tag:theconversation.com,2011:/uk/topics/bioressources-23912/articlesbioressources – The Conversation2024-03-26T16:47:01Ztag:theconversation.com,2011:article/2260782024-03-26T16:47:01Z2024-03-26T16:47:01ZDune, fer de lance du mouvement environnemental qui a participé à l’essor de l’écologie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/582589/original/file-20240314-18-4kv29v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C26%2C5983%2C3967&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les dunes Umpqua de l'Oregon ont inspiré la planète désertique Arrakis dans le roman Dune de Frank Herbert.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/sand-dunes-at-umpqua-dunes-oregon-dunes-national-recreation-news-photo/1150491467?adppopup=true">VWPics/Universal Images Group via Getty Images</a></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.penguinrandomhouse.com/series/AU8/dune/">Dune</a>, largement considéré comme l’un des <a href="https://www.esquire.com/entertainment/books/g39358054/best-sci-fi-books/">meilleurs romans de science-fiction de tous les temps</a>, continue d’influencer la façon dont les écrivains, les artistes et les inventeurs imaginent le futur.</p>
<p>Bien sûr, il y a les films visuellement stupéfiants de Denis Villeneuve, <a href="https://www.imdb.com/title/tt1160419/">« Dune, première partie »</a> (2021) et <a href="https://www.imdb.com/title/tt1160419/">« Dune, deuxième partie »</a> (2024).</p>
<p>Mais le chef-d’œuvre de Frank Herbert a également aidé la romancière afrofuturiste <a href="https://www.salon.com/2015/08/13/dune_climate_fiction_pioneer_the_ecological_lessons_of_frank_herberts_sci_fi_masterpiece_were_ahead_of_its_time/">Octavia Butler</a> à imaginer un avenir de conflits dans un contexte de catastrophe environnementale ; il a inspiré <a href="https://www.inverse.com/article/46547-elon-musk-is-running-tesla-spacex-like-the-plot-of-dune">Elon Musk</a> à bâtir SpaceX et Tesla pour pousser l’humanité vers les étoiles et un avenir plus vert.</p>
<p>Enfin, il est difficile de ne pas voir des parallèles entre l’univers de Dune et la franchise <a href="https://theconversation.com/star-wars-une-saga-hors-norme-128590">Star Wars</a> de <a href="https://screenrant.com/star-wars-dune-story-concepts-ideas-lucas-copy/#people-survive-the-desert-the-same-way">George Lucas</a>, en particulier leur fascination pour les planètes désertiques et les vers géants.</p>
<p>Pourtant, lorsque Frank Herbert a commencé à écrire Dune en 1963, il ne songeait pas à quitter la Terre, mais à trouver la meilleure façon de la sauver.</p>
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<p>Il voulait raconter une histoire sur la crise environnementale de notre propre planète, un monde poussé au bord de la catastrophe écologique. Un monde où des technologies inconcevables 50 ans plus tôt ont mis le monde au bord de la guerre nucléaire – l’environnement au bord de l’effondrement. Un monde où des industries massives aspirent les richesses du sol et rejettent des fumées toxiques dans le ciel.</p>
<p>À l’époque de la publication du livre, ces thèmes étaient également au cœur des préoccupations. Après tout, les lecteurs d’alors vivaient à la fois le sillage de la crise de Cuba et dans celui de la publication du <a href="https://www.nrdc.org/stories/story-silent-spring">Printemps silencieux</a> de la biologiste Rachel Carson sur la menace que représente la pollution pour l’environnement et la santé humaine.</p>
<p>Dune est rapidement devenu un emblème pour le mouvement écologiste naissant et un porte-étendard pour la nouvelle science de l’écologie.</p>
<h2>Savoirs indigènes</h2>
<p>Même si le mot écologie avait déjà été inventé près d’un siècle plus tôt, le premier manuel sur l’écologie n’a été <a href="https://www.bioexplorer.net/history_of_biology/ecology/">rédigé qu’en 1953</a>. Le domaine était <a href="https://www.nytimes.com/search?dropmab=false&endDate=1966-01-01&query=ecology&sort=best&startDate=1963-01-01">peu médiatisé</a> dans les journaux ou les magazines de l’époque. Peu de lecteurs avaient déjà entendu parler de cette science émergente, et encore moins savaient ce qu’elle suggérait pour l’avenir de notre planète.</p>
<p>En étudiant Dune pour un livre que j’écris sur l’histoire de l’écologie, j’ai été surpris d’apprendre que Frank Herbert n’avait pas étudié l’écologie, ni pendant son cursus universitaire, ni en tant que journaliste.</p>
<p>Au contraire, ce sont les pratiques de conservation des tribus du nord-ouest du Pacifique qui l’ont incité à explorer le champ. Il en a entendu parler par deux amis en particulier.</p>
<p>Le premier était <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Wilbur_Ternyik">Wilbur Ternyik</a>, un descendant du chef Coboway, le leader Clatsop qui a accueilli les explorateurs Meriwether Lewis et William Clark lorsque <a href="https://www.britannica.com/event/Lewis-and-Clark-Expedition">leur expédition</a> a atteint la côte ouest en 1805. Le second, <a href="https://funerals.coop/obituaries/2018-obituaries/july-2018/howard-hansen.html">Howard Hansen</a>, était professeur d’art et historien oral de la tribu Quileute.</p>
<p>Wilbur Ternyik, qui était également un expert en écologie de terrain, a emmené Frank Herbert visiter les dunes de l’Oregon en 1958. Il lui a expliqué son travail de <a href="https://theconversation.com/montee-des-eaux-quelles-solutions-fondees-sur-la-nature-pour-aider-les-littoraux-francais-a-sadapter-221802">consolidation des dunes massives de sable à l’aide d’herbes spécifiques</a> et autres plantes à racines profondes pour empêcher le sable de s’étendre à la ville voisine de Florence – une <a href="https://www.earth.com/earthpedia-articles/terraforming/">technologie de terraformation</a> décrite en détail dans Dune.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Plantes des dunes" src="https://images.theconversation.com/files/582000/original/file-20240314-24-jn6atf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/582000/original/file-20240314-24-jn6atf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/582000/original/file-20240314-24-jn6atf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/582000/original/file-20240314-24-jn6atf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/582000/original/file-20240314-24-jn6atf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/582000/original/file-20240314-24-jn6atf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/582000/original/file-20240314-24-jn6atf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une flore spécifique aide à fixer les dunes de sable sur les côtes de l’Oregon.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/dune-grass-along-the-coast-of-oregon-usa-news-photo/687657578?adppopup=true">Edwin Remsburg/VW Pics via Getty Images</a></span>
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<p>Comme l’explique Wilbur Ternyik <a href="https://cdn.theconversation.com/static_files/files/3147/Turnyik.USDA_SCS.DunesManual.pdf?1710454532">dans un manuel</a> qu’il a rédigé pour le ministère américain de l’agriculture, son travail dans l’Oregon s’inscrivait dans le cadre d’un effort visant à « guérir » les paysages marqués par la colonisation européenne, en particulier les grandes jetées fluviales construites par les premiers colons.</p>
<p>Ces structures ont perturbé les courants côtiers et créé de vastes étendues de sable, transformant en désert des pans entiers du paysage luxuriant du nord-ouest du Pacifique. Ce scénario se retrouve dans Dune, où le cadre du roman, la <a href="https://www.sciencenews.org/article/dune-planet-climate-plausible-science-sandworms">planète Arrakis</a>, a été mis à mal de la même manière par ses premiers colonisateurs.</p>
<p>Howard Hansen, qui est devenu le parrain du fils de Frank Herbert, a étudié de près l’impact radical de l’exploitation forestière sur les terres des <a href="https://quileutenation.org/history/">Quileutes</a> de la côte de l’État de Washington. <a href="https://www.nytimes.com/2021/10/23/opinion/culture/dune-frank-herbert-native-americans.html">Il a encouragé Frank Herbert</a> à étudier soigneusement l’écologie, en lui donnant un exemplaire de l’ouvrage de Paul B. Sears <a href="https://archive.org/details/wherethereislife0000paul/page/n7/mode/2up"><em>Where There is Life</em></a>, dont <a href="https://www.oreilly.com/tim/herbert/ch03.html">Frank Herbert a tiré</a> l’une de ses citations préférées : « La plus haute fonction de la science est de nous permettre de comprendre les conséquences. »</p>
<p><a href="https://screenrant.com/dune-movie-2021-fremen-origin-explained/">Les Fremen</a> de Dune qui vivent dans les déserts d’Arrakis et gèrent avec soin son écosystème et sa faune incarnent ces enseignements. Dans leur lutte pour sauver leur monde, ils associent avec expertise la science écologique et les pratiques indigènes.</p>
<h2>Les trésors cachés dans le sable</h2>
<p>Mais l’ouvrage qui a eu l’impact le plus profond sur Dune est l’ouvrage de Leslie Reid paru en 1962, <a href="https://books.google.com/books/about/The_Sociology_of_Nature.html?id=Ag22AAAAIAAJ"><em>The Sociology of Nature</em></a>.</p>
<p>Leslie Reid y explique l’écologie et la science des écosystèmes au grand public, en illustrant l’interdépendance complexe de toutes les créatures au sein de l’environnement.</p>
<blockquote>
<p>« Plus on étudie l’écologie en profondeur, écrit Leslie Reid, plus il est clair que la dépendance mutuelle est un principe directeur, que les animaux sont liés les uns aux autres par des liens de dépendance indéfectibles. »</p>
</blockquote>
