tag:theconversation.com,2011:/nz/topics/yannick-jadot-71438/articlesYannick Jadot – The Conversation2022-05-11T18:47:08Ztag:theconversation.com,2011:article/1816362022-05-11T18:47:08Z2022-05-11T18:47:08ZSources d’information et orientation politique : ce que nous apprend Twitter<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/458900/original/file-20220420-18-p2mos4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=134%2C0%2C5321%2C3699&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption"></span> </figcaption></figure><p>Plusieurs études du discours médiatique ont mis en lumière, par des analyses quantitatives et qualitatives, des soutiens à peine voilés de <a href="https://lesfocusdulcp.wordpress.com/2022/01/26/lelection-presidentielle-2022-vue-par-cyril-hanouna-1-la-pre-campagne-automne-2021/">certains médias envers certains courants politiques</a>. Et si l’on inversait la question ? Bien qu’on ait tendance à considérer, par exemple, qu’un lecteur régulier du Figaro s’oriente politiquement à droite, peut-on établir des corrélations à grande échelle entre choix de sources d’information et orientation politique ?</p>
<p>Des études basées sur des enquêtes d’opinion ont montré notamment la part grandissante des réseaux sociaux dans la diffusion de l’information et le rôle qu’ils jouent dans la formation de l’opinion publique depuis une décennie, à l’image des évolutions observées lors de deux dernières élections aux États-Unis (voir <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/les-effets-des-reseaux-sociaux-dans-les-campagnes-electorales-americaines">ici</a> et <a href="https://larevuedesmedias.ina.fr/les-partis-politiques-sur-les-reseaux-sociaux-un-entre-soi">ici</a>).</p>
<p>Les médias traditionnels ont intégré cette donnée et utilisent les réseaux sociaux en se faisant l’écho des discussions qui y ont lieu mais aussi en y diffusant des informations via des comptes dédiés.</p>
<p>Nous pouvons alors utiliser les données massives que fournissent ces plates-formes pour obtenir, de façon automatique, une cartographie des pratiques d’information en fonction de l’orientation politique des usagers. Nous essayons ainsi de répondre à la question « Qui lit/écoute/regarde quoi ? » en fonction de son orientation politique.</p>
<p>Dans ce but nous avons observé, depuis septembre 2021, presque 22 millions d’utilisateurs de Twitter qui suivaient (<em>follow</em>), au moins, un candidat à l’élection présidentielle de 2022 en France, et/ou le compte Twitter de 20 médias parmi les plus importants du pays, tous formats confondus (TV, radio, Internet, presse traditionnelle). Sur ce total de 22 millions, seulement 11 millions suivaient au moins l’un des candidats (le reste ne suivant aucun candidat, et uniquement un ou ou plusieurs des médias retenus).</p>
<p>Le choix de Twitter est motivé, d’une part, par le fait que la plate-forme facilite l’accès aux données pour la recherche. D’autre part, la nature des billets postés (<em>tweets</em>) – nombre de caractères limités, utilisation des mots clés (<em>hashtags</em>), rapidité de réaction des utilisateurs – permet de tirer des informations sur les usagers sans avoir recours à des techniques plus compliquées d’analyse textuelle.</p>
<p>Nous avions suivi une procédure similaire pour analyser l’évolution du paysage politique au cours des <a href="https://epjdatascience.springeropen.com/articles/10.1140/epjds/s13688-021-00285-8">dernières élections présidentielles argentines</a>, en 2015 et en 2019.</p>
<p>Après avoir filtré les utilisateurs « actifs », c’est-à-dire, ceux qui publient des tweets sur la plate-forme ou qui relayent (<em>retweet</em>) ceux des autres, nous avons détectés ceux qui déclarent être localisés en France.</p>
<p>Nous avons ensuite classé les usagers en fonction du candidat soutenu, en considérant comme indicateur de « soutien » le fait de produire un retweet direct (sans ajouter de commentaire) des tweets du candidat en question.</p>
<p>Nous avons aussi créé une catégorie « partisan ». Nous y avons rangé les usagers dont plus de 75 % des retweets d’aspirants à la magistrature suprême correspondent à un même candidat. Par exemple, une personne dont 75 % des retweets de candidats sont des messages postés par Valérie Pécresse est considérée comme partisane de cette dernière.</p>
<p>De la même façon, nous avons identifié les usagers ayant un « média préférentiel », c’est-à-dire un média qui concentre plus de 75 % de leurs retweets de différents médias.</p>
<p>Pour l’analyse du comportement des partisans, nous avons choisi de ne retenir que les comptes qui déclarent être situés en France. Les utilisateurs ont la possibilité de remplir eux-mêmes, sur leur profil, un champ indiquant où ils se trouvent géographiquement. Cette déclaration étant facultative sur Twitter, il n’y a qu’une minorité d’utilisateurs qui déclarent une localisation. Suivant une méthode <a href="https://epjdatascience.springeropen.com/articles/10.1140/epjds/s13688-021-00285-8">déjà testée dans une étude similaire</a>, nous cherchons sur le profil des utilisateurs, une mention (pays, région, ville) permettant de les situer en France. Ce critère strict réduit notre base de données mais nous permet de diminuer l’effet des biais potentiellement introduits par des comptes étrangers et/ou automatisés.</p>
<p>Ainsi, au 20 mars 2022, à moins de trois semaines du premier tour, 3,7 % des 11 millions de comptes étudiés – soit environ 400 000 comptes – se déclarent en France.</p>
<h2>La distribution des données pour chaque candidat</h2>
<p>La Figure 1, montre le total de followers des différents candidats et leur classification, au 20 mars 2022. On peut voir comment se distribuent les presque 11 millions de followers de candidats ainsi que la population correspondant aux différents filtres appliqués.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/460297/original/file-20220428-13-cmtcm8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Statistiques des différentes catégorisations des followers des candidats" src="https://images.theconversation.com/files/460297/original/file-20220428-13-cmtcm8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/460297/original/file-20220428-13-cmtcm8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=217&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/460297/original/file-20220428-13-cmtcm8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=217&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/460297/original/file-20220428-13-cmtcm8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=217&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/460297/original/file-20220428-13-cmtcm8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=273&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/460297/original/file-20220428-13-cmtcm8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=273&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/460297/original/file-20220428-13-cmtcm8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=273&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"><strong>Figure 1.</strong> <strong>Followers</strong> : total des comptes qui suivent le candidat sur Twitter. <strong>Actifs</strong> : followers qui suivent le candidat et publient des posts (tweets) ou transfèrent (retweet) ceux des autres utilisateurs. <strong>Exclusifs</strong> : comptes Twitter qui suivent exclusivement le candidat. <strong>Actifs & exclusifs</strong> : comptes qui suivent exclusivement le candidat et qui sont actifs (tweet et/ou retweet). <strong>Partisans</strong> : comptes Twitter dont plus de 75 % des retweets correspondent au candidat. <strong>Partisans & « en France »</strong> : partisans localisés en France. Noter que l’échelle verticale est logarithmique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rémi Perrier/LPTM</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>On observe que pour le candidat Macron, sur un total de 7,6 millions de followers, il y a environ 2,6 millions de followers exclusifs (qui suivent Emmanuel Macron mais aucun autre candidat, ni média de la liste) et qui ne retweetent jamais.</p>
<p>Ceci pourrait s’expliquer, puisqu’il s’agit du président sortant. Il est naturel que des utilisateurs soucieux de suivre l’actualité présidentielle s’abonnent au compte du locataire de l’Élysée, sans pour autant s’en sentir politiquement proches.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/460562/original/file-20220429-19-f6iayg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Pourcentage de followers exclusifs et de partisans de chaque candidat" src="https://images.theconversation.com/files/460562/original/file-20220429-19-f6iayg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/460562/original/file-20220429-19-f6iayg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=717&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/460562/original/file-20220429-19-f6iayg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=717&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/460562/original/file-20220429-19-f6iayg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=717&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/460562/original/file-20220429-19-f6iayg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=901&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/460562/original/file-20220429-19-f6iayg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=901&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/460562/original/file-20220429-19-f6iayg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=901&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Rémi Perrier/LPTM</span></span>
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<p>Le Tableau 1 (ci-contre) donne le pourcentage des followers parmi les 11 millions de comptes analysés, qui ont décidé de suivre exclusivement un seul candidat (ni autre candidat, ni aucun des médias considérés). Ces comptes ne sont pas nécessairement des partisans (ces derniers étant définis par des retweets majoritaires du candidat), en revanche ils manifestent une attention particulière pour le candidat.</p>
<p>Ainsi, mis à part le cas déjà évoqué du président candidat, ce tableau met en évidence des pourcentages élévés d’attention exclusive envers Éric Zemmour, suivi par Marine Le Pen et Jean Lasalle. Tous les autres candidats ayant moins de 10 % de followers exclusifs.</p>
<h2>Quels partisans suivent quels médias ?</h2>
<p>La Figure 2 (ci-dessous) montre la proportion des partisans des différents candidats qui ont décidé de suivre sur Twitter les informations diffusées par les différents médias. Il faut, par exemple, la lire ainsi : « 39 % des partisans de Nathalie Arthaud sont abonnés au compte Twitter de Médiapart ».</p>
<p>On voit que l’attention des partisans est majoritairement captée par des quotidiens nationaux de presse écrite (y compris en ligne, comme @Médiapart), ainsi que par l’Agence France-Presse.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/460307/original/file-20220428-24-o1h590.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Pourcentages des partisans localisés en France qui suivent les différents médias" src="https://images.theconversation.com/files/460307/original/file-20220428-24-o1h590.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/460307/original/file-20220428-24-o1h590.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/460307/original/file-20220428-24-o1h590.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/460307/original/file-20220428-24-o1h590.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/460307/original/file-20220428-24-o1h590.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/460307/original/file-20220428-24-o1h590.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/460307/original/file-20220428-24-o1h590.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"><strong>Figure 2.</strong> Pourcentages des partisans localisés en France qui suivent les différents médias. Chaque case représente le pourcentage des partisans du candidat, indiqué sur la ligne, qui suivent le média indiqué sur la colonne. La colonne tout à droite indique le pourcentage de partisans qui ne suivent aucun média, pour chaque candidat. Pour améliorer la lisibilité, les candidats ont été classés de l’extrême gauche en haut à l’extrême droite en bas, et un code couleur est attribué aux pourcentages qui sont lisibles dans chaque case. L’échelle de couleur est présentée à droite du tableau et indique que plus la couleur vire au jaune, plus le pourcentage est élevé. Noter que le total par ligne ne fait pas 100 % car un même partisan peut suivre plusieurs médias.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rémi Perrier/LPTM</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Sans surprise, on observe que le compte du journal <em>Le Monde</em> (@lemondefr) est très suivi, notamment par des partisans des candidats Anne Hidalgo, Yannnick Jadot et Valérie Pécresse, tandis que celui du <em>Figaro</em> (@Le_Figaro) est nettement préféré par les partisans de Valérie Pécresse.</p>
<p>On remarque que les partisans de Valérie Pécresse suivent le compte de BFM (@BFMTV) et celui du <em>Parisien</em> (@le_Parisien) beaucoup plus que les autres.</p>
<p>Finalement, la couleur nettement plus sombre de la partie inférieure du tableau fait ressortir le fait qu’en général, les partisans des candidats d’extrême droite suivent beaucoup moins les comptes des médias que les autres.</p>
<p>On observe surtout une prédominance des comptes des chaînes d’information en continu (@BFMTV, @CNews) chez ces partisans, préférées aux quotidiens nationaux.</p>
<h2>Quels partisans relayent les messages de quels médias ?</h2>
<p>Si l’on s’intéresse à l’adhésion que les partisans des candidats expriment par rapport aux informations diffusées par les comptes des médias, le paysage change radicalement.</p>
<p>La Figure 3 donne la proportion des partisans des différents candidats qui ont relayé (retweet) les informations publiées sur Twitter par les différents médias. Il faut, par exemple, la lire ainsi : « 32,2 % des partisans de Fabien Roussel ont retweeté au moins une fois un tweet de BFMTV ».</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/460308/original/file-20220428-14-28ps66.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Pourcentages partisans en France qui retweetent les différents médias" src="https://images.theconversation.com/files/460308/original/file-20220428-14-28ps66.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/460308/original/file-20220428-14-28ps66.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/460308/original/file-20220428-14-28ps66.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/460308/original/file-20220428-14-28ps66.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/460308/original/file-20220428-14-28ps66.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/460308/original/file-20220428-14-28ps66.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/460308/original/file-20220428-14-28ps66.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"><strong>Figure 3.</strong> Pourcentages partisans localisés en France qui retweetent les différents médias. Chaque case représente le pourcentage des partisans du candidat, indiqué sur la ligne, qui relayent les tweets du média indiqué sur la colonne. Pour améliorer la lisibilité, les candidats ont été classés de l’extrême gauche en haut à l’extrême droite en bas, et un code couleur est attribué aux pourcentages qui sont lisibles dans chaque case. L’échelle de couleur est présentée à droite du tableau et indique que plus la couleur vire au jaune, plus le pourcentage est élevé. Noter que le total par ligne ne fait pas 100 % car un même partisan peut relayer les tweets de plusieurs médias.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rémi Perrier/LPTM</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On observe une nette prédominance de retweets des chaînes d’information en continu. Il faut noter que celles-ci ont tendance à publier plus de contenu vidéo que les comptes de la presse traditionnelle, ce qui peut contribuer au résultat observé.</p>
<p>Cependant, il est intéressant de remarquer que, à l’exception des partisans de Fabien Roussel, cette tendance à relayer les chaînes d’information en continu s’accentue chez les partisans de candidats de droite et d’extrême droite.</p>
<p>On voit aussi que les comptes des radios publiques, @franceinter et @franceinfo, sont nettement plus relayés par les partisans d’Anne Hidalgo et de Yannnick Jadot que par les partisans des autres candidats.</p>
<h2>Quels partisans relayent <em>exclusivement</em> les messages de quels médias ?</h2>
<p>Les partisans ayant un média préférentiel, en se limitant à relayer les messages de ce dernier, révèlent un fort alignement avec l’orientation éditoriale du média en question.</p>
<p>La Figure 4 (ci-dessous) montre la proportion des partisans du candidat correspondant à chaque ligne ayant relayé majoritairement les tweets des médias indiqués sur les colonnes. Il faut ainsi lire : « 3,3 % des partisans de Yannick Jadot ont France Inter pour média préférentiel ».</p>
<p>En général, le pourcentage de partisans concentrés sur un unique média est faible. Les plus grandes proportions de partisans se concentrant sur peu de médias se trouvent à l’extrême droite du spectre politique.</p>
<p>Ce phénomène évoque les <a href="https://www.pnas.org/doi/full/10.1073/pnas.2023301118">« chambres d’écho »</a> observées sur les réseaux sociaux : les utilisateurs sont confrontés à des opinions similaires ou à des informations issues d’un nombre très restreint de sources, qui encadrent et renforcent un récit commun.</p>
<p>Comme sur la Figure 3, on retrouve la prééminence de @BFM et @CNews et on peut clairement observer l’inversion des préférences entre les partisans de Marine Le Pen et d’Éric Zemmour : les premiers suivent davantage BFM, tandis que le seconds sont davantage amateurs de CNews, en accord avec les <a href="https://lesfocusdulcp.wordpress.com/2022/01/26/lelection-presidentielle-2022-vue-par-cyril-hanouna-1-la-pre-campagne-automne-2021/">études qui ont suivi les nombreuses polémiques</a> concernant un excès d’attention de @CNews pour ce dernier.</p>
<p>Finalement, on note (figures 2 à 4) que les partisans de l’extrême gauche et de l’extrême droite ont un comportement assez différent par rapport aux médias. Tandis que ceux de l’extrême droite concentrent leur attention sur peu de médias, ceux de l’extrême la gauche se distribuent sur un panel bien plus large.</p>
<p>Cette simple analyse statistique de données publiques fournit une cartographie qui permet de mesurer des tendances générales dans le choix fait par les partisans des différents candidats concernant l’accès à l’information et sa diffusion.</p>
<p>Même si les résultats sont limités aux utilisateurs de Twitter, la mesure de leur rapport aux médias traditionnels donne un socle sur lequel baser les discussions concernant le rôle des médias dans la formation de l’opinion en période électorale.</p>
<hr>
<p><em>Ce travail a été financé en partie par le projet OpLaDyn (Trans-Atlantic Platform Digging into Data Challenge : 2016-147 ANR OPLADYN TAP-DD2016) et le Labex MME-DII (contrat No. ANR Référence 11-LABEX-0023).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181636/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elle a reçu des financements de ANR. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Rémi Perrier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une analyse massive des données de Twitter permet de caractériser les préférences en matière d’information des sympathisants des différents candidats à l’élection présidentielle.Laura Hernandez, MCF-HDR Physique. Thèmes de recherche: application des notions et méthodes de Physique à l'étude des problèmes presentant des structures et dynamiques complexes, tout domaine disciplinaire confondu., CY Cergy Paris UniversitéRémi Perrier, Doctorant en systèmes complexes, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1808202022-04-07T19:01:31Z2022-04-07T19:01:31ZÉlection présidentielle : deux conceptions de la souveraineté s’affrontent<p>L’appréciation de l’engagement européen des candidats joue-t-elle un rôle fondamental aux yeux des électeurs lors du premier tour de l’élection présidentielle française ? On désigne par cette expression d’engagement européen la représentation politique selon laquelle l’Europe n’est pas un problème mais une solution, tant pour la France que pour chacun des pays membres de l’UE. Le scrutin de ce dimanche apportera un début de réponse à cette question.</p>
<p>Cette campagne partage avec la précédente, tenue en 2017, une particularité. Jusque-là, huit des neuf <a href="https://www.france-politique.fr/elections-presidentielles.htm">élections présidentielles</a> organisées au suffrage universel depuis la mise en place de la V<sup>e</sup> République (l’exception étant celle de 1969) avaient vu au moins deux candidats identifiables par leur engagement européen obtenir au moins 15 % des suffrages au premier tour. Ce ne fut plus le cas en 2017, et ne le sera sans doute pas en 2022. Quelles conclusions en tirer ?</p>
<h2>Le rôle de l’engagement européen dans les premiers tours</h2>
<p>En 2017, un seul candidat présent au premier tour était identifiable avant tout par son engagement européen. Il arriva en tête au premier tour avant de l’emporter au second.</p>
<p>En 2022 ils sont deux identifiables au premier tour par leur engagement européen : Emmanuel Macron (LREM, président sortant) et Yannick Jadot (EELV). Ce positionnement idéologique est cohérent avec la situation de leur famille politique respective dans le paysage politique européen. LREM appartient à l’eurogroupe parlementaire <a href="https://www.reneweuropegroup.eu/fr">Renew Europe</a> ; EELV est membre de l’eurogroupe parlementaire <a href="https://www.greens-efa.eu/dossier/accueil/notre-groupe/">Les Verts/ALE</a>. Ces deux groupes sont les plus favorables à ce que les politiques publiques soient autant que possible déterminées à l’échelle de l’UE.</p>
<p>Lors des <a href="https://www.europarl.europa.eu/election-results-2019/fr">élections européennes de 2019</a>, cette caractéristique a favorisé, avec d’autres, les <a href="https://www.jean-jaures.org/publication/europeennes-2019-le-territoire-dune-societe-politique/">gains en voix et en sièges</a> de ces deux groupes politiques européens au détriment des familles qui s’y partageaient le pouvoir depuis 1979, les socialistes (<a href="https://www.socialistsanddemocrats.eu/fr">groupe S&D</a>) et les conservateurs (<a href="https://www.eppgroup.eu/fr/">groupe PPE</a>). En 2022 comme en 2017, Emmanuel Macron est toutefois à nouveau le seul candidat caractérisé par son engagement européen susceptible d’obtenir au moins 15 % des suffrages ; Yannick Jadot est crédité pour sa part d’intentions de vote inférieures à 10 %.</p>
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<p>Deux candidates sont issues des formations qui ont gouverné la France jusqu’en 2017 et co-conduit la construction européenne depuis la naissance de la CEE : Valérie Pécresse, candidate de la droite de type PPE, et Anne Hidalgo, candidate de gauche de type S&D. Elles se caractérisent l’une et l’autre par un positionnement ambigu quant à l’engagement européen. Cette double ambiguïté s’inscrit dans les <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2013-6-page-1081.htm">« sécessions partisanes »</a> qui sur l’Europe travaillent les familles gaullistes et socialistes françaises depuis un demi-siècle.</p>
<p>Ainsi, Anne Hidalgo <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2021/12/16/pour-vivre-mieux-un-projet-social-et-ecologiste/">rejette</a> comme étant « de droite » les politiques publiques européennes mises en place depuis vingt ans, quand bien même cette période inclut le mandat de François Hollande et de sa majorité parlementaire PS ; elle rejette aussi la législation européenne sur les aides d’État et sur la concurrence, qui forme l’un des soubassements de la construction européenne depuis le traité de Rome, et que tous les gouvernements socialistes français comme la Commission européenne présidée par le socialiste Jacques Delors ont co-construit. Valérie Pécresse, pour sa part, s’est par exemple engagée à <a href="https://www.sudouest.fr/politique/valerie-pecresse-conteste-la-primaute-du-droit-europeen-6553376.php">remettre en cause la primauté du droit européen</a> dans plusieurs domaines en cas de victoire.</p>
<p>Ce manque de clarté des programmes LR et PS tranche avec la netteté des doctrines européennes proposées par les autres candidats. En 2022, si l’on se fie aux enquêtes, le second tour opposera deux candidats dont les doctrines européennes sont sans ambiguïté : un candidat européiste (l’UE est une solution) et un candidat eurosceptique (l’UE est un problème), qu’il soit d’extrême droite (Marine Le Pen) ou de gauche radicale (Jean‑Luc Mélenchon). Ce fut déjà le cas en 2017 lors du duel entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen.</p>
<h2>2022 : du clivage sur l’Europe au clivage sur la souveraineté</h2>
<p>En ce qui concerne les questions relatives à l’UE, un second tour Macron-Le Pen, présenté comme le plus probable en 2022, ne serait pourtant pas la répétition du second tour Macron-Le Pen de 2017. Le clivage s’est, en effet, affiné.</p>
<p>En 2017, les mots et les cadres de pensée étaient encore ceux qui avaient dominé la vie politique européenne depuis son origine dans les années 1950. Adversaires et promoteurs de la construction européenne se retrouvaient dans l’idée que la souveraineté du peuple ne pouvait qu’être nationale ; la construction européenne était ou bien un déni de la souveraineté (soit du demos, soit de l’État), ou bien une délégation de la souveraineté dans le cadre d’une fédération d’États-nations (selon l’expression de Jacques Delors). Schématiquement, il y avait donc des eurosceptiques (<a href="http://journals.openedition.org/ress/2996">soit de gauche soit de droite</a>) et des européistes fédéralistes.</p>
<p>En 2022, il n’y a plus en France (comme dans l’UE d’ailleurs) de grand parti dont l’euroscepticisme se décline en europhobie (« europhobie » signifiant ici le projet de sortir de l’UE ou, à tout le moins, de sortir de la zone euro). En 2022, aucun des candidats souverainistes n’a de programme explicitement europhobe. En 2017, Marine Le Pen prônait le Frexit. En 2022, non. Dans l’intervalle, la réalité du Brexit a rendu peu attractive la perspective d’une sortie de la France de l’UE. Par ailleurs, la crédibilité de la défense du pouvoir d’achat affirmée dans le programme lepéniste dès 2017 était affaiblie par le projet du retour au franc. Prôner cette option avait notamment rendu méfiants ceux des épargnants et des retraités qui pouvaient être intéressés par d’autres éléments du programme du RN. Marine Le Pen en est donc <a href="https://www.challenges.fr/politique/l-acrobatique-conversion-de-marine-le-pen-a-l-euro_798320">revenue</a> dans son programme pour 2022.</p>
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<p>Ainsi, la différence entre les aspects souverainistes des partis de droite de type PPE, notamment LR, et le souverainisme des partis de droite radicale et extrême de type <a href="https://ecrgroup.eu/">CRE</a> et <a href="https://fr.idgroup.eu/">I&D</a> (groupe Identité et démocratie au Parlement européen, auquel est affilié le Rassemblement national), s’est amenuisée. Si des différences de degrés parfois très importantes subsistent sur des questions comme la liberté de circulation des biens et le marché unique, que Marine Le Pen <a href="https://www.lesechos.fr/elections/candidats/presidentielle-marine-le-pen-prend-le-risque-dun-frexit-de-fait-1398414">remet en cause</a>, ils prônent l’un comme l’autre une re-nationalisation de plusieurs politiques publiques aujourd’hui mutualisées dans l’UE, et contestent l’ordre juridique européen comme la supranationalité.</p>
<p>Dans le même temps, les divergences sur l’Europe entre le programme de Jean‑Luc Mélenchon, candidat de la gauche radicale (LFI est au Parlement européen affiliée au groupe <a href="http://europe.jean-luc-melenchon.fr/du-cote-du-groupe-guengl/">Gauche unitaire européenne)</a>, et Anne Hidalgo, candidate de la gauche socialiste, sont devenues des différences. Car, contrairement à 2017, l’euroscepticisme de La France Insoumise <a href="https://melenchon2022.fr/plans/europe/">ne débouche plus</a> sur un plan B de sortie de l’euro voire de l’UE.</p>
<p>Nonobstant leurs différences, les eurosceptiques de la gauche radicale d’une part et de l’extrême droite d’autre part ont en partage leur critique récurrente de la supranationalité au nom du peuple, ainsi que de la Commission européenne au nom de leur rejet des élites. Les uns comme les autres annoncent que la France ne respectera plus les lois ou les traités européens pour mettre en œuvre les mesures de leurs programmes respectifs. Alors que l’UE fonctionne selon le principe du compromis et du consensus entre ses membres, il s’agirait pour eux que la France reste dans l’UE en y faisant cavalier seul sans se soucier de son caractère collectif. Mais la sortie de l’UE, répétons-le, n’est plus à l’ordre du jour. La situation européenne d’une France gouvernée par un mouvement eurosceptique ferait alors en quelque sorte écho à celles de la <a href="https://information.tv5monde.com/info/bras-de-fer-entre-la-pologne-et-l-ue-que-signifie-la-primaute-du-droit-europeen-429122">Pologne</a> et de la <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/etat-de-droit-bruxelles-engage-des-mesures-de-retorsion-contre-la-hongrie-1398678">Hongrie</a> ces <a href="https://theconversation.com/bras-de-fer-entre-bruxelles-et-varsovie-comprendre-la-strategie-des-autorites-polonaises-169665">dernières</a> années.</p>
<h2>Souveraineté de la France par l’UE ou malgré l’UE ?</h2>
<p>Entre 2017 et 2022, une bifurcation a donc eu lieu. Alors que plus personne ne conteste l’existence de l’Union européenne et de l’existence de l’Europe comme société et comme société politique, en 2022 la campagne du premier tour oppose deux conceptions de la souveraineté (de l’État comme du peuple). C’est-à-dire de la capacité d’un pays (une société et son État) à ne dépendre autant que possible que de lui-même et à être autonome dans l’interdépendance.</p>
<p>C’est pourquoi, entre 2017 et 2022, une notion jusqu’alors oxymorique pour les classes politiques a fait son entrée dans le débat politique : la souveraineté européenne. Celle-ci devient même, dans la <a href="https://www.consilium.europa.eu/media/54777/20220311-versailles-declaration-fr.pdf">déclaration de Versailles</a> du 11 mars dernier, un bien collectif à garantir par l’action publique des 27 à l’échelle de l’UE.</p>
<p>Avec Macron – ou Jadot –, la souveraineté nationale de la France tend à être garantie par la mutualisation de la souveraineté entre États-nations au sein de l’UE et par son régime politique supranational – donc par l’exercice d’une souveraineté européenne par l’UE. Avec Le Pen ou Mélenchon, la souveraineté – de l’État dans un cas et du peuple dans l’autre – s’épanouit à proportion du rapetissement de la supranationalité et de la marginalisation des institutions qui l’agissent (Parlement européen, Commission européenne, Cour de justice européenne, Banque centrale européenne, Conseil de l’Union européenne). Il ne s’agit plus de sortir de l’UE mais d’y contester de l’intérieur l’élaboration d’une souveraineté européenne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180820/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvain Kahn ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Aucun des 12 candidats en lice ne propose que la France sorte de l’UE. En revanche, deux perceptions de ce que signifie dans le contexte actuel la notion de « souveraineté » s’opposent.Sylvain Kahn, Professeur agrégé d'histoire, docteur en géographie, Centre d'histoire de Sciences Po, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1808932022-04-07T18:59:53Z2022-04-07T18:59:53ZL’effet limité de la gratuité des transports en commun sur la pression automobile<p>La gratuité des transports publics est une proposition politique récurrente. Elle est généralement présentée comme susceptible d’atteindre des objectifs à la fois écologiques et sociaux.</p>
<p>En 2018, Anne Hidalgo a envisagé de rendre les transports en commun gratuits à Paris pour lutter contre la pression automobile. Aux élections régionales de 2021, <a href="https://www.franceinter.fr/politique/regionales-2021-la-gratuite-des-transports-promesse-phare-de-la-gauche">France Inter</a> avait identifié une bonne douzaine de candidats de la gauche qui portaient des propositions similaires.</p>
<p>Aujourd’hui, plusieurs candidats à l’élection présidentielle se prononcent en faveur de différentes formes de gratuité pour les transports en commun. Jean-Luc Mélenchon propose qu’ils soient gratuits « aussi longtemps que dure la crise des carburants ». Yannick Jadot souhaite qu’ils le soient « partout en France pour six mois ». Philippe Poutou est favorable à la « gratuité totale pour tous.tes et tout le temps ».</p>
<p>Fabien Roussel souhaite « que les transports collectifs soient moins chers voire quasi-gratuits ». Jean Lassalle propose la « gratuité des transports publics pour les jeunes ». Marine Le Pen est en faveur de « la gratuité totale pour les jeunes de 18-25 ans dans les trains aux heures creuses ».</p>
<p>Les effets attendus d’une telle mesure pour Paris <a href="https://hal-sciencespo.archives-ouvertes.fr/LIEPP-REPORT/hal-02186708v1">ont été étudiés en profondeur</a> par le Laboratoire interdisciplinaire des politiques publiques (LIEPP) de Sciences Po en 2018. Les résultats ont fait l’objet d’une publication scientifique dans un numéro de la <em>Revue d’Économie Politique</em> programmé pour 2022.</p>
<p>Avant de s’intéresser aux caractères écologiques et sociaux de la mesure, il est utile de rappeler qu’il n’est en réalité jamais gratuit de rendre les transports en commun « gratuits ». Il s’agit en fait d’en faire reposer le financement sur la collectivité plutôt que sur ses utilisateurs.</p>
<h2>Approche par les coûts généralisés</h2>
<p>Pour comprendre l’impact attendu d’une mesure de gratuité généralisée pour l’environnement, il convient d’en étudier l’impact sur la pression automobile. L’approche par les coûts généralisés (issue de l’économie des transports) postule que les agents comparent leurs coûts de déplacements avec différents modes de transports et optent pour celui qui est le moins coûteux.</p>
<p>Le coût généralisé de l’utilisation d’un mode de transport a de nombreuses dimensions, monétaires et non-monétaires : il comprend le coût direct du mode de transport choisi, mais aussi le temps passé dans les transports, le temps d’attente, le confort du trajet, la fiabilité des horaires, les préférences propres à chaque utilisateur, etc.</p>
<p>Le coût direct supporté par les utilisateurs des transports en commun (le prix du ticket) ne représente qu’une faible part de leur coût généralisé. Une étude réalisée sur le métro parisien permet d’évaluer ce coût direct à moins de 5 % du coût généralisé, ce qui est inférieur à la valeur de l’inconfort dans ces métros.</p>
<p>Supprimer ce coût ne devrait donc pas engendrer un report modal important depuis l’automobile vers les transports en commun. Cette prédiction est corroborée par un <a href="https://www.iledefrance-mobilites.fr/medias/portail-idfm/fddaa02e-3023-4c7f-a7af-83ecbf6bb0b2_Rapport-Comit%C3%A9-sur-la-faisabilit%C3%A9-de-la-gratuit%C3%A9-des-transports-en-commun-en-%C3%8Ele-de-France-leur-financement-et-la-politique-de-tarification.pdf">modèle de transport calibré sur Paris</a> qui vise à quantifier précisément le report modal attendu d’un passage à la gratuité des transports publics.</p>
<p>Dans un scénario où les automobilistes seraient disposés à perdre 15 minutes de temps de trajet pour utiliser des transports en commun gratuits (et il s’agit d’une hypothèse optimiste), le report modal depuis la voiture ne concernerait que 3 % des déplacements.</p>
<p>Les expériences de gratuité menées dans des villes en France ou à l’étranger confirment qu’elle a un effet très limité sur la pression automobile.</p>
<h2>Revitalisation des centres-villes</h2>
<p>Si la mesure a souvent un effet impressionnant sur la fréquentation des transports en commun, la hausse des utilisateurs provient surtout d’un report modal depuis les modes de transport « doux », comme la marche et le vélo, ainsi que de nouveaux déplacements, non réalisés auparavant.</p>
<p>Peu d’automobilistes renoncent à prendre la voiture en réaction à cette mesure. Ceci explique que la plupart des villes ayant expérimenté la gratuité l’ont abandonnée. C’est généralement lorsque d’autres objectifs – qui ne sont liés ni à la pression automobile, ni à des objectifs sociaux – ont été atteints que la mesure a été pérennisée.</p>
<p><a href="https://www.liberation.fr/international/europe/a-tallinn-des-transports-gratuits-mais-toujours-aussi-peu-attractifs-20211106_QM3MNGYSMZAITOJRQBQLWVCGC4/">À Tallinn</a>, par exemple, cela a permis d’inverser la tendance de périurbanisation en rendant la capitale estonienne plus attractive pour les habitants qui y bénéficient de transports publics gratuits.</p>
<p>Des effets similaires de revitalisation du centre-ville ont été observés et documentés à Aubagne, Dunkerque et Hasselt, en Belgique (qui a néanmoins abandonné la mesure en 2013, après 16 années de gratuité, en raison de coupes budgétaires imposées à la ville).</p>
