tag:theconversation.com,2011:/uk/topics/consommation-20873/articlesconsommation – The Conversation2024-03-27T16:42:28Ztag:theconversation.com,2011:article/2262632024-03-27T16:42:28Z2024-03-27T16:42:28ZProduits « éthiques » : promettre ne suffit pas pour convaincre les consommateurs<p>Offrir le meilleur produit au meilleur prix pour emporter la décision d’achat des clients ne suffit plus. Plus précisément, cela peut suffire pour emporter certains segments de clientèle, mais d’autres, de plus en plus importants, réclament davantage. Les industriels l’ont bien compris : observant les nouvelles demandes des clients, notamment en matière d’impact de leur consommation, les industriels ont développé des produits originaux pour y répondre. Différentes promesses ont émergé ces dernières années, du respect de la vie animale, aux produits « sans »… Mais quelles promesses sont les plus efficaces ? Quel est leur impact sur les intentions et les comportements d’achats ?</p>
<p>Les premiers résultats des recherches que nous avons menées indiquent que toutes les promesses ne se valent pas, qu’une solution efficace dans un secteur ne l’est pas forcément dans un autre. Pour arriver à ces conclusions, un détour est nécessaire pour comprendre comment les consommateurs réagissent aux promesses des producteurs et des distributeurs et quelle est l’influence de ces engagements sur leurs intentions et leurs comportements d’achat.</p>
<p><a href="https://lobsoco.com/lobservatoire-de-la-consommation-responsable-lobsoco-citeo-2023/">67 %</a> de consommateurs cherchent à être plus responsables et voudraient pour cela ressentir davantage de bien-être (<a href="https://www.greenflex.com/actualites/ressources/etudes/barometre-greenflex-ademe-de-la-consommation-responsable-2023/">87 %</a>) à travers leur consommation. Les motivations exprimées par les consommateurs pour expliquer ces comportements renvoient à des formes de désintéressement, qu’il s’agisse du respect de l’environnement (cité par <a href="https://www.greenflex.com/actualites/ressources/etudes/barometre-greenflex-ademe-de-la-consommation-responsable-2023/">78 %</a> des personnes interrogées), du bien-être des espèces animales (59 %) et/ou de leur santé (73 %). Rien d’étonnant donc si 85 % des consommateurs attendent des entreprises qu’elles les aident à atteindre ces objectifs, en agissant de manière responsable et en communiquant sur ces actions.</p>
<p>Prenons le cas du bien-être animal défini par <a href="https://www.woah.org/fr/ce-que-nous-faisons/sante-et-bien-etre-animale/bien-etre-animal/">l’Organisation mondiale de la santé animale</a> comme « l’état physique et mental d’un animal en lien avec les conditions dans lesquelles il vit et meurt ». Cette promesse compte de plus en plus dans le choix des produits alimentaires et cosmétiques proposés par des fabricants et des détaillants. Ainsi, selon un <a href="https://fr.yougov.com/health/articles/36725-80-des-francais-sont-sensibles-a-la-cause-animale">sondage réalisé par YouGov</a>, 80 % des Français se disent sensibles à la cause animale et 60 % affirment avoir une meilleure image des marques qui s’engagent dans cette direction.</p>
<h2>Choisir le bon label</h2>
<p>Pour les seuls produits alimentaires, 29 % des Français prennent en compte l’étiquetage concernant le bien-être animal lorsqu’ils font leurs courses. Cet étiquetage spécifique prend en compte 230 critères, pour définir un niveau qui va de A à E. Cette note intègre les conditions de la vie de l’animal, de la naissance aux conditions d’abattage, en passant par l’élevage et le transport. Pour les produits cosmétiques, 62 % des Français trouvent important que les produits bénéficient d’un label Cruelty Free (« sans cruauté »).</p>
<p>Si la référence à ce label a un impact sur les comportements des consommateurs, les <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/IJRDM-12-2020-0489/full/html">voies empruntées méritent d’être précisées</a>. Plus les promesses faites par les produits cosmétiques, en particulier, la promesse spécifique « non testé sur les animaux », sont perçues comme étant crédibles, plus les consommateurs ont une opinion favorable de cet engagement. Cette bonne opinion sera alors transférée sur le produit cosmétique considéré et conduira à l’intention d’achat déclarée de ce produit.</p>
<p>D’autres facteurs jouent un rôle sur les intentions d’achat, comme les normes subjectives, c’est-à-dire l’influence de la pression sociale perçue dans l’adoption ou non d’un comportement ainsi que la sensibilité éprouvée à l’égard des animaux. Des préoccupations, plus individuelles, comme l’attention apportée à l’apparence personnelle, expliquent également les réponses des consommateurs (attitude et intention d’achat) d’un produit cosmétique « non testé sur les animaux ».</p>