<p>Dans les pages du livre de l’écologue, Frank Herbert a trouvé le modèle de l’écosystème d’Arrakis dans un endroit surprenant : les îles Chincha du Pérou. Comme l’explique Leslie Reid, l’accumulation de fientes d’oiseaux sur ces îles constituait un engrais idéal. Abritant des montagnes de fumier décrites comme un nouvel <a href="https://scholarsbank.uoregon.edu/xmlui/handle/1794/27727">« or blanc »</a> et comme l’une des substances les plus précieuses sur Terre, ces îles sont devenues, à la fin des années 1800, le point zéro d’une <a href="https://magazine.hortus-focus.fr/blog/2023/08/31/le-guano-richesse-guerres-et-esclavage/">série de guerres</a> pour le contrôle de la ressource entre l’Espagne et plusieurs de ses anciennes colonies, dont le Pérou, la Bolivie, le Chili et l’Équateur.</p>
<p>Au cœur de l’intrigue de Dune, on retrouve une bataille pour le contrôle de l’épice, une ressource inestimable. Récoltée dans les sables de la planète désertique, l’épice est à la fois un arôme luxueux pour la nourriture et une drogue hallucinogène qui permet à certaines personnes de plier l’espace-temps, rendant ainsi possibles les voyages interstellaires.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Dessin au crayon représentant deux hommes debout dans une mer d’oiseaux" src="https://images.theconversation.com/files/581978/original/file-20240314-23-fbl8im.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/581978/original/file-20240314-23-fbl8im.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/581978/original/file-20240314-23-fbl8im.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/581978/original/file-20240314-23-fbl8im.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=423&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/581978/original/file-20240314-23-fbl8im.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/581978/original/file-20240314-23-fbl8im.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/581978/original/file-20240314-23-fbl8im.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Au XIXᵉ siècle, le guano du Pérou était une denrée précieuse utilisée comme engrais.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/an-illustration-of-birds-and-guano-on-an-island-off-the-news-photo/615336378?adppopup=true">Corbis Historical/Getty Images</a></span>
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<p>Il y a une certaine ironie dans le fait que Frank Herbert ait eu l’idée de fabriquer de l’épice à partir de fientes d’oiseaux. Mais il a été fasciné par l’exposé minutieux de Leslie Reid sur un écosystème unique produisant une denrée précieuse, bien que nocive.</p>
<p>Comme l’explique l’écologue, les courants glacés de l’océan Pacifique poussent les nutriments à la surface des eaux avoisinantes, ce qui permet au plancton de prospérer. Ce plancton est à l’origine d’une étonnante population de poissons, qui nourrissent des hordes d’oiseaux et de baleines.</p>
<p>Dans les premières versions de Dune, Frank Herbert a combiné toutes ces étapes dans le cycle de vie des vers de sable géants, des monstres de la taille d’un terrain de football qui rôdent dans les sables du désert et dévorent tout sur leur passage.</p>
<p>Il a imaginé chacune de ces créatures terrifiantes comme de petites plantes photosynthétiques qui se transforment en « truites des sables » plus grandes. Elles finissent par devenir d’immenses vers qui brassent les sables du désert, crachant de l’épice à la surface.</p>
<p>Dans le livre et dans « Dune, première partie », le soldat Gurney Halleck récite un vers énigmatique qui commente cette inversion de la vie marine et des régimes d’extraction arides : « Car ils suceront l’abondance des mers et les trésors cachés dans le sable. »</p>
<h2>Les révolutions de Dune</h2>
<p>Le mouvement écologiste a accueilli la publication de Dune, en 1965, avec enthousiasme.</p>
<p>Herbert a d’ailleurs pris la parole lors de la première Journée de la Terre à Philadelphie en 1970. Dans la première édition du <a href="https://wholeearth.info/">Whole Earth Catalog</a> – un célèbre manuel de bricolage et bulletin d’information pour les militants écologistes – Dune était évoqué en ces termes : « La métaphore est l’écologie. Le thème est la révolution. »</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Photo en noir et blanc d’un homme barbu assis sur une chaise et posant pour l’appareil photo" src="https://images.theconversation.com/files/581973/original/file-20240314-20-zaaj5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/581973/original/file-20240314-20-zaaj5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/581973/original/file-20240314-20-zaaj5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/581973/original/file-20240314-20-zaaj5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/581973/original/file-20240314-20-zaaj5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/581973/original/file-20240314-20-zaaj5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/581973/original/file-20240314-20-zaaj5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Frank Herbert lors de la première Journée de la Terre de Philadelphie en 1970.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://newsroom.ap.org/detail/FrankHerbert/c8e4e5b356c240aaac0b6ff27fe17c33/photo?Query=frank%20herbert&mediaType=photo&sortBy=creationdatetime:desc&dateRange=Anytime&totalCount=1&currentItemNo=0">AP Photo</a></span>
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<p>Dans l’ouverture du premier film de Denis Villeneuve, Chani, une Fremen indigène interprétée par Zendaya, pose une question qui anticipe la conclusion violente du deuxième film : « Qui seront nos prochains oppresseurs ? »</p>
<p>La transition immédiate vers un plan montrant Paul Atreides, le protagoniste blanc joué par Timothée Chalamet, fait passer le message anticolonial. En fait, les deux films de Denis Villeneuve développent de manière experte les thèmes anticoloniaux des romans de Frank Herbert.</p>
<p>Malheureusement, la critique environnementale a été quelque peu édulcorée. Mais Denis Villeneuve a <a href="https://theplaylist.net/dune-messiah-denis-villeneuve-says-florence-pugh-anya-taylor-joy-give-him-the-will-do-another-one-20240311/">suggéré</a> qu’il pourrait également adapter <a href="https://prhinternationalsales.com/book/?isbn=9780593098233">Le Messie de Dune</a>, un des romans de la série dans lequel les dommages écologiques causés à Arrakis sont flagrants.</p>
<p>J’espère que l’avertissement écologique prémonitoire de Frank Herbert, qui a trouvé un écho si puissant auprès des lecteurs des années 1960, sera réitéré dans Dune 3.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226078/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Devin Griffiths ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Lorsque Herbert a commencé à écrire Dune en 1963, il ne songeait pas à quitter la Terre, mais à trouver la meilleure façon de la sauver.Devin Griffiths, Associate Professor of English and Comparative Literature, USC Dornsife College of Letters, Arts and SciencesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2144062023-10-12T08:35:50Z2023-10-12T08:35:50ZPourquoi il faudrait en finir avec la « préservation des ressources »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/553303/original/file-20231011-29-fq9put.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des injonctions viennent régulièrement le rappeler au consommateur : l'eau est une ressource précieuse et il convient de l'économiser. Mais le concept même de "ressource" peut conduire à des impensés…</span> <span class="attribution"><span class="source">Susanne Nilsson / Creative Commons</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>« Économiser des ressources », « les consommer de façon plus responsable », « mieux les gérer » ou « mieux les préserver », les expressions ne manquent pas pour exprimer l’urgence face à la catastrophe écologique en cours. Elles soulignent aussi la nécessité de réduire l’emprise qu’une part de l’humanité exerce sur les ressources terrestres. Le récent discours du président de la République sur la <a href="https://theconversation.com/les-grands-impenses-du-plan-ecologique-demmanuel-macron-214603">planification écologique</a> en est un exemple, parmi d’autres. Et déjà, certains se préoccupent des <a href="https://www.publicsenat.fr/actualites/societe/espace-un-rapport-du-senat-se-penche-sur-les-enjeux-de-lexploitation-des-ressources-extraterrestres">ressources extraterrestres</a> abritées <a href="https://theconversation.com/a-qui-appartiennent-mars-la-lune-et-leurs-ressources-naturelles-141406">par les corps célestes</a>…</p>
<p>Sans doute sommes-nous toutes et tous d’accord sur le principe : qui nierait que les humains doivent se montrer « plus responsables » dans leurs pratiques s’ils ne veulent pas hypothéquer l’avenir ? Mais l’usage — souvent inflationniste — du terme « ressource » et la multiplication tous azimuts des sommations associées posent de sérieux problèmes sur lesquels il est tout aussi urgent de s’arrêter.</p>
<hr>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<hr>
<h2>Les ressources <em>a priori</em> n’existent pas</h2>
<p>Une ressource, en effet, ce n’est pas une qualité substantielle que certaines choses auraient alors que d’autres non. C’est plutôt une relation d’usage, un rapport de moyen à fin. Toute chose peut tenir lieu de ressource, mais le monde n’est pas composé de ressources <em>a priori</em>.</p>
<p>Ainsi le pétrole ne se donne pas comme ressource dans l’environnement, il faut un travail considérable pour qu’il puisse finalement servir à la locomotion. L’eau s’offre parfois de façon plus spontanée. Mais pour devenir ressource et servir à l’agriculture — ou à la continuité physiologique des êtres vivants — elle doit en général être découverte, stockée (dans le creux d’une main aussi bien que dans un réservoir), canalisée, traitée et/ou transportée.</p>
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<h2>Capitalisme et rapport utilitariste</h2>
<p>Ce qui qualifie une ressource, c’est donc un caractère de disponibilité, conséquence d’un travail plus ou moins important de mise à disposition. Bien sûr, toutes les sociétés humaines ont été dans ce type de rapport avec certaines choses, y compris les sociétés de chasseurs-cueilleurs : tous les humains sont pris dans des rapports de moyen à fin.</p>