<p>D’autre part, les villes ayant conservé cette politique l’ont souvent fait lorsque cette gratuité était « bon marché ». Dans une ville où les transports en commun sont (très) sous-utilisés, renoncer aux recettes de la billetterie représente un coût limité et présente l’avantage de réduire les coûts de vente et de contrôle des titres de transport. Ce phénomène s’observe régulièrement dans des villes de petite et moyenne taille. Tallinn est la seule grande ville qui a instauré et conservé cette mesure.</p>
<h2>Équité sociale</h2>
<p>Pour atteindre des objectifs d’équité sociale, il est nécessaire de traiter différemment des personnes aux profils différents. Une mesure de gratuité généralisée qui s’applique sans discrimination sur les besoins ou les revenus des bénéficiaires n’a clairement pas de propriétés redistributives satisfaisantes.</p>
<p>Pour rencontrer de tels objectifs, il est préférable de cibler les publics qui en ont besoin. Il pourrait s’agir de mesures de gratuité sous conditions de revenus, mais on peut aussi s’interroger sur l’intérêt d’offrir cet avantage plutôt que des revenus supplémentaires qui permettraient aux bénéficiaires de les affecter à leurs besoins primordiaux.</p>
<p>En résumé, les objectifs environnementaux nécessitent un report modal de la voiture vers les transports en commun, mais la gratuité n’aurait pas d’impact important sur ce report.</p>
<p>D’autres options permettraient d’atteindre cet objectif. On peut augmenter le coût direct d’utilisation de la voiture à l’aide de taxes ou de péages urbains.</p>
<h2>Cibler les populations</h2>
<p>Il est intéressant de remarquer qu’actuellement, les automobilistes ne supportent qu’une faible proportion des coûts externes qu’ils génèrent (entre 7 % et 25 % en ville, en fonction du type de carburant utilisé et du niveau d’urbanisation).</p>
<p>On peut aussi réduire l’espace qu’on accorde à la voiture dans les villes, améliorer les infrastructures de transport en commun, leur fréquence, le maillage du territoire, etc.</p>
<p>Une option pourrait être de mettre en place un <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/743891/bercy-plaide-a-nouveau-pour-le-peage-urbain/">péage urbain</a> qui servirait à financer des investissements dans de nouvelles lignes de transports en commun, un meilleur service et plus de confort.</p>
<p>La gratuité généralisée ne constitue pas une bonne mesure sociale : si on estime que la meilleure manière d’aider certaines populations passe par la gratuité des transports publics, il faut les cibler directement et exclusivement. La technologie permet facilement d’appliquer des tarifs différenciés en fonction de la situation socio-économique des bénéficiaires ciblés (chômeurs, étudiants, etc.).</p>
<p>Une mesure de gratuité uniforme pour les transports publics ne se justifie donc pas aujourd’hui, ni au nom d’objectifs environnementaux, ni au nom d’objectifs sociaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180893/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Quentin David était responsable du rapport réalisé pour le compte du LIEPP de Sciences Po qui a chargé par la Marie de Paris d'étudier les effets attendus de la gratuité des transports en commun à Paris sur la pression automobile en 2018.</span></em></p>Plusieurs candidats à la présidentielle proposent la gratuité des transports en commun. Mais cette mesure a un effet très limité sur la pression automobile.Quentin David, Professeur d'économie, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1805192022-04-03T16:16:00Z2022-04-03T16:16:00ZComment les candidats se positionnent au sujet des énergies renouvelables ?<p>Conformément aux engagements internationaux (<a href="https://unfccc.int/fr/processus-et-reunions/l-accord-de-paris/l-accord-de-paris">Accord de Paris sur le climat, 2015</a>) et européens (<a href="https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/european-green-deal_fr">Pacte vert pour l’Europe, 2019</a>), la France affiche de fortes ambitions de réduction des émissions de gaz à effet de serre exigeant une action rapide pour décarboner les modes de production et de consommation de l’énergie. Bien que la <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/databrowser/view/t2020_rd330/default/table?lang=fr">part de renouvelable dans la consommation finale brute d’énergie</a> (2020) soit inférieure (19 %) à celle de la moyenne de l’Union européenne (22,1 %), le déploiement des sources d’énergies renouvelables constitue aujourd’hui un enjeu fondamental de la transition énergétique française tels qu’en témoignent les éléments chiffrés de la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/20200422%20Programmation%20pluriannuelle%20de%20l%27e%CC%81nergie.pdf">programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), 2019-2028</a>.</p>
<p>Face à ce constat, les candidats à l’élection présidentielle (sauf <a href="https://www.nathalie-arthaud.info/">Nathalie Arthaud</a> qui n’a aucune proposition à ce sujet) ont des propositions très variées, certains proposant un mix énergétique 100 % renouvelable quand d’autres proposent l’arrêt, voire le démantèlement des parcs éoliens existants.</p>
<p>Bien que clivant, le débat semble aujourd’hui dépasser la simple question d’un choix entre les énergies renouvelables ou non.</p>
<h2>Une transition énergétique avec ou sans nucléaire</h2>
<p>La position politique pour un mix énergétique 100 % renouvelable semble trancher l’épineux débat sur la sortie ou la relance de l’énergie nucléaire. La sortie du nucléaire est envisagée de manière consensuelle à l’horizon 2050, mais à différentes vitesses : <a href="https://poutou2022.org/programme">sortir en 10 ans maximum</a> pour Philippe Poutou (NPA) ; <a href="https://www.jadot2022.fr/programme">sortir de manière « responsable »</a> en arrêtant 10 réacteurs d’ici 2035 pour Yannick Jadot (EELV) ; ne pas sortir avant 2050 comme il s’agit d’une « <a href="https://www.2022avechidalgo.fr/notre_programme">énergie de transition</a> pour Anne Hidalgo (PS). Sa mise en œuvre est prévue notamment par le développement plus ou moins massif des technologies renouvelables.</p>
<p>À titre d’exemple, le programme de <a href="https://www.jadot2022.fr/programme">Yannick Jadot</a> annonce l’installation de 3 000 mâts d’éoliennes supplémentaires et de 25 GW de photovoltaïque en plus sur le quinquennat. Pour la faisabilité de la sortie, les programmes de <a href="https://melenchon2022.fr/">Jean‑Luc Mélenchon</a> (La France Insoumise), de Yannick Jadot et de Philippe Poutou insistent aussi sur la nécessaire réduction de la consommation d’énergie par la <a href="https://theconversation.com/une-france-zero-carbone-en-2050-pourquoi-le-debat-sur-la-sobriete-est-incontournable-172185">sobriété</a> et l’<a href="https://theconversation.com/efficacite-energetique-est-il-vraiment-possible-de-faire-mieux-avec-moins-113796">efficacité énergétique</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les candidats (sauf ceux de l’extrême droite) étaient invités dans l’émission <em>Le Débat du siècle</em> (Jean Massiet, Paloma Moritz, sur Twitch) pour évoquer l’écologie dans leur programme.</span></figcaption>
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<h2>Des propositions imaginées par la société civile</h2>
<p>Les candidats se réfèrent également aux scénarios imaginés par différentes associations. Ainsi <a href="https://negawatt.org/index.php">négaWatt 2022</a> vise la neutralité carbone en 2050 ainsi qu’un mix énergétique 96 % renouvelable. <a href="https://afterres2050.solagro.org/decouvrir/scenario/">Afterres2050</a> souligne la possibilité de diviser par 2 nos consommations finales d’énergie, par 16 nos émissions de CO<sub>2</sub> d’origine énergétique, et de réduire radicalement notre dépendance aux énergies fossiles d’ici 2050 en mobilisant fortement les énergies renouvelables. Enfin ils s’appuient aussi sur ceux de l’<a href="https://www.ademe.fr/les-futurs-en-transition/les-scenarios/">Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie</a> qui propose, entre autres, la décarbonation de l’énergie dans l’industrie.</p>
<p>Cependant, les programmes manquent de précisions relatives aux financements des investissements dans les énergies renouvelables (notamment ceux d’<a href="https://www.2022avechidalgo.fr/notre_programme">Anne Hidalgo</a> et de Philippe Poutou), et à l’impact sur les consommateurs de la sortie du nucléaire (ceux de Philippe Poutou, de Jean‑Luc Mélenchon et de Yannick Jadot). Dans les programmes de Jean‑Luc Mélenchon et de Yannick Jadot, les citoyens-consommateurs d’énergie sont mentionnés uniquement pour la reconnaissance de leur rôle actif dans la transition énergétique à travers leur participation à la sobriété énergétique et aux projets d’énergies renouvelables.</p>
<p>La transition énergétique avec nucléaire, quant à elle, est présentée comme une orientation stratégique fondée sur la constitution d’un mix énergétique 100 % décarboné et national pour répondre aux objectifs climatiques et garantir une indépendance de l’approvisionnement en énergie, c’est-à-dire une souveraineté énergétique.</p>
<p>En ce qui concerne le couplage avec les énergies renouvelables, l’hydro-électricité demeure l’énergie renouvelable « préférée » des programmes pro nucléaires, notamment du fait de son ancrage national et de son caractère pilotable et flexible.</p>
<p>La relance de cette énergie est également envisagée dans les programmes de <a href="https://mlafrance.fr/programme">Marine Le Pen (RN)</a>, de <a href="https://valeriepecresse.fr/projet/energie/">Valérie Pécresse (LR)</a> et d’<a href="https://programme.zemmour2022.fr/">Éric Zemmour (Reconquête !)</a>. Les programmes de <a href="https://d3n8a8pro7vhmx.cloudfront.net/fabienroussel2022/pages/217/attachments/original/1643038967/exe_la_france_des_jours_heureux_LIVRE_stc.pdf">Fabien Roussel (PCF)</a> et d’<a href="https://avecvous.fr/wp-content/uploads/2022/03/Emmanuel-Macron-Avec-Vous-24-pages.pdf">Emmanuel Macron (LREM)</a> présentent un couplage nucléaire-renouvelable plutôt harmonieux sans exclure aucune option énergétique.</p>
<p>À titre d’exemple, Emmanuel Macron souhaite poursuivre la construction de 6 centrales nucléaires (nouvelle génération), tout en multipliant par 10 la puissance solaire actuelle et implantant 50 parcs éoliens en mer d’ici 2050.</p>
<h2>Les éoliennes terrestres écartées de la plupart des programmes</h2>
<p>Les éoliennes terrestres sont écartées de la plupart des programmes soutenant l’énergie nucléaire, comme ceux de <a href="https://www.debout-la-france.fr/">Nicolas Dupont-Aignan</a>, d’Éric Zemmour, de <a href="https://jl2022.fr/">Jean Lassalle</a> et de Marine Le Pen, en raison de leur <a href="https://theconversation.com/energie-climat-la-transition-est-elle-vraiment-en-panne-en-france-154963">intermittence</a>, de leur coût, et surtout de leur <a href="https://theconversation.com/les-energies-renouvelables-un-secteur-aux-contours-trop-flous-109961">mauvaise acceptabilité</a> par les citoyens.</p>
<p>Ils se réfèrent également aux arguments écologiques et anthropocentriques relatifs à la protection de la <a href="https://theconversation.com/energies-renouvelables-et-biodiversite-les-liaisons-dangereuses-88489?utm_term=Autofeed&utm_campaign=Echobox&utm_medium=Social&utm_source=Twitter#link_time=1512970393">biodiversité</a> et des paysages (y compris celle des cadres de vie). Considéré intermittent et non rentable en raison du problème de dépendance de la filière française, le <a href="https://theconversation.com/et-si-les-artisans-semparaient-du-photovolta-que-139889">photovoltaïque</a> semble également générer de larges questionnements.</p>
<p>Certaines réticences sont présentes notamment dans les programmes d’Éric Zemmour, de Jean Lassalle et de Marine Le Pen. Cependant, ici encore, les programmes ne détaillent pas la « sortie » des « énergies intermittentes », éolienne et photovoltaïque – pourtant deux filières énergétiques recevant l’essentiel du soutien public actuel –, et ne précisent pas comment ils comptent renégocier les contrats en cours avec les porteurs de projet.</p>
<h2>Entre souveraineté nationale et coopération européenne</h2>
<p>L’élection présidentielle aurait également des impacts dans le choix de la mise en œuvre de la transition énergétique dans un contexte plutôt national ou de coopération européenne. Certaines propositions énergétiques relatives au nucléaire, à l’hydro-électricité, ou plus globalement, au marché européen de l’énergie, risquent en effet de heurter l’approche européenne. Bien que la <a href="https://theconversation.com/nucleaire-retour-sur-le-debat-autour-de-la-nouvelle-taxonomie-europeenne-176733">nouvelle taxonomie européenne</a>, créant un label « vert » pour l’électricité produite à partir des centrales nucléaires, contribue à la consolidation de la place du nucléaire dans le mix électrique français, certains candidats vont plus loin en proposant par exemple d’« imposer le nucléaire à l’échelle européenne comme étant le principal outil dans la <a href="https://programme.zemmour2022.fr/">lutte contre le réchauffement climatique</a> ».</p>
<p>Au-delà du clivage gauche-droite, d’autres candidats s’accordent plus ou moins au sujet de la (re)nationalisation complète de l’Électricité de France (Nicolas Dupont-Aignan, Yannick Jadot, Jean Lassalle, ainsi que celle d’Engie pour Jean‑Luc Mélenchon, Fabien Roussel). Dans cette perspective, il est envisagé de financer les investissements en énergies renouvelables par la création d’un <a href="https://melenchon2022.fr/">pôle public de l’énergie</a>, ou de recréer une <a href="https://www.debout-la-france.fr/">filière indépendante et d’excellence nucléaire</a>, ou de <a href="https://jl2022.fr/">redonner à la France l’initiative dans les secteurs clefs de l’économie</a>, ou encore d’<a href="https://d3n8a8pro7vhmx.cloudfront.net/fabienroussel2022/pages/217/attachments/original/1643038967/exe_la_france_des_jours_heureux_LIVRE_stc.pdf">engager une réappropriation publique et sociale pour un service public de l’énergie puissant</a>. Certains candidats souhaitent également revenir sur la libéralisation du secteur énergétique en <a href="https://programme.zemmour2022.fr/">s’opposant à la mise en concurrence des barrages hydroélectriques</a> et en proposant la <a href="https://melenchon2022.fr/">suppression de la libéralisation du marché de l’électricité</a>, voire d’en <a href="https://mlafrance.fr/programme">sortir sans délais</a>.</p>
<h2>Une transition énergétique ou écologique ?</h2>
<p>Enfin, s’il existe plus ou moins un accord sur l’évolution nécessaire et actuelle vers les énergies renouvelables, il n’existe pas d’une analyse politique holistique sur <a href="https://theconversation.com/energies-renouvelables-et-biodiversite-les-liaisons-dangereuses-88489">l’impact potentiel et les externalités négatives</a> que le développement croissant des technologies renouvelables pourrait provoquer sur les écosystèmes.</p>
<p>Une politique écologique globale et cohérente pour développer des sources d’énergies renouvelables – prenant en compte l’ensemble du cycle de vie (de l’extraction des matériaux/production industrielle aux processus de démantèlement, de reconversion et de recyclage) et leurs impacts transgénérationnels, n’est pas suffisamment développée par les candidats à la présidentielle (sauf quelques lignes dans les programmes de Yannick Jadot et Jean‑Luc Mélenchon).</p>
<p>En outre, compte tenu de l’expansion mondiale de la capacité de production d’énergies renouvelables et de la dépendance géographique de chaque source d’énergies renouvelables, les inconvénients peuvent être décuplés dans un contexte transfrontalier et international, car le droit, en particulier le droit de l’environnement, ne permet pas d’évaluer l’empreinte environnementale complète de la production des sources d’énergies renouvelables.</p>
<h2>Mieux tracer les énergies renouvelables</h2>
<p>Face aux enjeux écologiques et climatiques et à la complexité des problèmes sociétaux et environnementaux, une innovation systémique pour la traçabilité des énergies renouvelables est nécessaire dans une perspective de durabilité. D’un point de vue juridique, certaines démarches ont été initiées afin de parvenir à une cohérence significative du lien énergie-écologie, à l’instar des <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/ ?uri=celex :32018L2001">critères de durabilité pour la biomasse</a> s’appliquant à la biomasse consommée en France et aux matières premières utilisées pour leur production cultivées ou extraites en France ou à l’étranger, et de l’<a href="https://ec.europa.eu/environment/eussd/smgp/PEFCR_OEFSR_en.htm">empreinte environnementale des panneaux photovoltaïques</a> visant à réduire, par le biais de l’inventaire du cycle de vie, l’impact environnemental de la production d’électricité à partir des panneaux photovoltaïque. Cependant, la réglementation reste fragmentée et lacunaire.</p>
<p>Aussi, la question qui se pose est de savoir comment réglementer au mieux la traçabilité des énergies renouvelables pour la transition vers des systèmes durables. Comment encadrer la traçabilité comme outil de transition écologique ? Ces questions recouvrent inévitablement les problématiques relatives à la gouvernance, à la transparence et à l’information et à la participation du public/usager/consommateur, qui semblent pour l’heure, avoir été omises par les candidats à l’élection présidentielle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180519/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Melis Aras est membre de Société Française pour le Droit de l'Environnement (SFDE).
Elle a reçu des financements pour conduire ses recherches postdoctorales (dans le cadre des projets : Interreg RES-TMO (2019-2021) : <a href="https://www.res-tmo.com/fr/">https://www.res-tmo.com/fr/</a> ; et par EUCOR Seed Money (2021-2022) : <a href="https://www.eucor-uni.org/recherche/reseaux-et-projets/landscape-and-sustainable-energy-transition-the-legal-protection-of-landscapes-through-the-prism-of-the-energy-transition/">https://www.eucor-uni.org/recherche/reseaux-et-projets/landscape-and-sustainable-energy-transition-the-legal-protection-of-landscapes-through-the-prism-of-the-energy-transition/</a>). </span></em></p>Bien que clivant, le débat sur l’énergie semble aujourd’hui dépasser la simple question d’un choix entre les énergies renouvelables ou non.Melis Aras, Postdoctoral Researcher, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1775642022-03-07T20:11:16Z2022-03-07T20:11:16ZPrésidentielle : pourquoi n’y a-t-il pas (encore) de dynamique de « vote utile » à gauche et à l’extrême droite ?<p>La multiplication des candidatures est un thème récurrent des campagnes présidentielles depuis le « choc » du 21 avril 2002 – où la gauche, pourtant électoralement dominante, avait été évincée du second tour du fait de la grande dispersion des voix <a href="https://www.cairn.info/revue-esprit-2021-10-page-137.htm">entre ses candidats</a>.</p>
<p>En 2022, les candidatures d’Éric Zemmour et de Marine Le Pen pourraient bien se neutraliser et fermer les portes du second tour à l’extrême droite. À gauche, la division associée à l’absence d’hégémonie d’une de ses composantes constitue un obstacle parmi d’autres à <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/remi-lefebvre-de-nombreux-citoyens-pensent-a-gauche-vivant-a-dr/00102249">toute éventuelle victoire électorale</a>. Cette multiplication des candidatures, si elle peut en partie être expliquée par des divergences politiques, semble aussi recouvrir des différences sociologiques.</p>
<p>C’est ce que met en évidence notre analyse agrégée des sondages d’intentions de vote réalisés depuis septembre 2021 (et avant la <a href="https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2022/article/2022/03/04/pour-emmanuel-macron-une-entree-en-campagne-tout-en-sobriete_6116074_6059010.html">déclaration de candidature</a> d’Emmanuel Macron du jeudi 3 mars 2022).</p>
<p>Cela pourrait être une des explications de l’absence, pour l’heure, de mouvements vers un « vote utile » à gauche comme à l’extrême droite, alors même que Jean-Luc Mélenchon semble le candidat le moins mal placé à gauche et Marine Le Pen la mieux placée à l’extrême droite (même si les intentions de vote en faveur d’Éric Zemmour sont très fluctuantes) (voir figure 1).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/448093/original/file-20220223-19-1lz7rxj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/448093/original/file-20220223-19-1lz7rxj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/448093/original/file-20220223-19-1lz7rxj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/448093/original/file-20220223-19-1lz7rxj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/448093/original/file-20220223-19-1lz7rxj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/448093/original/file-20220223-19-1lz7rxj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/448093/original/file-20220223-19-1lz7rxj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/448093/original/file-20220223-19-1lz7rxj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Figure 1. Intentions de vote en faveur de Jean-Luc Mélenchon, Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Marine Le Pen et Éric Zemmour.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Agrégation par les auteurs de 53 sondages réalisés entre septembre 2021 et janvier 2022 par BVA, Cluster 17, Elabe, Harris Interactive, IFOP et OpinionWay</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Agréger les sondages pour saisir des régularités sociopolitiques</h2>
<p>Les sondages sont avant tout des instruments au service des médias, transformant l’élection présidentielle en « course de petits chevaux » pour reprendre les mots du chercheur <a href="https://www.cairn.info/revue-savoir-agir-2007-1-page-37.htm">Patrick Lehingue</a>. Ils servent aussi les candidats en leur permettant de se prévaloir d’une capacité à mobiliser autour d’eux les citoyens. Ils sont donc la plupart du temps interprétés sur le vif dans le débat public. Pourtant, étant répétés dans le temps, les sondages permettent aussi de voir des régularités dans les profils sociaux et politiques des électeurs potentiels des différents candidats.</p>
<p>C’est pourquoi nous avons collecté, avec six étudiants d’ESPOL entre septembre 2021 et janvier 2022, les intentions de vote selon le sexe, l’âge, la catégorie socioprofessionnelle (CSP) et le vote en 2017 lord de la dernière présidentielle. Au total, 53 sondages réalisés par 6 instituts différents (BVA, Cluster17, Elabe, Harris Interactive, IFOP et OpinionWay) ont été agrégés. L’agrégation ayant été réalisée avant la victoire de Christiane Taubira à la primaire populaire, sa candidature n’a pas été prise en compte. De même, les intentions de vote en faveur de Fabien Roussel n’ayant connu que très récemment une légère augmentation, leur analyse s’est révélée trop délicate.</p>
<p>Agréger ainsi les intentions de vote n’est toutefois pas anodin dans la mesure où la méthodologie des instituts privés peut apparaître discutable, notamment en ce qui concerne le recours quasi-exclusif à des enquêtes en ligne auprès de panels de répondants <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/11/04/dans-la-fabrique-opaque-des-sondages_6100879_823448.html">quasi-professionnels</a>, la faiblesse des échantillons de répondants dont les intentions de vote sont <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/10/10/presidentielle-2022-biais-et-disparites-methodologiques-des-intentions-de-vote_6097801_823448.html">comptabilisées</a>, en particulier lorsqu’on s’intéresse à des sous-populations, ou encore la sous-représentation des personnes les moins intéressées par la <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/02/13/il-faudrait-deshysteriser-la-production-et-l-utilisation-des-sondages_6113457_3232.html">politique</a>. Ces problèmes sont autant dus aux logiques marchandes de <a href="https://theconversation.com/derriere-les-chiffres-qui-sont-les-sondeurs-173274">l’activité de sondage</a> qu’à des dynamiques sociales et politiques structurelles, plus difficiles à corriger.</p>
<h2>Par rapport à 2017, des déperditions, mais peu de porosité</h2>
<p>Une première analyse fait apparaître la faible capacité de certains candidats à retrouver leurs électeurs de 2017. Ainsi, Jean-Luc Mélenchon, qui avait obtenu, à la suite d’une dynamique très marquée en fin de campagne qui lui avait permis de dépasser les bases traditionnelles de la <a href="https://www.cairn.info/le-vote-disruptif---page-175.htm">gauche radicale</a>, 19,58 % des suffrages exprimés, ne rassemble qu’en moyenne 9,7 % des intentions de vote et ne récupère pour l’heure en moyenne que les intentions de vote de 42,5 % de ses électeurs de 2017. De même, seule une petite moitié des électeurs de Benoît Hamon se tournerait vers la candidate socialiste Anne Hidalgo (25,3 %) ou vers le candidat écologiste Yannick Jadot (23,6 %), qui avait soutenu Benoît Hamon en 2017. À l’extrême droite, Marine Le Pen parvient en moyenne à retrouver les intentions de vote de 65,5 % de ses électeurs de 2017, un chiffre qui, quoique plus élevé que pour d’autres candidats, la place dans une posture délicate en vue d’une qualification au second tour.</p>
<p>La même analyse fait toutefois apparaître une faible porosité entre candidats. Ainsi, à gauche, les électeurs de 2017 de Jean-Luc Mélenchon qui se tourneraient vers un autre candidat sont minoritaires : en moyenne, 13,8 % déclarent avoir l’intention de voter Yannick Jadot et 5,6 % Anne Hidalgo. À l’inverse, seuls 5,5 % en moyenne des électeurs de Benoît Hamon auraient l’intention de voter Jean-Luc Mélenchon en 2022. Ces chiffres, s’ils se confirment, pourraient nuancer l’idée d’une importante porosité entre les <a href="https://www.cairn.info/des-votes-et-des-voix-de-mitterrand-a-hollande---page-95.htm">« électorats » des différents partis de gauche</a>.</p>
<p>À l’extrême droite, si la candidature d’Éric Zemmour crée une forme de porosité, celle-ci a lieu à la fois avec Marine Le Pen et avec Les Républicains. Ainsi, Éric Zemmour attire quasiment autant d’intentions de vote d’électeurs de François Fillon (en moyenne 18,6 %, alors que Marine Le Pen n’en attire qu’en moyenne 4,3 %) que d’intentions de vote d’électeurs de Marine Le Pen (en moyenne 26 %).</p>
<h2>A gauche, des différences, mais des traits sociaux communs</h2>
<p>Les profils sociaux des électeurs ayant l’intention de voter pour Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot ou Anne Hidalgo sont en partie différents, mais des traits communs demeurent. La première différence concerne l’âge. Ainsi Jean-Luc Mélenchon attire davantage d’intentions de vote parmi les 18-24 ans (17,8 % en moyenne) et les intentions de vote en sa faveur diminuent graduellement avec l’âge pour atteindre seulement 4,3 % parmi les 65 ans et plus. À l’inverse, les intentions de vote en faveur d’Anne Hidalgo ou de Yannick Jadot varient peu selon l’âge des enquêtés si on excepte des intentions de vote plus faibles pour Yannick Jadot parmi les enquêtés de 65 ans et plus (5,6 % contre 7 % en moyenne et 8,1 % parmi les 18-24 ans). Cela confirme que, comme l’avait noté le chercheur Florent Gougou à l’occasion des élections régionales de 2015, l’un des rares traits distinctifs des électeurs socialistes par rapport aux autres électeurs de gauche est <a href="https://hal-sciencespo.archives-ouvertes.fr/hal-01515793/file/tiberj-2017-la-deconnexion-electorale.pdf">l’aspect générationnel</a>. En ce sens, Jean-Luc Mélenchon parvient, même si c’est pour l’heure dans une moindre ampleur, à remobiliser, comme en 2017, bien plus massivement que ses concurrents de gauche les jeunes et les <a href="https://www.cairn.info/le-vote-disruptif---page-175.htm">primo-votants</a>.</p>
<p>La seconde différence concerne la position sociale. Ainsi, Jean-Luc Mélenchon recueille en moyenne légèrement plus d’intentions de vote au sein des catégories populaires qu’au sein des catégories supérieures (+2,4 points). On observe notamment des intentions de vote significativement plus importantes au sein du groupe ouvrier (13,3 % en moyenne) (voir figure 2). Ce résultat est inversé pour Yannick Jadot et Anne Hidalgo qui recueillent davantage d’intentions de vote parmi les catégories supérieures que parmi les catégories populaires (respectivement +3,8 et +2,5 points). 10,9 % et 6,4 % des cadres et professions intellectuelles supérieures déclarent avoir l’intention de voter Yannick Jadot et Anne Hidalgo contre seulement 4 % et 2,8 % des ouvriers (voir figure 2). Là encore, Jean-Luc Mélenchon semble être parvenu à maintenir son ancrage au sein d’une partie des milieux populaires qui avait fait <a href="https://www.cairn.info/le-vote-disruptif---page-175.htm">son succès en 2017</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/449842/original/file-20220303-21-xf8nhm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/449842/original/file-20220303-21-xf8nhm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/449842/original/file-20220303-21-xf8nhm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=272&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/449842/original/file-20220303-21-xf8nhm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=272&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/449842/original/file-20220303-21-xf8nhm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=272&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/449842/original/file-20220303-21-xf8nhm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=341&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/449842/original/file-20220303-21-xf8nhm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=341&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/449842/original/file-20220303-21-xf8nhm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=341&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Source : agrégation par les auteurs de 22 à 28 sondages (selon la modalité) réalisés entre septembre 2021 et janvier 2022 par BVA, Cluster17, Elabe, Harris Interactive, IFOP et OpinionWay.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>On retrouve cependant plusieurs traits communs pour les trois candidats de gauche. Ainsi, les salariés du public et les chômeurs ont davantage l’intention que les salariés du privé de voter pour Jean-Luc Mélenchon (respectivement 10,9 % et 18,7 % contre 9,3 %), Yannick Jadot (respectivement 10,9 % et 10,2 % contre 7,5 %) ou encore Anne Hidalgo (respectivement 6,5 % et 5,5 % contre 4,8 %). Ces résultats avaient déjà été observés en 2017 tant pour <a href="https://www.cairn.info/le-vote-disruptif---page-175.htm">Jean-Luc Mélenchon</a> que pour <a href="https://www.cairn.info/le-vote-disruptif---page-193.htm">Benoît Hamon</a>.</p>
<h2>A l’extrême droite, deux candidats et des profils sociaux très différents</h2>
<p>Le Rassemblement national, auparavant Front national, est parvenu, au moins depuis l’élection présidentielle de 1995 et surtout depuis <a href="https://www.cairn.info/des-votes-et-des-voix-de-mitterrand-a-hollande---page-101.htm">celle de 2012</a>, à davantage mobiliser en sa faveur certaines fractions des classes populaires. L’analyse des sondages fait apparaître un fossé très important entre les intentions de vote des catégories populaires et celles des catégories aisées : en moyenne, 29 % des répondants appartenant aux catégories populaires ont l’intention de voter pour Marine Le Pen contre 12,9 % de ceux appartenant aux catégories aisées.</p>
<p>C’est en particulier le cas pour les ouvriers qui ont l’intention de se rendre aux urnes parmi lesquels Marine Le Pen recueille 35,5 % des intentions de vote en moyenne alors qu’elle n’obtient que 6,7 % d’intentions de vote parmi les cadres et professions intellectuelles supérieures (voir figure 2). Toutefois, les sondages nous fournissant un nombre limité de variables, ils tendent à homogénéiser ces catégories populaires qui sont en réalité fortement segmentées, segmentations qui recouvrent l’opposition électorale entre <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-votes-populaires-176305">Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon</a>.</p>
<p>À l’inverse, Éric Zemmour semble avoir construit une stratégie de campagne en direction des classes supérieures pour lesquels la candidate du Rassemblement national serait <a href="https://www.bfmtv.com/politique/trop-populaire-ou-bourgeois-comment-eric-zemmour-et-marine-le-pen-s-attaquent-sur-leur-strategie-electorale_VN-202110230183.html">« trop populaire »</a>. Cette stratégie semble en partie porter ses fruits puisque, à rebours d’une prolétarisation, perceptible dans toute l’Europe, des électorats des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0192512107088390">droites extrêmes ou radicales</a>, Éric Zemmour attire en moyenne légèrement plus les intentions de vote des catégories aisées (13,8 %) que celles des catégories populaires (11,9 %), même si la ventilation en fonction des groupes socioprofessionnels fait apparaître des écarts plus réduits (voir figure 2). De même, s’il apparait que, comme en 2017, les salariés du public (17,3 % en moyenne) ont moins l’intention de voter Marine Le Pen que ceux du privé (24,1 % en moyenne) et que les chômeurs (24,1 % en moyenne également), la dynamique est inverse pour Éric Zemmour : seuls 7,3 % en moyenne des chômeurs déclarent avoir l’intention de voter pour lui contre 11,4 % des salariés du privé et 13,3 % des salariés du public.</p>
<p>En outre, l’âge semble être, encore plus qu’à gauche, un facteur différenciant. En effet, si Marine Le Pen recueille davantage d’intentions de vote parmi les 25-64 ans et bien moins parmi les 65 ans et plus (9 % en moyenne) (voir figure 3), Éric Zemmour voit les intentions de vote en sa faveur croître avec l’âge des enquêtés : 6,7 % en moyenne parmi les 18-24 ans, 11 % parmi les 25-34 ans et jusqu’à 16 % parmi les 50 ans et plus (voir figure 3).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/449843/original/file-20220303-10768-139sjfq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/449843/original/file-20220303-10768-139sjfq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/449843/original/file-20220303-10768-139sjfq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/449843/original/file-20220303-10768-139sjfq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/449843/original/file-20220303-10768-139sjfq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/449843/original/file-20220303-10768-139sjfq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/449843/original/file-20220303-10768-139sjfq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/449843/original/file-20220303-10768-139sjfq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Source : agrégation par les auteurs de 53 sondages réalisés entre septembre 2021 et janvier 2022 par BVA, Cluster17, Elabe, Harris Interactive, IFOP et OpinionWay.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Le retour d’un « gender gap » à l’extrême droite</h2>
<p>Pour terminer, la principale différence entre Marine Le Pen et Éric Zemmour concerne le genre. En effet, Marine Le Pen est parvenue, à l’occasion des scrutins présidentiels de 2012 puis de 2017, à inverser le traditionnel « Radical Right Gender Gap » mis en évidence par <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0010414003260124">Terri Givens en 2004</a>, à savoir une moindre propension des femmes à voter pour <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2017-6-page-1067.htm">l’extrême-droite</a>. En vue de l’élection présidentielle de 2022, ce sont même en moyenne 19 % des femmes contre 15,6 % des hommes qui déclarent avoir l’intention de voter Marine Le Pen. Mais cette disparition du Radical Right Gender Gap ne concerne pas Éric Zemmour. Bien au contraire, en moyenne, 16,5 % des hommes contre seulement 11,3 % des femmes déclarent avoir l’intention de voter pour Éric Zemmour.</p>
<h2>L’absence de mécanisme automatique de « vote utile »</h2>
<p>Cette étude des bases électorales potentielles des différents candidats de gauche et d’extrême droite, en mettant au jour des différences sociales, permet d’expliquer, faute de « rassemblement » des candidatures, l’absence de mécanisme automatique de « vote utile » susceptible de permettre une réorientation des électeurs de tout un « camp » vers la candidature la mieux placée.</p>
<p>Cependant, une analyse de ces bases électorales potentielles au regard des déterminants traditionnels de <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2017-6-page-1023.htm">l’abstention</a> rend des dynamiques possibles en cas de remobilisation électorale. Si cette hypothèse apparaît plus qu’incertaine dans un contexte de <a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/grand-entretien-la-presidentielle-2022-est-elle-menacee-par-l-abstention-record-qui-touche-les-autres-elections_4931159.html">hausse continue de l’abstention</a>, une réduction de la démobilisation électorale, particulièrement répandue parmi les jeunes générations et au sein des classes populaires, pourrait bénéficier aux deux candidats qui recueillent le plus d’intentions de vote au sein de ces groupes les moins prédisposés à participer.</p>
