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Séismes provoqués par les activités humaines : comment limiter les risques ?

En 2014, lors de l’inauguration à Pungesti (Roumanie) d’une exploitation de gaz de schiste par le géant de l’énergie américain Chevron. Mircea Restea/AFP

Cet article est publié dans le cadre de la deuxième édition du Festival des idées, qui a pour thème « L’amour du risque ». L’événement, organisé par USPC, se tient du 14 au 18 novembre 2017. The Conversation France est partenaire de la journée du 16 novembre intitulée « La journée du risque » qui se déroule à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco).


Alors que la demande mondiale en énergie et en minerais augmente, le nombre de séismes causés par l’homme devrait suivre la même tendance. Il devient donc très important de comprendre le lien entre ces deux phénomènes.

Le 3 septembre 2016, un tremblement de terre d’une magnitude de 5,8 s’est produit au nord-ouest de Pawnee (Oklahoma), causant des dommages modérés à sévères aux bâtiments proches de l’épicentre. Il s’agissait du plus fort cataclysme du genre jamais enregistré dans l’État.

Cette catastrophe s’inscrit dans la lignée des séismes spectaculaires, de plus en plus nombreux, dans le centre des États-Unis, entamée en 2009 en raison de l’intensification de l’évacuation souterraine des eaux usées par les exploitants pétroliers et gaziers. Conjugués à d’autres événements préoccupants dans la région, ces cataclysmes suscitent l’inquiétude du public. En réaction, les organismes gouvernementaux ont fait fermer les puits d’injection et développé de nouvelles règles relatives aux injections d’eaux usées.

Un puits d’injection d’eaux usées à Coyle (Oklahoma). La multiplication d’injections dans le sol peut déstabiliser les failles préexistantes et déclencher des tremblements de terre. J. Berry Harrison III/News 9 Oklahoma, Author provided

Si les séismes causés par l’homme sont observés depuis plus d’un siècle, leur accroissement préoccupe le monde scientifique, social et politique. Ces événements sont notamment provoqués par les activités industrielles, comme l’extraction minière, la construction de barrages, l’injection de liquides (tels que des eaux usées ou du dioxyde de carbone) et les extractions liées à l’exploitation pétrolière et gazière.

La demande toujours plus importante en énergie et en minerais devrait entraîner une hausse des tremblements de terre imputables à l’être humain dans un avenir proche. Certains des fléaux les plus dévastateurs de ces dernières années sont d’ailleurs dus à l’activité humaine. C’est notamment le cas du séisme d’une magnitude de 7,9 à Wenchuan, en Chine, en 2008 et de celui, d’une magnitude de 7,8, qui s’est produit au Népal en 2015.

Dans la plupart des cas, ces activités n’entraînent pas de séismes ; c’est lorsqu’elles sont menées à proximité d’une faille active qu’elles posent problème. Dans ces situations, même les plus petites tensions souterraines créées par les activités humaines peuvent perturber la stabilité de la faille, causant ces catastrophes.

Mauvaises injections de liquide

Ces contraintes, dues par exemple à l’injection de liquides, peuvent circuler sur de grandes distances sous la croûte terrestre et déclencher des tremblements de terre plusieurs jours, mois, ou même plusieurs années après.

Site de forage dans la ville de Bâle, en Suisse. Keystone/Georgios Kefalas/Giorgos Michas, Author provided

Le graphique ci-dessus indique que, lorsque la pression des fluides au sommet du puits Bâle 1 (ligne violette) augmentait pendant l’injection, le taux de sismicité induite était également en hausse (barres bleues). Dans le graphique du bas, on a représenté la distance moyenne au carré entre le puits et les séismes causés par les humains, ce qui illustre la complexité de la propagation avec le temps de la sismicité depuis le puits. Les séismes les plus importants (d’une magnitude supérieure à 3, représentés par une étoile) se sont produits une fois l’injection terminée.

Ces problèmes, combinés à un manque de connaissances sur les conditions souterraines en matière de contraintes et de failles, expliquent pourquoi ces phénomènes sont compliqués à prévoir et à gérer.