<p>À l’inverse, ces facteurs altruistes et individuels n’ont pas d’influence sur les réponses des consommateurs à propos des produits cosmétiques conventionnels. Les entreprises ont donc un rôle important à jouer pour accroître la connaissance des consommateurs sur la signification, la portée et la transparence de leurs promesses et des labels qu’elles mobilisent pour les communiquer.</p>
<h2>Le « sans » plus convaincant</h2>
<p>L’industrie du soin à la personne s’engage dans des démarches du même type. Elle multiplie les promesses faites aux consommateurs qu’il s’agit du respect de leur santé ou de l’environnement, que ce soit en ajoutant des ingrédients ou des processus de fabrication bénéfiques (promesse « avec ») ou en les retirant (promesse « sans »). Par exemple, quand cette industrie veut protéger la santé des consommateurs, elle leur propose des produits avec de l’huile d’avocat (promesse « avec ») ou sans parabène (promesse « sans »).</p>
<p>Nous avons étudié lesquelles de ces démarches ont le plus <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0969698921004598">d’impact sur les clients potentiels de ces marques</a>. Les promesses « sans » sont préférées par les consommateurs par rapport à une promesse « avec ». Elles sont mieux perçues par les clients potentiels. D’où des intentions d’achats plus élevées envers le produit de soin proposé, quel que soit le but ultime poursuivi (le respect de la santé ou pour celui de l’environnement…).</p>
<h2>L’enjeu des marques de distributeurs</h2>
<p>Sur ces sujets, les marques de produits alimentaires, cosmétiques ou de soin ne sont pas seules. Les grandes surfaces à prédominance alimentaire (GSA) sont aussi concernées car elles développent depuis longtemps des marques propres, dites aussi marques de distributeurs (MDD). Elles aussi cherchent à améliorer la qualité de leurs produits et être ainsi considérés comme davantage responsables. L’enjeu est de taille car la promesse engage non seulement le produit mais aussi l’image de l’enseigne.</p>
<p>Les engagements pris par les GSA concernent notamment le respect de la santé des consommateurs (par exemple, des MDD contenant moins de conservateurs, des produits d’origine naturels ou sans additifs) et le respect de l’environnement (des MDD dont la production préserve les ressources naturelles, limite l’usage des pesticides ou dont le packaging est réduit). <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/IJRDM-11-2022-0437/full/html">Là encore, toutes ces promesses n’ont pas la même valeur aux yeux des consommateurs et n’entraînent pas les mêmes conséquences</a>. Les promesses relatives au respect de la santé des consommateurs (et notamment la promesse indiquant que les MDD contiennent des ingrédients d’origine naturelle) sont, sur ce point, supérieures aux promesses liées au respect de l’environnement. En effet, ces engagements renforcent la confiance des consommateurs dans les MDD standards, ce qui améliore ensuite leur attitude et leurs intentions de revenir et de recommander les magasins du détaillant. De surcroît, cette confiance renforce l’image responsable du détaillant. Néanmoins, pour être pleinement crédible, cette action doit s’inscrire dans la politique globale menée par le détaillant.</p>
<p>L’ensemble de nos travaux révèle que les actions entreprises par les marques ne sont pas vaines. Toutefois, toutes les formes d’engagement ne sont pas équivalentes et n’auront pas le même impact sur le comportement du consommateur. Les promesses les plus efficaces diffèrent selon le secteur d’activité, le produit… Dans tous les cas, les entreprises ne doivent pas se contenter de promettre mais doivent aussi apporter des preuves pour crédibiliser leurs promesses, si elles veulent vraiment influencer les choix des consommateurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226263/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Pour répondre aux nouvelles demandes des consommateurs, les industriels multiplient les promesses. Toutes ne sont pas aussi efficaces sur la perception et les intentions d’achat des futurs clients ?Cindy Lombart, Professeure de marketing, AudenciaCindy G. Grappe, Ph.D. student in Marketing, University of AlbertaDidier Louis, Maître de conférences, techniques de commercialisation, IUT de Saint-Nazaire, Université de NantesFabien Durif, Professeur titulaire, directeur de l'Observatoire de la consommation responsable (OCR) et du Laboratoire FCI GreenUXlab, Université du Québec à Montréal (UQAM)Florence Charton-Vachet, Professeure de marketing, AudenciaOlga Untilov, Professeur assistant en marketing, AudenciaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2251422024-03-19T16:57:18Z2024-03-19T16:57:18ZComment expliquer le succès des applis anti-gaspi ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/579942/original/file-20240305-24-bj8pv3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C520%2C6000%2C3467&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Too Good To Go s'est imposé en leader des applications anti-gaspi.