<p>D’une part, Marine Le Pen qui, forte du soutien plus important d’une partie des classes populaires, pourrait à la fois devancer Éric Zemmour et se qualifier en vue du second tour. De l’autre, Jean-Luc Mélenchon qui, fort de son meilleur ancrage chez les jeunes et au sein de certaines fractions des milieux populaires, pourrait réincarner, dans les dernières semaines de campagne, un « vote utile » à gauche, rendant son accès au second tour moins improbable.</p>
<p>Autrement dit, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ont des « réserves de voix » bien plus importantes <a href="https://www.jean-jaures.org/publication/abstention-et-potentiel-electoral-des-candidats-a-la-presidentielle/">qu’Emmanuel Macron, Valérie Pécresse ou Éric Zemmour</a>, mais encore leur faudrait-il parvenir à les mobiliser et c’est là tout le problème alors que la campagne présidentielle, qui peinait à gagner en intensité, est désormais éclipsée par la guerre en Ukraine.</p>
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<p><em>Les auteurs remercient l’ensemble des étudiants ayant participé au codage des sondages : Jeanne Delhay, Julien Dorlencourt, Alix Lemetais, Julia Mascarell et Saima Sellimi. Cet article s’inscrit dans le cadre du projet PEOPLE (Pratiques électorales et opinions liées aux élections) financé par ESPOL, par l’Institut catholique de Lille, par le CERAPS (CNRS/Université de Lille/Sciences Po Lille) et par le LEM (CNRS, Université de Lille)</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177564/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tristan Haute a reçu des financements de ESPOL, de l'Université Catholique de Lille et du Ceraps.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Paul Desplaces participe aux travaux du groupe ESPOL.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marie Neihouser a reçu des financements de ESPOL, de l'Université Catholique de Lille et du Ceraps.</span></em></p>La multiplication des candidatures à gauche peut aussi s’expliquer par les différences sociologiques des « électorats » potentiels de chaque candidat.Tristan Haute, Maître de conférences, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1758502022-01-30T19:10:25Z2022-01-30T19:10:25ZPrésidentielle 2022 : et si la gauche était au second tour ?<p>Les organisateurs de la Primaire populaire visant à déboucher sur une candidature de gauche commune lors de l’élection présidentielle 2022 ont annoncé avoir rassemblé <a href="https://twitter.com/PrimairePop/status/1485390877170319369">467 000 inscrits</a>.</p>
<p>Même si les conditions et les périmètres d’inscriptions diffèrent, ce chiffre est très supérieur aux nombres de personnes inscrites aux votes organisés par Europe Ecologie Les Verts (<a href="https://www.eelv.fr/resultats-du-premier-tour-de-la-primaire-ecologiste/">122 670 votants avec un taux de participation de 86,91 %</a>) ou par Les Républicains (<a href="https://www.linternaute.fr/actualite/politique/2570372-primaire-lr-victoire-de-valerie-pecresse-premiere-femme-a-representer-la-droite-a-la-presidentielle/#quels-sont-les-resultats-du-premier-tour-de-la-primaire-lr--">113 038 votants pour 140 000 adhérents</a>) et semble témoigner d’un intérêt certain pour l’idée d’une candidature de gauche unique et unifiée.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1485390877170319369"}"></div></p>
<p>En dehors de Christine Taubira, les trois principaux candidats (Anne Hidalgo, Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon) ont annoncé qu’ils ne reconnaîtraient pas ce vote bien que leur nom fasse partie, contre leur volonté, des choix possibles.</p>
<p>Alors que les <a href="https://www.bfmtv.com/politique/elections/presidentielle/tous-les-sondages-de-l-election-presidentielle-2022_GN-202110220314.html">sondages semblent condamner</a> l’ensemble de ces candidats à une élimination au 1<sup>er</sup> tour de l’élection présidentielle de 2022, un tel positionnement ne manque pas d’interroger.</p>
<p>Le concept de « coopétition », issu de la recherche en stratégie, et une perspective historique peuvent-ils nous aider à mieux comprendre ces stratégies, à priori vouées à l’échec ?</p>
<h2>La coopétition, une alliance entre concurrents</h2>
<p>Le terme de coopétition est un néologisme issu de la combinaison des mots coopération et compétition et renvoie aux formes de collaboration entre entreprises concurrentes.</p>
<p>Si les recherches ont montré que ce phénomène n’est pas <a href="https://theconversation.com/la-coopetition-moteur-de-levolution-des-especes-106264">spécifique à la stratégie d’entreprise</a> et que l’on en trouve des <a href="https://www.strategie-aims.com/events/conferences/29-xxviieme-conference-de-l-aims/communications/5021-looking-for-the-historical-origins-of-coopetition-back-to-antique-romans-traders/download">traces dès l’Antiquité</a>, c’est Ray Noorda, le fondateur de l’entreprise informatique Novell, qui utilise pour la première fois cette expression au milieu des années 80 pour décrire les échanges entre son entreprise et ses concurrents pour élaborer des standards et des référentiels communs.</p>
<p>L’ouvrage de Brandenburger et Nalebuff, <a href="https://public.summaries.com/files/8-page-summary/co-opetition.pdf"><em>Co-opetition</em></a>, théorise et popularise le concept en 1996. Les entreprises peuvent être à la fois des <a href="https://www.deepdyve.com/lp/emerald-publishing/cooperation-and-competition-in-relationships-between-competitors-in-ZeFswjs42u">concurrents et des partenaires dans le cadre de projets de coopération</a> et la coopétition peut représenter une solution pour <a href="https://www.jstor.org/stable/259226">faire face à la concurrence et/ou pour mutualiser et partager des ressources et des connaissances</a>.</p>
<h2>Un concept paradoxal</h2>
<p>L’idée de coopétition peut sembler paradoxale et contre-intuitive dans une économie capitaliste dominée par une logique concurrentielle mettant principalement l’accent sur la <a href="https://www.abebooks.fr/rechercher-livre/titre/choix-strategiques-et-concurrence-techniques-d%27analyse-des-secteurs-et-de-la-concurrence-dans-l%27industrie/">rivalité entre les entreprises</a>.</p>
<p>Force est pourtant de constater que le phénomène s’est fortement développé depuis plus de trente ans. Il est de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0019850121000857">plus en plus étudié et analysé par les chercheurs</a> qui ont mis en lumière différentes formes de coopétition (<a href="https://www.cairn.info/revue-management-2018-1-page-574.htm">technologique, de marché</a>, horizontale, verticale, intra-organisationnelle…) et qui ont constaté l’existence d’une <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2007-7-page-87.htm">logique relationnelle</a> privilégiant désormais la coopération à l’affrontement en matière de stratégie d’entreprise.</p>
<p>Appliqué au champ politique, la coopétition peut concerner une collaboration entre formations de droite et de gauche comme dans le cadre d’un gouvernement d’union nationale ou lors d’un épisode de <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=TDxYDwAAQBAJ">cohabitation</a>.</p>
<p>Il peut aussi s’agir d’une alliance entre partis d’un même bord politique dans le cadre d’un programme commun ou de candidatures communes pour une élection.</p>
<p>Enfin, il peut concerner des coopérations entre membres d’un même parti défendant des positions antagonistes et s’apparente alors à de la coopétition <a href="https://www.coopetitionlab.com/internal-coopetition/">intra-organisationnelle</a>.</p>
<p>Au-delà des formes possibles que peut prendre cette coopétition, la majorité des recherches s’interroge sur les <a href="https://www.researchgate.net/profile/Viktor-Fredrich/publication/263904244_Coopetition_Performance_implications_and_management_antecedents/links/53fb6a5b0cf2dca8fffe6bea/Coopetition-Performance-implications-and-management-antecedents.pdf">liens entre coopétition et performance</a> et se demande dans quelle mesure une telle stratégie s’avère payante pour les organisations qui y participent.</p>
<p>Dans le cas spécifique de la gauche française, un retour sur les élections présidentielles passées permet de mieux comprendre les avantages et les inconvénients que porteraient une telle stratégie en 2022.</p>
<h2>La gauche à l’élection présidentielle : entre union et désunion</h2>
<p>En 1969, l’absence de stratégie de coopétition entre les cinq candidats de gauche (sur un total de sept candidats) débouche sur un second tour entre le <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_1970_num_20_2_393223">gaulliste Georges Pompidou et le président du Sénat, le centriste Alain Poher</a>.</p>
<p>En 2002, les cinq candidatures de gauche, qui s’ajoutent aux scores des candidats d’extrême gauche Arlette Laguiller et Olivier Besancenot (qui obtiennent respectivement 5,72 % et 4,25 %) contribuent à nouveau fortement à <a href="https://academic.oup.com/poq/article-abstract/68/4/602/1884181">l’absence du candidat de gauche Lionel Jospin au second tour et à la qualification surprise du candidat de l’extrême droite Jean-Marie Le Pen</a>.</p>
<p>À l’inverse, le <a href="https://www.jean-jaures.org/publication/le-programme-commun-de-la-gauche-1972-1977-cetait-le-temps-des-programmes/?post_id=16789&export_pdf=1">Programme commun</a> de 1972 entre le Parti communiste, le Parti socialiste et les Radicaux de gauche servira de socle à l’élection de 1981 de François Mitterrand, premier président de gauche de la V<sup>e</sup> République.</p>
<p>La coalition de gouvernement de la <a href="http://www.slate.fr/story/178563/gauche-plurielle-unite-presidentielle-2022-ps-lfi-eelv-pc">Gauche plurielle de 1997</a> permettra aussi à Lionel Jospin de remporter les élections législatives suite à la dissolution de l’Assemblée nationale décidée par Jacques Chirac et d’être nommé premier ministre.</p>
<p>Ces exemples semblent légitimer l’idée qu’une coopétition entre forces de gauche concurrentes garantit de remporter une élection présidentielle ou une élection législative sous la V<sup>e</sup> République. Elle doit pourtant être mise en perspective.</p>
<h2>Gagner sans union</h2>
<p>L’histoire a montré que la gauche est capable de l’emporter sans passer par une stratégie d’union dès le 1<sup>er</sup> tour. Ce fut le cas en 2012 avec <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=_NlNktQGlMQC">l’élection de François Hollande</a>. Et il faut également se souvenir que le Programme commun n’était plus officiellement en vigueur (il est abandonné en 1977) quand François Mitterrand fut élu en 1981.</p>
<p>L’époque où le clivage droite/gauche structurait à lui seul les affrontements politiques et renvoyait à une lutte entre deux modèles de sociétés, l’une capitaliste et libérale et l’autre régulée et sociale, est désormais lointaine.</p>
<p>Les divisions sur l’Europe, la laïcité, l’écologie ou la Nation, pour ne citer que quelques thèmes, constituent désormais des <a href="https://www.franceculture.fr/oeuvre/gauche-droite-la-fin-dun-clivage-sociologie-dune-revolution-symbolique">lignes de fracture à priori plus marquées que le clivage droite/gauche</a> et rendent plus difficiles, au-delà des problèmes de personnes, les rapprochements.</p>
<h2>Mutualisation d’idées et rapport de forces</h2>
<p>Une stratégie de coopétition sous-entend une mutualisation des idées et des forces qui semble par conséquent compliquée à mettre en place et qui ne peut se résumer à une simple alliance politique de circonstances.</p>
<p>L’idée que l’union fait la force se heurte aussi à la crainte de savoir qui sortira gagnant ou perdant d’une telle entente, notamment en vue des élections législatives à venir dans ce cas précis. À gauche, cette question renvoie au souvenir du Programme commun de 1972 qui aurait, pour beaucoup, fortement contribué à <a href="https://enseignants.lumni.fr/fiche-media/00000000137/la-rupture-du-programme-commun-declaration-a-la-presse-de-marchais-et-fabre.html">modifier le rapport de force entre le Parti communiste et le Parti socialiste en faveur de ce dernier</a>.</p>
<p>Les temps changent et, aujourd’hui, ce même Parti socialiste n’est plus la formation dominante de la gauche française. Aucune autre formation n’a pour le moment réussi à le remplacer. Ni La France Insoumise malgré les <a href="https://www.lesechos.fr/2017/04/jean-luc-melenchon-son-resultat-a-la-presidentielle-son-parcours-son-programme-165590">19,56 % de Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle de 2017</a>, ni Europe Ecologie Les Verts après les <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/06/22/l-assurance-de-yannick-jadot-apres-les-elections-europeennes-irrite-la-gauche_5480058_823448.html">13,5 % de la liste de Yannick Jadot aux élections européennes de 2019</a> et le succès de leurs candidats aux <a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/municipales/resultats-des-municipales-2020-lyon-bordeaux-strasbourg-une-vague-ecologiste-deferle-sur-les-grandes-villes_4019095.html">élections municipales de 2020</a> n’ont réussi à imposer un leadership leur permettant de forcer un rassemblement autour de leurs idées.</p>
<h2>Même désunie la gauche au 2ᵉ tour n’est pas à exclure</h2>
<p>Finalement, la réponse à la question « La gauche doit-elle s’appuyer sur une stratégie de coopétition pour accéder au second tour de l’élection présidentielle 2022 et éventuellement l’emporter ? » n’est pas aussi évidente qu’elle n’y parait au premier abord.</p>
<p>Derrière Emmanuel Macron, pour le moment crédité de <a href="https://www.bfmtv.com/politique/elections/presidentielle/tous-les-sondages-de-l-election-presidentielle-2022_GN-202110220314.html">24 % en moyenne</a> des intentions de vote au 1<sup>er</sup> tour, aucun candidat ne parvient aujourd’hui à dépasser les <a href="https://www.bfmtv.com/politique/elections/presidentielle/tous-les-sondages-de-l-election-presidentielle-2022_GN-202110220314.html">18 % des intentions</a>.</p>
<p>Il n’est donc pas impossible que la qualification pour le second tour se joue, comme lors des élections présidentielles de 2002, autour de 16 %/17 %. Si un candidat de gauche prenait finalement l’ascendant sur les autres dans les semaines qui viennent et bénéficiait d’une dynamique nouvelle, il serait vraisemblablement très proche d’un tel score…</p>
<p>Vingt ans après l’élimination de Lionel Jospin par Jean-Marie Le Pen, le scénario d’un candidat de gauche profitant cette fois de la division de l’extrême droite (même si à ce stade, Valérie Pécresse parait la plus à même de tirer son épingle du jeu) et de la faiblesse relative des forces en présence pour se qualifier pour le second tour n’est donc pas totalement à exclure. Et explique peut-être aussi en partie la position des principaux candidats de gauche déjà déclarés vis-à-vis de la stratégie de coopétition que tente d’imposer la Primaire populaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175850/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Guyottot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À gauche, de nombreuses voix appellent à l’union derrière un seul candidat. Malgré les multiples prétendants, serait-il possible qu’un candidat de gauche se qualifie pour le second tour ?Olivier Guyottot, Enseignant-chercheur en stratégie et en sciences politiques, INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1756882022-01-27T19:15:47Z2022-01-27T19:15:47ZLes candidats à l’Élysée devraient-ils faire campagne en baskets rouges ?<p>L’apparence veut dire beaucoup. Elle reste un vecteur déterminant de notre image et de notre message. Ainsi, comme nous le montrons dans notre travail de recherche (à paraître), la présentation de soi constitue un élément de la gestion des impressions (<a href="https://www.sciencedirect.com/topics/psychology/impression-management">« impression management »</a>), c’est-à-dire la façon dont les individus façonnent et utilisent leur image pour influencer autrui.</p>
<p>En politique, l’apparence peut véritablement incliner le choix des électeurs – même si elle est à considérer au regard d’autres critères. Avec leur entrée en campagne, nombreux sont les politiques, hommes et femmes à changer d’allure, à peaufiner certains détails vestimentaires afin de se « présidentialiser ». Il existerait un physique, un « dress code » présidentiable qui renvoient notamment au jugement des électeurs, à leurs préférences et à leurs attentes : régime amincissant pour François Hollande en 2012, cravate et nouvelles lunettes pour Éric Zemmour dans la campagne actuelle, etc. En tout cas, c’est sur ce postulat, que se dessine un profil type de candidat·e à la présidence.</p>
<p>Pour autant, sortir de ce schéma attendu, de ces figures imposées pourrait-il constituer être une stratégie payante ? Oser rompre avec ce schéma formaté, aller au-delà d’une apparence quasiment prédéterminée pourrait en effet devenir une stratégie de différenciation gagnante…</p>
<h2>Contre-exemples</h2>
<p>Les travaux portant sur l’impact de l’apparence physique en politique démontrent comment celle-ci contribue à <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/15377850802005083">façonner l’image et véhiculer les messages</a> des élus, hommes et femmes confondus. Les études sur le sujet identifient ainsi sur une échelle de notation certaines caractéristiques physiques à l’origine de ce qui est considéré comme « une image politique favorable », c’est-à-dire renvoyant le message d’une véritable aptitude politique. Il est donc possible de manipuler et de modifier de manière significative l’apparence physique de candidats masculins comme féminins en les rendant davantage « politiquement désirables ».</p>
<iframe frameborder="0" width="100%" height="110px" style="overflow:hidden;" src="https://podcasts.ouest-france.fr/share/player_of/mode=broadcast&id=15445">Wikiradio Saooti</iframe>
<p><iframe id="tc-infographic-610" class="tc-infographic" height="100" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/610/72c170d08decb232b562838500852df6833297ca/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-ecouter-les-podcasts-de-the-conversation-157070">Comment écouter les podcasts de The Conversation ?</a>
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<p>Les résultats de ces recherches, appliqués à l’instar d’un outil de marketing politique, permettent de positionner les candidats de la manière la plus souhaitable aux yeux des électeurs. Ainsi, les hommes politiques bien notés seraient idéalement âgés de plus de 35 à 40 ans. Ils ont un front haut et des cheveux foncés ou gris coiffés plutôt courts et de façon soignée. Les hommes mal notés sont blonds avec des cheveux épais, non peignés ou négligés. À ces résultats, on peut cependant opposer la chevelure flamboyante d’un Donald Trump ou de la crinière oxygénée et échevelée d’un Boris Johnson.</p>
<p>Toujours dans le registre physique, les femmes politiques doivent de préférence être âgées de 40 à 45 ans. Elles ont intérêt à avoir des cheveux foncés ou gris, une coiffure classique, avec des cheveux courts ou mi-longs. Là encore, les cheveux blonds ou détachés semblent défavorables. Mais que dire alors de Kolinda Grabar-Kitarović, présidente de la République de Croatie de 2015 à 2020 ? Ou encore de Zuzana Caputova, première femme élue en mars 2019 à la présidence de la Slovaquie ? Chacune arborant une chevelure blonde de star hollywoodienne…</p>
<h2>Tenue (politiquement) correcte exigée ?</h2>
<p>Du côté vestimentaire, les recherches indiquent qu’une tenue classique et sobre serait la plus appropriée. Elle reste le signe du sérieux, du professionnalisme et de la compétence attendue dans la fonction politique. Les hommes se doivent ainsi de porter un costume classique foncé avec une chemise blanche ou bleu pâle et une cravate de couleur mais elle peut rester ton sur ton. Les pulls, les couleurs vives, les vestes blanches ou écossaises restent mal perçus.</p>
<p>La cravate, tombée en désuétude dans de nombreux secteurs où elle était pourtant coutumière, semble encore être un signe de qualification et de capacité politiques chez les candidats masculins. Pour les femmes également, une tenue formelle apparaît comme la plus appropriée : chemisier classique, veste de couleurs plus ou moins contrastées. Les motifs voyants et les bras nus constitueraient a contrario des signes appréhendés négativement. De façon générale, il s’agit pour les femmes en politique d’adopter des tenues inspirées du vestiaire masculin sans afficher de féminité ostentatoire dans un milieu traditionnellement masculin.</p>
<p>Par ailleurs, en politique, les couleurs foncées et mates resteraient préférables aux yeux des électeurs. Ainsi, très généralement les hommes et les femmes politiques arborent des tenues dans des déclinaisons allant du noir, aux gris anthracites jusqu’aux nuances de bleus marine et de bleus profonds.</p>
<p>C’est ce qu’illustrent, chez la majorité des candidats les tenues d’Emmanuel Macron, Éric Zemmour, Yannick Jadot, et chez les candidates les tenues d’Anne Hidalgo ou encore de Marine Le Pen. Les teintes bleutées sont d’ailleurs le plus communément affichées par les prétendants à la présidentielle. Outre le fait d’être considéré comme la couleur préférée d’une majorité d’individus, <a href="https://www.lexpress.fr/culture/livre/1-le-bleu-la-couleur-qui-ne-fait-pas-de-vagues_819768.html">notamment en Occident</a>, le bleu, dans un contexte électoral français, reste de par son ancrage historique fortement relié à la nation.</p>
<p>Ainsi, peu de personnalités politiques se permettent de porter des couleurs vives. Pourtant, là encore, on peut citer des contre-exemples. En Allemagne, Angela Merkel arborait ses fameuses vestes aux couleurs lumineuses, devenues son emblème. D’ailleurs, c’est sans doute dans le registre chromatique que les candidats à la présidentielle semblent les plus à même de sortir des codes attendus. On peut observer les nombreuses fois où Valérie Pécresse porte les vestes rouges. Un symbole à la fois de séduction, de force et de pouvoir ? Quant aux cravates rouges portées de façon récurrente par Jean-Luc Mélenchon, serait-ce un message rappelant la classe ouvrière et le mouvement révolutionnaire ?</p>
<p>Finalement, à y regarder de plus près, malgré ces quelques touches de couleurs, l’originalité de la tenue ne semble pas s’inscrire dans les stratégies de gestion de l’image des candidats. Il apparaît même un uniforme type du candidat, de la candidate. Pourtant, être disruptif dans sa tenue et aller au-delà des attendus ne serait-il pas une gageure gagnante ?</p>
<h2>L’effet « baskets rouges »</h2>
<p>En effet, des recherches axées sur la gestion des impressions démontrent que les tenues qui s’écartent de la norme peuvent agir comme un signal charismatique. Elles indiquent de la part de la personne qui les porte la présence de capacités suffisamment exceptionnelles pour pouvoir s’écarter de manière aussi évidente des normes existantes. Cette découverte renvoie à la notion de <a href="https://www.hbs.edu/ris/Publication%20Files/The%20Red%20Sneakers%20Effect%202014_4657b733-84f0-4ed6-a441-d401bbbac19d.pdf">« red sneakers effect »</a>, autrement dit l’effet des baskets rouges.</p>
<p>Ainsi, les études menées au sein d’entreprises concluent que les dirigeants, tel Steve Jobs chez Apple, qui choisissent de s’habiller différemment de leurs collaborateurs ou de l’image type, incarnée souvent par le costume conventionnel, non seulement apparaissent plus charismatiques, mais obtiennent également <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0148296320307797">plus d’approbation</a> de la part de leur groupe. Rapporté au monde politique, il pourrait bien exister un effet « red sneakers » applicable au candidat qui adoptant une tenue non conventionnelle, se traduirait par un look gagnant.</p>
<p>Particulièrement, l’incidence d’un écart vestimentaire fonctionne particulièrement bien en présence de normes attendues, de standards partagés et de conduites formelles. Or, c’est le cas du contexte présidentiel puisque, comme évoqué précédemment, les électeurs restent attachés à un formalisme, une sobriété et un classicisme concernant la tenue des candidats.</p>
<p>Il existe toutefois quelques limites aux inférences positives induites par une tenue décalée. Les bénéfices se dissipent lorsque les observateurs ne sont pas sympathisants ou familiers de l’environnement de l’émetteur au look disruptif. De même, le résultat disparaît lorsque le comportement vestimentaire non conforme de celui ou celle qui l’adopte semble inconscient, involontaire ou non maîtrisé.</p>
<p>Ainsi, rompre avec des codes vestimentaires traditionnels et normés peut, dans certains cas, engendrer des impressions favorables en instaurant une véritable identité visuelle. En effet, se démarquer d’un standard prévisible contribue à forger une image de marque. À la manière d’un logo, une tenue inattendue permettrait d’ancrer dans les esprits une image remarquable, assurant à la fois visibilité et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9putation">réputation</a>. Bien entendu, le type et le degré de déviation vestimentaire engagée sont à prendre en compte afin d’instaurer une image avantageuse. En politique, le pari est risqué, mais une image vaut bien mille mots…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175688/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Agnès Ceccarelli ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Selon la recherche, les dirigeants qui osent casser les codes vestimentaires en entreprise recueillent davantage l’approbation de leurs collaborateurs. Et en politique ?Agnès Ceccarelli, Professeur associé, département Ressources humaines, ICN Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1628702021-06-17T17:20:53Z2021-06-17T17:20:53ZÉlections régionales et départementales : un drôle de scrutin à l’épreuve de l’abstention<p>L’été surgit avec quelques jours d’avance. Timidement, mais sûrement, le monde de la culture retrouve ses couleurs, et remonte ses estrades : le monde politique aussi qui, les 20 et 27 juin, va faire procéder au renouvellement de tous ses conseils départementaux et régionaux.</p>
<p>Mais ce rendez-vous qui pourtant s’inscrit dans un calendrier électoral fermement établi afin de garantir le contrôle démocratique, ne semble susciter ni passion ni même intérêt chez les électeurs qui rêvent d’une trêve de délassement.</p>
<p>À quelques jours du vote, <a href="https://www.francetvinfo.fr/elections/regionales-un-record-d-abstention-pourrait-etre-battu-avec-plus-de-20-millions-de-francais-qui-n-iraient-pas-voter-selon-le-directeur-general-de-lifop_4662171.html">moins de la moitié</a> sont décidés à participer. 2015 avait déjà placé la barre très bas, avec une abstention de 50 % aux régionales. On semble se rapprocher cette fois des 60 % pour le premier tour ! La scène électorale prend la saveur amère d’un théâtre d’ombres.</p>
<h2>Trompe-l’œil électoral</h2>
<p>Certes, dans cette indifférence aux urnes, il y a le moment choisi : le scrutin apparaît à contre-temps. Après un an et demi de crise sanitaire, l’heure est à la détente et à la distraction. À ce besoin de vacances s’ajoutent les conditions étranges de préparation des élections : une <a href="https://theconversation.com/elections-ces-rituels-de-campagne-bouleverses-par-la-crise-160066">campagne sans relief</a>, amortie par le caractère progressif du déconfinement, un décalage des enjeux proprement territoriaux et des attentes générales du moment.</p>
<p>Agitée par un système médiatique maintenu en surchauffe sous la pression des réseaux sociaux, l’atmosphère du moment semble saturée de préoccupations très éloignées du périmètre électoral concerné. Ni la santé, ni la sécurité ne relèvent des <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGITEXT000006070633/">compétences</a> régionales ou départementales.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1404701721901797376"}"></div></p>
<p>Et, pour enfoncer le clou de cette mise au clou du local, l’enjeu de la présidentielle 2022 installe un écran épais devant les réalités. Alors même que ces élections auraient dû être l’occasion d’apprécier le bilan de la réforme territoriale de 2015, un silence pesant sur cette délicate question se fait chez la plupart des candidats afin de ne fâcher personne. Il aurait pourtant été intéressant de faire démocratiquement le bilan de la fusion des régions, dont l’objectif était à la fois de rendre ces collectivités plus attractives et moins coûteuses.</p>
<h2>La peur, stimulant miracle de l’électorat</h2>
<p>Ici et là, dans leurs documents de propagande, on tente bien d’intégrer des éléments précis : les sortants notamment ne manquent pas d’égrener leur bilan (forcément globalement positif). Cela reste toutefois assez anecdotique et ce n’est pas de là qu’on attend la mobilisation <a href="https://eud.u-bourgogne.fr/droit/329-le-vote-rebelle-les-elections-regionales-de-mars-2004-2915552347.html">d’électeurs défaillants</a>.</p>
<p>Appuyés par des médias en quête de buzz et peu intéressés par la vie locale, les responsables politiques de tout horizon sortent du cadre institutionnel pour se situer dans un décor extérieur et tenter de se placer sur le terrain des grands sujets d’inquiétude des Français : la sécurité et la santé.</p>
<p>Le stimulant miracle espéré de l’électorat, c’est la <a href="https://theconversation.com/regionales-2015-sanction-par-explosion-52173">peur</a>. La peur, de l’étranger, de l’insécurité, du lendemain, pour un Rassemblement national qui en fait sa nourriture de base…</p>
<p>Et pour les autres, la peur de voir ce même RN s’installer aux commandes de régions : faire barrage à celui qui depuis les européennes est devenu le premier parti de France, apparaît comme le moteur central du débat politique.</p>
<p>La question est alors déplacée : elle n’est plus « votez pour ma liste qui vous offre les meilleures propositions pour notre région ! », mais « votez pour nous qui sommes les seuls à pouvoir faire rempart au RN ! »</p>
<p>Ainsi, les vieux partis de gouvernement, <a href="https://theconversation.com/macron-la-french-deconnexion-89058">bousculés ou éclatés</a> par l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, espèrent sauver par inertie leurs bastions locaux, qui seuls leur permettent de donner l’illusion qu’ils survivent. Derrière le paravent de la résistance au parti de Marine Le Pen, c’est une autre partie qui se joue, en vue de la reconquête du pouvoir politique perdu.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1404782805830275077"}"></div></p>
<h2>De la fêlure à la fracture démocratique</h2>
<p>Il y a donc à l’œuvre quelque chose comme un <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01683495">détournement de sens électoral</a> sur ce point. Les collectivités régionales et départementales se trouvent instrumentalisées dans un combat qui a peu à voir avec la décentralisation.</p>
<p>L’affaire et d’autant moins innocente qu’elle n’est pas accidentellement apparue : elle s’inscrit dans une évolution de plusieurs décennies au cours de laquelle certains ressorts de notre démocratie se sont fatigués, voir brisés, comme le vote.</p>
<p><a href="https://laviedesidees.fr/Internet-et-la-brutalisation-du-debat-public.html">Appauvrir</a> le débat politique local, sans s’attaquer aux causes profondes, n’est peut-être pas la meilleure voie pour réveiller l’esprit civique de Français lassés d’avoir à voter contre plutôt que pour quelqu’un. Depuis une vingtaine d’années, un chiasme s’est installé dans la perception du processus de désignation des gouvernants : choisir et élire sont dissociés, le choix se réduit à éliminer celui (ou ceux) que l’on ne veut pas.</p>
<p>D’où, au fil du temps, une lassitude des électeurs qui désertent les urnes et perdent <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/fr/content/le-barometre-de-la-confiance-politique.html">confiance</a> dans leurs représentants. C’est tout notre système représentatif qui <a href="https://rmc.bfmtv.com/emission/elections-regionales-et-departementales-la-crainte-d-une-abstention-record-2044387.html">vacille</a> sous les coups de ce qu’on a pu appeler une démocratie de <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02532813">l’intermittence</a>.</p>
<p>Cette asphyxie électorale est aggravée par la rigidification extrême de notre système politique depuis que le <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1999/06/02/chirac-jospin-le-secret-d-un-couple-qui-dure_3549142_1819218.html">couple Chirac-Jospin</a> a tragiquement durci la présidentialisation par l’instauration du quinquennat et l’inversion du calendrier, plaçant les élections législatives après la présidentielle.</p>
<p>Désormais, tout l’édifice électoral se décline exclusivement à partir de l’élection présidentielle : les autres scrutins, européens ou territoriaux, se voient réduits à l’état d’annonces ou de répliques plus ou moins directes de celle-ci. L’échelle du temps électoral a perdu ses barreaux et toute l’horloge des élections locales se trouve décalée par les avatars du leadership présidentiel.</p>
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<h2>Tumultueuse inertie</h2>
<p>Entre des électeurs qui ont la tête ailleurs et des partis qui pensent à autre chose, le scrutin régional prend un caractère énigmatique. Le taux exceptionnel d’abstention prévu rend aléatoires les prévisions rigoureuses : un déplacement supplémentaire de 2 à 3 % peut modifier profondément la donne lorsque les écarts en voix (et non en pourcentages) sont étroits du fait de la très faible mobilisation ; et les seconds tours comportent une forte marge d’incertitude.</p>
<p>Toutefois, en combinant les <a href="https://theconversation.com/regionales-2015-sept-situations-tres-contrastees-51924">résultats de 2015</a>, les facteurs contradictoires que nous avons relevés, les différents sondages, on peut émettre les quelques hypothèses suivantes.</p>
<p>D’abord, et cela pourrait être le cas dans sept régions continentales sur douze, tout laisse entrevoir une reconduction des majorités en place, le rejet du RN et la forte abstention leur conférant une manière de prime au sortant : Île-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes, Occitanie, Hauts de France, Normandie, Pays de la Loire, Nouvelle-Aquitaine.</p>
<p>Cette inertie dominante peut en revanche être contredite.</p>
<h2>Indécisions et déchirements</h2>
<p>En PACA, d’abord, ou le poids traditionnellement dominant du RN conduit par le transfuge des Républicains Thierry Mariani risque d’être mal compensé du fait des <a href="https://theconversation.com/les-republicains-un-parti-dans-la-tourmente-160943">déchirements de la droite</a> et de la perméabilité des électorats ; même questionnement, mais moins accentué du fait d’enjeux infrarégionaux, pour la région Grand Est.</p>
<p>Deux régions à dominante rurale, Bourgogne Franche-Comté (BFC) et Centre-Val de Loire apparaissent particulièrement indécises : depuis 2015, une <a href="https://theconversation.com/trianguler-ou-lart-de-sapproprier-les-idees-des-autres-en-politique-161326">triangulation</a> enferme dans un écart minimal droite, gauche et Rassemblement national.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1404484176334798849"}"></div></p>
<p><a href="https://theconversation.com/regionales-2015-lirresistible-declin-des-appellations-politiques-controlees-en-bourgogne-franche-comte-51499">Il y a six ans déjà en BFC</a>, droite, gauche et RN se tenaient entre 32 et 34 %, et l’on avait frisé, malgré la prime à la liste arrivée en tête, l’absence de majorité en sièges. Or toutes les projections des sondages confirment que l’on stagne dans ces mêmes eaux troubles. Avec des éléments aggravants : la gauche avance divisée, les écologistes ayant choisi de se compter ; la droite est tiraillée entre une liste LR qui a choisi une ligne tournée vers son flanc extrême dans l’espoir de mordre sur le pré carré du RN, et une union avec la majorité présidentielle.</p>
<p>C’est donc un futur deuxième tour pour le moins dangereux qui se profile, tant les mouvements de report s’y annoncent acrobatiques.</p>
<p>C’est Julien Gracq qui notait dans <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Rivage_des_Syrtes"><em>Le rivage des Syrtes</em></a>, en parlant du silence et de l’immobilité qui précède interminablement la bataille :</p>
<blockquote>
<p>« Ce n’est peut-être pas une bonne chose que les choses restent toujours ce qu’elles sont. »</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/162870/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claude Patriat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Tout l’édifice électoral se décline exclusivement à partir de l’élection présidentielle : les autres scrutins se voient réduits à l’état d’annonces ou de répliques plus ou moins directes de celle-ci.Claude Patriat, Professeur émérite de Science politique Université de Bourgogne, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1451832020-08-27T12:50:26Z2020-08-27T12:50:26ZL’Écologie aux portes du pouvoir ?<p>L’« écologie au pouvoir », c’est le titre de la motion proposée au <a href="https://www.eelv.fr/lecologie-au-pouvoir/">dernier congrès d’Europe Écologie Les Verts (EELV)</a> (octobre 2019) par Julien Bayou, secrétaire général du parti et ses colistiers.</p>
<p>Elle a remporté 43 % des suffrages des adhérents, puis obtenu une large majorité (93 %) à la suite du regroupement de l’essentiel des listes concurrentes.</p>
<p>L’objectif est donc bien fixé : il s’agit pour les Verts de gagner puis d’exercer le pouvoir à bref délai. À l’heure où ce même Julien Bayou se déclare <a href="https://www.leparisien.fr/politique/julien-bayou-je-suis-candidat-a-la-presidence-de-la-region-ile-de-france-26-08-2020-8373636.php">candidat à la présidence de la région</a> Île-de-France, il semble opportun de se demander sur quel niveau de pouvoir se positionne le parti écologiste, pour quel programme de gouvernement et avec quels alliés ?</p>