En Europe, où la densité de population est plus élevée qu’aux États-Unis, l’inquiétude du public quant aux tremblements de terre liés à l’activité humaine est plus importante. Reprenons notre exemple bien connu de Bâle, en Suisse : en 2006, quelque 11 500 m3 d’eau ont été injectés à haute pression dans un puits de 5 km de profondeur en vue d’extraire de l’énergie géothermique. Pendant cette phase, plus de 10 000 séismes se sont produits. Et certains étaient suffisamment forts pour que les habitants les ressentent. En réaction à ces phénomènes, la population a exprimé son inquiétude et sa colère, provoquant l’arrêt du projet et plus de 9 millions de dollars de demandes d’indemnisation.

L’œuvre de la nature

Dans le sud de l’Europe, plus fréquemment touché par les séismes naturels, la tolérance générale envers les séismes provoqués par les activités industrielles est encore plus limitée. La série de cataclysmes meurtriers de 2012 en Italie a fait l’objet d’amples débats publics et politiques, en raison de la proximité des épicentres avec un champ pétrolifère.

Le gouvernement italien a créé un comité international chargé d’enquêter ; si aucun lien n’a pu être établi entre ces phénomènes et l’extraction de pétrole, une corrélation n’est pas pour autant exclue. D’autres études ont conclu qu’il s’agissait d’un événement naturel.

Autre exemple récent : le projet Castor, un gisement pétrolier sous-marin situé dans le golfe de Valence, en Espagne. Le gouvernement espagnol a mis fin à ce projet de 2 milliards de dollars en 2014 pour calmer l’inquiétude des habitants, suite à un boom de sismicité dans la région, survenu lieu juste après les premières injections de gaz.

Carte des séismes en Europe. Giorgios Michas, Author provided

Cette carte des séismes en Europe montre les zones les plus à risque de subir un tremblement de terre, mesurées par l’accélération maximale du sol (_peak ground acceleration ou PGA) qui peut se produire lors d’un séisme. Il y a 10 % de chances que cette PGA soit atteinte ou dépassée dans les cinquante prochaines années. En vert, les zones où les risques sont faibles, avec une PGA inférieur à 0,1 g ; en jaune-orange, les zones où les risques sont modérés, entre 0,1 et 0,25 g ; enfin, en rouge, les zones à forts risques, avec une PGA supérieur à 0,25 g._

Les problèmes à venir

Les exemples que nous avons cités illustrent quelques-uns des problèmes auxquels nous serons confrontés dans les années à venir. Il est difficile, voire impossible, de distinguer un séisme naturel d’un séisme induit, en particulier dans les régions où l’activité sismique est forte. Dans d’autres cas, les risques associés aux activités industrielles sont largement sous-estimés. Ces questions génèrent de nouveaux défis en termes de réduction des risques et de croissance économique, notamment dans les régions les plus touchées naturellement, comme le sud de l’Europe.

L’image ci-dessous illustre les opérations de forage et d’extraction qui peuvent être réalisées à proximité des – ou dans les – régions actives d’un point de vue sismique, ce qui augmente le risque d’activer des failles ou de précipiter la survenue de tremblements de terre qui, en temps normal, se produiraient plus tard.

Carte des tremblements de terre modérés à forts en Grèce ces cinquante dernières années, et des régions où la prospection et l’exploitation pétrolières ont déjà été autorisées ou le seront prochainement. Giorgos Michas, Author provided

Si l’on veut réduire la fréquence de ces catastrophes de façon significative, il est important d’établir des règles. Elles doivent inclure une modélisation et une évaluation des risques, à la fois avant et pendant les activités industrielles susceptibles de perturber les champs de contrainte régionaux. Des règles semblables ont été adoptées récemment en Amérique du Nord, notamment en Californie, au Texas, dans l’Oklahoma et l’Ohio, mais aussi au Canada. En Europe, l’UE n’a pas encore statué sur la question, mais des propositions ont été formulées dans les pays ayant subi des séismes induits, comme aux Pays-Bas, en Suisse, au Royaume-Uni, en Allemagne, en France et en Italie.

Par ailleurs, il serait pertinent de mettre en place des campagnes de communication informant le grand public des avantages économiques et des risques associés à ces pratiques industrielles. Ces mesures permettraient de réduire efficacement les risques en questions et de garantir la viabilité des projets.


Créé en 2007, Axa Research Fund soutient plus de 500 projets à travers le monde portés par des chercheurs de 51 nationalités. Pour en savoir plus sur le travail de Georgios Michas, rendez-vous sur le site du Axa Research Fund. Cet article a été traduit de l’anglais par Maëlle Gouret pour Fast for Word.

This article was originally published in English

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