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.ecologie.gouv.fr/gaspillage-alimentaire">10 millions de tonnes de produits jetés</a> par an, soit environ 16 milliards d’euros et 3 % des émissions de gaz à effet de serre… Le <a href="https://theconversation.com/topics/gaspillage-alimentaire-22121">gaspillage alimentaire</a> représenterait ainsi un <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/06/07/le-gaspillage-alimentaire-en-france-en-chiffres_5311079_4355770.html">coût supérieur à 100 euros par an et par personne</a>. Cela reste non négligeable alors que <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/inflation/face-a-l-inflation-87-des-francais-disent-avoir-reduit-leur-gaspillage-alimentaire_6346246.html">8 Français sur 10</a> affirmaient avoir modifié leurs comportements alimentaires en raison de l’inflation. 87 %, selon un sondage d’Harris Interactive pour Cetelem, indiquent avoir réduit leur gaspillage alimentaire.</p>
<p>Plusieurs applications mobiles qui luttent contre ce fléau sont apparues il y a moins de dix ans et sont en <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/pouvoir-achat/pouvoir-d-achat-les-applications-anti-gaspi-ont-le-vent-en-poupe_6090054.html">plein boom</a>. Elles se nomment Optimiam, Phenix ou encore Too Good to Go. Outre la réduction du gaspillage alimentaire chez les restaurateurs, au sein des commerces de proximité ou dans la grande distribution, elles proposent au consommateur une réduction du prix d’au minimum 30 %, quand il ne s’agit pas d’un don en faveur de public défavorisé. Elles interviennent tard dans le processus de consommation, quand la date de limite de consommation est proche ou la date limite d’utilisation optimale dépassée.</p>
<p>Leur utilisation, que nous avons observée dans nos <a href="https://ideas.repec.org/p/hal/journl/hal-02174169.html">travaux</a>, reste relativement simple, au contraire de nombreux gestes durables parfois délicats à mettre en œuvre ou aux bénéfices perçus trop lointains. Le taux d’adoption de ces dispositifs numériques ne cesse d’augmenter : <a href="https://www.toogoodtogo.com/fr/blog/economies-paniers-anti-gaspi">38 % des Français</a> (soit plus d’un Français sur 3) utilisent ces applications. Too Good to Go, leader du marché, annonce <a href="https://www.toogoodtogo.com/fr/press/anti-gaspi-inflation">plus de 15 300 000 utilisateurs</a> avec une augmentation de 30 % d’entre eux entre 2022 et 2023. Cela représente plus de 55 millions de paniers « sauvés ». Phénix, dont le chiffre d’affaires est estimé autour de 18 millions d’euros, indique une <a href="https://www.challenges.fr/economie/consommation/en-periode-d-inflation-le-carton-des-applications-anti-gaspi_826701">hausse de 30 % des paniers vendus</a> entre 2021 et 2022 pour l’Île-de-France. Elle a également connu une hausse spectaculaire de ses utilisateurs de 2 millions en janvier 2022 à 5 millions aujourd’hui.</p>
<h2>Alignement de planètes</h2>
<p>Trois composantes de ce succès peuvent être dérivées d’un modèle théorique, le <a href="https://thedecisionlab.com/reference-guide/organizational-behavior/the-com-b-model-for-behavior-change">modèle COM-B</a> qui tente de rendre compte de changements comportementaux. Il en met en lumière trois catégories de facteurs, déclinant l’acronyme.</p>
<p>On retrouve tout d’abord le « C », pour « capacités physiques et psychologiques des individus ». Ce premier groupe de facteurs met l’accent sur les compétences et connaissances des individus. Pour actionner ce levier, les applications mobiles anti-gaspillage ont su développer une communication pédagogique autour du gaspillage alimentaire. Au-delà des chiffres globaux, elles proposent une « traduction » concrète et ancrée dans le quotidien des consommateurs. Ainsi, l’application Zéro-Gâchis indique par exemple « 1 baguette de pain équivaut à une baignoire remplie d’eau » et « 1 Kg de bœuf correspond à 15 000 litres d’eau soit 10 000 bouteilles d’1,5 L ». De même, les applications communiquent largement sur le nombre de paniers « sauvés » ou de repas « gagnés ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1764232524132221196"}"></div></p>