<p>Toutes n’ont cependant pas voulu systématiser et/ou naturaliser cette forme utilitariste de rapport. Les travaux d’anthropologues comme <a href="https://read.dukeupress.edu/common-knowledge/article-abstract/18/3/505/6827/On-NonscalabilityThe-Living-World-Is-Not-Amenable">Anna Tsing</a>, <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/homo_domesticus-9782707199232">James C. Scott</a> ou du sociologue <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/rendre_le_monde_indisponible-9782348045882">Hartmut Rosa</a> suggèrent même que c’est précisément là ce qui singularise les sociétés capitalistes contemporaines.</p>
<p>La première citée s’appuie ainsi sur le modèle de la plantation de canne à sucre pour incarner <a href="https://read.dukeupress.edu/common-knowledge/article-abstract/18/3/505/6827/On-NonscalabilityThe-Living-World-Is-Not-Amenable">l’épistémologie de la modernité</a>. Dans ce modèle, le caractère de disponibilité se décline dans les forces de travail (esclaves et/ou travailleurs pauvres) jusque dans les végétaux (variétés sélectionnées à dessein) et les écologies, « appauvries » parce qu’elles sont entièrement subordonnées à des objectifs de production.</p>
<h2>Quand la mise en ressource aplatit le monde</h2>
<p>Dans des mondes qui se sont ainsi construits sur le principe de l’accessibilité des ressources, les injonctions à les préserver posent donc au moins deux problèmes, dont il convient plus que jamais d’avoir conscience.</p>
<p>D’abord parce qu’elles tendent à faire oublier ce qu’il en coûte de produire des ressources : la disponibilité invisibilise le <a href="https://theconversation.com/le-travail-pour-autrui-survivance-de-lesclavagisme-dans-nos-economies-150317">travail de mise à disposition</a>.</p>
<p>Elle écrase les perspectives temporelles et spatiales, comme si avoir accès à l’eau courante et pouvoir la « consommer » de façon responsable (ou non) allait de soi. En contribuant à la naturalisation du caractère acquis de ressource, elle aplatit le monde.</p>
<p>L’invitation à préserver les ressources forme par ailleurs un oxymore aux implications délétères : elle définit des choses (du pétrole, de l’eau, des plantes, etc.) par leur destination (leur vocation de consommables), mais elle demande de ne pas les y réduire.</p>
<p>Parce qu’elle favorise l’usage, la mise en ressource du monde augmente enfin mécaniquement l’impératif de son contrôle : rendez l’eau ou le chocolat disponibles à tout moment et vous augmenterez sûrement la tentation… En même temps, par conséquent, que le besoin de la refréner.</p>
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<img alt="Le rayon chocolat d’u supermarché" src="https://images.theconversation.com/files/553329/original/file-20231011-19-pfisv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/553329/original/file-20231011-19-pfisv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/553329/original/file-20231011-19-pfisv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/553329/original/file-20231011-19-pfisv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/553329/original/file-20231011-19-pfisv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/553329/original/file-20231011-19-pfisv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/553329/original/file-20231011-19-pfisv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Avec l’abondance de la ressource, peut émerger un sentiment de culpabilité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">AdminOfPlaygroup/Creative Commons</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>D’où l’inflation contemporaine de normes expressément promues pour amoindrir la disponibilité qu’on a paradoxalement faite acquérir aux choses. D’où peut-être, aussi, l’émergence et la diffusion d’un sentiment de culpabilité, l’impression légitime de ne pas pouvoir être à la hauteur d’une exigence de modération qui est exactement proportionnelle à la facilité d’accès.</p>
<p>Enjoindre à préserver les ressources c’est, en somme, concentrer l’attention sur l’usure — enjoindre à préserver, économiser, gérer — sans contester l’usage, le caractère de disponibilité. On fait ainsi peser toute la responsabilité de la modération sur le public, comme si le problème n’était pas aussi celui de la mise en ressource, et de celles et ceux qui l’exacerbent.</p>
<p>Préserver les ressources est peut-être nécessaire, mais changer de rapports au vivant et/ou à la biodiversité ou à la terre implique beaucoup plus. Il faut changer de rapport, justement, ne pas se contenter de le faire varier en degré (d’économiser, de gérer, de préserver) mais changer sa nature.</p>
<p>Nous ne pouvons plus nous contenter de réduire la pression sur les ressources, de réaliser des économies ou d’être plus respectueux. Ce ne sont là que des normes humaines, en effet, des choix dont on peut discuter les vertus, mais qui prennent le rapport à la ressource pour donné.</p>
<h2>Rendre le monde moins disponible</h2>
<p>Pour penser autrement, on pourrait commencer par suivre le sociologue Hartmut Rosa et chercher à <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/rendre_le_monde_indisponible-9782348045882">« rendre le monde indisponible »</a>, moins disponible a minima. Cela implique, éventuellement, de mieux accepter les moments — en réalité, nombreux — où il ne l’est pas, en rendant par exemple leur saisonnalité aux tomates ou aux fraises, en nous forçant ainsi à dépendre davantage de notre environnement et de ses temporalités.</p>
<p>On irait alors à rebours de la modernité, qui s’est précisément construite autour d’un idéal d’autonomisation, contre cette hétéronomie (étymologiquement, « autre norme », soit le fait de vivre selon des règles imposées par autrui ou autre chose), en refusant que l’humanité soit normée de l’extérieur et dépendante d’une variabilité qu’elle n’aurait pas tout à fait choisie.</p>
<p>C’est même ainsi qu’elle a conçu la liberté, dans cet élan émancipateur, portée par son extraordinaire capacité à ne dépendre que d’elle-même. Finalement, le concept de ressource exprime l’impasse dans laquelle ce fantasme d’autonomie conduit. Réfléchir à l’indisponibilité des choses et à l’hétéronomie des rapports au monde est une façon de remettre la question de la dépendance au cœur des pensées du futur.</p>
<p>Cela implique, évidemment, de ne plus toujours l’envisager comme une contrainte et une aliénation, mais aussi de la considérer comme une opportunité :</p>
<ul>
<li><p>pour le vivant d’abord, dans la mesure où dépendre de l’environnement, ne plus l’avoir indéfiniment comme ressource, est une façon de favoriser son déploiement au-delà de tout contrôle anthropique.</p></li>
<li><p>Pour les humains ensuite, parce que la dépendance est une reconnaissance de l’altérité. Elle demande de « faire avec ». À ce titre elle est susceptible de les contraindre parfois, mais aussi de les étonner et de les enrichir, de les sortir en tous cas du narcissisme dans lequel les plonge la projection sans cesse renouvelée de leur volonté sur le monde, et cela qu’elle soit « bonne » ou « mauvaise ».</p></li>
</ul>
<p>En tout cas, c’est ce que suggèrent les <a href="https://presses-universitaires.parisnanterre.fr/index.php/produit/le-gout-des-possibles-enquetes-sur-les-ressorts-symbolistes-dune-crise-ecologique/">travaux que j’ai déjà réalisés en la matière</a>, ainsi que d’autres travaux en cours ou qui ont été produits par quelques étudiants.</p>
<p>Ils montrent aussi que les sciences humaines et sociales ont beaucoup à apporter en ce sens, en particulier lorsque, comme l’anthropologie et l’archéologie, elles s’intéressent à des groupes humains qui ont choisi d’accueillir et d’explorer leurs dépendances. Elles offrent ainsi de puissants outils pour penser un avenir moins univoque que celui de la modernité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214406/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Léo Mariani ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Changement climatique, crise de la biodiversité… Partout fusent les injonctions à économiser nos ressources. Mais le terme même de « ressource » pose problème. Et si on pensait le monde autrement ?Léo Mariani, Anthropologue, Maître de conférence Habilité à diriger des recherches, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2050752023-05-21T14:59:58Z2023-05-21T14:59:58ZChangement climatique et ressources en eau : ne nous cachons pas derrière des moyennes<p><a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-du-week-end/l-invite-du-week-end-du-samedi-25-mars-2023-8113897">Interrogé sur France Inter</a> au matin de la manifestation contre les mégabassines de Sainte-Soline, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau rappelait, le 25 mars 2023, les chiffres de la consommation d’eau en France. Il indiquait que 3 milliards de m<sup>3</sup> sont prélevés annuellement par l’agriculture sur les 200 milliards globalement disponibles.</p>
<p>Quelques jours plus tard, le président Emmanuel Macron déclarait lors de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=uqjSATKTxbk">sa présentation du plan « eau »</a> que l’eau renouvelable disponible devrait diminuer de 30 à 40 % d’ici à 2050. Si ces chiffres généraux des usages et la trajectoire climatique future sont tout à fait exacts, ils ne nous sont pas d’une grande utilité et induisent même un risque, celui de rester indifférent à ce qu’ils annoncent.</p>
<p>Leur globalité masque en effet des situations très variables dans l’espace et le temps. Ils ne disent rien des crises à venir ni des difficultés auxquelles les femmes, les hommes et les écosystèmes vont devoir faire face. Chacun affronte une situation locale à un moment donné, jamais la moyenne de tout le territoire durant toute une année.</p>
<h2>Des disparités locales cachées</h2>
