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Pollution de l’air : diesel, essence ou électrique, tous les véhicules émettent des particules fines

Dans les zones fortement urbanisées, le transport contribue pour une large part aux émissions de particules fines. Marco Bertorello/AFP

Cet article est republié dans le cadre de la prochaine Fête de la science (qui aura lieu du 2 au 12 octobre 2020 en métropole et du 6 au 16 novembre en Corse, en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition aura pour thème : « Planète Nature ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site Fetedelascience.fr.


Dans son dernier rapport, publié le 2 mai 2018, l’Organisation mondiale de la santé indique que 9 personnes sur 10 respirent un air pollué et que 7 millions meurent chaque année à cause de l’exposition aux particules fines. Au-delà de la quantité présente dans l’air, la taille de ces particules entre en ligne de compte : plus elles sont petites, plus elles pénètrent dans l’organisme, induisant des effets nocifs.

Même s’il n’est pas le seul contributeur à la pollution de l’air, le secteur des transports y joue un rôle majeur, et tout particulièrement dans les zones fortement urbanisées.

Contrairement aux idées reçues, les véhicules diesel ne sont pas les seuls émetteurs de particules fines à la sortie du pot d’échappement ; les nouveaux véhicules essence à injection directe contribuent également à ces émissions.

En fait, ce sont tous les véhicules, quel que soit leur système de propulsion, qui génèrent de telles particules ; tout simplement parce qu’une bonne part d’entre elles provient de l’abrasion des pneumatiques et des freins. Celles-ci représentent ainsi près de la moitié du total des émissions liées au transport routier dans les zones urbaines.

Diesel et essence

La combustion du carburant produit davantage de particules à l’échappement dans les moteurs diesel que dans les moteurs essence. Les véhicules diesel d’ancienne génération en émettaient ainsi de grandes quantités.

Mais l’introduction, à partir de 2005, de la technologie de filtre à particules, un dispositif généralisé en 2009, a permis de réduire drastiquement ces émissions : les véhicules diesel équipés d’un filtre émettent dorénavant de l’ordre d’un à quelques mg/km de particules alors qu’ils en émettaient précédemment autour de 50 mg/km.

Les émissions de particules à l’échappement du parc diesel ont ainsi diminué de 35 % entre 2004 et 2013, et ce malgré l’augmentation du nombre de véhicules.

L’injection directe, nouvelle émettrice

De leur côté, les véhicules essence étaient traditionnellement très faiblement émetteurs de particules. Mais l’introduction des technologies d’injection directe en essence (IDE) à partir de 2007, destinées à réduire la consommation de carburant, a changé la donne.

Ces véhicules émettent en effet davantage de particules fines, en particulier à froid et lors de fortes accélérations.

Or en 2016, les véhicules essence à injection directe représentaient 43 % des ventes de véhicules essence en Europe, affichant une nette progression. Et ces modèles se généralisent sur les gammes essence, une évolution qui explique en partie le nombre croissant de particules fines présentes dans notre atmosphère.

Jusqu’en 2005, la norme antipollution en vigueur au sein de l’Union européenne – la norme Euro 4 – ne spécifiait qu’une limitation de la masse des particules. À partir de 2009, la norme Euro 5 a introduit, en complément de la limitation en masse, une limitation du nombre de particules émises pour les véhicules diesel (fixée à 6x10¹¹ particules par kilomètre), ce qui permet de prendre en compte les particules fines ou très fines.

En 2015, la norme Euro 6b a étendu cette limitation aux moteurs essence, dont le seuil pour les émissions de particules en nombre devient donc identique à celui des véhicules diesel.

De nouvelles technologies anti-émissions

Les premières générations de moteur IDE n’étant pas contraintes par la norme, les technologies nécessaires à la limitation des particules n’ont généralement pas été intégrées par les constructeurs. Leurs niveaux d’émissions, en fonction des conditions de trajet et du style de conduite, pouvaient largement atteindre 10¹3 particules/km, soit 10 fois plus que ceux des moteurs diesel récents !

Il existe aujourd’hui des technologies permettant de réduire ces émissions, notamment le filtre à particules pour moteur essence ainsi que l’optimisation des systèmes d’injection et de la forme des chambres de combustion. Elles sont déployées de plus en plus largement sur les moteurs IDE de dernières générations pour respecter les normes récentes. Les émissions de particules sont alors à des niveaux largement en dessous des 6x10¹¹ particules/km réglementaires.