<p>Le « O » correspond aux opportunités physiques et sociales offertes par le contexte. Les applications mobiles anti-gaspi ont bien compris qu’il fallait démultiplier les opportunités de consommation tout en réduisant les sacrifices consentis par les consommateurs. Ainsi, l’application Phénix propose des filtres qui permettent non seulement de préciser son régime alimentaire mais également d’indiquer l’heure à laquelle le consommateur souhaite récupérer son panier. Cette flexibilité lui permet de tenir compte de ses contraintes. De même, le programme de fidélité attribuant des points à chaque commande permet d’inciter les consommateurs à prendre « la routine de commander » et « d’utiliser l’application ». Récemment, Too Good To Go a même instauré de <a href="https://www.e-marketing.fr/Thematique/green-1345/rse-2329/Diaporamas/Too-Good-To-Go-devoile-4-nouvelles-innovations-pour-2024-400178/too-good-face-changement-comportements--400179.htm#Diapo6">nouveaux services</a> : des ventes flash pour les restaurateurs, la possibilité de se faire livrer un colis d’invendus composés de produits secs de grandes marques et selon un thème (un colis italien, un colis goûter ou un colis apéritif par exemple) ou encore le retrait du panier par un ami…</p>
<p>Le « M », enfin, vaut pour « motivations réfléchies et automatiques ». Le succès des applications mobiles anti-gaspillage s’explique aussi par un alignement intéressant entre les intérêts de la planète et les intérêts individuels qui répondent à des motivations égoïstes centrées sur les économies personnelles. Le consommateur fait un geste « bon » pour la planète et « bon » également pour son budget, notamment en période d’inflation. Certaines applications jouent de plus sur la dimension hédonique en proposant des « paniers-surprises » ou encore sur la dimension sociale du comportement en offrant des programmes de parrainage.</p>
<h2>Quelle valeur pour l’alimentaire ?</h2>
<p>Un comportement particulier aura des chances de se produire si et seulement si la personne concernée a la capacité et l’opportunité de s’engager dans ce comportement et est plus motivée à avoir ce comportement que tout autre. Ce modèle permet de mieux comprendre les paradoxes apparents du comportement du consommateur : les articulations délicates entre vouloir et pouvoir. Son avantage essentiel est l’intégration du contexte de manière très naturelle pour expliquer le comportement adopté.</p>
<p>Si les initiatives de lutte contre le gaspillage alimentaire sont à saluer et à encourager, quoiqu’elles engendreraient parfois une <a href="https://www.francebleu.fr/infos/economie-social/avec-les-rayons-anti-gaspi-des-supermarches-les-restos-du-coeur-voient-les-dons-baisser-1665590386">diminution des dons en direction des associations humanitaires</a>, l’efficacité de la réduction du prix de manière directe ou indirecte pose la question d’un changement effectif des consommateurs sur le long terme… La réduction du gaspillage alimentaire doit-elle passer systématiquement par la proposition de produits à prix bardés alors même que ces produits ont nécessité des ressources limitées (eau, terre agricole, etc.) ?</p>
<p>En d’autres termes, la lutte anti-gaspillage ne pourrait-elle pas chercher les voies d’une création de valeur par une revalorisation de l’alimentation ? Telle est la voie qu’ouvre par exemple l’upcycling ou surcyclage, récupérer des produits dont on n’a plus usage pour les transformer en matériau d’utilité supérieure.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225142/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Béatrice Siadou-Martin a reçu des financements de l'ADEME et de la Région Pays de la Loire dans le cadre du projet de recherche « IP-AG : Intrusivité Perçue des applications mobiles Anti-Gaspillage ».</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-Marc Ferrandi a reçu des financements de l'ADEME et de la Région Pays de la Loire dans le cadre du projet de recherche « IP-AG : Intrusivité Perçue des applications mobiles Anti-Gaspillage ».</span></em></p>Les applis anti-gaspi alignent comme rarement les valeurs sociales et environnementales des consommateurs et leurs préoccupations budgétaires.Béatrice Siadou-Martin, Professeur des universités en sciences de gestion, Université de MontpellierJean-Marc Ferrandi, Professeur Marketing et Innovation à Oniris, Université de NantesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2251052024-03-11T16:11:13Z2024-03-11T16:11:13ZLe zéro déchet : des « petits gestes » pas si inutiles<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/579839/original/file-20240305-30-vujctw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=44%2C38%2C1946%2C1449&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'achat en vrac, un exemple d'éco-geste.