<p>En moyenne, il pleut <a href="https://www.eaufrance.fr/repere-precipitations-et-pluies-efficaces">500 milliards de m³ d’eau en France chaque année</a>. La partie non consommée par les plantes et renvoyée vers l’atmosphère (non évapotranspirée) qui peut alimenter les lacs, les rivières et les nappes – et que le ministre considère comme « disponible » – <a href="https://www.eaufrance.fr/repere-precipitations-et-pluies-efficaces">est d’environ 200 milliards</a>. Les prélèvements pour les activités humaines représentent de leur côté 32 milliards, dont 3,2 pour l’agriculture, un chiffre qui peut paraître faible à première vue.</p>
<p>Les 200 milliards ne sont pourtant ni inutiles ni disponibles pour nos activités. Ils nourrissent les nappes, les rivières et l’ensemble des écosystèmes dont certains sont fragiles, primordiaux pour la biodiversité et critiques dans la régulation des cycles du carbone et autres gaz à effets de serre.</p>
<p>Si l’eau globalement disponible est importante, il n’empêche qu’elle se raréfie durant la période estivale. La majorité de l’eau consommée <a href="https://www.notre-environnement.gouv.fr/themes/economie/l-utilisation-des-ressources-naturelles-ressources/article/utilisation-mondiale-de-l-eau">est utilisée en été</a> où l’agriculture devient le premier usage et consomme <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/secheresse">jusqu’à 80 % de la ressource</a>. Ces chiffres illustrent qu’au-delà de valeurs globales, les tensions prennent une réalité critique sur les territoires durant l’été.</p>
<p>Si les mégabassines visent justement à prélever en hiver les besoins de l’été, la concurrence de cette utilisation avec les autres besoins des rivières et zones humides demeure à évaluer. Surtout, l’impact du changement climatique questionne le fonctionnement de ces retenues, sans aborder les questions relatives au type d’agriculture généralement intensive qu’elles soutiennent.</p>
<h2>Variabilité dans le temps</h2>
<p>Les chiffres avancés concernant l’évolution future de débit des cours d’eau sont des moyennes qui cachent des disparités temporelles et spatiales. Examinons d’abord les premières. Ces moyennes peuvent être calculées à l’échelle de l’année : elles incluent à la fois les faibles débits de l’été et les forts débits de l’hiver.</p>
<p>Elles masquent donc les périodes de fort stress hydrique qui peuvent être compensées par un hiver suivant pluvieux. Il existe aussi des moyennes par période, par exemple <a href="https://www.adaptation-changement-climatique.gouv.fr/centre-ressources/bilan-du-projet-explore-2070-eau-et-changement-climatique">sur l’horizon 2050-2070</a>. Là encore, elles ne rendent pas compte de la fréquence et de la durée des conditions extrêmes de débits critiques, qui devraient s’intensifier dans les périodes estivales à venir.</p>
<p>On mesure déjà en métropole l’élévation des températures depuis les années 1950, soit plus d’un degré en moyenne annuelle et une diminution des précipitations estivales.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/525427/original/file-20230510-18861-1agubm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphique montrant l’évolution du climat sur le bassin rennais depuis 1960" src="https://images.theconversation.com/files/525427/original/file-20230510-18861-1agubm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/525427/original/file-20230510-18861-1agubm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=532&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/525427/original/file-20230510-18861-1agubm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=532&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/525427/original/file-20230510-18861-1agubm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=532&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/525427/original/file-20230510-18861-1agubm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=669&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/525427/original/file-20230510-18861-1agubm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=669&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/525427/original/file-20230510-18861-1agubm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=669&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Évolution du climat sur le bassin rennais depuis 1960, chaque rond représente la valeur moyenne d’avril à septembre pour chaque année sur le bassin rennais. Les données historiques montrent deux trajectoires : de 1960 aux années 2000, les hausses de température étaient accompagnées de précipitations estivales plus importantes. Depuis 2000, la progression se poursuit, avec une baisse des précipitations estivales.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs à partir des données SAFRAN-Météo France</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La hausse des températures et l’élargissement de la saison estivale provoquent une augmentation de l’évapotranspiration et une diminution de l’infiltration et de la recharge vers les nappes phréatiques. Celles-ci, qui constituent le stock principal des bassins versants, voient en retour leur rôle du soutien à l’étiage des rivières dégradé : le débit des rivières baisse.</p>
<h2>Variabilité dans l’espace</h2>
<p>Les moyennes cachent aussi une variabilité spatiale. Selon les scénarios et modèles, les climats futurs montrent une variation faible du volume de précipitations dans le nord et l’ouest de la France, sans pouvoir déterminer si le volume annuel sera plus ou moins élevé que les moyennes annuelles actuelles.</p>
<p>Pour expliquer ces prévisions d’un bilan hydrique équivalent à ce qu’on mesure aujourd’hui, il faut donc envisager des hivers plus humides avec des précipitations plus intenses.</p>
<p>C’est un paradoxe difficile à admettre : le « réchauffement climatique » pourrait se matérialiser par des inondations et des précipitations majeures sur une partie nord du territoire. À l’inverse, dans le sud de la France, tous les modèles convergent vers de fortes diminutions globales des volumes précipités.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/525428/original/file-20230510-9174-tw7ct7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphique montrant la projection des variations de précipitations pour la période 2071-2100" src="https://images.theconversation.com/files/525428/original/file-20230510-9174-tw7ct7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/525428/original/file-20230510-9174-tw7ct7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=367&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/525428/original/file-20230510-9174-tw7ct7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=367&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/525428/original/file-20230510-9174-tw7ct7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=367&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/525428/original/file-20230510-9174-tw7ct7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/525428/original/file-20230510-9174-tw7ct7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/525428/original/file-20230510-9174-tw7ct7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=461&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Projection des variations de précipitations (en %) annuelles (gauche) et durant l’été (droite), pour la période 2071-2100 par rapport à la référence historique (période 1971-2000), pour le scénario du GIEC RCP 8.5.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.eea.europa.eu/data-and-maps/figures/projected-changes-in-annual-and-6">Agence européenne pour l’environnement</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>L’exemple local du bassin rennais</h2>
<p>Pour prendre conscience de l’impact du changement climatique et se rendre compte des tensions qui nous attendent, mais aussi évaluer à quelle échéance elles apparaîtront, il est primordial d’examiner les valeurs extrêmes, à savoir de débit estival.</p>
<p>La sécheresse de 1976 est restée dans les mémoires comme un événement tragique qui avait conduit à la levée d’un impôt sécheresse pour soutenir les agriculteurs français. L’année 2022 a montré des températures nettement supérieures à celles de 1976, avec un déficit en précipitations du même ordre.</p>
<p>Afin de répondre aux inquiétudes des gestionnaires de la ressource en eau dans le secteur, l’Université de Rennes (via la fondation Rennes 1) a lancé dès 2019, avec Eau du Bassin Rennais et Rennes Métropole, un <a href="https://fondation.univ-rennes.fr/chaire-eaux-et-territoires">programme de recherche sur l’impact du changement climatique sur la ressource en eau</a> à l’échelle du bassin rennais.</p>
<p>Nous avons développé dans ce cadre des modèles numériques capables de prédire l’évolution à venir des stocks d’eau souterraine et des débits des rivières en fonction des scénarios du GIEC. La tendance future émerge clairement de cette variabilité et met en évidence l’impact majeur du changement climatique.</p>
<h2>Des sécheresses bientôt systématiques</h2>
<p>Nous avons analysé la probabilité de trouver dans le futur des débits au moins aussi faibles que ceux de 1976 ou 2022. Dès la période 2020-2040, les débits typiques de ces années de sécheresse record pourraient se retrouver près d’une année sur deux et se succéder deux voire trois années de suite ! Les débits « 1976 ou 2022 » deviendront nos étés systématiques à partir de 2050. C’est donc à très court terme qu’il faut s’alarmer.</p>
