tag:theconversation.com,2011:/uk/topics/apple-20332/articlesApple – The Conversation2024-01-23T16:38:03Ztag:theconversation.com,2011:article/2218052024-01-23T16:38:03Z2024-01-23T16:38:03ZIl y a 40 ans, le premier Macintosh d’Apple : l’expérience utilisateur comme innovation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/570938/original/file-20240123-19-88x9j0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2047%2C1363&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le 1er Macintosh a été présenté le 24 janvier 1984.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/mwichary/2179402603/in/photolist-4jA1sX-5xyQnU-cW6GSY-xJSq61-UDonFr-VCgaHQ-vrRi8L-atodWa-2ntaUh6-Pogq7-parskb-Giixaa-e7jHSE-7cXf3L-Tjc7M-e6aQnQ-GtJ5K-2pqy4Xb-6z5XRo-63FWHY-2nWo5Fe-5ZkeiW-QfcWhm-63FVyj-2kGbdUZ-5UFnvW-6r1K1T-5HXpik-HpdyXR-atB8CB-4nnkNJ-8tqgkd-mGXCwS-dh33RF-UqEC5L-FtFUYY-jsyiTL-Em3Ezy-9cLyER-63BE9k-pcpDx-8RbXWg-FZ2W6Q-GoTb62-Gp9jDV-XpGWiY-FtBnp2-FYQWZq-KKiCe-8g5iGp">Marcin Wichary/FlickR</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>L’innovation technologique exige de résoudre des problèmes techniques difficiles… mais pas que ! Le Macintosh d’<a href="https://theconversation.com/topics/apple-20332">Apple</a> fête ses 40 ans, et son concept mou d’« expérience utilisateur », priorité de la marque dans son produit phare de 1984, est, aujourd’hui, clairement devenu la clef du succès de tous les produits que la firme a fabriqués depuis. Penser les objets pour leur facilité d’utilisation, leur efficacité, leur accessibilité, leur élégance et le plaisir de les utiliser a été un choix payant. La capitalisation boursière d’Apple avoisine aujourd’hui les 3 000 milliards de dollars (l’équivalent du PIB de la France), et sa marque est associée au terme <em>design</em> au même titre que les plus prestigieuses maisons de couture de New York ou de Milan. Apple a fait de la <a href="https://theconversation.com/topics/technologies-21576">technologie</a> une mode, et ce grâce à l’expérience utilisateur.</p>
<p>Tout a commencé avec le Macintosh. La <a href="https://invention.si.edu/remembering-apple-s-1984-super-bowl-ad">publicité télévisée</a> qui présentait cet ordinateur personnel lors du Super Bowl XVIII, le 22 janvier 1984, ressemblait davantage à une bande-annonce de film surfant sur un imaginaire orwellien (on est en 1984) qu’à un lancement de technologie. Le spot avait d’ailleurs été réalisé par le cinéaste Ridley Scott. Le fondateur <a href="https://theconversation.com/topics/steve-jobs-21679">Steve Jobs</a> savait bien qu’il ne vendait pas seulement de la puissance de calcul, du stockage ou une solution d’édition informatique. Il vendait plutôt un produit destiné à être utilisé par des êtres humains, installé à leur domicile et qui intègrerait leur vie.</p>
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<figcaption><span class="caption">Spot publicitaire présentant le Macintosh lors du Superbowl le 22 janvier 1984.</span></figcaption>
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<p>Il ne s’agissait plus d’informatique. IBM, Commodore et Tandy faisaient de l’informatique. En tant que spécialiste de l’interaction personne-machine, je pense que le premier Macintosh a permis aux humains de se sentir à l’aise avec une nouvelle extension d’eux-mêmes, non pas en tant qu’amateurs d’informatique, mais en tant que personnes ordinaires. Tous les « trucs informatiques » – circuits, fils, cartes mères et écrans séparés – étaient soigneusement emballés et cachés dans une boîte intégrée élégante. Vous n’étiez pas censé fouiller dans cette boîte, et vous n’aviez pas besoin de le faire, pas avec le Macintosh. L’utilisateur lambda ne pensait pas plus au contenu de cette boîte qu’il ne pensait aux coutures de ses vêtements. Au lieu de cela, il se concentrait sur les <a href="https://doi.org/10.1016/j.intcom.2010.04.002">sensations</a> que lui procurait cette boîte.</p>
<h2>Quelle innovation ?</h2>
<p>Alors que les ordinateurs disposaient généralement de séquences d’entrée complexes sous forme de commandes à saisir (Unix, MS-DOS) ou de souris à boutons multiples (Xerox STAR, Commodore 64), le Macintosh utilise une métaphore de bureau dans laquelle l’écran de l’ordinateur est une représentation de la surface physique d’un bureau. Les utilisateurs pouvaient cliquer directement sur les fichiers et les dossiers du bureau pour les ouvrir. Il disposait également d’une souris à un seul bouton qui permettait aux utilisateurs de cliquer, de double-cliquer et de glisser-déposer des icônes sans avoir à taper de commandes.</p>
<p>Néanmoins, si le Macintosh était innovant dans le paysage des ordinateurs, ce n’était pas pour une avancée informatique particulière. Il n’a en fait pas été le premier ordinateur à disposer d’une interface utilisateur graphique ou à utiliser la <a href="https://everest-pipkin.com/writing/beautiful_house.pdf">métaphore du « bureau »</a> : icônes, fichiers, dossiers, fenêtres… C’est le <a href="https://spectrum.ieee.org/xerox-alto">Xerox Alto</a> qui avait présenté pour la première fois le concept d’icônes, inventé par David Canfield Smith en 1975 dans sa <a href="https://doi.org/10.1007/978-3-0348-5744-4">thèse doctorale</a>. Le <a href="http://dl.acm.org/citation.cfm?id=66893.66894">Xerox Star</a> de 1981 et l’<a href="https://doi.org/10.1145/242388.242405">Apple Lisa</a> de 1983 ont utilisé des métaphores de bureau. Mais ces systèmes étaient lents à utiliser et encore encombrants dans de nombreux aspects de leur conception de l’interaction.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/570933/original/file-20240123-27-jwdv0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/570933/original/file-20240123-27-jwdv0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/570933/original/file-20240123-27-jwdv0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/570933/original/file-20240123-27-jwdv0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/570933/original/file-20240123-27-jwdv0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/570933/original/file-20240123-27-jwdv0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/570933/original/file-20240123-27-jwdv0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/570933/original/file-20240123-27-jwdv0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le Xerox Alto, premier ordinateur à avoir utilisé le concept d'icônes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/mratzloff/9171564932/in/photolist-LbLGD-h39teX-Gqyh5F-KkUfr-2pkj63Q-9ZndQ6-h38guZ-eYsEHS-4v4yGN-2uGLv5-Ck3ny-D5Vun-PK6fT4-58g9Zo-eYsE5m-925Uhm-gTKRYv-QpCquu-7jJCmF-7BXecR-aUWiR6-2ibJT7m-4BAbWQ-89hT9a-4U3UyS-6jBw9-pQpmYm-4eZpiM-udyCG-6u47Um-quap7k-FEdsU9-47nc3N-c1u6Xb-2nsKkWk-2DUu4N-47nc3S-m3Fvy-7YbKWz-4cQRsC-2nt16Vd-9eWvxn-72p9X5-23ocSxm-eYsEr7-kDMCzy-2nKnweC-5mDtZb-766CEE-p5HSNr">Matthew Ratzloff/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Le Macintosh n’était pas le premier ordinateur personnel destiné à une utilisation domestique, bureautique ou éducative. Il n’a pas été le premier ordinateur à utiliser une souris. Ce n’était même pas le premier ordinateur d’Apple à avoir l’une de ces caractéristiques. L’Apple Lisa, sorti un an plus tôt, les possédait tous.</p>
<p>Le Macintosh n’a pas été le premier à faire une chose technique en particulier. Mais le Macintosh a rassemblé de nombreuses avancées qui visaient à donner aux gens un accessoire. Il n’était pas destiné aux geeks ou aux techno-hobbyistes, mais aux mères et pères de famille, aux élèves de quatrième qui l’utilisaient pour rédiger des documents, éditer des feuilles de calcul, faire des dessins et jouer à des jeux. Le Macintosh a révolutionné l’industrie de l’informatique personnelle et tout ce qui allait suivre, car il mettait l’accent sur une expérience utilisateur satisfaisante et simplifiée.</p>
<p>Le Macintosh a simplifié les techniques d’interaction nécessaires à l’utilisation d’un ordinateur tout en proposant des vitesses de fonctionnement raisonnables. Les commandes complexes du clavier et les touches dédiées ont été remplacées par des opérations de pointer-cliquer, des menus déroulants, des fenêtres et des icônes pouvant être déplacées, ainsi que des fonctions d’annulation, de coupe, de copie et de collage à l’échelle du système. Contrairement au Lisa, le Macintosh ne pouvait exécuter qu’un seul programme à la fois, mais cela simplifiait l’expérience de l’utilisateur.</p>
<p>Le Macintosh a également fourni une boîte à outils d’interface utilisateur à destination des développeurs d’applications. Cela a permis aux programmes d’avoir une apparence et une sensation standard en utilisant des widgets d’interface communs, boutons, menus, polices, boîtes de dialogue, fenêtres… Avec le Macintosh, la courbe d’apprentissage des utilisateurs s’est aplatie, ce qui leur a permis de devenir rapidement compétents. L’informatique, comme les vêtements, était désormais à la portée de tous.</p>
<h2>À l’origine d’une obsession</h2>
<p>Bien que j’hésite à utiliser les termes « naturel » ou « intuitif » lorsqu’il s’agit de mondes fabriqués sur un écran – personne ne naît en sachant ce qu’est une fenêtre de bureau, un menu déroulant ou un double-clic – le Macintosh a été le premier ordinateur personnel à faire de l’expérience de l’utilisateur le moteur de l’accomplissement technique. Il était en effet <a href="https://www.computerhistory.org/revolution/personal-computers/17/303">simple à utiliser</a>, surtout par rapport aux ordinateurs à ligne de commande de l’époque.</p>
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<figcaption><span class="caption">Steve Jobs présente le Macintosh.</span></figcaption>
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<p>Alors que les systèmes précédents privilégiaient les capacités techniques, le Macintosh était destiné aux utilisateurs non spécialisés – au travail, à l’école ou à la maison – pour qu’ils fassent l’expérience d’une sorte de convivialité prête à l’emploi qui est aujourd’hui la marque de fabrique non seulement de la plupart des produits Apple, mais aussi de toute une industrie d’électronique grand public, d’appareils intelligents et d’ordinateurs de toutes sortes.</p>
<p>Selon le cabinet d’études <em>Market Growth Reports</em>, les entreprises spécialisées dans la fourniture d’outils et de services d’expérience utilisateur valaient <a href="https://www.marketgrowthreports.com/global-user-experience-ux-market-26446759">548,91 millions de dollars en 2023</a> et devraient atteindre 1,36 milliard de dollars d’ici 2029. Les entreprises spécialisées du secteur fournissent des logiciels permettant de mener des tests de convivialité, connaître les utilisateurs, ou de développer les initiatives émanant du client.</p>
<p>Aujourd’hui, il est rare que les produits de consommation réussissent sur le marché sur la base de leur seule fonctionnalité. Les consommateurs attendent une bonne expérience utilisateur et sont prêts à <a href="https://doi.org/10.1111/j.1948-7169.2006.tb00027.x">payer le prix fort</a> pour cela. Le Macintosh est à l’origine de cette <a href="https://biztechmagazine.com/article/2019/01/original-apple-macintosh-revolutionized-personal-computing">obsession</a> et a démontré sa centralité.</p>
<p>Il est ironique de constater que la technologie Macintosh qui fête ses 40 ans en janvier 2024 n’a jamais vraiment été une question de technologie. Il a toujours été question de personnes. C’est une source d’inspiration pour ceux qui cherchent à réaliser la prochaine percée technologique, et un avertissement pour ceux qui considèrent que l’expérience de l’utilisateur n’est qu’une préoccupation secondaire dans l’innovation technologique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221805/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Deux de ses doctorants ont reçu une bourse Apple Ph.D. AI/ML. Ce financement ne soutient pas l'auteur personnellement, mais soutient deux de ses étudiants en doctorat. Ils ont obtenu ces bourses par le biais de soumissions concurrentielles à Apple sur la base d'un appel d'offres ouvert.</span></em></p>Le Macintosh présenté par Steve Jobs le 24 janvier 1984 ne présentait pas d’innovations technologiques particulières : l’expérience utilisateur était pour la première fois érigée en priorité numéro 1.Jacob O. Wobbrock, Professor of Information, University of WashingtonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2155802023-11-03T13:35:46Z2023-11-03T13:35:46ZDevriez-vous charger votre téléphone pendant la nuit ? La « surcharge » peut-elle le faire exploser ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/553556/original/file-20231005-25-od3clj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=29%2C44%2C2466%2C1710&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Charger son téléphone pendant la nuit est non seulement inutile, mais accélère également le vieillissement de la batterie.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Dans le monde des batteries au lithium-ion, les téléphones intelligents occupent le devant de la scène. Mais elles suscitent aussi un débat permanent : une charge prolongée (ou de nuit) est-elle néfaste pour votre batterie ?</p>
<p>Plusieurs facteurs déterminent la durée de vie d’une batterie de téléphone, notamment ses âges physique et chimique. Ce dernier fait référence à la dégradation progressive de la batterie en raison de variables telles que les fluctuations de température, les schémas de charge et de décharge ainsi que l’utilisation générale.</p>
<p>Avec le temps, le vieillissement chimique des <a href="https://ieeexplore.ieee.org/stamp/stamp.jsp?arnumber=8720247">batteries au lithium-ion</a> réduit leur capacité de charge, leur durée de vie et leurs performances.</p>
<p><a href="https://support.apple.com/fr-ca/HT208387">Selon</a> Apple :</p>
<blockquote>
<p>Une batterie [iPhone] ordinaire est conçue pour conserver jusqu’à 80 % de sa capacité d’origine au bout de 500 cycles de charge complets dans des conditions d’utilisation normales.</p>
</blockquote>
<p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959652620354342">Des recherches ont montré</a> qu’une batterie d’un modèle de téléphone intelligent de 2019 pouvait, en moyenne, subir 850 cycles complets de charge/décharge avant de tomber à moins de 80 % de sa capacité. Cela signifie qu’il ne lui reste que <a href="https://ieeexplore.ieee.org/abstract/document/7299844">80 %</a> de sa capacité initiale après environ deux à trois ans d’utilisation. À ce stade, elle commence à se décharger beaucoup plus rapidement. </p>
<h2>Devriez-vous charger votre téléphone pendant la nuit ?</h2>
<p>La plupart des téléphones intelligents de nouvelle génération <a href="https://au.anker.com/blogs/chargers/how-long-does-it-take-for-a-phone-to-charge-from-0-100">mettent</a> entre 30 minutes <a href="https://www.androidauthority.com/samsung-galaxy-s23-charging-speed-3287167/">et deux heures</a> pour se recharger complètement.</p>
<p>Les temps de charge varient en fonction de la capacité de la batterie de votre appareil (les plus grandes capacités nécessitant plus de temps) et de <a href="https://batteryuniversity.com/article/bu-409-charging-lithium-ion">la puissance</a> de votre chargeur. </p>
<p>Charger son téléphone pendant la nuit est <a href="https://ieeexplore.ieee.org/abstract/document/7299844">non seulement inutile</a>, mais accélère également le vieillissement de la batterie. Les cycles de charge complète (de <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s42341-021-00357-6">0 à 100 %)</a> doivent être évités pour optimiser la durée de vie de votre batterie.</p>
<p><a href="https://www.samsung.com/ae/support/mobile-devices/battery-protection-feature-in-samsung-s23-series/">Samsung</a> déclare que :</p>
<blockquote>
<p>Charger la batterie à 100 % trop fréquemment peut avoir un effet négatif sur sa durée de vie globale.</p>
</blockquote>
<p>De même, le fait de maintenir les <a href="https://support.apple.com/fr-ca/HT208710">iPhone</a> en pleine charge pendant de longues périodes peut compromettre la santé de leur batterie.</p>
<p>Plutôt que de procéder à une charge complète, il est recommandé de charger la batterie jusqu’à <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s42341-021-00357-6">80 %</a> et de ne pas la laisser descendre en dessous de <a href="https://www.samsung.com/uk/support/mobile-devices/how-can-i-optimise-and-extend-the-battery-life-on-my-samsung-galaxy-smartphone/">20 %</a>. </p>
<h2>Votre téléphone peut-il être trop chargé ?</h2>
<p>En théorie, il est possible de surcharger les batteries au lithium-ion. Cela peut entraîner des <a href="https://esa.act.gov.au/be-emergency-ready/lithium-ion-batteries">risques de sécurité</a> tels que la surchauffe ou un incendie. La bonne nouvelle, c’est que la plupart des téléphones modernes sont dotés d’une protection intégrée qui empêche automatiquement la batterie de se recharger à plus de 100 %, évitant ainsi tout dommage dû à la surcharge. </p>
<p>Toutefois, chaque fois qu’une batterie tombe à 99 % (en raison d’applications en cours d’exécution en arrière-plan), elle effectue une <a href="https://whatthetech.tv/what-is-battery-trickle-and-why-is-it-making-your-phone-die/">« charge lente »</a>, c’est-à-dire qu’elle recommence à se charger pour maintenir un état de charge complète.</p>
<p>La charge lente peut user une batterie au fil du temps. C’est pourquoi de nombreux fabricants ont mis en place des fonctions permettant de réguler ce phénomène. Les <a href="https://support.apple.com/fr-ca/HT210512">iPhone</a> d’Apple disposent d’un mécanisme qui peut retarder la charge au-delà de 80 %. Les téléphones Galaxy de <a href="https://www.samsung.com/ae/support/mobile-devices/battery-protection-feature-in-samsung-s23-series/">Samsung</a> offrent la possibilité de plafonner la charge à 85 %.</p>
<h2>Votre téléphone peut-il exploser lors de la charge ?</h2>
<p>Il est très peu probable que votre téléphone intelligent explose en raison de la charge, d’autant plus que la plupart des appareils sont désormais dotés de protections automatiques contre la surcharge.</p>
<p>Pourtant, au fil des ans, nous avons eu vent de <a href="https://www.firstpost.com/india/shocking-school-girl-dies-after-mobile-phone-explodes-in-her-hand-12503252.html">plusieurs</a> <a href="https://www.nbcnews.com/tech/tech-news/samsung-finally-explains-galaxy-note-7-exploding-battery-mess-n710581">cas</a> d’explosion inopinée de téléphones. Cela est généralement <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1742-6596/1952/3/032037/pdf">dû</a> à des défauts de fabrication, à un matériel de mauvaise qualité ou à des dommages physiques.</p>
<p>La surchauffe des batteries de téléphone au lithium-ion <a href="https://www.fire.nsw.gov.au/page.php?id=9389">se produit lorsque</a> la chaleur générée pendant la charge ne parvient pas à se dissiper. Cela peut provoquer des brûlures ou, dans des cas extrêmes, un incendie.</p>
<p>En outre, ces batteries fonctionnent efficacement dans une plage de <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s42341-021-00357-6">température</a> comprise entre 0 °C et 40 °C. Elles peuvent se dilater à des <a href="https://www.mdpi.com/2227-9717/10/6/1192">températures ambiantes plus élevées</a>, ce qui risque de provoquer un incendie.</p>
<p>L’utilisation d’un <a href="https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1742-6596/1952/3/032037/pdf">chargeur ou d’un câble inadéquat, défectueux ou de mauvaise qualité</a> peut également entraîner une surchauffe, des risques d’incendie et des dommages au téléphone lui-même.</p>
<h2>Conseils pour améliorer la durée de vie de votre batterie</h2>
<p>Bien que votre téléphone soit probablement doté de mécanismes de sécurité intégrés pour protéger sa batterie, une approche prudente lui permettra de prolonger sa durée de vie. Voici quelques astuces pour préserver la batterie de votre téléphone :</p>
<ol>
<li><p>Installez les dernières mises à jour logicielles pour que votre téléphone bénéficie des améliorations apportées par le fabricant à l’efficacité de la batterie</p></li>
<li><p>Utilisez des chargeurs d’origine ou certifiés, car la puissance délivrée (ampères, volts et watts) par les chargeurs non homologués peut varier et ne pas répondre aux normes de sécurité requises</p></li>
<li><p>Évitez d’exposer votre téléphone à des températures élevées ; <a href="https://www.apple.com/ca/fr/batteries/maximizing-performance/">Apple</a> et <a href="https://www.samsung.com/us/support/answer/ANS00076952/">Samsung</a> affirment que leurs appareils fonctionnent mieux à des températures ambiantes comprises entre 0 °C et 35 °C</p></li>
<li><p>Limitez votre charge à 80 % de la capacité totale et ne la laissez pas descendre en dessous de 20 %</p></li>
<li><p>Ne laissez pas votre téléphone en charge pendant une période prolongée, par exemple pendant la nuit, et déconnectez-le de la source d’alimentation si la batterie atteint 100 %</p></li>
<li><p>Gardez votre téléphone dans un endroit <a href="https://support.apple.com/fr-ca/guide/iphone/iph301fc905/ios">bien ventilé</a> lorsqu’il est en charge et évitez de le placer, tout comme le chargeur, sous une couverture, un oreiller ou votre corps lorsqu’il est connecté à une source d’énergie</p></li>
<li><p>Surveillez la santé et l’utilisation de votre batterie afin d’identifier des tendances inhabituelles, telles qu’un temps de charge excessif ou une décharge rapide</p></li>
<li><p>Si vous remarquez que votre téléphone chauffe excessivement ou que son dos est bombé ou gonflé, faites appel à un centre de service autorisé pour une vérification et une réparation</p></li>
</ol>
<p>Si vous souhaitez obtenir des informations précises sur votre téléphone et votre batterie, le mieux est de suivre les instructions du fabricant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215580/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ritesh Chugh ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Voici huit conseils pour optimiser la durée de vie de votre batterie de téléphone.Ritesh Chugh, Associate Professor - Information and Communications Technology, CQUniversity AustraliaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2096212023-07-12T15:38:03Z2023-07-12T15:38:03ZLa réalité virtuelle va-t-elle se démocratiser maintenant qu’Apple est de la partie ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/537022/original/file-20230712-29-ph4sqr.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C3%2C1196%2C894&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En juin 2023, Apple lançait son casque de réalité virtuelle au prix de 3500 dollars.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:AR-_Apple_Vision_Pro_%282023%29.png">Wikimedia commons/Steve Zhang</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En 2015, le magazine <em>Time</em> avait annoncé que la technologie de la réalité virtuelle (RV) allait <a href="https://time.com/3987022/why-virtual-reality-is-about-to-change-the-world/">« changer le monde »</a>. En effet, depuis que Facebook a payé 3 milliards de dollars pour racheter le fabricant de casques Oculus VR en 2014, il a été largement proclamé que la RV était la <a href="https://fortune.com/longform/virtual-reality-struggle-hope-vr/">« prochaine grande innovation »</a> dans le divertissement grand public. Le dirigeant Mark Zuckerberg cherche notamment à assurer l’avenir de son groupe, devenu Meta fin 2021, avec cette technologie qui permet notamment d’accéder au <a href="https://theconversation.com/fr/topics/metavers-111662">« métavers »</a>, ces mondes virtuels annoncés comme étant le futur d’Internet.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1453794227154927617"}"></div></p>
<p>Malgré ces promesses ambitieuses et la disponibilité accrue des casques, la réalité virtuelle reste néanmoins loin d’être une technologie grand public. Alors que le chiffre d’affaires des ventes de jeux a dépassé 185 milliards de dollars en 2022 et devrait continuer à <a href="https://www.statista.com/outlook/dmo/digital-media/video-games/worldwide?currency=USD">croître de 8 % par an jusqu’en 2027</a>, les ventes de casques de RV ont de surcroît <a href="https://www.ecranmobile.fr/Les-ventes-de-casques-de-realite-virtuelle-chutent-de-12_a73027.html">reculé de 12 % en 2022</a>.</p>
<p>Faut-il, dès lors, ajouter cette technologie à la liste des investissements ratés, à l’image de <a href="https://medium.com/nyc-design/the-assumptions-that-led-to-failures-of-google-glass-8b40a07cfa1e">l’échec des Google Glass</a> il y a plus de 10 ans ? Pour l’instant, le métavers se résume à des appels Zoom maladroits, à quelques jeux amusants utilisant la réalité virtuelle et à des avatars numériques. En fait, le jeu vidéo en ligne <em>Fortnite</em> est peut-être ce qui s’en rapproche le plus, même si l’on prédit que les possibilités d’utilisation du métavers iront bien au-delà du jeu. Cela ne veut pas dire que ces technologies n’ont pas un potentiel énorme, mais au-delà de tout le battage médiatique, elles n’ont pas encore d’impact significatif sur nos vies. Comment cela se fait-il ?</p>
<h2>Fatigue oculaire et maux de tête</h2>
<p>L’immersion dans un monde virtuel reste donc largement réservée à certains adeptes précoces. Notre <a href="https://www.storyfutures.com/resources/audience-insight-report">étude</a> (qui a utilisé les casques Quest 2 de Meta, leader du marché) met en évidence une série de « frictions » qui empêchent l’utilisateur de terminer ou de poursuivre son utilisation du casque.</p>
<p>Ces frictions, plus ou moins importantes, comprennent :</p>
<ul>
<li><p>les facteurs contextuels : par exemple, manque de temps car la réalité virtuelle est en concurrence avec d’autres engagements et d’autres formes de divertissement médiatique ;</p></li>
<li><p>les problèmes logistiques : par exemple, espace de jeu insuffisant et problèmes de sécurité connexes ;</p></li>
<li><p>les facteurs physiques, tels que l’inconfort, le mal des transports, la fatigue oculaire et les maux de tête ;</p></li>
<li><p>la frustration sociale : la réalité virtuelle est perçue comme un facteur d’isolement et on la croit peu apte à favoriser les interactions avec d’autres personnes à distance ;</p></li>
<li><p>le manque d’un contenu varié et suffisant.</p></li>
</ul>
<p>Nous avons constaté que la réalité virtuelle exigeait un niveau élevé d’implication de la part de l’utilisateur : entrer dans l’expérience de la réalité virtuelle n’est pas sans effort. Plutôt que de regarder ou de se faire raconter une histoire, l’utilisateur se trouve à l’intérieur de l’histoire, il y participe et en fait l’expérience d’une manière plus intime. En trompant les sens des utilisateurs pour leur donner l’impression d’être présents dans le monde virtuel, la RV prélève un tribut cognitif.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/AfRMUMFK4Nc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Webinar Audience Insight Report : the users of immersive technologies (2021, en anglais).</span></figcaption>
</figure>
<p>La transition vers et hors de la réalité virtuelle est donc cruciale, ce qui souligne l’importance du soin accordé à l’expérience de l’entrée et de la sortie pour aider les utilisateurs à réussir la transition et atténuer bon nombre de ces frictions. Notre étude a montré qu’à l’heure actuelle, le casque n’était pas jugé suffisamment attrayant pour être utilisé régulièrement et qu’il était plutôt relégué aux occasions spéciales.</p>
<p>Si l’introduction du Quest Pro en 2022 a permis d’améliorer les performances, les graphismes et l’ergonomie, les critiques ont rapidement remarqué qu’il était en fait plus lourd que le Quest 2 ou encore qu’il avait une <a href="https://www.theverge.com/23451629/meta-quest-pro-vr-headset-horizon-review">durée de vie de batterie plus courte</a>.</p>
<h2>Des casques à 3 500 dollars</h2>
<p>En juin 2023, <a href="https://www.forbes.com/sites/richardnieva/2023/06/05/apple-unveils-vision-pro/?sh=39deef7811de">Apple est entré dans l’arène</a> avec un nouveau casque – bien qu’au prix ahurissant de 3 500 dollars –. La marque à la pomme va-t-elle ouvrir ainsi les portes du métavers ? En effet, l’iPhone reste le plus grand succès de l’histoire des produits de consommation, l’AppStore est l’un des modèles économiques les plus rentables et les AirPods sont probablement le dispositif portable le plus populaire avec <a href="https://www.cnbc.com/2022/01/03/apple-airpods-business-grew-like-gangbusters-over-the-holidays.html">90 millions d’exemplaires vendus au cours du trimestre des fêtes en 2021</a> (les utilisateurs les portent même lorsqu’ils ne les utilisent pas), offrant ainsi un portail vers au moins un métavers audio.</p>
<p>Apple réussira-t-il là où Meta a échoué jusqu’à présent ? Bien qu’il soit trop tôt pour le dire, il est clair qu’en donnant la priorité à l’expérience de l’utilisateur, Apple pourrait surmonter les nombreuses frictions liées à l’entrée et à la sortie du virtuel. Les <a href="https://www.inverse.com/tech/apple-vision-pro-hands-on-first-impressions">premiers retours d’expérience</a> suggèrent que le suivi précis des yeux et le contrôle des gestes de la main fonctionnent de façon harmonieuse. Il est évident qu’Apple devra investir dans le contenu et baisser le prix, mais ce casque pourrait bien être celui que l’utilisateur voudra utiliser.</p>
<p>En outre, le géant californien évite dans sa communication toute mention au métavers pour contourner <a href="https://www.coindesk.com/business/2023/02/01/facebook-parent-metas-metaverse-division-lost-137b-in-2022/">l’échec perçu</a> de son principal concurrent dans ce domaine : les investisseurs ont en effet demandé à Meta de réduire ses dépenses dans le métavers, car cela avait réduit ses bénéfices. En résumé, la magie de la conception conviviale d’Apple présente un potentiel important à long terme. Cependant, il reste aux développeurs à trouver quel pourraient être les cas d’utilisations idéaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209621/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chloe Preece ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le manque de contenus ou encore l’inconfort ressenti avec les casques freinent l’essor de la réalité virtuelle. Apple entre aujourd’hui sur le marché avec l’ambition de lever ces obstacles.Chloe Preece, Associate Professor in Marketing, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1971662023-01-11T17:39:07Z2023-01-11T17:39:07ZMétaux rares : comment impliquer les consommateurs face aux enjeux actuels ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/502948/original/file-20230103-3468-1356bj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=55%2C0%2C1126%2C697&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'exploitation des métaux indispensables notamment à la fabrication de nos produits électroniques produit un impact important sur l'environnement, l'atmosphère, les sols et les eaux.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/l-exploitation-minière-à-ciel-ouvert-1327116/">NoName_13/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les métaux rares ont pris une place importante dans les sociétés occidentales et sont présents dans une <a href="https://theconversation.com/au-pays-des-puces-electroniques-linnovation-et-les-ressources-coutent-tres-cher-191977">majorité de produits</a> utilisés quotidiennement : ordinateurs portables, smartphones, ampoules à LED, panneaux photovoltaïques, batteries pour véhicules électriques, etc. L’Union européenne (UE), consciente de sa dépendance envers les principaux pays producteurs de ces métaux notamment révélée par la crise du Covid-19 et la guerre en Ukraine, a fait le choix de relocaliser l’extraction de certains métaux sur son territoire, avec l’ouverture de nouvelles mines.</p>
<p>En 2022, par exemple, la société Imerys projette de créer une <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/energie/mines-de-lithium-en-france-des-projets-mais-encore-beaucoup-d-interrogations_5546643.html">mine française</a> de lithium. En effet, la Russie reste l’un des principaux exportateurs de <a href="http://theconversation.com/war-in-ukraine-could-cut-global-supply-of-essential-elements-for-making-green-technology-179138">palladium et de platine</a>, tandis que l’Ukraine produit, quant à elle, une grande partie du <a href="https://theconversation.com/relocaliser-lextraction-des-ressources-minerales-en-europe-les-defis-du-lithium-138581">lithium</a> exporté en France.</p>
<p>Face à cette situation, les entreprises tentent également de s’adapter, et notamment le secteur automobile qui connaît une crise s’agissant de l’approvisionnement en semi-conducteurs. Certains constructeurs soulignent l’importance d’en relocaliser la production en Europe. Renault entend désormais entretenir une relation très étroite avec le fournisseur de puces français STMicroelectronics afin de sécuriser l’approvisionnement, essentiel dans la <a href="https://www.autojournal.fr/info-metier-de-lauto/crise-semi-conducteurs-reponse-constructeurs-279083.html">production automobile</a>.</p>
<p>Ces ruptures ne sont pas seulement un enjeu industriel, mais aussi un enjeu stratégique pour les États. C’est pourquoi la France a choisi d’injecter une enveloppe de 700 millions d’euros pour renforcer son tissu industriel et <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/face-au-chaos-de-l-approvisionnement-bercy-lance-un-pret-de-700-millions-d-euros-pour-l-industrie-898379.html">technologique</a>. La France poursuit l’objectif de retrouver sa <a href="https://www.lefigaro.fr/vox/societe/souverainete-technologique-la-france-a-de-nouveau-un-role-singulier-a-jouer-dans-le-monde-20210409">souveraineté</a> technologique, en lançant notamment le projet « Nano 2022 », pour préserver le contrôle des technologies nécessaires aux secteurs de l’industrie et de la défense. </p>
<p>[<em>Nearly 80,000 readers look to The Conversation France’s newsletter for expert insights into the world’s most pressing issues</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Sign up now</a>]</p>
<p>De plus, la France entend investir massivement dans ce secteur, en propre et aux côtés de l’UE, en mettant en place un plan d’investissement « France 2030 », à hauteur de <a href="https://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/livre-blanc/france-2030-industrie-futur-106762">30 milliards d’euros</a> pour permettre à la France de réaliser sa transition énergétique et numérique, tout en restant compétitive sur le plan industriel.</p>
<h2>Problématiques éthiques</h2>
<p>Tel est le cas du lithium par exemple, qui pourrait être exploité sur le territoire national. Cette relocalisation permettrait ainsi de limiter les impacts environnementaux, et de rendre la chaîne d’approvisionnement de ces métaux plus transparente. En effet, l’exploitation de ces métaux, et principalement des terres rares en Chine, a un impact important sur <a href="http://theconversation.com/en-chine-lexploitation-des-terres-rares-saccompagne-dune-pollution-massive-183676">l’environnement</a>, l’atmosphère, les sols et les eaux. Ces impacts, ainsi que les problématiques <a href="https://hir.harvard.edu/not-so-green-technology-the-complicated-legacy-of-rare-earth-mining/">d’éthique</a> liées aux conditions de travail, sont en partie imputables aux réglementations des pays producteurs. À cet égard, la relocalisation des productions minières en Europe permettrait dans une certaine mesure de limiter l’impact de ces activités.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Circuit imprimé" src="https://images.theconversation.com/files/502950/original/file-20230103-14-melcc4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/502950/original/file-20230103-14-melcc4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/502950/original/file-20230103-14-melcc4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/502950/original/file-20230103-14-melcc4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/502950/original/file-20230103-14-melcc4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/502950/original/file-20230103-14-melcc4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/502950/original/file-20230103-14-melcc4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les métaux rares sont présents dans une majorité de produits utilisés quotidiennement comme les ordinateurs portables.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/partie-informatique-circuit-imprimé-7136373/">Joachim Schnürle/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les consommateurs, eux aussi, s’interrogent et s’engagent davantage sur les questions de <a href="https://www.bcg.com/publications/2020/sustainability-matters-now-more-than-ever-for-consumer-companies">développement durable</a>. Or, nos <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/16258312.2021.1984168">recherches</a> montrent que, dans le contexte actuel, les entreprises peuvent impliquer ces acteurs finaux afin de répondre aux enjeux environnementaux et éthiques. Cette <a href="https://www.researchgate.net/publication/229613900_Consumer_integration_in_sustainable_product_development">intégration</a> est donc devenue un axe stratégique pour les entreprises afin de répondre à plusieurs critères : que ce soit pour réduire les risques d’approvisionnement, augmenter la performance, améliorer la durabilité ou encore la disponibilité des ressources grâce au recyclage.</p>
<p>Par exemple, le 17 novembre 2021, le géant américain du numérique Apple a annoncé le <a href="https://www.apple.com/newsroom/2021/11/apple-announces-self-service-repair/">« Self Service Repair »</a>. Il s’agit d’un service permettant aux utilisateurs d’effectuer eux-mêmes certaines réparations, comme le changement de la batterie, de l’appareil photo ou de l’écran. L’utilisateur reçoit un manuel et des outils pour l’aider à effectuer ces réparations en toute sécurité. L’objectif de cette réparation par l’utilisateur est de répondre aux enjeux de durabilité en lien avec l’exploitation des métaux rares grâce à une longévité accrue des produits technologiques.</p>
<h2>Incitation au recyclage</h2>
