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En sortant de l’école

Trop parfait pour rester sur Terre ?

Thomas Pesquet (debout à droite) et les astronautes américains, japonais et russes préparant l'embarquement du Soyooz MS-01 le 7 juillet, à la base de Baikonur au Kazakhstan. Nasa HQ/flickr, CC BY-SA

Alors que l’astronaute, Thomas Pesquet, membre de l’expédition en route pour la station spatiale internationale, a décollé à bord d’un Soyouz, le traitement médiatique dont il est l’objet révèle une mesquinerie bien française, masquée sous des dehors pseudo humoristiques. Il ne fait pas bon être « bon élève » en France.

Pilote de ligne, ingénieur, Thomas Pesquet a suivi un entraînement de près de sept ans pour parvenir à maîtriser les connaissances et posséder les capacités nécessaires à la survie dans la station spatiale. Il parle six langues, est capable de mener à bien des expériences scientifiques extrêmement complexes et de procéder à des réparations techniques de haute précision. Sa résistance physique à toute épreuve est digne d’un athlète de haut niveau.

De quoi remporter l’admiration ? Pas en France, apparemment. Le quotidien gratuit 20 minutes trouve ainsi très drôle de s’exclamer hier matin dès l’introduction de l’article qui lui est consacré : « bon débarras, car même en orbite à 400 km de la Terre, le 10e astronaute français de l’histoire va nous énerver ».

Et de glisser, au fil de l’énumération des qualités de l’astronaute, quelques piques acérées sur son parcours de « bon élève », qui est sorti d’une classe préparatoire et dont – horreur ultime ! – les parents sont respectivement professeur de mathématiques et professeur des écoles.

Le pauvre Thomas Pesquet a en effet le malheur de cocher toutes les cases qui vous attirent railleries et quolibets : « fils de prof’ », bon élève, passé par la prépa, recruté d’abord comme pilote de ligne puis comme astronaute au fil d’un processus de sélection particulièrement difficile, à l’issue d’une préparation qui en a fait quelqu’un de complet, à la fois scientifique et sportif de haut niveau… Il n’en fallait pas plus pour qu’une méchanceté envieuse s’exprime sous couvert de plaisanterie.

Tout le monde ne peut pas être pilote de ligne ou astronaute, est-ce une raison pour que ceux qui excellent dans leurs domaines déchaînent les sarcasmes ? « Toujours les mêmes qui ont du bol. » s’exclame la journaliste, comme si l’aboutissement de ce parcours n’était pas dû à une somme colossale d’efforts continus dont tout le monde, il faut bien l’avouer, n’est pas capable.

On aimerait une admiration partagée pour tous ceux qui, aujourd’hui, mettent, comme lui, leurs capacités et leur travail au service de la France. Écrivons davantage d’articles leur rendant hommage à tous, illustres et inconnus, au lieu de plaisanter méchamment sur les « bons élèves ».

Le documentaire diffusé par Arte le 15 novembre dernier rend heureusement justice à ce parcours d’exception sans oublier les hommes et les femmes qui, par leur travail d’équipe et leur exigence quotidienne envers eux-mêmes, ont rendu cette aventure possible et ont accompagné les astronautes.

Instructeurs, diététiciens, scientifiques, professeurs de langues… Tous ont suivi et entraîné l’équipe pour l’amener au maximum de ses capacités. Grâce leur soit rendue : suscitant l’admiration par leur courage et leur dévouement, ils permettent ainsi au téléspectateur de s’extraire, pour plus de 20 minutes, des passions mauvaises qui sont une fatalité pour la France.

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