<h2>Un banc d’essai rêvé</h2>
<p>La séquence électorale récente et à venir constitue un banc d’essai rêvé pour l’écologie politique. D’abord des élections européennes <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/05/28/elections-europeennes-vague-verte-sur-l-europe_5468494_3232.html">remportées en 2019</a>, toujours les plus aisées pour les écologistes parce que les enjeux environnementaux y sont centraux et que le <a href="https://theconversation.com/europeennes-un-choix-du-mode-de-scrutin-pas-si-innocent-que-cela-114156">mode de scrutin</a> proportionnel permet de concourir sans besoin de partenaires.</p>
<p>Puis des <a href="https://theconversation.com/municipales-la-france-peut-elle-se-mettre-au-vert-conversation-avec-simon-persico-140649">élections municipales</a> marquées par le désir de voir se réaliser au local une écologie pragmatique, avec un mode de scrutin souple autorisant des stratégies variables à l’égard des partenaires politiques.</p>
<p>L’année prochaine des élections régionales et départementales mettront en jeu des politiques publiques importantes dans le domaine de l’environnement et du social. Enfin dernière étape de ce parcours, l’enjeu national, avec des élections présidentielles et législatives, les plus ardues, jusqu’ici, pour l’écologie politique.</p>
<h2>Premiers succès</h2>
<p>Les deux premières étapes ont été considérées comme des succès notables pour EELV. En témoignent, les 13,5 % obtenus par la liste européenne menée par Yannick Jadot, puis la vague verte des élections municipales qui démontre que les électeurs ne rechignent pas à confier les <a href="https://theconversation.com/municipales-2020-les-verts-doivent-transformer-lessai-a-lechelle-metropolitaine-142111">clés de la mairie</a> aux Verts dans des villes de taille et d’importance majeure, telle que Lyon, Marseille Bordeaux, ou Strasbourg.</p>
<p>Ces premiers succès seront-ils confirmés par les élections régionales et départementales de l’an prochain ? Un nouveau succès serait le signe d’une véritable montée en puissance de l’écologie politique car l’obstacle à franchir est plus haut.</p>
<p>Les <a href="https://www.lemonde.fr/elections-regionales-2015/article/2015/12/07/elections-regionales-la-debacle-des-ecologistes_4825873_4640869.html">dernières élections régionales</a> (2015) ont été un échec patent pour EELV. Au total 3,83 % des suffrages exprimés.</p>
<p>Il est vrai qu’à cette date le parti des Verts était miné par les divisions et les querelles de personne à la suite de <a href="https://www.challenges.fr/top-news/les-verts-refusent-de-participer-au-nouveau-gouvernement_160948">son refus</a> de participer au gouvernement alors dirigé par Manuel Valls.</p>
<h2>Obstacles</h2>
<p>Aujourd’hui le parti semble apaisé et ses succès récents laissent prévoir un bon score global. Reste à négocier des alliances avec le Parti socialiste. Parmi les treize régions métropolitaines <a href="https://www.ouest-france.fr/elections/regionales/avec-cinq-regions-socialistes-le-parti-limite-la-casse-3914885">cinq sont dirigées par le Parti socialiste</a>. Or l’exemple des municipales a montré que, presque toujours – hors le cas de Poitiers, et à quelques voix près seulement dans le cas de Lille –, les maires sortants socialistes qui se sont représentés ont résisté à la poussée écologiste. C’est le cas, par exemple, de Nantes où la maire sortante Johanna Rolland a largement devancé les Verts au premier tour (31,4 % contre 19,6 %) et a finalement à nouveau remporté la mairie.</p>
<p>Dans les négociations à venir on peut s’attendre à ce que le Parti socialiste prenne argument de ses présidences de région actuelles pour tenter de maintenir ses positions et donc de refuser une alliance de premier tour avec les écologistes.</p>
<p>Restent sept régions <a href="https://www.lemonde.fr/elections-regionales-2015/article/2015/12/13/la-droite-gagne-cinq-regions-la-gauche-en-conserve-au-moins-trois_4830894_4640869.html">détenues par la droite</a> dont certaines n’ont été gagnées que de justesse par Les Républicains au détriment de la gauche.</p>
<p>C’est le cas, par exemple de la Normandie où Hervé Morin n’a gagné sa région qu’avec une avance de 0,34 point de pourcentage. Ou de l’Île-de-France où Valérie Pécresse l’a emporté sur Claude Bartolone avec un écart de 1,6 point de pourcentage. Ou encore de la région Auvergne – Rhône-Alpes qui a vu la victoire de Laurent Wauquiez avec une avance de 3,8 points de pourcentages sur Jean‑Jack Queyranne.</p>
<h2>De nouvelles listes pour rassembler</h2>
<p>On peut imaginer que dans de tels cas EELV et le PS conviennent d’adopter la stratégie qui a été gagnante dans les municipales : des listes rassemblant tout ou partie de la gauche avec en tête de liste un représentant d’EELV c’est-à-dire la perspective pour les écologistes d’obtenir pour la première fois des Présidences de régions (hormis un cas, en 1992, lorsque l’écologiste Marie-Christine Blandin est devenue Présidente de la région Nord Pas de Calais à la suite d’un compromis au sein de la gauche).</p>
<p>La candidature de Julien Bayou à la région Île-de-France confirme les ambitions d’EELV. Ce dispositif serait sans doute complété par un partage des candidatures entre EELV et la gauche aux élections départementales.</p>
<p>Quant au programme commun à proposer pour ces élections locales, il ne devrait pas poser de difficultés majeures car les compétences accordées à ces collectivités concernent pour l’essentiel des domaines d’entente pour les partis de gauche.</p>
<p>Au département l’action sociale (enfance, personnes handicapées, personnes âgées, revenu de solidarité active), les infrastructures (ports, aérodromes, routes départementales), et l’éducation (gestion des collèges). À la région le développement économique, l’aménagement du territoire, les transports non urbains, la gestion des lycées, la formation professionnelle.</p>
<h2>Quels Socialistes pour les Verts ?</h2>
<p>À supposer que la dynamique de l’union entre gauche et écologistes soit confirmée par le résultat régional et départemental s’ouvrirait alors la perspective des élections présidentielles et législatives de 2022.</p>
<p>Là, les difficultés sont d’une autre taille. Et d’abord en termes de programmes politiques. Sans doute perçoit-on aisément les points de convergences entre gauche et écologie quand il s’agit d’environnement, puisque la gauche dans son ensemble semble avoir adopté sans réticences l’ensemble des positions défendues par EELV.</p>
<p>Sur le social il semble aussi y avoir un assez large accord en tous cas quand il s’agit de refuser le principe de la réforme du chômage ou celui de la retraite à points. Sur ces enjeux il y a eu concordance entre la majeure partie des Verts et la fraction dite des « Frondeurs » du <a href="https://theconversation.com/la-resistible-agonie-du-parti-socialiste-75229">Parti socialist</a>e, c’est-à-dire les socialistes strictement opposés à toute concession au libéralisme économique tels que Pouria Amirshahi, Pascal Cherki ou Laurent Baumel.</p>
<p>Cette fraction, minoritaire du temps de la présidence de François Hollande est-elle aujourd’hui à la tête du Parti socialiste ? Les partisans d’un accommodement avec le libéralisme, happés par le Macronisme, par exemple Gérard Collomb, ont-ils disparu pour toujours du Parti socialiste ?</p>
<p>Certaines initiatives, telles que « Engageons nous », le <a href="https://www.leparisien.fr/politique/l-initiative-politique-de-laurent-joffrin-accueillie-fraichement-au-ps-20-07-2020-8356050.php">projet politique de Laurent Joffrin</a> peuvent en faire douter. C’est bien à nouveau à un « Réformisme de gauche en France » que se réfère l’ex-directeur de libération, c’est-à-dire, à cette ancienne idée de social-démocratie qu’il s’agit selon lui de rénover.</p>
<p>Enfin, il reste pour les Verts bien des ambiguïtés en ce qui concerne leur capacité à assurer les fonctions régaliennes.</p>
<h2>Des silences historiques</h2>
<p>Quelle politique sécuritaire ? Quelles mesures en matière d’immigration ? Quelles prises de position sur le conflit entre Israël et les Palestiniens ? Sur l’Europe, aussi, il n’est pas sûr que les positions pro-européennes de principe d’EELV concordent avec la vision relativement <a href="https://lafranceinsoumise.fr/2018/04/12/elaboration-programme-europeen/">anti-européenne</a> de la France Insoumise.</p>
<p>Sans doute les <a href="https://journees-ecologistes.fr/">« Journées d’été »</a> des Verts qui viennent de se dérouler à Pantin ont exploré de nombreux thèmes, mais elles sont restées timides quant aux questions sécuritaires, abordées seulement par le biais d’un panel consacré aux violences policières.</p>
<p>En fait, l’effondrement du Parti socialiste a eu pour conséquence que l’écologie politique hérite de la position dominante qu’occupait ce parti. Mais en héritant de cette position, EELV a aussi hérité de ses problèmes irrésolus : quelle réponse à la mondialisation, quelle stratégie à l’égard du libéralisme, quelle politique en matière d’immigration ?</p>
<p>Reste enfin la question de la concurrence des candidatures à l’élection présidentielle.</p>
<h2>2022 en ligne de mire</h2>
<p>La sélection pour le second tour des deux candidats arrivés en tête du premier tour impose clairement une candidature unique à gauche. Au sein d’EELV cette concurrence ne devrait pas poser de problème majeur. Les Verts ont été les premiers à mettre en place un mécanisme de primaires au sein du parti pour choisir le/la candidat-e à l’élection présidentielle.</p>
<p>Il départagera demain Yannick Jadot d’Éric Piolle ou d’autres personnalités. Mais la seconde étape est plus délicate.</p>
<p>Le Parti socialiste est-il prêt à s’effacer devant le candidat choisi par les Verts comme le sous-entendait <a href="https://www.leparisien.fr/politique/les-socialistes-verts-de-rage-contre-olivier-faure-02-07-2020-8345841.php">Olivier Faure</a> ?</p>
<p>Si la négociation entre Verts et PS n’y suffit pas faudra-t-il organiser une primaire « ouverte » à gauche ? Et dans tous les cas quelle sera la décision de la France Insoumise et de son leader, Jean‑Luc Mélenchon, fort de son score historique (19,6 %) à la présidentielle de 2017 ?</p>
<p>L’écologie politique a fait la preuve de sa capacité à mobiliser un électorat décisif au niveau municipal, et peut-être à l’échelon régional. Pour ce qui est du niveau national, la question reste en suspens.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/145183/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Daniel Boy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La candidature de Julien Bayou à la région Île-de-France souligne l’ambition d'EELV et son espoir de réaliser une union solide avec la gauche. Mais de nombreux points restent dans l’ombre.Daniel Boy, Directeur de recherches émérite à Sciences Po, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1421112020-07-09T17:01:29Z2020-07-09T17:01:29ZMunicipales 2020 : les Verts doivent transformer l’essai à l’échelle métropolitaine<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/346345/original/file-20200708-3970-ga5rn3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=29%2C29%2C993%2C653&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le candidat Europe Ecologie Les Verts de la métropole de Lyon, Bruno Bernard après sa victoire, le 28 juin 2020.</span> <span class="attribution"><span class="source">JEFF PACHOUD / AFP</span></span></figcaption></figure><p>Les élections municipales ne sont pas terminées ! Une nouvelle étape décisive va se jouer d’ici la mi-juillet, au sein des métropoles cette fois. Les conseillers métropolitains vont devoir élire les président·e·s et vice-président·e·s, former des majorités et s’accorder sur des programmes d’action pour les six années à venir.</p>
<p>Dans les villes qu’ils ont conquises, comme Bordeaux ou Strasbourg, ou conservées, comme Grenoble, les écologistes ne peuvent se contenter du contrôle des institutions municipales. La capacité d’action, les ressources, les compétences et l’expertise se trouvent ailleurs : au sein des métropoles. S’ils n’ont pas la main sur cette échelle ou s’ils échouent à construire des majorités claires porteuses de projets ambitieux avec leurs alliés de gauche, ils risquent de perdre le bénéfice de leur percée du 28 juin dernier.</p>
<h2>Un tournant historique</h2>
<p>À bien des égards, les succès des listes menées par les écologistes dans les grandes villes françaises constituent un tournant historique, même s’ils ont été obtenus sur fond de forte baisse de la participation.</p>
<p>Il faut remonter aux élections municipales de 1977 pour retrouver un tel tremblement de terre électoral. À l’époque, la razzia des listes d’Union de la gauche (Parti socialiste–Parti Communiste) sur les grandes villes avait été préparée par la montée en puissance des « nouvelles classes moyennes », elle-même engendrée par le développement de l’État-providence dans les <a href="https://www.metropolitiques.eu/La-gauche-la-droite-les-villes.html">années 1960 et 1970</a>.</p>
<p>Même si la faiblesse de la participation commande la prudence dans l’analyse, la percée écologiste de 2020 s’explique-t-elle aussi par les profondes transformations qui ont affecté les sociétés urbaines dans les dernières décennies : <a href="https://www.puf.com/content/Les_citoyens_qui_viennent">renouvellement générationnel</a>, marginalisation de la bourgeoisie traditionnelle liée au commerce à la petite industrie au profit de populations à <a href="https://jean-jaures.org/nos-productions/les-ideopoles-laboratoires-de-la-recomposition-de-l-electorat-socialiste">fort capital culturel</a>. Les changements électoraux du 28 juin sont la traduction de la montée en puissance des groupes socioprofessionnels pour qui l’expérience de la ville est à la fois source de gratifications symboliques et carburant vital pour l’activité professionnelle, qu’on les appelle « bobos » ou <a href="https://www.cairn.info/revue-geographie-economie-societe-2009-4-page-315.htm">« classes créatives »</a>.</p>
<p>Ces groupes sont souvent à l’origine des processus de <a href="http://www.editionsamsterdam.fr/gentrifications/">gentrification</a> qui, qu’on le veuille ou non, ne sont pas étrangers aux victoires des Verts dans les grandes villes.</p>
<h2>Conjurer le spectre de l’écogentrification</h2>
<p>Aujourd’hui, un certain nombre de voix, à droite mais <a href="https://www.liberation.fr/debats/2020/06/30/l-ecologie-municipale-ou-la-ville-face-a-son-histoire_1792880">pas uniquement</a> pointe le risque d’un enfermement des municipalités à dominante écologique sur l’échelle municipale.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1277344504408834049"}"></div></p>
<p>On les soupçonne de vouloir mener des politiques – comme l’interdiction de la voiture ou le moratoire sur l’urbanisation – qui ne bénéficieront qu’aux habitants des villes-centres et pénaliseront tous ceux qui viennent tous les jours y travailler et que la cherté de l’immobilier a repoussés en périphérie.</p>
<p>À leur corps défendant, les municipalités vertes s’apprêteraient à orchestrer une sorte d’<a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1468-2427.2009.00860.x">« écogentrification »</a>, à transformer les villes centres en « clubs » inaccessibles au nom de l’urgence climatique. De fait, on le sait, la piétonnisation, la « tramwayisation », voire le verdissement des villes participent du renchérissement de l’immobilier et peuvent avoir un <a href="https://journals.openedition.org/metropoles/3808">effet d’éviction des populations les plus pauvres</a>.</p>
<p>Mais celles et ceux qui se trouvent sur les listes conduites par les Verts le savent aussi. Ils ont donc fait l’effort de greffer d’ambitieuses mesures sociales et démocratiques sur le socle des propositions environnementales qui constituent le « fond de jeu » des écologistes. En matière de logement en particulier, certains candidats se sont notamment engagés pour un moratoire sur les expulsions locatives, comme à Strasbourg, ou encore sur l’encadrement des loyers, comme à Bordeaux.</p>
<h2>Penser et agir métropolitain</h2>
<p>Ainsi, l’ancrage de l’écologie politique à gauche, dont les alliances scellées à l’occasion des municipales sont le témoin, a permis aux Verts de s’affranchir d’un tropisme environnementaliste qui conduisait parfois les écologistes à perdre de vue les enjeux de justice sociale.</p>
<p>Mais il est un autre tropisme dont les Verts devront se défaire pour pouvoir déployer leur programme et le rendre plus socialement équitable : le tropisme municipal. Si les écolos veulent changer la ville, ils doivent penser et agir métropolitain.</p>
<p>La réduction de la place faite à l’automobile et le développement du réseau cyclable dans les villes-centres ne peuvent se faire qu’en garantissant un accès à celles-ci aux habitants des banlieues par le développement des transports collectifs ou des véloroutes. Le moratoire sur les programmes immobiliers dans les zones denses ne peut pas être synonyme d’arrêt pur et simple des constructions neuves, au risque de nourrir l’inflation immobilière et les effets d’éviction. Il faut donc trouver ailleurs dans les métropoles ou dans les villes moyennes des alentours des sites permettant de construire des logements dans le respect des objectifs environnementaux. Tout cela se pense et s’organise à l’échelle des métropoles.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/346348/original/file-20200708-3995-1xd6urz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/346348/original/file-20200708-3995-1xd6urz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/346348/original/file-20200708-3995-1xd6urz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/346348/original/file-20200708-3995-1xd6urz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/346348/original/file-20200708-3995-1xd6urz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/346348/original/file-20200708-3995-1xd6urz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/346348/original/file-20200708-3995-1xd6urz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« Love is in the RER » : les élus écologistes devront aussi rapidement prendre en compte les besoins des habitants des banlieues, comme en ici en région parisienne.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/fjludo/6423966075/">Ludovic Etienne/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>Or, pour se projeter à l’échelle métropolitaine, les Verts ne sont pas en position de force, sauf à Lyon qui dispose d’un système électoral spécifique et où les élections ont donné l’avantage aux écologistes et à leurs alliés à la fois dans la ville-centre et au <a href="https://www.lesechos.fr/elections/municipales/municipales-bruno-bernard-le-nouvel-homme-fort-du-grand-lyon-1219406">conseil métropolitain</a>.</p>
<p>À Bordeaux, le groupe écologiste ne peut compter que sur 29 sièges sur les 104 que compte l’assemblée métropolitaine. Ils sont donc dépendants de l’alliance avec le groupe PS fort de 32 élus.</p>
<p>À Grenoble, la situation est légèrement plus favorable pour le groupe EELV-LFI qui est le plus nombreux de l’assemblée. Mais avec 33 sièges sur 119, on est loin de la majorité absolue.</p>
<p>À Strasbourg, quatre communes enverront des délégués écologistes à l’assemblée de l’Eurométropole pour un total de 44 sièges sur 99. Ils constituent de loin le premier groupe mais dépendent là encore de l’appoint des socialistes, passablement affaiblis cependant avec seulement 9 conseillers, pour <a href="https://www.rue89strasbourg.com/majorite-ecologistes-eurometropole-maires-179295">constituer une majorité</a>.</p>
<p>Pour bénéficier d’une capacité d’action à l’échelle métropolitaine, les nouveaux maires écologistes devront s’allier à d’autres forces politiques. Lesquelles et selon quelles modalités, c’est là un enjeu dont on parle très peu et qui est pourtant aussi crucial que la victoire aux municipales. Les conseillers métropolitains écologistes et leurs alliés de gauche sont confrontés à un choix entre deux manières de constituer un pouvoir d’agir : la coalition entre maires ou la majorité métropolitaine.</p>
<h2>Petits arrangements entre maires</h2>
<p>La première formule est celle vers laquelle les pousseront probablement les barons socialistes locaux, mais aussi bien entendu, les élus de droite. Ici, l’idée est de fonder l’action intercommunale sur le consensus entre les maires.</p>
<p>C’est alors le bureau ou la conférence des maires qui est l’instance décisionnelle et non pas l’assemblée métropolitaine. La formule a l’avantage de ne pas léser les communes ; elle a l’inconvénient de déboucher sur des compromis qui permettent rarement la mise en œuvre d’orientations politiques ambitieuses en termes de mobilités, d’urbanisme ou d’habitat.</p>
<p>Le marchandage à huis clos entre maires prévaut –« à toi le prolongement d’une ligne de tram, à moi le financement pour une piscine »- au détriment de tout projet territorial d’ensemble. Le tout dans la plus totale <a href="https://croquant.atheles.org/savoiragir/lapolitiqueconfisquee">opacité démocratique</a>.</p>
<p>À Bordeaux, c’est cette formule qui a toujours prévalu depuis la création de la Communauté urbaine devenue métropole en 2015 et que l’on qualifie sobrement de « cogestion ».</p>
<p>Elle a débouché sur une incapacité de l’intercommunalité à contrôler la périurbanisation, à juguler l’explosion du trafic automobile, à rééquilibrer la distribution du logement social dans l’espace métropolitain et a doté l’agglomération d’un réseau de tramway dont les extensions ont toujours été davantage dictées par des <a href="https://journals.openedition.org/metropoles/7118">considérations politiques</a> que par des impératifs de mobilités.</p>
<p>C’est pourtant la formule qui a les faveurs d’un Alain Anziani, maire PS de Mérignac, partisan du développement de l’aéroport situé sur sa commune et du maintien de la navette Air France qui le relie à Orly, et candidat à la présidence de la métropole discrètement soutenu par les maires LR et LREM.</p>
<p>À Grenoble, c’est Christophe Ferrari qui incarne cette défense de la cogestion. Maire de la commune du Pont-de-Claix, ancien membre du parti socialiste, il préside Grenoble Métropole depuis 2014 à la tête d’un groupe baptisé « Agir pour un développement intercommunal et solidaire » (ADIS) qui fédère les maires de 25 communes, apparentés socialistes ou communistes ou dirigeant des <a href="https://www.francebleu.fr/infos/politique/metropole-de-grenoble-au-lendemain-du-deuxieme-tour-le-duel-ferrari-mongaburu-est-lance-1593452261">petites communes sans étiquette partisane</a>.</p>
<p>Ce groupe s’est clairement constitué pour contenir l’influence de la ville-centre, dirigé par une alliance EELV/FI avec à sa tête Eric Piolle. Aujourd’hui, Christophe Ferrari entend bien maintenir cet attelage malgré la progression des Verts dans la métropole.</p>
<h2>Faire le pari du jeu majoritaire à l’échelle métropolitaine</h2>
<p>La seconde formule impliquerait l’imposition d’un rapport de force majoritaire à l’échelle des métropoles. Ici, le programme d’action de l’intercommunalité serait le fruit d’un accord entre groupes capables de former une majorité – les Verts et le PS essentiellement – et aurait vocation à s’imposer aux communes dirigées par des équipes appartenant à l’opposition intercommunale – droite, centre et divers droite.</p>
<p>Le centre du pouvoir glisserait du bureau des maires vers le conseil métropolitain. Cette formule permettrait de mettre les puissantes technostructures métropolitaines au service d’un projet de territoire clairement affiché. Elle organiserait une certaine relégation du pouvoir municipal au second plan mais elle aurait le mérite de donner plus de visibilité à l’espace politique métropolitain, là où les compétences et les ressources d’action sont aujourd’hui concentrées.</p>
<p>Pour l’heure, cette seconde formule semble avoir les faveurs de <a href="https://www.20minutes.fr/bordeaux/2728063-20200227-municipales-2020-bordeaux-ecolos-veulent-fin-cogestion-metropole">Pierre Hurmic, nouveau maire EELV de Bordeaux mais aussi de Clément Rossignol Puech</a> de la métropole), maire écologiste réélu à Bègles. Toutefois, en s’affranchissant ainsi de la tradition de la « cogestion », ils risquent de se heurter à une coalition improbable entre notables socialistes ou de droite qui ne veulent ni d’un président écologiste à la métropole ni d’une formule majoritaire.</p>
<p>À Strasbourg, l’échec de la fusion entre les listes EELV et socialiste entre les deux tours s’explique par le refus de Jeanne Barseghian de reconduire la gestion intercommunale au consensus face à une Catherine Trautman voulant prendre la présidence de la métropole et reconduire la cogestion.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1280791886849093633"}"></div></p>
<p>À Grenoble, cette conception plus politisée de la gouvernance métropolitaine est portée par Yann Mongaburu, élu grenoblois, membre de l’équipe sortante d’Eric Piolle, et qui entend bien débaucher quelques-uns des maires du groupe ADIS pour constituer une majorité métropolitaine claire et faire voler en éclats les petits arrangements intercommunaux entre maires.</p>
<h2>Démocratiser les métropoles</h2>
<p>Les ambitions démocratiques que les Verts ont affichées lors de la campagne ne doivent pas les conduire à se rétracter sur les échelles du proche, des municipalités notamment. La mise en œuvre de leurs ambitions de changer la ville doit les conduire à se projeter au niveau métropolitain. C’est seulement à cette échelle que les enjeux de maîtrise de l’urbanisation, de logement, de mobilités, d’alimentation, de complémentarité ville-campagne et tant d’autres encore, peuvent être pris en charge.</p>
<p>Pour déployer leurs ambitions à ce niveau les Verts devront s’appuyer sur des majorités claires et idéologiquement cohérentes, porteuses de vrais projets de territoire. Ils devront pour cela pouvoir compter sur la capacité des élus socialistes à sortir des logiques de la cogestion et des marchandages occultes entre maires.</p>
<p>Ce serait une première étape vers la démocratisation des métropoles. La seconde sera l’élection au suffrage universel direct des conseils métropolitains. Mais sur ce point, les élus locaux n’ont pas la main et la balle est dans le camp du législateur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/142111/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gilles Pinson ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si les écologistes ne construisent pas des majorités claires à l’échelle des métropoles, ils risquent de perdre le bénéfice de leur percée du 28 juin.Gilles Pinson, Professeur de science politique, Sciences Po Bordeaux, Centre Emile Durkheim, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1179042019-05-28T09:18:07Z2019-05-28T09:18:07ZLa surprise Verte<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/276779/original/file-20190528-42584-1yooh1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C1194%2C813&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le dirigeant des Verts, Yannick Jadot, au soir du scrutin européen, le 26 mai 2019, à Paris.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Stéphane de Sakutin/AFP</span></span></figcaption></figure><p>Alors que les sondages pré-électoraux les situaient généralement entre 7 % et 9 %, ils réalisent en France le score confortable de 13,5 %. Il est vrai que les écologistes ont toujours obtenu leurs meilleurs résultats lors des élections européennes : en 1989, déjà, la liste menée par Antoine Waechter avait obtenu 10,59 % des suffrages exprimés. Plus récemment en 2009, le parti d’Europe Écologie Les Verts (EELV), constitué depuis peu, réalisait le score record de 16,28 %.</p>
<p>Si, aujourd’hui, on admet de compter non seulement les voix recueillies par EELV mais aussi l’apport des listes « Urgence écologique » (1,82 %) et Parti animaliste (2,17 %), on obtient un total de 17,46 %.</p>
<h2>Un scrutin qui réussit bien aux écologistes</h2>
<p>Les raisons de cette spécificité du vote européen sont connues. Les électeurs savent aujourd’hui que cette Europe tant décriée par ailleurs a au moins la vertu de légiférer assez efficacement dans le domaine de la protection de l’environnement. Une bonne partie de notre législation environnementale provient de directives européennes – qu’il s’agisse de la qualité de l’air et de l’eau, de la protection des espaces naturels (<a href="http://www.natura2000.fr/">Natura 2000</a>) ou très récemment de l’<a href="https://theconversation.com/fin-de-la-peche-electrique-un-pas-decisif-vers-des-pratiques-plus-durables-112923">interdiction de la pêche électrique</a>.</p>
<p>Il est probable aussi que les électeurs français admettent jusqu’ici plus volontiers de confier des responsabilités aux écologistes au niveau local (communes, régions) et au niveau supranational (Union européenne) davantage qu’au niveau national (présidentielle, législatives).</p>
<p>Enfin, une dernière raison tient à la <a href="https://theconversation.com/europeennes-un-choix-du-mode-de-scrutin-pas-si-innocent-que-cela-114156">spécificité du mode de scrutin proportionnel</a> en vigueur dans les élections européennes. Avec un scrutin de ce type, les écologistes sont dispensés du souci de rechercher un partenaire politique plus puissant susceptible de les épauler, comme c’est le cas lors des élections législatives.</p>
<h2>Le nouveau virage écologique de la gauche</h2>
<p>Plusieurs raisons expliquent le fait que le score obtenu par les Verts a constitué une véritable surprise. La première est que l’on doutait de la bonne santé du parti Vert affecté par de <a href="https://theconversation.com/apres-nicolas-hulot-francois-de-rugy-et-les-dilemmes-de-lecologie-politique-102525">multiples querelles de personnes</a>. Le refus de cautionner le choix de Manuel Valls comme premier ministre avait entraîné des désaccords profonds au sein du mouvement et conduit au départ de leaders Verts de premier plan (François de Rugy, Jean‑Vincent Placé).</p>
<p>S’ajoutant à ce contexte, la séquence électorale de 2017 avait été <a href="https://theconversation.com/demain-la-gauche-79640">catastrophique pour les Verts, comme pour leurs alliés socialistes</a>. Contraints de renoncer pour la première fois de son histoire à une candidature écologiste lors de la présidentielle, les Verts ont aussi sombré électoralement avec leur partenaire socialiste lors des législatives qui ont suivi, perdant ainsi une bonne partie des fonds liés au financement public des résultats électoraux.</p>
<p>Enfin, lors de la campagne des européennes, beaucoup d’observateurs avaient noté que des partis autres que les Verts avaient fortement infléchi leur offre électorale en proposant des mesures supposées répondre aux crises environnementales.</p>
<p>Ce sont, pour l’essentiel, les partis de gauche qui ont suivi cette nouvelle stratégie. Jean‑Luc Mélenchon pour les Insoumis et Benoît Hamon (Génération·s), candidat socialiste à la présidentielle de 2017, avaient anticipé ce mouvement. Aujourd’hui, le Parti socialiste (désormais intitulé PS Social Écologie) et le Parti communiste – qui a réuni en mai 2018 des « Assises communistes de l’Écologie » – confirment ce nouveau virage idéologique.</p>
<h2>Des conversions tardives qui n’ont pas convaincu</h2>
<p>Pourtant, les résultats désastreux des partis de gauche (PC, Génération·s, LFI, Parti socialiste) démontrent clairement que les électeurs de sensibilité écologiste n’ont pas été séduits par cette apparente conversion aux valeurs de l’écologie. Bien au contraire, il est vraisemblable que les médiocres résultats de la gauche s’expliquent pour partie par une désertion d’une fraction de leurs électeurs en faveur de la liste d’EELV.</p>
<p>Pour quelles raisons ces stratégies ont- elles échoué ? Sans doute parce qu’il est toujours difficile de croire aux conversions tardives, qui ressemblent souvent à des alignements de circonstance plus qu’à des convictions profondes. Peut-être aussi parce que, selon la formule consacrée, les électeurs préfèrent généralement l’original à la copie.</p>
<p>Enfin, pour une raison de stratégie électorale bien comprise : On sait qu’au sein du Parlement européen, les Verts, bien que peu nombreux, ont fait preuve d’intelligence et de ténacité pour peser sur les politiques publiques environnementales de l’Union européenne (par exemple, dans la lutte qui a conduit à l’<a href="https://www.euractiv.fr/section/agriculture-alimentation/news/meps-confirm-electric-fishing-ban-despite-eleventh-hour-dutch-effort/">interdiction de la pêche électrique</a>). Pour ceux qui privilégient l’enjeu environnemental, voter pour un renforcement du groupe Vert est sûrement une stratégie plus sûre que de voter en faveur de partis de gauche qui, au sein du Parlement européen ne sont pas leaders dans le domaine des politiques d’environnement.</p>
<h2>La mobilisation d’une partie des jeunes</h2>
<p>Certains éléments pouvaient, cependant, inciter les observateurs à anticiper le bon résultat des Verts. C’est, d’abord, la vigueur des alertes émises dans les derniers mois par les scientifiques sur la montée du risque climatique et sur la dégradation inquiétante de la biodiversité.</p>
<p>Ce sont ensuite les diverses manifestations, comme en réponse à ces alertes, telles que les <a href="https://theconversation.com/ces-trois-jeunesses-qui-se-mobilisent-pour-le-climat-113297">« Marches pour le Climat »</a> ou les actions de terrain du groupe <a href="https://theconversation.com/extinction-rebellion-pourquoi-je-mengage-dans-laction-non-violente-contre-le-changement-climatique-107337">Extinction Rebellion</a>. Mais la conversion de convictions en votes n’est sûrement pas un phénomène purement mécanique, et l’on pouvait par conséquent douter de la réalité de cette conversion.</p>
<p>Au lendemain de cette élection, nous n’avons pas de preuve effective que les bons résultats des Verts s’expliquent principalement par une mobilisation en réponse aux messages de la communauté scientifique. Mais certains éléments vont cependant dans ce sens. Ainsi, il semble clair qu’une fraction des classes d’âge les plus jeunes (18-24ans), plus présente dans les mobilisations de terrain, a aussi contribué, davantage que dans les élections antérieures aux bons résultats des Verts.</p>
<p><a href="https://www.ifop.com/publication/europeennes-2019-profil-des-electeurs-et-clefs-du-scrutin/">Selon l’IFOP</a>, 23 % des jeunes de 18-24 ans auraient choisi le vote en faveur de l’écologie contre 15 % pour LREM, et 14 % pour le RN. Il ne faut pas déduire de ces chiffres une conversion massive de la jeunesse en faveur de l’écologie : vraisemblablement, les jeunes en question appartiennent plus souvent à des milieux aisés, sont plus souvent étudiants ou lycéens, et moins souvent membres des catégories populaires, comme du reste l’ensemble de l’électorat écologiste. Ce résultat, cependant, diffère de ce que l’on observait auparavant.</p>
<h2>Une troisième force durable ?</h2>
<p>La réussite des Verts lors des élections européennes signifie-t-elle que, désormais, l’écologie politique tiendra ce rang de « troisième parti » de France dans les élections à venir ? Pour les prochaines élections, les municipales de 2020, il est probable que le niveau actuel des écologistes leur permettra de revendiquer plus qu’auparavant des positions de leadership dans d’éventuelles alliances avec leurs partenaires de gauche.</p>
<p>Pour l’avenir plus lointain, tout dépendra de la capacité des partis de gauche à imaginer et à mettre en œuvre une reconstruction fructueuse de la nébuleuse de gauche. Elle sera sans doute longue et complexe à mettre en œuvre, mais si elle réussit, les Verts devront composer avec elle.</p>
<p>Et ils seront à nouveau confrontés à un problème non résolu : comment accéder au pouvoir national avec un mode de scrutin (majoritaire à deux tours) qui, compte tenu du niveau électoral de l’écologie politique impose l’apport d’un partenaire plus puissant ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117904/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Daniel Boy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La réussite des Verts lors des élections européennes signifie-t-elle que, désormais, l’écologie politique tiendra ce rang de « troisième parti » de France dans les élections à venir ?Daniel Boy, Directeur de recherches émérite à Sciences Po, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1178622019-05-27T14:14:37Z2019-05-27T14:14:37ZLes élections européennes métamorphosent le clivage gauche-droite<p>Dès le soir du 26 mai, le <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/la-republique-en-marche/video-nous-avons-recu-le-message-de-nombreux-francais-sur-l-urgence-ecologique-annonce-edouard-philippe_3461537.html">premier ministre Édouard Philippe</a> est intervenu pour expliquer que, contrairement à ce que disaient les spécialistes, selon lui, le clivage gauche-droite était définitivement mort et que les élections européennes avaient entériné le nouveau clivage entre progressistes et nationalistes sur lequel Emmanuel Macron avait bâti toute la campagne de La République en marche (LREM) en 2017.</p>
