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Pour Hillary Clinton, non, ce n’est pas aussi facile que ça…

La partie est loin d’être gagnée pour Hillary Clinton. John Gurzinski/AFP

Alors que s’ouvre ce lundi la Convention de Philadelphie qui, après celle des Républicains à Cleveland, va permettre de sacrer la candidate démocrate, on se rend compte que peu à été dit ou écrit sur « le camp d’en face », c’est-à-dire celui qui n’est pas celui de Trump, puisqu’on ne parle que de celui-là depuis plus d’un an. On en viendrait presque à se demander si Hillary Clinton n’est pas plus illégitime que le milliardaire new-yorkais dans cette course finale. D’ailleurs, l’éclairage des médias sur la présence de deux précédents présidents dans la campagne, Bill Clinton et Barack Obama – qu’on nous annonce comme nécessaire à ses côtés pour pouvoir l’emporter –, renforce nos interrogations.

Pourtant, la différence d’expérience entre les deux candidats est phénoménale et devrait balayer ces doutes. Voilà donc quelqu’un qui est une femme de convictions et de pouvoir, qui a occupé différents postes, a été confrontée à la difficulté de l’expérience gouvernementale, soit indirectement, soit directement. Qu’elle l’ait été aux côtés de son mari, comme Première dame en Arkansas, ou Première Dame des États-Unis, ou en première ligne avec de très grandes responsabilités politiques, lorsqu’elle était sénatrice de New York ou ministre des Affaires étrangères, Hillary Clinton a appris et s’est préparée au rôle suprême durant toute sa vie.

Rien de tout cela avec Donald Trump, qui certes est à la tête d’un empire financier, mais ignore tout des réalités gouvernementales, de leurs exigences et même de la limite de son pouvoir. Le fait qu’il n’ait jamais été élu ne l’a pourtant pas empêché d’être choisi par le Parti républicain et d’être celui qui va affronter Hillary.

La mauvaise réputation

La spécificité de cette campagne est qu’Hillary va aller à la rencontre de l’Histoire, en devenant la première femme qui sera officiellement candidate à la charge suprême pour un des deux grands partis de gouvernement. Et avec une réelle chance de l’emporter. Mais pourquoi donc n’observe-t-on pas une vague de soutien en sa faveur, comme ce fut le cas lors de l’autre élection historique, celle du premier Président noir, Barack Obama ?

Force est de constater aussi que cette élection est portée par une guerre de communication sans précédent et que, dans une telle confrontation, l’image personnelle des candidats devient primordiale. Or celle d’Hillary est très fortement abîmée et elle peine à échapper à celle d’une mégère peu avenante, qui lui colle à la peau : on l’accuse – depuis toujours semble-t-il –, d’être une femme froide et distante.

C’est à l’époque où elle était la Première dame de l’Arkansas que cette mauvaise réputation de femme revêche a commencé à grandir. Face à un mari chaleureux et charismatique, elle apparaissait coincée, froide et effacée, faisant religion de toujours laisser son mari prendre la lumière. Mais, peut-être parce qu’elle était trop discrète, la presse a eu vite fait de dresser le portrait d’une femme de tête, dure et sévère.

Passage de témoin… Veni/Flickr, CC BY

Elle est donc devenue un excellent objet de moquerie pour les humoristes du pays et autres amuseurs publics, qui l’ont dépeint au fil des années dans des termes peu reluisants, faisant d’elle un personnage particulièrement ambitieux, une femme dénuée de sentiments, trop professionnelle, trop distante. Une blague, notamment, a circulé aux États-Unis après l’élection de son mari comme président, et divertit dans de nombreux dîners. La voilà : Bill et Hillary se retrouvèrent un jour en voiture près de Chicago, où est née Hillary, et s’arrêtèrent pour faire le plein. Le pompiste se trouvait être un des anciens petits amis d’Hillary, ce qui n’était pas pour déplaire à Bill, qui lui dit alors : « Si tu avais épousé ce gars, tu travaillerais aujourd’hui dans cette station-service ». Ce à quoi elle répondit : « Si je l’avais épousé, aujourd’hui il serait président des États-Unis ».

L’air de la dénonciation

Le Parti républicain, et les équipes de Donald Trump ont bien compris qu’il fallait saisir cette aubaine et insister sur la différence d’image flagrante entre les deux candidats : entre le flamboyant Donald et la terne Hillary, les électeurs vont-ils hésiter ?

