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Les RH dans tous leurs états

Réforme des indemnités prud’homales : millésime 2017

Facade du Conseil des Prud'hommes de Paris. ActuaLitté / Flickr, CC BY-SA

Le projet de loi d'habilitation à recourir aux ordonnances, transmis au Conseil d'Etat le 14 juin a été examiné en Conseil des ministres le 28 juin. Il prévoit entre autres la réforme des indemnités prud'homales. Il s'agirait de fixer des planchers et plafonds «obligatoires» pour les indemnités versées en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le conseil des prud'hommes: une institution ancienne

Le terme prud’homme provient de l’ancien français « preudome » ou « prodome » qui signifie « homme preux, vaillant et brave ». Au XI ème siècle, il s'agissait de désigner les hommes de valeur, prudents et de bon conseil. Les prud’hommes appartenaient alors au même métier. Ils sont ensuite supprimés par la révolution (loi le Chapelier, 1791).

C’est par la loi du 18 mars 1806, complétée par celle du 3 juillet 1806 qui donne naissance au premier conseil de prud’hommes à Lyon, pour la soierie qu'ils prennent leur forme actuelle. Il s'agissait ainsi de régler de nombreux conflits entre les fabricants de soie et les ouvriers lyonnais aussi appelés canuts.

Le conseil des prud'hommes est aujourd'hui compétent pour juger les conflits relatifs aux relations de travail entre salariés et employeurs. Les litiges concernés sont ceux nés lors de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail. Les prud'hommes sont compétents en matière de litiges individuels ou collectifs.

L'état actuel de l'indemnisation par les prud'hommes

Lors de la cessation du contrat de travail à l'initiative de l'employeur (licenciement ou rupture conventionnelle), le salarié bénéficie d'indemnités de licenciement prévues par la loi ou la convention collective (sauf faute grave ou lourde).

Ces indemnités ne se confondent cependant pas avec les indemnités prud'homales longtemps régies par une loi de 1974 qui prévoyait une indemnité minimum de 6 mois de salaire pour les salariés injustement licenciés justifiant de plus de 2 ans d'ancienneté et travaillant dans une entreprise de plus de 10 salariés. Ainsi, quand le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, les dommages et intérêts ne pouvaient être inférieurs à six mois de salaire pour un salarié ayant deux ans d'ancienneté dans une entreprise comptant au moins 11 salariés. En-dessous de deux ans d'ancienneté et dans une entreprise de moins de 11 salariés, l'indemnité pour préjudice restait à l'appréciation du Conseil.

On aurait juré que ça durerait toujours mais le gouvernement a alors pensé introduire, via la loi Macron, un plafond pour les indemnités en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'un des motifs les plus fréquents de saisine des prud'hommes par les salariés.

Le 5 août 2015, le conseil constitutionnel a finalement invalidé cette disposition de la loi Macron. Tout un monde qui s'écroule : fixer le montant des indemnités selon le critère de la taille de l'entreprise, semble en effet contraire au principe d'égalité.

La loi travail (LOI n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels), fait évoluer le système. Ainsi, depuis fin 2016, il existe cependant deux nouveaux barèmes d'indemnisation aux prud'hommes. Chacun a son propre contexte, différent.

Le premier barème s'applique pendant la phase de conciliation, lorsque l'employeur et le salarié parviennent à s'accorder sur le montant des indemnités. Le barème de calcul fixé par décret peut alors leur servir de grille de référence pour fixer le montant que versera l'entreprise. (Décret n° 2016-1582 du 23 novembre 2016 modifiant le barème de l'indemnité forfaitaire de conciliation fixé à l'article D. 1235-21 du code du travail)

Le barème n'est que facultatif. Par conséquent, les montants qui y sont indiqués ne constituent pas des plafonds. Des indemnités d'un montant supérieur peuvent donc être librement définies par les parties.

Le second barème s'applique pendant la phase de jugement : le juge prud'homal peut s'y référer lorsqu'il fixe les indemnités à verser à un salarié dont le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse.

Un autre barème indicatif peut servir de référence lorsque l'affaire est en phase de jugement. Il, peut être utilisé pour fixer le montant des indemnités à verser par l'employeur après un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le juge n'est pas contraint de l'appliquer, sauf si l'employeur et le salarié le demandent.

Dans la version initiale du projet de loi travail, il était prévu de le rendre contraignant afin que la grille de calcul s'impose aux juges prud'homaux. Le but affiché était de favoriser l'embauche en réduisant l'incertitude des chefs d'entreprises concernant le montant des indemnités qu'ils auraient à verser s'ils étaient attaqués aux prud'hommes. Face aux protestations syndicales, le barème n'est finalement resté que facultatif.

Ce que prévoit la réforme

Le gouvernement souhaite instaurer un plafonnement des indemnités prud'homales versées par l'employeur en cas de licenciement abusif d'un salarié lorsqu'il est contesté par ce dernier devant les tribunaux. Le plafond deviendrait obligatoire et s'imposerait alors. Cette mesure avait été supprimée de la loi travail. C'est donc un retour d'une proposition que l'on croyait enterrée.

Les Français sont opposés à 56% à un plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif (sondage Elabe réalisé pour Les Echos le 29 mai 2017) bien qu'ils soient favorables à une évolution du code du travail. Le plafonnement des indemnités en cas de licenciement abusif est plébiscité par le patronat, mais rejeté par les syndicats sauf la CFTC.

Le nouveau gouvernement semble prêt à avancer sur le dossier : des dommages et intérêts pourraient ainsi être décidés en cas de licenciement abusif sans cause réelle et sérieuse.

L'idée est de mettre en place une limite minimale et une limite maximale à ces dommages et intérêts qui devraient permettre de « protéger les droits des salariés » et de « donner aux entreprises une visibilité et une assurance qui permettront de lever les freins à l'embauche en CDI ».

Les patrons seraient alors en mesure de provisionner les coûts d'éventuels contentieux. Néanmoins, selon les syndicats, cela permettrait une multiplication des licenciements.

Tout le monde pourrait trouver un intérêt à cette réforme : les salariés auraient des garanties, et les employeurs, l'assurance de ne pas voir exploser les coûts des licenciements.

Cette réforme nous parait difficile car le plafonnement a déjà été écarté à deux reprises du paysage réglementaire : en 2015 lors du projet de loi Macron et en 2016 lors de l'élaboration de la loi El Kohmri. Néanmoins, 2017 sera peut-être le millésime de la réforme de l'indemnisation prud'homale, même si du côté des juges prud'homaux, la réforme ne semble pas faire l'unanimité. Malgré tout, le conseil des ministres du 28 juin 2017 a mis la réforme sur les rails de la négociation dont nous attendons l'issue pour la rentrée. Un dossier de presse du ministère du travail est d'ailleurs paru le même jour et précise que :

« la réforme, qui définira un plancher et un plafond pour les dommages et intérêts, notamment en fonction de l’ancienneté, permettra une plus grande équité entre les salariés (aujourd’hui les dommages et intérêts peuvent aller du simple au triple – voire même au-delà) et redonnera confiance aux employeurs, particulièrement dans les TPE PME. Le plancher et le plafond seront calculés en fonction de la moyenne des dommages et intérêts constatés aujourd’hui. Ils ne s’appliqueront pas en cas de harcèlement ou de discrimination ».

Espérons que la troisième tentative pour légiférer sur le sort des indemnités prud'homales sera la bonne.

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