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Résistance aux antibiotiques, tout le monde est concerné

Marquette LaForest/flickr, CC BY-NC-ND

Bactéries super résistantes. MRSA (Staphylocoques dorés résistants à la méticilline). Fermetures de services hospitaliers en raison de risques d’infections nosocomiales. Dix millions de personnes promises à une mort certaine. Pas de nouveaux antibiotiques… Si vous lisez ces phrases, il y a de bonnes chances pour que vous pensiez au phénomène de résistance aux antibiotiques. Un problème, néanmoins qui semble éloigné des évènements qui ponctuent notre vie.

Un globule blanc ingère une bactérie résistante. NIH/Wikimedia

Et pourtant, il affecte bel et bien notre quotidien. À chaque fois qu’un antibiotique est utilisé, le risque qu’une résistance se développe s’accroît. Par la suite, elle peut affecter toute une famille et d’autres membres du voisinage, créant un espace pour les bactéries résistantes. Cela devient problématique quand une maladie infectieuse survient et que les antibiotiques qui auraient pu la traiter sont devenus inefficaces.

Une étude que nous avons publiée très récemment dans le Journal of Antimicrobial Chemotherapy a examiné les perceptions du public au sujet de la résistance aux antibiotiques. Nous avons travaillé sur les résultats de 54 études impliquant 55 225 personnes qui ont répondu à des questionnaires ou ont été interviewées. Les données indiquent qu’en moyenne, 70 % des interrogés ont entendu parler de la résistance aux antibiotiques mais que la plupart ne la comprend pas : 88 % des sondés pensaient que c’est le corps humain, plutôt que les bactéries, qui devenait résistant aux antibiotiques.

Ce défaut de connaissance n’est cependant pas le principal enseignement de l’étude. Plus de 70 % des personnes savaient que consommer trop d’antibiotiques, ou d’en prendre sans réel besoin causait une résistance aux antibiotiques. Mais le problème est qu’ils ne pensaient pas qu’eux-mêmes en utilisaient trop ou sans en avoir besoin. En réalité, ils se figuraient que les autres étaient le problème – des médecins prescrivant trop ; d’autres personnes les consommant pour rien ; des gouvernements incapables d’agir.

Les comportements individuels ne sont pas forcement perçus comme pouvant être néfastes. Lucas Jackson/Reuters

Ce n’est pas seulement le grand public qui s’aveugle ainsi. Une autre revue de la littérature que nous avons menée l’été dernier portait sur 57 études et 11 793 professionnels de santé. Plus de 90 % des sondés pensaient qu’utiliser trop d’antibiotiques causait des résistances, mais moins de 70 % estimait que cela posait problème dans leur pratique clinique. La moitié précisait qu’ils prenaient en compte l’existence de ces résistances lorsqu’ils étaient amenés à prescrire des antibiotiques. D’autres, enfin, affirmaient qu’ils ne considéraient pas le sujet comme une priorité au moment de soigner un patient. Ils attribueraient la responsabilité du phénomène aux patients, à d’autres pays et aux réglementations en santé publique.

Pourquoi nous pensons être sans reproches

Pourquoi les personnes interrogées pensent elles qu’elles ne sont pour rien dans l’émergence des résistances aux antibiotiques ? Ce n’est pas très clair. Peut-être parce qu’il y a de multiples causes au problème – utilisation des antibiotiques en médecine humaine, pour les animaux, dans l’environnement… Il est dès lors facile de considérer que les contributions individuelles au phénomène de résistance sont comme une goutte d’eau dans l’océan. De plus, les conséquences de cette émergence de super bactéries peuvent sembler lointaines et pas en rapport avec nos vies quotidiennes. Du coup, notre croyance de « cela ne peut pas m’arriver » se maintient.

De même, s’asseoir dans le cabinet du médecin, et s’engager dans une relation personnelle avec lui peut rendre patient et médecin beaucoup plus intéressés à soigner l’infection qui a occasionné la consultation plutôt que de songer au risque des résistances aux antibiotiques pour la société. Ce genre d’attitude relève de ce que l’on appelle la « tragédie des biens communs », où des individus s’approprient la ressource partagée jusqu’à ce qu’elle soit épuisée et que plus personne ne puisse l’utiliser.

Certains médecins, en consultation, ne se préoccupent pas des résistances aux antibiotiques. torange.us, CC BY

Beaucoup de gens pensent également qu’ils ont besoin de médicaments quand ils sont malades et les médecins, de leur côté, sous la pression des patients, peuvent vouloir les satisfaire. Or, les attentes des patients sont souvent erronées, surestimant les bénéfices et sous-estimant les risques d’un traitement. Les chercheurs ont montré que les antibiotiques sont peu ou pas du tout efficaces pour des affections courantes telles que le rhume, la toux ou le mal de gorge.

Que peut-on faire ?

Il n’y a pas de réponse simple. Mais il n’y a pas de doute qu’il faille adopter une approche sociétale. Les gouvernements, les professionnels de santé, les vétérinaires, le public et un certain nombre d’industriels travaillent tous pour trouver des solutions. L’Organisation mondiale de la santé a souligné que la surveillance des résistances antimicrobiennes, la régulation de l’utilisation des antibiotiques pour l’homme et l’animal, la prévention et le contrôle des infections, et des innovations dans la recherche sont tous nécessaires pour faire face au phénomène.

Le défi est devant nous. Un message essentiel que l’on peut tirer de notre récente étude est que, bien que la résistance bactérienne aux antibiotiques semble un souci éloigné, aux yeux du public, elle est en réalité le problème de chacun d’entre nous. Ce sont les individus qui décident de prendre des antibiotiques et ce sont eux qui ont le pouvoir d’en utiliser moins et de mettre un coup d’arrêt au phénomène des résistances.

This article was originally published in English

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