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Pour une éducation à une culture européenne connectée

Les débats à l'European Lab. Marion Bornaz, Author provided
DR.

Cet article est republié dans le cadre de l’initiative « Quelle est votre Europe ? » dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez toutes les informations, débats et les événements de votre région sur le site quelleestvotreeurope.fr


Le forum #european.lab s’est penché tout un week-end sur la thématique d’une réflexion à l’émergence d’une culture européenne, d’une éducation à une culture européenne connectée.

Au moment où certains prophétisent la fin pure et simple de l’Union européenne ou prétextent une absence de vision générale, nous assistons à une montée du populisme et, très certainement, à une forme de lâcheté de quelques dirigeants nationaux.

Face à cette crise profonde du projet européen, le forum European Lab, dont le titre est emblématique, « Europe de la culture : année zéro », a pour ambition, saluons cette initiative, d’éclairer certaines transformations du secteur culturel et créatif, en France et en Europe.

Une Europe de la culture

Ce forum fut un succès incontestable et l’avenir européen pourrait s’éclaircir quand on voit l’énergie déployée par ces nouveaux activistes au combat pour l’émergence d’une Europe de la culture.

Pour accroître la visibilité extérieure du forum et sa liaison nécessaire avec d’autres continents, s’est créé, aussi, complémentairement, le forum European Lab Tanger qui se déroule chaque année en octobre au Maroc, avec une orientation spécifique sur les questions culturelles euro-méditerranéennes.

Citons Vincent Carry, à l’origine du forum European Lab :

Cette génération des « digital natives », celle aussi des « european natives », et d’une certaine façon des « crisis natives », cherche un nouvel horizon. Depuis plus de deux décennies, depuis la chute du mur de Berlin, elle a appris à se construire autrement, à inventer différemment les projets culturels, créatifs et artistiques qu’elle défend. Elle a aujourd’hui la légitimité et les convictions pour apporter des réponses nouvelles aux crises qu’elle a appris à affronter, seule, au quotidien et sur tous les terrains. Au cœur de l’orage, cette génération cherche à construire une « troisième voie » indépendante et engagée, au service de l’intérêt général, du bien commun et du renouvellement démocratique, à distance des schémas dépassés de la culture institutionnelle comme des modèles capitalistiques des grands groupes industriels, qui entrent aujourd’hui en force sur les ruines du champ médiatique et culturel.

Cette « génération gueule de bois », comme la qualifie l’essayiste Raphaël Glucksmann, est aussi une génération déterminée à se battre, à dépasser les matins difficiles et à redessiner un horizon commun.

Elle pourrait, donc, contribuer efficacement à redonner du sens au projet européen, notamment auprès d’une jeunesse qui s’en est éloignée. À travers ses projets, ses nouveaux espaces, ses lieux, ses événements, ses médias, elle pourrait réhabiliter la culture dans sa fonction la plus essentielle : celle d’une arme de reconstruction massive au service d’une société européenne au bord de l’implosion démocratique.

Humanisme numérique

Après Charlie Hebdo et les attentats de janvier 2015, un sursaut civique a pu se dessiner auprès des jeunes générations pour défendre les idéaux dans lesquels elles ont grandi, mais comment se mobiliser pour faire exister cet idéal d’humanisme ?

L’éducation par l’Internet, avec toutes les limites dues aux fractures numériques existantes, pourrait (une des thématiques du forum) apporter des solutions pour une remobilisation aux fondamentaux de nos démocraties européennes.

Mais à l’heure où notre navigation sur les Internets est épiée, surveillée, traquée, où les algorithmes calculent nos moindres traces et peuvent reproduire les inégalités sociales, il sera important d’analyser les transformations politiques et sociales induites par le numérique.

Au-delà de son impact sur la reconquête démocratique, le numérique produirait une nouvelle façon de voir le monde et appellerait, donc, à une nouvelle étape de l’humanisme : un « humanisme numérique ».

Tandis que se développent les usages participatifs, contributifs et collaboratifs, l’absence de frontières entre individus pose, donc, la problématique d’une éducation à une culture humaniste numérique.

D’une manière plus générale et la thématique a été posée à ce forum, la société civile peut-elle venir au secours de la politique et de l’Europe ?

La défiance croissante des citoyens européens pour leurs classes dirigeantes et leurs élus traduit, très certainement, une crise démocratique qui pourrait être grave et durable.

Et pour les digital et european natives que nous sommes, une lecture quotidienne de certains médias qui prophétisent, comme une politique-fiction cauchemardesque, la fin du projet européen pourrait miner le champ des possibles de notre avenir à court terme. Le rêve d’une Europe au destin commun, solidaire, unie, cohérente et ouverte au monde (crise des réfugiés) est-il encore possible ?

