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Pourquoi la méthanisation a-t-elle mauvaise presse ?

Association de Défense du Pays de Nied, en juin 2014, lors de la mobilisation contre le projet d’usine de biométhanisation de Boulay (Moselle). Page Facebook ADPN

Pour sortir de notre dépendance aux énergies fossiles, responsable en partie du réchauffement climatique, le recours aux énergies renouvelables représente une alternative de plus en plus prisée. Cette énergie dite « verte » constitue une source inépuisable et désormais efficacement exploitable grâce aux nouvelles technologies.

De nombreux projets énergétiques voient ainsi le jour chaque année en France, sous la forme de champs d’éoliennes, de fermes solaires, de centrales géothermiques ou encore d’unités de méthanisation.

S’ils contribuent au développement et à l’attractivité des territoires – en créant des emplois, en assurant des recettes fiscales ou des retombées positives en matière d’image pour les collectivités locales –, ces projets énergétiques font face sur le terrain à de nombreux défis, tout particulièrement au sujet de leur localisation et de leur intégration au sein du territoire.

L’opinion publique se déclare favorable à la transition énergétique, mais il est très fréquent de rencontrer des oppositions de type « Nimby » (Not In My Back Yard ou « Pas dans mon arrière-cour ») : oui à ces installations… mais loin de chez moi !

Une affaire de proximité(s)

Les proximités – qu’elles soient géographiques ou relationnelles, pour faire référence aux travaux d’André Torre – permettent aux parties prenantes d’un projet de les activer pour assurer son bon déroulement et éviter les conflits.

Mais elles peuvent aussi être mobilisées pour contester ces projets (contre des pollutions visuelle ou sonore, une dépréciation immobilière, etc…). C’est le cas d’actions conduites par des associations de riverains/habitants (proximité géographique) et certaines associations de défense environnementale (proximité organisée).

Pour mieux comprendre ce phénomène de nimbyisme dans les projets de transition énergétique, nous avons analysé les discours de différents acteurs, et plus particulièrement ceux concernant des projets de méthanisation ; ces derniers suscitent en effet ponctuellement de vives tensions au sujet de leur localisation.

L’exemple de la méthanisation

Dans le cadre de ce projet d’étude du PSDR, nous avons ainsi analysé les témoignages d’acteurs pour des projets de méthanisation dans le Grand Ouest français (Normandie, Bretagne et Pays de la Loire).

Nous avons recensé un corpus de 455 articles de presse du quotidien Ouest-France pour la période 2002–2016. À l’aide d’un logiciel d’analyse textuelle (Alceste), nous avons identifié que les discours défavorables à la méthanisation se traduisaient avant tout par une méfiance à l’égard des projets innovants. Nous avons ainsi constaté que le manque de communication de la part des porteurs de projet engendrait la méfiance de la population locale.

Ces deux témoignages recueillis illustrent cet aspect :

« L’époque où l’on imposait des projets sans associer la population est révolue. Ce dont on a besoin, c’est d’établir un lien de confiance en informant durablement. »
• Un élu local de la commune de Poiré sur Vie, Vendée, le 09 février 2016

« On a le sentiment de ne pas avoir été entendus et l’on constate un manque de transparence dans les dossiers et les réponses apportées par les représentants de cette société. »
• Un habitant de la commune de Bannalec, Finistère, le 06 février 2013

Nous avons également testé plusieurs hypothèses pour expliquer ce nimbyisme relatif à la méthanisation. Il apparaît clairement que les distances inférieures à 500 mètres entre l’unité et les premières habitations correspondent assez fortement avec les discours défavorables. L’hypothèse de la distance vécue ou perçue des riverains opposés à la méthanisation semble ici se vérifier.

Réconcilier porteurs de projets et habitants

Comment réconcilier les « nimbyistes » avec ces projets de transition énergétique ?

La croissance rapide de l’énergie éolienne et de la méthanisation au cours des dernières années a accru son empreinte dans le paysage, plaçant la question de l’acceptation des communautés locales au premier plan.

La coopération entre acteurs du développement pour ces énergies renouvelables et communautés locales est ici essentielle à la réussite de ces projets.

Et même si concertation des habitants ne signifie pas codécision, l’association des citoyens locaux à l’étape de la conception des projets peut créer de la confiance et éviter le sentiment d’injustice. Conduire l’acceptation nécessite d’expliquer comment le projet va se dérouler et quels impacts il est susceptible de générer.

Dans tous les cas, ignorer les préoccupations des citoyens concernant les impacts sonores, visuels et/ou olfactifs et d’éventuels risques – qu’ils soient sanitaires ou industriels – n’est pas une solution et se trouve bien souvent à l’origine de la montée des tensions.

Les inquiétudes doivent ainsi être levées de manière pédagogique et il n’est plus rare aujourd’hui de voir s’organiser des visites d’unités de méthanisation.

Veiller à l’équité locale

D’une manière générale, les objections peuvent être atténuées par une répartition équitable des avantages que procurent les infrastructures d’énergies renouvelables.

Cette « équité locale » peut prendre de multiples formes : une baisse des impôts locaux liée à l’augmentation des recettes fiscales des municipalités, une baisse du coût d’achat de l’électricité pour les citoyens, des dédommagements aux propriétaires localisés à proximité de l’installation, une propriété partielle ou totale d’un projet par des citoyens ou des groupes communautaires qui partagent alors les bénéfices, un durcissement de la loi pour éviter que ces installations vertes ne soient installées trop près des habitations.

Dans le même temps, ces avantages financiers ne doivent pas être utilisés pour minimiser les risques potentiels (sanitaires et fonciers) posés par les turbines ou les unités de méthanisation. Ces questions doivent être abordées indépendamment des avantages financiers.

On pourra enfin recommander de mettre en place un registre national dans lequel résidents, promoteurs et élus locaux peuvent avoir accès à l’éventail des avantages liés à ces projets de transition énergétique. Un tel dispositif permettrait en outre d’inciter les développeurs à réfléchir de manière plus critique sur ce qu’ils ont à offrir aux communautés locales.

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