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Politique éducative d’Emmanuel Macron : ce que peut en dire la recherche

Emmanuel Macron dans une classe.

Que nous réserve Emmanuel Macron en matière d’éducation ? Et que peut en dire la recherche en économie ? Cet article propose une mise en perspective, à la lumière des derniers résultats de la recherche, des principaux éléments de politique éducative du futur président de la République.

Emmanuel Macron fait des propositions assez précises, qui vont, globalement, dans le sens des travaux de recherche en économie. Mais il reste encore quelques angles morts dans son programme éducatif qu’il faudra éclaircir.

Cet article suit la structure et l’ordre des propositions telles qu’elles sont exposées sur le site Internet d’En Marche !

Augmenter le nombre et clarifier les critères d’attribution des places en crèche

Il existe un certain consensus académique sur l’importance des effets, à moyen et long terme, des interventions publiques de la petite enfance, que ce soit sur les performances scolaires ou non-cognitives (confiance en soi, violence, etc.) Une étude influente de Heckman et coll. montre que les interventions publiques de la petite enfance sont celles qui, par rapport à celles plus tardives dans le cycle de vie des enfants, présentent le meilleur rapport coût – bénéfice.

La pénurie de places en crèche touche potentiellement plus les familles en difficulté car c’est le mode d’accueil le moins onéreux. Les mères isolées sont les plus fragiles car certaines sont contraintes de limiter leur offre de travail pour garder leur enfant. Cela peut les mettre en situation de précarité et avoir un impact négatif sur le développement de leur enfant.

Emmanuel Macron propose de maintenir l’accélération de la construction de places en crèches, de systématiser et rendre plus transparents les critères d’attribution, mais aussi d’inciter les communes à donner un poids important aux critères sociaux. Étant donnée la situation, cette mesure semble aller dans la direction des résultats de la recherche.

Diviser par deux le nombre d’élèves par classe en CP et CE1 dans les établissements d’éducation prioritaire

La réduction de la taille des classes en primaire une politique éducative qui a été étudiée de façon extensive et sur laquelle on dispose de résultats solides et univoques. Quelle que ce soit la méthode d’analyse adoptée (randomisation ou quasi-expérimentale), ou le contexte (aux États-Unis comme en France), les résultats sont clairs : la réduction de la taille des classes en primaire a des effets positifs importants sur les élèves socialement défavorisés, que ce soit à court ou à long terme.

Cette proposition est la plus précise et audacieuse du programme éducatif d’Emmanuel Macron. Concrètement, il propose d’affecter jusqu’à 10 000 postes des 60 000 postes créés sous François Hollande aux classes de CP et CE1 d’éducation prioritaire. Pour que cela fonctionne, il faut qu’il y ait suffisamment d’enseignants prêts à y aller. Il faut donc notamment rendre plus attractifs ces établissements : c’est ce que semble vouloir faire Emmanuel Macron via sa revalorisation des primes REP +, que je discute plus en détail ci-dessous.

Développer le préapprentissage

L’apprentissage comme outil de lutte contre le chômage des moins de 25 ans fait consensus dans le débat politique depuis une vingtaine d’années. Les résultats de la recherche sur cette question sont plus nuancés. Dans un article paru dans la revue Regards croisés sur l’économie, Philippe Zamora souligne que, dans sa version actuelle, l’apprentissage ne permet pas de lutter contre l’échec des jeunes les plus en difficulté. Comme partout sur le marché du travail, les employeurs vont chercher à recruter les employés les plus performants. De nombreux collégiens souhaitant se lancer dans l’apprentissage peinent à trouver un employeur.

Pour y remédier, il suggère de développer le préapprentissage permettant aux jeunes de suivre une année de formation en alternance dès 15 ans, quel que soit leur niveau scolaire atteint. Toutefois, il remarque qu’il n’existe aucune étude approfondie sur ce dispositif. La mise en place de cette mesure par le futur gouvernement pourra être l’occasion de l’évaluer rigoureusement.

Une meilleure gestion des enseignants

Ne plus affecter en éducation prioritaire des enseignants ayant moins de 3 ans d’expérience et revaloriser la prime des enseignants en REP + à 3 000 euros par an.

Le rôle crucial des enseignants dans la réussite de leurs élèves, que ce soit à court et à long terme, fait consensus au sein de la recherche. De nombreux travaux montrent également que l’expérience est un déterminant majeur de la capacité d’un enseignant à faire progresser ses élèves. Plus précisément, l’effet de l’expérience se concentre sur les toutes premières années d’enseignement.