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.publicdomainpictures.net/fr/free-download.php?image=bonbons-en-vrac&id=298355">Publicdomainpictures.net/Charles Rondeau</a></span></figcaption></figure><p>Pour lutter contre le réchauffement climatique, est-il efficace de sensibiliser les citoyens aux <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/leducation-lenvironnement-et-au-developpement-durable">enjeux environnementaux</a> et de les inciter à adopter des <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/ecologiecheznous-decouvrez-10-gestes-simples-ameliorer-votre-environnement">éco-gestes</a>, souvent qualifiés de « petits gestes » ?</p>
<p>Ces éco-gestes désignent des actions quotidiennes mises en œuvre individuellement par les citoyens afin de réduire leur impact environnemental. Ils peuvent concerner la mobilité quand il s’agit de privilégier le vélo sur des trajets courts ou de ne plus prendre l’avion, les comportements d’achat en valorisant les biens d’occasion ou les produits locaux. Cela peut aussi affecter le logement en réduisant la température du domicile, en préférant les douches plutôt que des bains, ou encore en collectant l’eau de pluie. Si les formes sont extrêmement variées, l’objectif est le même : réduire l’impact environnemental des citoyens.</p>
<p>Compte tenu de l’ampleur et de la rapidité des changements engendrés par la crise climatique, cette politique des petits gestes est régulièrement questionnée. Tout d’abord, ils se déploient à une échelle individuelle et risquent de n’avoir qu’un impact relatif sur la planète. Ainsi, un engagement volontariste de tous les citoyens ne permettrait de réduire que d’environ un quart les <a href="https://theconversation.com/comprendre-les-3-dimensions-de-la-sobriete-cette-notion-cle-de-notre-epoque-197660">impacts carbone de la France</a>.</p>
<p>De plus, ils s’inscrivent dans une logique de responsabilisation individuelle, faisant peser sur les épaules des seuls citoyens l’enjeu des changements qui concerne la société dans son ensemble.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comprendre-les-3-dimensions-de-la-sobriete-cette-notion-cle-de-notre-epoque-197660">Comprendre les 3 dimensions de la sobriété, cette notion-clé de notre époque</a>
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<p>Pourtant, dans un <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/07439156231200803">travail de recherche récent</a> consacré à <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Territoires_zero_dechet_zero_gaspillage.pdf">l’adoption de comportements zéro déchet</a>, nous avons observé que ces petits gestes ne sont pas si anodins. Il ressort de notre étude, portant sur 24 participants d’un programme de sensibilisation au zéro déchet, que ces éco-gestes permettent d’enclencher un cercle vertueux. En effet, chez l’ensemble des participants, une constellation de petits gestes émergent, se multiplient au fil du temps et s’articulent entre eux afin de réduire les déchets ménagers, et ce dans différentes sphères de la vie domestique.</p>
<h2>Une première action qui en appelle d’autres</h2>
<p>Ainsi, tous les participants interrogés adoptent un premier éco-geste en choisissant bien souvent celui qui leur semble le plus accessible ou celui qui aura le plus d’effet sur la quantité de déchets générés. Il peut s’agir d’acheter en vrac, de composter ou encore de s’engager dans des pratiques de récupération. Puis, ils indiquent – tous – spontanément comment cette première action les amène à mettre en œuvre rapidement d’autres actions destinées à limiter la production de déchets.</p>
<p>Pour certains, l’engagement dans une démarche zéro déchet s’est initialement traduit par la volonté de réduire l’achat de produits alimentaires suremballés. Ils décident alors de réaliser de plus en plus de repas faits à la maison. Cette nouvelle habitude les amène à privilégier l’achat de produits bruts pour cuisiner et favorise alors l’essor de l’achat en vrac.</p>
<p>Très vite, l’achat en vrac incite les individus à garder des contenants (pots, bocaux et bouteilles indispensables pour acheter et stocker les produits en vrac). Ils s’engagent donc dans des pratiques de récupération qu’ils envisagent alors souvent d’étendre à d’autres sphères de leur vie quotidienne, comme, par exemple, la récupération de l’eau usée ou de l’eau de pluie pour arroser le jardin.</p>