<p>Il est vrai que le résultat des élections européennes de 2019 réduit à la portion congrue les partis de la gauche comme LFI (6,3 % des suffrages exprimés), le PS – nouvelle mouture Place publique (6 %) ou ancienne mouture frondeuse de Génération.s (3 %) –, dépassant à peine le PCF (2,5 %). De même, il entérine la débâcle de la liste des Républicains qui finit à 8,5 % après avoir longtemps été créditée d’un vrai dynamisme électoral pouvant la conduire selon les sondages vers les 15 %.</p>
<p>Il est également vrai que le Rassemblement national (RN) et LREM totalisent à eux deux environ la moitié des suffrages exprimés dans des élections qui ont mobilisé davantage que d’habitude, ayant été transformées depuis la crise des « gilets jaunes » en test de politique nationale, voire en plébiscite pour ou contre le président de la République dont la légitimité n’a jamais été durablement établie pour nombre de Français depuis les élections de 2017.</p>
<h2>La question sociale reste centrale</h2>
<p>Le premier réflexe est donc de considérer que le clivage gauche-droite s’est éteint au profit de l’affrontement de deux ensembles électoraux que tout oppose, et notamment la sociologie de leurs électeurs. Celui-ci relancerait, de manière paradoxale, la lutte des classes entre – d’un côté – les jeunes ouvriers et employés peu diplômés, habitant des zones désindustrialisées, à fort taux de chômage, votant RN et – de l’autre – les seniors des catégories supérieures habitant des départements plus riches, votant LREM.</p>
<p>Dans cet affrontement entre un néolibéralisme pro-européen, n’ayant plus de gauche que son niveau de tolérance culturelle propre aux classes supérieures, et un mouvement souverainiste anticapitaliste et populaire, n’ayant plus de droite que son refus de l’immigration, on voit se jouer une double confrontation : de nature économique entre riches et pauvres et de nature sociale entre ceux qui disposent de bonnes perspectives d’avenir et ceux dont la mobilité sociale ou celle de leurs enfants s’effondre.</p>
<p>La question sociale n’est donc pas évacuée comme le sous-entend le discours du « ni gauche ni droite ». Or c’est bien elle qui a toujours structuré le clivage gauche-droite.</p>
<h2>L’écologie politique devient le pivot de la gauche</h2>
<p>L’explication par le nouveau clivage entre progressistes et souverainistes fait, par ailleurs, peu de cas de la percée d’Europe Écologie Les verts (EELV) qui obtient 13,5 % des suffrages, sauf à expliquer que le macronisme c’est aussi de l’écologie – ce qui n’a pas vraiment convaincu Nicolas Hulot.</p>
<p>Ce succès ne s’inscrit nullement dans ce schéma binaire, car l’écologie politique reste ancrée dans un mouvement antilibéral de gauche mais fondamentalement pro-européen, comme l’a d’ailleurs expliqué très clairement Yannick Jadot. Rien n’indique que les électeurs de la liste EELV se soient ralliés au libéralisme économique, comme le montrent les <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/fr/content/lenquete-electorale-2019">résultats de l’enquête électorale 2019 du Cevipof</a>. C’est même tout le contraire.</p>
<p>Les électeurs de la liste EELV sont fortement libéraux sur le plan culturel – ce qui est mesuré ici sur la base d’un indice de trois questions portant sur l’immigration, la peine de mort et le mariage homosexuel. Mais ils sont très faiblement libéraux sur le plan économique – ce qui est mesuré par un indice de trois questions portant sur la liberté dont doivent jouir les entreprises, sur la redistribution des richesses pour assurer la justice sociale et sur la réduction du nombre des fonctionnaires.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/276596/original/file-20190527-193510-1w32215.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/276596/original/file-20190527-193510-1w32215.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=362&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/276596/original/file-20190527-193510-1w32215.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=362&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/276596/original/file-20190527-193510-1w32215.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=362&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/276596/original/file-20190527-193510-1w32215.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/276596/original/file-20190527-193510-1w32215.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/276596/original/file-20190527-193510-1w32215.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les valeurs des électorats aux élections européennes de 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Enquête électorale 2019/Cevipof</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<hr>
<p>La gauche s’est redéployée autour de la défense de l’environnement, chacune de ses listes proposant une nouvelle alliance entre la justice sociale et la réinvention du système économique afin de préserver les ressources naturelles et la biodiversité. Les élections européennes de 2019 ont vu s’opérer l’abandon par la gauche de sa traditionnelle philosophie productiviste au profit d’une philosophie associant égalité et qualité de vie et cela dans une perspective internationaliste typiquement de gauche, même si cela débouche sur la remise en cause de l’Union européenne en tant que telle.</p>
<p>C’est bien l’éclatement des listes de gauche et leur incapacité momentanée à produire un mouvement unifié qui donne par contrecoup l’impression que la vie politique française se résume au combat de LREM et du RN. On ne peut donc pas mesurer l’évolution des cultures politiques en prenant comme indicateur l’offre partisane.</p>
<h2>La liste LREM absorbe les électeurs du centre-droit</h2>
<p>Du côté de LREM, sa résistance électorale est venue du fait qu’une partie de ses électeurs proviennent de la droite et du centre alors que le parti présidentiel perdait les électeurs de gauche qui l’avaient soutenu en 2017.</p>
<p>L’enquête électorale 2019 montre ainsi que si la liste LREM récupère 61 % des électeurs d’Emmanuel Macron au premier tour de l’élection présidentielle de 2017, 27 % de son potentiel électoral aux européennes vient d’anciens électeurs de François Fillon ou de Nicolas Dupont-Aignan, et 6 % seulement de l’ensemble de l’électorat de gauche. On voit donc que l’ancrage à droite de LREM s’est confirmé.</p>
<p>En revanche, 11 % des électeurs d’Emmanuel Macron lors de ce premier tour de la présidentielle entendaient voter pour la liste du PS–Place publique et 14 % pour la liste EELV, alors que les intentions de départ vers les listes de droite s’avéraient bien plus rares (2,5 % pour LR et 2,5 % également pour la liste UDI).</p>
<p>Sur ce terrain, la stratégie électorale d’Emmanuel Macron a bien fonctionné puisque nombre d’électeurs âgés ayant du patrimoine ont préféré jouer la carte du vote utile pour contrer le RN – ce que confirme l’analyse de la géographie électorale – plutôt que de voter pour la liste LR dont la campagne a été bien menée mais sur laquelle pèse toujours le poids des rivalités internes de personnes comme sa position assez ambiguë à l’égard de l’Union européenne.</p>
<h2>Les Européennes n’ont pas permis le retour à la normalité démocratique</h2>
<p>L’enfermement du débat politique dans le face-à-face entre LREM et le RN n’a cependant pas que des côtés positifs pour le gouvernement. Il ne faut pas oublier que la participation atteint seulement les 50 %, dépassant certes les prévisions des sondages, mais restant très basse alors même qu’il s’agissait d’une élection d’infirmation ou de confirmation de la présidentielle de 2017. Les résultats obtenus par les diverses listes doivent donc être divisés par deux en nombre d’inscrits – ce qui ne permet pas de faire des projections fiables sur le long terme. Ce qui veut dire que la crise démocratique est loin d’avoir été absorbée, le premier parti restant, et de loin, celui des abstentionnistes.</p>
<p>Les gilets jaunes, avec 0,5 % des suffrages exprimés, n’ont pas pu transformer leur révolte en offre politique crédible malgré le très haut niveau de proximité voire de soutien de la part des Français. Le vote RN a pu ainsi profiter de la contestation sociale en attirant environ 50 % des électeurs les plus proches des gilets jaunes et dont la culture est <a href="https://theconversation.com/les-gilets-jaunes-une-transition-populiste-de-droite-110612">populiste, anticapitaliste mais assez largement hostile à l’immigration</a>.</p>
<p>L’erreur d’analyse qui a consisté à voir dans les gilets jaunes un mouvement social de gauche permet de comprendre le désarroi de Jean‑Luc Mélenchon, qui voit son score électoral s’effondrer alors qu’il avait sous les yeux la révolte qu’il attendait depuis si longtemps. Même si l’on peut distinguer les gilets jaunes actifs de ceux qui les soutiennent, il faut bien reconnaître que ce mouvement n’a nullement renforcé la gauche radicale, bien au contraire.</p>
<h2>Quelle base sociale pour la reconstruction de la gauche ?</h2>
<p>Il était donc de bonne guerre de la part du premier ministre comme de LREM d’invoquer la <a href="https://theconversation.com/paysage-apres-la-bataille-presidentielle-la-gauche-et-la-droite-meme-pas-mortes-84191">disparition du clivage gauche-droite</a>. Mais l’analyse montre que les élections européennes ont plutôt reconfiguré cette opposition à travers les enjeux que constituent le libéralisme économique de l’Union européenne et la défense de l’environnement.</p>
<p>Il reste que l’on peut donner deux interprétations du paysage politique français actuel. On peut, tout d’abord, considérer que l’opposition LREM-RN est celle de deux droites, LREM étant la réincarnation modernisée du giscardisme et de l’ancienne UDF, le RN reprenant à son compte le gaullisme dans ce qu’il avait de souverainiste mais aussi de social.</p>
<p>On peut aussi lire cette évolution en termes sociologiques, LREM défendant les classes aisées ou dotées de ressources scolaires et le RN défendant les classes populaires et ceux qui se sentent exclus de la vie politique institutionnelle.</p>
<p>Dans un cas comme dans l’autre, la question se pose de savoir sur quelle base sociale la gauche peut se reconstruire. Car l’écologie politique ne parle pour l’essentiel qu’aux plus diplômés, même s’ils n’appartiennent pas aux catégories supérieures. Le débat risque donc d’être bloqué encore longtemps.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117862/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Rouban ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La question sociale n’est pas évacuée comme le sous-entend le discours du « ni gauche ni droite ». Or c’est bien elle qui a toujours structuré le clivage gauche-droite.Luc Rouban, Directeur de recherche CNRS, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/762972017-04-19T19:36:18Z2017-04-19T19:36:18ZLes audaces contrariées de Benoît Hamon<p>Lancée le 16 août 2016 à l’occasion du <a href="http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/2016/08/16/25001-20160816ARTFIG00160-2017-hamon-multiplie-les-signaux-en-vue-d-une-candidature.php">20 heures de France 2</a>, la campagne de Benoît Hamon pour les primaires l’avait vu imposer progressivement à ses challengers ses thèmes de campagne (revenu universel, transition écologique, légalisation du cannabis, reconnaissance du <em>burn-out</em>, lutte contre les perturbateurs endocriniens, « taxe-robot », visas humanitaires…)</p>
<p>Celui qui devait quitter le statut de troisième homme – derrière Manuel Valls et Arnaud Montebourg – pour celui de présidentiable générait alors enthousiasme et ferveur auprès d’un électorat plutôt jeune en recherche de solutions pérennes pour affronter les décennies à venir. Large, sa victoire lors des primaires lui permit de s’envoler dans les sondages d’opinion et de se retrouver à près de 17 % des intentions de vote à la mi-février.</p>
<p>Pourtant, à quelques jours du premier tour, cette belle dynamique semble grippée et Hamon pourrait sortir vaincu, mais aussi en partie discrédité, d’une campagne que certains jugent calamiteuse.</p>
<h2>Ralliements, raffinements et morcellements : une stratégie souvent contre‑productive</h2>
<p>Nombreux sont ainsi les observateurs qui ont noté les erreurs de stratégie d’Hamon et de son équipe. Les tentatives de ralliement des écologistes et de la France insoumise ont souvent été perçues comme une perte de temps précieux, à un moment où il était urgent de consolider l’ancrage des thèmes de campagne. Cette perception s’est trouvée renforcée par l’échec d’Hamon à rallier un Jean‑Luc Mélenchon qui résista à la pression <a href="http://www.regards.fr/web/article/une-alliance-entre-melenchon-et-hamon-ils-y-croient-encore">d’une partie de l’électorat de gauche en faveur d’une alliance</a>.</p>
<p>Ce dernier a par ailleurs su tirer profit de ce contexte délicat pour négocier un « pacte de non-agression », privant Hamon et ses proches de la possibilité d’attirer l’attention sur certains points clivants du programme de la France insoumise et du positionnement de son candidat : le rapport à l’Union européenne, la relative bienveillance à l’égard de Poutine et d’Assad, le rapport au protectionnisme et au souverainisme…</p>
<p>Autre erreur stratégique relevée par quelques observateurs : le remodelage de ses principales propositions à l’issue de la primaire. Tandis que certaines – sans doute jugées trop peu consensuelles – passaient à l’arrière-plan de la communication du candidat (légalisation du cannabis, visas humanitaires…), d’autres se voyaient modifiées, repensées, affinées…</p>
<p>Les efforts de <a href="http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2017/03/09/benoit-hamon-rabote-de-nouveau-sa-promesse-de-revenu-universel-pour-les-18-25-ans_5092265_4355770.html">raffinement du chiffrage de sa mesure phare qu’est le revenu universel</a> ont ainsi été perçus et présentés, au mieux comme des tergiversations, au pire comme des reniements. Ces perceptions ont contribué à ternir l’image d’une radicalité réaliste et assumée qu’Hamon avait su imposer lors de la primaire et qui aurait dû en faire le candidat de la rupture avec la gauche de gestion au pouvoir depuis cinq ans.</p>
<p>Les équipes du candidat ont sans doute aussi eu le tort de vouloir annoncer de manière fragmentée les mesures du programme hamoniste. Leur objectif d’occupation de l’espace médiatique s’est heurté à la forte concurrence événementielle des affaires Fillon et Le Pen. De plus, ce morcellement a masqué la cohérence du programme d’Hamon et sa capacité à penser intelligemment l’articulation entre transition démocratique, transition économique et transition écologique.</p>
<p>On peut estimer <em>a posteriori</em> que le candidat aurait eu intérêt à insister sur les vertus du revenu universel ou du 49.3 citoyen et à centrer ses discours sur quelques thématiques de campagne bien hiérarchisées – lutte contre les discriminations ; moralisation de la vie politique ; renforcement des services publics ; construction européenne. Quitte à ne pas chercher à s’adresser à l’ensemble de l’électorat et à provoquer des points de clivage avec ses concurrents.</p>
<h2>Le PS ou le retour de la « machine à perdre »</h2>
<p>Les inclinaisons de la communication du candidat à la suite de sa victoire à la primaire étaient sans doute inévitables. Hamon se trouvait en effet soumis à une <a href="http://www.leparisien.fr/elections/presidentielle/presidentielle-valls-reunit-ses-proches-a-l-assemblee-ce-mardi-soir-28-02-2017-6719046.php">très forte pression</a> du gouvernement et de l’appareil du PS pour raboter son programme et faire rentrer celui-ci dans les clous du logiciel réformiste au sens le plus classique du terme. L’ancien ministre de l’Éducation nationale devait ainsi donner des gages, faire allégeance, obtenir l’adoubement de ceux qui exerçaient alors le pouvoir dans le pays et au sein du Parti.</p>
<p>La marge de manœuvre d’Hamon s’avérait très étroite. S’il est parvenu à proposer assez subtilement son inventaire des cinq ans de pouvoir de François Hollande, il a manifestement laissé beaucoup d’énergie et d’élan dans ses efforts pour donner des gages aux poids lourds du gouvernement, à la direction du PS et à ses anciens adversaires vallsistes.</p>
<p>Encouragé du bout des lèvres par certains (rencontre tiède avec le premier ministre Bernard Cazeneuve ; déclaration ambiguë de Pierre Moscovici…), critiqué plus ou moins ouvertement par d’autres (Michel Sapin, Stéphane Le Foll, Claude Bartolone, Bertrand Delanoë…), à aucun moment les trois groupes suscités n’ont daigné le soutenir massivement et s’incliner devant la décision des électeurs de la primaire. Pire, ils ont tout fait pour parasiter, gêner, troubler la dynamique de sa campagne jusqu’à ces sommets que furent les <a href="http://www.huffingtonpost.fr/2017/03/23/le-ralliement-de-le-drian-a-macron-enieme-indice-du-coup-de-mou_a_22008364/">ralliements de Le Drian, Delanoë et Valls</a> à la candidature d’Emmanuel Macron.</p>
<p>De manière très paradoxale, Benoît Hamon fédérait alors une partie importante des partis de gauche – avec le soutien d’Europe Écologie les Verts et de Yannick Jadot mais aussi du Parti radical de Gauche ou du Mouvement Républicain et Citoyen –, obtenait l’appui de personnalités comme José Bové, Christiane Taubira, Éva Joly, Éric de Montgolfier ou Thomas Piketty mais voyait sa candidature dévaluée par certains des cadres de son propre parti.</p>
<p>Malgré les efforts de Martine Aubry, d’Anne Hidalgo, de Thierry Mandon ou de Najat Vallaud-Belkacem, une fois encore la « machine à perdre » qu’avait pu être le PS dans le passé se mettait en route. Si les rôles de François Hollande et de Jean-Christophe Cambadélis doivent être décryptés dans les années à venir, force est d’ores et déjà de constater l’aveuglement des cadres du parti devant l’opportunité de reconstruction véritable du Parti qu’offrait la candidature de Benoît Hamon.</p>
<h2>Des cadrages médiatiques globalement défavorables</h2>
<p>L’évocation d’un troisième type de facteurs, extérieurs au candidat et au Parti, s’avère cruciale pour qui veut comprendre cet échec annoncé.</p>
<p>Tout d’abord, Benoît Hamon n’est jamais parvenu à s’affranchir totalement de son image de <a href="http://www.liberation.fr/elections-presidentielle-legislatives-2017/2017/01/29/benoit-hamon-le-petit-frondeur-devenu-grand_1544933">« frondeur »</a>. Cette image avait le double inconvénient de le replacer au sein de la majorité actuelle tout en en faisant un éternel contestataire refusant de se confronter à la réalité du pouvoir. La position de celui qui critique de l’extérieur ceux qui exercent les responsabilités, l’enfermait d’emblée hors de la sphère du pouvoir.</p>
<p>S’ajoute à ce cadrage, le recours récurrent au champ sémantique du candidat sympathique mais un peu rêveur (le « petit Benoît », le « marchand d’illusion », le « candidat de l’utopie »…) tandis que certaines critiques de Vallsistes se perdaient dans la prose nauséabonde de la dénonciation de l’islamo-gauchisme aux côtés de <em>Valeurs Actuelles</em> et des réseaux d’extrême-droite (affublant par exemple le candidat du surnom « Bilal Hamon »). Parfois en résonance avec les discours d’une partie du gouvernement et de l’appareil du PS, ces stéréotypes ont largement desservi Hamon alors qu’il tentait de renforcer son image de présidentiable et sa stature de chef pour son camp et pour son pays.</p>
<h2>Jusqu’au bout, le pari de l’intelligence</h2>
<p>Plus importante encore semble être l’incapacité des observateurs à percevoir comment le vainqueur de la primaire citoyenne a cherché à rompre assez nettement avec certaines pratiques traditionnelles de la communication politique : usage de la langue de bois, formes de démagogie, recherche permanente du clivage et de la polémique… Jusqu’à ces derniers jours, Benoît Hamon a en effet tenu sa position : faire appel à l’intelligence de ses concitoyens et faire preuve de pédagogie, de clarté et d’honnêteté afin de les convaincre de voter pour un programme susceptible de préparer le pays aux décennies à venir. Aussi a-t-il refusé de travailler à la <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-2eme-partie/chantal-mouffe-la-gauche-et-le-peuple">construction d’antagonismes profonds</a> entre son camp et celui de ses concurrents et de recourir massivement à l’émotion et aux affects.</p>
<p>Tandis que tous ses principaux adversaires mobilisaient ces stratégies, somme toute classiques, pour fédérer leur camp et passer la barre des 20 % au premier tour, il s’est employé à faire exactement l’inverse :</p>
<ul>
<li><p>produire un discours fédérateur abolissant les frontières entre les différents groupes qui constituent la société française ;</p></li>
<li><p>appeler à voter pour des propositions concrètes sans exagérer les difficultés actuelles de la France et sans se présenter comme l’ultime recours face à une situation de crise ;</p></li>
<li><p>parier sur un engagement qui ne reposerait plus sur les pulsions, sur la peur, le ressentiment ou la colère mais sur la prise en considération des défis collectifs qui attendent la société française et sur les choix les plus efficaces pour y répondre.</p></li>
</ul>
<p>Si utopie il y a chez Benoît Hamon, c’est sans doute là qu’elle réside, dans la confiance en la maturité suffisante de notre espace public pour qu’une telle démarche politique trouve un écho solidaire et favorable parmi les observateurs, les leaders d’opinion, les journalistes spécialisés.</p>
<p>Gageons que dans quelques années, ces audaces contrariées du candidat seront lues comme un effort profond et salutaire de renouvellement des pratiques politiques et du lien qui unit les dirigeants aux citoyens. Des audaces qui ouvrent très certainement une voie vers ce que devra être la politique dans un futur proche si notre démocratie souhaite ériger des digues solides contre les politiques de haine de l’autre, de repli sur soi et de manipulation des émotions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76297/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Robinet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le candidat de la « Belle alliance populaire », Benoît Hamon, n’est plus désormais crédité que de 7 à 8 % d’intentions de vote. Comment en est-il arrivé là ?François Robinet, Maître de conférences en histoire contemporaine, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/747732017-03-20T22:55:47Z2017-03-20T22:55:47ZLes primaires, progrès ou recul de la démocratie ?<p>L’émergence des primaires dans le processus de choix du président de la République française est une réforme plus importante qu’il n’y paraît, modifiant silencieusement notre système politique et notre forme de démocratie représentative.</p>
<h2>La préhistoire des primaires</h2>
<p>L’idée de primaires est née dans les années 1990 à droite, même si – sans être théorisées – des formes de primaires internes ont lieu à partir de 1988 chez les Verts pour désigner leur représentant. Il s’agissait alors d’éviter la concurrence entre deux candidats de droite qui risquaient de se faire de l’ombre. En 1988, au premier tour, Mitterrand obtient 34,1 % des suffrages, Chirac 19,9 %, Barre 16,5 % et Le Pen 14,4 %. La qualification pour le second tour face au candidat de gauche a été serrée, montrant qu’à l’avenir l’unité des candidatures entre les droites est nécessaire pour garantir une présence dans la compétition finale.</p>
<p>Charles Pasqua – gaulliste historique – milite dès 1989 en faveur de primaires à la française qu’il considère comme affaiblissant le poids des partis et permettant un contact direct des candidats avec leurs sympathisants. On peut en douter puisque ce sont ces mêmes partis qui organisent le processus et le contrôlent… Pasqua propose une primaire pour éviter à nouveau des combats électoraux fratricides entre représentants de la droite (Giscard et Chirac en 1981, Chirac et Barre en 1988). Il prévoit que l’ensemble des élus des partis de droite constitue le corps électoral.</p>
<p>À sa suite, en 1993, Édouard Balladur – nouveau Premier ministre – envisage avec son ministre de l’Intérieur – le même Charles Pasqua – une primaire organisée par les pouvoirs publics, comme aux États-Unis : l’État prendrait en charge cette opération, prévue le même jour, pour tous les partis qui le souhaitent. Pour diverses raisons, à peu près l’ensemble des partis politiques s’y déclare opposé. Au RPR, notamment, Jacques Chirac craint que le premier ministre, très populaire dans les sondages, y trouve une opportunité pour le marginaliser. L’idée est abandonnée.</p>
<h2>Deux conditions fondamentales prérequises</h2>
<p>Ce début de l’histoire des primaires à la française permet d’identifier les deux conditions fondamentales pour leur organisation :</p>
<ul>
<li>Il faut qu’il y ait plusieurs candidats à départager. Pour 2017, les entreprises électorales autour d’une personnalité – comme dans le cas d’Emmanuel Macron ou de Jean-Luc Mélenchon – n’ont aucune raison d’organiser une primaire. De même, lorsqu’un parti fonctionne selon les modalités traditionnelles – le leader du parti aurait une vocation naturelle à incarner la candidature présidentielle – on ne voit pas pourquoi prévoir une primaire. C’est ce qu’on observe au Front national.</li>
</ul>
<p>Il est donc assez logique que les primaires concernent prioritairement les partis de gouvernement, incarnant un camp politique large, qui comprennent inévitablement plusieurs tendances, ayant chacune envie de se faire entendre dans le débat électoral.</p>
<ul>
<li>Il faut, ensuite, qu’un parti ou une coalition de forces politiques soient convaincues qu’il est préférable de faire sélectionner le candidat présidentiel par un large corps électoral plutôt que simplement par le parlement d’un parti (ses forces dirigeantes).</li>
</ul>
<h2>Imaginées à droite, nées à gauche</h2>
<p>Les primaires, imaginées à droite, vont pourtant naître à gauche. L’idée d’un vote des adhérents avait été inscrite dans les statuts du PS en 1971 mais n’avait jamais abouti à une élection entre plusieurs candidats présidentiels. La tradition voulait qu’à l’élection fondamentale, le chef du parti puisse imposer sa candidature s’il le souhaitait. Fin 1980, Michel Rocard qui, selon les sondages, semblait mieux positionné que François Mitterrand pour l’emporter avait osé annoncer sa candidature mais en précisant qu’il se retirerait si François Mitterrand faisait valoir la sienne, ce qu’il fit.</p>
<p>Ce loyalisme partisan est tout à fait étonnant aujourd’hui : les rapports internes aux partis sont beaucoup moins conformistes qu’avant et les luttes de tendances beaucoup plus fortes. C’est un congrès extraordinaire qui adoube François Mitterrand en janvier 1981, après un vote symbolique (et probablement peu contrôlé) des adhérents dans les fédérations. Environ 84 % des adhérents se prononcent favorablement pour le candidat, dans une élection non concurrentielle. Ce n’est donc pas une primaire au sens préalablement défini. En 1988, la question d’organiser des primaires ne se pose pas : un président sortant (ou un premier ministre de cohabitation) sont considérés comme parfaitement légitimes à se (re)présenter pour défendre leur bilan).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/161563/original/image-20170320-9132-f2ldbz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/161563/original/image-20170320-9132-f2ldbz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/161563/original/image-20170320-9132-f2ldbz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/161563/original/image-20170320-9132-f2ldbz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/161563/original/image-20170320-9132-f2ldbz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/161563/original/image-20170320-9132-f2ldbz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/161563/original/image-20170320-9132-f2ldbz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">François Mitterrand (ici avec Christian Pierret), au temps où il régnait en maître à la tête du PS.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Christian Pierret/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Début 1995, des primaires internes au PS (c’est-à-dire limitées aux adhérents) vont être organisées pour désigner le candidat présidentiel socialiste dans une situation où aucun candidat ne s’impose naturellement après la renonciation de Jacques Delors. Lionel Jospin y devance largement Henri Emmanuelli. Ce sont deux personnalités qui s’opposent – un ancien et un actuel premier secrétaire – mais aussi deux lignes politiques.</p>
<p>En 2002, des primaires internes sont organisées par le PCF et par les écologistes pour départager des candidats : un vote des adhérents est organisé entre Robert Hue, secrétaire national (qui obtient 77 %) et Maxime Gremetz, candidat de l’orthodoxie (15 %). En 2001, les écologistes font aussi voter leurs adhérents, à deux reprises même, pour investir Alain Lipietz puis pour le désinvestir au profit de Noël Mamère.</p>
<p>En 2007, l’idée d’une sélection du candidat par un vote des adhérents, déjà acquise au PS, qui investit largement Ségolène Royal (61 % des suffrages) contre Dominique Strauss-Kahn (21 %) et Laurent Fabius (19 %), s’impose à l’UMP mais pour des raisons conjoncturelles : Nicolas Sarkozy, qui avait pris le contrôle du parti, fait adopter cette règle pour dominer plus facilement une éventuelle candidature du camp chiraquien. Ce ne sera finalement pas une élection concurrentielle. La position de Nicolas Sarkozy est devenue si forte à l’intérieur du parti que personne ne juge utile de compter ses soutiens. Il est investi par 98 % des 234 000 suffrages exprimés.</p>
<p>C’est la fin d’une première étape du processus d’institutionnalisation, celui de primaires internes organisées par les partis de gouvernement. Elle manifeste le besoin de redonner du pouvoir aux adhérents (qui semblent ne plus être très nécessaires dans des partis professionnalisés) et de relégitimer des partis qui sont souvent considérés comme peu démocratiques et coupés de la société. Lorsque la candidature du leader d’un parti n’est plus considérée comme naturelle et que plusieurs candidats potentiels se manifestent, il est de moins en moins considéré comme légitime de se contenter de faire choisir l’heureux élu par une instance d’élites partisanes.</p>
<h2>L’ère des primaires ouvertes</h2>
<p>Une deuxième étape se situe entre 2011 et 2016, avec l’institution de primaires ouvertes, initiées par le PS qui a besoin de redorer son image après les divisions internes au sommet de l’appareil en 2008 (Royal-Aubry). En 2011, il y a aussi une primaire des Verts qu’on peut qualifier de semi-ouverte : il faut s’inscrire à l’avance, signer des chartes idéologiques, payer 10 €. Le corps électoral (33 000 inscrits et 25 000 suffrages), largement composé d’adhérents EELV, MEI ou coopérateurs, correspond à des personnes impliquées dans la sphère écologiste plutôt qu’à de simples sympathisants. En 2016, la primaire organisée par EELV auprès des adhérents et des inscrits spécifiques réunit seulement 17 000 personnes, dont environ 12 000 se sont exprimés à chacun des deux tours.</p>
<p>Les primaires ouvertes sont finalement acceptées par la droite pour 2016, car elles se sont révélées en succès de mobilisation en 2011 contribuant à la victoire de François Hollande. Ces primaires ouvertes sont imposées à Nicolas Sarkozy qui estimait avoir plus de facilité à être intronisé candidat par des primaires fermées. Les autres prétendants préfèrent s’en remettre au verdict des sympathisants (il y a donc beaucoup de calculs politiques dans le choix du corps électoral).</p>
<p>Les règles adoptées par les partis dans l’organisation des primaires reprennent très largement celles de l’élection elle-même : inscription nécessaire sur les listes électorales, limitation du nombre de candidats par l’instauration de parrainages pour pouvoir se présenter, scrutin majoritaire à deux tours, avec maintien des deux premiers candidats arrivés en tête pour le second.</p>
<p>L’institutionnalisation des primaires n’est cependant pas totale puisque les textes législatifs ne les organisent pas. Elle diminuerait beaucoup le contrôle des partis sur le processus et la possibilité de l’adapter à chaque conjoncture politique.</p>
<h2>Les Français en redemandent</h2>
<p>Les Français politisés aiment ces nouvelles primaires qui leur permettent d’être consultés pour élire les candidats, comme ils aiment qu’on les invite à s’exprimer lors de référendums. D’après un sondage de début 2016, environ 80 % des Français s’y déclarent favorables, aussi bien à droite qu’à gauche. On ne veut plus trop des candidats sélectionnés par la classe politique, ce serait aux citoyens de le faire. Les primaires citoyennes sont un bon moyen de rapprocher les partis politiques de l’électeur. Elles ne sont pas des entreprises contestant les partis politiques puisque ce sont eux qui les organisent.</p>
<p>Même si elles ont été créées pour des raisons pragmatiques et avec beaucoup de calculs sous-jacents, elles sont aujourd’hui assez généralisées et il faudra des raisons de plus en plus fortes aux partis pour y échapper. Le PS n’y a finalement pas renoncé alors que son candidat était au pouvoir et avait initialement souhaité s’en dispenser.</p>
<p>Si le processus des primaires – au moins internes – est populaire au PCF, ceux-ci n’en ont pas organisé en 2016. Après avoir souhaité une primaire unique de toutes les gauches, puis des gauches alternatives (sans les socialistes), ils ont finalement renoncé à présenter leur candidat, préférant soutenir Jean-Luc Mélenchon.</p>
<p>Il y a eu aussi des tentatives de « primaires décalées » mais qui n’ont pas abouti. L’appel « Notre primaire » lancé notamment par Thomas Piketty, Yannick Jadot, Daniel Cohn-Bendit en janvier 2016, en faveur d’une primaire de toutes les gauches et des écologistes, n’a pas eu de suite parce que les partis concernés ne l’ont pas souhaitée. L’initiative « LaPrimaire.org » – consistant à organiser une « primaire en ligne 100 % démocratique et ouverte qui permet aux citoyens de choisir leurs candidat(e)s et de co-construire les projets politiques » (dixit le site) – méconnaît le rôle de sélection des candidats par les partis.</p>
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<p>Le site a enregistré les candidatures et les programmes. Tous ceux qui le voulaient (127 000 personnes environ) ont pu voter. Une candidate a donc été désignée mais totalement inconnue (Charlotte Marchandise) et sans soutiens importants. Cette initiative nettement anti-partisane, qui méconnaît les conditions de fonctionnement d’une démocratie représentative (qui a besoin de médiateurs légitimes entre le citoyen et la scène politique) et ne peut seulement se dérouler sur le web, n’a eu qu’un faible écho.</p>
<h2>Un outil de mobilisation électorale et civique</h2>
<p>Les primaires citoyennes semblent un progrès pour faire discuter et contribuer à des prises de conscience politique – ce qui est une fonction importante des partis. Environ 7 millions de citoyens se sont exprimés dans les urnes des primaires en 2016 (15 % du corps électoral français), les débats télévisés ont connu de fortes audiences, sur les programmes très techniques, nécessitant parfois des compétences pointues pour comprendre les mécanismes économiques et sociaux. On n’aurait pas pu organiser ce type de débats dans la France des années 1950 ou 60, où le niveau scolaire de la population était beaucoup plus faible.</p>
<p>Grâce aux primaires, on saisit bien les différences entre les candidats de chaque camp et encore plus entre gauche et droite. C’est donc un outil de mobilisation électorale, pour choisir l’élu mais aussi discuter les programmes de chacun. La discussion d’idées s’était beaucoup affaiblie dans les partis ; là on en retrouve sous une forme médiatisée large et non plus dans les réunions militantes. L’orientation programmatique du parti est, du coup, davantage discutée par les sympathisants. Et la ligne du candidat retenu tend à devenir la ligne du parti : à LR, on a institutionnalisé la chose (l’élu peut revoir la direction du parti) ; au PS, la ligne de l’élu devient assez incontournable alors qu’elle était minoritaire (c’était la voix des frondeurs). Le réseau des candidats (à l’intérieur et en marge de leur parti) devient plus déterminant que la force partisane elle-même. Le parti tend à perdre ses possibilités de contrôle sur les choix des candidats.</p>
<p>Les débats des primaires citoyennes tendent à supplanter ceux des congrès partisans entre militants. Pour <a href="http://www.slate.fr/story/129602/primaires-contre-democratie-remi-lefebvre">Rémy Lefebvre</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Les primaires sont donc l’envers de la faiblesse des partis : c’est parce qu’ils ne sont plus assez militants et qu’ils ne sont plus assez ancrés dans la société qu’ils font appel aux sympathisants. C’est un aveu d’impuissance en même temps qu’une stratégie de survie car, en organisant des primaires, ils veulent conserver leur monopole sur le jeu politique. »</p>
</blockquote>
<p>Ajoutons que les primaires sont l’occasion pour les partis de recueillir des coordonnées de sympathisants. Ce recueil ne peut se faire qu’avec l’accord express des individus qui pourront être recontactés par la suite et informés des activités et des prises de position locales ou nationales de leur formation. Les partis ne peuvent garder en mémoire l’ensemble des listes électorales avec les coordonnées des individus. Le processus est strictement contrôlé par la CNIL.</p>
<h2>Les limites de l"exercice</h2>
<p>Toutefois, la pratique des primaires n’a pas que des avantages :</p>
<ul>