La proposition d’Emmanuel Macron de ne plus affecter en éducation prioritaire des enseignants ayant moins de 3 ans d’expérience va donc le sens de ce que nous dit la recherche. La difficulté est qu’il faudra alors réussir à attirer des enseignants titulaires plus expérimentés en éducation prioritaire. Sinon, le risque est que le déficit d’enseignants en éducation prioritaire créé par cette mesure soit comblé par la recrutement ad hoc d’enseignants contractuels, moins formés et qualifiés que les enseignants titulaires.

Le second volet de cette politique semble avoir pour objectif de limiter ce risque, en rendant plus attractives les affectations en éducation prioritaire, via une revalorisation de la prime en REP + des enseignants à 3 000 euros par an. Notons tout d’abord que cette prime avait été revalorisée de 50 %, en 2015 par le gouvernement précédent, et portée à 2 312 euros. Emmanuel Macron en propose donc une augmentation de 30 %. Cela va dans la direction de ce que dit la recherche qui suggère que ce type de prime peut être efficace pour attirer et retenir les enseignants dans les zones difficiles.

L’autonomie des établissements

Donner plus d’autonomie aux établissements en échange d’un « diagnostic » opposable tous les trois ans.

Emmanuel Macron souhaite donner plus de liberté aux établissements pour élaborer leur projet pédagogique et s’adapter au contexte local. L’esprit de cette proposition semble s’inspirer du système américain où chaque établissement dispose d’une grande liberté dans les programmes, l’organisation des temps scolaires et le recrutement des enseignants.

Il n’existe malheureusement pas, à ma connaissance, de travaux de recherche comparant, de façon précise, les avantages et inconvénients d’un système plus décentralisé par rapport au système très centralisé français. A priori, une telle décentralisation peut autant réduire les inégalités de réussite scolaire (meilleure adaptation aux besoins des élèves) que les augmenter (création d’une école à « deux vitesses »).

En contrepartie de cette liberté accrue, Emmanuel Macron propose de mettre en place une évaluation des établissements exhaustive (enseignement, progrès des élèves, infrastructure, etc.) et opposable au ministère et aux collectivités tous les trois ans.

Il existe une importante littérature sur la question de l’évaluation des établissements (school accountability). C’est une pratique qui s’est généralisée aux États-Unis ces vingt dernières années, surtout depuis le programme « No Child Left Behind » (2001). Globalement, ce qui en ressort, c’est que cela peut avoir des effets positifs à court et long terme sur les élèves, en particulier dans les établissements qui courent le risque de recevoir une évaluation négative. Par contre, ces évaluations peuvent aussi avoir des effets négatifs sur les élèves les plus en difficulté, et inciter les enseignants à se focaliser exclusivement sur la réussite de leurs élèves à l’examen (teach to the test) au détriment de l’objectif plus global de transmission des savoirs.

Renforcer l’implication des parents par la généralisation « La mallette des parents ».

Le dispositif « La mallette des parents » est une intervention très simple et peu coûteuse, consistant à organiser, dans les établissements défavorisés, trois réunions annuelles entre les parents et les équipes pédagogiques.

Une évaluation rigoureuse de ce dispositif a été réalisée par une équipe de chercheurs de l’École d’économie de Paris, qui en montre les effets positifs sur l’implication des parents, ainsi que sur le comportement des élèves. Notons que la généralisation de dispositif avait été déjà amorcée par le gouvernement précédent au moment de la loi sur la refondation de l’école de 2013.

Un angle mort majeur du programme: la mixité sociale

L’objectif de mixité sociale ne figure pas au programme d’Emmanuel Macron alors qu’il s’agit d’un enjeu majeur en France, où la ségrégation scolaire peut atteindre des niveaux très élevés.

Dans une interview accordée à la Voix du Nord en janvier, le futur président souligne son souci de « ne pas imposer la mixité ». Or il existe des moyens efficaces de réduire la ségrégation tout en respectant la liberté de choix des familles.

Pour le lycée, l’Académie de Paris a mis en place en 2008 un système de choix scolaire régulé (via la procédure Affelnet) au sein de vastes secteurs scolaires, accompagnée d’une politique de discrimination positive en faveur des élèves les plus défavorisés socialement. Cette réforme a permis de considérablement réduire la ségrégation sociale.

Pour le collège, une piste qui mériterait d’être approfondie est de remplacer les secteurs actuels où, à une adresse postale correspond un seul et unique collège public, par des secteurs multi-collèges. Ces secteurs élargis seraient accompagnés d’une procédure de choix régulé, prenant en compte à la fois les vœux des parents et des critères de priorité définis par la puissance publique en concertation avec les différents acteurs.

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