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Paralysie cérébrale : les cellules souches, un remède plausible pour réparer le cerveau ?

L’utilisation des cellules souches en thérapie est complexe à mettre en œuvre, mais porteuse d’espoir. Shutterstock

Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (du 5 au 13 octobre 2019 en métropole et du 9 au 17 novembre en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « À demain, raconter la science, imaginer l’avenir ». Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site Fetedelascience.fr.


Médecins et chercheurs explorent depuis plusieurs années les vertus thérapeutiques potentielles des cellules souches, qui ont la capacité de pouvoir se transformer en différentes sortes de cellules présentes dans le corps humain. L’idée initiale était d’utiliser ces cellules très particulières pour remplacer les cellules d’un patient, soient parce qu’elles avaient été détruites, soit parce que leur fonctionnement était imparfait.

Cette approche génère de nombreux espoirs pour soigner différentes maladies pour lesquelles il n’existe pas de thérapie efficace. On pourrait en particulier imaginer utiliser les cellules souches pour traiter un cerveau fonctionnellement défaillant, comme dans le cas de la paralysie cérébrale, première cause de handicap moteur de l’enfant.

Mais si cette idée séduisante est toujours d’actualité, ses modalités de mise en œuvre ont quelque peu évolué. Au fil des études, les chercheurs se sont en effet rendus compte que l’utilisation thérapeutique des cellules souches se heurte à plusieurs difficultés. Explications.

Que sont les cellules souches ?

On distingue diverses catégories de cellules souches, en fonction de leur origine et de leur capacité à donner naissance, en présence des stimuli chimiques adéquats, à une variété plus ou moins grande de types de cellules : neurones, cellules cardiaques, cellules rénales, etc. Par exemple, les cellules souches embryonnaires sont capables de donner naissance à toutes les sortes de cellules qui composent un organisme.

Les cellules souches les plus étudiées actuellement sont les cellules souches mésenchymateuses (MSC étant l’abréviation classique en anglais) qu’on peut retrouver par exemple dans le cordon ombilical, le liquide amniotique, la moelle osseuse ou encore le tissu adipeux. Elles peuvent donner naissance à de nombreuses catégories de cellules, y compris des cellules présentes dans le cerveau.

Comment fonctionnent-elles ?

Un grand nombre de cellules souches sont capables de se transformer en cellules du cerveau. Cependant, les études expérimentales ont clairement montré que la majorité des cellules souches, une fois dans le cerveau, ne vont survivre que durant une très courte période (quelques jours en général). Seule une infime proportion de ces cellules va devenir des neurones qui vont s’intégrer dans des réseaux fonctionnels. Dans ce contexte, le remplacement de neurones cérébraux détruits ou non fonctionnels par administration de cellules souches n’est plus un objectif réaliste.

Cela ne signifie toutefois pas que l’administration de cellules souches soit inutile. En effet, des travaux menés dans chez des animaux modèles pour la paralysie cérébrale ont montré que les cellules souches peuvent apporter un bénéfice certain. Capables de migrer jusqu’au site de la lésion dans le cerveau, grâce à la reconnaissance de molécules libérées par les cellules cérébrales en souffrance, les cellules souches produisent des facteurs qui vont favoriser la survie, la multiplication, la croissance et la plasticité des cellules cérébrales.

Elles sont aussi capables de limiter l’inflammation cérébrale, qui est un facteur délétère pour la plasticité cérébrale, c’est-à-dire la capacité du cerveau à modifier sa structure en fonction des apprentissages et des expériences, par la fabrication de nouvelles connexions entre les neurones. De plus, des études récentes

Quels sont les risques et les limitations des cellules souches ?

Les cellules souches étant capables de se multiplier de façon importante, le principal risque lié à leur utilisation est le développement de tumeurs. Ce risque théorique est fortement limité par la courte durée de survie des cellules souches transplantées. Néanmoins, deux cas de développement de tumeurs chez des patients adultes qui avaient été traités par transplantation de cellules souches (pour des indications sans relation avec la paralysie cérébrale) ont été récemment documentés. L’un de ces cas, en particulier, est survenu plusieurs années après la thérapie.