Toutefois, cette campagne 2016 ne s’arrête pas à des questions d’image : les outrances, les attaques personnelles, voire les insultes sont désormais dans la partition. Donald Trump a fait le choix de s’en prendre à Hillary en jouant l’air de la dénonciation : en l’accusant avec insistance d’avoir triché avec les Américains, de ne pas avoir respecté la loi dans l’affaire des emails et peut-être d’avoir causé indirectement la mort des soldats américains à Benghazi, voire d’avoir créé Daech, il a insufflé son venin.

Il s’est donc naturellement servi de cette ficelle pour tenter d’unir le Parti républicain derrière sa bannière. Même si cela ne marche pas, il sait bien que, dans l’esprit des électeurs, il restera de tout cela une impression diffuse, mais fortement imprégnée de malhonnêteté, ainsi que l’image d’un personnage qui se croit au-dessus des lois. Pour ses propres troupes il y a là un crime insupportable et cela leur suffit comme programme.

La confiance peine à s’installer entre Hillary et le peuple. Les enquêtes d’opinion sont catastrophiques. Presque autant qu’elles le sont pour Donald Trump. Sauf que, dans son cas à lui, elles reposent sur des événements que nous analysons et que nous comprenons : le rejet d’une partie de la population, des insultes inacceptables, des déclarations à l’emporte-pièce. Ses détracteurs seraient presque prêts à lui pardonner tout cela s’il voulait bien faire amende honorable et se calmer un peu ! Le mal est identifié : il est donc réparable.

Tous derrière Hillary

Dans le cas d’Hillary, rien de tout cela : juste une impression, un mauvais goût qui pourrait devenir un handicap majeur en clouant chez eux des électeurs potentiels le jour où elle aura absolument besoin d’eux. C’est pourquoi elle compte sur cette Convention pour renverser tout cela, créer un électrochoc et redonner de l’enthousiasme à une Amérique qui vient d’assister médusée à celle – catastrophique – des Républicains, aux déchirements sans fin et sans retenue, qui secouent le Grand Vieux Parti, comme on l’appelle là-bas.

Le Parti démocrate n’a économisé aucun effort pour gommer toutes les différences : même Bernie Sanders est rentré dans le rang et il ne viendra pas à la tribune pour –comme Ted Cruz–, inciter les électeurs à voter « selon leur conscience ». Tous, au contraire, seront derrière Hillary et le feront avoir : le président en exercice, le vice-président, les anciens présidents, les gouverneurs, sénateurs, représentants, les ténors du parti, les stars du show-biz, de la musique, de cinéma, de la mode, des arts, etc. – tous ceux qui peuvent influencer, peser, décider – parce qu’elle aura besoin de tous.

Malgré ses réticences, Bernie Sanders a décidé de soutenir Hillary Clinton. Bill B/Flckr

Un vice-président qui plaira à droite

Elle compte enfin sur le choix du vice-président pour relancer sa campagne : le message qui a été envoyé aux électeurs est que l’équipe démocrate est sérieuse et au plus près de leurs préoccupations. Timothy Kaine est un besogneux, centriste et qui applique dans son État – la Virginie –, la coopération transpartisane, dès que c’est possible. Avec ce choix, elle compte assurer la course dans cet État, qui est un des États-clés (swing states) qui vont faire l’élection.

Le rôle de Tim Kaine sera double : en premier lieu il s’agira de fidéliser les Hispaniques, alors qu’il est bilingue en espagnol et qu’il a effectué une mission humanitaire au Honduras lorsqu’il était jeune. Par ailleurs son positionnement au centre devrait aider certains électeurs du Parti républicain à sauter le pas et à voter pour ce ticket-là, alors qu’ils doutent du Donald Trump. Ils seront aidés par ses positions pro-life, en faveur de la dérégulation bancaire ou le fait qu’il ne se soit pas opposé à la peine de mort dans de nombreux cas dans son État.

Les sondages donne Hillary légèrement en tête, à 47-48 % en moyenne, contre 42-44 % pour Trump : c’est vraiment trop peu pour être confiante, d’autant qu’il y a une grosse marge d’erreur dans chacun des sondages présentés. On retient également que les exemples de sondages qui se trompent font désormais légion, que ce soit avec le Brexit récemment ou, aux États-Unis et dans cette campagne, les annonces prématurées dans l’Iowa ou le New Hampshire, dont les résultats avaient finalement surpris tout le monde.

Le show joyeux, coloré, bigarré de Philadelphie va donc cacher une fébrilité qui sera néanmoins bien présente et Hillary aura en tête une autre réalité : 12 ans plus tôt, John Kerry était le candidat des démocrates face à George Bush. Il possédait, à la même époque – celle de la Convention –, une avance considérable sur son challenger, équivalente à celle d’Hillary Clinton sur Donald Trump aujourd’hui.

Et ce n’est pas lui qui l’a emporté à la fin.

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