<p>Cette méthode d’intégration, <a href="https://www.theses.fr/s207797">parmi d’autres</a>, fait référence aux « <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/1540-5885.1840247">user toolkits</a> », et permet de transférer les tâches normalement effectuées par l’entreprise à l’utilisateur, rendant ainsi le processus moins cher et plus rapide tout en maintenant une qualité élevée. Cet exemple met en évidence que le consommateur peut jouer un rôle accru pour répondre aux enjeux environnementaux et éthiques liés aux objets comprenant des métaux rares. Les entreprises peuvent donc tirer avantage des consommateurs afin de proposer des produits plus durables.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/502945/original/file-20230103-70262-u895vi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un homme répare un circuit imprimé" src="https://images.theconversation.com/files/502945/original/file-20230103-70262-u895vi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/502945/original/file-20230103-70262-u895vi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/502945/original/file-20230103-70262-u895vi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/502945/original/file-20230103-70262-u895vi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/502945/original/file-20230103-70262-u895vi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/502945/original/file-20230103-70262-u895vi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/502945/original/file-20230103-70262-u895vi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Faciliter la réparation des appareils, une piste pour impliquer davantage le consommateur dans la limitation de la consommation de métaux rares.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/mains-technologie-sans-visage-ordinateur-4705634/">Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les États souhaitent également impliquer ces consommateurs. En France, en avril 2022, dans le cadre de l’élection présidentielle, le président de la République Emmanuel Macron a ainsi émis la possibilité de mettre en place un dispositif de <a href="https://www.usine-digitale.fr/article/emmanuel-macron-promet-une-prime-au-retour-pour-recycler-ses-vieux-smartphones.N1995352">collecte des objets</a> usagés (téléphones, tablettes, ordinateurs entre autres) moyennant une somme d’argent, permettant ainsi de favoriser la filière du recyclage.</p>
<p>Cette reconnaissance des enjeux liés aux métaux rares par les entreprises et les États, liée aux conjonctures actuelles (pandémie, guerre en Ukraine…), constitue une première étape vers une prise de conscience globale incluant ainsi les consommateurs en leur donnant un rôle actif. L’intégration des consommateurs permet ainsi de résoudre le problème de longévité grâce à la réparation et au recyclage, limitant les besoins en approvisionnement et de ce fait permettant la réduction de dépendance face aux métaux rares.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197166/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>En plus des politiques visant à limiter la dépendance aux pays miniers, les entreprises encouragent des pratiques durables comme la réparation et les États envisagent d’inciter davantage au recyclage.Justine Marty, Assistant professor, Kedge Business SchoolSalomée Ruel, Professeure associée en Supply Chain Management et Management des Systèmes d'Information, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1966202022-12-21T18:19:42Z2022-12-21T18:19:42ZCadeaux de Noël : la fabrication de nos appareils numériques a une énorme empreinte carbone<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/502191/original/file-20221220-26-ecence.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C992%2C667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Si vous tenez absolument à offrir des produits électroniques à vos proches,
cherchez des informations environnementales et sociales sur les produits que vous souhaitez acheter.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>La période des fêtes arrive à grands pas et vous cherchez à offrir des appareils électroniques à vos proches ? Téléphones intelligents, consoles vidéos, tablettes, liseuses, montres connectées, ordinateurs, batteries externes ; le moins qu’on puisse dire, c’est que les options sont nombreuses.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/en-construction-mieux-vaut-preconiser-le-bois-pour-reduire-lempreinte-carbone-des-batiments-180752">En construction, mieux vaut préconiser le bois pour réduire l’empreinte carbone des bâtiments</a>
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<p>Mais, en tant que consommateurs de ces produits, sommes-nous vraiment conscients de l’énorme coût carbone associé à tout le cycle de vie de notre cadeau, de la fabrication, à l’utilisation et à la fin de vie de ces appareils électroniques ? Dans un <a href="https://doi.org/10.1016/j.spc.2022.09.025">article publié récemment</a>, mes collègues et moi avons montré que l’empreinte carbone associée à l’utilisation des services numériques (regarder des films et de séries en diffusion en continu, écouter de la musique, envoyer des courriels, faire des rencontres en visioconférence) est dominée par la fabrication des appareils électroniques.</p>
<p>En tant que chercheurs travaillant sur les impacts environnementaux des systèmes économiques, nous pensons qu’il est important d’alerter les utilisateurs de services numériques sur les enjeux associés à la production de leurs appareils électroniques. Nous fournissons également quelques trucs et astuces à celles et ceux qui souhaitent offrir un produit électronique comme cadeau.</p>
<h2>Une production effrénée de produits électroniques et de déchets</h2>
<p>Le trafic de données numériques est passé de <a href="https://twiki.cern.ch/twiki/pub/HEPIX/TechwatchNetwork/HtwNetworkDocuments/white-paper-c11-741490.pdf">100 Go par jour en 1992 à 46 000 Go par seconde en 2017, et pourrait atteindre 150 000 Go par seconde avant la fin de 2022</a>. La numérisation de notre société s’est également accompagnée d’une utilisation intensive d’appareils électroniques.</p>
<p>En 2019, les quatre milliards d’utilisateurs de services numériques dans le monde possédaient <a href="https://www.greenit.fr/empreinte-environnementale-du-numerique-mondial/">34 milliards d’appareils numériques</a>. Le nombre d’appareils électroniques connectés à l’internet devrait atteindre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0959652621031577">200 milliards d’unités d’ici 2030</a>.</p>
<p>La production effrénée d’appareils électroniques produite chaque année génère aussi une quantité importante de déchets électroniques à traiter en fin de vie. On estime que le monde a généré <a href="https://ewastemonitor.info/gem-2020/">53 millions de tonnes de déchets électroniques en 2019, dont seulement 17 % ont été recyclés</a>. En moyenne, un Canadien génère <a href="https://globalewaste.org/map/">20 kg de déchets électroniques par an</a>.</p>
<h2>L’empreinte carbone des appareils électroniques</h2>
<p><a href="https://doi.org/10.1016/j.spc.2022.09.025">Dans un article publié récemment</a>, nous avons créé plusieurs profils d’utilisation de services numériques (intensif, modéré et consciencieux) afin de comparer l’empreinte carbone des utilisateurs en fonction d’un certain nombre de paramètres. On parle notamment du nombre d’appareils électroniques achetés, le modèle et le temps que les consommateurs décident de les garder.</p>
<p>Uniquement à cause de la fabrication des appareils électroniques, l’empreinte carbone varie de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2352550922002652">90 kg à 327 kg d’éq. CO₂ par an</a>.</p>
<p>Pour mettre ces chiffres en perspective, il suffit de les relativiser par rapport au budget carbone disponible pour chaque habitant de la terre (<a href="https://www.unep.org/emissions-gap-report-2020">2,1 t éq. CO₂ par an</a>) afin de respecter les accords climatiques. À titre comparatif, les émissions par personne des Québécoises et Québécois représentent en moyenne <a href="https://unfccc.int/documents/194925">près de 10 t éq. CO₂ par an</a>. On estime ainsi que le poids annuel de la fabrication des appareils électroniques dans le budget carbone des utilisateurs varie entre 4 % (utilisateur consciencieux) à 16 % (utilisateur intensif).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/502181/original/file-20221220-6047-ko0oa2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/502181/original/file-20221220-6047-ko0oa2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/502181/original/file-20221220-6047-ko0oa2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/502181/original/file-20221220-6047-ko0oa2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/502181/original/file-20221220-6047-ko0oa2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/502181/original/file-20221220-6047-ko0oa2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/502181/original/file-20221220-6047-ko0oa2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Empreinte carbone de la fabrication des appareils électroniques en fonction des profils des utilisateurs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Luciano Rodrigues Viana), Fourni par l’auteur</span></span>
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<p>Le budget carbone des utilisateurs peut être encore plus compromis lorsqu’on y ajoute la consommation d’électricité des appareils électroniques. Un utilisateur intensif en Alberta consommerait ainsi 25 % de son budget carbone (électricité très carbonée). <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2352550922002652">Ces chiffres s’élèvent à 17 % pour le même profil d’utilisation au Québec (électricité bas carbone)</a>.</p>
<p>N’oublions pas qu’il faut également ajouter à ce budget carbone ce que nous mangeons, les transports que nous utilisons, nos vacances, nos voyages d’affaires, nos vêtements, le chauffage de notre maison, et j’en passe. Bref, vous avez compris que chaque choix de consommation est important dans l’équation de notre budget carbone, budget que nous souhaitons respectueux des objectifs climatiques mondiaux.</p>
<p>À la lumière de ces résultats, acheter moins de produits électroniques et surtout prolonger leur durée de vie sont les deux actions les plus efficaces pour réduire l’empreinte carbone des utilisateurs des services numériques.</p>
<p>Bien que cette solution semble triviale, l’obsolescence technologique rapide et les pressions sociales incitent les utilisateurs à acheter régulièrement de nouveaux appareils électroniques au lieu de les conserver plus longtemps.</p>
<p>Aux États-Unis, par exemple, les téléphones intelligents sont remplacés, en moyenne, <a href="https://www.statista.com/statistics/619788/average-smartphone-life/">après 2,75 ans d’utilisation</a>. À l’échelle mondiale, <a href="https://librairie.ademe.fr/cadic/7327/guide-longue-vie-smartphone.pdf">1,43 milliard de téléphones intelligents</a> ont été vendus en 2021. Ces chiffres renforcent la nécessité d’une utilisation plus raisonnée des produits numériques.</p>
<h2>D’où provient cette empreinte carbone aussi élevée ?</h2>
<p>L’impact carbonique élevé des produits électroniques provient notamment de <a href="https://librairie.ademe.fr/consommer-autrement/1190-modelisation-et-evaluation-du-poids-carbone-de-produits-de-consommation-et-biens-d-equipement.html">la production de cartes et de composants électroniques de puissance et de contrôle, ainsi que de la production d’écrans pour les produits concernés</a>.</p>
<p>L’extraction et la transformation de minéraux indispensables à la fabrication des produits électroniques (or, argent, cuivre, cobalt, lithium, terres rares et autres) nécessitent une grande quantité d’énergie.</p>
<p>En outre, la production de composants et l’assemblage de produits finis sont en grande partie réalisés en Chine (<a href="https://arxiv.org/abs/2102.02622">61 % de la production du secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC) pour 2015</a>), où la production d’électricité est très carbonée.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/502182/original/file-20221220-20-zxuzeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/502182/original/file-20221220-20-zxuzeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=266&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/502182/original/file-20221220-20-zxuzeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=266&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/502182/original/file-20221220-20-zxuzeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=266&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/502182/original/file-20221220-20-zxuzeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=334&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/502182/original/file-20221220-20-zxuzeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=334&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/502182/original/file-20221220-20-zxuzeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=334&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Empreinte carbone de la fabrication de certaines marques et modèles de téléphones intelligents. Le transport, l’utilisation et les étapes de fin de vie ne sont pas inclus dans l’évaluation.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Luciano Rodrigues Viana), Fourni par l’auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Au-delà de la culpabilisation des utilisateurs des TIC</h2>
<p>Si l’action individuelle peut réduire notre empreinte écologique liée à la fabrication des appareils électroniques, elle est largement insuffisante pour l’émergence d’une industrie numérique compatible avec les limites planétaires. Les États et les entreprises ont donc un rôle fondamental à jouer.</p>
<p>Les gouvernements doivent, entre autres, créer des lois pour lutter contre le gaspillage de ressources matérielles et énergétiques. Par exemple, <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/indice-reparabilite">exiger que les fabricants des produits électroniques affichent le niveau de réparabilité de leurs produits</a> et même interdire la commercialisation des produits non réparables et non recyclables.</p>
<p>Les entreprises doivent d’adopter des modèles économiques cohérents avec les enjeux environnementaux et sociaux de notre époque.</p>
<p>Aujourd’hui, le modèle économique utilisé par la plupart des fabricants des appareils électroniques est largement basé sur <a href="https://www.qqf.fr/infographie/49/obsolescence-programmee">l’obsolescence programmée (technique, esthétique et logicielle)</a>. En d’autres mots, c’est une stratégie qui vise à créer, chez les consommateurs, un besoin constant l’amenant à racheter de nouveaux biens.</p>
<p>Ces pratiques sont vraisemblablement en contradiction avec les efforts actuels pour développer une industrie numérique cohérente avec une trajectoire de neutralité carbone.</p>
<h2>Offrir des produits numériques</h2>
<p>Si vous tenez absolument à offrir des produits électroniques à vos proches, n’oubliez pas de considérer au moins trois aspects dans votre décision.</p>
<p>En premier lieu, assurez-vous que votre cadeau sera réellement utilisé. Il est dommage de mobiliser autant de matières premières et d’énergie pour fabriquer des appareils qui seront très peu, voire jamais utilisé. <a href="https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/5942-evaluation-de-l-impact-environnemental-de-la-digitalisation-des-services-culturels.html">L’empreinte carbone d’une liseuse</a>, par exemple, est amortie entre 50 et 100 livres lus. Ainsi, pour une personne qui lit, disons cinq livres par an, il faut garder la liseuse de 10 à 20 ans pour que chaque livre électronique supplémentaire ait moins d’impact carbone que le format papier.</p>
<p>Deuxièmement, achetez de préférence des produits reconditionnés. Par exemple, en moyenne, un téléphone intelligent reconditionné est <a href="https://librairie.ademe.fr/cadic/7327/guide-longue-vie-smartphone.pd">jusqu’à 8 fois moins impactant pour l’environnement que le neuf</a> (82 kg de matières économisées et 87 % de gaz à effet de serre en moins). C’est bon pour la planète, mais aussi pour le porte-monnaie !</p>
<p>Enfin, cherchez des informations environnementales et sociales sur les produits que vous souhaitez acheter. Il faut choisir ceux qui sont <a href="https://tcocertified.com/fr/criteria-overview/">plus facilement réparables</a>, <a href="https://www.ecoconso.be/fr/content/label-ange-bleu-blauer-engel-pour-le-materiel-informatique">efficaces d’un point de vue énergétique</a>, émettent moins de carbone et fabriqués dans le <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/nouveau-monde/nouveau-monde-fairphone-2-le-smartphone-anti-geek_2383230.html">respect des droits de l’humain</a>.</p>
<p>La prochaine fois que quelqu’un vous offrira un produit électronique, vous saurez désormais qu’il a un impact très important sur la planète. Assurez-vous au moins de lui donner la plus longue vie possible !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196620/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luciano Rodrigues Viana a reçu des financements du Conseil de Recherches en Sciences Naturelles et en Génie du Canada (CRSNG). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-François Boucher a reçu des financements du Conseil de Recherches en Sciences Naturelles et en Génie du Canada (CRSNG).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mohamed Cheriet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’empreinte carbone associée à l’utilisation des services numériques est dominée par la fabrication des appareils électroniques. À l’approche de Noël, une prise de conscience s’impose.Luciano Rodrigues Viana, Doctorant en sciences de l'environnement, Département des sciences fondamentales, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Jean-François Boucher, Professeur, Eco-consulting, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)Mohamed Cheriet, Full Professor, System Engineering Department & General Director, CIRODD: Interdisciplinary Research Centre on the Opérationnalisation of Sustainability Development, École de technologie supérieure (ÉTS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1845022022-10-24T13:54:45Z2022-10-24T13:54:45ZDécarbonisation d’ici 2030 : un objectif quasi impossible, mais nécessaire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/481640/original/file-20220829-25-wrn0eg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=42%2C14%2C4634%2C3117&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des éoliennes sont installées sur une colline près de Rio Vista, en Californie, en juillet 2022. Le gouverneur de la Californie, Gavin Newsom, veut accélérer la transition énergétique de l'État. Cela fait partie de sa proposition de consacrer 19,3 milliards de dollars aux politiques climatiques. </span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Rich Pedroncelli)</span></span></figcaption></figure><p>Plusieurs gouvernements et organisations parlent de carboneutralité, de dé-carbonisation et d’atteinte du net-zéro en lien avec la <a href="https://theconversation.com/rapports-du-giec-il-faut-cesser-de-rechauffer-la-planete-180474">réduction des émissions de gaz à effets de serre (GES)</a>. Alors que la plupart ont pour cible <a href="https://www.canada.ca/fr/services/environnement/meteo/changementsclimatiques/plan-climatique/carboneutralite-2050.html">l’horizon 2050</a>, certains se dotent d’objectifs qui défient l’imagination. C’est le cas notamment d’<a href="https://www.apple.com/ca/fr/newsroom/2020/07/apple-commits-to-be-100-percent-carbon-neutral-for-its-supply-chain-and-products-by-2030/">Apple</a> et <a href="https://news.microsoft.com/fr-ca/2020/01/20/microsoft-vise-un-bilan-carbone-negatif-dici-2030/">Microsoft</a>, entreprises qui ont toutes deux ciblé l’horizon 2030.</p>
<p>À l’heure actuelle, il s’agit d’objectifs quasi impossibles, mais nécessaires, qui, s’ils se réalisent, bénéficieront à l’ensemble de la société.</p>
<p>Professeur agrégé en management à HEC Montréal et responsable pédagogique pour la Maîtrise en Management et Développement durable, je m’intéresse aux enjeux environnementaux, à la transition écologique, et à la transformation des organisations en lien avec les changements climatiques. Dans cet article, j’entends clarifier pourquoi ces objectifs sont importants, leurs implications pour les organisations, et les défis inhérents à leur poursuite.</p>
<h2>Donner un électrochoc à l’entreprise</h2>
<p>Les <a href="https://www.jstor.org/stable/41319185">objectifs quasi impossibles</a> sont des objectifs organisationnels dont la probabilité objective d’être atteints est hautement incertaine. De plus, à l’égard des pratiques, des compétences et des connaissances actuelles, leur réalisation semble impossible.</p>
<p>Alors, pourquoi établir des objectifs aussi extrêmes ? Dans l’espoir d’obtenir des résultats que nuls n’auraient crus possibles. Mais encore faut-il que leur établissement soit réalisé de manière adéquate.</p>
<p>Le principe est simple. En se dotant d’objectifs extrêmes, on crée une crise interne dans le but d’initier le changement. On recadre l’attention de l’organisation vers des futurs possibles en envoyant un signal fort sur nos priorités. Et ceci doit normalement stimuler l’apprentissage exploratoire et forcer les employés à penser de manière créative et à voir les problèmes autrement.</p>
<p>En d’autres termes, on donne un électrochoc à l’organisation, pour la forcer à innover et atteindre de nouveaux sommets d’excellence.</p>
<h2>Décarbonisation : la route est encore longue</h2>
<p>Dans le cas d’Apple et Microsoft, les deux entreprises ont pour objectif de décarboniser l’entièreté de leurs activités d’ici 2030. Et ce virage concerne également leurs fournisseurs, qui doivent eux aussi s’engager à réduire leurs émissions pour permettre une décarbonisation de leur chaîne de valeur.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/AuMhm3kW2yk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le Gouvernement du Québec lance la Stratégie québécoise sur l’hydrogène vert et les bioénergies pour décarboner d’ici 2030.</span></figcaption>
</figure>
<p>Ces objectifs correspondent précisément à des objectifs quasi impossibles. Pourquoi ? Parce que les capacités actuelles en lien avec la décarbonisation de nos économies sont limitées, ce qui restreint l’accès à des approvisionnements de composantes et de matières premières faibles en carbone. Parmi les raisons qui permettent d’expliquer ces limitations, on retrouve l’état d’avancement général de l’électrification des transports et de la transition énergétique, et le nombre restreint d’entreprises ayant déjà fait des efforts substantiels de décarbonisation.</p>
<p>Bien que l’on puisse douter de la capacité d’Apple et Microsoft à atteindre leurs cibles, il y a lieu de mieux comprendre ce que ce type d’objectif implique pour une organisation.</p>
<h2>Un chemin incertain vers un objectif clair</h2>
<p>Une organisation s’engageant vers un objectif quasi impossible s’aventure vers <a href="https://www.jstor.org/stable/41319185">l’inconnu et la nouveauté extrême</a>. Cette nouveauté extrême nécessite d’innover à travers toutes les sphères d’activités de l’organisation.</p>
<p>Alors que la plupart des organisations apprennent de manière progressive, la nouveauté extrême implique un passage vers l’apprentissage exploratoire, beaucoup plus risqué. En effet, une organisation ne peut assurer sa survie qu’en performant de manière efficace à court terme, tout en se positionnant par un avenir incertain. En favorisant un apprentissage exploratoire, on sort des sentiers battus et on augmente le risque d’échec, puisque l’innovation est axée sur le long terme.</p>
<p>Dans le cas de la réponse aux changements climatiques, beaucoup d’incertitudes existent en ce qui concerne le coût des droits d’émissions, les coûts liés à la transition énergétique, et les solutions nous permettant d’atteindre nos objectifs de décarbonisation. Une chose demeure certaine cependant : le <a href="https://theconversation.com/nouveau-rapport-du-giec-toujours-plus-documente-plus-precis-et-plus-alarmant-178378">lien entre émissions de GES et réchauffement climatique</a>.</p>
<p>Toute organisation s’engageant vers un objectif de carboneutralité s’engage donc vers un objectif clair et nécessaire, mais dont le chemin à emprunter pour y parvenir reste incertain.</p>
<h2>Les défis inhérents à la poursuite des objectifs quasi impossibles</h2>
<p>La poursuite des objectifs quasi impossibles comporte son lot de défis et n’est pas sans risques.</p>
<p>Un premier défi est de prendre conscience que ce ne sont pas tous les employés qui réagissent de la même manière à ce type d’objectifs. Alors que ces derniers peuvent motiver les employés les plus expérimentés et les plus aptes à soumettre des idées innovantes et utiles à la résolution du problème, d’autres employés verront leur capacité à mobiliser et appliquer leurs connaissances efficacement <a href="https://pubsonline.informs.org/doi/10.1287/orsc.2021.1462">diminuer</a>. Ces derniers se remettent alors au hasard pour soumettre leurs idées, ce qui en diminue la qualité.</p>
<p>Un deuxième défi est de bien évaluer la capacité de l’organisation à s’engager dans ce genre d’exercice. Sur ce point, deux éléments sont à garder à l’esprit : la <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3073891">performance de l’organisation et ses ressources disponibles</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/481642/original/file-20220829-8728-fvt75z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="panneaux solaires avec une ville à l’horizon" src="https://images.theconversation.com/files/481642/original/file-20220829-8728-fvt75z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/481642/original/file-20220829-8728-fvt75z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/481642/original/file-20220829-8728-fvt75z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/481642/original/file-20220829-8728-fvt75z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/481642/original/file-20220829-8728-fvt75z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/481642/original/file-20220829-8728-fvt75z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/481642/original/file-20220829-8728-fvt75z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le nombre d’entreprises ayant déjà fait des efforts substantiels de décarbonisation est restreint.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Concernant la performance de l’organisation, une succession de plusieurs succès récents pourrait mieux disposer les employés vers ces objectifs, car ceux-ci seraient plus confiants dans leur <a href="https://www.jstor.org/stable/41319185">capacité à atteindre les objectifs fixés</a>. À l’inverse, l’adoption d’objectifs quasi impossibles dans une organisation ayant eu une mauvaise performance récente pourrait entraîner davantage de démotivation et avoir l’effet inverse à celui souhaité. En somme, les objectifs ne doivent pas être entièrement impossibles et les employés doivent eux-mêmes croire qu’il est possible d’y arriver.</p>
<p>Concernant les ressources disponibles, celles-ci représentent un <a href="https://www.jstor.org/stable/41319185">élément clé de l’atteinte de ces objectifs</a>. Par ressources, on entend l’argent, les connaissances, l’expérience, la main d’œuvre, et les équipements. Les objectifs quasi impossibles impliquent d’innover à l’extrême. Cela suggère un haut taux d’échec. Par conséquent, il faut être en mesure d’allouer des ressources à plusieurs projets différents.</p>
<p>Finalement, les objectifs doivent être inspirants. Leur implantation doit aussi se faire de manière cohérente et transversale, c’est-à-dire à travers l’ensemble des activités de l’organisation et non pas par département ou par fonction. De cette manière, on s’assure de favoriser la créativité et l’innovation, mais surtout de canaliser l’énergie autour des innovations les plus porteuses.</p>
<h2>Quasi impossible doit tout de même rimer avec possible</h2>
<p>Les cibles de réduction des GES en lien avec l’atteinte de la carboneutralité représentent, pour beaucoup d’organisations, des objectifs quasi impossibles. Malgré leur caractère extrême, ces objectifs ne sont toutefois pas dénués d’intérêt. Lorsque bien utilisés, ils peuvent stimuler l’innovation et ouvrir de nouveaux possibles.</p>
<p>Toutes les organisations ne sont toutefois pas prêtes à de tels objectifs. Dans ce cas, d’autres stratégies sont à prévoir, telles que la célébration des petites victoires en vue de bâtir la confiance des employés en leurs capacités. On parle par exemple, dans ce cas, de la réussite d’un premier projet de réduction des GES. Ces organisations peuvent également viser la construction d’une base de ressources inutilisées, par exemple en allouant des budgets ou des blocs de temps libres qui permettent aux employés de travailler sur des projets de décarbonisation. Ces approches sont à privilégier <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3073891">avant d’adopter des objectifs plus ambitieux</a>.</p>
<p>Car après tout, les objectifs quasi impossibles doivent conserver une part de possible.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184502/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yves Plourde ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les entreprises parlent de carboneutralité, décarbonisation atteinte du net zéro. Certaines visent même l’horizon 2030. À l’heure actuelle, il s’agit d’objectifs quasi impossibles.Yves Plourde, Professeur agrégé de management, HEC MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1852602022-06-27T16:02:50Z2022-06-27T16:02:50ZApple, Lego, Playmobil… comment des marques sauvent parfois des vies<p>YouTube est peuplé de vidéos de fans de Harry Potter, My Little Pony et de nombreuses autres marques qui semblent littéralement avoir sauvé leur vie. Sur Facebook, certains passionnés de Lego sont allés jusqu’à créer un groupe Facebook intitulé <a href="https://www.facebook.com/groups/450808598591898">« Lego Saved My Life »</a> avec plus de 1 300 membres. Autour de ces célèbres briques, on peut aussi penser au parcours de David Aguilar, vainqueur en 2020 de la première édition de l’émission Lego Masters avec sa prothèse réalisée grâce à elles.</p>
<p>N’avez-vous ainsi jamais entendu quelqu’un dire qu’une marque, on parle bien d’une marque commerciale, lui a sauvé la vie ? Cette expression semble assez répandue dans la culture populaire, pour les marques comme pour d’autres choses. Il suffit de penser à des chansons célèbres comme <a href="https://www.youtube.com/watch?v=CgGiCKbud5I">« Last night a DJ saved my life »</a> ou la toute récente « Your song saved my life » de U2.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/7KuGie4eWgQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Nos <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/EJM-09-2020-0722/full/html">travaux</a> ont interrogé le processus. Les histoires semblent parfois extrêmes, mais elles font aussi partie de nos rapports aux marques.</p>
<h2>James et la grosse… pomme</h2>
<p>Lorsque l’on fait face à une crise dans sa vie, un travail sur soi semble s’imposer. Lorsque les conditions de vie restent stables, les réponses aux questions identitaires viennent en effet de manière assez automatique et instinctive, par inertie. Mais face à des événements qui déchirent profondément leur bien-être, perte d’emploi, graves problèmes de santé ou tragédies familiales, les individus commencent à tout donner pour reconstituer leurs identités endommagées.</p>
<p>Dans ces circonstances, les consommateurs peuvent s’approprier une marque comme une ressource pour recoller les morceaux de leur vie. Leur vie semble se confondre avec la marque. Et c’est de cette fusion que naît le <em>fan</em>.</p>
<p>Un cas assez récent, et qui a fait le tour du web, est celui de James Rath. Né avec de graves problèmes de vision, James n’a jamais eu la vie facile à l’école. Il a été victime d’intimidation tout au long de son enfance et a tenté de se suicider pour la première fois alors qu’il n’avait que 11 ans.</p>
<p>À la dérive dans la tristesse et la dépression, son avenir paraissait sombre. Toutefois, lorsque James a reçu son premier MacBook Pro le jour de son 14<sup>e</sup> anniversaire, sa vie a radicalement changé. La fonction de zoom du Mac lui a permis de voir des choses qu’il n’aurait pas pu voir autrement. Il pouvait enfin lire ses manuels scolaires et rattraper ses devoirs. Avec son Apple Watch, il pouvait se repérer dans la rue. Avec son iPhone, il pouvait lire les panneaux de signalisation.</p>
<p>Les fonctionnalités d’accessibilité d’Apple ont complètement transformé la vie de James. Il s’est alors également créé une nouvelle identité, celle d’un réalisateur. En 2017, il publie une vidéo sur YouTube intitulée « Apple m’a sauvé la vie » où il raconte son histoire. La vidéo fait le tour du web et est retweetée par Tim Cook, PDG d’Apple. La même année, ce dernier vient à sa rencontre. James vit maintenant à Los Angeles et essaie de trouver du travail dans l’industrie cinématographique.</p>
<h2>Magnification</h2>
<p>L’histoire peut sembler extrême et extravagante. Mais le parcours de James, comme celui d’autres individus, offre un point de vue unique sur le potentiel que les marques d’aujourd’hui peuvent avoir dans la vie des gens, en les reconstruisant, ou comme eux le disent, en les « sauvant ». La question qui se pose au chercheur est alors : comment ?</p>
<p>Pour y répondre, nous avons suivi pendant plusieurs années la vie de cinq fans de marques célèbres (Apple, Vespa, Playmobil, Nirvana et Disney) afin de décoder l’entremêlement de leur vie avec la marque. Notre étude a montré que les fans s’approprient la marque dans leur quotidien au travers d’un mécanisme tout particulier : la magnification de la marque.</p>
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<p>Il s’agit d’un mécanisme par lequel la marque devient une force motrice dans la vie des gens. Il fonctionne comme une bouée de sauvetage permettant aux gens de surmonter des crises profondes et de mener à nouveau une vie pleine de sens. En d’autres termes, la magnification de la marque aide les consommateurs à se remettre sur pied.</p>
<p>Elle joue en fait sur trois dimensions : matérielle, narrative et sociale.</p>
<h2>Un rôle social</h2>
<p>Premièrement, lorsque les gens se retrouvent face à des incidents de vie inattendus, ils s’engagent dans un travail matériel sur l’identité pour tenter de créer une continuité entre qui « ils étaient » et qui « ils sont ». Ce faisant, comme consommateurs, ils se reconstruisent en transformant, réparant et personnalisant leurs biens de consommation. Dans de telles situations, les objets matériels et les expériences aident les gens à faire le point sur leur propre existence entre passé, présent et futur.</p>
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<p>« Playmobil me permet de bien vivre aujourd’hui, et de continuer, me permettant de bien manger et de bien vivre. C’est le messie ! »</p>
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<p>Les individus tentent également d’établir une nouvelle linéarité narrative avec laquelle ils peuvent se raconter de manière cohérente. Comme consommateurs, ils utilisent les marques et leurs produits pour faciliter la reconstruction de leur histoire de vie. Des circonstances dramatiques, telles qu’une maladie grave, peuvent briser les récits de la vie des gens dans la mesure où les individus perdent leurs amarres et dérivent. Ils révisent alors le récit de leur vie pour s’adapter aux nouvelles circonstances. Les marques peuvent alors apparaître comme une aide.</p>
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<p>« Chaque fois que j’allais voir un médecin ou un chirurgien, la première chose qui me venait à l’esprit était de les convaincre que la Vespa était bonne pour moi. Parce que j’avais peur d’une chose, qu’ils disent : “Maintenant, il est temps pour vous d’arrêter de conduire la Vespa !” »</p>
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<p>Enfin, c’est une identité sociale qui peut être reconstruite à travers des marques et des objets. Une épreuve est aussi l’occasion de rencontres avec de nouvelles personnes. Par exemple, lorsque les gens font face à la perte ou à des dégâts sur leur maison lors d’une catastrophe naturelle, un partage des ressources matérielles entre voisins survient souvent. Avec des échanges qui aident à construire des identités de plus en plus positives. C’est un moment pour les fans de partager leur passion pour la marque avec d’autres, et de retisser ainsi les liens de leur vie sociale.</p>
<p>Dire que les marques peuvent jouer un rôle important et bénéfique dans la vie des gens va à l’encontre de la pensée commune qui en font la pire expression du capitalisme et du consumérisme dans nos sociétés contemporaines. Le phénomène observé ne vient pas décharger les marques de tous les problèmes qu’elles peuvent causer. Il reste cependant à prendre en compte pour produire une vision plus nuancée du rôle social des marques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185260/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Lorsqu’un individu traverse une épreuve, il se raccroche souvent à ce qu’il peut pour se reconstruire. Le fan s’appuiera lui parfois sur une marque.Gregorio Fuschillo, Professeur Associé de marketing, Kedge Business SchoolBernard Cova, Enseignant-chercheur en marketing et sociologie de la consommation, Kedge Business SchoolJulien Cayla, Professor of Marketing and Consumer Research, Nanyang Technological UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1715482022-02-15T17:24:36Z2022-02-15T17:24:36ZCe que les séries nous apprennent sur la diversité des profils en entreprise<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/446580/original/file-20220215-23-1c2zdq2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C20%2C1920%2C1417&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans la Quête mythique, la diversité des profils est caricaturée. </span> <span class="attribution"><span class="source">Apple TV</span></span></figcaption></figure><p>Depuis longtemps, les chercheurs en management s’intéressent aux <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/mi/2013-v17-mi0591/1015814ar.pdf">avantages</a> sociopolitiques, financiers et managériaux de la gestion de diversité (sexe, origine ethnique, orientation sexuelle) notamment dans les secteurs ou l’innovation est la clé. Plusieurs études ont montré que l’impact de la diversité sociodémographique peut varier en fonction du <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0018726705053424">secteur</a> concerné, mais aussi de sa capacité de changer la <a href="https://www.cairn.info/revue-rimhe-2016-1-page-68.htm">culture organisationnelle</a> et des mentalités en entreprise.</p>
