager des ressources utiles pour le financement de nouveaux logements abordable pour les ménages.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195506/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florian Mayneris a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences humaines. </span></em></p>Les coûts supportés par les ménages pour se loger dans les grandes villes canadiennes augmentent bien plus vite que leurs revenus. Une fiscalité innovante pourrait aider à résoudre la crise du logement.Florian Mayneris, Professor, Urban Economics, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.