Nouvelles formes de résistance

On pourrait, donc, stipuler que la mobilisation de la société civile deviendrait, désormais, essentielle pour notre modèle démocratique et pour le projet européen.

De Podemos au Parti Pirate, en passant par Nuit debout, les initiatives se multiplient partout en Europe avec des succès électoraux divers face à la confrontation du réel et à l’exercice du pouvoir.

Les jeunes de Nuit debout incarnent une nouvelle forme de résistance qui refaçonne l’Europe. Philippe Lopez/AFP

Ainsi, devant ces crises démocratiques, face aux attaques réitérées des idéaux progressistes, de nouvelles formes de résistance ont pu s’organiser et de nouveaux médias apparaissent.

Et, donc, de nouvelles plateformes émergent, portées par une génération de jeunes, activistes, auteurs, penseurs, qui tentent d’analyser, de décrypter et de rendre compte des menaces réactionnaires auxquelles nos démocraties font actuellement face.

Dans un monde où les figures intellectuelles sont médiocrement absentes, aux mieux déconnectées, au pire opposées à nos idéaux démocratiques, ces nouveaux médias, projets de jeunes auteurs, universitaires ou acteurs de la société civile, réinventent de nouvelles formes d’opposition et proposent des pensées alternatives et collectives.

Ces nouveaux médias-résistants seront-ils appelés à devenir les acteurs de la reconquête démocratique de nos sociétés ? Les tenants de nouvelles formes d’éducation aux valeurs humanistes et démocratiques de notre Europe et tous ses partenaires mondiaux ? Nous le pensons.

Dans ce cadre de prospectives, comment imaginer une nouvelle sphère publique et médiatique européenne ? (autre thématique du forum)

Alors que la démocratie est attaquée, se pose, donc, plus que jamais, la question de l’accès à une information de qualité (The Conversation !) à laquelle se grefferait une « éducation-formation » par ces nouveaux médias qui soit de qualité aussi, sans oublier la lutte contre la fracture numérique. Le citoyen doit pouvoir savoir, connaître, apprendre, pour pouvoir débattre et échanger.

Le défi des médias

Ce défi, l’industrie des médias peine à y répondre, car nous devons exiger davantage des médias : plus de transparence, une meilleure protection de la vie privée, plus d’opportunités aussi de prendre part à la vie publique. Le forum a, aussi, pu poser des questions essentielles face à toutes ces problématiques.

Le modèle démocratique européen des médias de service public (MSP) offre-t-il des alternatives satisfaisantes aux grands réseaux sociaux dits centralisés et aux géants de la Silicon Valley (GAFA) ?

Les MSP ne pourraient-ils pas participer à la mise en œuvre de technologies ouvertes, décentralisées et gratuites de type peer-to-peer ?

Pourrait-on imaginer de nouveaux modèles de réseaux sociaux grâce aux médias de service public ?

En intitulant la sixième édition de son forum « Europe de la culture : année zéro », l’équipe de European Lab a pu porter un diagnostic inquiet sur la crise que traverse aujourd’hui notre Europe. Mais plutôt que de ressasser toutes ces angoisses, le forum a combattu et innové en invitant un large public venu du monde entier à repenser la nécessité d’une politique culturelle européenne comme « arme de résistance massive ».

La culture, l’éducation par les médias, contribuent déjà – en devant aussi se développer par des voies parallèles – à consolider l’idée européenne avec ses valeurs démocratiques et cela en dépit des populismes et des replis nationaux.

« Seules la culture et la jeunesse peuvent désormais sauver l’Europe à un moment dramatique où les médias prophétisent sa disparition », estime encore Vincent Carry, directeur d’Arty Farty, association organisatrice du forum European Lab.

Le projet European Lab repose depuis sa fondation sur cette idée directrice : donner la parole à une nouvelle génération d’acteurs européens qui mettent en pratique « les modèles culturels de demain », sur d’autres voies que la route usée des cultures institutionnelles et l’autoroute des « nouveaux panzers capitalistiques » contrôlant des pans entiers du secteur.

La révolution numérique, l’indépendance de la création et les nouveaux médias sont au cœur de ces forums annuels, où l’on veille encore cette année à « l’émergence, à l’innovation culturelle et artistique et à l’évolution des politiques publiques au sein de l’Union européenne ».


Cet article est le premier d’une série sur l’émergence d’une nouvelle culture européenne bâtie par une jeunesse qui s’impose de plus en plus dans le débat public.

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