<p>On ne peut pas sous-estimer le rôle potentiel de la pop culture et notamment de la stratégie des géants Apple TV et Netflix pour faire avancer le débat sur les défis de la diversité et de l’inclusion à travers des séries telles que <em>Ted Lasso</em>, <em>Schitt’s Creek</em>, ou bien <em>Orange is the new black</em>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/repenser-le-recrutement-le-secret-de-team-jolokia-pour-construire-des-organisations-inclusives-111279">Repenser le recrutement : le secret de Team Jolokia pour construire des organisations inclusives</a>
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<p>Pleinement engagé dans la lutte contre les stéréotypes, Netflix a récemment <a href="https://www.lesnumeriques.com/vie-du-net/netflix-signe-un-cheque-de-100-millions-de-dollars-pour-favoriser-la-diversite-dans-ses-productions-n161031.html">annoncé</a> l’investissement de 100 millions d’euros pour promouvoir la diversité à la fois dans ses séries et dans les équipes de tournage. Ted Sarandos, codirecteur général de Netflix a ainsi <a href="https://www.cnbc.com/2021/02/26/netflix-will-spend-100-million-to-improve-diversity-on-film-following-equity-study.html">déclaré</a> :</p>
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<p>« Je pense que si les individus peuvent se connecter au contenu des séries, c’est […] qu’ils peuvent s’identifier à un personnage qui leur ressemble, ou qu’il reflète une expérience personnelle qu’ils ont aussi vécue. »</p>
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<h2>La Quête mythique</h2>
<p>La plate-forme de streaming Apple TV s’est lancée dans l’aventure des séries depuis 2019 et a sorti <a href="https://www.youtube.com/watch?v=2vAQafcBXAI"><em>La Quête Mythique</em></a> en février 2020.</p>
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<p>Cette série offre une représentation exacerbée de la diversité de genre, de la couleur de peau, de la nationalité et de l’orientation sexuelle des employés d’une boîte de jeux vidéo, sur un ton empreint d’humour et d’absurde. Mais ce qu’on ne voit pas au premier regard, ce sont les enjeux de recrutement qui sous-tendent cette diversité et les avantages compétitifs de la diversité dont les impacts positifs ont été prouvés dans l’industrie des jeux vidéo. Dans le monde imaginaire créé par le jeu vidéo, les joueurs peuvent s’identifier avec les personnages qui leur ressemblent.</p>
<p><a href="https://www.bing.com/search?q=Many+diversities+for+many+services%3A+Theorizing+diversity+(management)+in+service+companies&cvid=7cbb2ab5977f4ef6bcb4742885c28cde&aqs=edge.0.69i59l2j69i60j69i61j69i60.1014j0j4&FORM=ANAB01&PC=HCTS">Les chercheurs en management</a> cherchent à comprendre pourquoi la diversité est considérée comme une valeur positive dans les secteurs créatifs de la haute technologie et des services plus généralement, mais souvent difficile à mettre en place dans d’autres <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=924524">secteurs</a> notamment dans le <a href="https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1428">secteur secondaire</a>, à savoir dans les métiers de production.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-quatre-leviers-pour-rendre-lentreprise-plus-inclusive-139980">Les quatre leviers pour rendre l’entreprise plus inclusive</a>
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<h2>L’impact de la diversité dans le secteur créatif</h2>
<p><em>La Quête Mythique</em>, récemment nominé pour les <a href="https://www.emmys.com/shows/mythic-quest">« Emmy Awards »</a> est une illustration caricaturée de la valeur de <a href="https://www.advance-he.ac.uk/knowledge-hub/intersectional-approaches-equality-and-diversity">l’approche intersectionnelle</a> de la diversité visant à construire un meilleur produit, ici un jeu vidéo.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quy-a-t-il-de-discriminant-dans-un-cv-les-enseignements-de-la-recherche-experimentale-151808">Qu’y a-t-il de discriminant dans un CV ? Les enseignements de la recherche expérimentale</a>
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<p>On découvre, entre autres, les aventures professionnelles et amoureuses de deux testeuses de jeux qui sont lesbiennes et de différentes origines ethniques. D’après des <a href="https://www.bing.com/search?q=Janssens%2C+M.%2C+%26+Zanoni%2C+P.+(2005).+Many+diversities+for+many+services %3A+Theorizing+diversity+(management)+in+service+companies.+Human+Relations %2C+58(3) %2C+311 %E2 %80 %93340.&cvid=6d89148a6e1743b3b11661bec6e94424&aqs=edge..69i57.279j0j4&pglt=43&FORM=ANAB01&PC=HCTS">études sectorielles</a>, ces deux employées dans le secteur dit <a href="https://dictionary.cambridge.org/dictionary/english/creative-industry">créatif</a> seraient recrutées surtout pour leur capacité à refléter la diversité des profils des utilisateurs en plus de leurs compétences. En comprenant mieux leurs besoins, il devient possible de les intégrer dans des jeux vidéo plus inclusifs. Cette représentation des sexes, origines et orientations sexuelles peut entraîner une plus grande diversité parmi les joueurs/consommateurs et avoir des effets positifs sur les bénéfices de la société de production.</p>
<h2>Un imaginaire plus riche et plus divers</h2>
<p>L’<a href="https://www.bing.com/search?q=IGDA+survey&cvid=6d95ff3c2cea44908d07eef900d0d862&aqs=edge..69i57l2j69i59l2j69i60l4j69i64.1474j0j1&pglt=43&FORM=ANNAB1&PC=HCTS">IGDA</a> (International Game Developers Association), un réseau mondial de personnes travaillant dans l’industrie des jeux vidéo, a publié les résultats de son enquête de satisfaction des développeurs de 2017 et a dévoilé que 61 % des développeurs de jeux s’identifient comme étant « blancs/caucasiens/européens », 74 % comme « hommes » et 81 % comme « hétérosexuels ».</p>
<p>Les personnes issues de groupes marginalisés en raison de leur genre, de leurs origines et de leur orientation sexuelle ne sont pas représentées de manière adéquate dans le contenu des jeux ou dans les studios de jeux produisant ce contenu, ce qui entraîne un <a href="https://books.google.ie/books/about/Cooperative_Gaming.html?id=si3tDwAAQBAJ&redir_esc=y">manque de diversité dans l’ensemble des jeux</a>. Bien sûr, un homme blanc et hétérosexuel peut tout à fait inventer un personnage de femme noire et queer, mais il est plus susceptible de créer un jeu inédit montrant une expérience réaliste lorsqu’il travaille dans une équipe ou il y a une ou justement des personnes qui connaissent cette expérience de l’intérieur.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/jeu-et-apprentissage-un-couple-indissociable-99646">Jeu et apprentissage, un couple indissociable</a>
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<p>La question fait débat, en particulier aux États-Unis, mais le lien entre la diversité des profils – dans une industrie créative comme le jeu vidéo – et une plus grande empathie envers les utilisateurs, entraînant la création de meilleurs produits et services, a été établi.</p>
<p>L’une des pratiques de gestion de diversité dans les pays anglo-saxons sont les questionnaires de recrutement anonymes qui visent à mesurer les différents critères de diversité en entreprise tels que le genre et l’origine. L’approche anglo-saxonne vise à promouvoir l’image d’une entreprise dans laquelle les employées peuvent s’exprimer ouvertement sur leur orientation sexuelle sur la base du volontariat, par exemple via les <a href="https://www.indeed.com/hire/c/info/what-is-an-affinity-group">groupes d’affinité</a>. Ce qui rend le secteur du jeu vidéo encore plus complexe, c’est qu’il est traditionnellement dominé par les hommes blancs <a href="https://www.bbc.co.uk/news/newsbeat-51364212">reste un problème important</a> notamment aux États-Unis. En France, les statistiques ethniques sont historiquement un sujet tabou et les <a href="https://www.lexpress.fr/emploi/conseils-emploi/les-quotas-ethniques-en-question_1492415.html">politiques RH</a> en faveur de la diversité sont principalement axées sur le handicap ou le genre.</p>
<p><em>La Quête Mythique</em> surligne la diversité, parfois jusqu’à la caricature des personnages. Poppy, développeuse principale du jeu vidéo, a du mal à s’imposer. David, le producteur exécutif et gay, ne cache pas ses problèmes émotionnels et son enfance particulièrement perturbée. A l’aide de l’humour et de l’absurdité, la série montre ce que le <a href="https://fortune.com/2021/03/16/video-game-industry-lacks-diversity/">secteur du jeu vidéo</a> n’est pas prêt, en réalité, à accueillir toute cette diversité – il s’agit bien d’une « quête mythique », pour l’instant.</p>
<h2>Favoriser la créativité</h2>
<p>Dans la série, l’équipe compte des informaticiens, un directeur artistique et un écrivain dont les opinions insolites permettent finalement de développer un meilleur jeu vidéo avec un élément de surprise. C’est une illustration des avantages d’une approche de la <a href="https://www.advance-he.ac.uk/knowledge-hub/intersectional-approaches-equality-and-diversity">diversité intersectionnelle</a> (âge, genre) qui est une source de <a href="https://hbr.org/2017/06/does-diversity-actually-increase-creativity">créativité</a>.</p>
<p>La question du <a href="https://www.erudit.org/en/journals/mi/2013-v17-mi0591/1015807ar/">rapport à l’autre</a> est souvent traitée en termes de vivre ensemble à la française ou sous l’angle de la coopération entre profils différents, mais la série attire notre attention sur le <a href="https://www.mckinsey.com/%7E/media/mckinsey/business%20functions/people%20and%20organizational%20performance/our%20insights/why%20diversity%20matters/diversity%20matters.pdf">pourquoi de la diversité</a>, sur l’importance de comprendre les enjeux et les finalités de la diversité des recrutements, au-delà des effets de mode.</p>
<h2>La culture de la sécurité</h2>
<p>En contraste avec le monde du jeu vidéo, les <a href="https://dauphine.psl.eu/formations/doctorat/soutenances/soutenance/ambivalence-des-reinterpretations-locales-du-management-de-la-diversite-au-sein-des-filiales-polonaises-de-quatre-entreprises-internationales-une-approche-multi-cas">résultats des études</a> menées dans le secteur de la production énergétique ne montrent pas d’intérêt de ce secteur pour la diversification de ses recrutements au nom de la créativité et de l’inclusion. Malgré la pénurie de candidats et les besoins de recrutement, la recherche de candidats issus jugée en général inappropriée.</p>
<p>La recherche montre que l’approche anglo-saxonne de favorisation de la diversité dans le recrutement au nom de la créativité peut être perçue négativement par les employés dans les secteurs ou la créativité n’est pas essentielle dans l’atteinte des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1046496496272003">objectifs organisationnels</a>.</p>
<p>Le principe d’inclusion (<a href="https://hbr.org/2021/05/how-to-measure-inclusion-in-the-workplace#:%7E:text=Employee%20feedback%20is%20also%20the,then%20asking%20the%20right%20questions.">How to Measure Inclusion in the Workplace</a> prévoit un meilleur équilibre entre le sentiment d’appartenance à un groupe et la possibilité de prendre des initiatives. Les employées sont encouragés développer de nouvelles postures managériales et à développer de nouvelles idées pour générer la performance organisationnelle. En d’autres termes, la culture de l’entreprise inclusive favorise le bien-être et la prise d’initiative.</p>
<p>Cette prise d’initiative peut être vue comme dangereuse au regard des standards de sécurité qui appelle à l’inverse le respect des routines et l’adoption des conduites prescrites. Le travail des employés opérationnels (ingénieurs, mécaniciens, électriciens) et le fonctionnement d’une centrale électrique peut être assuré grâce à l’accomplissement des tâches répétitives. La diversité culturelle, ethnique, de genre ou autre, vue comme une valeur ajoutée contribuant à l’innovation et à la créativité tout en permettant de créer des meilleurs produits et services peut être vue par les managers et les employées opérationnels comme un concept inutile pour le fonctionnement de l’organisation.</p>
<p><a href="https://www.researchgate.net/publication/356475175_The_ambivalence_of_Diversity_Management_local_reinterpretations_in_the_Polish_subsidiaries_of_four_international_companies_a_multi-case_study_approach_Aneta_Orlinska_Doctoral_thesis">Selon un manager compliance dans la centrale électrique</a> :</p>
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<p>« Je peux m’imaginer les départements de l’organisation où la diversité pourrait être mise en œuvre mais ici [site de production] il n’est pas possible de laisser les employés s’exprimer librement […] car ce n’est pas un environnement typiquement créatif […]. Je ne vois pas de possibilité pour la liberté sur le site de production. Il y a des règles et des procédures strictes. […] L’introduction de la liberté et de la créativité pourrait conduire à la catastrophe industrielle ».</p>
</blockquote>
<p>Le secteur d’activité, le type de métier et la culture organisationnelle (de sécurité ou de créativité) doivent être pris en compte si on souhaite établir une véritable politique de diversité et d’inclusion où le recrutement de profils divers est considéré comme une valeur ajoutée à l’organisation. De plus, les attitudes à l’égard de la diversité dépendent beaucoup de la nature de l’activité de l’employé et du secteur d’activité dans lequel il évolue.</p>
<p>La diversité est devenue un « buzzword » dans le monde de travail. Elle reste un défi majeur pour certains secteurs comme celui de la production où l’innovation n’est pas un indicateur clé de la performance organisationnelle et où la perspective d’inclusion ne semble pas prioritaire aux yeux des recruteurs. D’un côté, les séries américaines nous montrent les défis de la diversité dans le contexte anglo-saxon, de l’autre, les chercheurs en management soulignent l’importance de la <a href="https://www.abe.pl/pl/book/9781786355508/management-and-diversity">contextualisation</a> du management de la diversité et de l’inclusion.</p>
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<p><em>Ce texte est tiré de la <a href="https://dauphine.psl.eu/formations/doctorat/soutenances/soutenance/ambivalence-des-reinterpretations-locales-du-management-de-la-diversite-au-sein-des-filiales-polonaises-de-quatre-entreprises-internationales-une-approche-multi-cas">thèse de doctorat</a> en Sciences de Gestion défendue à l’Université Paris Dauphine le 04 décembre 2019 et il s’inspire de la série américaine _La Quête Mythique</em>._</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171548/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aneta Hamza-Orlinska ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Quel rôle joue la pop culture dans la représentation de la diversité en entreprise ? Et que sait-on de son impact dans la vie réelle ?Aneta Hamza-Orlinska, Assistant Professor in Human Resource Management , EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1753502022-01-25T19:44:10Z2022-01-25T19:44:10ZGAFAM : comment limiter les « acquisitions tueuses » de start-up ?<p>Le 30 novembre dernier, l’autorité de la concurrence britannique (CMA) ordonnait à Facebook de revendre la plate-forme Giphy, l’un des plus gros distributeurs de gifs sur Internet, dont elle avait fait l’acquisition quelques mois auparavant. Cette décision constitue une première en matière de contrôle des concentrations dans l’économie numérique ; alors que les « GAFAM » (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) ont fait l’acquisition de <a href="https://academic.oup.com/icc/article/30/5/1307/6365871">plus de 700 entreprises depuis 2000</a>, aucune de ces opérations n’avait jusqu’à présent été bloquée.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1465672246127734786"}"></div></p>
<p>Les autorités de la concurrence font en effet face à deux obstacles qui limitent leurs possibilités d’intervention. Premièrement, la plupart de ces opérations n’arrivent pas sur leur bureau. Le cadre légal prévoit des seuils de notification sur base du chiffre d’affaires. Or, dans l’économie numérique, beaucoup de start-up ont un chiffre d’affaires peu élevé ; leur stratégie consiste à développer un produit, une application et un réseau, et à le monétiser ultérieurement. Les seuils de notifications sont donc rarement atteints.</p>
<p>Le deuxième obstacle est l’asymétrie d’information entre le contrôleur et le contrôlé. Les autorités de la concurrence ont la charge de contrôler un marché qui gagne tous les jours en complexité et en opacité. Comme le souligne <a href="https://itif.org/publications/2021/05/24/digital-markets-act-european-precautionary-antitrust">l’économiste Jacques Crémer</a> :</p>
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<p>« Personne ne sait exactement comment les algorithmes déterminent les choix d’Amazon ou les classements de Booking. »</p>
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<p>De plus, les plates-formes bénéficient d’un avantage en termes d’accès à l’information. Les GAFAM sont au centre d’un réseau d’utilisateurs sur lesquels ils collectent des données. Combinées au développement des techniques de méta-analyse des marchés, ces données donnent aux plates-formes des outils de prévision de l’évolution des marchés supérieurs à ceux dont disposent les autorités de la concurrence.</p>
<p>Il est pourtant essentiel pour les autorités de la concurrence d’être en mesure d’éviter que ces acquisitions par les GAFAM ne menacent la concurrence saine sur les marchés. C’est particulièrement le cas dans l’industrie du numérique, du fait d’une spécificité de cette industrie que les économistes appellent « externalités de réseau » : plus les utilisateurs d’un service sont nombreux, plus ce service a de la valeur pour ces utilisateurs. Les externalités de réseau impliquent que, passé un certain seuil dans le nombre d’utilisateurs, la puissance d’une entreprise s’autorenforce jusqu’à, éventuellement, atteindre une position dominante.</p>
<h2>Acheter pour développer… ou tuer</h2>
<p>Mais qu’adviendrait-il de cette position de super puissance si quelques programmeurs dans leur garage venaient à développer un nouveau produit supérieur à celui proposé par l’entreprise dominante, au point que suffisamment de ses utilisateurs commencent à s’en détourner et créent un nouveau réseau ? La plate-forme en place aurait en effet toutes les raisons de vouloir éviter une telle situation.</p>
<p>Avec des capitaux tels que ceux détenus par les GAFAM, un moyen d’empêcher l’entrée du nouveau produit sur le marché est, tout simplement, son achat à un stade de développement précoce. Une fois propriétaire, l’acquéreur peut intégrer le produit concurrent dans son écosystème, ou bien tout simplement stopper son développement. Dans les deux cas, la concurrence potentielle ne se matérialise jamais.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1171892685550096384"}"></div></p>
<p>La stratégie d’achat-élimination de concurrents potentiels est connue sous le terme d’« acquisition tueuse » (« <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3241707">killer acquisition</a> » en anglais). Le cas Facebook/Giphy en est un bon exemple. Avant son acquisition par Facebook, la plate-forme Giphy était en train de développer un service publicitaire assez prometteur : les publicitaires pouvaient souscrire à un service payant leur permettant d’inclure leur publicité dans des gifs. À la suite de l’achat de la plate-forme, Facebook <a href="https://www.gov.uk/cma-cases/facebook-inc-giphy-inc-merger-inquiry">avait interrompu ce service</a>, se débarrassant ainsi d’un concurrent potentiel sur le marché publicitaire.</p>
<p>D’après notre <a href="http://hdl.handle.net/2268/241664">étude</a> portant sur les acquisitions des GAFAM entre 2015 et 2017, 60 % des services acquis cessent d’être proposés sous leur nom d’origine après leur achat. Bien sûr, toutes ces acquisitions n’ont pas pour objectif de « tuer » ; certaines visent au contraire à continuer le développement du produit acquis sous le nom de l’acquéreur.</p>
<p><iframe id="j7mbj" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/j7mbj/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Des documents internes d’entreprises dominantes semblent en effet démontrer que, avant de se lancer dans le développement d’un nouveau produit, le <a href="https://scholar.google.com/citations?view_op=view_citation&hl=th&user=U-mWVcoAAAAJ&citation_for_view=U-mWVcoAAAAJ:p2g8aNsByqUC">recours à l’achat est envisagé</a>. Ainsi, les GAFAM pourraient externaliser une partie de leur R&D afin de <a href="https://ec.europa.eu/competition/publications/reports/kd0419345enn.pdf">bénéficier de l’agilité et de l’inventivité de start-up</a> qui elles-mêmes n’auraient pas eu les capitaux ou le réseau nécessaire pour commercialiser leur invention. Afin de pouvoir dissocier les cas – problématiques – d’« acquisitions tueuses » des cas – légitimes – d’acquisitions de R&D, les autorités de la concurrence doivent adapter leurs outils d’analyse, qu’ils soient méthodologiques ou législatifs.</p>
<h2>Mieux contrôler</h2>
<p>D’un point de vue méthodologique, l’analyse du potentiel anticoncurrentiel d’une acquisition doit être adaptée aux spécificités économiques du marché du numérique, notamment à la présence d’externalités de réseau et la possibilité d’une concurrence potentielle exercée par des start-up.</p>
<p>Prenons le cas de <a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/services/facebook-a-paye-22-milliards-de-dollars-pour-whats-app_AN-201410060211.html">l’acquisition de WhatsApp par Facebook</a>, en 2014, pour 22 milliards de dollars. La Commission européenne a autorisé l’opération argumentant qu’il existait <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_14_1088">suffisamment de services de messagerie alternatifs</a>, mais en sous-estimant probablement le rôle des effets de réseaux comme barrière à l’entrée. Par conséquent, l’accroissement du pouvoir de marché de Facebook résultant de cette acquisition a été sous-évalué.</p>
<p>Ensuite, alors même qu’à la date de son acquisition WhatsApp ne pouvait pas être considéré comme un concurrent direct de Facebook, puisque l’application n’offrait pas tous les services d’un réseau social, les deux entreprises avaient en commun aussi bien certaines fonctionnalités (en l’occurrence, de messagerie) que leurs bases d’utilisateurs. Ainsi, si WhatsApp avait voulu s’étendre aux autres services proposés par Facebook, la base d’utilisateurs potentiellement intéressés lui était déjà acquise. Pour cette raison, il est essentiel de considérer la dynamique du marché numérique dans l’analyse des forces concurrentielles auxquelles sont soumises les entreprises du secteur.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/441682/original/file-20220120-15-egv4lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/441682/original/file-20220120-15-egv4lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/441682/original/file-20220120-15-egv4lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/441682/original/file-20220120-15-egv4lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/441682/original/file-20220120-15-egv4lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/441682/original/file-20220120-15-egv4lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/441682/original/file-20220120-15-egv4lp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En 2014, Facebook rachetait le service de messagerie WhatsApp pour la somme de 22 milliards de dollars.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/140988606@N08/25076398627">Christoph Scholz/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>D’un point de vue législatif, des réformes du cadre de contrôle des concentrations dans l’économie numérique sont discutées, partout dans le monde. Pour répondre au faible nombre d’opérations effectivement examinées par une autorité de la concurrence, certains pays ont déjà mis en place une réforme de seuils légaux de notification. Par exemple, l’Autriche et l’Allemagne appliquent désormais un seuil de notification sur base du prix de la transaction.</p>
<p>Depuis mars 2021, la Commission européenne permet également aux États-membres de lui renvoyer l’examen d’opérations n’atteignant pas les seuils relatifs au chiffre d’affaires <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv%3AOJ.C_.2021.113.01.0001.01.FRA&toc=OJ%3AC%3A2021%3A113%3AFULL">lorsque ce dernier ne reflète pas le potentiel concurrentiel</a>, réel ou futur, d’au moins une des parties à la concentration.</p>
<p>Pour ce qui est des problèmes liés à l’asymétrie d’information entre plates-formes et autorités de la concurrence, la solution ne semble cependant pas encore avoir été trouvée. Certains experts envisagent le <a href="https://www.chicagobooth.edu/research/stigler/news-and-media/committee-on-digital-platforms-final-report">« renversement de la charge de la preuve »</a> ; les parties à la concentration auraient la charge de démontrer l’absence d’effets anticoncurrentiels. Mais les opposants restent nombreux. Selon ces derniers, en plus d’aller à l’encontre du principe légal fondamental selon lequel le plaignant est tenu de prouver le dommage, une telle mesure <a href="https://www.lexology.com/library/detail.aspx?g=b7159a3d-ae2e-4e87-ba37-e59f9200c2c4">risque de décourager les concentrations proconcurrentielles</a>.</p>
<p>Ainsi, les autorités de la concurrence doivent continuer de s’adapter pour pouvoir assurer le juste équilibre entre concurrence sur le marché et incitants à l’innovation, et ce à la vitesse fulgurante des développements de l’industrie du numérique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175350/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laureen de Barsy a reçu une bourse d'études (Van Rompuy scholarship) et des bourses de recherche (EOS et ARC). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Axel Gautier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’asymétrie d’information et la faible visibilité des entreprises cibles limitent aujourd’hui les possibilités des autorités de la concurrence.Axel Gautier, Professeur d'économie, HEC Liège, LCII (Liège Competition and Innovation Institute), Université de LiègeLaureen de Barsy, PhD candidate in Economics, Université de LiègeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1697872021-10-20T19:26:56Z2021-10-20T19:26:56ZNe gardez pas vos écouteurs toute la journée… Vos oreilles aussi ont besoin de respirer !<p>Les ventes d’écouteurs sans fil sont en plein essor : la société Apple aurait vendu, à elle seule, <a href="https://www.businessofapps.com/data/apple-statistics/">100 millions de jeux d’AirPods</a> en 2020. Ne plus être relié à nos téléphones ou à nos appareils par un cordon exaspérant fait que nous sommes plus susceptibles de garder nos écouteurs sur de longues périodes.</p>
<p>Lorsque cela se produit, vous pouvez remarquer que vos oreilles sont plus collantes ou cireuses… Pourquoi ? Ce phénomène est-il courant ? Et qu’arrive-t-il à nos oreilles ?</p>
<p>Bien que les écouteurs sans fil soient relativement nouveaux sur le marché, de nombreuses recherches ont été menées sur l’utilisation prolongée des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28846265/">aides auditives</a>, dont le mécanisme est souvent similaire. Il ressort de ces travaux que le port d’appareils intra-auriculaires sur de longues durées peut entraîner des problèmes de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4356173/">cérumen</a>.</p>
<h2>À quoi sert le cérumen ?</h2>
<p>La production de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK448155/">cérumen</a> (cette sorte de « cire », en fait un lubrifiant naturel, de nos oreilles) est un processus normal chez l’homme et de nombreux autres mammifères. Il devrait toujours y en avoir une fine couche près de l’ouverture du canal auditif.</p>
<p>Cette sécrétion est à la fois imperméable et protectrice. Elle humidifie la peau du conduit auditif externe et agit comme un mécanisme de protection pour prévenir les infections, en constituant une barrière contre les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK448155/">insectes, les bactéries et l’eau</a>. Le cérumen humide est brun et collant, tandis que le cérumen sec est plutôt de couleur blanche.</p>
<p>En fait, le cérumen est une barrière tellement efficace que, au XIX<sup>e</sup> siècle, il était utilisé comme baume pour les <a href="https://theconversation.com/what-causes-dry-lips-and-how-can-you-treat-them-does-lip-balm-actually-help-161264">lèvres gercées</a> !</p>
<p>Il est produit dans la partie externe du <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK459335/">canal auditif</a>. Les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/9433685/">glandes sébacées et les glandes sudoripares</a> des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4356173/">follicules pileux</a> locaux libèrent des sécrétions qui vont retenir la poussière, les bactéries, les champignons, les poils et les cellules mortes pour former le cérumen.</p>
<p>Le conduit auditif externe peut être considéré comme une sorte de système d’escalator, le cérumen se déplaçant toujours vers l’extérieur : ce qui empêche les oreilles de se remplir de cellules mortes. Cette migration du cérumen est également favorisée par les mouvements naturels de la mâchoire. Lorsque le cérumen atteint l’extrémité de l’oreille, il tombe tout naturellement.</p>
<h2>L’effet des écouteurs</h2>
<p>Notre oreille est donc autonettoyante et elle assure parfaitement cette fonction, en continu. Cependant, tout ce qui va bloquer la progression normale du cérumen vers l’extérieur peut causer des problèmes…</p>
<p>L’utilisation normale d’appareils intra-auriculaires <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4704552/">ne cause pas souvent</a> de souci. Mais conserver ses écouteurs, par exemple toute la journée, n’est pas sans conséquence. Ils peuvent notamment :</p>
<ul>
<li><p>comprimer le cérumen, le rendant moins fluide et plus difficile à <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30277727/">expulser</a> naturellement par le corps ;</p></li>
<li><p>bloquer le cérumen au point de causer une inflammation. Les globules blancs migrent alors vers la zone concernée, ce qui augmente encore le nombre de cellules impliquées dans le <a href="https://www.aafp.org/afp/2007/0515/p1523.html">bouchon</a> ;</p></li>
<li><p>gêner la circulation de l’air et empêcher le cérumen humide de sécher. Et lorsque le cérumen reste collant pendant de longues périodes, cela favorise son accumulation ;</p></li>
<li><p>emprisonner la sueur et l’humidité dans les oreilles, ce qui les rend plus sujettes aux <a href="https://journals.lww.com/thehearingjournal/fulltext/2010/03000/how_to_care_for_moist_ears.12.aspx">infections bactériennes et fongiques</a> ;</p></li>
<li><p>créer une barrière à l’expulsion naturelle du cérumen, ce qui finit par stimuler les glandes sécrétrices et augmenter la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4311346/">production de cérumen</a> ;</p></li>
<li><p>réduire l’hygiène générale de l’oreille. C’est encore amplifié si les coussinets des oreillettes ne sont pas nettoyés correctement ou s’ils sont <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8335768/">contaminés</a> par des bactéries ou des agents infectieux ;</p></li>
<li><p>endommager votre <a href="https://www.abc.net.au/news/2018-06-06/headphones-could-be-causing-permanent-hearing-damage/9826294">ouïe</a> si le volume est réglé trop haut.</p></li>
</ul>
<p>Si le cérumen s’accumule trop, cela peut donc provoquer des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4356173/">problèmes d’audition</a> ainsi que d’autres symptômes tels que des douleurs, des étourdissements, des acouphènes, des démangeaisons et des vertiges.</p>
<p>Aussi, si vous devez conserver vos oreillettes pendant une longue période, l’utilisation d’écouteurs supra-auriculaires, ou casques portés sur les oreilles, peut être préférable. Ils permettent le passage d’un petit <a href="https://www.wellandgood.com/do-headphones-increase-ear-wax/">flux d’air supplémentaire</a> par rapport aux écouteurs intra-auriculaires et oreillettes classiques.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une adolescente porte son casque autour du cou" src="https://images.theconversation.com/files/426448/original/file-20211014-25-9sn2o9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/426448/original/file-20211014-25-9sn2o9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/426448/original/file-20211014-25-9sn2o9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/426448/original/file-20211014-25-9sn2o9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/426448/original/file-20211014-25-9sn2o9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/426448/original/file-20211014-25-9sn2o9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/426448/original/file-20211014-25-9sn2o9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les casques sont moins problématiques que les oreillettes intra-auriculaires. Mais ils doivent aussi être enlevés régulièrement… et nettoyés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Burst/Pexels</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Comme ils se situent à l’extérieur du conduit auditif, les casques sont également moins susceptibles de provoquer un compactage du cérumen ou d’introduire des bactéries ou des agents pathogènes dans le conduit auditif.</p>
<p>Malgré cela, ce n’est pas idéal et une accumulation de cérumen peut toujours se produire.</p>
<h2>« Rien de plus petit que votre coude »</h2>
<p>Dans la plupart des cas, la meilleure façon de gérer le cérumen est de… <a href="https://www.scientificamerican.com/article/the-dangers-of-excessive-earwax/">ne rien faire</a>. Il est déconseillé d’utiliser trop fréquemment des cotons-tiges, car cela risque de le refouler dans le conduit auditif. Le <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK2333/">conseil de longue date</a> est de ne rien mettre de plus petit que votre coude dans votre oreille – en d’autres termes, n’y mettez rien !</p>
<p>Certaines méthodes dites traditionnelles, comme les gouttes d’huile d’olive ou les bougies auriculaires, peuvent également avoir des effets indésirables et ne sont pas utiles.</p>
<p>Si vous avez des problèmes de cérumen ou d’audition, votre médecin disposera d’une série d’options de traitement pour vous aider. Il pourra également vous orienter vers le service de santé adéquat si cela nécessite une prise en charge à plus long terme. Dans un premier temps, il examinera votre oreille à l’aide d’un instrument spécial (otoscope) et déterminera l’étendue de l’éventuel blocage ou <a href="https://www.mayoclinic.org/diseases-conditions/earwax-blockage/diagnosis-treatment/drc-20353007">dysfonctionnement</a>.</p>
<p>Quoiqu’il en soit, l’oreille a un merveilleux processus d’autonettoyage et nous devons faire de notre mieux pour laisser ce processus se dérouler naturellement. Dans la plupart des cas, les écouteurs ne posent pas de problème, mais pensez à surveiller le temps que vous passez à les porter. Et veillez à toujours maintenir le volume à un niveau sûr…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/169787/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Pourquoi s’embêter à enlever ses écouteurs, surtout maintenant qu’ils sont sans fil ? Tout simplement parce qu’ils empêchent la bonne aération du conduit auditif, ce qui n’est pas sans risque…Charlotte Phelps, PhD Student, Bond UniversityChristian Moro, Associate Professor of Science & Medicine, Bond UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1575422021-03-24T19:31:06Z2021-03-24T19:31:06ZSteve Jobs, Christian Dior… À la rencontre des fantômes qui hantent les entreprises<p>En 2011, le monde apprend le décès de l’iconique Steve Jobs. Il laisse derrière lui un véritable empire, fortement marqué de son empreinte. La maladie l’avait contraint à se retirer progressivement de l’entreprise, mais son influence restait extrêmement forte et son absence palpable. Trois ans plus tard, en 2014, Yukari Kane publiait un livre sur Apple intitulé <a href="http://www.harperbusiness.com/book/9780062128256/Haunted-Empire-Yukari-Iwatani-Kane/">« L’empire hanté »</a>. Selon cette ancienne journaliste du <em>Wall Street Journal</em>, la figure du fondateur était encore omniprésente dans l’entreprise.</p>
<p>Tim Cook, l’actuel et très rationnel PDG, <a href="https://www.wired.com/story/apple-infinite-loop-oral-history/">déclarait en 2018</a> à un journaliste de <em>Wired</em> qu’il lui était impossible de s’installer dans le bureau de Jobs après sa mort. Personne d’autre ne s’y serait d’ailleurs tenté. Aujourd’hui encore, le bureau est intact : fauteuils, bibliothèque, tableau blanc annoté.</p>
<p>Le PDG d’Apple témoignait :</p>
<blockquote>
<p>« On peut encore y sentir sa présence […] des gens vont au cimetière pour penser à quelqu’un […] moi je vais dans son bureau. »</p>
</blockquote>
