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Résistance microbienne : à l’hôpital, les désinfectants devraient être aussi contrôlés que les antibiotiques

Micrographie électronique à balayage de staphylocoques dorés (fausses couleurs). NIAID/Flickr, CC BY-SA

Une nouvelle étude publiée dans la revue Nature Microbiology révèle que la résistance des bactéries à deux désinfectants largement employés pour contrôler la propagation des infections à l’hôpital est fortement associée à la résistance à plusieurs antibiotiques utilisés pour traiter les infections courantes.

Des bactéries cutanées communes mais pas anodines

Notre analyse portait sur l’étude de la résistance aux désinfectants de la bactérie Staphylococcus epidermidis. Celle-ci vit sur la peau des personnes en bonne santé. En temps normal, elle ne cause aucun dommage. En revanche, elle peut être à l’origine de graves infections sanguines chez les patients en soins intensifs, en particulier chez ceux qui souffrent d’une paralysie du système immunitaire : leur système immunitaire ne peut récupérer, malgré l’utilisation d’antibiotiques pour éliminer les bactéries qui les infectent.

Autre problème : Staphylococcus epidermidis_ peut aussi transférer des gènes à la bactérie Staphylococcus aureus (le staphylocoque doré), un pathogène majeur. Ce transfert de gène peut conférer à Staphylococcus aureus une résistance à la méthicilline (SARM), ce qui peut en faire une « superbactérie » capable de survivre à plusieurs antibiotiques couramment utilisés.

Jusqu’à présent, la recherche sur la résistance aux antibiotiques s’est largement concentrée sur le SARM, Staphylococcus epidermidis ne recevant qu’une attention limitée. Notre étude suggère pourtant que Staphylococcus epidermidis peut également constituer une menace. Dans les environnements à forte concentration de désinfectant, comme le sont les unités de soins intensifs, cette bactérie « inoffensive » peut en effet développer une résistance aux médicaments couramment utilisés pour traiter les infections.

Nous avions initialement examiné la résistance dans une unité de soins intensifs à Aberdeen, en Écosse. Toutefois, lorsque nous avons analysé les génomes de bactéries du monde entier, nous avons constaté la même tendance : chez les Staphylococcus epidermidis nocifs, la résistance à plusieurs antibiotiques était fortement associée à la résistance aux désinfectants. Dans les unités de soins intensifs individuelles, ces microbes sont à l’origine d’environ 10 à 15 infections par mois, les patients touchés développant des septicémies multirésistante aux médicaments.

Dans les unités de soins intensifs, il faut revoir les pratiques de désinfection. napocska/Shutterstock

Revoir les principes de désinfection

En 2013, un vaste essai clinique mené aux États-Unis a comparé l’avantage de désinfecter tous les patients admis dans une unité de soins intensifs avec de la chlorhexidine (un désinfectant pour la peau), plutôt que de simplement désinfecter les patients à risque d’infections graves. Les résultats de cette étude, publiés dans le New England Journal of Medicine, ont montré que la désinfection de tous les patients est meilleure pour réduire les infections hospitalières que la désinfection de patients sélectionnés. Les auteurs de cet article se sont prononcés en faveur de cette approche. Mais cette étude n’avait pas examiné la résistance aux antimicrobiens chez Staphylococcus epidermidis. En fait, aucune étude ne l’avait fait jusqu’ici.

La désinfection à la chlorhexidine de tous les patients d’une unité de soins intensifs est très efficace pour contrôler un large éventail d’infections hospitalières. Néanmoins, il faudrait selon nous accorder beaucoup plus d’attention à l’impact à long terme de cette pratique sur l’émergence et la propagation de la résistance aux antimicrobiens.

Il est important de noter qu’en Angleterre, l’une des plus importantes unités de soins intensifs (celle du St Thomas’ Hospital à Londres) a remplacé la chlorhexidine par un autre désinfectant (l’octénidine), après une épidémie de staphylocoque doré multirésistant aux antibiotiques et à la chlorhexidine qui a duré deux ans. Les responsables craignaient que la chlorhexidine n’augmente encore la résistance aux antimicrobiens.

Les résultats que nous avons obtenus suggèrent qu’il faut changer la façon dont nous envisageons l’utilisation des désinfectants, en particulier dans les hôpitaux. La lutte contre la résistance aux antimicrobiens demeure une priorité mondiale en matière de santé. Si la plupart des gens ont aujourd’hui compris que la mauvaise utilisation des antibiotiques (ou leur emploi excessif) est à l’origine du problème, notre étude suggère que nous devrions également prêter attention aux désinfectants utilisés dans les hôpitaux, et que ceux-ci devraient être réglementés de la même manière que les antibiotiques.

This article was originally published in English

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