L’autre problème lié à l’utilisation des cellules souches est lié à leur origine. Dans la plupart des cas, les cellules souches transplantées proviennent d’un donneur. Il existe de ce fait un risque important de rejet immunologique des cellules transplantées, ce qui peut encore réduire davantage leur survie chez le receveur.

Comme pour les greffes d’organes ou de moelle osseuse, une compatibilité optimisée des antigènes du complexe majeur d’histocompatibilité (molécules présentes à la surface des cellules qui, lorsqu’elles sont très différentes entre donneur et receveur, induisent le rejet de cellules ou organes transplantés) entre donneur et receveur est à privilégier pour limiter ce type d’écueil.

Où en sommes-nous aujourd’hui ?

L’utilisation des cellules souches représente un véritable espoir pour le traitement de différentes maladies neurologiques (en aigu ou à distance de l’épisode initial), et en particulier pour soigner la paralysie cérébrale.

À ce jour de nombreuses études expérimentales ont été réalisées et sont en cours. Si elles ont permis de montrer le potentiel très important des cellules souches dans des modèles animaux de paralysie cérébrale, elles ont également révélé la complexité d’identifier les meilleures conditions de mise en place d’une telle thérapie : type de cellules souches à utiliser, moment idéal pour la transplantation, dose à administrer, éventuelle répétition des administrations, meilleure voie d’administration (intranasale, intraveineuse, intracérébrale…)

Plusieurs essais thérapeutiques avec administration de cellules souches sont également menés actuellement. Ils concernent soit des patients à risque de développer une paralysie cérébrale, parce qu’ils sont subis une lésion cérébrale au moment de la naissance par exemple, soit des patients avec paralysie cérébrale avérée.

Il faut toutefois souligner que les protocoles utilisés varient énormément d’un essai à l’autre (type de patient inclus, de cellule souche utilisé, dose(s) administrée(s), la voie d’administration…). C’est un problème, car cette hétérogénéité rend les comparaisons impossibles.

Ces essais thérapeutiques chez l’être humain, menés sans véritable coordination entre les centres et sur la base de données expérimentales parcellaires, ont cependant le mérite de montrer la faisabilité et très probablement l’innocuité de ce type de thérapie.

Ils ont aussi poussé certaines firmes privées à investir dans la production de cellules souches « aux normes », qui pourront obtenir prochainement les agréments nécessaires pour une éventuelle utilisation en clinique.

Mieux organiser coordonner la recherche

Afin d’éviter des échecs à répétition qui pourraient mettre en péril le développement de ce type de thérapie, il semble indispensable d’adopter des approches bien construites. Elles doivent permettre d’identifier rapidement la stratégie optimale pour les patients atteints de paralysie cérébrale. Il est également important d’identifier des sous-groupes de patients avec paralysie cérébrale en fonction de l’origine du déficit, afin d’optimiser pour chaque sous-groupe la thérapie.

Une telle approche nécessite une collaboration internationale entre équipes cliniques et de recherche. La première étape consistera à compléter les données chez l’animal, pour disposer du maximum d’informations afin de guider les études cliniques chez l’être humain. Là aussi, une standardisation des protocoles est indispensable pour pouvoir comparer les différentes approches et déterminer la meilleure stratégie.

Il faut aussi souligner la nécessité d’offrir une solution « encadrée et professionnelle » aux familles, qui sont souvent en grande souffrance. À la recherche d’une thérapie pour leurs enfants, elles sont parfois tentées, de façon bien compréhensible, de s’en remettre à des institutions peu scrupuleuses. Moyennant des tarifs prohibitifs, celles-ci leur proposent des thérapies soi-disant à base de cellules souches sans garantie de savoir-faire, de qualité des cellules administrées, de suivi des patients, ni de partage avec la communauté internationale des résultats obtenus.

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