<p>Tim Cook révèle ici un penchant étonnement mystique et soulève notre interrogation : Comment l’influence d’un défunt peut-elle se traduire dans une entreprise ? Et plus généralement, quels effets concrets un acteur absent peut-il avoir sur une organisation ? Ce sont les questions auxquelles nous avons cherché à répondre dans un <a href="https://rfg.revuesonline.com/articles/lvrfg/abs/2019/06/rfg00358/rfg00358.html">article</a> académique publié dans la <em>Revue française de gestion</em>.</p>
<h2>Les fantômes existent</h2>
<p>Pour répondre à ces interrogations, il faut commencer par faire un pas de côté par rapport aux approches très rationnelles des organisations. Car le cas d’Apple n’a rien d’exceptionnel et nous connaissons tous ces situations où une personne absente conserve une influence sur le quotidien d’une entreprise. Nous en sommes donc arrivés à un premier constat quelque peu contre-intuitif : les fantômes existent et peuplent bel et bien les organisations.</p>
<p>Naturellement, nous ne parlons pas ici des formes flottantes et translucides, couvertes d’un drap blanc. Ce que nous appelons fantômes organisationnels correspond aux acteurs et figures qui, bien que physiquement absents, ont des manifestations et des impacts concrets sur la vie des organisations. Ce faisant, nous nous inscrivons dans un courant en sciences sociales de plus en plus important ces vingt dernières années : le <a href="https://www.bloomsbury.com/us/the-spectralities-reader-9781441138606/">tournant spectral</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/uksE9lJHH7I?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Tim Cook à propos de Steve Jobs : « son bureau est resté comme il était » (Bloomberg, 2014).</span></figcaption>
</figure>
<p>Reconnaissons donc que nos vies quotidiennes, organisationnelles comme sociales, ne sont pas limitées à des interactions et collaborations matérielles, entre acteurs physiquement présents. Le passé et l’histoire, les nôtres comme ceux de notre entreprise, restent souvent présents, voire obsédants, dans notre quotidien. Il arrive ainsi qu’un acteur organisationnel se manifeste justement par son absence : un bureau vide, une anecdote chuchotée… comme un fantôme qui hanterait les couloirs de l’organisation.</p>
<p>Nous avons identifié deux principaux types de fantômes dans les sciences sociales : les revenants épistémiques et de spectres éthiques.</p>
<h2>Les deux types de fantômes</h2>
<p>Les psychanalystes ont très tôt été confrontés à des patients hantés par des fantômes qui revenaient sans cesse. Dans leur très bel ouvrage publié en 1987, <a href="https://editions.flammarion.com/l-ecorce-et-le-noyau/9782082125055"><em>L’écorce et le noyau</em></a>, Nicolas Abraham et Maria Torok ont appelé fantôme « ce travail dans l’inconscient du secret inavouable d’un autre ».</p>
<p>En psychanalyse, on parlera donc de revenant, une figure étrangère qui revient sans cesse et qui est porteuse d’un secret. Et pour s’en soigner, il faudra réussir à accueillir ce dernier, le faire sortir de sa crypte : le dé-crypter. Accepter sa révélation permet alors « l’éjection de ce bizarre corps étranger ». Puisqu’il faut convertir son secret en connaissance, nous disons que le revenant est épistémique.</p>
<p>La seconde figure vient de celui qui domine très largement le tournant spectral aujourd’hui : le philosophe français Jacques Derrida. Dans son ouvrage <a href="http://www.editions-galilee.com/f/index.php?sp=liv&livre_id=2777"><em>Spectres de Marx</em></a>, publié en 1993, Derrida réfute l’idée du fantôme comme objet épistémique :</p>
<blockquote>
<p>« C’est quelque chose qu’on ne sait pas, justement, et on ne sait pas si précisément cela est, si ça existe […]. On ne le sait pas : non par ignorance mais parce que ce non-objet […] ne relève pas du savoir. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/390665/original/file-20210319-17-177gqqt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/390665/original/file-20210319-17-177gqqt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/390665/original/file-20210319-17-177gqqt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=604&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/390665/original/file-20210319-17-177gqqt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=604&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/390665/original/file-20210319-17-177gqqt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=604&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/390665/original/file-20210319-17-177gqqt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=759&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/390665/original/file-20210319-17-177gqqt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=759&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/390665/original/file-20210319-17-177gqqt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=759&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Jacques Derrida, philosophe français (1930-2004).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/bswise_/30424947804">Bswise/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>À la place, il propose une éthique du spectre dont la rencontre nous lierait à nos valeurs et notre histoire, mais également aux autres. Il faut alors saluer et recevoir les rencontres spectrales, « se laisser habiter en son dedans, c’est-à-dire hanter par un hôte étranger ». Il ne s’agit donc surtout pas de chasser les revenants, mais bien d’accueillir la figure ambiguë et dérangeante du spectre.</p>
<p>Pas de mystique shakespearienne donc, pas de revenant du roi Hamlet, ni de spectre de Banquo, ni surtout de draps qui flottent ou d’esprits qui frappent. Plus modestement, nous cherchons ici à mieux rendre compte des effets concrets de ces grands absents qui hantent encore leurs entreprises. Les concepts de revenants épistémiques et de spectres éthiques sont là pour nous aider à mieux saisir ce que l’on observe et ressent dans le quotidien des organisations – c’est-à-dire une grille de lecture.</p>
<h2>Le spectre de Christian Dior</h2>
<p>Si l’on observe par exemple le cas de la <a href="https://rfg.revuesonline.com/articles/lvrfg/abs/2019/06/rfg00358/rfg00358.html">maison de couture Dior</a>, on se rend compte que les locaux de l’entreprise sont constamment hantés – à l’instar de ceux d’Apple avec Steve Jobs.</p>
<p>Le documentaire <em>Dior et Moi</em> de Frédéric Tcheng sorti en 2015, permet d’apercevoir ces figures en suivant les employés qui parlent, par exemple, régulièrement de Christian Dior. Son fantôme y est souvent inspirant et amusant, mais il peut aussi se faire parfois écrasant. Ainsi on assiste à une scène, un soir de préparation du défilé, où les couturières l’appellent affectueusement « Cricri » avant d’éclater de rire – tout en se demandant ce qu’il aurait pensé de la collection qu’elles préparent.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Gktgp0TUwTc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bande annonce du film <em>Dior et moi</em> réalisé par Frédéric Tcheng (2015).</span></figcaption>
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<p>À un autre moment, on assiste au désarroi de Raf Simons, alors nouveau directeur artistique, devant le poids que l’héritage d’une telle figure constitue – au point qu’il arrête de lire l’autobiographie du créateur tant il l’obsède. Ici le spectre de Christian Dior se rappelle à Raf Simons, l’influençant dans son travail de création en cours et à venir.</p>
<p>À d’autres moments, la même figure de Christian Dior est teintée de traditions, voire de conservatisme, et apparaît alors comme un revenant incarnant le passé de la maison et influençant les choix esthétiques des créateurs, presque 60 ans après sa mort !</p>
<p>Mais la maison n’est pas uniquement hantée par Christian Dior… le documentaire déroule ainsi les anecdotes autour des différents fantômes, jusqu’aux figures plus discrètes, mais aussi plus traumatiques. Tout le monde dans l’entreprise se rappelle du scandale des <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2011/04/15/john-galliano-ecarte-de-la-marque-a-son-nom_1508568_3224.html">déclarations xénophobes</a> de John Galliano… pourtant les propos à son sujet sont déguisés et indirects, à la limite parfois chuchotés, étouffés, mais jamais soutenus à voix haute.</p>
<h2>Appréhender la présence des absents</h2>
<p>Au-delà de ces quelques anecdotes sur Dior, quiconque prenant le temps d’y réfléchir sera capable de trouver des équivalences fantomatiques dans son entreprise. À la manière du petit garçon du film <em>Le Sixième Sens</em> qui est capable de voir les morts (le fameux « I see dead people », « je vois des personnes décédées »), nous souhaitons ici encourager les théoriciens et praticiens des organisations à appréhender la présence et l’influence des absents.</p>
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<figcaption><span class="caption">« À la rencontre des fantômes organisationnels qui hantent les entreprises » (FNEGE, 2020).</span></figcaption>
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<p>Mieux saisir les figures fantomatiques demande de les accueillir pour mieux les rencontrer, d’arriver à leur répondre ou à s’en défaire. Il s’agira donc surtout de ne pas les ignorer, de ne pas nier leur présence, car on se priverait alors de leur source d’inspiration, des défis qu’ils nous lancent, et de l’ancrage qu’ils permettent dans l’histoire et la culture de l’organisation. Être hanté par Christian Dior, c’est finalement un signe que l’on fait alors réellement partie de la maison…</p>
<p>La philosophe Gayatari Spivak parlait d’apprendre à danser avec les fantômes en décrivant le rituel amérindien de <em>ghostdance</em>, par lequel les membres d’une tribu tentent d’entrer en relation avec leur histoire et leurs ancêtres via un rituel dansé. Dans cette veine, nous affirmons que chaque pratique, chaque décision dans une organisation peut constituer une forme potentielle de convocation des fantômes, et donc une occasion de s’inscrire dans son histoire… pour mieux y laisser sa propre trace.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/157542/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>À l’instar du défunt PDG d’Apple Steve Jobs, il existe plusieurs cas de personnes disparues qui conservent une influence sur le quotidien d’une organisation.Yoann Bazin, Professeur en Ethique des affaires, EM NormandieMargot Leclair, Enseignant-Chercheur, Laboratoire d’économie et de sociologie du travail (LEST), Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1535662021-01-25T18:02:31Z2021-01-25T18:02:31ZCrayons ou claviers : le geste d’écriture change-t-il notre rapport au monde ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/379937/original/file-20210121-19-co13q4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C0%2C1905%2C1261&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La pensée s'articule différemment selon les outils que l'on utilise.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/photos/adult-laptop-computer-human-paper-3052244/">Hagar Lotte Geyer / Pixabay </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Pour commencer, j’inviterai les lectrices et les lecteurs de ces lignes à prendre un stylo et à écrire sur une feuille « que fait la main qui écrit ? », c’est-à-dire à faire l’expérience de l’écriture de manière intentionnelle et consciente du geste.</p>
<p>Il est fort probable, que tout comme les étudiants plus ou moins volontaires à qui je demande de passer au tableau et de faire la même chose lors du premier jour de cours, vous ressentiez une certaine surprise, voire gêne, devant la consigne.</p>
<p>En effet, elle implique un effort physique qu’on fait de moins en moins, et provoque une mise en abyme : on ne se retrouve pas juste en train d’écrire quelque chose, mais quelque chose sur le geste même qu’on est en train d’accomplir. Qui plus est, c’est une question, qui nous force à nous positionner.</p>
<p>Alors, que fait la main qui écrit ? Bien plus qu’écrire, bien entendu.</p>
<p>À l’ère du digital, quand les claviers et stylets remplacent de plus en plus les crayons et stylos, la phénoménologie peut nous aider à nous interroger sur le geste d’écrire. En apparence anodin, il en dit long sur la manière dont on construit notre rapport au monde à travers nos corps. Il suscite une intention qui affirme notre existence et notre présence au monde de manière singulière.</p>
<h2>Conscience incarnée de soi</h2>
<p>Alors que de nombreux débats en neurosciences et en pédagogie pèsent le pour et le contre de l’écriture manuscrite et de l’écriture dactylographique, on s’arrête rarement sur les gestes mêmes. Or, poser la question « que fait la main qui écrit ? » nous y oblige. Car c’est une interrogation d’ordre <a href="https://plato.stanford.edu/entries/phenomenology/">phénoménologique</a>, un courant philosophique né de figures majeures telles que Husserl ou Heidegger, et qui se focalise sur les choses telles qu’elles nous apparaissent, telles que nous en faisons l’expérience.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lire-sur-papier-lire-sur-ecran-en-quoi-est-ce-different-112493">Lire sur papier, lire sur écran : en quoi est-ce différent ?</a>
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<p>Avec mon collègue <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/17465680710757367/full/html">Éric Faÿ</a>, avec qui j’ai approfondi notamment la <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/1350508414558726">phénoménologie de Michel Henry</a>, nous avons pris l’habitude d’ouvrir la première séance de nos cours de philosophie (adressés à des étudiants de grade master d’école de commerce) avec cette question.</p>
<p>En demandant à quelques étudiants de passer au tableau, de choisir un feutre, et d’écrire « Que fait la main qui écrit ? », on leur demande non seulement d’éprouver consciemment le geste en leur chair, mais de diriger leur attention et leur intention vers ce geste. Car, à l’âge adulte, il est trop souvent exécuté de manière mécanique et inconsciente.</p>
<p>Afin de radicaliser encore plus l’expérience, on leur demande souvent de l’écrire une deuxième fois, cette fois-ci de l’autre main, qui aura moins le réflexe et l’habitude de faire le geste. Là, l’effort d’écrire à la main est éprouvé de manière plus saillante. Ensuite, en débriefant leur ressenti durant l’exercice, on fait ressortir le fait que les étudiants étaient vraiment <em>présents au geste</em>, toute leur attention dirigée vers le geste d’écrire, et son pourquoi.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/379941/original/file-20210121-19-m6yvu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/379941/original/file-20210121-19-m6yvu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/379941/original/file-20210121-19-m6yvu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/379941/original/file-20210121-19-m6yvu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/379941/original/file-20210121-19-m6yvu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/379941/original/file-20210121-19-m6yvu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/379941/original/file-20210121-19-m6yvu5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La signature reste un geste personnel qui compte.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/personne-tenant-un-stylo-en-argent-signature-photographes-signature-175045/">Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Les étudiants avaient une conscience de leur être-là, de chacun de leurs mouvements et des réflexions qui traversaient leur esprit. Bref, les étudiants avaient pratiqué sans le savoir <a href="https://plato.stanford.edu/entries/husserl/#EpoPerNoeHylTimConPheRed">l’epoché, ou la suspension</a>, la mise entre parenthèses dont parle Husserl, aussi appelée réduction phénoménologique, c’est-à-dire la méthode qui nous permet une autre présence au monde.</p>
<p>Mais au-delà du côté provocateur de l’exercice, que nous apporte une réflexion phénoménologique sur le fait d’écrire à la main ? Elle a deux grands avantages.</p>
<ul>
<li><p>Tout d’abord, cette approche n’enferme pas l’écriture manuscrite dans une logique binaire d’opposition et donc nous permet de la penser indépendamment de son corollaire dactylographique. On peut ainsi considérer le fait d’écrire à la main en et pour lui-même.</p></li>
<li><p>Ensuite, considérer l’écriture à la main comme phénomène à part entière nous permet de le considérer au-delà de ses implications purement neurocognitives et de prêter attention à ses dimensions anthropologiques et existentielles profondes, souvent négligées voire oubliées.</p></li>
</ul>
<h2>Affirmer une présence</h2>
<p>Lorsqu’on écrit à la main, ce n’est pas que pour dire quelque chose, mais pour affirmer notre existence. C’est une façon de fixer sa présence, de se dire par l’écriture. Y compris d’un point de vue légal, il y a des documents qui ne peuvent être signés électroniquement : on doit les imprimer et les signer à la main pour qu’ils soient considérés officiels et légitimes.</p>
<p>Sans aller jusqu’aux excès d’une <a href="https://www.persee.fr/doc/psy_0003-5033_1903_num_10_1_3547">interprétation graphologique</a>, notre écriture manuscrite nous révèle d’une certaine manière : choix de la couleur de l’encre, soin prêté à la graphie en termes de lisibilité, une certaine dimension esthétique dans le fait d’avoir une plus ou moins « belle » écriture.</p>
<p>Et elle nous range dans la catégorie des droitiers ou des gauchers, qui est loin d’être neutre en termes cognitifs et culturels et, à ce jour, les gauchers rencontrent toujours des discriminations, y compris en termes de matériel disponible adapté comme des ciseaux, ou des bancs d’école avec tablette d’appui latérale intégrée, uniquement du côté droit).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1324350909355302912"}"></div></p>
<p>Derrière des actes considérés comme du vandalisme, telle est aussi la raison d’être existentielle des graffitis et des prénoms marqués sur les murs, sur les troncs d’arbre ou sur les bancs de l’école. Échos contemporains des <a href="https://www.futura-sciences.com/sciences/dossiers/prehistoire-art-prehistorique-prehistoire-peintures-2301/page/4/">dessins de mains</a> sur les grottes préhistoriques – antichambre de l’écriture et de l’Histoire – on grave notre présence accompagnée ou non d’une intention au monde via un message de type sentimental (par exemple « Julien aime Sophie »), idéologique (par exemple un logo anarchiste), provocateur (avec une insulte), ou créatif (dessin ou poésie dans un moment d’évasion ou d’ennui).</p>
<p>Une table d’écolier garde ainsi une trace manuscrite des élèves qui l’ont occupée de par le passé, elle reste le témoin matériel et silencieux des générations qui se sont succédé. La graver de ses mains est une manière de se l’approprier, de ne pas la laisser comme objet anonyme ou simple outil d’appui en classe, mais comme une matérialité où nous sommes nous-mêmes.</p>
<p>Cette affirmation de notre existence est soulignée par la corporalité qu’implique le geste manuscrit. L’effort qui « fait mal » pour gratter une surface qui nous résiste plus ou moins selon le matériau. L’encre qui nous tache les ongles. La pince qui nous façonne des callosités sur le doigt majeur avec le temps, gardant ainsi une trace corporelle de nos vies et de nos habitudes d’écriture, tout comme les mains du ferronnier ou du pianiste développent aussi des formes particulières.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/379938/original/file-20210121-15-18jmdgb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/379938/original/file-20210121-15-18jmdgb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=223&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/379938/original/file-20210121-15-18jmdgb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=223&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/379938/original/file-20210121-15-18jmdgb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=223&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/379938/original/file-20210121-15-18jmdgb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=281&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/379938/original/file-20210121-15-18jmdgb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=281&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/379938/original/file-20210121-15-18jmdgb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=281&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le graffiti comme moyen de graver une présence ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">Si vonSasson/Pixabay</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Dans <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1350508420956321">certains de mes travaux</a>, je me joins aux appels grandissants à un retour à une écriture incarnée y compris dans des textes scientifiques, ayant trop sacrifié à une prétendue objectivité de la science devant passer par une écriture désincarnée, plate et stérile où l’on oublie le rôle des corps et en particulier des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/gwao.12584?af=R">doigts dans une écriture où l’auteur doit s’effacer</a>.</p>
<h2>Outils et apprentissages</h2>
<p>Ce n’est pas uniquement ce qu’on écrit, mais la manière dont on écrit qui importe. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16390289/">Manuscrite ou non</a>, (et d’ailleurs, cursive ou script a aussi des impacts) l’écriture a toujours recours à un outil pour s’imprimer sur une surface. Mais le rapport corporel à l’écriture et au monde change selon l’outil. Et notre apprentissage aussi puisque le cerveau est sollicité différemment.</p>
<p>La scolarisation massive à domicile durant les <a href="https://en.unesco.org/covid19/educationresponse">périodes de confinement liées à la pandémie Covid-19</a> ont accentué le <a href="https://theconversation.com/the-pen-is-mightier-than-the-sword-but-the-computer-is-mightier-than-both-37211">rôle déjà très influent</a> des claviers et écrans dans l’éducation, et ce à tous les niveaux. Plus que jamais, <a href="https://theconversation.com/teaching-cursive-handwriting-is-an-outdated-waste-of-time-35368">ceux qui sont attachés à l’écriture manuscrite</a> passent pour des ringards, inadaptés aux changements du monde contemporain.</p>
<p>Or, n’oublions pas que les bénéfices en <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0956797614524581">termes d’apprentissage</a>, de <a href="https://books.openedition.org/pressesenssib/1958?lang=fr">mémorisation</a> par le <a href="https://lelephant-larevue.fr/thematiques/erreurs-nombreuses-ecriture-manuscrite/">geste d’écrire (sensorimotrice</a>) et de <a href="https://www.eecs.yorku.ca/course_archive/2015-16/F/2011/laptop%20in%20classroom%20article.pdf">compréhension (en évitant la tentation du multitasking sur ordinateur par exemple)</a> sont reconnus dans le cas de l’écriture manuscrite.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1258002066162757633"}"></div></p>
<p>Malgré leurs réticences devant l’interdiction des ordinateurs dans mes cours, dans mes évaluations (anonymes) en fin de semestre je retrouve souvent des remerciements d’étudiants : « on ne l’aurait pas fait de nous-mêmes, la tentation est trop grande, mais merci d’avoir interdit les ordinateurs ! ». On gagne peut-être du temps (pourvu qu’on sache taper vite) mais on retient moins…</p>
<p>Autre différence cruciale : effacer est nettement plus facile sur un document de traitement de texte, type Word. Plus besoin de sortir le blanc correcteur ou la gomme qui laisseront inévitablement des traces sur la feuille, des tâches dont la saleté témoigne des irrégularités mais aussi des cheminements de la pensée.</p>
<p>L’effort de potentiellement devoir recommencer nous oblige à peser autrement nos mots en les écrivant à la main. Il y aurait donc une vertu liée aux difficultés d’effacer l’écriture manuscrite, et qui serait perdue avec la facilité d’effacer sur écran, car encourageant d’une certaine manière une pensée plus volatile, inconséquente, courte et « tweeteable », et balayable d’un simple clic.</p>
<p>Inversement, annoter et souligner un passage dans un texte, est nettement plus facile et rapide avec un crayon. Ce sont des actions qui restent possibles sur écran, mais nécessitant beaucoup plus de temps et de clics, ce qui fait perdre le fil de la lecture. Donc, même lire, est différent qu’on le fasse avec un crayon à la main ou avec un stylet ou souris.</p>
<p>Le <a href="https://www.researchgate.net/publication/326233043_Quand_le_stylo_resiste_au_clavier_Editorial">stylo/crayon reste d’ailleurs si influent</a>, que certaines innovations technologiques sont tentées de reproduire la sensation d’écrire à la main sur une tablette (par exemple, <a href="https://www.igen.fr/ipad/2017/05/paperlike-pour-ipad-pro-presque-comme-du-papier-sous-lapple-pencil-99719">PaperLike, pour iPad</a>) avec des stylets et des films toujours plus perfectionnés (et plus chers).</p>
<p>La pensée s’articule différemment de par la possibilité d’écrire de ses mains. Les linguistes ne cessent de nous rappeler le <a href="https://www.hup.harvard.edu/catalog.php?isbn=9780674237810">lien très fort</a> entre des éléments de <a href="https://doi.org/10.1177%2F0170840621989214">nos corps et nos capacités cognitives, comme entre nos doigts et notre système de numération décimale, bien avant l’ère <em>digit</em>-ale</a>.</p>
<p>Penser l’écriture à la main en tant que telle est au cœur des aspects négligés dans les méta-recherches sur l’écriture – qu’elle soit littéraire ou scientifique – plus focalisées sur le résultat, sur le contenu qui est écrit à propos de l’écriture, que sur l’acte et la manière d’écrire en soi. Mais la pensée est au bout de la langue <a href="https://www.researchgate.net/publication/348575823_Je_est_un_homme_Reflexions_sur_le_francais_l%E2%80%99indicible_femme_et_la_quete_d%E2%80%99une_ecriture_nue">comme au bout des doigts</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/153566/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mar Pérezts ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Qu’on soit droitier ou gaucher, en écrivant à la main, on ne transmet pas seulement un message, on marque aussi son existence et son identité. Un geste qui se raréfie à l’ère numérique ?Mar Pérezts, Associate professor, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1466822020-10-06T19:01:40Z2020-10-06T19:01:40ZL’Allemagne et la France face aux applications de traçage : conversation avec Frantz Rowe<p>Nous nous intéressons ici au déploiement des applications de traçage destinées à lutter contre la pandémie de la Covid-19 et aux différentes stratégies adoptées par quelques nations, dont la France et l’Allemagne. Nous abordons cette thématique avec Frantz Rowe l’un des trois auteurs d’une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/0960085X.2020.1803155?scroll=top&needAccess=true">récente étude</a> qui souligne que la stratégie, le pilotage et l’outillage allemands furent <em>in fine</em> plus pertinents que ceux de nombreux pays occidentaux dont la France.</p>
<p><strong>Frantz Rowe, à la suite de votre <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/0960085X.2020.1803155?scroll=top&needAccess=true">publication du 13 septembre dernier</a>, concernant les applications de traçage/contact dans le cadre de la pandémie de Covid-19, pouvez-vous nous rappeler leur fonctionnement et leur but ?</strong></p>
<p>Les applications informatiques qui servent au traçage, comme celles proposées actuellement en lien avec l’épidémie de Covid-19, permettent de repérer, tester et isoler les personnes ayant été en contact avec des personnes étant testées comme positives au virus. Elles peuvent être abordées selon <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0268401220310136?via%3Dihub">trois catégories</a>.</p>
<ul>
<li><p>Celles comme <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/maladies/maladies-infectieuses/coronavirus/tout-savoir-sur-la-covid-19/article/contact-covid-et-si-dep-les-outils-numeriques-du-depistage-covid-19">contact-Covid</a> en France qui permettent de documenter qui a été au contact de qui, et dans ce réseau de contacts, qui a été testé, qui est positif ou non. Les cas positifs nouveaux et leurs contacts récents sont interrogés par des brigades de traçage. Ils sont appelés à s’isoler en attendant le résultat du test et pendant la durée correspondant à celle où ils sont supposés être contaminant s’ils sont positifs. Et l’on remonte ainsi les chaînes ou réseaux de contamination. Les données issues de ces entretiens sont des données confidentielles enregistrées dans ces applications.</p></li>
<li><p>Celles comme <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000041869923/2020-09-24/">SI-DEP</a>, correspondant à des plates-formes sécurisées de dépistage déployées en mai 2020 en France, enregistrent les résultats des laboratoires qui ont effectués des tests RT-PCR afin de vérifier que tous les patients positifs ont bien été pris en charge.</p></li>
<li><p>Celles comme <a href="https://www.economie.gouv.fr/stopcovid">StopCovid</a>, application sur smartphone déployée en juin 2020 en France, permettant de détecter si l’on a croisé quelqu’un qui a été infecté par le virus et qui est donc potentiellement contaminant.</p></li>
</ul>
<p>En pratique, ces applications à dimension médicales sont protégées. Seules les personnes habilitées à consulter, à lire et/ou à modifier leurs fichiers dédiés peuvent le faire. En France elles sont <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/maladies/maladies-infectieuses/coronavirus/tout-savoir-sur-la-covid-19/article/contact-covid-et-si-dep-les-outils-numeriques-du-depistage-covid-19">soumises au secret médical</a>.</p>
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<p><strong>Pourquoi ces applications font-elles débat ?</strong></p>
<p>Les deux premiers types d’applications sont utilisés depuis une dizaine d’années par les administrations et les laboratoires afin de mieux connaître les voies de transmission des virus de personne à personne.</p>
<p>Leur légitimité n’est certes pas contestée si l’on veut en effet que l’État puisse tenter de contrôler la diffusion d’un <a href="https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus/comprendre-la-covid-19">virus dangereux</a> pour la population. En revanche l’application sur smartphone pose de nombreux problèmes, essentiellement parce qu’elle est fondée sur le déclenchement d’une requête lié à la communication de données personnelles en situation de mobilité. Il s’agit de savoir si les autres personnes que l’on vient de croiser dans certaines conditions spatio-temporelles étaient touchées par le virus. Si la contagiosité d’une de ces personnes est avérée alors le porteur du smartphone est prévenu et il peut consentir à être appelé par une brigade pour être éventuellement testé.</p>
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<p>Ces conditions spatio-temporelles – plus d’un quart d’heure à moins d’un mètre – témoignent d’une interaction rapprochée et longue mais seraient beaucoup trop contraignantes. En termes techniques cela signifie que les spécifications renverraient plus à un mode de transmission du virus par grosses gouttelettes (postillons) que <a href="https://www.un.org/fr/coronavirus/articles/risk-confirmed-of-aerial-virus-transmission">par les aérosols qui sont probablement aujourd’hui la voie principale</a> de transmission, le toucher étant le mode de <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-020-02058-1">transmission le moins fréquent</a>.</p>
<p>La solution StopCovid avec ses spécifications restrictives n’est donc pas une panacée. De surcroît, en France, les données servant l’application sont centralisées. Dès lors, leur piratage et leur triangulation éventuelle avec d’autres données de ces mêmes personnes faites courir un <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/05/05/donnees-personnelles-des-malades-du-covid-19-et-de-leurs-contacts-la-cnil-promet-d-etre-vigilante_6038772_4408996.html">risque plus grand aux fichiers correspondants</a>.</p>
<p>Enfin la population devrait porter sur soi un smartphone en situation de mobilité et activer la technologie Bluetooth de façon systématique alors que cette technologie présente des <a href="https://www.lesnumeriques.com/telephone-portable/une-nouvelle-faille-de-securite-touchant-le-bluetooth-a-ete-devoilee-n150563.html">failles de sécurité</a>. Elle n’est ni sûre quant aux données collectées ni fiable quant aux distances qu’elle couvre. En somme pour être prévenu qu’on a croisé quelqu’un qui vient de contracter le virus, on s’expose à voir ses données personnelles exploitées à des fins potentiellement malhonnêtes. Pour couronner le tout – outre la dimension énergivore – on accepte, même durant un temps limité, d’être surveillé et subrepticement on initie une <em>mauvaise habitude.</em></p>
<p><strong>Dans quelle mesure la mobilisation de la philosophie et du concept d’aliénation constitue un angle d’attaque original de cette problématique liée à l’acceptation et l’adoption des technologies ?</strong></p>
<p>Les philosophes nous aident à prendre du recul. Ils mettent en lumière des phénomènes comme la dialectique du maître et de l’esclave développée par Hegel – le maître, passif et oisif, devient peu à peu étranger au monde que transforme l’esclave par son travail puis ne peut que constater l’inversion du rapport de domination – dans son œuvre majeure – <a href="https://www.cairn.info/revue-archives-de-philosophie-2007-3-page-455.htm"><em>la Phénoménologie de l’esprit</em></a>.</p>
<p>Ceci nous permet de penser le risque que peut présenter la transformation digitale et notamment l’intelligence artificielle vis-à-vis de <a href="https://doi.org/10.1080/0960085X.2018.1471789">nos valeurs républicaines</a> notamment les libertés d’aller et de venir, le droit à l’oubli, la non-discrimination et l’égalité.</p>
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<img alt="Conversation avec Frantz Rowe à l’IAE de Nantes" src="https://images.theconversation.com/files/359758/original/file-20200924-16-kidf87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/359758/original/file-20200924-16-kidf87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/359758/original/file-20200924-16-kidf87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/359758/original/file-20200924-16-kidf87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/359758/original/file-20200924-16-kidf87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/359758/original/file-20200924-16-kidf87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/359758/original/file-20200924-16-kidf87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Rowe Bidan, Nantes (septembre 2019).</span>
<span class="attribution"><span class="source">rowe_bidan</span></span>
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<p>Dans la spécialité et le corpus théorique des <em>systèmes d’information</em> un courant récent s’attaque à la face sombre des technologies (« dark side of IT ») notamment les <a href="https://doi.org/10.17705/1CAIS.03505">travaux de John D’Arcy et de ses collègues</a>. Ils montrent combien la technologie (assistant vocal, caméra de surveillance, progiciel de gestion intégré, réseau social, etc.) peut être aisément détournée de sa fonction ou de son usage premier et, parfois, devenir un outil de surveillance et de contrôle intrusif, coercitif et invasif !</p>
<p>Ces travaux soulèvent également des problématiques particulières liées par exemple à <a href="https://doi.org/10.1016/j.ijinfomgt.2020.102134">l’addiction au smartphone</a> chez les jeunes générations et de fortes différences de pratiques selon leur sexe. D’autre part ces recherches questionnent le point de vue épistémologique et la nature de la connaissance en lien avec la matérialité – dans sa dimension physique et technique – du smartphone.</p>
<p>Ainsi, comme notre collègue <a href="https://www.ryerson.ca/iitm/people/director-ojelanki-ngwenyama/">Ojelanki Ngwenyama</a>, membre de l’Académie des Sciences d’Afrique du Sud et Professeur à l’Université de Toronto, nous a aidé à le souligner, l’aliénation chez Hégel est fondamentalement reliée à une fausse conscience du réel, elle questionne notre rapport à la nature et à nous-mêmes.</p>
<p>L’épidémie de Covid-19 et les pratiques qui en découlent nous poussent donc à questionner ce concept d’aliénation, qui dans ce cadre renvoie aussi bien à la connaissance, à l’architecture et à la mise en œuvre des technologies, qu’à la confiance envers les institutions et l’exécutif.</p>
<p><strong>Pourquoi le cas de la France vis-à-vis de l’Allemagne est emblématique des échecs et réussites de ces déploiements technologiques faisant face à une même menace et à un même objectif a priori ?</strong></p>
<p>Avec notre collègue et co-auteur <a href="https://www.iae-paris.com/fr/enseignants/annuaires/jean-loup-richet">Jean‑Loup Richet</a> nous avons établi une comparaison internationale à la suite <a href="https://doi.org/10.1080/0960085X.2020.1803155">d’investigations sur 10 pays</a>. Après mise en perspective, nous montrons que l’Allemagne a su éviter certaines erreurs commises par la France en termes de communication politique, de choix de design de l’application et de mise en œuvre du dispositif.</p>
<p>L’Allemagne a fait, elle, un <a href="https://doi.org/10.1016/j.ijinfomgt.2020.102181">choix d’architecture décentralisée</a> avec grosso modo des données qui restent stockées sur le smartphone de l’utilisateur de l’application et ne s’envolent pas sur un serveur centralisé distant. De plus, outre Rhin, l’application a été développée de façon plus transparente – le code était ouvert – et avec le concours de nombreux développeurs externes qui ont travaillé collégialement.</p>
<p><strong>Comment expliquez-vous que l’Europe face à un tel sujet transfrontalier n’ait pas (encore) réussit à proposer un outil commun ?</strong></p>
