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La ministre canadienne du Statut de la femme, Maryam Monsef, dans la bibliothèque de la Colline parlementaire, à Ottawa, le 28 février 2018. (THE CANADIAN PRESS/Sean Kilpatrick)

Plus il y a de femmes au gouvernement, plus la population est en santé

L’augmentation du nombre de femmes au pouvoir aide à atteindre l’équité, certes, mais peut-elle aussi promouvoir la santé et le bien-être de la population?

En novembre 2015, le premier ministre Justin Trudeau a formé le premier conseil des ministres qui respecte la parité de l’histoire canadienne. En annonçant son Cabinet, il s’est assuré que la moitié de ses plus proches conseillers (15 sur 30) étaient des femmes.

La parité au sein du Cabinet canadien a fait passer le pays de la 20e à la cinquième place au monde en termes de pourcentage de femmes occupant un poste ministériel.

Quand les reporters ont demandé au premier ministre Trudeau pourquoi la parité était importante pour lui, il a répondu : «Parce qu’on est en 2015.» Sa réponse simple, mais mémorable, a trouvé un écho auprès des gens prônant l’équité, la diversité et l’inclusion.

Comme chercheurs en santé publique, ceci nous a donc amenés à nous demander : si l’augmentation du nombre de femmes en position de pouvoir peut promouvoir l’équité, pourrait-elle aussi promouvoir la santé et le bien-être de la population?

Nos conclusions, publiées récemment dans le journal SSM - Population Health, étayent l’argument selon lequel, oui, les femmes au gouvernement font effectivement avancer la santé de la population.

Plus de femmes au pouvoir, moins de décès

Nous avons d’abord fouillé dans la documentation de recherche pour voir comment les hommes et les femmes en politique peuvent se distinguer les uns des autres. Comparativement à leurs collègues masculins, les politiciennes ont davantage tendance à adopter des positions de gauche (à l’égard de questions telles que les droits de la personne, l’égalité sociale et l’égalitarisme) et à faire avancer considérablement les droits des femmes dans des domaines comme l’égalité salariale, la violence contre les femmes, les soins de santé et la politique familiale.

Deb Haaland est l’une des deux femmes autochtones dont la victoire historique a été saluée au Congrès américain en novembre 2018, alors qu’un nombre record de femmes étaient élues à la Chambre des représentants. (AP Photo/Juan Labreche)

En outre, la recherche a démontré que les femmes au gouvernement ont tendance à travailler d’une manière plus collaborative et bipartisane et qu’elles adoptent un style de leadership plus démocratique comparé au style plus autocratique des hommes. Les femmes sont aussi plus efficaces pour bâtir des coalitions et parvenir à des consensus.

Ensuite, nous avons vérifié s’il y a un rapport historique entre la présence des femmes au gouvernement et la santé de la population dans les 10 provinces canadiennes. Entre 1976 et 2009, le pourcentage de femmes dans les gouvernements provinciaux a été multiplié par six, passant de 4,2 à 25,9 pour cent, tandis que la mortalité toutes causes confondues a baissé de 37,5 pour cent (passant de 8,85 à 5,53 décès par 1000 personnes).

À l’aide des données du bureau des élections des provinces et de Statistiques Canada, nous avons noté qu’alors que le pourcentage moyen des femmes au gouvernement était en hausse historique, les taux de mortalité avaient fléchi.

Les femmes dépensent plus en santé et en éducation

Ce lien ne signifie évidemment pas que la hausse des femmes au gouvernement a causé directement une baisse de la mortalité.

Pour évaluer ceci, nous avons calculé la régression des taux de mortalité en fonction des femmes au gouvernement tout en contrôlant plusieurs facteurs confusionnels potentiels. Nos conclusions étayent l’hypothèse selon laquelle les femmes au gouvernement font effectivement avancer la santé de la population).

La première ministre de Nouvelle-Zélande Jacinda Ardern s’adresse au Parlement à Wellington, N.-Z., en mai 2018 alors qu’elle est enceinte de son premier enfant. Plusieurs espèrent que la femme de 37 ans deviendra un modèle pour avoir su conjuguer maternité et leadership politique. (AP Photo/Nick Perry, File)

Fait intéressant, les femmes au gouvernement au Canada ont eu une incidence supérieure sur le taux de mortalité des hommes que celui des femmes (1,00 c. 0,44 décès par 1000 personnes).

Nous avons aussi remarqué une filière qui relie les femmes au gouvernement, la santé publique et le rôle potentiel de la politique partisane. Dans une étude antérieure, nous avons découvert que quatre types de dépenses gouvernementales provinciales permettent de prédire une baisse des taux de mortalité) : les soins médicaux, les soins préventifs, d’autres services sociaux et l’éducation postsecondaire.

Quand nous avons analysé les dépenses gouvernementales comme facteur médiateur, nous avons découvert que les femmes au gouvernement au Canada avaient réduit les taux de mortalité en engageant ces types spécifiques de dépenses de promotion de santé.

Les femmes travaillent davantage en collaboration

Nous avons aussi trouvé qu’il n’y a pas de relation entre les options politiques des femmes au gouvernement — qu’elles appartiennent à des partis de gauche, de centre ou de droite — et les taux de mortalité.

Les différences idéologiques entre les partis politiques socio-démocrates (p. ex. NPD), centristes (p. ex. libéral), et conservateurs fiscaux (p. ex. conservateur) semblent moins importantes par rapport aux taux de mortalité que l’augmentation du nombre de femmes élues au gouvernement.

La première ministre d’Écosse Nicola Sturgeon, à gauche, marche avec le chef négociateur de l’Union européenne pour le Brexit Michel Barnier, avant une réunion au siège social de l’UE à Bruxelles, le lundi 28 mai 2018. (AP Photo/Emmanuel Dunand, Pool Photo via AP)

Cette conclusion étaye l’idée que les femmes au gouvernement tendent à travailler de façon plus collaborative et bipartisane que leurs collègues masculins.

Nous sommes maintenant en 2019 et d’éminents universitaires en santé publique tendent encore à minimiser les effets potentiels des déterminants politiques comme les politiques de genre sur la santé de la population. Ils choisissent plutôt de se concentrer presque exclusivement sur les déterminants individuels et sociaux de la santé.

Nous estimons que les politiques de genre importent en santé publique parce qu’elles aident à déterminer «qui obtient quoi, quand et comment

Nous croyons que l’élection d’un plus grand nombre de femmes au gouvernement non seulement favorise la parité et renforce les institutions démocratiques, mais apporte aussi une contribution réelle et significative aux dépenses gouvernementales et à la santé de la population.

Étant donné que les femmes au gouvernement peuvent contribuer à des changements désirables en matière de santé publique, tentons de savoir comment nous pouvons réellement faire accéder les femmes à l’égalité des chances en politique.

This article was originally published in English

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