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<img alt="Illustration de geste responsable" src="https://images.theconversation.com/files/579844/original/file-20240305-28-txu8nq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/579844/original/file-20240305-28-txu8nq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/579844/original/file-20240305-28-txu8nq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/579844/original/file-20240305-28-txu8nq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/579844/original/file-20240305-28-txu8nq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/579844/original/file-20240305-28-txu8nq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/579844/original/file-20240305-28-txu8nq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un engagement volontariste de tous les citoyens ne permettrait de réduire que d’environ un quart les impacts carbone de la France.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1334149">Pxhere</a></span>
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<p>Parallèlement, la multiplication des repas faits maison génère des biodéchets, ce qui conduit certains participants à développer une pratique du compost. D’autres participants, eux, relatent comment la pratique de l’achat de produits alimentaires en vrac les a conduits à acheter des copeaux de savon de Marseille et du bicarbonate de soude afin de fabriquer – dans un esprit <em>do-it-yourself</em> – leur lessive, ce qui les a également amenés à des pratiques de récupération (bidons, bocaux) afin de stocker la lessive, une fois celle-ci fabriquée.</p>
<p>L’achat du bicarbonate de soude conduit également de nombreux participants à l’utiliser pour la fabrication d’autres produits ménagers ou cosmétiques, comme le produit vaisselle ou le dentifrice. Cette multi-utilisation est d’autant plus aisée qu’ils ont acquis de l’expérience leur permettant de manipuler cet ingrédient.</p>
<p>Ainsi, des relations vertueuses entre ces petits gestes favorisent la diffusion de la démarche zéro déchet dans de nombreuses sphères de la vie quotidienne des citoyens. Si les trajectoires de déploiement sont différentes d’une personne à l’autre, au fil du temps, les citoyens qui s’impliquent dans le zéro déchet développent une véritable constellation de petits gestes. Peu à peu, ils modifient en profondeur leur façon de consommer.</p>
<h2>Un style de vie plus vertueux, une source d’économie importante</h2>
<p>Certes, la réduction des impacts environnementaux de la consommation et de la production ne saurait passer par la seule <a href="https://theconversation.com/the-myth-of-the-ethical-consumer-204">responsabilisation des individus</a>, exonérant par la même occasion les autres acteurs de leurs <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/politique/restaurants-recyclage-consignes-le-texte-de-l-ue-pour-verdir-les-emballages_177095">responsabilités</a>. Toutefois, nos résultats – dans le contexte du zéro déchet – permettent de nuancer les critiques récurrentes formulées à l’encontre des politiques des petits gestes.</p>
<p>Souvent présentés de manière isolée, ils apparaissent en réalité comme un système de comportements interreliés, qui se soutiennent entre eux. Loin d’être inutiles, ils sont à envisager dans une perspective dynamique : un premier comportement accessible, ne nécessitant que peu d’efforts, constitue pour nos répondants une porte d’entrée efficace pour envisager ensuite des changements comportementaux plus profonds.</p>
<p>Nos résultats montrent ainsi que le changement comportemental est possible et loin d’être anecdotique. Ces petits gestes offrent en réalité une voie concrète et accessible d’engagement dans un style de vie globalement plus vertueux.</p>
<p>L’exemple de l’adoption progressive et dynamique de la démarche zéro déchet constitue une inspiration pour enclencher concrètement d’autres modifications d’habitudes de consommation, telles que le passage à une alimentation moins <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/manger-deux-fois-moins-de-viande-permettrait-aux-francais-d-atteindre-leurs-objectifs-climatiques-4440052">carnée</a> ou l’adoption de pratiques de mobilité douce afin de « prendre sa part » pour atteindre les objectifs des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/accord-de-paris-23135">accords de Paris</a>.</p>