<p>Chaque gouvernement a voulu montrer qu’il agissait et gardait la main en situation de crise. Ces situations sont aussi l’occasion de redorer le blason de la nation. Pour agir et vite la France a fait le <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/04/28/application-stopcovid-la-france-isolee-dans-son-bras-de-fer-avec-apple-et-google_6038015_4408996.html">choix de développer une solution souveraine</a>.</p>
<p>Il s’agissait aussi de montrer notre (relative !) indépendance <a href="https://theconversation.com/la-taxe-gafa-une-bien-timide-reponse-a-la-toute-puissance-de-ces-multinationales-pas-comme-les-autres-116537">face aux puissants GAFA</a> et de faire briller nos (réelles) compétences technologiques sur un sujet touchant le bien commun. L’idée centrale – et louable – est aussi d’échapper à toute monétisation des données.</p>
<p>Malheureusement, reconnaissant qu’il y avait problème tant du point de vue de la rapidité du développement que de l’efficacité en termes d’inter-operabilité internationale – c’est-à-dire faire communiquer les applications entre elles – les Britanniques <a href="https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/le-royaume-uni-prefere-finalement-la-solution-d-apple-et-google-pour-son-application-de-tracage-20200619">ont fini par accepter la solution développée par Google et Apple</a>.</p>
<p>L’Europe, l’Allemagne en tête, a proposé une solution interopérable à laquelle se sont rangés les Anglais et d’autres nations. L’Europe <a href="https://www.frenchweb.fr/face-a-la-propagation-du-covid-19-lue-teste-linteroperabilite-entre-les-applications-de-tracage/404599">plaide ainsi pour l’interopérabilité de toutes ces applications</a> et propose un système « passerelle » face à un virus qui ignore les frontières. La logique voudrait que la France rende également sa solution interopérable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/146682/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Bidan est membre et ancien président de l'association information et management (AIM)</span></em></p>Cet entretien s’intéresse aux applications de traçage destinées à lutter contre la Covid-19 et compare les différentes stratégies adoptées notamment par la France et l’Allemagne.Marc Bidan, Professeur des Universités - Management des systèmes d’information - Polytech Nantes, Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1451102020-10-01T18:53:04Z2020-10-01T18:53:04ZFortnite contre la « taxe Apple » : un combat épique dans un écosystème pas si vertueux<p>Depuis le lancement en 2017 de son jeu vidéo Fortnite, l’éditeur Epic Games n’a eu de cesse de bousculer l’industrie du jeu vidéo. Sa <a href="https://www.wired.com/story/epic-games-sues-apple-fortnite-app-store/">passe d’armes actuelle avec Apple</a>, et dans une moindre mesure Google, autour du bannissement de Fortnite de l’Apple Store et du Google Play Store constitue une nouvelle étape dans cette sorte de <a href="http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=28615.html">« battle royale »</a> entre géants du numérique.</p>
<p>Une bataille qui se joue aujourd’hui devant les tribunaux : les auditions des deux parties ont débuté le 28 septembre dernier pour un verdict très attendu, tant il pourrait <a href="https://www.economist.com/business/2020/09/29/the-epic-apple-courtroom-battle-commences">redéfinir les règles</a> sur les plates-formes de téléchargement d’applications.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1311070383618043904"}"></div></p>
<p>Mais comme dans les jeux vidéo du même type, un seul acteur sortira-t-il vainqueur de cet affrontement, ou celui-ci aboutira-t-il au contraire à un compromis dont chacun bénéficiera ?</p>
<h2>La fabuleuse croissance de Fortnite</h2>
<p>Fortnite propose plusieurs modes de jeu et fonctionne sur un rythme de saisons de 10 à 12 semaines chacune. Le mode le plus populaire « Fornite Battle Royale » réunit jusqu’à 100 joueurs par partie et permet de s’affronter individuellement ou en équipes, en combinant des techniques offensives (tir) et défensives (construction), et dont le vainqueur est le seul survivant (principe dit de la battle royale).</p>
<p>S’il n’a pas inventé ce style, Fortnite en est devenu en peu de temps l’incarnation la plus connue, auquel des jeux aussi traditionnels que Tetris (<a href="https://www.jeuxvideo.com/jeux/switch/jeu-1001771/">Tetris 99</a>) ou Mario (<a href="https://www.pesesurstart.com/2020/09/03/super-mario-bros-35-est-le-battle-royale-de-mario-auquel-on-ne-sattendait-pas">Super Mario Bros. 35</a>) ont succombé de manière inattendue.</p>
<p>Bien que rentrant dans la catégorie des jeux <em>free-to-play</em> (jouables gratuitement), Fortnite propose aux joueurs des achats (microtransactions aussi appelées achats <em>in-app</em>) portant essentiellement sur des équipements permettant aux joueurs de personnaliser leur avatar.</p>
<p>La qualité du jeu et ce modèle économique ont permis à Fortnite d’atteindre les 125 millions de joueurs et 1,2 milliard de dollars de revenus <a href="https://www.investopedia.com/tech/how-does-fortnite-make-money/">dans les 10 mois</a> qui ont suivi sa mise sur le marché. Ces revenus ont ensuite explosé lorsque le jeu apparut sur iOS en avril 2018, les <a href="https://sensortower.com/blog/fortnite-mobile-first-month">joueurs y dépensant quotidiennement environ 1 million de dollars</a> durant les premiers mois de sa disponibilité.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/cours-bambi-comment-le-phenomene-fortnite-bouscule-lindustrie-du-jeu-video-103630">« Cours, Bambi » : comment le phénomène Fortnite bouscule l’industrie du jeu vidéo</a>
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<p>Cette croissance est restée très soutenue ensuite, Fortnite comptant maintenant aux alentours de <a href="https://www.statista.com/statistics/746230/fortnite-players/">350 millions de joueurs</a> qui s’affrontent à travers toutes les plates-formes sur lesquelles le jeu est disponible (PC, mobiles, consoles). Son chiffre d’affaires, en revanche, <a href="https://variety.com/2020/digital/news/fortnite-top-earning-game-2019-1203455069/">n’a pas suivi la même croissance</a>, passant de 2,4 milliards de dollars en 2018 à 1,8 en 2019 (- 25 %). L’année 2020 devrait toutefois permettre de renouer avec la croissance, les confinements de dizaines de pays dus à la pandémie de la Covid-19 ayant largement <a href="https://www.usine-digitale.fr/editorial/epic-games-devrait-etre-valorise-a-17-milliards-de-dollars-grace-a-une-nouvelle-levee-de-fonds.N976301">profité aux jeux vidéo</a>.</p>
<h2>Fortnite, du jeu vidéo au Métavers</h2>
<p>Face à cette baisse de revenus, Epic a tout d’abord entrepris de renouveler l’attrait de sa plate-forme en y organisant des événements virtuels exceptionnels. Ainsi, alors que les concerts et festivals de musique étaient annulés à travers le monde du fait de la pandémie, Fortnite accueillit, entre le 23 et le 25 avril, cinq concerts virtuels du rappeur Travis Scott qui réunirent au total <a href="http://generations.fr/news/culture-et-societe/53764/travis-scott-les-chiffres-fous-de-son-passage-sur-fortnite">plus de 27,7 millions de personnes</a> (le premier concert ayant à lui seul attiré près de 12,3 millions de personnes). Conséquence : Epic a annoncé début septembre 2020 une <a href="https://www.theverge.com/2020/9/8/21423004/fortnite-party-royale-concert-series-dominic-fike">série de concerts</a>, avec l’espoir de faire de Fortnite un « tour stop » pour les artistes.</p>
<p>Outre la musique, Fortnite ouvre aussi la porte au cinéma. La bande annonce de <em>Tenet</em>, dernier film de Christopher Nolan présenté comme le <a href="https://www.marianne.net/culture/tenet-christopher-nolan-est-il-vraiment-le-sauveur-des-salles-de-cinema">sauveur des salles de cinéma</a>, y a également été diffusée en pleine pandémie. Et le 26 juin 2020, les joueurs de Fortnite ont pu <a href="https://www.presse-citron.net/fortnite-un-evenement-cinema-avec-trois-films-de-christopher-nolan-diffuses-en-integralite/">voir en intégralité des films de Christopher Nolan</a> (Batman Begins, Le Prestige ou Inception selon les zones géographiques).</p>
<p>À travers ses évolutions, Fortnite s’éloigne progressivement du statut de simple jeu vidéo pour s’approcher de celui de <a href="https://owdin.live/2020/05/04/la-silicon-valley-se-demene-pour-construire-la-prochaine-version-de-linternet-fortnite-pourrait-etre-le-premier-a-y-parvenir/">métavers</a>, un univers virtuel partagé et « persistant » puisqu’actif et évolutif même en dehors des moments de connexion individuels (sur le modèle de l’Oasis dépeinte par Spielberg dans son film <a href="http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=229831.html"><em>Ready Player One</em></a>).</p>
<p>Mais au-delà de cette transformation qui vise à diversifier et accroître ses revenus, Epic tente aussi en parallèle de maximiser la valeur générée par son jeu phare. Et cela passe, notamment, par une lutte contre ce qu’il appelle la « taxe Apple ».</p>
<h2>La « taxe Apple », pomme de la discorde</h2>
<p>Avec une capitalisation estimée à un <a href="https://www.usine-digitale.fr/editorial/epic-games-devrait-etre-valorise-a-17-milliards-de-dollars-grace-a-une-nouvelle-levee-de-fonds.N976301">peu plus de 17 milliards de dollars</a>, Epic (détenu à 40 % par le chinois Tencent) fait office de David face au Goliath Apple qui en <a href="https://www.zonebourse.com/cours/action/APPLE-INC-4849/">pèse près de 2 000</a>. Ce rapport déséquilibré ne l’a pourtant pas empêché de se lancer dans une confrontation directe avec la firme de Cupertino.</p>
<p>Être présent sur l’Apple Store du géant américain implique en effet de se soumettre à des règles drastiques, dont la plus critiquée est certainement ce que d’aucuns qualifient de « taxe Apple ». Il s’agit en réalité d’une commission de 30 % (potentiellement réduite à 15 % dès la deuxième année) qu’Apple prélève sur le chiffre d’affaires de toute application présente sur son store, qu’il soit issu d’abonnements ou de microtransactions.</p>
<p>Apple justifie ce prélèvement par la visibilité offerte par son store et un <a href="https://www.igen.fr/ios/2020/09/ios-14-les-developpeurs-ont-un-nouveau-moyen-pour-lutter-contre-les-apps-piratees-117197">ensemble de services contre le piratage</a> protégeant les développeurs. Ce modèle vaut d’ailleurs pour la majorité des plates-formes de ce type (Google prélève également 30 % via le Google Play Store), même si les pourcentages sont parfois moindres.</p>
<p>Ces 30 % n’en sont pas moins considérés comme abusifs, comme <a href="https://www.igen.fr/app-store/2020/06/apple-menace-de-supprimer-hey-de-lapp-store-pour-une-histoire-dachats-integres">l’explique Heinemeier Hansson</a>, cofondateur de Basecamp et HEY, une application de service de mails :</p>
<blockquote>
<p>« Même dans un million d’années, il n’y a aucune chance que je verse à Apple un tiers de mes revenus, c’est obscène, c’est criminel. »</p>
</blockquote>
<p>Partageant ce constat, Epic s’est érigé en porte-drapeau de la lutte contre cette « taxe Apple » en mettant en ligne en août 2020 une version de Fortnite permettant aux joueurs de réaliser des achats <em>in-app</em> sans verser ces fameux 30 %.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/355298/original/file-20200828-19-1kfbriu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Epic direct less expensive than AppStore" src="https://images.theconversation.com/files/355298/original/file-20200828-19-1kfbriu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/355298/original/file-20200828-19-1kfbriu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=277&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/355298/original/file-20200828-19-1kfbriu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=277&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/355298/original/file-20200828-19-1kfbriu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=277&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/355298/original/file-20200828-19-1kfbriu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=348&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/355298/original/file-20200828-19-1kfbriu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=348&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/355298/original/file-20200828-19-1kfbriu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=348&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Epic propose à ses clients de payer moins cher via un paiement direct.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Epic Website</span></span>
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</figure>
<p>La réaction d’Apple fut quasi immédiate, Fortnite se voyant exclu de l’Apple Store pour avoir contrevenu à ses règles (interdiction d’inclure dans l’application un système de paiement ou d’expliquer clairement à ses utilisateurs comment régler différemment leurs achats qu’en passant par l’Apple Store). Cette séquence s’est répétée le lendemain avec le Google Play Store de Google.</p>
<p>En réaction, Epic a immédiatement <a href="https://www.wired.com/story/epic-games-sues-apple-fortnite-app-store/">attaqué les deux géants</a> devant les tribunaux pour violation des lois antitrust – sachant que la position d’Apple avait déjà été <a href="https://www.theverge.com/2019/5/13/18617727/apple-v-pepper-antitrust-illinois-brick-supreme-court-case-loss">qualifiée de monopole</a> par la Cour suprême américaine en mai 2019.</p>
<h2>Des « écosystèmes de service » déséquilibrés</h2>
<p>Ces événements reflètent bien les dérives inhérentes au fonctionnement des écosystèmes de service (réseaux d’acteurs interdépendants qui sont en relation directe et/ou indirecte), mis en évidence dans une <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/JSM-02-2019-0084/full/html">récente recherche</a>.</p>
<p>Ceux-ci sont généralement caractérisés par des relations de pouvoir déséquilibrées, qui permettent à un acteur dominant d’imposer ses règles aux autres. Ils sont donc loin d’être aussi vertueux et créateurs de valeur qu’on le <a href="https://www.hypeinnovation.com/hubfs/content/reports/building-ecosystem-shared-value.pdf">laisse souvent penser</a>, un acteur s’arrangeant pour capter une large partie de la valeur qu’ils génèrent.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1306714795090030596"}"></div></p>
<p>Ces déséquilibres poussent les entreprises qui en sont victimes à tenter de s’extraire de ces écosystèmes – voire de ne pas y rentrer. Par exemple, au lancement de Fortnite sur Android, en 2018, Epic a lui-même assuré la distribution de son jeu sans passer par le Google Play Store – <a href="https://techcrunch.com/2020/04/21/epic-games-launches-fortnite-on-the-google-play-store-and-theyre-not-happy-about-it/">avant de finalement s’y faire référencer</a> pour des raisons de sécurité. Mais ceci n’est pas chose aisée.</p>
<p>On peut par exemple s’appuyer sur la puissance de sa marque – ce que fait Epic avec Fortnite. Il est aussi possible d’essayer de générer des alliances avec d’autres entreprises pour avoir plus de poids contre le propriétaire de la plate-forme.</p>
<p>Epic a ainsi rassemblé dans la <a href="https://appfairness.org/our-vision/">Coalition for App Fairness</a> de nombreuses entreprises dont des poids lourds comme <a href="https://www.presse-citron.net/spotify-tinder-et-epic-games-sunissent-contre-les-pratiques-de-lapp-store/">Spotify, Tinder</a> ou encore <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/08/15/facebook-rejoint-le-mouvement-de-contestation-contre-apple-et-sa-taxe_6049012_4408996.html">Facebook</a>.</p>
<p>On peut enfin mobiliser sa base de clients pour qu’ils fassent pression – comme le fait là encore Epic. Au retrait de Fortnite, la firme a en effet diffusé une parodie de la vidéo de lancement du Macintosh 128K, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=VtvjbmoDx-I"><em>1984</em></a>, avec ce message :</p>
<blockquote>
<p>« Epic Games a défié le monopole de l’Apple store. En représailles, Apple bloque Fortnite sur plus d’un million d’appareils. Rejoignez le combat pour empêcher que 2020 devienne comme “1984”. »</p>
</blockquote>
<p>Le tout accompagné du hashtag <a href="https://twitter.com/hashtag/freefortnite?lang=fr">#Freefortnite</a> sur les réseaux sociaux et d’une communication à destination de ses clients <a href="https://www.epicgames.com/fortnite/fr/news/freefortnite">sur son site</a>.</p>
<p>La battle royale entre ces géants du numérique semble en tout cas ne faire que commencer, et son issue juridique pourrait ne voir le jour que courant 2021. D’ores et déjà, l’évolution et le résultat de cette passe d’armes sont <a href="https://www.reuters.com/article/us-apple-epic-games-germany-idUSKBN25T1QS ?taid=5f4f92cff67cb60001bf925f">scrutés attentivement</a> car ils modifieront très certainement l’industrie du jeu vidéo et plus largement les dynamiques des écosystèmes de services.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/145110/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le retrait du jeu vidéo aux 350 millions de joueurs des plates-formes d’applications illustre les dérives inhérentes à un réseau d’acteurs interdépendants dont les relations sont déséquilibrées.Loïc Plé, DIrecteur de la Pédagogie - Associate Professor, IÉSEG School of ManagementDidier Calcei, Professeur associé en Innovation & Entrepreneuriat, South Champagne Business School (Y Schools) – UGEILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1388522020-05-25T18:12:17Z2020-05-25T18:12:17ZDonnées de santé : l’arbre StopCovid qui cache la forêt Health Data Hub<p>Le projet de <a href="https://theconversation.com/face-a-la-pandemie-a-quoi-sert-le-numerique-136980">traçage socialement « acceptable »</a> à l’aide des smartphones dit <a href="https://www.cnetfrance.fr/news/stopcovid-tout-savoir-de-l-application-de-tracage-du-gouvernement-39902481.htm">StopCovid</a>, dont le lancement était initialement prévu pour le 2 juin, a focalisé l’intérêt de tous. Apple et Google se <a href="https://www.bis.org/publ/othp31.htm">réjouissaient déjà</a> de la mise en place d’un protocole API <a href="https://www.journaldunet.fr/web-tech/dictionnaire-du-webmastering/1203559-api-application-programming-interface-definition-traduction/">(interface de programmation d’application)</a> qui serait commun pour de nombreux pays et qui confirmerait ainsi leur monopole.</p>
<p>Mais la forte <a href="https://www.lefigaro.fr/vox/politique/patrice-franceschi-le-tracage-est-un-pas-de-plus-vers-le-totalitarisme-numerique-20200522">controverse</a> qu’a suscitée le projet en France, cumulée au <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2020/04/28/application-stopcovid-la-france-isolee-dans-son-bras-de-fer-avec-apple-et-google_6038015_4408996.html">fait que l’Allemagne s’en est retirée</a> et à l’échec constaté de l’application à Singapour, où seulement <a href="https://siecledigital.fr/2020/05/08/singapour-lapplication-de-tracage-numerique-se-transforme-en-outil-de-surveillance-de-masse/">20 % des utilisateurs</a> s’en servent, annoncent l’abandon prochain de StopCovid.</p>
<p>« Ce n’est pas prêt et ce sera sûrement doucement enterré. À la française », estimait un député LREM le <a href="https://www.sudouest.fr/2020/04/27/des-deputes-lrem-affirment-que-l-application-de-tracage-stopcovid-n-est-clairement-pas-prete-a-ce-stade-7443690-10861.php">27 avril auprès de l’AFP</a>.</p>
<p>Pendant ce temps-là, un projet bien plus large continue à marche forcée : celui de la plate-forme des données de santé <a href="https://www.health-data-hub.fr/">Health Data Hub</a> (HDHub).</p>
<h2>Health Data Hub, la forêt qui se cache derrière l’arbre</h2>
<p>Dès la remise du <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid128577/rapport-de-cedric-villani-donner-un-sens-a-l-intelligence-artificielle-ia.html">rapport Villani</a> sur l’intelligence artificielle (IA) en mars 2018, le président de la République <a href="https://www.latribune.fr/technos-medias/intelligence-artificielle-macron-leve-le-voile-sur-la-strategie-francaise-773662.html">annonce le projet HDHub</a>. En octobre de cette même année, une mission de préfiguration définit les traits d’un système national centralisé regroupant l’ensemble des données de santé publique, un guichet unique à partir duquel l’IA pourrait optimiser des services de <a href="https://usbeketrica.com/article/comment-intelligence-artificielle-repond-defis-sante-de-demain">reconnaissance artificielle</a> et de <a href="http://www.senat.fr/rap/r13-306/r13-3061.pdf">prédiction personnalisée</a>.</p>
<p>Mais l’écosystème de l’IA s’apprête aussi à franchir une nouvelle marche en obtenant l’accès à des <strong>données massives</strong> provenant des hôpitaux, de la recherche, de la médecine de ville, des objets connectés, etc., et à un <strong>marché massif</strong> de la santé (prestigieux et à valeur potentielle énorme dans la mesure où il pèse plus de 12 % du PIB). La France, avec son assurance maladie, et le Royaume-Uni, avec son National Health Service (NHS), font ici figure de test, puisque des données cohérentes et fiables y sont maintenues depuis des décennies : Amazon a déjà <a href="https://www.lebigdata.fr/royaume-uni-nhs-amazon">accès à l’API</a> du NHS pour alimenter son assistant vocal, et Microsoft a déjà <a href="https://cnll.fr/news/h%C3%A9bergement-de-donn%C3%A9es-de-sant%C3%A9-du-health-data-hub-chez-microsoft/">signé l’hébergement</a> de toutes les données de santé françaises (stockage, gestion des logs et des annuaires, puissance de calcul et conservation des clés de chiffrement).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/337334/original/file-20200525-106832-15q9oic.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/337334/original/file-20200525-106832-15q9oic.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/337334/original/file-20200525-106832-15q9oic.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/337334/original/file-20200525-106832-15q9oic.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/337334/original/file-20200525-106832-15q9oic.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/337334/original/file-20200525-106832-15q9oic.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/337334/original/file-20200525-106832-15q9oic.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/337334/original/file-20200525-106832-15q9oic.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Le projet HDHub mené « au pas de charge »</h2>
<p>En novembre 2018, Stéphanie Combes est nommée cheffe de projet. Fin 2018, le choix de Microsoft est déjà acté (en « dispense de marché public »), alors même que la définition des principes de HDHub attendront juillet 2019 (dans la Loi Santé) et que ses missions ne seront définies qu’en avril 2020, par <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000041812657">arrêté ministériel</a>. La CNIL, malgré ses échanges avec Stéphanie Combes, continue à <a href="https://www.cnil.fr/sites/default/files/atoms/files/deliberation_du_20_avril_2020_portant_avis_sur_projet_darrete_relatif_a_lorganisation_du_systeme_de_sante.pdf">se poser de nombreuses questions</a>.</p>
<p>D’autres voix se sont inquiétées de la gestion si hâtive du projet (comme le <a href="https://www.cnb.avocat.fr/sites/default/files/11.cnb-mo2020-01-11_ldh_health_data_hubfinal-p.pdf">Conseil national des barreaux</a>, l’<a href="https://www.conseil-national.medecin.fr/lordre-medecins/conseil-national-lordre/sante/donnees-personnelles-sante/health-data-hub">Ordre national des médecins</a> ou encore un <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-soignons-nos-donnees-de-sante-1143640">député LREM</a>) ; des collectifs ont lancé des alertes argumentées, comme les professionnels de <a href="https://framablog.org/2019/11/29/hold-up-sur-les-donnees-de-sante-patients-et-soignants-unissons-nous/">InterHop</a> ou les <a href="https://cnll.fr/news/h%C3%A9bergement-de-donn%C3%A9es-de-sant%C3%A9-du-health-data-hub-chez-microsoft/">entreprises du logiciel libre</a> ; et certains médecins ont mis en ligne des vidéos exprimant leur <a href="https://www.youtube.com/watch?v=pWqXg76ryfY">révolte</a>.</p>
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<h2>Health Data Hub, un cas d’école sur toutes les problématiques du numérique</h2>
<p>Contourner l’arbre qui cache la forêt, c’est découvrir toute l’étendue des questions posées par la « transformation numérique » dans la société, et ici dans la santé.</p>
<p><strong>Les questions politiques</strong> se cristallisent ici autour du choix de Microsoft, que <a href="https://www.mediapart.fr/journal/france/080520/la-cnil-s-inquiete-d-un-possible-transfert-de-nos-donnees-de-sante-aux-etats-unis">Stéphanie Combes justifie très classiquement par l’urgence</a>, sans publication des délibérations : « Microsoft était le seul capable de répondre à nos demandes. On a préféré aller vite, pour ne pas prendre de retard et pénaliser la France. »</p>
<p>C’est une question de politique nationale, <a href="https://theconversation.com/lepineuse-question-des-donnees-numeriques-de-sante-131586">déjà soulevée dans The Conversation France</a>, puisqu’il s’agit de faire gérer un <strong>bien public</strong> par un acteur privé, et <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/12/10/l-exploitation-de-donnees-de-sante-sur-une-plate-forme-de-microsoft-expose-a-des-risques-multiples_6022274_3232.html">sans espoir de réversibilité</a>. Mais aussi une question politique de <strong>souveraineté</strong> numérique européenne puisque cet acteur étasunien se trouve soumis au <a href="https://www.journaldunet.com/solutions/cloud-computing/1488080-comment-remedier-aux-ravages-du-cloud-act/"><em>Cloud Act</em></a>, loi de 2018 qui permet aux juges américains de demander l’accès aux données sur des serveurs situés en dehors des États-Unis.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/HhqIGQJ6SeE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Health data Hub, plate-forme de la discorde ou de la concorde ? Extrait du débat « Les Contrepoints de la santé » du 18 décembre 2019 sur le thème des données de santé : « Volontarisme ou vigilance » avec Stéphanie Combes, Directrice du Health Data Hub, Pr Laure Fournier, Service de Radiologie, Hôpital Européen Georges Pompidou, Pierre-Alain Raphan, député de l’Essonne, David Gruson, comité pilote d’éthique du numérique, fondateur du think tank Éthik-IA.</span></figcaption>
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<p><strong>Les questions techniques</strong> se révèlent ici dans un vif débat entre centralisation ou interopérabilité des bases de données. La <strong>centralisation</strong> définit des architectures de « défense en profondeur » avec des barrières successives par exemple <a href="https://ressources.uved.fr/Grains_Module3/Defense_profondeur/site/html/Defense_profondeur/Defense_profondeur.html">dans le nucléaire</a> ; dans le projet HDHub, cette défense est sous-traitée chez Microsoft.</p>
<p><a href="https://www.ticsante.com/story/4937/microsoft-prestataire-du-health-data-hub-un-choix-d-opportunite-pour-aller-vite.html">Stéphanie Combes observe</a> que « si l’on veut faire du traitement de données à cette échelle, on doit <em>centraliser, c’est la seule solution</em> ». À l’opposé, la vision technique des architectures de <strong>l’interopérabilité</strong> vise à « ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier » : d’une part, la majorité des attaques ne viennent pas de l’extérieur mais de <a href="https://www.lesechos.fr/2016/06/la-plupart-des-cyberattaques-contre-les-entreprises-sont-dorigine-interne-208352">l’intérieur</a>, avec un risque plus élevé en cas de centralisation, et d’autre part l’anonymat ne résiste pas à la <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-019-10933-3.pdf">ré-identification</a> d’une personne par croisement de données.</p>
<p>Cette architecture décentralisée consiste alors à gérer les échanges en réseau entre des bases de données qui restent hétérogènes et entre des traitements distribués sur plusieurs serveurs, mais en intégrant ces échanges par des couches d’interfaces qui sont aujourd’hui standardisées et en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0398762017303899">Open source</a>. À titre d’exemple, c’est une option qui a été choisie dans le projet <a href="https://centrededonneescliniques.univ-rennes1.fr/ehop">eHop</a> pour un groupe d’hôpitaux. Elle présente l’avantage de maintenir localement les compétences des ingénieurs et des soignants, nécessaires à la qualification des données de santé.</p>
<p><strong>Les questions juridiques</strong> concernent ici le consentement et le secret médical. <a href="https://theconversation.com/avec-le-rgpd-la-fin-des-derives-et-des-scandales-114491">Les principes européens du RGPD</a> organisent le <strong>consentement</strong> dès la conception des systèmes d’information (<em>privacy by design</em>) et par une culture de transparence interne dans les organisations (via le <a href="https://www.cnil.fr/fr/le-delegue-la-protection-des-donnees-dpo">délégué à la protection des données</a>). Les données des patients touchent bien sûr à leur intimité, mais la durée, le droit de retrait et surtout la finalité claire d’une utilisation de ces données, sont des <a href="https://www.cnil.fr/sites/default/files/atoms/files/deliberation_du_20_avril_2020_portant_avis_sur_projet_darrete_relatif_a_lorganisation_du_systeme_de_sante.pdf">principes intangibles fixés par la CNIL</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1260495061781004288"}"></div></p>
<p>Stéphanie Combes a donné des perspectives sur ce point :</p>
<blockquote>
<p>« Les données ne sont censées être stockées que durant la période de l’état d’urgence sanitaire. À sa fin, elles devront être détruites, SAUF SI un autre texte prévoit cette conservation lors de la mise en place finale du Health Data Hub. »</p>
</blockquote>
<p>Dans la pratique, et sans compter les problèmes futurs de responsabilité individuelle du médecin, les patients pourraient être soumis à une rupture du <strong>secret médical</strong>, un principe juridique mais aussi une règle éthique qui fonde la confiance basée sur le serment d’Hippocrate. Une rupture de cette confiance présenterait bien sûr des risques en termes de santé publique.</p>
<p><strong>Les questions économiques</strong> se cristallisent autour des enjeux de la transformation numérique. Les tenants du néo-libéralisme voient surtout dans le numérique une force de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Destruction_cr%C3%A9atrice"><strong>destruction créatrice</strong></a> : la dérégulation et le <a href="https://theconversation.com/ce-que-nous-devons-a-clayton-christensen-theoricien-majeur-du-management-130707">désengagement des États favorisent l’innovation disruptive</a> et la croissance par des start-up. Au-delà du seul intérêt scientifique, un développement rapide de l’IA grâce aux GAFAMI, les six géants américains qui dominent le marché du numérique, peut donc être considéré comme relevant de « l’intérêt général », une finalité introduite en 2019 dans la Loi santé.</p>
<p>À l’opposé, les tenants d’une politique économique alternative voient surtout dans le numérique une possibilité de gestion des <strong>communs numériques</strong>, en suivant les analyses de <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/revue/120/r120-2.pdf">Elinor Ostrom</a> : des ressources immatérielles non rivales, dont les règles d’accès et d’usage sont gérées par des communautés auto-organisées <a href="https://theconversation.com/pour-un-activisme-numerique-citoyen-74452">très diverses</a> (par exemple, depuis Internet, en passant par Wikipedia et jusqu’à l’Open data, le logiciel libre ou les <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/1073110519840479">énormes bases scientifiques</a> de type <em>Protein Data Bank</em>). Ceux qui partagent cette vision dénoncent l’idée de la séparation entre d’une part la qualification des données médicales, qui se fait grâce à un long travail de collecte et de tri financé par le secteur public et soumis aux traités de libre circulation des données, et d’autre part la valorisation de ces données, avec une marchandisation de la santé par le secteur privé que protègent les traités sur les brevets.</p>
<h2>Le contrôle des « data santé » vu par les penseurs d’hier et d’aujourd’hui</h2>
<p><strong>La question sociale</strong> <a href="https://theconversation.com/medecine-personnalisee-attention-a-la-collecte-massive-des-donnees-124520">du contrôle sanitaire de nos comportements</a> ne peut pas être analysée sans les concepts forgés par les sociologues. Michel Foucault a décrit le passage progressif à la <strong>société disciplinaire</strong> en utilisant les concepts de « biopolitique » (qui porte sur les <a href="https://theconversation.com/penser-lapres-sciences-pouvoir-et-opinions-dans-lapres-covid-19-137272">formes d’exercice du pouvoir sur les corps</a>) et de <a href="http://www.sietmanagement.fr/analyse-des-savoirspouvoirs-la-societe-du-controle-m-foucault/">« gouvernementalité »</a> (qui associe gouvernement et rationalité, dans des technologies du gouvernement des individus et de soi, pour assurer l’autodiscipline : hier déjà, le confinement, l’école, l’hôpital, les statistiques et maintenant les panoptiques du <a href="https://usbeketrica.com/article/covid-19-pire-technologies-faire-respecter-distanciation-sociale">drone et du bracelet</a>).</p>
<p>Gilles Deleuze a décrit un nouveau passage vers la <strong>société de contrôle</strong> par le collier électronique, avec les concepts de « langage numérique » d’accès à la réalité. Alors que Kafka a forgé la notion d’<a href="https://theconversation.com/relecture-du-post-scriptum-de-gilles-deleuze-pour-temps-numeriques-51507">« atermoiement illimité »</a> : il ne s’agit plus de discipliner et d’ordonner, mais de contrôler en gérant tout désordre.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/cQCeAe8wPKU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Antoinette Rouvroy, docteure en sciences juridiques et chercheuse qualifiée du FNRS, s’exprime sur le sujet de la gouvernementalité algorithmique et l’idéologie des big data, le 6 mars 2018. À la minute 10, elle s’exprime notamment sur les données médicales.</span></figcaption>
</figure>
<p>Aujourd’hui, des sociologues comme A. Rouvroy ou D. Quessada montrent un prochain passage à la <strong>société des traces</strong> avec les concepts de <a href="https://blogs.mediapart.fr/antoinette-rouvroy/blog/270812/mise-en-nombres-de-la-vie-meme-face-la-gouvernementalite-algorithmique-repenser-le-sujet-com">gouvernementalité algorithmique</a> (qui va au-delà d’une maîtrise du probable ; il s’agit d’une maîtrise du potentiel lui-même, pour « ajuster » nos comportements) et de <a href="https://www.cairn.info/revue-multitudes-2010-1-page-54.htm">sousveillance</a>, qui n’est plus une sur-veillance, mais une sous-veillance par un quadrillage discret, immatériel et omniprésent de tous les types de traces que nous laissons, comme nos signaux, nos productions, nos empreintes, nos passages et nos liens…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138852/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bernard Fallery ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Coup de projecteur sur Health Data Hub, un projet national français fondé sur le recours à l’intelligence artificielle… et à certains géants mondiaux du numérique, ce qui pose divers problèmes.Bernard Fallery, Professeur émérite en systèmes d'information, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1375602020-04-30T19:02:57Z2020-04-30T19:02:57ZPourquoi FaceTime ne peut remplacer les rencontres en personne<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/331859/original/file-20200430-42951-yzp7bl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il est difficile de lire ou de déchiffrer le langage corporel et les micro-expressions sur l’écran d’un téléphone intelligent.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Dans cette période de distanciation physique stricte, de plus en plus de gens ont recours aux technologies numériques pour le travail et leur communication personnelle. Si des plates-formes comme Zoom sont devenues un élément essentiel du télétravail et de l’apprentissage à distance, nous sommes nombreux à remplacer les rencontres en personne par celles via <a href="https://www.vox.com/2020/3/21/21185750/how-to-group-chat-watch-movies-games-netflix-discord-zoom-coronavirus-internet">FaceTime, Houseparty, Messenger et Google Hangouts</a>.</p>
<p>Les utilisateurs de Zoom ont déjà fait part de leurs inquiétudes concernant la protection de la vie privée et des informations. On a signalé des <a href="https://www.fbi.gov/contact-us/field-offices/boston/news/press-releases/fbi-warns-of-teleconferencing-and-online-classroom-hijacking-during-covid-19-pandemic">réunions piratées</a> et des <a href="https://www.generation-nt.com/zoom-plus-530-000-comptes-vente-dark-web-actualite-1975273.html">milliers de comptes Zoom ont été vendus sur le Web profond</a>. Cependant, même une fois qu’on a réglé les failles liées à la protection de la vie privée, les communications numériques demeurent insatisfaisantes.</p>
<p>En tant que chercheurs qui étudient la santé numérique et les technologies émergentes, nous sommes préoccupés par la façon dont ces nouvelles technologies peuvent améliorer ou compliquer les relations avec nous-mêmes et notre entourage.</p>
<h2>Contact visuel à l’écran</h2>
<p>Des recherches en psychologie montrent que le <a href="https://www.businessinsider.com/the-power-of-eye-contact-2015-5">contact visuel fournit une foule d’informations</a> dans un cadre collectif. La personne qui écoute, en maintenant un contact visuel direct avec le locuteur, démontre son intérêt et son attention. Pour la personne qui parle, un manque de contact visuel lui permet de déceler qu’elle a perdu l’intérêt de ses auditeurs. Le contact visuel est un signal social solidement ancré qui permet de savoir <a href="https://www.businessinsider.com/the-power-of-eye-contact-2015-5">si les gens nous écoutent lorsqu’on parle</a>.</p>