<p>Si l’on utilise le même type de calcul reporté par le gouvernement, c’est-à-dire la comparaison des moyennes annuelles futures avec les moyennes annuelles actuelles, on obtient pourtant des baisses annuelles du même ordre (environ 30 % selon les projections) pour le cas de ce bassin versant étudié entre 2050 et 2070. Ce chiffre, pour exact qu’il soit, apparaît bien trop lisse au regard des prévisions estivales.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/525437/original/file-20230510-16363-45oq79.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/525437/original/file-20230510-16363-45oq79.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/525437/original/file-20230510-16363-45oq79.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/525437/original/file-20230510-16363-45oq79.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/525437/original/file-20230510-16363-45oq79.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/525437/original/file-20230510-16363-45oq79.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=380&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/525437/original/file-20230510-16363-45oq79.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=380&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/525437/original/file-20230510-16363-45oq79.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=380&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Nombre de jours chaque année, de 1975 à 2100, où le débit en amont du barrage de la Chèze (Ille-et-Vilaine) est inférieur au 10ᵉ quantile historique (1980-2010). En rouge au-dessus du graphique, probabilité de retrouver des années de type 1976 (au moins 60 jours : conditions historiques observées), et en vert, le nombre d’années consécutives.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://geosciences.univ-rennes.fr/actualites/prix-de-these-de-la-fondation-rennes-1-pour-ronan-abherve">Ronan Abhervé à partir des données de projections climatiques multi-modèles utilisées pour la simulation des débits futurs (EXPLORE2-2021-SIM2 », scénario RCP8.5)</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un futur alarmant</h2>
<p>On comprend donc l’importance de ne pas se contenter des valeurs globales et moyennées pour avoir une idée des conditions extrêmes estivales qui nous attendent dans le futur.</p>
<p>Ces prédictions sont de toute façon incertaines, notamment en ce qui concerne les précipitations futures, et les modèles climatiques ont tendance à sous-estimer l’intensité et la fréquence de ces conditions extrêmes. Pour cette étude locale, nous avons utilisé le scénario du GIEC (RCP 8.5), considéré comme pessimiste (mais pas le plus pessimiste) à l’échelle de la fin du siècle – c’est en fait le scénario que nous suivons (voire dépassons) depuis plus de 20 ans ; et peu d’indices laissent présager une évolution positive majeure dans les prochains 10 ou 20 ans.</p>
<p>Ce schéma n’est pas une prévision exacte du futur, mais il donne une vision des tendances à venir en insistant sur l’un des points les plus fragiles des systèmes hydrologiques. Les évolutions ressortent clairement et dessinent un futur extrêmement alarmant pour la ressource en eau.</p>
<h2>Des crises climatiques et sociales</h2>
<p>À ce titre, le plan « eau » annoncé par le gouvernement – qui retarde les engagements déjà pris en matière d’économie d’eau et épargne l’agriculture – ne prend pas la mesure des tensions estivales extrêmes à venir.</p>
<p>L’intérêt de notre démarche est de décrire les crises climatiques à venir ou déjà en cours dans de nombreux pays. Il ne s’agit pas de l’effondrement généralisé prédit par certains, mais de crises extrêmement sévères, localisées dans l’espace et le temps. Ces crises toucheront en premier lieu certains services primordiaux (eau potable, agriculture, industries…) et surtout une partie de la population, accentuant les clivages entre les classes sociales.</p>
<p>Pour surmonter les crises sociales que seront aussi les crises climatiques, nous ne pouvons faire l’impasse ni sur la raréfaction, ni sur la répartition de la ressource en eau.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205075/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les données globalisantes sur la ressource en eau et les projections climatiques ne sont pas d’une grande utilité et induisent même le risque de nous rendre indifférents à ce qu’ils annoncent.Luc Aquilina, Professeur en sciences de l’environnement, Université de Rennes 1 - Université de RennesClément Roques, Chercheur en hydrologie, Université de NeuchâtelJean-Raynald de Dreuzy, Directeur de recherche au CNRS, hydrologie, École normale supérieure de RennesLaurent Longuevergne, Directeur de recherche, référent scientifique “Hydrologie de terrain, imagerie géophysique”, Université de RennesRonan Abhervé, Chercheur postdoctoral en hydrologie, Université de RennesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1792082022-03-15T18:37:51Z2022-03-15T18:37:51ZRéutilisation des eaux usées : que va changer le nouveau règlement européen ?<p>Réutiliser les eaux usées pour économiser l’eau douce, c’est l’une des vertus de ce que l’on nomme la « reuse ». Cette démarche constitue un levier essentiel dans un contexte où le réchauffement climatique augmente la pression sur la ressource hydrique.</p>
<p>Levier pourtant bien peu actionné en France où <a href="https://environnementetterritoires.veolia.com/memo-reut">seul 0,6 % des eaux usées sont retraitées</a>. Négligeable par rapport à d’autres voisins européens, comme l’Italie qui retraite 8 % de ses eaux usées ou l’Espagne qui atteint 14 %. Pourquoi notre pays est-il à la traîne ? Ce phénomène français s’explique principalement par un manque de sensibilisation du public et une réglementation très stricte.</p>
<p>Le retraitement et la réutilisation des eaux usées traitées sont encadrés en France par deux <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000022753522/">arrêtés ministériels de 2010</a> et <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000029186641">2014</a>. Cette réglementation définit quatre niveaux – A, B, C, ou D, du meilleur au moins bon – avec pour chacun des exigences de qualité d’eau et des usages autorisés et interdits. Par exemple, les cultures consommées crues ne peuvent être irriguées qu’avec une eau de niveau de qualité A.</p>
<p>S’ajoutent à cela des contraintes d’usage selon la technique d’irrigation, comme la vitesse du vent, les distances minimales de sécurité par rapport à des habitations ou cours d’eau, l’information du public…</p>
<h2>Obstacles réglementaires</h2>
<p>Si cette réglementation stricte s’avère nécessaire sur les plans sanitaire et environnemental, les contraintes inhérentes à son application complexifient le montage des dossiers, voire mettent en péril les projets.</p>
<p>Plusieurs d’entre eux ont ainsi avorté <a href="https://www.cerema.fr/system/files/documents/2020/07/2020_06_panorama_reut_pour_edition_vdef-1.pdf">du fait de contraintes</a> pour la mise en place (montage de dossier, contrainte de typologie de terrain, prescriptions spécifiques pour l’arrosage par aspersion…) et la mise en œuvre (exigence de traçabilité, suivi de la qualité d’eau, gestion du programme d’irrigation…).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/451837/original/file-20220314-19-1gpbmy7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/451837/original/file-20220314-19-1gpbmy7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/451837/original/file-20220314-19-1gpbmy7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/451837/original/file-20220314-19-1gpbmy7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/451837/original/file-20220314-19-1gpbmy7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/451837/original/file-20220314-19-1gpbmy7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/451837/original/file-20220314-19-1gpbmy7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/451837/original/file-20220314-19-1gpbmy7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Niveaux de qualité sanitaire des eaux usées traitées selon la réglementation française.</span>
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<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/451836/original/file-20220314-23-mnbmuf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/451836/original/file-20220314-23-mnbmuf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/451836/original/file-20220314-23-mnbmuf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/451836/original/file-20220314-23-mnbmuf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/451836/original/file-20220314-23-mnbmuf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/451836/original/file-20220314-23-mnbmuf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=448&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/451836/original/file-20220314-23-mnbmuf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=448&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/451836/original/file-20220314-23-mnbmuf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=448&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Exemple de contrainte de distance minimale à respecter (en mètres) entre les parcelles irriguées par des eaux usées traitées et les activités à protéger selon la réglementation française.</span>
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<h2>Un nouveau règlement européen</h2>
<p>Comment éviter que ces projets ne prennent l’eau face aux obstacles réglementaires ? C’est l’objet du nouveau règlement européen du 5 juin 2020 sur la réutilisation des eaux usées qui a pour objectif de promouvoir la reuse en harmonisant les règles d’application à l’échelle européenne.</p>
<p>Le parlement européen <a href="https://www.europarl.europa.eu/pdfs/news/expert/2020/5/press_release/20200512IPR78921/20200512IPR78921_fr.pdf">rappelle ainsi que ces nouvelles règles</a> :</p>
<blockquote>
<p>« visent à garantir que les eaux usées traitées soient plus largement réutilisées afin de limiter l’utilisation des masses d’eau et des nappes phréatiques. La baisse du niveau des nappes phréatiques, due en particulier à l’irrigation agricole, mais aussi à l’utilisation industrielle et au développement urbain, est l’une des principales menaces qui pèsent sur l’environnement aquatique de l’UE ».</p>
</blockquote>
<p>Objectif affiché : passer de 1,7 milliard de mètres cubes de reuse par an à 6,6 milliards, ce qui permettrait de réduire de 5 % le stress hydrique au niveau de l’UE à l’horizon 2025.</p>