<p>Enfin, l’adoption de modes de vie plus vertueux est souvent présentée comme l’apanage des <a href="https://www.socialter.fr/article/edito-ecologie-peuple-bourgeois-inegalite">classes sociales</a> favorisées. Or, l’entrée dans un mode de vie plus respectueux de l’environnement par le zéro déchet n’est pas nécessairement liée à des dépenses supplémentaires. Cela peut constituer – au contraire – une source d’économie importante pour les citoyens, comme le soulignent d’ailleurs certaines <a href="https://www.roubaixzerodechet.fr/">communes</a> très impliquées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225105/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une étude montre que les éco-gestes permettent d’enclencher un cercle vertueux qui conduit à une multiplication des comportements responsables.Rémi Mencarelli, Professeur des Universités en marketing, IAE Savoie Mont BlancDominique Kreziak, Maîtresse de conférences en sciences de gestion IREGE Université Savoie Mont Blanc, IAE Savoie Mont BlancLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2219032024-01-30T16:11:22Z2024-01-30T16:11:22ZVivre sans : pourquoi le manque (existentiel) nous est indispensable<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/571947/original/file-20240129-15-gcc7q9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C9357%2C6485&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Edward Hopper, Soleil du matin (1952).</span> <span class="attribution"><span class="source">Wikipédia</span></span></figcaption></figure><p>Depuis quelques années, la préposition « sans » a fleuri sur les étiquettes et dans la grammaire du marketing : « sans huile de palme », « sans sucre », « sans sulfate », « sans sulfites » etc., à tel point qu’on a pu se demander si un produit pouvait se vendre sans mettre en avant ce qu’il ne contenait pas.</p>
<p>Certes, ce « sans » revendiqué était convertible en plus – le prix des produits « sans » étant plus élevé. Ce qui se justifie par les nouveaux modes de production plus éthiques, moins productivistes, mais également par la promesse de bonne santé. Une santé en négatif puisque c’est plutôt la garantie d’une absence de produits toxiques qui est vendue sous le « sans ».</p>
<p>Ainsi, après une société de la profusion et du trop-plein, dont les excès en tous genres ont donné lieu tout à la fois à des problèmes de santé publique et à l’accélération du réchauffement climatique, la publicité promeut une société où le manque se répand à une allure qui imite celle… de la profusion justement. Profusion de l’absence et du manque, vite reconvertis en plus et en plein : la société de marché a encore gagné. Le capitalisme, telle la société du spectacle de Guy Debord a réussi à récupérer le manque dans le flux du plein, à traduire le moins en plus, l’absence en valeur ajoutée, et, cerise sur le gâteau, vend de l’éthique à qui peut se le permettre – car tout le monde ne peut pas consommer « sans ». Ce qui n’empêche pas tout le monde de continuer de consommer.</p>
<p>Que l’on soit éthique, ou que l’on soit pauvre (l’opposition étant imposée par le marché), il faut continuer à consommer : mais ultime subtilité, si l’on consomme du sans alcool et du sans sucre, n’est-ce pas la garantie et l’expression d’une forme d’ascèse, autrement dit, d’une manière-de-ne-pas-consommer ? Le marketing a donc inventé la consommation de la non-consommation. Tour de passe-passe sublime qui risque d’écraser sur son passage tous les projets de décroissance.</p>
<h2>Du manque d’être au manque d’avoir</h2>
<p>Mais revenons un peu en arrière. Car la rhétorique du « sans » fait signe vers la question du manque. Or la logique capitaliste a eu la grande intelligence d’assigner au manque le rôle de moteur, en faisant glisser le manque d’être – qui renvoie à notre statut ontologique – vers le manque d’avoir. Comme le dit Hannah Arendt « travail et consommation ne sont que deux stades du cycle perpétuel de la vie biologique. Ce cycle a besoin d’être entretenu par la consommation, et l’activité qui fournit les moyens de consommation, c’est l’activité de travail », aucune raison de sortir du cycle qui se régénère de lui-même. Nos besoins créent du manque, la consommation les satisfait et exige le travail pour la renouveler, lequel creuse les besoins et ainsi de suite.</p>
<p>Pourtant, le nourrisson, lorsqu’il demande le sein parce qu’il a faim, fait entendre une tout autre demande que la seule satisfaction du besoin. Ne pas l’entendre c’est l’enfermer dans la prison biologique et lui refuser l’accès au monde symbolique.</p>
<p>Le mythe prométhéen lui-même tendait à définir l’homme par son émancipation du cycle biologique : étant nu et dépouillé au contraire de tous les autres animaux, l’homme vole le feu aux dieux, au risque d’une transgression que Prométhée paiera cher.</p>
<p>Déjà, la mythologie installait l’homme dans son rapport au manque : devant l’erreur de son frère Épiméthée qui a distribué tous les attributs naturels aux autres animaux, Prométhée doit créer les conditions de la survie, et ce faisant transforme la condition humaine. Tension première que celle de son geste : l’invention et l’entrée dans le monde symbolique se paye au prix d’un excès – l’homme se mesure aux dieux.</p>