<p>Cependant, cette information fait souvent défaut dans les communications numériques. Même si on peut voir les gens à l’écran, ceux-ci regardent notre visage sur leur écran et non la caméra, rendant le contact visuel direct impossible. Parfois, les visages des personnes auxquelles on s’adresse ne sont pas visibles et il n’y a aucune garantie qu’elles nous regardent ni qu’elles écoutent ce qu’on dit. Les fonctions qui placent la personne qui parle au centre de l’écran présentent les mêmes inconvénients, à savoir l’incapacité d’avoir un contact visuel direct.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/330767/original/file-20200427-145503-13mi9b8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/330767/original/file-20200427-145503-13mi9b8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/330767/original/file-20200427-145503-13mi9b8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/330767/original/file-20200427-145503-13mi9b8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/330767/original/file-20200427-145503-13mi9b8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/330767/original/file-20200427-145503-13mi9b8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/330767/original/file-20200427-145503-13mi9b8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/330767/original/file-20200427-145503-13mi9b8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le fait de pouvoir établir un contact visuel et de voir clairement les micro-expressions permet une interprétation précise et une bonne communication des messages dans une discussion.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Le langage corporel et des gestes tels que gigoter, croiser les bras ou remuer les pieds indiquent si une personne est compatissante, engagée dans la conversation ou prête à partir, <a href="https://fremont.edu/how-to-read-body-language-revealing-the-secrets-behind-common-nonverbal-cues/">ainsi que plusieurs autres choses</a>. Cette forme de communication non verbale est un élément important de la communication tant professionnelle que personnelle. On peut l’utiliser pour souligner et renforcer certains points, <a href="https://www.helpguide.org/articles/relationships-communication/nonverbal-communication.htm">compléter</a> ce qu’on dit ou transmettre des informations supplémentaires.</p>
<p>L’une des raisons pour lesquelles les informations non verbales semblent absentes de la communication numérique est qu’il leur faut un espace matériel en trois dimensions alors que la communication numérique se fait sur un écran plat. Il est impossible de toucher quelqu’un sur FaceTime ou de se pencher vers l’avant ou l’arrière pendant la conversation. Si les plates-formes de communication numérique permettent de passer un message, il manque les nuances complexes qu’on trouve normalement dans tout échange.</p>
<h2>Micro-expressions faciales</h2>
<p>Les micro-expressions sont des <a href="https://www.apa.org/science/about/psa/2011/05/facial-expressions">expressions faciales qui se produisent souvent à notre insu</a>. Bien qu’elles se produisent en réaction à ce qui est dit, elles sont inconscientes plutôt que délibérément conçues pour correspondre au ton de la conversation. Dans le cadre d’une communication numérique, les micro-expressions peuvent ne pas être visibles si la connexion Internet cause un décalage ou si la caméra du téléphone ou de l’ordinateur n’est pas de très bonne qualité.</p>
<p>Comme notre cerveau capte et traite les micro-expressions plus rapidement qu’on ne les saisit consciemment, on reçoit un flot d’informations apparemment concordantes qui peuvent nous aider à diriger la conversation. Lorsque ce flot est interrompu, on doit traiter les expressions faciales de façon consciente plutôt qu’automatique. Cela peut entraîner de la <a href="https://www.ladn.eu/tech-a-suivre/zoom-fatigue-notre-cerveau/">fatigue ou des malentendus</a>.</p>
<p>Un des problèmes les plus courants est la difficulté de se joindre à la discussion au bon moment. Alors que normalement, les micro-expressions permettent de comprendre quand le locuteur a terminé, maintenant on doit le deviner. Presque tout le monde a déjà vécu une situation où tous les participants parlent en même temps, incapables de savoir quand intervenir.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/330776/original/file-20200427-145566-b1dilc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/330776/original/file-20200427-145566-b1dilc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/330776/original/file-20200427-145566-b1dilc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/330776/original/file-20200427-145566-b1dilc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/330776/original/file-20200427-145566-b1dilc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/330776/original/file-20200427-145566-b1dilc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/330776/original/file-20200427-145566-b1dilc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/330776/original/file-20200427-145566-b1dilc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La gestion des conversations de groupe en ligne est difficile lorsque les expressions faciales ne peuvent être perçues en temps réel.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<h2>Les cafés virtuels</h2>
<p>Si la communication numérique s’est révélée être un élément important dans une situation de distanciation physique, ses lacunes sont plus évidentes que jamais. La communication humaine est complexe et dynamique, et pour qu’elle fonctionne bien, elle nécessite une intégration harmonieuse de ses composantes verbales et non verbales. Si FaceTime peut servir de substitut pratique <a href="https://www.cbc.ca/life/culture/6-fun-ways-to-play-chat-and-hang-with-others-online-1.5519647">aux rendez-vous au café avec les amis et la famille</a>, il est très peu probable que la communication numérique en vienne remplacer les rencontres en personne.</p>
<p>Même si nous passons beaucoup de temps à parler à nos amis et à notre famille, la quantité d’information transmise est limitée par l’image en deux dimensions des écrans de nos ordinateurs et de nos téléphones. À mesure que les caméras et les microphones deviennent plus sensibles, la communication numérique devrait s’améliorer elle aussi. Mais elle ne remplacera pas de sitôt la bonne vieille étreinte en chair et en os.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137560/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>À mesure que la distanciation sociale s'installe, nous intégrons de plus en plus les communications en ligne dans notre vie sociale. Mais elles ne compensent pas le langage corporel ou le toucher.Anna Sui, PhD Candidate, School of Health and Rehabilitation Sciences, Western UniversityWuyou Sui, PhD Candidate, Exercise and Health Psychology Lab, Western UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1320642020-03-24T19:20:39Z2020-03-24T19:20:39ZMobilisation des GAFA contre la pandémie Covid-19 : business as usual<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/322518/original/file-20200324-155624-1ezlp7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C998%2C658&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les géants du numérique adaptent actuellement leurs applications et leurs fonctionnalités à la crise sanitaire.</span> <span class="attribution"><span class="source">Koshiro K / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Il est paradoxal que les plates-formes comme Facebook, Google, Instagram, YouTube, etc. soient actuellement <a href="https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/coronavirus-la-maison-blanche-appelle-les-gafa-a-la-rescousse-20200316">mises à contribution</a> par les autorités sanitaires pour véhiculer une information sobre et factuelle sur le Covid-19.</p>
<p>Ces mêmes plates-formes étaient en effet, hier encore, décriées, voire vilipendées, pour leur incapacité à traiter correctement la <a href="https://www.latribune.fr/technos-medias/les-fake-news-un-caillou-dans-la-chaussure-de-facebook-en-2018-763554.html">prolifération de fake news</a> et autres propos haineux, agressifs, complotistes, scandaleux, etc.</p>
<p>Mais leur place centrale et massive, à plusieurs niveaux, dans la crise actuelle, les rend incontournables. Ces entreprises à usagers massifs (Facebook, Google) sont en effet confrontées en ce moment à de nouvelles pratiques personnelles et professionnelles issues des mesures de confinement et de <a href="https://www.rtl.fr/actu/debats-societe/coronavirus-pourquoi-la-distanciation-sociale-est-primordiale-7800256555">distanciations sociales</a>.</p>
<h2>Se distraire, échanger et télétravailler</h2>
<p>Les plates-formes familières comme Facebook (WhatsApp, Messenger) ou Google (Youtube, Hangouts) sont bien sûr mobilisées quotidiennement pour des initiatives originales, souvent musicales, conviviales ou artistiques, comme ce <a href="https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/coronavirus-des-musiciens-nantais-lancent-confine-e-un-label-participatif-6786013">label participatif nantais</a> qui propose une compilation par jour pour accompagner nos séances de télétravail. Les festivals (musique, théâtre, <a href="https://www.lesinrocks.com/2020/03/19/cinema/actualite-cinema/le-festival-cinema-du-reel-continue-en-ligne/">cinéma</a>, etc.) annulés proposent, grâce à elles, des séances en ligne. Les plates-formes de jeux en réseaux (Fortnite, Call of Duty) sont très fortement sollicitées, notamment celle de Google (<a href="http://www.gamekyo.com/videofr48969_ubisoft-ajoute-trois-jeux-a-google-stadia.html">Stadia)</a>. Enfin, les messageries ludiques sont <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2011-5-page-175.htm">parfois détournées</a> de leur usage d’origine et se professionnalisent.</p>
<p>Intéressons-nous à <a href="https://investir.lesechos.fr/actions/actualites/whatsapp-revendique-2-milliards-d-utilisateurs-devance-seulement-par-facebook-1894351.php">WhatsApp</a> (groupe Facebook) qui a quintuplé la volumétrie des données échangées entre ses 2 milliards d’usagers. Ce volume s’explique notamment par les appels vidéo et les flux échangés au sein des groupes fermés utilisés par les écoliers, collégiens, <a href="https://www.midilibre.fr/2020/03/19/montpellier-mes-eleves-ont-cree-un-groupe-whatsapp-pour-assurer-la-continuite-pedagogique-avec-leurs-enseignants,8809427.php">lycéens</a> et <a href="https://opportunite.africa/les-meilleurs-groupes-whatsapp-pour-les-etudiants-internationaux/">étudiants</a> répliquant virtuellement leur classe ou leur promotion. L’e-learning, l’e-teaching, l’e-travail est plus acceptable – à la fois par les élèves et par les enseignants – quand il s’appuie, à côté des <a href="https://madoc.univ-nantes.fr/">plates-formes institutionnelles</a>, sur des outils qui sont déjà maîtrisés.</p>
<p>Ainsi, l’usage des applications et/ou fonctionnalités, natives ou détournées, qui facilitent le télétravail explose. Cette pratique, en ces temps d’isolement, est plébiscitée et <a href="https://www.solutions-numeriques.com/coronavirus-et-teletravail-les-reseaux-peuvent-tenir-assure-le-pdg-dorange/">multipliée par 7</a> selon le PDG d’Orange, Stéphane Richard.</p>
<p>Concernant les pratiques professionnelles, nous insisterons sur la force de frappe de <a href="https://www.lemagit.fr/actualites/252480256/Confinement-teletravail-projets-cloud-AWS-et-Google-se-veulent-rassurants">deux de nos géants</a>. D’une part, Amazon via sa filiale AWS qui domine le <em>could computing</em> grâce à <a href="https://www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-bp-migre-ses-mega-datacenters-europeens-sur-aws-77513.html">ses méga-datacenters</a>. AWS héberge nombres de plates-formes de télétravail de banques, assurances et autres industriels au travers de son offre de <a href="https://www.lesechos.fr/2015/02/cloud-souverain-un-gachis-a-la-francaise-1105856">cloud souverain</a>.</p>
<p>D’autre part, Google avec ses outils comme Google Cloud, Google Cloud Platorm ou Google Drive mais aussi grâce à la position dominante de son offre bureautique est un acteur important des solutions de télétravail. Citons aussi l’initiative opportune du géant californien qui bloque les mises à jour de <a href="https://www.cnetfrance.fr/news/coronavirus-et-teletravail-google-bloque-les-mises-a-jour-de-chrome-39900935.htm">Chrome</a> afin de minimiser les bugs en cette délicate période.</p>
<p>Enfin, nous pouvons citer les applications Facetime et Facetime Audio développées par Apple qui s’imposent dans le <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/03/13/dix-astuces-pour-teletravailler-a-peu-pres-dans-la-joie-et-l-harmonie_6032945_3234.html">secteur de la visioconférence</a> et de l’audioconférence – à côté de Skype (groupe Microsoft), Zoom, <a href="https://www.ovhtelecom.fr/telephonie/">OVH</a> ou Whereby – dans tous les secteurs d’activités.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1241366284186660864"}"></div></p>
<p>Concrètement, les GAFA, agiles et opportunistes, proposent des solutions, des applications et des fonctionnalités qui s’adaptent à la crise sanitaire et à ses nombreux défis. Elles doivent cependant contribuer à les installer durablement dans nos routines individuelles ou collectives.</p>
<p>Tout commence par une lutte encore plus efficace et massive – via des algorithmes appropriés, des barrières et de nombreux <a href="https://www.europe1.fr/medias-tele/coronavirus-comment-facebook-twitter-et-instagram-luttent-contre-les-fake-news-3954678">modérateurs humains</a> – contre les <a href="https://www.lci.fr/sante/les-fausses-infos-se-repandent-plus-vite-que-le-coronavirus-sur-facebook-l-infodemie-explose-2146381.html">fausses informations</a> qui explosent. Ce qui est intrinsèquement catastrophique pour leur crédibilité car elles se propagent notamment sur les écosystèmes de Facebook (WhatsApp, Messenger, Instagram, etc.) et de Google (YouTube, Hangouts, etc.).</p>
<p>C’est pourquoi l’organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré dès le 3 février avoir travailler avec les <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/spray-miracle-et-eau-de-javel-la-rude-bataille-contre-les-fake-news-sur-le-coronavirus_2117849.html">réseaux sociaux</a> pour endiguer le phénomène !</p>
<h2>Multiples stratégies</h2>
<p>En réponse à cet appel à l’aide, les géants du web ont adopté diverses stratégies. Sur Facebook, depuis quelques jours, lorsque vous recherchez les mots-clés purement factuels, vous êtes redirigé vers la page avec les toutes dernières informations du gouvernement français pour rester en bonne santé et empêcher la propagation du virus.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/322168/original/file-20200322-22606-p328s7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/322168/original/file-20200322-22606-p328s7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/322168/original/file-20200322-22606-p328s7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/322168/original/file-20200322-22606-p328s7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/322168/original/file-20200322-22606-p328s7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/322168/original/file-20200322-22606-p328s7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=522&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/322168/original/file-20200322-22606-p328s7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=522&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/322168/original/file-20200322-22606-p328s7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=522&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’entrée du mot-clé « coronavirus » renvoie à la page des dernières informations du gouvernement sur Facebook.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Capture d’écran</span></span>
</figcaption>
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<p>De même, lorsque vous faites ce type de recherche sur votre moteur de recherche Google, vous trouvez un encadré du même type nommée « Aide et Information » qui renvoie vers des sites officiels.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/322169/original/file-20200322-22602-4itn5x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/322169/original/file-20200322-22602-4itn5x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/322169/original/file-20200322-22602-4itn5x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/322169/original/file-20200322-22602-4itn5x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/322169/original/file-20200322-22602-4itn5x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/322169/original/file-20200322-22602-4itn5x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/322169/original/file-20200322-22602-4itn5x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/322169/original/file-20200322-22602-4itn5x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Google renvoie également aux informations officielles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Capture d’écran</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>S’agissant du géant du e-commerce, Amazon, la communication est plus discrète. Certes un bandeau avertit que, « compte tenu de la situation actuelle, nos délais de livraison peuvent être rallongés », mais le coronavirus n’est pas cité en première page. Seule une FAQ est proposée en cliquant sur un bandeau, mais elle est centrée sur les seules dispositions – rassurantes – prises par la plate-forme.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/322166/original/file-20200322-22610-1yotxuz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/322166/original/file-20200322-22610-1yotxuz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/322166/original/file-20200322-22610-1yotxuz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/322166/original/file-20200322-22610-1yotxuz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/322166/original/file-20200322-22610-1yotxuz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/322166/original/file-20200322-22610-1yotxuz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/322166/original/file-20200322-22610-1yotxuz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/322166/original/file-20200322-22610-1yotxuz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le FAQ d’Amazon, accessible depuis la page d’accueil.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.amazon.fr/gp/help/customer/display.html/?ie=UTF8&nodeId=GDFU3JS5AL6SYHRD&ref_=nav_swm_FR_SWM_C&pf_rd_p=8893a320-2089-45cb-abea-f6410b2cf9a5&pf_rd_s=nav-sitewide-msg&pf_rd_t=4201&pf_rd_i=navbar-4201&pf_rd_m=A13V1IB3VIYZZH&pf_rd_r=D3SF0BJR0YV2P8VFYZWK">Capture d’écran</a></span>
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</figure>
<p>Enfin, le géant de l’informatique, de l’entertainement et de la téléphonie, <a href="https://www.apple.com/fr/">Apple</a> se contente de renvoyer vers la vente en ligne et de rappeler que « Nos magasins sont fermés jusqu’à nouvel ordre. Nous tenons cependant à offrir le meilleur service possible à notre clientèle. […] Nous avons hâte de vous revoir ». Communication a minima !</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/322165/original/file-20200322-22614-197ya5j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/322165/original/file-20200322-22614-197ya5j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=287&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/322165/original/file-20200322-22614-197ya5j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=287&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/322165/original/file-20200322-22614-197ya5j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=287&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/322165/original/file-20200322-22614-197ya5j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=361&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/322165/original/file-20200322-22614-197ya5j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=361&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/322165/original/file-20200322-22614-197ya5j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=361&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Page d’accueil du site d’Apple.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.apple.com/fr/">Capture d’écran</a></span>
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<p>Ces positionnements apparaissent donc différents. Ils restent néanmoins en cohérence avec les modèles d’affaires centrés usagers/clients propres à ces quatre entreprises américaines.</p>
<h2><em>Business as usual</em></h2>
<p>Nous pouvons ainsi séparer les GAFA en deux groupes basés sur leur capacité à capter de la valeur. Nous constatons une stratégie proactive pour Facebook et Google et réactive pour Amazon et Apple.</p>
<p>Les deux premières, Facebook et Google, n’ont globalement pas de clients. Elles n’ont que des usagers, dont elles collectent un maximum de données personnelles, pour pouvoir les traiter et les monétiser.</p>
<p>Toutefois, <a href="https://www.cairn.info/revue-reseaux-2018-6.htm">elles ont des clients professionnels</a> à qui elles vendent des espaces publicitaires dont le prix augmente en fonction du trafic qu’elles génèrent. Il leur faut donc montrer un certain niveau d’implication civique et de <a href="https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/coronavirus-une-epidemie-de-fausses-informations-sur-les-reseaux-sociaux-6753780">crédibilité informationnelle</a> dans la lutte contre la pandémie afin de fidéliser les usagers actuels et d’attirer de nouveaux usagers.</p>
<p>Ensuite, ces usagers confiants et rassurés, seront incités produire du contenu et à le partager au sein de leurs réseaux pour créer mécaniquement du trafic, du partage et de la donnée. <em>Business as usual</em>.</p>
<p>Les deux dernières, Amazon et Apple, n’ont globalement pas d’usagers. Elles ont des clients qu’il faut rassurer, satisfaire et fidéliser en montrant qu’ils peuvent acheter les produits et être livrés dans des conditions quasi normales.</p>
<h2>Batailles commerciales</h2>
<p>Il faut donc montrer que tout fonctionne correctement avec juste quelques aménagements indispensables à la lutte contre la pandémie et quelques informations – pas trop anxiogènes – dispensées avec parcimonie. Quitte, bien sûr, à passer sous silence quelques dysfonctionnements logistiques, comme la fermeture momentanée d’un <a href="https://siecledigital.fr/2020/03/20/un-entrepot-amazon-ferme-suite-a-un-employe-touche-par-le-coronavirus/">entrepôt situé dans le Queens à New York</a>, le 20 mars, en raison d’un employé testé positivement au Covid-19. <em>Business as usual !</em></p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/L2Mhl6EHYis?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Un salarié d’Amazon a été testé positif au Covid-19, entraînant l’arrêt du centre de livraison de la ville de New York (NBC New York, 19 mars 2020).</span></figcaption>
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<p>Cette crise sanitaire va durer, de nouvelles pratiques en ligne vont émerger et s’installer. Elles seront personnelles et professionnelles, individuelles et collectives, sérieuses et ludiques, marchandes et non marchandes, etc. Derrière ces pratiques et cette montée en charge, il y aura des opérateurs pour les contenants et des plates-formes pour produire, traiter et relayer les contenus.</p>
<p>C’est donc en ce moment que les <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/soft-power/soft-power-le-magazine-des-internets-du-dimanche-03-fevrier-2019">batailles numériques commerciales</a> se gagnent ou se perdent. Malgré la situation inédite, il convient de garder à l’esprit que les GAFA restent des entreprises privées et non des <a href="https://information.tv5monde.com/info/coronavirus-facebook-un-service-public-en-ordre-de-bataille-352076">services publics</a> ! <em>Business as usual</em>…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/132064/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Bidan est membre de la section sciences de gestion et du management du conseil national des universités</span></em></p>L’étude des différentes stratégies de communication des géants du web montre comment ils s’adaptent et tirent profit, chacun différement, du confinement qui touche désormais un milliard d’humains.Marc Bidan, Professeur des Universités - Management des systèmes d’information - Polytech Nantes, Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1305532020-02-03T20:27:38Z2020-02-03T20:27:38ZPourquoi la France suspend la taxe GAFA<p>La taxe GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) a du plomb dans l’aile… Fin janvier, en marge du sommet économique de Davos (Suisse), la France, a proposé de suspendre pour 2020 le paiement des acomptes dus au titre de la <a href="https://www.touteleurope.eu/actualite/qu-est-ce-que-la-taxe-gafa.html">« taxe sur les revenus numériques »</a> adoptée le 11 juillet 2019 dernier par le parlement.</p>
<p>À en croire le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire, cette taxe n’est pas définitivement enterrée : son application n’est que différée à décembre 2020. C’est en effet à cette échéance-là que les <a href="https://www.lopinion.fr/edition/economie/taxe-gafa-137-etats-trouvent-accord-adapter-fiscalite-internationale-210363">137 pays</a> qui négocient actuellement sous l’égide de l’OCDE en matière de fiscalité internationale espèrent trouver un « terrain d’entente ».</p>
<iframe frameborder="0" width="100%" height="270" src="https://www.dailymotion.com/embed/video/x7r56fe" allowfullscreen="" allow="autoplay"></iframe>
<p>Comment analyser ce qui s’apparente à une reculade de la France ? Cette mesure aurait en effet permis de récupérer environ <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/2019/03/03/20002-20190303ARTFIG00037-pour-le-maire-la-taxation-des-gafa-peut-rapporter-500-millions-d-euros-par-an.php">500 millions d’euros</a> de recettes pour le fisc français tous les ans ? D’autant plus que les services de Bercy en avaient déjà collecté environ 280 à la fin novembre 2019 !</p>
<p>La première explication réside sans doute dans les pressions américaines. La taxe GAFA a encore dernièrement fait l’objet de nombreuses <a href="https://www.rtl.fr/actu/international/davos-menacee-d-une-guerre-commerciale-la-france-recule-sur-la-taxe-gafa-7799947285">attaques frontales</a>, notamment du président des États-Unis Donald Trump, lors du dernier Forum économique mondial de Davos.</p>
<h2>Pouvoir de nuisance</h2>
<p>Ce dernier, très remonté contre cette taxe, a formulé des <a href="https://www.usinenouvelle.com/editorial/quels-produits-francais-sont-menaces-de-retorsion-par-les-etats-unis-a-cause-de-la-taxe-gafa.N909594">menaces explicites de représailles commerciales</a> sur les vins français, mais aussi sur les voitures en Allemagne ou le parmesan en Italie, deux pays qui envisageaient d’adopter une taxe similaire.</p>
<p>Face à ces intimidations, les alliés européens de la France ne montrent <a href="https://www.marianne.net/debattons/editos/l-impossible-taxe-gafa-triple-suicide-europeen">pas beaucoup d’enthousiasme</a> pour affronter le président Trump… Ses partenaires ne montrent pas non plus une grande motivation pour affronter les entreprises concernées qui menacent de délocaliser leurs activités, de répercuter le montant de la taxe sur leur prix (<a href="https://www.franceinter.fr/taxe-gafa-amazon-met-ses-menaces-a-execution-et-augmente-les-tarifs-pour-les-commercants">comme Amazon</a>), voire de contre-attaquer avec leur propre cryptomonnaie (à l’image <a href="https://www.letemps.ch/economie/libra-une-monnaie-virtuelle-quete-confiance">du projet libra</a> de Facebook, Booking et Uber réunis au sein de la Libra Association).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/313292/original/file-20200203-41476-1ujj0wo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/313292/original/file-20200203-41476-1ujj0wo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/313292/original/file-20200203-41476-1ujj0wo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/313292/original/file-20200203-41476-1ujj0wo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/313292/original/file-20200203-41476-1ujj0wo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/313292/original/file-20200203-41476-1ujj0wo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/313292/original/file-20200203-41476-1ujj0wo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le président des États-Unis Donald Trump s’est une nouvelle fois montré très remonté contre la taxe GAFA lors de sa venue à Davos, fin janvier.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jim Watson/AFP</span></span>
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<p>En conséquence, la France se retrouve dans une position de plus en plus isolée. En outre, des voix s’élèvent également dans le pays contre le non-sens ou contre <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/2019/03/05/20002-20190305ARTFIG00293-l-impossible-imposition-des-geants-du-numerique.php">l’imperfection</a> de cette taxe. La Cour des comptes regrette ainsi que la France avance « à l aveugle », et certains économistes pensent qu’elle coûtera beaucoup d’argent en <a href="https://www.numerama.com/business/543419-taxe-gafa-tout-ce-qui-a-ete-paye-au-titre-de-cette-taxe-sera-deduit-de-la-future-taxe-mondiale.html">futures déductions fiscales</a> ! De plus, d’après certains fiscalistes, il peut être compliqué à la fois de la calculer et de la recouvrer. Autrement dit, il devient urgent d’attendre !</p>
<p>L’isolement de la France face aux GAFA montre également qu’il ne s’agit pas là de cibler des entreprises lambda, mais plutôt des géants dont les alliés, la force de frappe et le pouvoir de nuisance ne sont surtout pas à sous-estimer.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1171892685550096384"}"></div></p>
<p>L’idée de la mesure française, qui part du constat que les géants du numérique sont, en Europe et en moyenne, deux fois moins imposés que les entreprises de type traditionnel, est de taxer à hauteur de 3 % du chiffre d’affaires les prestations de services numériques (mise en relation, ciblage publicitaire, etc.) qui seraient effectuées depuis la France. Elle devait concerner les entreprises dont l’activité consiste soit à vendre de la publicité ciblée en ligne, soit à vendre des données personnelles à des fins publicitaires, soit à proposer des plates-formes d’intermédiation.</p>
<h2>Un rapport de force défavorable aux États</h2>
<p>Ces trois activités sont justement <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/comprendre-le-modele-des-geants-du-numerique.N301905">au cœur des modèles d’affaire</a> des Google, Amazon, Facebook et autre Apple qui en devenaient donc la cible principale. C’est pourquoi cette taxe fut d’ailleurs joliment nommée taxe GAFA. Nous soulignons que le « M » de Microsoft aurait également pu être concerné par cette taxe qui serait ainsi devenue <a href="https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/finance-et-societe/nouvelles-economies/gafa-gafam-ou-natu-les-nouveaux-maitres-du-monde/">GAFAM</a>, même si l’ex-entreprise de Bill Gates est encore trop connectée aux pratiques de l’« ancien monde » pour être assimilée aux quatre autres !</p>
<p>Au regard des menaces formulées par ces entreprises concernées, comme la répercussion de la taxe sur les prix, on comprend donc que ces entreprises ne craignent pas le rapport de force avec l’État français seul.</p>
<p>Nous attendrons donc la fin de l’année 2020 pour voir si les négociations menées au niveau mondial via <a href="https://www.latribune.fr/technos-medias/taxe-gafa-bruno-le-maire-pret-a-mettre-de-l-eau-dans-son-vin-face-a-trump-837457.html">l’OCDE</a>, avec les Européens et les Américains – auront pu prendre le relais d’une France bien trop isolée. Bruno Le Maire a déjà salué la tenue de ces discussions. « Tous les efforts doivent être faits pour parvenir à un accord ambitieux sur la fiscalité numérique et la fiscalité minimale d’ici la fin de l’année 2020 », a-t-il déclaré dans un communiqué le 31 janvier dernier.</p>
<p>La France peut certes se targuer d’avoir été à l’initiative de ces négociations globalisées en déployant – et en votant – sa taxe GAFA. Néanmoins, la France doit reconnaître à présent à la fois son isolement et sa vulnérabilité.</p>
<p>Face à la <a href="https://www.lenouveleconomiste.fr/les-gafa-predateurs-des-etats-70718/">prédation</a> des GAFA, Paris semble donc aujourd’hui se résoudre à une réponse internationale, comme un symbole de la toute-puissance acquise par ces acteurs face aux États.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130553/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Bidan is affiliated with Conseil National des Universités </span></em></p>Face aux menaces américaines, mais aussi face aux atermoiements européens ou aux stratégies de prédation des géants du numérique, la France se retrouve de plus en plus isolée.Marc Bidan, Professeur des Universités - Management des systèmes d’information - Polytech Nantes, Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1303972020-01-22T19:07:51Z2020-01-22T19:07:51ZLa production, parent pauvre de la valeur ajoutée dans les chaînes de valeurs mondiales<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/311329/original/file-20200122-117949-upfo7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=75%2C0%2C964%2C600&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Foxconn, le sous-traitant d'Apple, ne capterait que 4% de la valeur ajoutée de l’iPhone.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/iphonedigital/27190829562/in/photostream/">Iphonedigital/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dans le <a href="https://unctad.org/fr/PublicationsLibrary/tdr2018_fr.pdf">rapport</a> 2018 de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, les auteurs estiment que la courbe qui relie le niveau de valeur ajoutée aux différentes étapes du cycle productif tout au long de la chaîne de valeur peut se déplacer sous l’impulsion des activités numériques (p. 80). La courbe en forme de sourire devient en conséquence moins pointue, plus évasée.</p>
<p>Plusieurs mécanismes sont à l’œuvre : tout d’abord, la numérisation renforce la mondialisation en accentuant le mouvement de fluidification, comme le soulignait en 2010 le sociologue et philosophe allemand Hartmut Rosa dans son livre <a href="https://editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Acc__l__ration-9782707154828.html">« Accélération »</a>. Autrement dit, on assiste à une poussée accélératrice qui touche l’économie, principalement les activités numériques avec la multiplication des plates-formes de transaction et d’innovation, l’e-business, l’e-commerce, l’industrie 4.0, etc., les formats de la production et de la distribution des produits, sans oublier la culture et les modes de vie.</p>
<p>La nouveauté ne réside pas dans l’échange ou le déplacement des biens, des informations, des connaissances et des hommes. La « nouveauté qualitative », selon Rosa, se situe dans la vitesse et l’absence de résistances avec lesquelles ces mouvements se produisent à l’intérieur d’un processus qui témoigne de capacités accrues d’adaptation et de coordination temporelle et spatiale.</p>
<h2>Des processus de fabrication fragmentés</h2>
<p>Sur ce plan, le rôle joué par les activités numériques est fondamental. Il constitue probablement l’aspect le plus significatif de l’accélération technique et sociale, comme vecteur de transmission de quantités croissantes d’informations, de connaissances et de transformation des modes d’échanger, de consommer, de produire et de travailler.</p>
<p>Pour autant, le processus de transmission accélérée des flux ne crée pas ipso facto des conditions stables de création et de reproduction des richesses. En effet, la pression de la concurrence, l’apparition de perturbations économiques, politiques ou sociales, poussent les grandes firmes à réorienter géographiquement les flux d’approvisionnement et les étapes de la production en reconfigurant dans l’espace de nouveaux réseaux de production et de commercialisation. Les transformations économiques, sociales et technologiques sont justifiées par la menace d’une perte de compétitivité.</p>
<p>La « courbe de sourire » permet de positionner les gagnants et les perdants le long de la chaîne de production. Dans les entreprises industrielles traditionnelles, la capacité à créer de la valeur dépend principalement des ressources internes (technologie, qualifications de la main-d’œuvre) et de l’efficience de la production par la qualité de l’organisation capable de synchroniser les fonctions technologique, productive et commerciale.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/311327/original/file-20200122-117938-1xgp2wr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/311327/original/file-20200122-117938-1xgp2wr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/311327/original/file-20200122-117938-1xgp2wr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=566&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/311327/original/file-20200122-117938-1xgp2wr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=566&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/311327/original/file-20200122-117938-1xgp2wr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=566&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/311327/original/file-20200122-117938-1xgp2wr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=712&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/311327/original/file-20200122-117938-1xgp2wr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=712&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/311327/original/file-20200122-117938-1xgp2wr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=712&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unctad.org/fr/PublicationsLibrary/tdr2018_fr.pdf">CNUCED, rapport sur le commerce et le développement (2018)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce qui se passe à l’intérieur de l’entreprise est donc plus important que les modifications de son environnement, ce qui relativise l’importance des jeux concurrentiels pour faire prévaloir celle des jeux contre la nature. Cependant, les progrès technologiques favorisent la fragmentation des processus de fabrication et la dureté des contraintes de coût accroît l’approvisionnement international des pièces et des composants qui incorporent le plus souvent du travail peu qualifié.</p>