<p>Le règlement européen concerne uniquement l’irrigation agricole – les autres usages demeurant sous la responsabilité de l’État membre ; les États membres disposent de trois ans pour mettre en conformité leurs installations.</p>
<h2>Plus souple que le cadre français</h2>
<p>Ce nouveau règlement est plus souple que le cadre français actuel : les quatre classes de qualité d’eau sont maintenues – avec des seuils microbiologiques renforcés (pour le critère <em>Escherichia Coli</em>, la qualité A française correspond à une qualité C dans le nouveau règlement) – mais les objectifs de performances ne sont plus requis, sauf pour la qualité A. Pour compenser, la fréquence des contrôles sanitaires – variable selon la classe d’eau – est augmentée.</p>
<p>Autre avancée majeure : les contraintes d’usage obligatoires liées à la distance, la nature du sol et la vitesse du vent ont disparu. Pour les remplacer, des « barrières » sont introduites – un traitement supplémentaire par exemple – permettant d’adapter les critères de qualité en fonction des risques.</p>
<p>L’exploitant de la station d’épuration doit proposer un plan de gestion des risques où les risques et moyens mis en œuvre pour leur gestion sont identifiés (remplaçant les règles d’usage françaises obligatoires jusqu’à présent). Une fois validé, ce plan permettra l’obtention d’un permis d’exploitation qui précise, entre autres, la classe de qualité d’eau délivrée et l’usage agricole autorisé.</p>
<p>Le plan de gestion des risques, établi par l’exploitant de la station d’épuration, constitue donc l’un des pivots de cette nouvelle réglementation.</p>
<p>Il permet de considérer au cas par cas chaque projet et donne plus de souplesse au montage des projets de reuse. Il comprend également un volet sensibilisation du public en incitant à publier certaines données (qualité de l’eau recyclée, résultats des contrôles…) afin de rassurer les consommateurs et d’améliorer l’acceptation sociale de la reuse déjà en forte augmentation. Aujourd’hui, <a href="https://www.latribune.fr/supplement/la-tribune-now/83-des-francais-prets-a-boire-de-l-eau-potable-produite-a-partir-d-eaux-usees-852373.html">83 % des Français se déclarent prêts</a> à boire de l’eau potable produite à partir d’eaux usées.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/451835/original/file-20220314-23-12xoiml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/451835/original/file-20220314-23-12xoiml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/451835/original/file-20220314-23-12xoiml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=131&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/451835/original/file-20220314-23-12xoiml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=131&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/451835/original/file-20220314-23-12xoiml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=131&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/451835/original/file-20220314-23-12xoiml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=165&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/451835/original/file-20220314-23-12xoiml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=165&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/451835/original/file-20220314-23-12xoiml.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=165&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Exigences de qualité applicables à l’eau de récupération destinée à l’irrigation agricole selon le règlement européen.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32020R0741">EUR-Lex</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une harmonisation et des interrogations</h2>
<p>Par certains aspects, le règlement européen du 5 juin 2020 constitue une réelle avancée. Les pratiques et niveaux de qualité seront les mêmes dans tous les États membres, avec des contraintes d’usages adaptées aux risques effectifs et une transparence renforcée vis-à-vis des consommateurs.</p>
<p>Ce nouveau règlement ne considère cependant qu’un seul usage, l’irrigation ; il reste à espérer que ce sera l’occasion à terme de démocratiser d’autres usages en France tels que l’irrigation des golfs, des parcs, la lutte contre les incendies ou la recharge de nappes.</p>
<p>Les contraintes de qualité très élevées peuvent toutefois entraîner des surcoûts pour la mise à jour des installations, particulièrement si une étape de traitement supplémentaire doit être ajoutée. Obstacle qui, dans certains, cas <a href="https://www.terre-net.fr/meteo-agricole/article/quel-avenir-pour-la-reutilisation-des-eaux-usees-traitees-2179-172022.html">ne pourra être surmonté sans aides publiques</a>.</p>
<p>Enfin, cette réglementation n’évoque pas certaines catégories de polluant très préoccupantes (microplastiques et micropolluants pharmaceutiques, par exemple) qui inquiètent les consommateurs et pour lesquels des <a href="https://www.scirp.org/journal/paperinformation.aspx?paperid=75441">traitements poussés</a> doivent généralement être mis en place.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/179208/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julie Mendret ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une nouvelle loi change les pratiques de réutilisation des eaux usées au sein de l’UE. Cette pratique s’avère essentielle pour pallier les diminutions des ressources en eau dans le monde.Julie Mendret, Maître de conférences, HDR, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/980832018-06-11T21:14:14Z2018-06-11T21:14:14ZMa thèse en BD : « La forêt en chantier »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/222578/original/file-20180611-191954-ecti8k.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C4%2C1084%2C514&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La thèse de Nathalie Carol en BD.</span> <span class="attribution"><span class="source">Peb&Fox/Université de Lorraine</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p><em>À l’occasion du concours « Ma thèse en 180 secondes 2018 », l’Université de Lorraine propose une adaptation en bande dessinée des travaux de recherche de ses 11 doctorants finalistes. Commandé au duo de dessinateurs <a href="https://www.facebook.com/pebfox/">Peb&Fox</a>, ce recueil porte un regard teinté d’humour sur une sélection de recherches qui reflètent la diversité des travaux réalisés par les laboratoires lorrains. Les vidéos des prestations des finalistes <a href="https://videos.univ-lorraine.fr/index.php?act=view&id=6010">sont disponibles en ligne</a>). Rendez-vous le 13 juin à Toulouse pour la finale nationale !</em></p>
<hr>
<p>Nathalie Carol est doctorante au <a href="http://cerefige.univ-lorraine.fr/">CEREFIGE</a> (Centre Européen de Recherche en Économie Financière et Gestion des Entreprises, Université de Lorraine). Son sujet de recherche s’intitule « La gestion du changement dans les organisations publiques complexes ».</p>
<hr>
<h2>« La forêt en chantier »</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/222576/original/file-20180611-191940-17yaceo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/222576/original/file-20180611-191940-17yaceo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=2927&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/222576/original/file-20180611-191940-17yaceo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=2927&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/222576/original/file-20180611-191940-17yaceo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=2927&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/222576/original/file-20180611-191940-17yaceo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=3678&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/222576/original/file-20180611-191940-17yaceo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=3678&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/222576/original/file-20180611-191940-17yaceo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=3678&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La thèse de Nathalie Carol en BD.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Peb&Fox/Université de Lorraine</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/98083/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nathalie Carol ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Valoriser les ressources en bois tout en respectant la biodiversité. L’Office Nationale des Forêts (ONF) doit faire entendre ses messages, semblant contradictoire, à ses acteurs de terrain.Nathalie Carol, Doctorante en sciences de gestion, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/798832017-06-22T19:42:52Z2017-06-22T19:42:52ZPodcast : des ressources naturelles jusqu’à quand ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/175041/original/file-20170621-9586-1tfodlm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">De gauche à droite : Philippe Grandcolas, Pascal Garret, Emmanuel Hache et Didier Pourquery en studio. </span> </figcaption></figure><p>Où en sommes-nous des ressources naturelles de la planète ? Faut-il s’inquiéter de leur épuisement ? Existe-t-il des solutions pour les gérer durablement ?</p>
<p>Trois parties dans cette émission :</p>
<ol>
<li><p>« Où en sommes-nous des <strong>ressources énergétiques</strong> ? » avec Emmanuel Hache (IFPEN)</p></li>
<li><p>« Comment transformer <strong>les déchets et les rebuts</strong> en ressources » avec Pascal Garret</p></li>
<li><p>« Ressources et <strong>biodiversité</strong> » avec Philippe Grandcolas (CNRS/MNHN)</p></li>
</ol>
<hr>
<p><em><strong>Animation</strong> : Yves Bongarçon (Moustic the Audio Agency) et Didier Pourquery (The Conversation)<br>