<li><p>il est difficile de « réussir » l’exercice. Il faut convaincre un nombre important de personnes de s’y exprimer mais il faut aussi essayer de donner l’image d’une famille politique disciplinée, fière de son identité, défendant des propositions voisines, les candidats ne se distinguant que sur des aspects limités. De ce point de vue, les fortes tensions actuelles, encore plus à gauche qu’à droite, ont laissé voir des partis de gouvernement très divisés et même menacés d’éclatement pour ce qui est du Parti socialiste.</p></li>
<li><p>les campagnes électorales sont à l’agenda politique sur une année au lieu de six mois ; pendant ce temps, on ne peut plus vraiment faire de grandes réformes.</p></li>
<li><p>les primaires contribuent à renforcer encore la personnalisation et la médiatisation de la vie politique.</p></li>
<li><p>elles accroissent, en phase de précampagne, les inégalités de médiatisation entre candidats : seuls les grands partis peuvent organiser des primaires dont on parle beaucoup dans les médias.</p></li>
</ul>
<p>Le développement des primaires depuis le début du XXI<sup>e</sup> siècle n’est pas propre à la France. On l’observe dans un nombre significatif de pays en Europe de l’Ouest (Italie, Grèce, Espagne, Portugal…), mais aussi au-delà. Il traduit une transformation du rapport à la politique et une modification assez importante des systèmes politiques : le citoyen ne veut plus se voir imposer ses candidats par les élites, il veut pouvoir contribuer à leur choix.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/74773/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Bréchon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Même si les primaires ont été créées pour des raisons pragmatiques et avec nombre de calculs sous-jacents, leur succès populaire rendra difficile tout retour en arrière pour les partis.Pierre Bréchon, Professeur émérite de science politique, Sciences Po Grenoble, Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/723082017-03-16T21:45:40Z2017-03-16T21:45:40ZQuatre scénarios pour comprendre les programmes des candidats en matière d’énergie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/161008/original/image-20170315-968-t1v3qf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C445%2C4800%2C2759&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-illustration/one-glowing-light-bulb-standing-out-587245274">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>La nécessité de la transition énergétique, qui passe par une <a href="http://deepdecarbonization.org/">décarbonation profonde</a> du système énergétique français, n’est aujourd’hui remise en cause par aucun des candidats connus à la présidentielle. Mais les solutions envisagées pour la réaliser diffèrent significativement, en particulier sur deux points : l’intensité de l’action à mener sur la maîtrise de la demande d’énergie ; le choix du mix de production d’électricité.</p>
<p>Ces points sont essentiels pour l’avenir de l’énergie en France car les stratégies qu’ils permettent de structurer supposent des trajectoires de long terme extrêmement différentes. Or ces problématiques ont déjà été <a href="http://www.planbatimentdurable.fr/IMG/pdf/synthese_dnte_18_juillet_2013.pdf">discutées en 2013</a> lors du Débat national sur la transition énergétique. On peut donc y revenir afin d’analyser les stratégies des prétendants à l’Élysée.</p>
<h2>Quatre scénarios énergétiques possibles</h2>
<p>Le Débat national sur la transition énergétique est mis en place fin 2012 suite aux annonces de François Hollande sur la transition écologique et à l’engagement du rééquilibrage du poids du nucléaire à 50 % en 2025. Il comprend un Conseil national d’une centaine de membres, répartis en groupes de travail. Le conseil est assisté par des experts, des représentants du monde de l’entreprise et des citoyens.</p>
<p>Le groupe de travail sur les <a href="http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/gt2_mix-energetique_dnte.pdf">scénarios</a> identifie quatre familles de « trajectoires » possibles. Elles se répartissent selon que l’effort de réduction de la demande d’énergie est très important (moins 50 % en 2050) ou plus modéré (seulement moins 20 %) ; et selon que le mix énergétique, notamment dans le secteur électrique, est polarisé ou diversifié.</p>
<p>La première trajectoire, dénommée <strong>« sobriété »</strong>, s’appuie sur une forte réduction de la demande (efficacité énergétique et changements de comportements) et un mix énergétique faisant pour l’essentiel appel aux énergies renouvelables. Ce scénario a aussi pour objectif la sortie du nucléaire. C’est le modèle actuellement <a href="https://theconversation.com/une-allemagne-sans-charbon-en-2040-cest-mal-parti-pour-linstant-66648">visé par l’Allemagne</a>.</p>
<p>La deuxième option, <strong>« efficacité »</strong>, vise également une forte réduction de la demande, mais plutôt fondée sur l’utilisation généralisée des technologies de consommation les plus performantes. Ici, pas de sortie complète du nucléaire mais le recul se poursuit au-delà du 50 % en 2025, jusqu’à ce que cette énergie devienne minoritaire. En contrepartie, les énergies renouvelables représentent de l’ordre des trois-quarts de la production d’électricité en 2050.</p>
<p>Dans le scénario <strong>« diversité »</strong>, il est considéré que la réduction des consommations d’énergie ne pourra être poussée jusqu’à 50 %. Il faudra alors augmenter d’autant l’offre d’énergie décarbonée ; pour cela – même si les énergies éolienne et solaire ainsi que la biomasse énergie ont fait de réels progrès – le nucléaire conserve une contribution importante au bilan électrique, maintenue à 50 % après 2025.</p>
<p>Votée à l’été 2015, quelques mois avant la COP21, la <a href="http://www.developpement-durable.gouv.fr/loi-transition-energetique-croissance-verte">Loi de transition énergétique pour la croissance verte</a> empruntera beaucoup aux scénarios « efficacité » pour la réduction de la demande, et « diversité » pour l’offre décarbonée.</p>
<p>La quatrième et dernière option, <strong>« décarbonation »</strong> (par l’électricité) poursuit et renforce le modèle français actuel : pas d’effort supplémentaire d’efficacité énergétique ; redéveloppement du nucléaire pour assurer un approvisionnement électrique abondant et décarboné.</p>
<h2>Quel scénario pour quel candidat ?</h2>
<p><strong>• Le Pen et Fillon : scénario « décarbonation »</strong></p>
<p>Marine Le Pen comme François Fillon mettent en avant la défense du modèle actuel, qui pose le nucléaire comme colonne vertébrale du système énergétique français. Tous deux préconisent un maintien du parc et de la production aux niveaux actuels : 63 GWe de puissance installée et 400 TWh de production nucléaire annuelle en moyenne, soit 75 % du total.</p>
<p>Aucune mention n’est faite de la nécessité de réduire significativement la demande d’énergie comme le préconise la Loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015.</p>
<p>Mais des différences apparaissent dans les options secondaires de ces deux candidats. <a href="https://theconversation.com/circuits-courts-hydrogene-nucleaire-les-propositions-de-la-candidate-le-pen-73283">Marine Le Pen</a> entend promouvoir les énergies nationales contre les énergies importées (surtout si elles viennent du Moyen-Orient), mais elle souligne le fait qu’elle ne soutiendra pas l’énergie éolienne, car celle-ci soulève en effet de fortes <a href="http://www.ventdecolere.org/">oppositions en France</a>. L’hydrogène en revanche bénéficie d’un soutien appuyé.</p>
<p>Du côté de <a href="https://theconversation.com/nucleaire-renouvelables-decentralisation-energetique-les-propositions-du-candidat-fillon-69966">François Fillon</a>, le programme se décline en quatre volets : renforcement du nucléaire, soutien aux énergies renouvelables ; décentralisation énergétique avec un rôle accru des régions ; réforme du marché européen des quotas d’émission pour les grosses industries et le secteur électrique, avec une proposition de prix-plancher du carbone proche de celle du gouvernement actuel.</p>
<p><strong>• Mélenchon et Hamon : scénario « sobriété »</strong></p>
<p><a href="http://www.liberation.fr/elections-presidentielle-legislatives-2017/2017/02/08/la-planification-ecologique-de-jean-luc-melenchon-un-sillon-bien-creuse_1546956">Jean-Luc Mélenchon</a> prône à la fois une planification écologique, la nationalisation d’EDF et d’ENGIE, une électricité 100 % renouvelable et la sortie complète du nucléaire.</p>
<p>Cette dernière option n’a été adoptée par <a href="http://www.rtl.fr/actu/politique/presidentielle-2017-que-contient-l-accord-conclu-entre-jadot-et-hamon-7787400328">Benoît Hamon</a> que très récemment et après l’accord passé avec Yannick Jadot (ex-candidat des Verts). L’engagement est de sortir en 25 ans complètement et définitivement du nucléaire. Rompant avec une longue tradition d’un Parti socialiste plutôt favorable à cette énergie, Benoît Hamon s’est donc aligné dans ce domaine sur les propositions des écologistes.</p>
<p>En parallèle, d’autres engagements sont pris pour une action forte en matière d’efficacité énergétique et pour la taxation du carbone. Pour les deux candidats les plus à gauche, les différences entre les deux programmes sur l’énergie sont donc maintenant devenues mineures.</p>
<p><strong>• Macron : entre « efficacité » et « diversité »</strong></p>
<p>Ni « décarbonation » (comme à droite), ni « sobriété » (comme à gauche), le candidat d’En Marche se situe bien ailleurs… mais finalement dans le droit fil de la Loi de transition énergétique.</p>
<p><a href="http://www.huffingtonpost.fr/2017/02/08/en-devoilant-son-projet-sur-lecologie-emmanuel-macron-aborde-enfin-sujets-qui-fachent/">Pour Emmanuel Macron</a>, l’objectif reste de faire baisser la part du nucléaire vers 50 % à l’horizon 2025, de favoriser le développement des énergies renouvelables en doublant les capacités installées à 2022 et, en matière de demande, de mener un programme accéléré de réhabilitation ciblé sur les logements présentant les plus mauvaises performances énergétiques (les « passoires thermiques »).</p>
<p>En matière nucléaire, il souligne le fait que cette énergie constitue un réel atout pour la France. Mais il note aussi que toutes les décisions relatives au renouvellement des centrales, à leur démantèlement ou encore au lancement d’une nouvelle vague d’investissements, seront conditionnées par le résultat des prochaines « visites décennales » des réacteurs existants. Celles-ci doivent être entreprises par l’Autorité de sûreté nucléaire <a href="https://www.asn.fr">(ASN)</a> à partir de 2018. Pour Macron, la politique nucléaire est donc largement en suspens, mais l’objectif du 50 % en 2025 constitue bien une manière raisonnée de gérer ces incertitudes radicales.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/161202/original/image-20170316-10905-zbw124.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/161202/original/image-20170316-10905-zbw124.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=469&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/161202/original/image-20170316-10905-zbw124.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=469&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/161202/original/image-20170316-10905-zbw124.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=469&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/161202/original/image-20170316-10905-zbw124.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=589&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/161202/original/image-20170316-10905-zbw124.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=589&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/161202/original/image-20170316-10905-zbw124.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=589&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Analyse des programmes des candidats à la lumière des travaux menés dans le cadre du Débat national sur la transition énergétique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">P.Criqui/M.Colombier</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<h2>Au-delà de la querelle nucléaire-renouvelables</h2>
<p>Chaque stratégie identifiée est confrontée à des difficultés et des défis spécifiques.</p>
<p>Pour les scénarios de sortie du nucléaire, il s’agit d’abord de réussir une réduction drastique des consommations et celle-ci n’est pas acquise ; puis d’engager une transformation profonde du système électrique de façon à garantir la stabilité du réseau avec une part très importante d’énergies variables, éolien et solaire.</p>
<p>Pour les scénarios de maintien de la capacité nucléaire, il faudra d’abord mener à bien le « grand carénage » en respectant les exigences de l’ASN, mais aussi assurer un programme de financement reposant essentiellement sur les capacités d’EDF. Au-delà se posera la question de la maîtrise simultanée des coûts et de la sûreté du nouveau modèle d’EPR. Cette stratégie pourrait de plus porter un coup d’arrêt aux filières renouvelables, en contradiction avec les demandes fortes des collectivités locales et des acteurs dans les territoires.</p>
<p>Mais en se focalisant sur la querelle nucléaire-renouvelables, le débat régresse plutôt et plusieurs candidats semblent oublier que la transition n’est pas qu’une question de production d’électricité : réhabilitation du parc bâti, facture énergétique et précarité énergétique étaient au cœur des débats de 2013 ; depuis, la question des transports s’est aussi imposée avec ses problèmes de pollution locale, de politique industrielle ou d’impact croissant sur les budgets des ménages.</p>
<p>Alors que les initiatives se développent dans le secteur agricole, les déchets, l’industrie et les villes, cette transition au quotidien, porteuse d’emploi, d’innovation, de lien social, est trop absente du débat.</p>
<h2>Il faudra un pilote dans l’avion</h2>
<p>Finalement l’essentiel n’est peut-être pas là. Car quels que soient les choix structurels opérés, leur mise en œuvre soulève trois questions : celle des objectifs sectoriels stratégiques, celle des instruments à mobiliser pour qu’ils soient atteints, celle enfin des processus de gestion dynamique permettant de corriger le tir lorsque les résultats sont insuffisants.</p>
<p>Les dispositifs existants de <a href="http://www.developpement-durable.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone">la stratégie nationale bas carbone</a> et de <a href="http://www.developpement-durable.gouv.fr/programmations-pluriannuelles-lenergie-ppe">la programmation pluriannuelle de l’énergie</a> constituent des outils utiles de ce point de vue. Ils sont comparables à ceux mis en œuvre par les grands pays voisins, notamment en Allemagne et au Royaume-Uni.</p>
<p>Mais le gouvernement actuel, qui les a inscrits dans la loi, ne s’en est pas réellement emparé pour impulser les changements annoncés : la transition énergétique souffre moins de ses objectifs que de son <a href="http://www.iddri.org/Publications/Collections/Analyses/ST0517_AR%20et%20al._transition%20trajectoires%20scenarios.pdf">manque de pilotage</a>. Elle pâtit également d’instruments de mise en œuvre parfois obsolètes.</p>
<p>Ces dispositifs de pilotage doivent être révisés en 2018 : on aimerait savoir comment chaque candidat entend les mobiliser pour aller au-delà des symboles et imprimer, le temps d’un mandat, les changements requis par les visions proposées durant la campagne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/72308/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Patrick Criqui est membre du Comité d’experts pour la transition énergétique</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Michel Colombier est président du Comité d’experts pour la transition énergétique</span></em></p>Maîtrise des consommations, nucléaire et renouvelables : décryptage des propositions énergétiques des principaux candidats à la présidentielle.Patrick Criqui, Directeur de recherche émérite au CNRS, Université Grenoble Alpes (UGA)Michel Colombier, Directeur scientifique, IddriLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/716552017-03-13T20:06:58Z2017-03-13T20:06:58ZEuthanasie : comprendre les positions des candidats à la présidentielle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/157750/original/image-20170221-18654-191pzx6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=667%2C442%2C4485%2C2607&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Chambre d'hôpital. Le droit de demander la mort est un sujet peu consensuel, y compris au sein d'un même parti politique, ce qui rend le sujet délicat à aborder en période électorale. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/download/success?src=UrVwXjvyi1KzcB5oECX6GQ-1-15">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>La légalisation de l’euthanasie s’invite à chaque élection présidentielle parmi les questions de société, et <a href="https://theconversation.com/fr/topics/presidentielle-2017-20139">celle de 2017</a> ne fait pas exception. Le mot ne signifie pourtant rien d’autre, littéralement, que la « mort douce », en grec, celle-ci pouvant être d’origine naturelle ou provoquée. Au cours des 20 dernières années, la mobilisation des associations et la médiatisation de cas tragiques ont transformé l’euthanasie en enjeu politique.</p>
<p>L’interrogation surgit lorsque des souffrances intolérables ne peuvent être soulagées par les thérapeutiques existantes ou lorsque la qualité de vie est durablement compromise. Elle vient d’être à nouveau posée dans le cas de Marwa, l’enfant de 16 mois <a href="http://www.lemonde.fr/sante/article/2017/03/08/le-conseil-d-etat-ordonne-la-poursuite-des-traitements-de-marwa-hospitalisee-a-marseille_5091373_1651302.html">hospitalisée à Marseille et plongée dans le coma</a> depuis qu’elle a contracté un virus foudroyant. Comme pour Vincent Lambert, <a href="http://www.lunion.fr/15089/article/2017-02-08/les-parents-de-vincent-lambert-recus-par-le-juge-d-instruction">hospitalisé dans un état végétatif au CHU de Reims</a> depuis 2008. On se souvient, aussi, de la situation <a href="http://www.ina.fr/video/2163683001006">du jeune polyhandicapé Vincent Humbert</a>, mort en 2003. La même question survient lorsque la fin de vie se révèle particulièrement difficile, comme pour <a href="http://www.ina.fr/video/3565933001026">Chantal Sébire</a>, cette femme atteinte d’une tumeur incurable, décédée en 2011.</p>
<p>L’analyse des positionnements des candidats à la présidentielle montre que ceux-ci rentrent difficilement dans les grands clivages habituels entre les partis, notamment l’opposition entre droite et gauche. Derrière une même posture – pour, ou contre l’euthanasie – des raisonnements très différents peuvent se cacher, reposant sur des conceptions radicalement opposées de ce qui « fait société ». Un regard historique s’impose pour éclairer cette complexité.</p>
<h2>Première proposition de loi en 1978</h2>
<p>« Tout majeur ou mineur émancipé, sain d’esprit, a la faculté de déclarer sa volonté qu’aucun moyen médical ou chirurgical autre que ceux destinés à calmer la souffrance ne soit utilisé pour prolonger artificiellement sa vie s’il est atteint d’une affection accidentelle ou pathologique incurable », écrivait en 1978 le sénateur Henri Caillavet dans sa proposition de loi relative au droit de vivre sa mort.</p>
<p>Cette toute première proposition de loi sur le sujet, déposée il y a près d’une quarantaine d’années, ne fut pas adoptée. Mais ce texte a constitué un premier pas vers l’acquisition d’un droit à disposer de son corps en fin de vie. Son argumentaire est fortement empreint d’une philosophie des droits naturels. Adressé à toute personne dotée de faculté mentale, il s’appuie sur des postulats reconnus universels que se doit de partager toute civilisation s’inscrivant dans le progrès social tel que la liberté individuelle, la conscience de soi, de son advenir, et la dignité humaine. De façon sous-jacente, c’est une conception de la société bâtie sur l’héritage des Lumières qui est invoquée.</p>
<h2>Le contrôle de son propre corps</h2>
<p>Vivre sa mort comme on l’entend est une revendication pleinement issue de ce long combat, marquée par une affirmation grandissante de l’individualisation des contrôles sur le corps. En effet, l’introduction des directives anticipées dans la loi Léonetti sur la fin de vie du 22 avril 2005 et leur renforcement dans la <a href="http://www.lemonde.fr/societe/article/2016/01/27/fin-de-vie-ce-que-va-changer-la-nouvelle-loi-claeys-leonetti_4854266_3224.html#GAoQUxpVfdrhQQs8.99">loi Claeys-Léonetti du 2 février 2016</a>, donnent à chacun l’opportunité d’organiser sa fin de vie par la désignation d’une personne de confiance si, un jour, la maladie rend impossible l’expression de la volonté. Outre l’accent placé sur le développement des soins palliatifs, le refus de l’obstination déraisonnable oblige désormais le médecin à respecter les dernières volontés du malade. Il ne doit pas non plus engager ou poursuivre des actes inutiles ou disproportionnés dont le seul effet serait de maintenir artificiellement la vie.</p>
<p>En apparence linéaire, cette évolution des mœurs mérite examen. Aborder la question politique de l’euthanasie ne peut faire l’économie des ressorts philosophiques sous-jacents aux positionnements actuels.</p>
<p>Tandis que la proposition de loi de 1978 s’adressait à l’ensemble des citoyens français, la loi Léonetti s’inscrit dans le Code de la santé publique et y introduit une nouvelle section intitulée : « Expression de la volonté des malades en fin de vie ». Il s’agit de la reconnaissance juridique d’une participation plus active de cette catégorie d’usagers du système de santé à la décision médicale. Cette catégorie est davantage précisée encore dans la loi Claeys-Léonetti qui reformule ainsi cette section : « Expression de la volonté des malades refusant un traitement et des malades en fin de vie ».</p>
<h2>Droit de l’individu, contre droit du patient</h2>
<p>La logique universaliste prévalait dans la proposition de loi Caillavet, qui vise en premier lieu à donner de nouveaux droits à tout individu en bonne santé. Aujourd’hui, les avancées juridiques passent par l’ajout de conditions particulières s’appliquant à certaines personnes seulement. Le patient acquiert ainsi le droit de refuser les soins et de recevoir uniquement ceux qui garantissent le meilleur apaisement possible de la souffrance, même si cela a pour conséquence d’abréger la vie.</p>
<p>L’apport le plus significatif – mais qui fut aussi le plus controversé – est le droit à une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience jusqu’au décès. Cet acquis concerne exclusivement une « catégorie » précise de patients, ceux atteints d’une affection grave et incurable présentant une souffrance réfractaire aux traitements ou dont l’arrêt peut engager le pronostic vital et conduire à des souffrances insupportables. Il inclut également les patients hors d’état d’exprimer leur volonté. Son application repose alors sur la mise en œuvre d’une procédure collégiale par l’équipe soignante.</p>
<p>On change ici de modèle de société. De l’universalité des droits de l’homme, on passe à une valorisation de la singularité de patients interpellés sous forme de catégories. Loin d’être anodin, ce glissement vers la promotion de nouveaux droits en fonction de particularismes a des retentissements dans la manière dont la question de l’euthanasie se situe par rapport à d’autres revendications sociales.</p>
<h2>Des clivages liés à la pratique religieuse</h2>
<p>Si l’opinion publique tend globalement <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2016/11/22/97001-20161122FILWWW00056-80-des-francais-favorables-a-l-euthanasie.php">à être plus favorable à l’euthanasie au fil des sondages</a>, les clivages observés ne sont pas tant liés aux appartenances politiques qu’à la pratique religieuse. Les catholiques pratiquants, par exemple, sont <a href="http://www.cevipof.com/fichier/p_publication/1243/publication_pdf_notetournay.1.pdf">beaucoup moins nombreux à se déclarer en faveur d’une loi autorisant l’euthanasie active</a>.</p>
<p>Du côté des partis politiques, le Front national est traditionnellement opposé à l’euthanasie, préférant mettre l’accent sur les soins palliatifs. Pour autant, l’argument invoqué n’est plus majoritairement de nature universaliste, c’est-à-dire fondé sur l’interdiction morale absolue de donner la mort ou d’inscrire cette possibilité dans le droit, comme le revendiquait jadis Jean-Marie Le Pen. Lors de la révision de la loi Léonetti en 2015, <a href="http://www.frontnational.com/2015/10/fin-de-vie-un-grand-pas-vers-lindigne-euthanasie/">Marion Maréchal Le Pen soupçonne une motivation de rentabilité économique</a> sous-jacente à une fin de vie médicalement hâtée chez les personnes les plus vulnérables.</p>
<p>Le positionnement du Front national apparaît ainsi moins tranché qu’il pouvait l’être il y a quelques années. Mais en réalité, c’est surtout la nature des arguments qui a changé, l’opposition à la montée en puissance du libéralisme économique remplaçant l’interdiction morale.</p>
<h2>Refus de la légalisation chez Les Républicains</h2>
<p>Chez Les Républicains, le refus de légaliser toute aide active à mourir et la nécessité de développer les soins palliatifs constituent la posture dominante. La construction argumentative est diamétralement opposée à celle du Front national. Tout en faisant appel à des principes moraux universels, le positionnement général apparaît plus modéré car les déclarations s’accompagnent d’une « sociologisation » des propos.</p>
<p>Ainsi en 2011, François Fillon, alors premier ministre, s’appuie sur cette logique universaliste. Il déclare que l’euthanasie n’est pas « [sa] conception du respect de la vie humaine et des valeurs qui fondent notre société ». Il nuance son positionnement en admettant <a href="http://www.lefigaro.fr/politique/2011/01/24/01002-20110124ARTFIG00604-fillon-justifie-son-opposition-a-la-legalisation-de-l-euthanasie.php">ne pas avoir été confronté personnellement à l’épreuve de l’accompagnement de la fin de vie</a>, ajoutant qu’en la matière, aucune « conviction n’est indigne » et rejetant l’acharnement thérapeutique.</p>
<p>Les autres familles politiques sont généralement considérées comme faisant preuve de flexibilité morale sur la question de l’euthanasie. En réalité, cette perception fait davantage figure d’héritage culturel des partis de gauche qu’elle ne résulte du recensement réel des convictions actuelles de leurs membres. Les positionnements individuels restent en effet extrêmement imprécis et évolutifs.</p>
<h2>À gauche, pas de consensus sur l’accompagnement de la fin de vie</h2>
<p>Il n’y a d’ailleurs aucun consensus, à gauche, sur les conditions et les procédures médicales concrètes qui devraient accompagner la fin de vie. On se souvient ainsi de l’élection présidentielle de 2012. La candidature de François Hollande fut accompagnée de la promesse – non tenue – d’une assistance médicalisée pour une fin de vie dans la dignité, face à un Nicolas Sarkozy opposé à toute évolution législative.</p>
<p>Au cours de la dernière décennie, une grande diversité des formes de l’aide à mourir s’est imposée dans le débat, allant de l’arrêt passif des traitements au geste actif de donner la mort (laisser/permettre/causer la mort) par le patient (suicide assisté) ou le médecin (euthanasie active). Il y a donc plusieurs manières de permettre une « fin de vie digne », et autant de positionnements possibles. Favorable à une euthanasie active sous certaines conditions en 2007, Ségolène Royal considère en 2011 qu’il ne faut pas la légaliser, tandis que Martine Aubry se déclare favorable tout en réclamant des précautions dans son application…</p>
<p>Emmanuel Macron, à la tête du mouvement En Marche, <a href="http://www.la-croix.com/France/Politique/Emmanuel-Macron-precipiter-pour-legiferer-questions-ethiques-2017-03-12-1200831290">revendique une société du choix dans les questions liées à l’administration du corps biologique</a>, sans vouloir légiférer. Ce qui revient, en fait, à ne pas se prononcer sur l’euthanasie.</p>
<h2>L’euthanasie vue comme défense d’une minorité</h2>
<p>Benoît Hamon, candidat du Parti socialiste, <a href="https://www.benoithamon2017.fr/2016/11/05/mourir-dignement-est-un-droit/">se déclare favorable à l’euthanasie active</a> et inscrit cette pratique en continuité de la défense des minorités au même titre que les lanceurs d’alerte, les femmes seules ou les couples de femmes souhaitant se lancer dans une procréation médicalement assistée. Ce positionnement rejoint celui du président de l’<a href="http://www.admd.net/">Association du droit de mourir dans la dignité</a> (ADMD), Jean-Luc Roméro, qui milite également pour la cause homosexuelle et a récemment réuni les deux causes dans un même ouvrage, <a href="http://www.michalon.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=500587">« Survivant : mes 30 ans avec le sida »</a> (Michalon).</p>
<p>Jean-Luc Mélenchon, fondateur de La France insoumise, adopte une logique plus universaliste en plaidant pour une inscription durable du droit de disposer de soi dans la constitution ; <a href="http://www.la-croix.com/France/Politique/Jean-Luc-Melenchon-contre-GPA-mais-pour-PMA-suicide-assiste-2017-01-22-1200819114">il fait un lien direct avec le droit à l’avortement</a> qu’il décrit comme un droit à être maître de soi-même.</p>
<h2>Un positionnement dissonant du candidat écologiste</h2>
<p>L’engagement écologique s’est fréquemment inscrit en porte à faux avec la liberté de choisir sa mort. Prônant la transmission de la vie et s’attaquant aux perturbations « artificielles » et aux logiques utilitaires, le parti Europe écologie les verts (EELV) s’oppose à l’euthanasie conçue comme une manière d’étendre l’empire industriel de l’homme sur la nature entière. Le positionnement de son candidat Yannick Jadot en faveur de l’euthanasie comme moyen de retrouver la « maîtrise » de sa vie est assez dissonant par rapport à ses sympathisants qui y perçoivent une <a href="http://revuelimite.fr/lce-22-euthanasie-ecolo-mais-pas-trop">variante libertaire du <em>struggle for life</em> libéral</a>.</p>
<p>La cartographie des positionnements politiques sur l’euthanasie ne se superpose pas systématiquement avec celle des clivages partisans. Par exemple, on peut être fortement attaché aux institutions de la cinquième République et militer pour un droit à disposer de son corps en fin de vie comme on l’entend, sans que cela ne témoigne de quelconques dissonances cognitives.</p>
<p>Une même posture, que celle-ci soit permissive ou conservatrice, peut ainsi reposer sur des principes moraux universels (respect de la vie humaine versus liberté de disposer de son corps) ou bien s’inscrire dans une stratégie de défense active des minorités vulnérables (qu’il faut protéger de la surpuissance médicalo-industrielle, ou sur lesquelles il faut veiller en leur accordant des droits spécifiques). En fonction des personnalités politiques, la nature du débat relèvera soit de l’application de principes universels (droits de l’homme), soit de la défense des minorités (droits culturels).</p>
<h2>Sujet délicat à manier en période électorale</h2>
<p>On comprend donc que le sujet de l’euthanasie est particulièrement délicat à manier en période électorale. Il n’est pas séparable des enjeux <a href="http://www.fayard.fr/linsecurite-culturelle-9782213672199">d’insécurité culturelle</a>. Et s’accorde mal avec les logiques argumentatives classiques des partis politiques, plutôt orientées sur les enjeux socio-économiques et les problématiques de stabilité des institutions de la cinquième République. Se positionner sur cette question revient, pour un candidat, à devoir trancher entre deux modèles de société (universel versus communautaire), une question pas toujours consensuelle chez son électorat, notamment à gauche.</p>
<p>La question qui se pose à nous, en tant que citoyen(ne)s, est de savoir dans quelle mesure l’assignation de droits à des catégories spécifiques d’individus (en l’occurrence, les malades et, parmi eux, certaines catégories de malades) est compatible avec l’universalité des droits de l’homme. Certes, cette étape apparaît comme un passage obligé si l’on veut voir évoluer la société sur la question de l’euthanasie. Mais un tel différentialisme peut difficilement constituer, en France, un horizon philosophique et social.</p>
<p>Le combat des femmes pour leurs droits en fournit sans doute la meilleure démonstration. Elles ont d’abord été assimilées à une minorité insuffisamment reconnue, ce qui a justifié la réclamation du droit de vote ou de la parité. Mais n’oublions pas qu’elles ont finalement acquis ces droits parce qu’elles se sont considérées comme des citoyennes, au même titre que les hommes, dans une perspective universaliste.</p>
<p>À lire le témoignage émouvant de ce jeune chercheur décrivant le <a href="https://theconversation.com/ma-grand-mere-leuthanasie-et-moi-71587">fardeau insupportable pesant sur sa grand-mère en fin de vie</a>, on serait tenté de réclamer le droit à l’euthanasie pour une nouvelle minorité de patients. La gestion des situations individuelles ne doit toutefois pas faire oublier qu’il s’agit d’un combat universel. En la matière, le sénateur Henri Caillavet nous aurait rappelé que « si Dieu existait, il serait probablement radical ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/71655/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Virginie Tournay est membre de l'Association du droit de mourir dans la dignité (ADMD)</span></em></p>La plupart des candidats à l’élection présidentielle ont maintenant pris position sur l'euthanasie. Les clivages se font moins sur l’appartenance politique que sur les modèles de société défendus.Virginie Tournay, Directrice de recherche CNRS au CEVIPOF, Centre de recherches politiques de Sciences Po, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/721742017-01-30T21:22:15Z2017-01-30T21:22:15ZLa longue marche de Benoît Hamon<p>On aurait tort de réduire la victoire de Benoit Hamon à l’issue de la primaire de la « Belle Alliance populaire » à une simple réaction mécanique d’une gauche souhaitant montrer qu’elle peut encore compter dans la présidentielle. Ce résultat nous dit des choses importantes sur les perspectives de court et de long terme du PS et sur les perspectives de « reconstruction » de la gauche après la présidentielle. Sauf, bien sûr, si Benoît Hamon gagnait cette élection, ce qui au jour d’aujourd’hui n’est pas l’hypothèse la plus probable.</p>
<p>S’il faut être prudent dans ce domaine, on peut néanmoins observer que les conséquences du résultat de la primaire vont s’exprimer avant tout dans les rapports de force à gauche et au sein du PS.</p>
<h2>Retour vers des valeurs de gauche</h2>
<p>Le surcroît de participation par rapport au premier tour traduit sans aucun doute que quelque chose a (un peu) bougé pour le PS. Les motivations du vote Hamon, selon le <a href="http://elabe.fr/comprendre-vote-primaires-citoyennes">sondage Elabe réalisé le jour du vote</a>, sont avant tout le retour vers les valeurs de la gauche. Manuel Valls n’est pas parvenu à imposer l’idée qu’il s’agissait de choisir le candidat pouvant engranger le plus de votes pour la présidentielle car les électeurs de la primaire voulaient avant tout renouer avec leurs valeurs économiques de gauche et « refaire gauche » avant de « refaire présidentiel à tout prix ».</p>
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<p>Cet électorat a sans doute été fortement perturbé par le quinquennat et le renoncement de François Hollande. Il y avait dans le vote de dimanche une dimension de vote sanction par procuration contre François Hollande, à travers Manuel Valls. Dans ce contexte, il convient de se demander si la nouvelle donne créée par la victoire de Benoît Hamon a des chances de modifier les dynamiques d’opinion pour la campagne présidentielle.</p>
<p>Il faut dire que la situation du PS, à la veille de la primaire, semblait virer à l’agonie. Ce parti qui a subi une véritable « hémorragie » de militants depuis 2012, à l’image d’autres partis sociaux-démocrates européens depuis 2008, fait face à l’une des plus importantes crises de son histoire. S’il s’est déjà remis de crises très graves, comme 1993 ou 2002, sa situation politique semblait dans une relative impasse : isolé, divisé, tiraillé entre des projets politiques très opposés, sans ligne claire à présenter à ses militants et électeurs.</p>
<p>Par rapport à cette situation très difficile, le résultat de la primaire semble permettre une forme de « clarification » qui n’est pas celle que Manuel Valls a appelé constamment de ses vœux. Mais derrière l’apparence se cache un chemin difficile. Le « rassemblement » tant souhaité par les deux finalistes de la primaire s’annonce en effet très compliqué. Cela n’est pas seulement dû aux antagonismes personnels ; cela est avant lié au fait que le contexte économique et les engagements européens de la France ne donnent pas les marges de manœuvre dont Benoît Hamon a besoin pour crédibiliser son programme auprès d’une majorité d’électeurs le 7 mai prochain.</p>
<p>L’objectif de sa campagne est d’ailleurs peut-être davantage de prendre date pour la reconstruction de la gauche après la présidentielle que de gagner celle-ci. Et certainement que l’objectif prioritaire est de « sauver la face » du PS le 23 avril en occupant une place sur le podium ou proche du podium.</p>
<h2>« Une majorité gouvernementale sociale, économique et démocratique »</h2>