<p>La diffusion des TIC et de l’Internet prolongée par le développement des technologies, numériques allant de la conception et fabrication assistées par ordinateur (CFAO) à l’impression en 3D, ont approfondi le fossé entre la valeur ajoutée par les tâches de R&D et de conception et de post-production (marketing et commercialisation) d’un côté et celles de fabrication de l’autre. La valeur ajoutée se localise dans les tâches situées en amont et en aval de la production.</p>
<h2>La dynamique du <em>winner-takes-all</em></h2>
<p>L’essor des plates-formes numériques qui <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/002795011724000110?journalCode=nera">partagent certaines caractéristiques</a> des entreprises pilotes des chaînes de valeur, apporte une autre illustration de l’aplatissement de la courbe de sourire. Par exemple, Amazon diversifie la clientèle sur sa place de marché. Celle-ci peut acquérir aussi bien des livres que des produits électroniques, ainsi que des produits alimentaires depuis <a href="https://www.lemonde.fr/entreprises/article/2017/06/16/amazon-rachete-la-chaine-americaine-de-supermarches-bio-whole-foods-etendant-son-empire-a-l-agro-alimentaire_5145784_1656994.html">l’acquisition de Whole Foods</a>.</p>
<p>La production est assurée dans différents pays par des employés qui travaillent dans des entrepôts, aidés en cela par des robots intelligents qui facilitent la manutention des produits. La production est un acte banal, peu qualifié, qui consiste à identifier le produit avant de l’empaqueter pour l’expédition.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"879706281539514369"}"></div></p>
<p>La situation est similaire chez Apple : les étapes de production de l’iPhone sont confiées à des entreprises sous-traitantes localisées dans plusieurs pays (Corée du Sud, Japon et surtout Chine), dont le taïwanais Foxconn qui ne capterait que <a href="https://www.micmag.be/8-pays-minimum-l-iphone-un-produit-made-in-monde-par-excellence/">4 % de la valeur ajoutée de l’iPhone</a>, produit rendu avant tout attractif aux yeux des consommateurs pour son design et les logiciels associés, dont les équipes de développement sont localisées aux États-Unis.</p>
<p>Autrement dit, Apple crée et capture de la valeur en assurant la coordination de plusieurs acteurs situés loin de la production : les développeurs d’applications, les fournisseurs de technologies complémentaires (logiciels, matériels, etc.), mais aussi les utilisateurs répartis dans le monde entier. En effet, dans la mesure où la valeur d’un service augmente avec le nombre de ses utilisateurs, la création collective de valeur crée des effets de réseau. L’utilisateur devient un acteur de la production, il est incorporé dans l’entreprise en créant des effets de réputation fondée sur la qualité du service. L’extension du réseau est facteur de croissance et le rythme de croissance d’un environnement numérique est la source déterminante de sa valeur.</p>
<p>En diffusant rapidement de nouveaux processus à travers l’organisation, y compris hors des frontières, les plates-formes accroissent leur pouvoir de marché, une forte croissance du réseau par rapport aux concurrents permettant de rafler la mise en enclenchant une dynamique du type <em>winner-takes-all</em> et d’atteindre des positions quasi-monopolistiques.</p>
<h2>Un double clivage entre les entreprises</h2>
<p>De manière similaire, la numérisation confère aux actifs immatériels un rôle prépondérant dans la répartition des revenus au sein des chaînes de valeur dans les entreprises industrielles. Ces actifs englobent la R&D et la conception, mais aussi les logiciels, les études de marché, les bases de données, les brevets, etc. Tous ces éléments imprègnent l’ensemble du cycle productif.</p>
<p>Plus globalement, en cherchant à identifier les gagnants et les perdants, on observe qu’un un premier clivage se forme entre les entreprises. Sont gagnantes celles qui sont de grande taille, globalisées et leaders technologiques, tandis que sont désignées comme perdantes les entreprises de taille petite et moyenne, insérées localement et incapables d’accéder aux actifs numériques, en particulier en raison de la difficulté de déterminer les limites des droits de propriété intellectuelle.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1171892685550096384"}"></div></p>
<p>S’agissant d’une surface de terre donnée, le droit de propriété est précisément défini par les limites géographiques. Ces frontières naturelles n’existent pas dans le cas de la propriété intellectuelle. Ce qui peut conduire à privatiser une technologie et à créer des enclosures telles que la connaissance est utilisée <a href="https://scholarship.law.duke.edu/dlj/vol57/iss6/3/">moins efficacement</a>. Les brevets accroissent la tendance à la sur privatisation des actifs immatériels.</p>
<p>Un deuxième clivage se forme les individus détenteurs d’actifs, hautement éduqués et mobiles, ayant accumulé des connaissances technologiques, managériales et professionnelles et les salariés peu ou faiblement qualifiés. La mondialisation activée par les outils numériques a accru l’offre de travail. Elle a abaissé les barrières à l’entrée sur le marché du travail pour des groupes qui en étaient auparavant exclus et pour des tâches à faible contenu et sans possibilités d’apprentissage.</p>
<p>Une opposition se dessine donc entre la base matérielle (la production de biens fournis par du capital technique associé à du travail faiblement qualifié) et la base immatérielle centrée sur les applications, les services, la transformation des pratiques économiques et des emplois.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130397/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bernard Guilhon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Avec l’essor des activités numériques, les entreprises capturent de plus en plus de valeur en amont (R&D, conception) et en aval (marketing et services) du cycle productif.Bernard Guilhon, Professeur de sciences économiques, SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1276322020-01-19T20:22:21Z2020-01-19T20:22:21ZPodcast : La guerre des étoiles des marchés de la tech<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/309732/original/file-20200113-103990-1epltbu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=116%2C763%2C2380%2C1913&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/los-angeles-california-usa-27-november-1572474250">Postmodern Studio / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>« Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine… Steve Jobs lançait l’iPhone ». Ainsi pourrait débuter le générique de Tech Wars, la guerre de la Tech et des applications, tant le smartphone allait bouleverser les marchés numériques et définir les standards de l’internet mobile. Quelles sont les stratégies à l’œuvre sur ces marchés ? Et pourquoi Star Wars est une grille de lecture pertinente pour comprendre les dynamiques concurrentielles passées, présentes et futures sur ces marchés ? C’est ce que vous découvrirez dans ce nouveau numéro de « C’est dans la boîte ! ».</p>
<h2>Pour aller plus loin</h2>
<p><strong>Développeurs d’apps valorisés 1 milliard de dollars selon l’année de création et la nature de l’actionnariat</strong></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/309754/original/file-20200113-103971-zgikrw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/309754/original/file-20200113-103971-zgikrw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/309754/original/file-20200113-103971-zgikrw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/309754/original/file-20200113-103971-zgikrw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/309754/original/file-20200113-103971-zgikrw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=349&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/309754/original/file-20200113-103971-zgikrw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/309754/original/file-20200113-103971-zgikrw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/309754/original/file-20200113-103971-zgikrw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=438&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><strong>Évolution de la valorisation des GAFAM depuis 2009</strong></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/309912/original/file-20200114-151867-ydqvr5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/309912/original/file-20200114-151867-ydqvr5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/309912/original/file-20200114-151867-ydqvr5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/309912/original/file-20200114-151867-ydqvr5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/309912/original/file-20200114-151867-ydqvr5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/309912/original/file-20200114-151867-ydqvr5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/309912/original/file-20200114-151867-ydqvr5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/309912/original/file-20200114-151867-ydqvr5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution de la valorisation des GAFAM depuis 2009.</span>
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<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/309910/original/file-20200114-151829-14lsgkg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/309910/original/file-20200114-151829-14lsgkg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=358&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/309910/original/file-20200114-151829-14lsgkg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=358&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/309910/original/file-20200114-151829-14lsgkg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=358&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/309910/original/file-20200114-151829-14lsgkg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=450&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/309910/original/file-20200114-151829-14lsgkg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=450&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/309910/original/file-20200114-151829-14lsgkg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=450&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Valorisation des GAFAM + Netflix entre 2009 et 2019.</span>
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<hr>
<p><em>« C’est dans la boîte ! », le Podcast de la stratégie d’entreprise signé The Conversation France, vous propose l’étude de cas d’une multinationale bien connue des consommateurs et des citoyens. Julien Pillot, enseignant-chercheur à l’INSEEC School of Business and Economics, et Thibault Lieurade, chef de rubrique Économie + Entreprise, vous donnent rendez-vous une fois par mois pour décrypter les aspects stratégiques les moins visibles… qui sont aussi les plus essentiels !</em></p>
<p><em>Retrouvez tous les épisodes précédents sur <a href="https://theconversation.com/fr/podcasts/strategie-entreprise-etude-cas-numerique-podcast">The Conversation France</a>, <a href="https://www.deezer.com/fr/show/345262">Deezer</a> et <a href="https://open.spotify.com/show/6IBNs4HbMEmLbrQuzgDFpx">Spotify</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127632/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Pillot est coordinateur du think tank trans-partisan "Le Jour d'Après" qui entend participer aux débats sur les réformes structurelles nécessaires à la modernisation et l'efficacité de notre modèle social, économique et institutionnel, en dépassant les clivages partisans.</span></em></p>Quelle meilleure saga que celle de « Star Wars » pour montrer la concurrence féroce entre géants du numérique (l’Empire) et start-up innovantes (la rébellion) ?Julien Pillot, Enseignant-Chercheur en Economie et Stratégie (Inseec U.) / Pr. et Chercheur associé (U. Paris Saclay), INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1290542019-12-27T14:54:06Z2019-12-27T14:54:06ZLa face cachée d’Alexa, de Siri et autres assistants virtuels<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/308263/original/file-20191227-11900-1fj2dtc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les assistants personnels à usage domestique sont de plus en plus populaires, mais soulèvent des inquiétudes en matière du respect de la vie privée.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock </span></span></figcaption></figure><p>Il y a de cela à peine quelques années, les appareils numériques d’assistance vocale tels qu’Alexa de Amazon, Siri de Apple, et l’Assistant de Google semblaient relever de la science-fiction. Mais demain, c’est aujourd’hui, et cet avenir est désormais intégré, amplifié, et omniprésent.</p>
<p>Les assistants virtuels se retrouvent partout : <a href="https://www.wordstream.com/blog/ws/2018/04/10/voice-search-statistics-2018">au bureau, à la maison, dans l’auto, à l’hôtel, et dans bien d’autres endroits</a>. Leur évolution récente est spectaculaire. Leurs systèmes opératoires sont propulsés par l’intelligence artificielle (IA). Ils font la cueillette de données en temps réel, et ils sont capables de rassembler des informations de sources diverses – telles que les appareils intelligents et services infonuagiques – de les contextualiser et les interpréter grâce à l’IA. Si une bonne partie du chemin a été parcouru pour développer ces technologies, il reste encore bien du travail à faire dans ce domaine.</p>
<p>Grand nombre des données récoltées et utilisées par ces assistants numériques contiennent des renseignements personnels, parfois identifiables, et parfois de nature délicate. Alexa et les autres assistants virtuels violent-ils le caractère privé et la sécurité de nos données ? Oui. <a href="https://www.theguardian.com/technology/2019/oct/09/alexa-are-you-invading-my-privacy-the-dark-side-of-our-voice-assistants">Ces assistants personnels ont une face cachée</a>.</p>
<p>Je suis spécialiste en protection et en gouvernance des données ainsi qu’en intelligence artificielle. Je travaillais auparavant au bureau du Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario.</p>
<h2>Un service de conciergerie</h2>
<p>Envisageons le scénario suivant.</p>
<p>Vous recevez des amis. Votre première invitée arrive, et la caméra de sécurité de votre porche la filme en train de s’approcher de votre maison. Une voix polie lui souhaite la bienvenue et débarre la porte. Une fois entrée, votre assistant personnel lui explique que vous êtes en route et arriverez bientôt. Votre système de son met en marche une sélection des morceaux préférés de votre invitée (à partir de sa liste Spotify qu’elle a mise en partage sur son réseau d’amis). Puis lui demande si elle préfère toujours le café à saveur de citrouille épicée, ou si elle en voudrait plutôt un à la vanille française ou bien encore un colombien. Peu après, votre invitée prend son café sur la machine à café numérique. Son service de conciergerie terminé, votre assistant vocal se tait, alors qu’en vous attendant, votre invitée passe quelques coups de téléphone.</p>
<p>C’est fascinant de s’apercevoir qu’un assistant virtuel peut avec exactitude identifier votre invitée, choisir ses chansons préférées, se souvenir de son café de prédilection tout en gérant les appareils intelligents de votre domicile.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/306262/original/file-20191211-95165-u31ikt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/306262/original/file-20191211-95165-u31ikt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/306262/original/file-20191211-95165-u31ikt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/306262/original/file-20191211-95165-u31ikt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/306262/original/file-20191211-95165-u31ikt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/306262/original/file-20191211-95165-u31ikt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/306262/original/file-20191211-95165-u31ikt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/306262/original/file-20191211-95165-u31ikt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Alors que les appareils intelligents deviennent de plus en plus envahissants, préserver notre vie privée et celle d’autrui demande un nouvel effort collectif.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Nos assistants virtuels à l’accueil</h2>
<p>Mais en quoi le comportement de votre assistant numérique vous concerne-t-il ?</p>
<p>Les assistants numériques sont capables d’enregistrer nos conversations, nos images, et bien d’autres éléments de notre vie privée, y compris notre localisation, par l’intermédiaire de nos téléphones intelligents. Ils se servent de nos données pour améliorer leur apprentissage automatique au fil du temps. Ils sont programmés et entretenus par des entreprises qui sont constamment à l’affût de nouvelles façons de capturer et d’utiliser nos données.</p>
<p>Comme c’est le cas pour d’autres programmes informatiques, l’enjeu fondamental est que ces appareils peuvent avoir des défaillances, des problèmes de nature technique ou dans le traitement des données. Ils sont également susceptibles d’être piratés à distance, ce qui représente une atteinte à la vie privée de l’usager.</p>
<p>Par exemple, en Oregon, un couple a dû débrancher leur Alexa, car <a href="https://www.npr.org/2018/05/25/614315967/oregon-couple-unplugs-alexa-after-it-records-private-conversation">ses conversations privées étaient enregistrées et envoyées à un ami figurant sur sa liste de contacts</a>.</p>
<p>Dans un incident séparé, un Allemand a reçu par erreur <a href="https://www.darkreading.com/iot/amazon-slip-up-shows-how-much-alexa-really-knows/d/d-id/1333545">1700 fichiers d’Alexa appartenant à un parfait inconnu</a>. Ces fichiers contenaient son nom, ses habitudes, ses emplois et autres renseignements confidentiels.</p>
<h2>La conscience du privilège</h2>
<p>La popularité croissante et la disponibilité des assistants virtuels a eu pour effet <a href="https://metro.co.uk/2019/09/09/fears-privacy-widening-digital-divide-experts-suggest-10710383/">d’élargir ce qu’on appelle le fossé numérique</a>. On y découvre un paradoxe intéressant, où les usagers qui sont au courant et attentifs au respect de leur vie privée ont tendance à limiter l’utilisation d’outils numériques, alors que ceux qui protègent le moins leur vie privée intègrent de façon beaucoup plus régulière ces assistants personnels dans leur monde numérique.</p>
<p>Les assistants personnels enregistrent les données des usagers soit en continu, soit en attendant une commande de réveil pour se mettre en fonction. Il n’existe pas de limite à la cueillette de données qu’ils peuvent faire. Ils sont capables de recueillir et de traiter des données non autorisées par l’usager, comme sa voix, par exemple.</p>
<p>Dans notre société où sévit ce « fossé numérique », une personne avertie n’intégrerait pas un tel équipement dans son quotidien, alors que d’autres auraient tendance à accepter ou rationaliser ce type de comportement.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/306261/original/file-20191211-95173-15d352f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/306261/original/file-20191211-95173-15d352f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/306261/original/file-20191211-95173-15d352f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/306261/original/file-20191211-95173-15d352f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/306261/original/file-20191211-95173-15d352f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/306261/original/file-20191211-95173-15d352f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=559&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/306261/original/file-20191211-95173-15d352f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=559&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/306261/original/file-20191211-95173-15d352f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=559&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Dans le but de simplifier la gestion ménagère et de la rendre plus efficace, les appareils intelligents ont la capacité de mettre l’usager en lien avec ses appareils ménagers.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Le respect de la vie privée d’autrui</h2>
<p>Dans notre époque aux objets omniprésents et à l’accès illimité à l’Internet, comment devrions-nous gérer ce paradoxe et respecter les choix d’autrui ?</p>
<p>Retournons à notre assistant virtuel du début. Il a dû traiter plusieurs sources de données sur l’invitée afin de pouvoir agir comme un « hôte intelligent ».</p>
<p>A-t-il agi pour nourrir ses algorithmes, ou bien pour empiéter sur la vie privée de l’invitée ? Cela dépend à qui l’on pose la question.</p>
<p>Notre éducation, basée sur les bonnes manières, nous pousse au respect des valeurs d’autrui en matière de technologies numériques. Cependant, les implications et la croissance de ces technologies ont été si radicales et si rapides que nous ne sommes pas encore arrivés à revoir nos paramètres sociaux ni nos exigences.</p>
<p>En tant qu’hôtes, par exemple, sommes- - nous tenus d’informer nos invités de la présence de nos objets branchés ? Serait-il poli pour un invité de nous demander d’éteindre ces appareils ? Devrions-nous nous renseigner sur la présence d’intelligence artificielle avant de nous rendre chez un ami, dans un hôtel, ou dans un Airbnb ?</p>
<p>La réponse à toutes ces questions, c’est oui, selon l’<a href="https://emilypost.com/book/emily-posts-manners-in-a-digital-world/">expert en étiquette Daniel Post Senning</a>. Ce dernier croit qu’une auto-évaluation aide à mieux comprendre l’étiquette. Aimerions-nous savoir que nous sommes enregistrés lors d’une réunion d’affaires ou une rencontre privée ? Ou qu’on nous demande d’éteindre nos appareils intelligents lorsque nous recevons ? Les règles de l’étiquette sont universelles : il nous faut être respectueux et honnêtes.</p>
<p>Informez vos collègues que vos assistants virtuels peuvent enregistrer leurs voix, leur image et d’autres données personnelles. Demandez à votre hôte de fermer ses appareils si leur présence vous cause de l’inconfort. Mais faites-le avec respect. Il ne faudrait pas lui demander de le faire en présence d’une personne qui serait dépendante de tels outils, en raison de son âge ou d’un handicap, par exemple.</p>
<h2>Tous ensemble pour préserver notre vie privée</h2>
<p>La vie privée est une norme sociale que nous devons tous ensemble protéger. Tout d’abord, nous devons nous éduquer en matière de cybersécurité et des risques associés aux technologies numériques. Nous devrions également nous tenir au courant des dernières avancées technologiques et y réagir le cas échéant.</p>
<p>Le gouvernement se doit de jouer un rôle essentiel face à ce paradigme complexe. Il nous faut des lois plus fortes en matière de protection de la vie privée en lien avec les assistants virtuels. Pour l’instant, les règles du jeu sont écrites par Amazon, Google et Apple.</p>
<p>D’autres juridictions ont instauré des réglementations, comme <a href="https://www.cnet.com/news/alexa-privacy-fears-spark-questions-for-amazon-in-europe/">celle du Règlement général sur la protection des données</a> en Europe qui, notamment, supervise la cueillette de données sur un éventail d’appareils intelligents. Le Canada devrait suivre leur exemple.</p>
<p>[<em>Vous aimez ce que vous avez lu ? Vous en voulez plus ?</em> <a href="https://theconversation.com/ca-fr/newsletters">Abonnez-vous à notre infolettre hebdomadaire</a>. ]</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/129054/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rozita Dara ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Aimerions-nous savoir que nous sommes enregistrés lors d’une réunion d’affaires ou une rencontre privée? Oui, selon un chercheur en matière de protection de la vie privée.Rozita Dara, Assistant Professor, Computer Science, University of GuelphLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1224982019-10-13T18:59:29Z2019-10-13T18:59:29ZJeux vidéo : l’abonnement aux plates-formes « illimitées », bonne ou mauvaise idée ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/296633/original/file-20191011-96208-xwg2lk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1000%2C561&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'accroissement des offres oblige en les consommateurs à cumuler les offres d'abonnement.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nodstrum/43268759392">flickr</a></span></figcaption></figure><p>Récemment, les modèles économiques de l’industrie du jeu vidéo ont été bousculés par les manœuvres stratégiques de la part d’acteurs historiques de l’industrie comme Epic Games, Microsoft ou Sony. L’arrivée de nouveaux entrants attirés par la manne financière – Google et sa technologie Stadia ou le développement du cloud gaming – devrait également changer la donne. Dans le même temps, UFC-Que Choisir a remporté une première bataille en obtenant la <a href="https://www.quechoisir.org/action-ufc-que-choisir-condamnation-de-steam-l-ufc-que-choisir-fait-reconnaitre-le-droit-de-revente-de-jeux-video-n70803/">condamnation de Steam</a> en faisant reconnaître le droit de revente des jeux vidéo.</p>
<p>Au mois de septembre, trois offres d’abonnement illimitées à des jeux vidéo (Uplay+ d’Ubisoft Apple Arcade et Google Play Pass) ont été lancées. Lors d’une conférence diffusée sur Internet en 2018, Reed Hastings, le PDG de Netflix, avait qualifié la concurrence entre les plates-formes de VOD de « compétition féroce pour les entreprises » mais « formidable pour les consommateurs ». La généralisation des offres d’abonnement dans l’industrie du jeu vidéo aura-t-elle les mêmes effets pour la compétition et surtout pour les joueurs ?</p>
<h2>Le principe de l’abonnement dans les industries culturelles et créatives</h2>
<p>L’industrie du jeu vidéo, dernière-née des industries culturelles et créatives, est par construction une « industrie culturelle numérique » (<a href="http://www.pressesdesciencespo.fr/fr/livre/?GCOI=27246100054280">Benghozi & Chantepie, 2017</a>). Paradoxalement, cette industrie n’est pas la première industrie créative à se lancer dans les offres d’abonnement illimité.</p>
<p>Le cinéma (cartes illimitées UGC Illimité Mk2 ou CinéPass), la musique (abonnement à des plates-formes comme Deezer, Spotify ou Qobuz) et la télévision (abonnement à des plates-formes comme Netflix, OCS ou Disney+) ont déjà tenté le pari de l’abonnement et des offres illimitées.</p>
<p>Dans le domaine de l’industrie du jeu vidéo, certains consoliers (Microsoft Game Pass, Playstation Store de Sony) et éditeur (Origin Access d’Electronics Arts) font déjà figure de pionniers. Au mois de septembre 2019, les lancements des offres d’Ubisoft, d’Apple et de Google – l’offre de la firme de Moutain View est une réaction quasi instantanée à l’offre de la firme de Cupertino – font entrer l’abonnement dans le jeu vidéo dans une autre dimension. Ces offres ne sont pas comparables dans la mesure où elles ne sont pas de la même nature et s’adressent à des écosystèmes différents (smartphones/tablettes, ordinateurs personnels et consoles) :</p>
<ul>
<li><p>pour l’instant, Google Play Pass a été lancée uniquement aux USA, l’offre d’Ubisoft ne fonctionne que sur les PC, les offres d’Apple et Google ne fonctionnent que sur des terminaux mobiles ;</p></li>
<li><p>en termes de prix, le joueur devra débourser mensuellement 12,99 euros pour l’offre d’Ubisoft, 4,99 euros pour les deux autres offres ;</p></li>
<li><p>l’offre d’Ubisoft permet d’accéder à une centaine d’anciens et nouveaux jeux du catalogue Ubisoft, aux accès anticipés des nouveaux jeux et aux betas des jeux tandis que l’offre d’Apple est pour l’instant de 70 jeux sans micro-transactions.</p></li>
</ul>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/p_DorO-goHA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p><a href="https://www.amazon.fr/dp/B00O9IH5LG/">Originellement utilisé à partir du XVIᵉ siècle par les vendeurs de cartes</a>, le business model de l’abonnement est récemment devenu très populaire. Il permet notamment une fidélisation plus facile des consommateurs (John Warrilow utilise le qualificatif de « consommateur automatique ») ou la constance des revenus perçus. Pour les acteurs historiques du jeu vidéo, la menace de nouveaux entrants – Apple et Google, voire Amazon ou Netflix – utilisant déjà ce modèle peut constituer une incitation supplémentaire à l’adopter. De plus, les systèmes d’abonnement pourraient radicalement résoudre les problèmes de revente des jeux dématérialisés en réduisant fortement le marché de l’occasion.</p>
<h2>Une vie sous abonnement ?</h2>
<p>Dans « The age of access : The new culture of hypercapitalism, where all of life is a paid-for experience », l’essayiste américain Jeremy Rifkin prophétisait que la nouvelle culture du capitalisme serait celle de l’accès. Pour résumer son propos, la propriété privée de biens physiques tendrait à disparaître au profit de l’accès à la ressource, à l’expérience vécue. Plutôt que posséder des albums physiques de musique, les mélomanes écoutent des playlists via leurs abonnements payants à des plates-formes comme Deezer, Spotify ou Qobuz (<a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11187-019-00213-1">Gimenez-Roche & Calcei, 2019</a>). Plutôt qu’acheter des jeux sur des supports physiques, les joueurs s’abonnent à des offres illimitées.</p>
<p>Pour les consommateurs, ces offres d’abonnement peuvent présenter quelques avantages. Pour le prix d’un abonnement mensuel et sans engagement, les joueurs peuvent tester des centaines de jeux avant de décider ou non de les acheter : les jeux vidéo étant des biens d’expérience, pouvoir les tester avant de les acheter permet de mieux connaître leur qualité et d’éviter les mauvaises surprises. <a href="http://www.jeuxvideo.com/news/1081416/les-joueurs-sont-ils-encore-prets-a-payer-leurs-jeux-au-prix-fort.htm">Sur un marché où les jeux deviennent de plus en plus chers</a>, le prix d’un abonnement peut permettre aux joueurs peu enclins à payer des jeux au prix fort ou aux joueurs aux revenus plus modestes d’accéder à des offres pléthoriques de jeux sans pour autant se ruiner. Par exemple, The Division2 d’Ubisoft coûte, selon les versions, de 40 à 120 euros (sur le site d’Ubisoft) contre un coût d’abonnement annuel à Uplay+ de l’ordre de 180 euros, qui permet de jouer à plus d’une centaine de jeux.</p>
<h2>La question de la disponibilité des jeux</h2>
<p>Du côté des points négatifs, contrairement à l’achat de jeux en supports physiques, l’abonnement à des offres illimitées pose la question de la disponibilité dans le temps des jeux. Rien ne garantit que des acteurs comme Ubisoft, Apple ou Google ne suppriment pas des jeux disponibles sur leurs plates-formes. Pour des raisons variées et plus ou moins louables, les « purges » de jeux vidéo sont parfois pratiquées sur les plates-formes numériques. En 2015, Ubisoft a ainsi supprimé temporairement les jeux de joueurs ayant acheté leurs jeux – des clefs d’activation, en fait – sur Origin Access. Suite à la plainte de joueurs de bonne foi sur les réseaux sociaux, Ubisoft a rétabli les jeux des joueurs – bien que légalement achetés sur Origin Acesss, ces clefs d’activation provenaient de revendeurs du <a href="http://www.lefigaro.fr/medias/le-marche-gris-la-bete-noire-de-l-industrie-des-jeux-video-20190619">marché gris</a>. Depuis ces incidents, les clefs d’activation des jeux d’Ubisoft doivent être obligatoirement activées sur Uplay, ce qui permet à Ubisoft d’en garantir l’authenticité.</p>
<p>Plus globalement, ces offres participent d’une <a href="https://start.lesechos.fr/actus/retail-luxe-grande-conso/notre-vie-sous-abonnement-une-economie-en-plein-essor-11160.php">vie sous abonnement</a> qui devient de plus en plus coûteuse pour les consommateurs. En mars 2019, le cabinet Deloitte a publié la treizième édition de son <a href="https://www2.deloitte.com/us/en/insights/industry/technology/digital-media-trends-consumption-habits-survey.html">rapport annuel sur les grandes tendances des médias numériques</a>. Certes, le rapport annuel se concentre exclusivement sur les consommateurs américains et sur un marché où les offres de divertissement payantes sont plus nombreuses qu’en Europe. Pour autant, il ressort de cette étude que 47 % des utilisateurs se déclarent frustrés par l’<a href="https://theconversation.com/series-et-sport-en-streaming-quand-labondance-doffres-encourage-le-piratage-114754">accroissement des offres d’abonnement</a>.</p>
<p>L’accroissement des offres oblige les consommateurs à cumuler les offres d’abonnement afin de bénéficier des contenus qu’ils désirent exactement. Ce phénomène est ainsi déjà visible dans la diffusion des compétitions de football et des séries et des films, éclatés en une multitude d’offres. Ainsi, avec la logique des exclusivités et des offres différentes selon les écosystèmes, un joueur s’abonnant à Arcade pour bénéficier d’un jeu inédit, à Uplay+ pour un jeu Ubisoft et au XBOX Game Pass débourserait mensuellement au minimum 20 euros – si ce joueur souhaite en plus bénéficier de l’ensemble des fonctionnalités d’un Mario Kart Tour, il devra ajouter mensuellement 4,99 euros. </p>
<p>De plus, 57 % des consommateurs interrogés par Deloitte déclarent leurs frustrations lors de la perte d’accès à leurs contenus préférés suite à l’expiration des droits. Il est encore trop tôt pour tirer des enseignements sur le recours de plus en plus massif à l’abonnement pour diffuser les jeux vidéo. Il n’est notamment pas possible de mesurer l’impact final pour les consommateurs, les poids lourds de l’industrie et les petits studios à la merci d’une nouvelle <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/09/04/la-crise-du-jeu-video-de-1983-va-t-elle-se-reproduire-avec-un-indiepocalypse-de-2016_4745640_4408996.html">indiepocalypse</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/122498/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Didier Calcei ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au mois de septembre, trois offres d’abonnement illimitées à des jeux vidéo (Ubisoft, Apple et Google) ont été lancées.Didier Calcei, Professeur associé en Innovation & Entrepreneuriat, South Champagne Business School (Y Schools) – UGEILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1239362019-09-22T17:57:38Z2019-09-22T17:57:38ZLa raison d’être de l’entreprise peut-elle vraiment être globale ?<p>En tant que citoyenne et consommatrice française, je n’ai pu que me réjouir de voir l’Assemblée nationale adopter en avril 2019 la <a href="https://www.economie.gouv.fr/plan-entreprises-pacte">loi dite Pacte</a> (pour Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) en ce qu’elle permet d’intégrer la raison d’être d’une entreprise dans ses statuts.</p>
<p>Comme la définit le <a href="https://www.economie.gouv.fr/mission-entreprise-et-interet-general-rapport-jean-dominique-senard-nicole-notat">rapport Notat-Senard</a> qui a servi de point de départ à la loi Pacte, cette raison d’être précise « le motif, la raison pour laquelle la société est constituée », « détermine le sens de la gestion d’une société, et en définit l’étude et la vocation » avec l’objectif de mieux considérer notamment les enjeux sociaux et environnementaux.</p>
<p>Cette disposition de la loi s’est avérée d’autant plus pertinente que, quatre mois plus tard, Business Roundtable (association à but non lucratif basée à Washington regroupant les dirigeants de grandes entreprises américaines) a publié son nouveau <a href="https://www.businessroundtable.org/business-roundtable-redefines-the-purpose-of-a-corporation-to-promote-an-economy-that-serves-all-americans">manifeste sur la raison d’être de l’entreprise</a>, signé par 181 dirigeants qui s’engagent à créer de la valeur pour l’ensemble de leurs parties prenantes et non plus seulement pour leurs actionnaires.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/oeKWywi3AwE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Business Roundtable member on the changing role of corporations », vidéo CNBC, août 2019 (en anglais).</span></figcaption>
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<p>Ils promettent en particulier d’« apporter de la valeur à leurs clients […]. D’investir dans leurs salariés. Cela commence par les rémunérer justement et leur fournir des prestations importantes. […] De soutenir les communautés au sein desquelles ils travaillent. […] De générer de la valeur de manière pérenne pour les actionnaires qui apportent le capital permettant aux entreprises d’investir, de se développer et d’innover ».</p>
<h2>« Dans l’air du temps »</h2>