<strong>Réalisation</strong> : Joseph Carabalona (Moustic the Audio Agency)</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/79883/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Hache est directeur de recherche et professeur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sociologue de formation, Pascal Garret travaille comme photographe indépendant, avec le groupe de recherche « Sociétés urbaines et déchets ».</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Philippe Grandcolas ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’inquiétude monte face à la raréfaction voire la disparition des ressources naturelles de la planète… Paroles d’experts pour éclairer ce sujet essentiel.Emmanuel Hache, Économiste et prospectiviste, IFP Énergies nouvelles, Auteurs historiques The Conversation FrancePascal Garret, Photographe indépendant en sciences sociales, collabore à Sociétés Urbaines et Déchets, Université de ToursPhilippe Grandcolas, Directeur de recherche CNRS, systématicien, UMR ISYEB, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/762432017-04-20T18:17:33Z2017-04-20T18:17:33ZPourquoi les territoires doivent s’emparer de la bioéconomie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/166106/original/file-20170420-20078-h3il7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2048%2C1468&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Utiliser les ressources naturelles renouvelables sous toutes leurs formes.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/oregondepartmentofforestry/14492838086/in/photolist-o5FzQJ-jyk1zr-5EyEX5-eQcjHd-4U6RhP-65BCRS-4hSLAU-5Eun9i-5Eun8p-4nc9yY-5Eunaz-aFH8GZ-asqZKX-adHke6-29VLHN-k6dp-astDeN-SyUYPh-c5uhrb-cs6BwA-asqJio-GMoq2t-asrrQZ-4x2qFD-asu3HE-asoGNe-bPDU1n-bwgpYc-GYWrhF-55W5jP-asoaVt-asrtBK-asrr7B-5Fze9L-8T4Dsh-4t6LYz-d9sf2A-astQiq-astxTY-asu3LQ-bPDU3V-ge26n-asrtp8-6iKBjK-asr5w1-asrj4q-asu6BQ-9mHX2j-asrecb-5Fzf17">Oregon Department of Forestry/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>La bioéconomie, c’est l’économie basée sur les ressources issues du monde vivant : agricoles, forestières, piscicoles ; mais aussi les déchets organiques et les produits de l’activité des micro-organismes.</p>
<p>L’usage croissant de cette notion, notamment dans les discours politiques, témoigne du fait que ces ressources du monde vivant (appelées « bioressources ») sont aujourd’hui en grande partie sous-exploitées. La moitié de l’accroissement naturel en forêt n’est par exemple pas valorisé (ce qui représente environ 50 millions de mètres cubes en France métropolitaine), tandis que les sols agricoles sont menacés de dégradation (on estime que 16 % des sols européens sont dégradés).</p>
<h2>Plus ou moins durable</h2>
<p>Historiquement, le terme de bioéconomie correspondait à une vision englobante visant à replacer la production au sein de l’écosystème ; une façon donc de promouvoir une économie soucieuse de <a href="http://www.decroissance.org/textes/grinevald.pdf">préserver le fonctionnement des systèmes naturels</a>.</p>
<p>Depuis, d’autres courants sont apparus, s’inscrivant pour certains à l’opposé de cette première définition. Ainsi, le <a href="http://leclubdesbioeconomistes.com/">Club des bioéconomistes</a> propose-t-il l’optimisation du potentiel de production permis par la photosynthèse pour répondre aux besoins (notamment alimentaires) croissants, sans considération pour les aspects écologiques autres que ceux nécessaires au maintien de la production.</p>
<p>Depuis 2012, date à laquelle la Commission européenne s’est <a href="http://ec.europa.eu/research/bioeconomy/index.cfm?pg=home">dotée d’une stratégie</a> en faveur de la bioéconomie, nombre de pays tentent de s’approprier ces nouvelles perspectives.</p>
<p>En <a href="http://agriculture.gouv.fr/la-strategie-nationale-bioeconomie-remettre-la-photosynthese-au-coeur-de-notre-economie">France</a>, la bioéconomie s’entend comme « l’ensemble des activités liées à la production, à l’utilisation et à la transformation de bioressources. Elles sont destinées à répondre de façon durable aux besoins alimentaires et à une partie des besoins matériaux et énergétiques de la société, et à lui fournir des services écosystémiques ».</p>
<h2>Une nouvelle organisation</h2>
<p>Mais la bioéconomie, et sa recherche de durabilité, est avant tout une <a href="https://www6.inra.fr/ciag/content/download/6055/44958/file/Vol54-4-Callois.pdf">manière nouvelle de penser l’organisation économique</a>.</p>
<p>Remettre le vivant au cœur de l’économie, ce n’est pas seulement préférer des produits directement issus des processus vivants (biogaz plutôt que carburants fossiles, matières recyclables plutôt que minérales). C’est aussi penser la production de manière « organique » et donc sortir du schéma classique : exploitation de ressources, transformation, consommation, mise en déchet.</p>
<p>La recherche de durabilité et d’efficacité implique à la fois de valoriser chaque fois que faire se peut les coproduits et de maintenir le potentiel de production des écosystèmes à l’origine des bioressources. C’est le principe à la base de l’agroécologie, qui vise à renforcer la résilience des systèmes agricoles sans remettre en cause leur productivité, par exemple en favorisant un couvert végétal permanent (qui maintient la qualité des sols) et en introduisant des légumineuses (qui diminuent les besoins en engrais).</p>
<p>Une telle démarche implique de chercher au maximum à réutiliser sur place des coproduits qui passent d’un statut de déchet à un statut de ressource. C’est le cas typique de la méthanisation qui à partir de déchets organiques peut permettre à la fois une production d’énergie et un digestat aux propriétés fertilisantes. Ce principe de « circularité » peut s’étendre à bien d’autres filières.</p>
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<figcaption><span class="caption">Des unités de micro-méthanisation à la ferme (Actu-Environnement, 2015).</span></figcaption>
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<h2>Des emplois peu délocalisables</h2>
<p>Les implications de la bioéconomie sont profondes. Elles sont certes en grande partie technologiques (recherche de variétés végétales plus performantes, de nouveaux processus de transformation biologiques pour la chimie et les matériaux, développement de capteurs et de systèmes de monitoring fin des processus industriels), mais aussi organisationnelles et sociales.</p>
<p>Le développement à grande échelle de l’approche bioéconomique implique en effet un changement d’attitude tant de la part des producteurs (organisation circulaire de la production) que des consommateurs (changement de regard sur certains produits ayant le statut de déchets, comme les digestats issus de méthanisation).</p>
<p>Au-delà des aspects environnementaux, les enjeux économiques et sociaux sont considérables pour nombre de territoires qu’ils soient ruraux ou urbains : en recherchant l’efficacité par la circularité, l’emploi créé est par nature très peu délocalisable.</p>
<p>Le cas de l’énergie illustre bien l’ampleur du potentiel que représente le développement de la bioéconomie. Les bioénergies (bois-énergie, méthanisation, biocarburants) représentent à ce jour près de la moitié des énergies renouvelables et leur potentiel de développement est loin d’être pleinement exploité. Or, en France, l’énergie « perdue » dans les processus de transformation et de transport correspond peu ou prou à notre déficit commercial dans ce secteur.</p>
<p>Même si ce déficit est impossible à supprimer à court terme grâce aux bioénergies – pour des raisons à la fois structurelles (place des carburants fossiles et du nucléaire), économiques (coûts relatifs des énergies) et physiques (pertes lors des transformations énergétiques) –, une valorisation plus efficace de la chaleur et la poursuite du développement de ces bioénergies permettraient des créations d’emploi non négligeables.</p>
<p>Ainsi, le <a href="http://agriculture.gouv.fr/dynamiques-de-lemploi-dans-les-filieres-de-la-bio-economie">rapport 2016</a> du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux estime qu’un emploi direct peut être créé pour une production supplémentaire de 140 tonnes d’équivalents-pétrole. Ceci sans compter les emplois indirects et les gains possibles par une récupération plus efficace de la chaleur dissipée dans l’environnement (la chaleur représentant environ la moitié des besoins en énergie). Et l’on pourrait tenir des raisonnements similaires de même sur les pertes alimentaires, qui sont de l’ordre de 30 %.</p>
<h2>Repenser le lien au territoire</h2>
<p>Mais pour être pleinement capté, ce potentiel de création d’emploi nécessite d’adopter une approche systémique de la transition vers la bioéconomie.</p>
<p>La bioéconomie n’est pas la simple juxtaposition d’une agriculture plus durable, d’un secteur forestier plus développé et d’une meilleure valorisation des déchets organiques. Elle nécessite de penser les liens entre ces différents secteurs et les interactions avec les politiques d’aménagement et de formation nécessaires. C’est donc avant tout au niveau des territoires que se jouera cette transition, par la création d’infrastructures (réseaux de distribution notamment) pensées pour améliorer la circularité des filières, par une capacité à faire dialoguer les différentes parties prenantes (entreprises, résidents, associations) pour gérer les nuisances (réelles ou supposées), par une valorisation de toutes les compétences, des plus pointues aux moins qualifiées. Le rôle des acteurs publics locaux sera donc essentiel.</p>