<p>Le résultat de la primaire nous dit aussi des choses très importantes sur cette reconstruction de la gauche. En appelant hier soir au « rassemblement », Benoit Hamon a adressé un signal non seulement au PS et aux autres acteurs de la primaire mais aussi aux autres composantes de la gauche. Prenant grand soin de ne pas inclure Emmanuel Macron dans le périmètre de la gauche (et se différenciant ainsi d’autres membres de la direction du PS, comme Ségolène Royal), il a prononcé une phrase qui définit son projet politique pour l’après-présidentielle et qui va baliser le chemin difficile qu’il souhaite emprunter :</p>
<blockquote>
<p>« Je proposerai à Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon de construire une majorité gouvernementale sociale, économique et démocratique. »</p>
</blockquote>
<p>Depuis 2012 et l’élection de François Hollande, c’est sans doute la première fois qu’un membre important du PS, son candidat à la présidentielle à présent, inclut aussi nettement le leader de la France insoumise dans une perspective de « majorité gouvernementale ». Ce mot-clef renoue avec une matrice politique que le PS connaît bien, celle de « l’union de la gauche » élargie ou de la « gauche plurielle » avec les écologistes.</p>
<p>Il ne fait guère de doutes que Benoit Hamon va vouloir également dialoguer avec les radicaux de gauche et avec les communistes afin de montrer sa capacité à incarner le centre de gravité d’une gauche en dynamique nouvelle. Il ne serait d’ailleurs pas impossible que le PC se montre très sensible à cette démarche car elle lui permettrait de ne plus s’en remettre seulement à Jean-Luc Mélenchon.</p>
<h2>Une nouvelle union de la gauche ?</h2>
<p>Ce cap tracé par Benoit Hamon d’un retour vers les bases de l’union de la gauche est-il susceptible de fonctionner ? Comme l’ont fort bien analysé dans leurs travaux sur l’histoire du socialisme en France Gérard Grunberg et Alain Bergougnioux (<em>L’Ambition et le remords, Fayard</em>, 2005) le clivage entre les visions très différentes portées par les deux finalistes de la primaire rappelle avec force que le socialisme en France connaît depuis ses origines un débat constant entre la ligne réformiste et la ligne de la gauche de rupture.</p>
<p>Le parti fondé par François Mitterrand à Epinay en 1971 prônait d’ailleurs « la rupture » avant que la logique de l’élection présidentielle ne vienne le convertir à l’exercice du pouvoir au sein de la V<sup>e</sup> république et d’une économie libérale et ouverte. Ce parti avait su gérer cet écart et cette ambiguïté en menant de front un projet politique d’union de la gauche et un projet politique de suprématie du PS sur cette union afin d’imposer un agenda politique réformiste.</p>
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<p>Le « tournant de 1983 » et de la « politique de rigueur » marquait l’entrée définitive du PS dans une perspective social-réformiste dont sont issus d’ailleurs plusieurs des participants de la primaire. Malgré les nouvelles perspectives tracées par Lionel Jospin entre 1997 et 2002, la question de fond posée par ce « tournant » est restée comme une trace indélébile au sein du PS : que veut dire « réformer » la société aujourd’hui ? Et comment l’idéal de la gauche – une société plus égalitaire, plus juste et qui desserre l’étau des stratifications sociales – peut-il se combiner avec l’exercice du pouvoir qui, au sein d’une économie libérale, consiste à respecter (voire favoriser) les logiques des marchés tout en les régulant. Manuel Valls, résumait dimanche soir cette contradiction en espérant que le PS puisse revenir au pouvoir en mettant de côté le « vieux procès lancinant en trahison ».</p>
<h2>Effet de levier</h2>
<p>Il reste donc un chemin long et difficile à parcourir à Benoît Hamon car les obstacles qu’il rencontrera sont ceux posés par les mutations de l’économie libérale ouverte dans un contexte de globalisation et de changement de paradigmes dans tous les domaines.</p>
<p>Son diagnostic posé sur le travail mérite l’intérêt car au-delà de ce que l’on peut penser du caractère utopiste et faisable ou pas d’un revenu universel (sur lequel je me garderai de me prononcer ayant lu des experts qui ne sont pas d’accord entre eux…), cette question a le mérite de faire effet de levier sur tout un ensemble d’autres questions qui se posent à nos sociétés postindustrielles et postmatérialistes.</p>
<p>Si la dimension matérielle de nos vies continue d’être la source et l’enjeu de toutes les inégalités, il n’est pas interdit de penser l’autre dimension du monde, celle de la qualité de la vie au travail, du calendrier de nos vies entre travail, formation et vie personnelle, de la qualité de la vie en fait. C’est une longue marche qui s’annonce pour Benoît Hamon. S’il parvient à réaliser un bon score à la présidentielle son discours sera le pivot de la recomposition de la gauche après la présidentielle ; s’il n’y parvient pas, tous les scénarios sont possibles pour l’éclatement d’une gauche qui sera prise dans l’étau de contradictions insurmontables et sera alors sous la pression d’Emmanuel Macron. Quoi qu’il en soit, le débat d’idées est lancé à présent que presque tous les acteurs de la présidentielle sont sur scène. Dans un contexte si désespérant et si triste parfois pour notre vie politique, ce grand débat d’idées qui s’annonce est le bienvenu !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/72174/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bruno Cautrès ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ce résultat nous dit des choses importantes sur les perspectives de court et de long terme du PS et sur les perspectives de « reconstruction » de la gauche après la présidentielle.Bruno Cautrès, Chercheur en sciences politiques, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/695102016-11-28T14:05:54Z2016-11-28T14:05:54ZLe piège de Buridan : vol au-dessus d’un nid de primaires<blockquote>
<p>« Chaque heure est sur ma tête un glaive suspendu. »<br>Victor Hugo, « Odes et ballades ».</p>
</blockquote>
<p>Tout cheminement politique est naturellement pavé d’embûches : d’ordinaire, celles que mettent devant vos pas vos adversaires. Il est assez rare qu’un acteur se tende lui-même des pièges d’autant plus mortels qu’il s’enlève les moyens de les désarmer. C’est pourtant à ce jeu dangereux que semble, pour notre grand étonnement, nous convier François Hollande.</p>
<p>Il y a eu d’abord cet engagement à se prononcer avant la fin de l’année sur sa décision de postuler ou non à sa succession, suite au pari dangereux d’inverser la courbe du chômage. Il y a eu ensuite ce sinistre jeu de fausses-vraies confidences par lequel il faisait pleuvoir des flèches empoisonnées indistinctement sur proches et adversaires, qui explose en librairie à quelques mois de l’échéance. Enfin, bouquet final, l’acceptation de soumettre son éventuel engagement à des primaires en janvier prochain. N’est pas Alexandre qui veut pour trancher pareil nœud gordien. Et Damoclès ne s’était pas attaché lui-même l’épée au-dessus de la tête !</p>
<h2>Partis sous assistance</h2>
<p>Nous nous sommes déjà interrogés, dans ces mêmes colonnes, sur la pertinence et les dangers de la transposition aléatoire dans le système politique français d’un dispositif adapté au régime américain. Les primaires n’ont en effet pour raison d’être, chez nous, que le besoin de contourner le premier tour de l’élection présidentielle pour s’assurer du deuxième : l’élection devient, en quelque sorte, à trois tours. Tant il semble inscrit dans le marbre, du fait de la triangulation politique, que le FN sera présent dans tous les cas de figure. Les primaires expriment ainsi la crise qui frappe les deux principaux partis de gouvernement.</p>
<p>D’alternance en alternance, l’un et l’autre se heurtent à un problème de leadership, entretenu par des divisions internes profondes sur les orientations fondamentales. Après deux primaires réservées aux adhérents, en 1995 et 2006, qui toutes deux aboutissent à la victoire du candidat de droite, le PS est le premier, en 2011, à se lancer dans l’aventure de la primaire ouverte. Le choix alors s’avère compliqué par la défaillance, dans la dernière ligne droite, du candidat potentiel qui semblait promis à la victoire : un consensus apparent s’est finalement opéré, dans le vide laissé par DSK, autour d’un homme réputé pour son sens de la synthèse. La suite a rapidement montré que le compromis avait ses limites : les frondes qui se manifesteront au cours du quinquennat suinteront directement des fêlures du départ.</p>
<p>L’UMP, contrainte à l’opposition par sa défaite de 2012, va s’emparer du dispositif pour désigner son champion et sortir des incertitudes où la maintiennent ses conflits de personnes. Nicolas Sarkozy, revenu de la pénombre où il s’était très provisoirement retiré, se montre d’abord très réticent vis-à-vis de l’idée même de primaire, se voyant dans la position d’un leader naturel. Il s’y rangera finalement, non sans avoir remis le parti à sa main vigoureuse : changement de nom, reconstitution contrôlée des cadres nationaux et locaux.</p>
<p>Cédant à la conviction traditionnelle selon laquelle tenir l’appareil, c’est tenir les troupes, il pensait prendre un risque limité. L’illusion se dissipera brutalement au soir du premier tour, qui le verra finir troisième et largement distancé par ses ex-collaborateurs. Signe s’il en était besoin de l’affaiblissement des partis : les fidèles inconditionnels ne suffisent pas dans une primaire ouverte, et les électeurs ne sont plus des godillots. Leurs intentions sont d’autant moins maîtrisables qu’elles restent souvent cachées jusqu’au dernier moment.</p>
<h2>À droite, toute…</h2>
<p>Dépassant les quatre millions de participants à chacun des deux tours, la primaire de la droite fut un succès supérieur à l’expérience précédente de la gauche. Elle a débordé des frontières politiques traditionnelles puisque s’invitèrent à la fête des participants d’autres horizons. Taraudé qu’il était par les divisions partisanes et le choc des ambitions, le peuple de droite aspirait à effectuer lui-même le choix de celui qui devait le ramener au pouvoir. La question préalable étant de trancher sur l’éventuel retour du vaincu de 2012.</p>
<p>Bien qu’ils fussent sept, les impétrants se virent rapidement enfermés dans le clivage des anti ou pro Sarkozy. À ce jeu, Alain Juppé occupa le rôle-titre si longtemps qu’il s’y engourdit. Puis survint la surprise Fillon, plus entraperçue qu’attendue, et jamais imaginée à ce niveau de domination. Son score écrasant, amplifié au second tour du 27 novembre où il fait le plein des reports des électeurs sarkozystes, révèle deux éléments de cette surprise. Il appuie d’abord, par sa densité même, la volonté de tourner définitivement la page d’un Nicolas Sarkozy marqué par l’échec de son quinquennat et sa personnalité dissonante.</p>
<p>Mais pour autant, les électeurs de droite n’ont pas renoncé aux valeurs portées par l’ancien Président. Au contraire : c’est précisément parce qu’il a su les incruster dans son projet que François Fillon a pu bénéficier d’une telle convergence. L’erreur d’Alain Juppé, jusqu’au lendemain du premier tour, aura été d’insister sur les liens étroits entre Fillon et Sarkozy, en pensant en tirer avantage. C’était aller à contre-sens du message envoyé le 20 novembre, et affaiblir la confiance dans sa capacité de rupture réelle. Face à lui, apparaissant comme le garant d’un changement rapide et radical, d’une libéralisation économique intense et d’une réaffirmation des valeurs traditionnelles par un État à l’autorité raffermie, François Fillon permet à la droite de se réconcilier avec elle-même.</p>
<h2>À gauche, des primaires de plomb</h2>
<p>On aurait pu penser que l’élimination de Nicolas Sarkozy faciliterait les choses à la gauche. Ainsi en témoigne la transgression de la logique des primaires, qui a amené des électeurs de gauche à participer à la désignation du candidat du camp adverse. Phénomène d’autant plus étrange qu’il semble trouver sa réplique pour la suite : Arnaud Montebourg n’en appelle-t-il pas les électeurs de tous horizons à venir voter pour lui en janvier, afin de battre plus sûrement le Président sortant ?</p>
<p>Mais pour profiter d’un horizon de droite clairement identifié, encore faudrait-il que la gauche elle-même soit en ordre de bataille. Elle en est loin. Et chaque jour qui passe apporte son lot de confusion. Ici on prédit l’annonce imminente de la candidature de François Hollande ; là on en appelle à l’impossibilité juridique de sa participation à des primaires ; là encore on fait de la participation de tous les candidats potentiels une condition préalable.</p>
<p>Et pendant ce temps, les candidatures se multiplient : de Mélenchon à Macron, en passant par Yannick Jadot, et finalement Sylvia Pinel pour le PRG qui se retire de la Belle Alliance Populaire, le rassemblement a du plomb dans l’aile. Ce n’est qu’<em>in extremis</em> qu’on échappe à une candidature communiste, les militants du PCF ayant finalement opté, du bout des votes, pour un ralliement à Jean-Luc Mélenchon. Mais le même jour, le premier ministre Manuel Valls se dévoile un peu plus, n’excluant pas d’être candidat contre son Président !</p>
<p>Le succès de la primaire de droite vérifie que cette opération s’effectue assez naturellement lorsqu’on est dans l’opposition, et qu’il y a besoin de débrider une plaie. La gauche, elle, se trouve confrontée à un problème épineux : elle est actuellement au pouvoir. Dans le système américain, ce type de situation écarte la procédure, sauf si le sortant décide lui-même de ne pas se représenter. Or l’idée d’une primaire pour 2017 allait à contre-sens de cette donnée : elle a été avancée par des hommes et des femmes de gauche dans un souci clairement exprimé d’écarter le sortant. Étrange manière pour un camp de vouloir sanctionner le bilan de son Président avant même que les électeurs, dans leur ensemble, aient pu donner leur sentiment sur celui-ci autrement que par des sondages !</p>
<p>Mais, plus étrange encore, il y a l’attitude de François Hollande offrant le flanc à ces dérives. D’abord en annonçant qu’il ferait connaître sa décision à un moment finalement fixé à la fin de l’année 2016. Et en l’assortissant de conditions. Rien ne l’y obligeait, ni juridiquement, ni politiquement, et l’exemple de ses grands prédécesseurs aurait pu l’inciter à la prudence. Mais il va plus loin, en acceptant la proposition du premier secrétaire d’en passer par la primaire. Voilà son avenir conditionné par des facteurs qu’il ne maîtrise pas, son libre-arbitre empêché.</p>
<h2>En état d’aporie</h2>
<p>À la question : François Hollande peut-il être candidat ou doit-il se retirer, la réponse est oui ! Rien, en droit, ne l’empêche de se représenter : le fait que le Président soit au-dessus des partis concerne exclusivement l’exercice de son mandat. Quant à la décision de présenter sa candidature à des primaires, elle ne relève pas de la Constitution : elle est du ressort de l’intime conviction, de sa seule conscience du devoir accompli. Mais le risque énorme de désaveu de ses propres troupes dans une primaire, l’insatisfaction, manifeste jusqu’à la colère, de ceux qui l’ont amené au pouvoir, l’invitent au retrait. Le voilà dans la position indiquée par Buridan, pris entre sa faim de défendre son bilan et sa soif d’être légitimé par ses amis. Le seul chemin qui lui reste pour échapper à cette inertie, c’est d’en rompre les termes, d’un coup d’épée. Soit en sortant du jeu, soit en se présentant en dehors de la primaire.</p>
<p>L’argumentaire dont il dispose semble plutôt aller vers cette seconde voie : la floraison des candidatures autonomes viderait la Belle Alliance de toute substance réelle ; les attentats déjoués confirmeraient l’autorité présidentielle, la courbe du chômage, enfin inversée, légitimerait sa prétention à poursuivre son action… Alors, pourquoi reculer devant cette atmosphère hostile ? Homme des paradoxes – ou des contre-sens – poussés jusqu’à l’aporie, François Hollande a peut-être lu Crébillon, qui écrivait : « Vous me haïssez trop pour ne me point aimer. »</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/69510/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
François Hollande est pris entre sa faim de défendre son bilan et sa soif d’être légitimé par ses amis. Pour échapper à cette inertie, il peut sortir du jeu, ou se présenter en dehors de la primaire.Claude Patriat, Professeur émérite de Science politique, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/686232016-11-10T19:41:37Z2016-11-10T19:41:37ZPrimaire d’Europe Écologie–Les Verts : le « reset » de l’écologie politique française ?<p>Le 7 novembre dernier, Yannick Jadot a remporté la primaire ouverte de l’écologie. Vainqueur sans conteste de <a href="http://pur-editions.fr/detail.php?idOuv=4235">ce scrutin mi-électoral mi-partisan</a>, il totalise 54,25 % des voix et 57,11 % des suffrages exprimés. Un score qui l’autorise à s’envisager dans le rôle du septième candidat de l’écologie politique française à l’élection présidentielle. Pour mémoire, avaient concouru à ce titre René Dumont (en 1974), Brice Lalonde (en 1981), Antoine Waechter (en 1988), Dominique Voynet (en 1995 et en 2007), Noël Mamère (en 2002) et Éva Joly (en 2012).</p>
<h2>La « primaire de l’amour »</h2>
<p><a href="http://www.publicsenat.fr/lcp/politique/presidentielle-vers-une-primaire-resserree-chez-europe-ecologie-verts-1420336">Chez les écologistes</a>, l’exercice de la primaire est systématique. L’ayant déjà testée sous toutes ses formes (fermée, semi-ouverte, ouverte) et selon diverses modalités, ils maîtrisent peut-être plus que d’autres la pluralité des usagesde <a href="http://pur-editions.fr/detail.php?idOuv=4235">cet exercice</a>.</p>
<p>Cette année, trois nouveautés : la première concerne les parrainages, recueillis auprès des 240 membres élus du Parlement interne d’EELV (le Conseil fédéral) plutôt qu’auprès des militants. Elle donne à cette édition un tour très centré sur l’oligarchie partisane, en pleine contradiction avec l’esprit d’ouverture et de démocratie qui passe pour caractériser, en partie à tort d’ailleurs, l’exercice même de la primaire. Impossible en effet, dans ces conditions, de franchir la barre des 36 parrainages requis lorsque vous n’êtes pas du parti – à moins d’être une personnalité déjà plébiscitée par les écologistes (ce qui aurait pu être le <a href="http://theconversation.com/2017-la-mission-impossible-de-nicolas-hulot-62152">cas de Nicolas Hulot</a>). Ou, autre cas de figure, si vous n’y êtes pas bien introduit, à l’instar des quatre candidats qui ont été recalés dès ce stade : Jean-Marie Matagne, Gérard Charollois, Olivier Lafond et Pierre Schwarz.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/145449/original/image-20161110-25077-n5lb0y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/145449/original/image-20161110-25077-n5lb0y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/145449/original/image-20161110-25077-n5lb0y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/145449/original/image-20161110-25077-n5lb0y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/145449/original/image-20161110-25077-n5lb0y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/145449/original/image-20161110-25077-n5lb0y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/145449/original/image-20161110-25077-n5lb0y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Nicolas Hulot, le grand absent de ces primaires.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/photonquantique/8104002060/in/photolist-dm88ts-75g5EH-55irRu-qBxKbj-JmJcT-72wPp1-72sQ7V-72sQ6p-72sPVM-72sPV2-rgG1Dc-9Fxp8Z-rgPrK2-rir2ej-72wPi9-72wPnN-6Zohwq-72sPQe-72sQ9r-a4a9KW-6ZogqG-6Zjg8p-6ZjfJZ-7Cno4K-6ZjfBp-6ZjfLK-6ZogRs-72sQ2B-6Zogt5-72wPgh-6ZohAj-SyzA2-8w3ihy-6ZofUw-wLGCS-rxHSwu-6cPEF1-qChQPs-o1a2fW-6cPjXf-6cPHa5-6cKpQi-6ZjgGa-6ZjgZv-9R9XMn-7877rX-6Zjftz-risbqL-72sQ5g-FfP7L">PhOtOnQuAnTiQuE/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>La deuxième tient au profil des sélectionnés : quatre parlementaires (une députée nationale et trois députés européens) ou autrement dit, quatre professionnels de la politique (selon la définition de Max Weber), dont les caractéristiques contredisent, en partie, la capacité des écologistes français à plébisciter des militants certes chevronnés mais relativement profanes en politique.</p>
<p>Enfin, troisième nouveauté, le calendrier : court, il devait permettre de limiter les risques de tensions et de péripéties internes, et d’espérer ainsi en finir avec l’image caricaturale d’un parti « coupeur de têtes » et « divisé » ; habilement prévu avant les primaires des autres partis politiques et négocié avec des médias de large audience (BFM TV, Europe 1…), il promettait également l’élargissement de la diffusion du message écologiste au-delà de ses publics habituels.</p>
<p>Autant de particularités qui ont structuré cette <a href="http://www.liberation.fr/france/2016/09/27/chez-les-verts-la-primaire-de-l-amour_1512644">« primaire de l’amour »</a>, dont l’enjeu résidait autant dans le choix d’un candidat représentatif que dans la reconstruction – et la mise en scène – d’une <a href="http://theconversation.com/la-face-cachee-du-congres-des-verts-61131">façade partisane largement abîmée</a>. Soumise à quelques impératifs partisans et médiatiques, et organisée en situation de pénurie financière, elle aura finalement été d’une tout autre facture que celle dont rêvaient les promoteurs d’une « démocratie 2.0 », avec plateforme de vote dématérialisée, ou les défenseurs de candidatures non partisanes, représentatives de la société civile mobilisée.</p>
<h2>Le pari perdu de Cécile Duflot</h2>
<p>Au soir du premier tour, le 19 octobre, deux candidates ont été éliminées. Le faible score de Karima Delli (9,82 % des voix) n’a étonné personne. Partie tard en campagne et visiblement moins bien préparée sur le fond et sur la forme que ses concurrents, elle est apparue peu crédible au regard du critère d’expertise qui fonde principalement la légitimité écologiste. Les 24,41 % des voix recueillis par Cécile Duflot, arrivée loin derrière les deux finalistes, Yannick Jadot (35,61 %) et Michèle Rivasi (30,16 %) ont, en revanche, plus largement surpris.</p>
<p>Fine connaisseuse du fonctionnement du parti et des tractations internes qui avaient d’autant plus présidé à son ascension et à ses réélections au poste de Secrétaire nationale que les écologistes se gouvernent à la proportionnelle et aux motions « de synthèse », Cécile Duflot avait recueilli le plus grand nombre de parrainages : elle en comptait 72, pour 68 pour Yannick Jadot, 43 pour Karima Delli, 39 pour Michèle Rivasi.</p>
<p>Forte de son avance, elle a proposé de « déminoriser l’écologie » et déroulé la stratégie de campagne concoctée <em>pour</em> et <em>avec</em> elle depuis plus d’un an : se présenter « pour la gagne » à l’élection présidentielle. Surjouant le rôle (et le look) du présidentiable alors qu’il aurait peut-être suffi de faire fructifier ses images de « patronne » de parti et de « ministre en jean » ou « en robe » pour se présidentialiser sans se dés-écologiser, Cécile Duflot s’est mise en scène à contre-courant. Entourée de communicants et de figures de l’activisme web, mais moins bien servie par son nouvel entourage que par l’ancien, la candidate que les médias <em>mainstream</em> voulaient qualifier de « naturelle » s’est trompée d’élection.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/145451/original/image-20161110-25066-196bxqz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/145451/original/image-20161110-25066-196bxqz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/145451/original/image-20161110-25066-196bxqz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/145451/original/image-20161110-25066-196bxqz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/145451/original/image-20161110-25066-196bxqz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/145451/original/image-20161110-25066-196bxqz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/145451/original/image-20161110-25066-196bxqz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cécile Duflot, éliminée au premier tour de la primaire.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/partisocialiste/7319353738/in/photolist-c9MAS7-c9MBQJ-bF5iXC-c9MAFY-c9MBbJ-c9MBmq-bFa2dL-c9MB2j-cdSSaj-cdSNUQ-cdSMRo-cdSMmb-bWvyz8-bWvvhk-bWvsN8-bWvzen-cdSNDJ-cdSMBW-cdSN49-bWvzuZ-bWvxT2-bWvqSz-cdSKSS-cdSLJC-cdSKh1-bWvrCt-c9MAem-8gy8Ac-7LCmNw-8gBE9o-8gBWK3-7LyhW6-8gBupy-8gyNix-8gBSas-8gBx7o-8gyuJx-9sSP5M-9sJ5jV-9sVRM1-9sMcxY-9sJaJM-9sM7VL-9sJdqM-9sJjKv-9sW2uY-9sJgqK-8u9P6C-9sM6PQ-9sMmxd">Parti socialiste/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Donnant l’air de prendre sa présence au second tour pour acquise, refusant de dévoiler sa stratégie politique pour la suite et accumulant les maladresses, Cécile Duflot a trahi les codes qui font la légitimité politique écologiste.</p>
<p>Experte, mais loin des fondamentaux de l’écologie ; présente sur le terrain mais comme candidate plutôt qu’au titre de son engagement de militante ; rodée à l’exercice du pouvoir et à ses rudesses, mais restée seule comptable de pratiques politiques des exécutifs précédents ; <a href="http://www.persee.fr/doc/polix_0295-2319_1997_num_10_37_1648">formatée pour des journalistes qui co-construisent l’opinion</a> mais participent à la perpétuation d’un monde que les écologistes se sont justement fait une cause de transformer, Cécile Duflot a paru prendre de haut et à rebrousse-poil les militants, sans convaincre assez largement les sympathisants. Et le soutien officiel du Secrétaire national David Cormand n’a pas suffi. Il aura peut-être même joué en sa défaveur, tant celui-ci pouvait être interprété comme le signe de la survivance de « la firme » avec laquelle il s’agissait justement, depuis le dernier congrès, de rompre.</p>
<p>Le désajustement de sa candidature et son apparente déconnexion des luttes de terrain qui ont mobilisé ces dernières années le « peuple de l’écologie » (dont la médiatique COP 21) auront entraîné sa défaite bien plus que le coût symbolique de sa participation à un gouvernement rejoint avec l’assentiment des militants et quitté au moment de la nomination de Manuel Valls au poste de premier ministre (le 31 mars 2014), à un moment où cela faisait sens du point de vue des fondamentaux idéologiques de l’écologie politique. Des fondamentaux qui incluent, <a href="https://theconversation.com/la-chute-de-la-maison-duflot-68457">quoi qu’il s’écrive parfois</a>, une réflexion de fond toujours renouvelée sur la question de la participation au pouvoir et des alliances politiques. </p>
<h2>Yannick Jadot, vainqueur au jeu subtil des différences écologistes</h2>
<p>Restés en lice pour le second tour de la primaire, Yannick Jadot et Michèle Rivasi partagent le crédit symbolique attaché au mandat européen et la légitimité politique que leur procure leur implication sur des dossiers emblématiques des luttes écologistes. Ils se distinguent, en revanche, du point de vue de leur profil et de leur trajectoire militante. Si chacun représente, à sa manière, un mélange des profils militants les plus légitimes parmi ceux qui fondent le parti et le renouvellent depuis sa création en 1984, ils disposent de ressources et de capitaux différenciés qui ont peut-être fait la différence au dernier stade de la compétition.</p>
<p><a href="https://www.academia.edu/16816901/Engagement_et_carri%C3%A8res_militantes_chez_Les_Verts-EELV_un_%C3%A9ternel_recommencement_Ecorev_2015_">Comme tous les « spécialistes »</a>, <a href="http://www.michele-rivasi.eu/a-la-une/nous-presidente/">Michèle Rivasi</a> allie écologie scientifique et écologie militante. Agrégée de biologie, elle est entrée en écologie au soir de la catastrophe de Tchernobyl, en 1986. Investie dans la lutte antinucléaire, l’un des fondamentaux les plus structurants et intemporel de l’écologie politique, elle reste saluée pour ses interventions fondatrices de la <a href="http://www.criirad.org/">CRIIRAD</a> et, dans une moindre mesure, de la <a href="http://www.criirem.org/">CRIIREM</a>.</p>
<p>Élue municipale dès 1995, députée apparentée Parti socialiste de 1997 à 2002, puis élue au Parlement européen en 2009, elle bénéficie d’une large expérience d’élue et d’une expertise reconnue, notamment en matière de santé environnementale et de lutte contre les lobbies. Mais cette expérience peut être à double tranchant dans le parti vert, auquel elle a adhéré en 2005, et dont le rapport à la professionnalisation politique reste paradoxal.</p>
<p>Diplômé d’économie, coopérant en Afrique, engagé dans des associations et ONG de solidarité internationale et de défense de l’environnement,<a href="http://avecjadot.fr/biographie/">Yannick Jadot</a> ressemble, lui, à tous les « altruistes-insoumis » du parti. Fort de ses années passées à défendre les causes du Sud, auréolé de ses exploits en tant que directeur des campagnes à <a href="http://www.greenpeace.org/france/fr/">Greenpeace France</a>, et servi par son implication dans le Grenelle de l’environnement, il a pu valoriser, dans cette campagne, une pluralité d’engagements qui fondent la légitimité militante aux yeux des écologistes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/145452/original/image-20161110-25090-1atozxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/145452/original/image-20161110-25090-1atozxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/145452/original/image-20161110-25090-1atozxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/145452/original/image-20161110-25090-1atozxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/145452/original/image-20161110-25090-1atozxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/145452/original/image-20161110-25090-1atozxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/145452/original/image-20161110-25090-1atozxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Yannick Jadot, en 2009.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/23850541@N04/3444538831/in/photolist-6foaox-c5puW3-nwDoSJ-niQggV-kWnXPS-bm1A7L-bm6TFe-9JUE8j-yALbLL-7XoGXP-9JUDN1-7XoGXV-aBNKxw-7XoGY4-engeZQ-bZ9f29-9JRQo8-emQvFK-7ALHWn-c5pJSf-kWnLQC-c699q1-nwVXD5-c5pJu3-c5pHGq-kWnQsC-kWnTdY-c5pHWm-c5pHcs-c5pJ8h-kWmjKK-91C7B2-nfpTkX-c5pGXE-kWmUjr-ggYM8Y-kWmg5t-nwDoG3-nfpTpz-ggYMwy-kWnPPo-9T3rp5-7ALHVB-7AQv9u-kWnNtC-7XpMca-nyhfaC-kWmdDB-niQpj7-kWmYQv">kleinkariert/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>Politisé lors de la réforme Devaquet de 1986, mais formellement entré en politique en 2009 au moment de la transformation des Verts en EELV, il symbolise l’ouverture et le renouveau du parti vert. Réélu en 2014 au Parlement européen, il est apparu éloigné des enjeux internes et capable de médiatiser les dossiers dont il s’est saisi et qui font sens sur le terrain actuel des luttes (TAFTA, CETA, Notre-Dame des Landes…).</p>
<p>Gageons ainsi qu’au jeu des différences écologistes, l’homme, relativement jeune, de grande stature physique et de belle éloquence, militant chevronné et peu marqué par la vie politique, aura su faire valoir ses spécificités et le positionnement d’une candidature calée sur l’étalon écologiste : présidentiable, mais pas trop.</p>
<p>Il lui revient désormais de relever quelques défis : réunir les 500 parrainages requis, lever les fonds nécessaires pour faire campagne, rassembler tous les écologistes autour de sa candidature, mobiliser les forces militantes au-delà des rangs du parti. Et faire la preuve, mesurée à l’aune des 5,25 % obtenus en 2002 par Noël Mamère, de l’utilité d’une candidature écologiste, de gauche et autonome à l’élection présidentielle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/68623/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vanessa Jérome est membre d'EELV et du Conseil scientifique de la Fondation de l'écologie politique. </span></em></p>Yannick Jadot devra faire la preuve, mesurée à L’aune des 5,25 % obtenus en 2002 par Noël Mamère, de l’utilité d’une candidature écologiste, de gauche et autonome à l’élection présidentielle.Vanessa Jérome, Chercheuse associée au CESSP, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/684572016-11-08T16:26:46Z2016-11-08T16:26:46ZLa chute de la maison Duflot<p>La sévère élimination de Cécile Duflot au premier tour de la primaire organisée par Europe Écologie Les Verts (EELV) pour départager les candidats à l’élection présidentielle à venir a constitué une réelle surprise pour les observateurs. Jamais dans l’histoire des Verts un leader « historique » de la stature de Cécile Duflot n’avait été éliminé de façon aussi brutale. Qui plus est par des candidats de moindre notoriété pour les Verts : malgré leur indéniable passé de militants de l’écologie, ni Yannick Jadot ni Michèle Rivasi n’étaient considérés jusqu’ici comme des prétendants légitimes à la succession du rôle envié de candidat des Verts à la présidentielle. À l’issue du second tour de cette primaire le <a href="http://www.marianne.net/primaire-eelv-yannick-jadot-presque-qualifie-presidentielle-100247677.html">choix de Yannick Jadot</a> par 54 % des votants semble confirmer le désir de renouvellement des adhérents et sympathisants du mouvement EELV.</p>
<p>Comment expliquer et la <a href="http://www.bfmtv.com/mediaplayer/video/la-chute-de-cecile-duflot-878187.html">chute de la maison Duflot</a>et le choix final des adhérents et sympathisants des Verts ? Et que nous révèlent ces évènements de l’état actuel du parti des Verts ?</p>
<p>Cécile Duflot a vraisemblablement été victime de deux réactions des adhérents et sympathisants Verts, la première motivée par son comportement de candidate potentielle à la présidentielle de 2017, la seconde par les aléas de l’alliance avec le Parti socialiste.</p>
<h2>L’erreur de la candidate « naturelle »</h2>
<p>Sur le premier point, tout d’abord, elle a commis l’erreur, grave dans le contexte culturel du parti des Verts, de se considérer comme candidate naturelle de son parti avant même que n’aient été discutées l’opportunité et les méthodes d’organisation d’une primaire au sein d’EELV. Dans ses déclarations publiques, il est apparu que Cécile Duflot estimait que, contrairement à la situation de la campagne présidentielle de 2012 où elle ne se sentait pas prête à assumer cette responsabilité, elle s’y était cette fois bien préparée. Elle ajoutait que l’organisation d’une primaire serait une erreur car cette procédure conduit inévitablement à des conflits violents entre candidats qui nuisent à l’image de l’écologie politique.</p>
<p>Personne ne contestera aujourd’hui que le déroulement d’une primaire, quel que soit le parti considéré, peut conduire à des débordements nuisibles pour le parti organisateur. Mais, pour un parti qui a – le premier – organisé de telles compétitions et qui se targue de « faire de la politique autrement », il est difficile d’y renoncer au seul motif de ces risques potentiels.</p>
<h2>Le poison de l’alliance avec le PS</h2>
<p>La seconde raison du vote qui a éliminé la candidature de Cécile Duflot est plus profonde : elle réside dans les jugements sur la politique d’alliance avec le PS adoptée par les Verts.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/145068/original/image-20161108-16727-1ty0sst.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/145068/original/image-20161108-16727-1ty0sst.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/145068/original/image-20161108-16727-1ty0sst.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/145068/original/image-20161108-16727-1ty0sst.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/145068/original/image-20161108-16727-1ty0sst.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/145068/original/image-20161108-16727-1ty0sst.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/145068/original/image-20161108-16727-1ty0sst.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Au sein du gouvernement Jean-Marc Ayrault, le temps de l’alliance.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/actualitte/13293401154/in/photolist-mfGa2C-aqC7mS-4QK7wa-mfG37q-4s9Wun-mfFaSX-mfFhiH-4sdZtm-4sdZQh-bfJ5xv-mfG7Rq-bM4GQv-bfJ6MT-mfFfec-4sdZYf-aqw7eQ-mfF1et-bkXT2v-4sdZHJ-bfJ5uk-8afzf8-bfJ6DT-apjb3U-apjbb5-apjaVb-apgqDV-bfJ6uB-aqtqWg-aqtpgP-aqw74b-bfJ6J4-aqw58L-8JJh8g-ecxEym-bfJ6pF-bfJ5Di-bfJ6Rc-bfJ5Tv-bfJ6eR-mfXDbV-bfJ5mM-bfJ5p2-bfJ6jk-8QegiU-mfZuFy-aK3Rbr-bfJ5N8-apgscM-apgrm2-apjc9b">ActuaLitté</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Le déroulement du <a href="http://lemonde.fr/politique/article/2016/06/11/david-cormand-prend-officiellement-la-tete-d-europe-ecologie-les-verts_4948552_823448.html">dernier congrès d’EELV</a>, en juin 2016, a montré qu’il existe aujourd’hui deux attitudes quant à la question de l’alliance avec le PS. La première, très dominante dans le mouvement, consiste à condamner sévèrement cette alliance parce que le Parti socialiste n’aurait pas tenu ses engagements à l’égard de l’écologie, notamment en matière d’énergie nucléaire. La seconde, très minoritaire, admet cette critique, tout en déplorant que le refus de participer au gouvernement de Manuel Valls ait été décidé de façon trop brutale et sans réel débat au sein du mouvement.</p>
<p>Or, paradoxalement ces deux attitudes, relativement contradictoires, se rejoignent pour condamner Cécile Duflot. La première parce que détentrice du ministère du Logement, dans le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, elle a incarné de façon symbolique cette participation, aujourd’hui condamnée ; la seconde parce qu’elle est responsable de la sortie brutale de l’alliance avec le PS quand elle a personnellement refusé une éventuelle participation des Verts au gouvernement de Manuel Valls.</p>