<p>Cependant, en tant que dirigeante d’une société présente sur trois continents (l’agence de conseil en stratégie <a href="http://compasslabel.fr/">Compass Label</a>), citoyenne franco-espagnole et membre des Franco-British Young leaders (programme dont l’objectif est de renforcer la compréhension mutuelle et la coopération entre la France et le Royaume-Uni, et de créer un dialogue bilatéral durable au plus haut niveau), cette mesure m’interroge.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293369/original/file-20190920-50928-t6eb0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293369/original/file-20190920-50928-t6eb0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293369/original/file-20190920-50928-t6eb0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293369/original/file-20190920-50928-t6eb0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293369/original/file-20190920-50928-t6eb0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=542&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293369/original/file-20190920-50928-t6eb0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=542&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293369/original/file-20190920-50928-t6eb0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=542&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Nancy Koehn.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/lbjlibrarynow/47006818621/in/album-72157676265733887/">LBJ Library/Flickr</a></span>
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<p>Certes, la raison d’être est désormais au cœur du débat sur l’entreprise et sa gouvernance et des préceptes en matière de responsabilité d’entreprise, et, comme le souligne l’historienne et professeure titulaire de la Chaire d’administration des entreprises à la Harvard Business School, <a href="http://www.hbs.edu/faculty/product/35591">Nancy Koehn</a>, le nouveau manifeste sur la raison d’être de l’entreprise, tout comme la loi Pacte, constitue « une réponse à une <a href="https://www.nytimes.com/2019/08/19/business/business-roundtable-ceos-corporations.html">préoccupation dans l’air du temps</a> ».</p>
<p>Mais au sein des groupes internationaux, le chemin à parcourir entre la théorie et la pratique est long et sinueux lorsqu’il s’agit de raison d’être de l’entreprise. Il n’est par ailleurs pas si évident qu’une multinationale soit capable de définir sa raison d’être indépendamment de sa nationalité. Dès lors, n’est-il pas hypocrite pour un groupe international de définir une raison d’être globale qui n’assumerait pas une forme de préséance donnée aux intérêts de ses compatriotes parmi ses parties prenantes et actionnaires ?</p>
<h2>Le dilemme du patriotisme économique</h2>
<p>Prenons un exemple dans le secteur des transports. Pour la SNCF, entreprise ferroviaire qui opère quasiment exclusivement sur le territoire français, il n’est pas difficile de définir sa raison d’être. Il s’agit d’« apporter à chacun la liberté de se déplacer facilement en préservant la planète ». Pour le constructeur automobile Renault, l’exercice est plus délicat. Officiellement, la raison d’être du groupe est la suivante : « rendre la mobilité durable et accessible à tous, partout dans le monde ». En réalité, neuf mots manquent à cette définition : en préservant prioritairement l’emploi en France et l’influence française. Pour quelle raison ? Parce que Renault est l’un des fleurons de l’industrie française avant d’être l’un des leaders mondiaux de la construction automobile, ce qui a un impact direct sur sa capacité à participer du développement d’une auto-mobilité plus durable dans les années à venir.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1149435844786307079"}"></div></p>
<p>Le récent fiasco de l’accord Fiat-Renault illustre cette problématique. L’accord était guidé par la nécessité pour les géants de l’industrie automobile de partager les coûts de la transition écologique, c’est-à-dire des investissements en recherche et développement pour la voiture électrique et la voiture autonome. Il a échoué en raison des garanties demandées par le ministre de l’Économie et des Finances concernant la préservation de l’emploi et des sites de production en France.</p>
<p>Définir la raison d’être d’une entreprise constitue un engagement de création de valeur pour les parties prenantes (salariés, clients, communautés…) et pas seulement pour les actionnaires. Mais cet engagement peut-il véritablement bénéficier à « toutes » les parties prenantes d’une entreprise dès lors que nous parlons d’une multinationale ?</p>
<h2>De bons employeurs… sur le territoire d’origine</h2>
<p>Il est important de souligner que l’échec de l’accord Fiat-Renault ne résulte pas seulement du fait que l’État français détient 15 % du capital de Renault. En 2019, dans le <a href="https://www.forbes.com/best-large-employers/#6dc839cefb3e">classement Forbes des meilleurs employeurs américains</a>, 9 des 10 entreprises arrivant en tête sont américaines. Le classement des meilleurs employeurs en France 2018-2019 réalisé par <a href="http://business-cool.com/carriere/entreprises/classements-meilleurs-employeurs-france-2018-2019/">Capital</a> révèle un phénomène identique : parmi les 10 premières entreprises, 9 sont françaises.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/293368/original/file-20190920-50973-z8hego.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293368/original/file-20190920-50973-z8hego.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293368/original/file-20190920-50973-z8hego.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=315&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293368/original/file-20190920-50973-z8hego.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=315&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293368/original/file-20190920-50973-z8hego.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=315&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293368/original/file-20190920-50973-z8hego.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=396&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293368/original/file-20190920-50973-z8hego.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=396&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293368/original/file-20190920-50973-z8hego.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=396&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Une seule entreprise française figure dans le classement Forbes des meilleurs employeurs aux États-Unis.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.forbes.com/best-large-employers/#42cf9e32fb3e">Capture d’écran Forbes.com</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dit autrement, il fait particulièrement sens pour un salarié américain de travailler pour une entreprise américaine, pour un salarié français de travailler pour une entreprise française, etc. Les salariés sont aujourd’hui à la recherche d’une forme de cohérence entre leurs valeurs, ce en quoi ils croient, et leur activité professionnelle. Ils ont besoin de se sentir inspirés par la raison d’être de leur entreprise, par son comportement et ses décisions. Par conséquent, les entreprises sont conduites à introduire dans leur raison d’être une forme de patriotisme économique s’agissant des valeurs et des priorités portées.</p>
<p>Cela ne signifie pas que cette raison d’être doit inclure de manière systématique un volet sur la création ou la préservation des emplois locaux – les dirigeants d’Apple assument depuis fort longtemps qu’une fabrication américaine <a href="https://www.nytimes.com/2012/01/22/business/apple-america-and-a-squeezed-middle-class.html">n’est selon eux pas une option viable</a> pour la production de l’iPhone et de l’iPad. Cela signifie que les multinationales sont appelées à assumer un positionnement social, économique, des initiatives et des engagements qui prennent de facto en compte leur nationalité. Notons d’ailleurs que Tim Cook, le PDG d’Apple, est membre de Business Roundtable. Et que le premier mot du nouveau manifeste sur la raison d’être de l’entreprise est le mot « Américains », et non pas « salariés » ou « consommateurs » :</p>
<blockquote>
<p>« Les Américains méritent une économie qui permet à chacun de réussir en travaillant durement et en étant créatif, pour vivre dans la dignité, vivre une vie qui a du sens ».</p>
</blockquote>
<p>Mais ne nous méprenons pas ; il ne s’agit pas pour moi d’affirmer que les multinationales devraient abandonner leur ambition de définition d’une raison d’être. Il s’agit de souligner le fait que le processus de définition d’une raison d’être cohérente et porteuse de sens doit intégrer les implications du monde global actuel. Les dirigeants sont amenés à répondre à des enjeux sociaux de première importance en tenant compte de certaines priorités et valeurs du pays d’origine de l’entreprise, tout en définissant une raison d’être qui fasse sens pour des parties prenantes, des clients et des salariés d’une multitude de pays différents, sans opter pour autant pour le plus petit dénominateur commun.</p>
<p>Alors de quelle manière pour une entreprise définir une raison d’être globale ambitieuse ? Les grandes entreprises pourraient s’inspirer des conférences de consensus dans le secteur de la santé. Une conférence de consensus permet aux décideurs publics de dépasser les clivages philosophiques, éthiques et moraux initiaux pour faire ressortir des enjeux vitaux et prendre en compte des témoignages personnels forts et bien réels. Concevoir un modèle similaire pour la définition par les grands groupes internationaux de leur raison d’être offrirait à leurs dirigeants l’opportunité de piloter des organisations véritablement guidées par une raison d’être réellement globale et porteuse de sens.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/123936/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Agathe Cagé est associée-cofondatrice, et présidente, de l'agence de conseil en stratégie Compass Label. </span></em></p>Les écarts qui peuvent exister entre les enjeux locaux et internationaux peuvent compliquer la définition de la finalité d’une multinationale.Agathe Cagé, Docteure en Sciences politiques associée au (CESSP) du CNRS, de l'EHESS, et de , Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1229082019-09-08T18:38:06Z2019-09-08T18:38:06ZPourquoi les appareils à commande vocale nous enregistrent-ils ? Quels en sont les risques ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/290987/original/file-20190904-175705-kr1r86.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C6%2C691%2C433&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Assistant à commande vocale.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/KwG8KpT6gbQ">Photo by Niclas Illg on Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Alors que le déploiement sécurisé des réseaux 5G vient d’être adopté par la France (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000038864094&dateTexte=&categorieLien=id">loi « anti-Huawei »</a>), les polémiques fleurissent autour des assistants vocaux (sans oublier votre Xbox) convertis en véritables « mouchards ». A la suite de lanceurs d’alerte, plusieurs médias ont ainsi révélé l’étendue des enregistrements accidentels (non déclenchés par l’utilisateur) et surtout l’envoi de tous les enregistrements à des sous-traitants dont les salariés écoutent vos moments les plus intimes.</p>
<p><a href="https://www.vrt.be/vrtnws/en/2019/07/10/google-employees-are-eavesdropping-even-in-flemish-living-rooms/">Google Home</a>, <a href="https://www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-plus-d-ecoute-de-siri-sans-accord-de-l-utilisateur-promet-apple-76256.html">Apple Siri</a>, <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2019-04-10/is-anyone-listening-to-you-on-alexa-a-global-team-reviews-audio">Amazon Echo</a> et <a href="https://www.phonandroid.com/microsoft-a-aussi-espionne-les-joueurs-xbox.html">Xbox</a>, fabricants de ces dispositifs reposant sur l’intelligence artificielle ont en effet recours à des sociétés extérieures pour analyser les requêtes. C’est acceptable, mais là où cela devient glissant, c’est que les salariés peuvent écouter les enregistrements des voix des membres du foyer et des personnes qui les visitent et sont à portée de voix.</p>
<p>La commande vocale est en réalité profondément infiltrée dans votre vie privée. Au-delà des assistants vocaux ce sont bien sûr le téléphone, un casque audio, les équipements ménagers, jusqu’à <a href="https://www.professionvoyages.com/commande-vocale-dans-votre-chambre-dhotel/">votre chambre d’hôtel</a>, et demain les véhicules autonomes qui fonctionnent grâce à cette technologie. Il est donc temps de découvrir ce que les fabricants enregistrent, pourquoi, et quels sont les risques pour les utilisateurs.</p>
<h2>Espion du quotidien</h2>
<p>Contrôler des objets connectés, utiliser des services de divertissement tels sont les fonctions des assistants personnels à commande vocale : répondre à une question, jouer un morceau de musique, donner la météo, descendre les stores, diminuer la température… un vrai valet à votre service !</p>
<p>Tous les appareils connectés se trouvent dans le foyer ou sont portés par leurs utilisateurs. Le volume des données qu’ils génèrent est donc très important et reflète parfaitement le mode de vie de la famille depuis l’heure du lever. Réglage du chauffage, goûts culturels, achats passés, centres d’intérêt… rien de leur échappe. Le profil commercial de chaque membre de la famille est affiné en toute discrétion puisque la voix qui commande l’appareil ne laisse aucune « trace ». En effet, vous souvenez-vous des requêtes formulées hier ? La semaine dernière ? Ou depuis l’achat de cet assistant ? Et qu’en est-il des interactions de vos enfants ou de leurs amis avec cette machine ? L’appareil lui, ne perd pas une miette du moindre mot et s’empresse de l’analyser pour peaufiner la technologie de reconnaissance vocale et, au passage, la publicité ciblée.</p>
<p>Le fonctionnement est tellement simple que l’appareil se déclenche au bruit d’une simple fermeture éclair ! Siri s’est aussi déclenché en plein discours du Secrétaire à la Défense <a href="https://www.bbc.com/news/av/uk-politics-44701007/gavin-williamson-interrupted-by-siri-during-commons-statement">Gavin Williamson</a> qui s’adressait aux députés au sujet de la Syrie. Le même assistant s’active aussi en concordance avec l’Apple Watch. Or, le taux de déclenchement accidentel de cette montre connectée est très élevé et il peut enregistrer jusqu’à 30 secondes de son. Des négociations d’affaires aux rapports sexuels, en passant par des transactions illicites et des consultations médicales, l’objet des enregistrements est identifiable en un rien de temps.</p>
<p>Le motif invoqué par les fabricants pour justifier ces enregistrements est l’amélioration de la technologie de reconnaissance vocale : « améliorer la qualité langagière » selon Amazon et Google. Les sociétés précisent qu’elles permettent à l’utilisateur de s’opposer à certaines utilisations de ces enregistrements par une option d’« opt-out » (pour ce faire, il faudra vous immerger dans les paramètres de votre appareil…). Apple a pour sa part expliqué que l’analyse porte sur moins de 1 % des requêtes et qu’elle se fait moyennant des garanties : les données sont anonymisées (elles ne peuvent pas être rattachées à l’identifiant d’un client) et les personnes chargées de l’analyse ont signé un engagement de confidentialité. Devant le tollé provoqué par ces révélations, la firme a décidé d’introduire une option de consentement pour les utilisateurs.</p>
<h2>Données personnelles</h2>
<p>Si ces enregistrements « accidentels » et leur envoi pour analyse et écoute à des sous-traitants alimentent la polémique, c’est parce que les utilisateurs n’en étaient pas informés par les fabricants. Leur manque de loyauté et de transparence vis-à-vis de leurs clients est donc condamnable, sans compter l’absence de sécurité et de confidentialité s’agissant des enregistrements communiqués aux médias. Ces enregistrements comprennent l’historique des requêtes audio et la transcription des requêtes. Ils sont accompagnés de données de localisation, données de contacts et détails des applications qui servent à vérifier si la réponse à une requête a été donnée, plus les méta-données (date, heure, utilisateur…).</p>
<p>De surcroît, d’innombrables cas d’enregistrements portent sur des <a href="https://www.theguardian.com/technology/2019/jul/26/apple-contractors-regularly-hear-confidential-details-on-siri-recordings">discussions privées</a> entre médecins et patients, des négociations commerciales, des transactions apparemment criminelles, ou encore de rencontres sexuelles, etc.</p>
<p>Or, les données contenues par ces enregistrements sont des données à caractère personnel puisqu’il s’agit d’informations se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable. Rappelons que la personne physique peut être identifiée indirectement par référence à un identifiant (nom, numéro d’identification, données de localisation) ou à un ou plusieurs éléments spécifiques propres à son identité qu’elle soit physique, économique, culturelle ou sociale.</p>
<p>Nombre de ces données sont qualifiées de sensibles : celles révélant l’origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses, l’appartenance syndicale, les données de santé ou celles concernant la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle d’une personne. Le RGPD interdit le traitement de ces données sauf consentement explicite de la personne et dans certaines hypothèses strictement définies (art. 9). Or, dans de tels cas, les équipes qui analysent les enregistrements ont pour toute consigne de rapporter un « incident technique », sans plus. Aucune procédure n’est mise en place pour ces données très sensibles !</p>
<p>Au-delà de la publicité ciblée, les risques sont le partage ou la commercialisation des données, le piratage et l’utilisation par des tiers non autorisés (usurpation d’identité, arnaques, <em>ransomware</em>, etc.). Ces risques sont bien réels car la détection de la voix humaine n’est pas infaillible. Lors du Super Bowl 2017, une publicité TV sur Google Home avait déclenché les appareils des téléspectateurs car les personnages lançaient le fameux « OK Google ». De nombreux utilisateurs d’Amazon Echo ont reçu à leur domicile une maison de poupée qu’ils n’avaient pas commandée ! La commande vocale est donc la grande vulnérabilité de ces nouvelles technologies.</p>
<h2>Paroles… paroles… paroles…</h2>
<p>L’utilisation des assistants à commande vocale se révèle donc à haut risque pour la vie privée de ses utilisateurs. Leurs propriétaires sont en premier lieu affectés ainsi que toute personne se trouvant à portée de voix de l’appareil, même s’il n’en a pas forcément conscience. Plusieurs principes du RGDP ne sont sans doute pas observés. Celui de licéité, loyauté et transparence tout d’abord, puisque ces enregistrements et leur envoi à des sous-traitants ont eu lieu en dehors de toute information des personnes aisément accessible, facile à comprendre et formulée en termes clairs et simples. La minimisation de l’usage des données est aussi mise à mal car ces sociétés traitent des données qui ne sont ni adéquates, ni pertinentes au regard des requêtes des usagers.</p>
<p>Ensuite, rappelons qu’en vertu du principe de limitation des finalités, la ou les finalités doivent répondre à trois qualités. Être « déterminées » préalablement ce qui signifie qu’il est interdit de collecter des données à des fins préventives. Ces finalités doivent être « explicites », c’est-à-dire communiquées à la personne concernée (droit à l’information) et enfin, être légitimes par rapport à l’activité du responsable de traitement.</p>
<p>Quant à la limitation de la conservation, aucune durée n’est spécifiée par les CGU de Google si ce n’est que les enregistrements sont conservés <a href="https://support.google.com/googlenest/answer/7072285?hl=en">jusqu’à ce que les utilisateurs les suppriment</a>. Comment faire ? Ici encore, tout repose sur la vigilance de la personne et sa persévérance, à défaut de protection par défaut et dès la conception de la part de Google (accédez <a href="https://myactivity.google.com/">ici</a> à votre activité sur la page de Google pour tenter de supprimer vos enregistrements).</p>
<p>Sur certains produits, il est possible de paramétrer plusieurs profils d’utilisateurs, dans ce cas les enregistrements permettent l’identification de la personne (biométrie vocale) et les données sont rattachées à chaque profil. S’agissant de données biométriques, elles sont qualifiées de sensibles au sens du RGPD et ne peuvent être traitées que sur la base d’un consentement explicite.</p>
<h2>Détournements</h2>
<p>En cas d’utilisation des données pour une finalité autre que celles spécifiées dans les conditions d’utilisation de ces services, les sociétés peuvent voir leur responsabilité engagée pour détournement de finalité. La CNIL a récemment mis en demeure des sociétés des groupes <a href="https://www.cnil.fr/fr/mise-en-demeure-de-cinq-societes-dassurance-pour-detournement-de-finalite-des-donnees-des-assures">Humanis et Malakoff-Médéric</a> de cesser d’utiliser pour de la prospection commerciale des données personnelles collectées exclusivement afin de payer les allocations retraite.</p>
<p>Avec l’entrée en application du RGPD, les amendes administratives pour violation des principes de base d’un traitement, y compris les conditions applicables au consentement, peuvent atteindre vingt millions d’euros ou jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent (le montant le plus élevé étant retenu).</p>
<p><a href="https://datenschutz-hamburg.de/assets/pdf/2019-08-01_press-release-Google_Assistant.pdf">L’autorité de protection des données allemande</a> a justement ouvert une procédure d’enquête en août dernier enjoignant Google de cesser ses analyses des enregistrements pour une durée de 3 mois dans l’Union européenne.</p>
<h2>Que faire ?</h2>
<p>Les détenteurs de ces assistants peuvent tout d’abord exercer leurs droits d’accès à leurs données à caractère personnel pour savoir quelles écoutes ont été faites, et ensuite en demander la suppression. En attendant que des sanctions soient prises, les conseils de la <a href="https://www.cnil.fr/fr/enceintes-intelligentes-des-assistants-vocaux-connectes-votre-vie-privee">CNIL</a> sont les suivants :</p>
<ul>
<li><p>Privilégier l’utilisation d’enceintes équipées d’un bouton de désactivation du microphone.</p></li>
<li><p>Couper le micro/éteindre/débrancher l’appareil lorsque vous ne souhaitez pas être écouté. Certains dispositifs n’ont pas de bouton on/off et doivent être débranchés.</p></li>
<li><p>Avertir les tiers/invités de l’enregistrement potentiel des conversations (ou couper le micro lorsqu’il y a des invités).</p></li>
<li><p>Encadrer les interactions des enfants avec ce type d’appareils (rester dans la pièce, éteindre le dispositif lorsqu’on n’est pas avec eux).</p></li>
<li><p>Vérifier qu’il est bien réglé par défaut pour filtrer les informations à destination des enfants.</p></li>
</ul>
<p>Enfin, si vous possédez l’appareil Alexa d’Amazon, il est possible de désactiver l’option d’enregistrement dans : Paramètres > Alexa et vos informations personnelles > Gérer comment vos données contribuent à améliorer Alexa > Contribuer à améliorer les services Amazon et à développer de nouvelles fonctionnalités.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/122908/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Les assistants personnels à commande vocale sont à la mode. Sait-on qu’ils enregistrent nos conversations et diffusent nos données ?Nathalie Devillier, Professeur de droit, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1201402019-07-16T17:02:14Z2019-07-16T17:02:14ZPour en finir avec le « numérique »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/284310/original/file-20190716-173329-15k0gbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C5%2C1908%2C1270&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il est temps de reprendre la main!</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/ipad-comprim%C3%A9-technologie-touch-820272/">Pixabay</a></span></figcaption></figure><p>Le code est loi, <a href="https://www.harvardmagazine.com/2000/01/code-is-law-html">disait Lessig</a> il y a quelques années. <a href="https://www.nytimes.com/2011/02/06/books/review/Siegel-t.html">Morozov</a> explique bien à quel point les services proposés par les multinationales du numérique portent des valeurs précises qui ne sont jamais neutres. <a href="https://www.fsf.org/blogs/rms/20140407-geneva-tedx-talk-free-software-free-society/">Richard Stallmann</a> – fondateur du projet GNU et président de la <em>Free Software Foundation</em> – va plus loin : un ordinateur, dit-il, est une machine universelle qui calcule tous ce qu’on lui demande ; la question est de savoir qui demande à la machine d’effectuer les calculs ; on est là devant deux possibilités :</p>
<ul>
<li><p>l’usager est le maître du code et il est donc le maître de la machine ;</p></li>
<li><p>l’usager n’est pas le maître du code et il est donc à la merci de la machine – ou plus précisément de celui qui est maître de son code et donc typiquement une entreprise privée.</p></li>
</ul>
<p>Les téléphones portables, les tablettes et toutes leurs applications fonctionnent sur des logiciels dont le code appartient à des entreprises privées. Nous ne savons pas exactement ce que fait ce code, nous n’utilisons donc pas ces appareils, mais nous sommes plutôt utilisés par eux.</p>
<p>Concrètement :</p>
<ul>
<li><p>notre vie est influencée et structurée par ces outils sans que nous puissions précisément en comprendre les principes. Les affordances des plates-formes nous poussent à certaines pratiques, les notifications scandent nos rythmes de vie, les formats des données et des documents structurent l’organisation de notre pensée ;</p></li>
<li><p>nous ne savons pas ce qui est fait de nos données et qui y peut accéder.</p></li>
</ul>
<p>La même chose peut être dite – avec quelques nuances – des ordinateurs portables propriétaires. Apple, notamment, met en place des politiques qui restreignent de plus en plus de pouvoir à l’usager. Le fonctionnement de la machine devient complètement opaque souvent en protestant la nécessité de rendre les choses « simples » ou d’augmenter la sécurité. L’argument qui est devenu très vendeur est de ne pas donner à l’usager la main sur ses appareils pour éviter qu’il fasse des dégâts involontaires. Tout fonctionne indépendamment de l’usager, tout se configure de façon autonome, nous ne devons rien comprendre. Le prix à payer est que nous ne savons plus ce que nous faisons. Oui, nous ne faisons pas d’efforts pour comprendre la machine, mais en revanche nous sommes entre ses mains.</p>
<p>L’injonction à l’usage de logiciel et matériel propriétaire gagne en force et pouvoir – et cela n’est pas de la faute des entreprises privées, mais des usagers et, surtout, des institutions.</p>
<p>Or, s’il est normal que la littéracie numérique ne soit pas très développée chez des utilisateurs que personne n’a formés à ce propos, il me semble cependant aberrant que les institutions publiques – et les acteurs privés – n’entreprennent rien pour contrer ce phénomène et qu’ils soient au contraire à l’origine de cette multiplication de l’occupation de notre espace de vie par les privés.</p>
<p>Voici quelques exemples concrets issus de sphères différentes de notre vie quotidienne.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-numerique-une-notion-qui-ne-veut-rien-dire-116333">Le « numérique », une notion qui ne veut rien dire</a>
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<hr>
<h2>L’usage d’applications propriétaires dans les échanges privés</h2>
<p>Je pense en particulier à WhatsApp, Messanger/Facebook, Snapchat, Instagram, Twitter. Petite anecdote : je n’ai pas de Smartphone (pour les raisons que je viens de détailler). Depuis quelques années, je n’ai presque plus de contacts quotidiens avec mes parents (pourtant italiens !). Ils avaient l’habitude de communiquer avec moi par mail, mais depuis l’adoption de WhatsApp, ils considèrent que je ne suis pas joignable – je suis pourtant devant mon ordinateur connecté à longueur de journée. Ils préfèrent envoyer des messages sur WhatsApp à ma conjointe en lui demandant de me les relayer. Le contact familial est pris en otage par une compagnie privée. Au lieu que de devenir plus simple – avant il n’y avait pas ces possibilités de connexion, il fallait passer par une cabine téléphonique et un appel international… etc. –, le contact devient plus difficile, presque impossible, à moins d’adopter une application. </p>
<p>Vous me direz : mais même l’appel téléphonique passait par une société. Oui, bien sûr, mais le monde n’était pas investi par une compagnie unique. Et de plus, ces compagnies étaient contrôlées par les États… Le téléphone était perçu comme relevant de l’utilité publique. Or la philosophie de la privatisation de l’espace public voudrait que j’achète un téléphone avec un des deux systèmes d’exploitation possibles (iOS ou Android de Google) et que j’installe une application qui appartient à Facebook. Si je n’accepte pas ces conditions, je suis exclu de la communication avec mes parents – pour la petite histoire, j’essaie de les obliger à m’écrire des courriels ou à m’appeler sur mon fixe.</p>
<h2>L’usage obligatoire de logiciels propriétaires dans le cadre des institutions publiques</h2>
<p>Docx, PDF, Internet Explorer (oui, encore lui) sont bien souvent des canaux obligés lorsque nous avons affaire aux institutions publiques ! Autre anecdote : je suis en train de demander la citoyenneté canadienne. Le seul moyen pour compléter cette demande est de remplir un formulaire PDF en utilisant Acrobat Reader. Impossible de le faire en utilisant un autre logiciel. Je suis donc obligé d’installer un logiciel propriétaire si je veux bénéficier de mes droits. Un formulaire HTML aurait été accessible par tous – en utilisant un standard ouvert. Formulons-le ainsi pour que la dimension d’aberration soit plus évidente : la seule manière pour devenir citoyen canadien est de passer par la société Adobe. </p>
<p>Encore une fois, bien sûr, dans une société industrialisée et capitaliste, nous sommes depuis toujours confrontés à ce type de problèmes : pour remplir un formulaire papier, je suis obligé d’acheter du papier à une société privée, un stylo qui lui aussi est produit par une société privée… mais, dans ce cas, il y a plusieurs sociétés entre lesquelles je peux choisir et, surtout aucune de ces sociétés ne détient le brevet du papier ou du stylo (sauf les BICs, mais il existe d’autres types de stylos !). Dans le cas d’Adobe, le format du formulaire, son accessibilité, la structure de ses données sont établis par Adobe et par lui seul.</p>
<h2>L’usage obligatoire d’applications et de software propriétaires dans le cadre d’institutions privées d’utilité publique</h2>
<p>Un exemple : les banques. Il s’agit évidemment de sociétés privées, mais qui ont des responsabilités à l’égard de l’ensemble des citoyens. Or, il est désormais quasiment impossible d’être client d’une banque sans avoir recours à des logiciels ou du matériel propriétaire. Pour accéder à son compte, il faut un Smartphone – propriétaire – sur lequel faire tourner des applications – propriétaires – sous le contrôle, au choix, de Google ou d’Apple. Encore une fois, en tant qu’usagers, nous sommes obligés d’être clients de ces deux entreprises si nous voulons avoir une vie normale dans notre société. Pourquoi donc ?</p>
<h2>L’usage généralisé du format docx comme format texte</h2>
<p>Le format docx est désastreux pour une <a href="https://eriac.hypotheses.org/80">série de raisons</a>. Mais ce n’est pas là la question. Le problème est que son usage est banalisé par les maisons d’édition, les institutions publiques et privées. Au lieu que de produire du texte, nous sommes obligés de produire du docx. Le format, évidemment, n’est pas neutre : il propose une conception particulière du texte et du document. L’accessibilité, en outre, dépend seulement du bon vouloir de Microsoft. Comment est-il possible que nous soyons pris dans la dynamique de transformation de l’écriture en une propriété d’une boîte américaine ?</p>
<p>L’usage de logiciel propriétaire par l’université et par l’éducation. À l’université, on présuppose que les membres de la communauté – étudiants, chercheurs, administrateurs – utilisent MacOs ou Windows. L’ensemble des services est pensé exclusivement pour ces deux plates-formes. Aucune assistance n’est garantie pour les systèmes libres. Souvent, il est impossible d’effectuer les tâches quotidiennes si on n’a pas un Mac ou un PC Windows. Les logiciels proposés sont toujours propriétaires – Word, PowerPoint, Excel, Endnote… Dans le domaine de l’éducation primaire – ce qui est encore plus grave –, on associe le passage au numérique avec l’adoption généralisée des iPads. Or, il me semble absolument délirant de confier l’éducation publique à une entreprise privée. Mais, concrètement, c’est exactement ce qui arrive : les livres de texte deviennent des applications iPad, gérées et maintenues par Apple. C’est Apple qui décide de leurs vies, de leurs licences de distribution, de leurs accessibilités, de la date de leurs sorties, de leurs ergonomies. Nous voyons de grandes institutions se réjouir de leur progrès, car elles ont adopté ces technologies.</p>
<p>De cette manière, nous sommes progressivement en train d’abandonner la chose publique – ainsi que nos vies privées – entre les mains d’une poignée d’entreprises. Je le répète : la responsabilité ne revient pas à ces entreprises, mais à nous-mêmes et à nos institutions qui – par commodité ? Par facilité ? À cause des pressions commerciales ? À cause de notre ignorance ? – ne faisons rien pour défendre l’usage d’alternatives libres.</p>
<h2>Il existe des alternatives</h2>
<p>Il suffit de prendre un moment pour regarder – par exemple sur le <a href="https://directory.fsf.org/wiki/Main_Page">répertoire de la FSF</a> – pour constater que, pour tous les besoins que je viens de mentionner, il y a des solutions de type libre. Libres dans le sens que leur code est ouvert – et que donc il est possible de savoir ce qu’il opère –, qu’il peut être modifié et adapté à des besoins spécifiques – qui seront donc définis par les usagers et les communautés au lieu d’être fixés par une entreprise particulière – outre qu’être aussi gratuits, ce qui n’est pas la chose la plus importante, mais qui peut également servir d’argument.</p>
<p>Des exemples :</p>
<ul>
<li><p>des systèmes d’exploitation GNU-Linux qui permettent de faire tourner nos machines en évitant qu’elles fassent ce qu’elles veulent ;</p></li>
<li><p>des logiciels libres pour remplacer les logiciels propriétaires ;</p></li>
<li><p>du matériel qui respecte la liberté des usagers en rendant publiques ses spécifications techniques.</p></li>
</ul>
<p>L’objection qu’on entend souvent est que ces alternatives « ne fonctionnent pas ». Concrètement cela signifie que souvent ces logiciels demandent une prise en main plus complexe. Bien sûr : dès qu’il s’agit de choisir, il est nécessaire d’avoir une compréhension de base qui demande une étude. Mais cette étude est la condition de la liberté. Si nous voulons être maîtres de nos machines, il faut que nous soyons capables de leur demander ce que nous voulons.</p>
<p>Cela demande des efforts, certes ; mais ces efforts sont au fondement de la possibilité de liberté. Au nom de la simplicité et des interfaces <em>user friendly</em>, nous renonçons peu à peu à être maîtres de notre vie. Dans une situation orwellienne, nous sommes prêts à déléguer notre vie à des entreprises pour éviter l’effort de nous demander ce que nous voulons faire.</p>
<p>Or, évidemment, il n’est pas possible de demander ces efforts juste aux utilisateurs. Il est indispensable que les usagers soient accompagnés, sensibilisés et aidés par les instances institutionnelles et publiques. Si l’on pense aux enfants, la question devient encore plus claire : leur éducation sera entre les mains d’Apple et Google si nous ne prenons pas la peine de prôner des alternatives à leurs monopoles.</p>
<h2>Que faire ?</h2>
<p>En premier lieu, ce sont les institutions qui doivent s’engager dans cette démarche. Il est nécessaire que toutes les activités institutionnelles puissent être réalisées avec du logiciel et du matériel non propriétaires et que les solutions libres soient les solutions recommandées. Il doit évidemment rester possible d’accomplir ces tâches avec du logiciel propriétaire, cela doit rester une option pour garantir la liberté des usagers : si vous voulez utiliser un Mac, un PC Windows, soyez les bienvenus, mais nous privilégions les solutions libres – et nous offrons support pour ces solutions. Les institutions devraient aussi contribuer au développement du logiciel libre en investissant dans ce domaine pour leurs infrastructures numériques – au lieu que continuer à déléguer les GAFAM.</p>
<p>Ensuite, il est nécessaire d’obliger les acteurs privés d’utilité publique à faire la même chose. Et d’exhorter aussi l’ensemble des acteurs privés.</p>
<p>Le changement d’usages et la diffusion de pratiques libres seront un pivot pour déterminer les producteurs de matériel à s’aligner à la philosophie du libre. Les producteurs de matériel qui fonctionne exclusivement avec du logiciel propriétaires doivent être pénalisés.</p>
<p>Ces actions publiques doivent être accompagnées par une véritable démarche de sensibilisation à ces enjeux et un investissant important en formation. L’éducation doit être au fondement pour rendre libres les utilisateurs de demain.</p>
<p>« Le numérique » n’existe pas comme phénomène uniforme. Il y a dans les pratiques et les technologies des univers différents et parfois même opposés. Nous devons en être conscients et agir de conséquence. Il faut lutter pour que le monde ne se réduise pas à la propriété d’une poignée d’entreprises.</p>
<hr>
<p><em><a href="https://theconversation.com/le-numerique-une-notion-qui-ne-veut-rien-dire-116333">Retrouvez la première partie de cette chronique ici</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/120140/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Soit l’usager est le maître du code et il est donc le maître de la machine, soit il n’est pas le maître du code et il est donc à la merci d’une entreprise privée.Marcello Vitali-Rosati, Professeur agrégé au département des littératures de langue française, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.