<p>Car l’un des principaux effets de la bioéconomie n’est ni économique ni environnemental : il s’agit de pouvoir repenser le rapport au territoire et de remettre du lien social au cœur de l’économie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/76243/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Marc Callois ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La transformation de matières premières renouvelables pour répondre aux besoins alimentaires et énergétiques représente une opportunité inédite dont les territoires doivent s’emparer sans tarder.Jean-Marc Callois, Directeur du département « Territoires », InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/518422016-01-12T05:39:21Z2016-01-12T05:39:21ZLa bioraffinerie environnementale, qu’est-ce que c’est ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/107755/original/image-20160111-7002-1aw2aoa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un milliard de tonnes de déchets alimentaires sont produits annuellement dans le monde. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/stefan-szczelkun/8694158454/in/photolist-efgQpG-7V3Gcx-boxkfP-8ydVWt-9LXW2p-ay6wK7-9M1KoS-ay3PjV-bosR5x-8cbuvK-fpgvs9-bowZhB-57YoB3-ay6wGy-bovE2V-ybWS98-cikWQJ-bowR1g-8HaNbs-8cbuvz-97Lu8G-boxoRe-boxkxa-boxsAK-bouKdH-botLTr-ivA8cc-8wbwXn-bouRbD-boxcgP-bowcpR-botYwD-7WSk8u-bov14T-bouki2-bosrdi-bouXoz-bouaqV-bovUhX-bovmsz-bosuJD-7YwXfZ-bowE6r-botR5r-97Hn6K-pFJ8Le-97Hn4P-tPiEKW-97HmFD-7p3TTC">szczel/flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>En France, près de la moitié des <a href="http://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/chiffres-cles-dechets-201507_8500.pdf">800 millions de tonnes de déchets</a> produits chaque année sont des « biodéchets ». On appelle ainsi tous les résidus d’origine végétale ou animale : les déchets verts, les déchets de cuisine, les papiers et cartons, bref tout ce qui peut pourrir ou fermenter. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on les désigne également comme la « fraction putrescible » (ou fermentescible) des déchets. Ces derniers représentent un gisement de matières organiques biodégradables considérable.</p>
<p>S’il est très difficile d’estimer à l’échelle mondiale le gisement des biodéchets, on sait cependant que les déchets alimentaires représentent à eux seuls plus d’un milliard de tonnes chaque année. Que faire de ces résidus ? Comment les traiter ? </p>
<h2>Incinération, mise à la décharge</h2>
<p>Tout au long du XX<sup>e</sup> siècle, on les a soit incinérés, soit mis en décharge. Mais on sait aujourd’hui que ces deux types de traitement sont peu efficaces : les biodéchets sont constitués en moyenne de 75 % d’eau, ce qui rend leur incinération très improductive, voire totalement inefficace en termes de récupération d’énergie thermique ; leur stockage en décharge est, quant à lui, source de risques de pollution. Leur conversion en ressource via la récupération du biogaz de décharge s’avère enfin difficilement optimisable : la masse gigantesque de déchets stockés au même endroit induit une biodégradation très lente et quelques fuites de biogaz, inévitables à l’échelle des décharges. </p>
<p>Les biodéchets pouvant être consommés par les micro-organismes pour lesquels ils représentent une source d’alimentation, il est préférable, et de loin, d’utiliser ces bactéries et <a href="http://edu.mnhn.fr/mod/page/view.php?id=1596">ces archées</a> dans des procédés mieux maîtrisables. Ce sont alors de véritables usines chimiques microscopiques que l’on va mettre en service pour transformer la matière organique des biodéchets en un gisement de ressources organiques précieuses.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/107783/original/image-20160111-6964-1pi8fen.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/107783/original/image-20160111-6964-1pi8fen.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/107783/original/image-20160111-6964-1pi8fen.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/107783/original/image-20160111-6964-1pi8fen.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/107783/original/image-20160111-6964-1pi8fen.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/107783/original/image-20160111-6964-1pi8fen.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/107783/original/image-20160111-6964-1pi8fen.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Plateforme de compostage de déchets verts.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Madeleine Carroué/Irstea</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Compostage, méthanisation</h2>
<p>Le compostage constitue la façon la plus ancienne de transformer les biodéchets en bioressources. Il consiste à transformer les biodéchets en compost, une ressource précieuse pour l’agriculture et le jardinage. La méthanisation, qui permet de convertir les biodéchets en gaz méthane, est un procédé apparu plus récemment. Contrairement au compostage, elle doit se réaliser en l’absence totale d’oxygène. Elle fait intervenir des micro-organismes spécialisés dans ce que l’on nomme la « digestion anaérobie ». C’est ce type de microbes qui constituent ce qu’on appelait naguère la flore intestinale et que l’on nomme à présent le <a href="http://www.inra.fr/Grand-public/Alimentation-et-sante/Tous-les-dossiers/Metagenome-intestinal">microbiote intestinal</a>. </p>
<p>Il est également possible de transformer les biodéchets en autre chose que du compost ou du méthane, grâce à un ensemble de procédés regroupés sous le terme générique de « bioraffinerie environnementale ».</p>
<h2>Les microbes au travail</h2>
<p>Le concept de bioraffinerie environnementale a été élaboré il y a quelques années pour regrouper tous les procédés permettant de transformer les biodéchets en bioressources, en incluant bien entendu les procédés les plus classiques que sont le compostage et la méthanisation, mais aussi tous ceux qui permettent d’obtenir d’autres types de ressources, comme <a href="http://www.novethic.fr/lexique/detail/agrocarburants.html">les biocarburants</a> ou les molécules pour la chimie verte.</p>
<p>La bioraffinerie est très largement fondée sur la digestion anaérobie, une famille de procédés dont fait également partie la méthanisation. Il se passe beaucoup de choses complexes dans un procédé de digestion anaérobie : c’est tout un écosystème microbien qui se met progressivement en place sur la matière à digérer, chaque groupe de microbes assurant un rôle bien particulier. </p>
<p>Un premier groupe, constitué de bactéries que l’on appelle hydrolytiques, va d’abord s’établir en adhérant à la matière solide. Grâce à des enzymes, il va en extraire de grosses molécules comme les protéines (en grande quantité dans les déchets de viande), les lipides (les matières grasses animales ou végétales), la cellulose (dans tous les déchets végétaux et très concentrée dans les papiers cartons), l’amidon (très présent dans les déchets de féculents), pour les transformer en molécules plus petites, des acides aminés, des acides gras, des sucres simples. Les grosses molécules sont les ressources des bactéries, les molécules plus petites, leurs déchets. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/107812/original/image-20160111-7002-ppilzm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/107812/original/image-20160111-7002-ppilzm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/107812/original/image-20160111-7002-ppilzm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/107812/original/image-20160111-7002-ppilzm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/107812/original/image-20160111-7002-ppilzm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/107812/original/image-20160111-7002-ppilzm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/107812/original/image-20160111-7002-ppilzm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des archées, micro-organismes produisant du méthane au cœur d’un bioprocédé, observées au microscope confocal à balayage laser.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Chrystelle Bureau/Irstea</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>À chaque étape sa production</h2>
<p>Comme dans tout bon écosystème, ces déchets ne sont pas perdus pour tout le monde : un autre groupe va prendre le relais des bactéries hydrolytiques en se servant de leurs déchets comme ressources. C’est le groupe des bactéries acidogènes qui vont produire elles aussi des déchets : des acides gras volatils (AGV), des alcools ainsi que du gaz carbonique (CO<sub>2</sub>) et du sulfure d’hydrogène (H<sub>2</sub>S). Et la chaîne se poursuivant, peu à peu les ressources des acidogènes s’épuisent et un autre groupe se nourrissant de leurs déchets prend le relais : ce sont les bactéries acétogènes qui consomment les AGV et les transforment en acide acétique (le principal composant du vinaigre qui est en fait un produit de bioraffinerie !) en CO<sub>2</sub> et en dihydrogène (H<sub>2</sub>). Quand la digestion anaérobie arrive à son terme, le dernier groupe à s’installer sur les déchets des acétogènes est constitué par des archées, que l’on nomme méthanogènes parce qu’elles vont produire, du méthane (CH<sub>4</sub>), mais également du CO<sub>2</sub> ; le mélange des deux composant ce que l’on nomme « biogaz ».</p>
<p>Différents facteurs physico-chimiques, par exemple la température ou le pH, permettent d’orienter les métabolismes et de favoriser certains groupes plutôt que d’autres. On peut ainsi orienter le procédé de bioraffinerie en fonction des matières que l’on veut produire : du bioéthanol ou des biomolécules pour la chimie verte comme le butyrate, le propionate ou le lactate en bloquant le processus à l’étape d’acidogénèse ; on produira de l’acétate, toujours pour la chimie verte, mais également du dihydrogène, utilisable par exemple dans une pile à combustible, en l’arrêtant à l’acétogénèse ; enfin, on conduira le procédé à son étape ultime, la méthanogénèse, pour produire du biogaz utilisable comme combustible ou même comme carburant.</p>
<p><br>
<em>Christian Duquennoi a récemment fait paraître <a href="http://www.quae.com/fr/r4746-les-dechets-du-big-bang-a-nos-jours.html">« Les Déchets, du big bang à nos jours »</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/51842/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian Duquennoi a reçu des financements de l'ANR, l'ADEME, la Région Ile-de-France, le Commissariat général à l'investissement (Programme Investissements d'Avenir).</span></em></p>Un ensemble de procédés, dont la méthanisation, permettent de transformer les biodéchets en ressources.Christian Duquennoi, Ingénieur de recherche, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.