L’abrasion des pneus et des freins

L’abrasion des pneumatiques, des freins et de la route génère également des particules fines, et ce quelle que soit la technologie de propulsion du véhicule.

Tous les véhicules sont concernés, y compris le véhicule électrique, même si les émissions liées à l’usure des freins sont réduites par rapport à un véhicule classique grâce à la récupération d’énergie.

Les émissions de particules fines par un véhicule particulier liées aux phénomènes d’abrasion des pneumatiques, des freins et de la route sont de l’ordre de 5 à 30 mg par kilomètre parcouru ; des niveaux supérieurs aux niveaux d’émissions à l’échappement des véhicules récents, essence comme diesel.

L’abrasion des pneumatiques doit être pris en compte dans le calcul des émissions. K.G. Hawes/Flickr, CC BY-NC-SA

En 2015, l’Observatoire de la qualité de l’air en Île-de-France estimait que 41 % des particules fines en suspension émises par le trafic routier francilien provenaient de ces émissions hors échappement. Et, contrairement aux particules à l’échappement diesel, ces émissions de particules liées à l’abrasion n’ont diminué que de 5 % sur la période 2000-2012.

Ces niveaux dépendent de nombreux facteurs : caractéristiques du véhicule (masse, pressions de pneumatiques, etc.), profil de la route (sinuosité, pente, dévers), style de conduite (intensité des freinages et accélération, vitesse en courbe), conditions ambiantes (températures, pluie, neige, etc.) ou encore type de revêtement de la route.

Un conducteur averti sait que la durée de vie de ses pneumatiques et plaquettes de freins dépend fortement de son style de conduite ; et il en va de même pour les particules fines engendrées par l’usure.

Cette problématique est particulièrement présente dans les pays nordiques. Des quantités de particules dues à l’abrasion des freins, des pneumatiques, et de la route, mais aussi aux émissions moteur et encore au salage hivernal, sont stockées dans les couches de glace ou les chaussés humides. Au printemps, les routes sèchent et libèrent ces particules accumulées durant tout l’hiver. Elles sont alors re-suspendues par le passage des véhicules, engendrant des épisodes de pics de pollution aux particules fines importants.

Prendre conscience de ses propres émissions

Lancée en 2016, l’application gratuite pour smartphone Geco air, développée par IFPEN avec le soutien de l’Ademe, aide les conducteurs à réduire leur empreinte polluante en mesurant leurs émissions de polluants (NOx et CO) et de CO2. L’application intègre désormais un modèle d’émissions de particules spécifique aux véhicules essence IDE.

Geco air évalue également les émissions de particules fines liées à l’abrasion des pneumatiques et des plaquettes de frein. Afin de prendre en compte au mieux la sensibilité de ces émissions aux conditions de conduite, un modèle dynamique a été développé, intégrant les spécificités de chaque véhicule (masse, centre de gravité, taille de pneumatique, etc.).

À partir des informations de vitesse, de pente et de cap fournies à chaque seconde par le GPS, ce modèle estime les forces appliquées sur chacune des roues du véhicule, afin de déterminer, seconde après seconde, l’usure des composants et les émissions de particules fines qui en résultent. En fonction du style de conduite (freinages et accélérations brusques, niveau d’anticipation, etc.), les niveaux d’émissions liés à l’usure varieront du simple au double.

Autant de données qui permettent d’établir une vision complète de l’empreinte environnementale des déplacements, en prenant en compte les caractéristiques du véhicule et du style de conduite.

Des chercheurs d’IFPEN travaillent actuellement à la conception d’un objet connecté, Willbee, couplé à Geco air, pour visualiser en temps réel les niveaux d’émissions ; le conducteur peut ainsi se rendre de compte directement de sa contribution à la qualité de l’air. L’ensemble de ces données permet également de fournir aux villes une cartographie en temps réel des émissions sur leur territoire et ainsi de les aider à identifier les zones critiques.

Présentation de Willbee. (Paris&Co/Youtube, 2018).

Un projet pilote va démarrer en juin 2018 dans le quartier d’Euromed à Marseille pour évaluer l’impact de l’infrastructure routière sur les émissions à l’aide des données fournies par les utilisateurs de l’application Geco air.

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