<h2>Deux anciens de Greenpeace</h2>
<p>À l’issue de ce premier tour de la primaire d’EELV, le 19 octobre dernier, deux candidats sont restés en lice, Yannick Jadot et Michèle Rivasi. La similitude de leurs profils est frappante : tous deux anciens dirigeants de Greenpeace, tous deux candidats en tête de liste de l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Europe_%C3%89cologie_Les_Verts#2008-2010_:_Fondation">élection européenne de 2009</a> qui a permis aux Verts de réaliser le meilleur score de leur histoire, proche de celui du Parti socialiste (16,3 % des suffrages exprimés contre 16,5 % pour le PS).</p>
<p>La très large victoire de Yannick Jadot (54,3 % des votants, 57,1 % des exprimés), au second tour, confirme le désir d’effacer symboliquement les souvenirs d’une période marquée par de graves dissensions au sein du mouvement des Verts. Elle annonce peut-être aussi un souhait d’élargissement de l’écologie politique au mouvement associatif dans la logique qui avait présidé à la fondation en 2009 d’« Europe Écologie Les Verts ».</p>
<h2>L’impensé des alliances</h2>
<p>Dans l’euphorie d’une unité peut-être retrouvée, EELV se prépare donc à une élection présidentielle, puis à des élections législatives qui, en réalité, présentent bien des difficultés. La première réside dans la nécessité de recueillir les 500 parrainages dans des conditions plus difficiles que précédemment : la fâcherie avec le Parti socialiste ne facilitera évidemment pas l’obtention de ces signatures. Si ce premier obstacle est levé, il reste à EELV à prouver que l’écologie politique peut dépasser le seuil de ces quelques les 2 à 3 % qui ont souvent été le lot des écologistes. La <a href="http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/election-presidentielle-2017/20161107.OBS0835/yannick-jadot-candidat-en-2017-le-pas-si-nouveau-visage-des-ecolos.html">relative « ouverture »</a> que représente la candidature de Yannick Jadot peut être un atout pour relever ce modeste défi.</p>
<p>Quant aux élections législatives qui suivront, en l’absence, désormais, d’une alliance avec le PS, c’est-à-dire sans bénéficier de circonscriptions réservées à des candidatures vertes, il ne faut pas s’attendre à des miracles. Hors les rares cas de bastions des Verts (Noël Mamère, François de Rugy), il sera bien difficile aux candidats de franchir l’obstacle du premier tour puisque, en règle générale lors des élections législatives, leurs scores ont toujours été de l’ordre de 4 à 5 % des suffrages exprimés.</p>
<p>L’échec final de l’alliance avec le Parti socialiste a été un évènement traumatisant pour EELV d’abord parce qu’il contredit un choix stratégique assumé depuis le milieu des années 90, ensuite et surtout parce qu’il n’indique aucune perspective de réussite de l’écologie politique au niveau national et complique ses accès aux pouvoirs locaux. Rarement discutées, jamais officiellement déclinées, les conditions concrètes d’alliances qui permettraient à l’écologie politique d’accéder au pouvoir (local, national) demeurent un impensé fondamental du parti des Verts.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/68457/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Daniel Boy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le choix de Yannick Jadot par 54 % des votants comme candidat à l’élection présidentielle semble confirmer le désir de renouvellement des adhérents et sympathisants de EELV.Daniel Boy, Directeur de recherches émérite à Sciences Po, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/612962016-06-21T04:29:25Z2016-06-21T04:29:25ZPrimaire, soyons constructifs !<p>Au début du mois de janvier dernier, François Hollande confiait à un de ses interlocuteurs, qui me l’a raconté, qu’il n’accepterait pas une primaire socialiste, mais qu’il serait moins réticent à l’idée d’une primaire ouverte à toute la gauche. Au même moment, avec quelques amis, nous avons lancé dans <a href="http://www.liberation.fr/france/2016/01/10/pour-une-primaire-a-gauche_1425509"><em>Libération</em></a> notre appel pour une primaire des gauches et des écologistes, avec le souci de marcher sur deux jambes. D’un côté, initier une logique proprement politique, doter la gauche tout entière d’un candidat légitimé par cette procédure. Et d’un autre côté, ouvrir dans toute la France une <a href="https://theconversation.com/le-lieu-geometrique-de-la-gauche-54711">phase de débats citoyens</a> d’où pourraient sortir une vision clarifiée des enjeux autour desquels s’affronteraient les candidats à la primaire.</p>
<h2>D’autres chats à fouetter</h2>
<p>Au départ, l’establishment politico-médiatique a considéré notre initiative avec le plus grand scepticisme. De quoi se mêlait cette bande de copains – Dany Cohn-Bendit, Yannick Jadot et la poignée d’intellectuels – réunie autour d’un couscous dans un restaurant au beau nom, La Baraka ? De quelle compétence, de quelle légitimité se permettait-elle de se réclamer pour ainsi rentrer perturber le débat institutionnel et politique des acteurs et commentateurs les plus sérieux, les plus aguerris ?</p>
<p>L’Élysée disait non, <a href="http://lelab.europe1.fr/jean-marie-le-guen-conseille-a-ceux-qui-veulent-relancer-le-debat-dune-primaire-a-gauche-de-consulter-2644037">Jean-Marie le Guen</a> déclarait que ceux qui croient qu’il y aura une primaire à gauche feraient bien de « consulter » (un médecin)… Les ministres argumentaient : le Président n’a pas de temps à consacrer à une primaire, il a d’autres chats bien plus importants à fouetter ; il est le « candidat naturel » ; ce serait abaisser la fonction présidentielle que d’envisager de l’inviter à concourir à une telle initiative, etc.</p>
<p>Mais très vite, les <a href="http://www.bfmtv.com/politique/7-francais-sur-10-favorables-a-une-primaire-a-gauche-964847.html">sondages</a> ont indiqué que le peuple de gauche dans sa grande majorité souhaite une primaire, alors que Jean-Luc Mélenchon faisait comprendre qu’il serait candidat à la présidentielle sans passer par cette étape.</p>
<h2>Sous la menace d’un Congrès exceptionnel</h2>
<p>Notre petit groupe a alors rencontré les partis politiques susceptibles d’être impliqués. Pierre Laurent, pour le PCF, s’est dit favorable : il a du faire ensuite machine arrière, sous la pression d’une base hostile à une primaire à laquelle François Hollande pourrait participer. <a href="https://theconversation.com/le-pari-risque-des-verts-61108">EELV</a>, en bien mauvaise passe, a aussi mis ses conditions rendant improbable notre primaire.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/127320/original/image-20160620-8861-129qq1r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/127320/original/image-20160620-8861-129qq1r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/127320/original/image-20160620-8861-129qq1r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/127320/original/image-20160620-8861-129qq1r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/127320/original/image-20160620-8861-129qq1r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/127320/original/image-20160620-8861-129qq1r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/127320/original/image-20160620-8861-129qq1r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Jean-Christophe Cambadélis, le premier secrétaire du PS, a tenu parole.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/partisocialiste/229145749/in/photolist-mfr3M-nbbdpc-ndkZCk-ndnZHY-ndm25Z-nbiiLm-cXUCDb-njFuuW-eP5U3e-nauki5-ePNg8g-ndnZtE-nb7uTh-nmqfxe-pchVxA-peif73-oWLeq7-ndaugV-pe47GR-nb7REN-nb7n4z-oVK1QA-ndceXb-pdXLkZ-nasrai-navz6V-oWHUp4-nautqC-nhwpTo-nauPN1-pe4g1p-pdXAAt-pchM5U-pejRb2-oWJpd6-oWR1zN-pefmCP-njAc8S-pdWmR6-oWQPza-peeJ84-oWK424-oWJh4t-oWR9KL-oWJxzu-pcXDMK-pbcxWq-pcdrJY-pefeti-oWKgZX">Philippe Grangeaud/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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</figure>
<p>Par contre, quand nous avons rencontré Jean-Christophe Cambadélis et une brochette de dirigeants du PS, il nous a été dit qu’on n’y verrait vraiment clair qu’en juin, et que la direction du parti était favorable à cette primaire, demandée énergiquement par les « frondeurs », mais pas seulement. Résultat : effectivement, <a href="http://www.lesechos.fr/politique-societe/politique/0211041943962-cambadelis-va-proposer-au-ps-une-primaire-de-la-gauche-de-gouvernement-2007512.php">Jean-Christophe Cambadélis</a>, soutenu ici par un parti unanime, et avec l’accord de François Hollande, a pu annoncer qu’une primaire « de la gauche de gouvernement » serait organisée en janvier prochain.</p>
<p>Le chef de l’État s’est finalement rendu à la raison : vu son bas niveau dans les sondages, vu la pression de militants risquant – faute de primaire – d’imposer un Congrès exceptionnel du parti qui serait encore pire pour lui, vu les bons résultats de Jean-Luc Mélenchon dans les sondages, et la perspective d’une candidature d’Arnaud Montebourg, il valait mieux qu’il accepte le principe d’une primaire. Ses ministres, <a href="http://www.lepoint.fr/politique/primaire-de-la-gauche-valls-retourne-encore-sa-veste-20-06-2016-2048083_20.php">Manuel Valls en tête</a>, n’avaient plus qu’à expliquer le contraire de ce qu’ils justifiaient quelques mois plus tôt, en espérant que leur crédibilité n’aurait pas trop à pâtir de ce revirement.</p>
<p>Le premier secrétaire du PS a donc fait progresser notre idée d’une primaire. Il a obtenu l’accord unanime du Conseil national de son parti pour sa stratégie : « frondeurs », « aubrystes » et autres ont tous voté pour sa proposition d’une primaire de la « gauche de gouvernement ». Il a tenu parole.</p>
<h2>Encore un effort, camarades !</h2>
<p>Est-ce à dire que les amis de La Baraka ont obtenu satisfaction ? Oui, mais un pas ou deux restent encore à faire.</p>
<p>Nous voulions une primaire des gauches et des écologistes, il ne faudrait pas que nous nous retrouvions avec une primaire du Parti socialiste et de vagues partis-croupion. Nous voulions des débats citoyens, une mobilisation de bas en haut, nous ne pourrons pas nous contenter de l’Université d’été du PS, avec ses jeux politiciens et ses petites phrases dont raffolent les médias.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/127321/original/image-20160620-8880-1cg74l9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/127321/original/image-20160620-8880-1cg74l9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/127321/original/image-20160620-8880-1cg74l9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/127321/original/image-20160620-8880-1cg74l9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/127321/original/image-20160620-8880-1cg74l9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/127321/original/image-20160620-8880-1cg74l9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/127321/original/image-20160620-8880-1cg74l9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Jean-Luc Mélenchon se ralliera-t-il à une primaire des gauches ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/pierre-selim/8913153167/in/photolist-brjotf-ezFsCQ-eav1WX-ezCouT-ezFD85-ezCeUB-btJ4f5-btJ4Ys-bGCRZn-bGCUap-btJ5d9-bT92Jk-btJ3Ju-bMLijK-bMLgPz-bGCT6P-bGCTep-bGCTGk-btJ5QG-e3MotB-btJ5oC-byRBqy-bE4xaH-bGCSVr-bGCTop-c9xYp5-btJ6No-btJ6qo-byRFhG-bCcQT6-btJ6YQ-btJ6d7-bGCULg-bGCR7r-bEiW3e-bGCTxx-byRHeN-btJ3wW-byRG8y-byRDEf-bT8YgF-bGCSsV-byRJM7-bMLmg4-byRFMJ-btJ4Gd-byRDSj-bs4vfp-bmJ8df-byRDgh">Pierre-Selim/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Le vote unanime du PS en faveur d’une primaire constitue une ouverture considérable, à partir de laquelle d’autres progrès peuvent être envisagés. Le plus urgent concerne l’objectif politique initial : que la gauche, dans sa diversité, affronte les prochaines élections – présidentielle plus législatives – en ayant fait preuve d’un sens aigu de la responsabilité ; que ceux qui se sont éloignés de tout projet d’intégration ou de convergence se ressaisissent, à l’image de François Hollande, et jouent la carte d’une primaire. Que <a href="http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/citations/2016/01/12/25002-20160112ARTFIG00120-primaire-des-gauches-jean-luc-melenchon-refuse-cecile-duflot-accepte.php">Jean-Luc Mélenchon</a>, le PCF et EELV annoncent qu’ils en acceptent maintenant le principe. Que d’éventuels candidats, comme Nicolas Hulot, fassent comprendre qu’ils en feront autant le cas échéant. Que le PS fasse savoir que les résultats d’une primaire des gauches et des écologistes pourront servir de base pour les investitures aux législatives.</p>
<p>Et non moins urgent, il faudrait que les débats citoyens se relancent et se démultiplient dans toute la France, dans la perspective d’alimenter la primaire, et de dessiner les grands axes autour desquels le candidat retenu devra proposer un projet présidentiel.
Bref : encore un effort camarades !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/61296/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Après avoir récusé l’idée d’une primaire, le camp présidentiel vient de s’y rallier. Sa réussite passe par la participation de toutes les gauches, et au-delà de leurs sympathisants.Michel Wieviorka, Sociologue, Président de la FMSH, Fondation Maison des Sciences de l'Homme (FMSH)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/547112016-02-17T05:41:01Z2016-02-17T05:41:01ZLe lieu géométrique de la gauche<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/111464/original/image-20160215-22563-1pt3tqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les candidats à la primaire socialiste en août 2011.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/webstern/6214271766/in/photolist-at8LuE-nkMVHL-oP27qV-9ZMA5A-nwGiRh-at5Y4g-9Kdmk7-np4zU3-oNTtzo-9Kgjeq-oyNw4Y-oPyC9m-oP2qRy-oKDKTS-9GjMqG-9YQ8bY-p2VQJj-p3NgcB-oNQG1o-9ZMacQ-9ZJk7F-p3wXdv-npwo8B-oNSFd6-nsyDQ2-oLzn5h-oPyCpG-oSnJ7p-nfcdhb-oP2VX7-p2QCMB-nnxngd-oKo5kz-nf4icX-npte9k-oy3F8L-p2RcNH-p74m3K-oNTubJ-9JBiGi-oKCmVi-nkNJdQ-fbHjBK-nwktid-p6iqJU-gmZgut-oLhUL6-npwoED-oR1ftR-oRggEj">Webstern Socialiste/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>Les commentateurs politiques les plus écoutés parlent de la gauche en termes totalement contradictoires. À les suivre, en effet, d’un côté, elle existe, mais dans l’<a href="https://theconversation.com/le-tripartisme-et-apres-53262">espace inédite du tripartisme</a>, et non plus dans le cadre de la seule opposition centrale gauche/droite. Et d’un autre côté, la gauche est fragmentée, voire pulvérisée, en miettes, sans unité, elle n’existe plus.</p>
<p>Quant aux instituts de sondage, ils font preuve d’une absence totale d’imagination, et leurs catégories sont celles de la situation passée, à peine présente, bien plus que celles qui pourraient naître des processus politiques en cours, à commencer par celui qu’a déclenché l’appel (dont je suis un des initiateurs) pour une primaire des gauches et des écologistes. Où est le sondage, par exemple, qui ferait entrer dans les questions sur les intentions de vote en 2017 des personnalités neuves, ou fraîches ?</p>
<p>Abordons par conséquent ces enjeux autrement que dans les termes que nous imposent les débats convenus au sein de la sphère médiatico-politique. Et demandons-nous s’il existe ou non la <a href="https://theconversation.com/ou-est-passee-la-gauche-les-deux-lecons-dun-remaniement-en-trompe-l-il-54678">possibilité qu’une gauche réapparaisse</a>, capable de développer une vision cohérente tournée vers l’avenir, et de redonner sens à l’action politique d’acteurs qui en incarneraient les valeurs, les idées ou les projets.</p>
<h2>La synthèse façon Hollande</h2>
<p>Il y a là un défi électoral qui ne se limite pas à la seule élection présidentielle. Si les partis actuels de gauche souhaitent éviter le pire aux prochaines législatives, s’ils veulent conserver quelque espoir de réussite, alors, il leur faudra bien se présenter devant les électeurs avec un minimum d’unité, et, mieux encore, en montrant qu’ils sont inscrits dans une dynamique vertueuse, et avec des propositions claires, fortes et bien comprises de l’opinion.</p>
<p>On voit bien ici les difficultés. Quoi de commun, entre un Jean-Luc Mélenchon au ton souverainiste vigoureusement anticapitaliste, et un Emmanuel Macron, ouvert à l’Europe et à une économie de marché ? Entre un Manuel Valls martial, et convaincu de l’utilité de mesures d’urgence ou de l’état d’exception, et un Yannick Jadot ou un Dany Cohn-Bendit qui n’auraient assurément pas voté comme la majorité des députés le projet de loi sur la <a href="https://theconversation.com/ce-que-signifie-vraiment-la-decheance-de-nationalite-54081">déchéance de la nationalité</a> ?</p>
<p>Il y a au moins deux façons d’aborder les prochaines échéances électorales en tentant de conjoindre des orientations aussi disparates. La première est celle que semble avoir choisie le chef de l’État. La logique est ici institutionnelle et politicienne. Il s’agit, pour François Hollande, de tenter d’incarner la seule synthèse de gauche possible, au sommet, face à la droite et à l’extrême droite. Cela implique des appareils politiques de gauche suffisamment dociles pour ne pas entraver une telle démarche – il est vrai que, de ce point de vue, le PS mais aussi EELV ne posent aucun problème tant ils donnent l’image de l’affaiblissement.</p>
<p>Cela exige aussi qu’aucun débat de fond ne puisse se développer à gauche, la seule personne du chef de l’État devant suffire à incarner un camp unifié sans avoir réfléchi à ses propres contradictions. Et cela peut s’avérer très dangereux pour le PS : comment choisir un candidat convainquant si, à l’automne 2016, le Président décide de ne pas se représenter ?</p>
<h2>Des débats d’idées et une primaire</h2>
<p>Une deuxième possibilité existe, qui oblige à regarder en bas, et non en haut. Elle correspond aux attentes massives des électeurs de gauche, qui disent à 80 % dans les sondages souhaiter une <a href="http://www.liberation.fr/france/2016/02/09/a-gauche-la-primaire-fait-ecole_1432263">primaire de leur camp</a>. Dans cette logique démocratique et citoyenne, l’intégration (qui ne veut pas dire nécessairement la fusion) d’orientations plus ou moins contradictoires au début passe par le débat d’idées, la mobilisation associative et politique, le retour des intellectuels. Elle est le résultat, et l’enjeu, d’un processus qui impose aux acteurs politiques de gauche d’en finir avec la soumission au pouvoir, tels des godillots, ou au mieux de se contenter de le critiquer sans rompre réellement avec ses injonctions.</p>
<p>Un espace immense sépare aujourd’hui les figures politiques de gauche les plus visibles, celles dont on parle sans imagination pour d’éventuelles candidatures en dehors de François Hollande : les Hervé Hamon, Arnaud Montebourg, Manuel Valls, Emmanuel Macron, Cécile Duflot et Jean-Luc Mélenchon. Si le lieu géométrique où leurs orientations peuvent trouver à négocier et composer existe, il n’apparaîtra qu’au fil de discussions qui ne peuvent pas être le fait des partis entre eux, et encore moins des sommets de l’État.</p>
<p>Il apparaîtra, il se dessinera d’autant mieux que des simples citoyens auront eu l’<a href="https://theconversation.com/tous-perdants-pourrons-nous-re-enchanter-la-politique-52276">occasion de débattre</a> entre eux, et avec des acteurs associatifs, syndicaux ou politiques, avec aussi des intellectuels, et notamment des chercheurs. Quand aura été dressé le bilan de l’expérience s’achevant en 2017, et qu’il aura été possible de se projeter vers l’avenir. Quand auront été avancées des idées, soupesés les avantages et les inconvénients des propositions disponibles face à tous les grands problèmes du moment. Et quand une primaire à gauche aura permis aux candidats de se situer en tenant compte de tous ces débats, de toutes ces idées.</p>
<p>Restera à savoir qui pourra incarner ce lieu géométrique, ce qui est un autre défi : cela peut-il être une des figures actuelles parmi les plus en vues, s’agira-t-il d’un nouveau venu sorti du monde politique, ou en provenance de la société civile ?</p>
<p>Ce deuxième scénario ne sera assurément pas un long fleuve tranquille. Mais il est le seul qui pourra permettre à l’idée de gauche de se reconstruire et de s’incarner.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/54711/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Pour permettre à l’idée de gauche de se reconstruire et de s’incarner, il faut promouvoir le débat et organiser une primaire plutôt que de se soumettre au bon vouloir du pouvoir.Michel Wieviorka, Sociologue, Président de la FMSH, Fondation Maison des Sciences de l'Homme (FMSH)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/525112015-12-18T05:45:42Z2015-12-18T05:45:42ZRégionales 2015, la nouvelle configuration<p>Suite à l’abrogation par le gouvernement de Jean‑Marc Ayrault de la réforme du 16 décembre 2010 qui créait un conseiller territorial en remplacement des conseillers généraux et régionaux, les conseillers régionaux ont été rétablis, mais dans le cadre d’un nombre réduit de régions en métropole, 13 contre 22</p>
<h2>Coup de tonnerre au premier tour.</h2>
<p>Le premier tour de ces élections régionales,le 6 décembre, a été marqué par une <a href="https://theconversation.com/regionales-2015-sept-situations-tres-contrastees-51924">nouvelle poussée du Front national</a>, un net recul de la gauche et un résultat décevant pour l’alliance LR-UDI-MoDem.</p>
<p>Les résultats d’ensemble</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/106546/original/image-20151217-8112-tx993p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/106546/original/image-20151217-8112-tx993p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/106546/original/image-20151217-8112-tx993p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/106546/original/image-20151217-8112-tx993p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/106546/original/image-20151217-8112-tx993p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/106546/original/image-20151217-8112-tx993p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/106546/original/image-20151217-8112-tx993p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les résultats sont en % des inscrits pour les votants et les exprimés et en % des suffrages exprimés pour les forces politiques. <em>En 2015, le MoDem et l’UDI sont avec LR. **Les résultats des listes d’union EELV-FG en PACA et Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées ont été répartis également entre EELV et le FG.</em>* * La gauche était absente du second tour dans deux régions : Nord-Pas-de-Calais-Picardie et PACA où le PS avait retiré ses listes au profit des candidats LR.</span>
<span class="attribution"><span class="source">DR</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Avec 50,1 % la participation reste faible, bien qu’en redressement sur celle des précédentes régionales de 2010 (46,3 %). Comme en 2010, conformément au modèle des élections intermédiaires, cette participation est politiquement différentielle au détriment du camp gouvernemental. Selon l’IFOP, seulement 45 % des électeurs de Jean‑Luc Mélenchon en 2012 et 52 % de ceux de François Hollande ont voté le 6 décembre contre 54 % de ceux de François Bayrou et surtout 62 % de ceux de Nicolas Sarkozy et 65 % de ceux de Marine Le Pen. On observait un phénomène du même type aux municipales et aux Européennes de 2014 ainsi qu’aux départementales de 2015.</p>
<p>Observons maintenant les résultats des forces politiques. Le succès du Front national est très net. Non seulement il confirme sa percée des Européennes de 2014, mais pour la première fois, avec 28,4 %, il devance l’ensemble LR-UDI-MoDem à 27,1 %. Le FN s’impose comme la première force électorale de France, il arrive en tête dans 6 des 13 régions métropolitaines, contre 4 pour l’Alliance LR-UDI-MoDem et 3 pour le PS et les divers gauches. Si le niveau du FN monte considérablement sa structure géographique et sociologique reste stable : France du Nord-Est, du Sud-Est et du Languedoc, ainsi que le pourtour de la région parisienne, artisans et commerçants, employés et ouvriers, faibles niveaux d’instruction. Il en va de même pour les <a href="http://www.opinion-way.com/pdf/opinion_way_pour_le_point_-_sondage_jour_du_vote_-_elections_regionales_2015_-_decembre_2015.pdf">motivations de vote</a> (immigration et insécurité).</p>
<p>Pour l’Alliance de LR et des centristes (UDI et MoDem), devancée par le FN, le résultat – 27,1 % – est un échec, en particulier <a href="https://theconversation.com/la-perilleuse-strategie-de-nicolas-sarkozy-face-au-fn-52222">pour Nicolas Sarkozy</a>. C’est le plus faible score jamais réalisé pour cet ensemble de forces, en recul de 3,4 points sur celui des régionales de 2010. Les Républicains et le Centre droit sont victimes d’une déperdition importante d’électeurs vers le FN. Leur manque de dynamisme électoral se manifeste également par les résultats significatifs des souverainistes (DLF et UPR avec 3,9 % et 0,9 %).</p>
<p>La gauche, avec 37,3 %, confirme son faible niveau des Européennes et <a href="https://www.cairn.info/load_pdf.php?download=1&ID_ARTICLE=COMM_150_0323">des départementales</a>. A l’intérieur de celle-ci le PS, 23,5 % avec le PRG, accentue sa domination réduisant l’espace de la gauche contestataire malgré l’impopularité du pouvoir. Le PS arrive en effet nettement en tête de la gauche dans les 12 régions de France métropolitaine continentale. En Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées la liste d’union EELV-FG qui espérait devancer le PS, n’obtient que 10,3 % face aux 24,4 % de la liste PS-PRG.</p>
<p>Partout ailleurs, les résultats sont encore plus faibles pour EELV (6 %) qui ne dépasse les 5 % que dans 9 autres régions et pour le FdG (4,9 %) qui ne franchit ce seuil que dans 5. Par rapport à 2010, le recul de la gauche est massif (-16,3 points) et affecte toutes ses composantes (PS -6, EELV -6,5, FG -1,2, EXG -2). EELV perd plus de la moitié de son électorat de 2010, année faste dans la dynamique de sa percée aux Européennes de 2009. Le PS récupère une partie des pertes écologistes dans les milieux urbains, compensant en partie ses pertes massives vers l’abstention et la droite.</p>
<h2>Multiplication des triangulaires</h2>
<p>Avec ces résultats, comme aux départementales, c’est l’<a href="https://theconversation.com/regionales-2015-sanction-par-explosion-52173">ensemble de la configuration des affrontements qui est bouleversée</a>.</p>
<p>En 2010, dans les 22 régions métropolitaines, à l’issue du premier tour les deux listes de tête étaient socialistes et UMP dans 20 régions, dans une région (Languedoc-Roussillon) une liste DVG socialiste dissidente et une liste l’UMP et en Corse une liste UMP et une liste indépendantiste. Le FN avait pu se maintenir au second tour dans 12 régions.</p>
<p>Cette fois-ci, non seulement le FN peut se maintenir partout, mais le cas de figure classique (Droite LR-UDI et PS en tête) ne se réalise que dans 4 régions sur 13 (Île-de-France, Bretagne, Pays de la Loire et Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes), dans 7 d’entre elles les deux listes de tête sont FN et LR, dans une FN et PS, et en Corse c’est une liste DVG et une liste indépendantiste qui arrivent en tête. On est ainsi passé d’un ratio de 21 régions sur 22 de dominance Gauche/droite à 8 sur 13 de dominante FN/« partis du système ». Comme aux départementales de mars 2015, l’ancien système d’affrontement PS/LR devient minoritaire au profit d’un affrontement FN/LR ou PS.</p>
<p>Les listes LR-UDI-MoDem ont refusé tout retrait ou fusion se maintenant dans toutes les régions. Le PS s’est retiré en Nord-Pas-de-Calais-Picardie et en PACA au profit des listes LR-UDI-MoDem, son candidat refusant de le faire en ACAL (Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine), deux duels ont opposé le FN et les listes LR-UDI-MoDem. La gauche a fusionné au second tour entre PS, EELV et FG partout où c’était possible, sauf en Bretagne où le Ministre des Armées Jean‑Yves Le Drian a refusé de fusionner avec la liste EELV (6,7 %) qui ne pouvait se maintenir. On a ainsi eu des fusions PS-EELV dans 4 régions et des fusions PS-EELV-FG dans 3 régions. Au total dans les 13 régions on a deux duels FN/LR et alliés, 10 triangulaires (Gauche/LR et alliés/FN) et une quadrangulaire Gauche/indépendantistes/LR-DVD/FN en Corse.</p>
<h2>Les gagnants et les perdants du second tour</h2>
<p>Ce second tour a été marqué par l’échec général du Front national à conquérir des régions et une confirmation de la défaite de la gauche qui perd 7 régions métropolitaines au profit de la droite LR-UDI-MoDem.</p>
<p>Avec 58,5 % de votants, la participation progresse fortement sur le premier tour (+8,4 points) et aussi sur le second tour de 2010 (+7,4 points). Cette progression entre les deux tours est générale mais plus particulièrement marquée dans les régions où se déroulaient des triangulaires avec un FN fort au premier tour : Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine (+11,1), Bourgogne-Franche-Comté (+10,6), Centre-Val de Loire (+9,7), Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées (+9,7) et Normandie (+9,1).</p>
<p>Elle est nettement moindre dans trois régions où le FN était assez faible au premier tour (Bretagne +5,3, Pays de la Loire +7,3, Corse +7,3) ainsi qu’en Nord-Pas-de-Calais-Picardie (+5,5), où la gauche s’était retirée. En PACA, où la gauche s’était également retirée, la progression de participation entre les deux tours est importante (+8,4) mais avec 4,7 % de blancs et nuls contre 1,5 % au premier tour.</p>
<p>Sur les 13 régions métropolitaines, la gauche en conserve 5 (Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, Bretagne, Bourgogne-Franche-Comté, Centre-Val-de-Loire, Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées) et en perd 8, dont 7 vers la droite LR (6) et UDI (1) et une (la Corse) vers les nationalistes.</p>
<p>Cette nette défaite de la gauche, qui confirme son fort recul en voix du premier tour, a été cependant limitée par trois facteurs : </p>
<ul>
<li><p>une mobilisation d’abstentionnistes du premier tour ; </p></li>
<li><p>de bons reports de voix à l’intérieur de la gauche ;</p></li>
<li><p>des triangulaires avec le FN qui ont partout divisé les voix de droite, la gauche n’obtenant au second tour plus de 50 % qu’en Bretagne (51,4 %).</p></li>
</ul>
<p><a href="https://theconversation.com/un-troisieme-tour-a-lombre-du-fn-52279">La droite LR-UDI est la grande gagnante</a> de ce second tour car elle l’emporte, grâce au soutien du PS, dans les trois régions que le Front national espérait conquérir (Nord-Pas-de-Calais-Picardie, PACA et Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine) et elle gagne quatre autres régions sur la gauche en triangulaire avec le FN – Pays-de-la-Loire, Auvergne-Rhône-Alpes, Normandie et <a href="https://theconversation.com/en-ile-de-france-la-droite-de-justesse-52364">Île-de-France</a> – cette dernière victoire étant la plus importante et la plus symbolique. Au second tour les listes LR-UDI-MoDem en triangulaire avec la gauche et le FN ont fortement progressé. Elles ont mobilisé des abstentionnistes du premier tour, récupéré la plus grande partie des suffrages s’étant portés sur les listes divers droite ou DLF du premier tour ainsi qu’une petite partie, particulièrement dans des milieux favorisés, des suffrages FN du premier tour.</p>
<p>Le Front national est le grand perdant du second tour car, dans les trois régions où il espérait l’emporter, il a été victime d’une mobilisation d’électeurs de gauche et d’abstentionnistes du premier tour derrière les candidats LR qui l’emportent nettement grâce au « Front républicain ».</p>
<p>Dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, Marine Le Pen ne progresse que de 1,6 point entre les deux tours (42,2 % contre 40,6 %) alors que Xavier Bertrand passe de 25 % à 57,8 %. En PACA, Marion Maréchal-Le Pen progresse de + 4,6 points (45,2 % contre 40,6 %) mais Christian Estrosi passe de 26,5 % à 54,8 %. En Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine, Florian Philippot stagne à 36,1 % alors que Philippe Richert progresse de 12,6 points (de 25,8 % à 48,4 %). On observe que dans certaines communes le FN obtient moins de voix au second tour qu’au premier, même là où il pouvait l’emporter en duel, comme à Calais, dans la région où Marine Le Pen était candidate.</p>
<p>Ces résultats montrent que le FN reste une <a href="https://theconversation.com/les-elections-regionales-le-confirment-le-fn-est-encore-loin-des-portes-du-pouvoir-52013">force impuissante</a>, incapable de transformer son influence électorale en pouvoir politique effectif à cause du fort rejet qu’il continue de susciter dans la majorité de l’opinion. Il n’en reste pas moins qu’il progresse considérablement en terme d’élus dans les conseils régionaux devenant, avec 358 sièges, le second parti derrière LR (478) et devant le PS (339).</p>
<p>Les résultats en sièges montrent aussi l’ampleur de la défaite de la gauche. Sur les 1722 sièges en France métropolitaine, la gauche perd plus de la moitié de ses sièges passant de 1112 à 545 (-567), la droite LR-UDI-MoDem-DVD progresse de 471 à 790 (+319), le FN et l’extrême droite de 117 à 358 (+241), et les « divers » de 22 à 29 (+ 7).</p>
<p>En Corse, les nationalistes l’emportent pour la première fois à des élections régionales avec 35,3 % face à la gauche sortante (28,5 %), à la liste LR-DVD (27,1 %) et au FN (9,1 %).</p>
<p>En Outre-mer les résultats ne sont pas bons non plus pour la gauche. En Guadeloupe, le président sortant socialiste et ancien ministre Victorin Lurel perd face à une liste comprenant des divers gauche et l’essentiel de la droite. En Martinique, la liste de gauche (PPM et PS) du président sortant Serge Letchimy est battue au second tour par la coalition des indépendantistes et de la droite. A la Réunion, la liste LR-UDI du président sortant Didier Robert l’emporte au second tour face à la coalition de la gauche et du MoDem. En Guyane, la liste de coalition LR-DVG du président sortant Rodolphe Alexandre l’emporte au second tour face à la liste de gauche.</p>
<h2>Des résultats ambigus pour les forces politiques</h2>
<p>Ces résultats présentent de nombreuses ambiguïtés qui rendent leur interprétation par les forces politiques complexe, et par-là même peuvent accentuer les conflits et/ou favoriser l’immobilisme.</p>
<p>Chez les Républicains, les adversaires de Nicolas Sarkozy, s’appuyant sur les résultats du premier tour, peuvent constater son total échec à faire reculer le FN et à favoriser une quelconque dynamique électorale face à un gouvernement pourtant très impopulaire. Mais ses partisans et ceux d’une ligne dure auront beau jeu de constater les meilleures performances électorales des tenants d’une « droite décomplexée » comme <a href="https://theconversation.com/en-auvergne-rhone-alpes-le-pari-gagnant-de-laurent-wauquiez-52414">Laurent Wauquiez</a> que celles des modérés comme Philippe Richert, Virginie Calmels ou les trois têtes de liste UDI.</p>
<p>De plus, le fait que trois présidents de région LR sur 6 doivent leur élection au soutien du PS au second tour face au FN, et ont publiquement remercié la gauche pour cela, est un ferment certain de division stratégique dans ce parti, en particulier dans ces trois régions. Chez les centristes de l’UDI, les résultats sont très décevants, avec une seule région de gagnée, la Normandie avec Hervé Morin, contre trois espérées. Mais inversement la poussée du FN rend leur alliance encore plus indispensable pour les Républicains.</p>
<p>Au FN, le paradoxe s’accentue entre un éclatant succès de premier tour et un échec massif au second face à son isolement et au succès du Front républicain. Le FN, s’il a échoué à conquérir des régions, a cependant contraint le PS et LR à se coaliser publiquement contre lui, renforçant son image de seule alternative au « système ». Toutefois, si le niveau du FN au premier tour rend de plus en plus crédible l’accession de <a href="https://theconversation.com/les-regionales-test-de-la-strategie-presidentielle-du-fn-46569">Marine Le Pen au second tour de la présidentielle</a>, son échec si net au second tour de l’élection régionale dans une région très favorable rend encore moins crédible la perspective d’une victoire en 2017.</p>
<p>A gauche, le PS, comme aux départementales de mars, est soulagé d’avoir évité un désastre total, mais le prix est quand même lourd avec l’élimination totale dans deux régions historiques (Nord-Pas-de-Calais-Picardie et PACA) et une crise interne dans une troisième (Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine). De plus, les victoires n’ont été acquises pour la plupart qu’en triangulaire, or la présidentielle est un duel au second tour. Le PS reste prisonnier du dilemme de la nécessité de rassembler la gauche dès le premier tour alors que sa politique, en particulier économique, divise profondément celle-ci. Seuls les résultats du Front de gauche et d’EELV échappent à toute ambiguïté : leur défaite est totale. Mais cela soulève une autre question : comment vont-ils justifier des candidatures à de prochaines élections, notamment la présidentielle ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/52511/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Martin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Retour sur le scrutin des régionales: un premier tour marqué par l'arrivée en tête du FN, un second par son échec, la victoire de la droite et la rétractation de la gauche.Pierre Martin, Politologue au CNRS (PACTE), Sciences Po GrenobleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.