<p>La culture va générer de nouveaux besoins, dont certains sont artificiels. C’est toute la problématique d’Épicure que de les classer pour apprendre à ne plus désirer ce qui occasionnerait le trouble et la souffrance. S’en tenir aux seuls besoins nécessaires, telle est la définition de l’ataraxie, sagesse antique qui consiste en une ascèse fondée sur la connaissance.</p>
<p>Mais dès l’Antiquité, les promoteurs de l’absence de souffrance sont concurrencés par une voix alternative, celle de Calliclès : adversaire redoutable de Socrate, il prétend que l’absence de désir, c’est la mort – seule une pierre ne désire pas. À ce titre, le désir doit être sans cesse régénéré et l’image des tonneaux percés qu’utilise Socrate pour la dénigrer semble au contraire figurer assez parfaitement la vision de la vie de Calliclès.</p>
<p>Il faut préciser que la philosophie grecque s’inscrit dans une certaine conception du monde qui rejaillit nécessairement sur elle. La vision du cosmos est en effet normative, c’est à son image que se déploient la physique, la pensée politique et l’anthropologie. Pour les penseurs de l’Antiquité, le cosmos est plein et fini : sens et orientation lui sont immanents, chaque chose a sa place. Dans la cosmologie aristotélicienne, le mouvement le plus parfait est celui du cercle qui revient au même point, de même que la temporalité s’y adosse : les régimes se succèdent, se corrompent, puis reviennent selon un ordonnancement strict. Le fini figure la perfection quand l’in-fini qualifie un défaut. Dès lors, on peut comprendre que la plénitude représente l’idéal à atteindre, au regard de l’image normative du cosmos.</p>
<h2>La fin du fini</h2>
<p>La modernité, en bouleversant cette vision du monde et en affirmant l’existence de l’infini, change la donne. L’homme va devoir s’y confronter, lui qui se sait fini. L’angoisse existentielle qui sera celle du XVI et du XVII<sup>e</sup> siècle et que décrit si bien <a href="https://www.lesbelleslettres.com/livre/9782251454658/pensees">Pascal</a> s’explique en partie parce que l’homme se trouve « comme égaré dans ce recoin de l’univers sans savoir qui l’y a mis, ce qu’il est venu faire ». Ou encore « Que l’homme […] se regarde comme égaré dans ce canton détourné de la nature ; et que, de ce petit cachot où il se trouve logé, j’entends l’univers, il apprenne à estimer la terre, les royaumes, les villes et soi-même à son juste prix. Qu’est-ce qu’un homme dans l’infini ? » C’est un grain de poussière qui n’a peut-être d’autre solution que le divertissement pour oublier son statut : « … et on ne recherche les conversations et les divertissements des jeux que parce qu’on ne peut demeurer chez soi avec plaisir. Mais quand j’ai pensé de plus près, et qu’après avoir trouvé la cause de tous nos malheurs, j’ai voulu en découvrir les raisons, j’ai trouvé qu’il y en a une bien effective, qui consiste dans le malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misérable que rien ne peut nous consoler lorsque nous y pensons de près. »</p>
<p>Or quoi de plus divertissant que la proposition capitaliste d’une consommation sans fin ? N’assistons-nous pas là à ce glissement dont on parlait entre l’être et l’avoir ? Ce manque ontologique qui constitue notre condition trouve dans le manque d’objets un viatique, une échappatoire. Et il ne s’agit plus seulement de combler le manque biologique, mais bien le manque symbolique <a href="https://www.fayard.fr/livre/la-vie-liquide-9782818503096/">dont l’expression est l’angoisse</a> : « La spiritualité constitue peut-être un don de naissance de l’enfant, mais elle a été confisquée par les marchés de la consommation puis redéployée afin d’huiler les rouages de l’économie de consommation. » écrit Zygmunt Bauman dans <em>La société liquide</em>. Le problème étant que cette vie liquide <a href="https://www.fayard.fr/livre/la-vie-liquide-9782818503096/">transforme la nature des choses</a> : « La vie liquide est une vie de consommation. Elle traite le monde et tous ses fragments animés et inanimés comme autant d’objets de consommation : c’est-à-dire des objets qui perdent leur utilité (et donc leur valeur) pendant qu’on les utilise. Elle façonne le jugement et l’évaluation de tous les fragments animés et inanimés du monde suivant le modèle des objets de consommation. »</p>
<h2>Penser l’incommensurable</h2>
<p>La question est alors la suivante : qu’est-ce qui peut échapper à « l’évaluation » ? Autrement dit, qu’est-ce qui peut échapper à un système où tout est en relation – où tout est relatif – comme le veut le marché, mais comme on le trouve également dans l’affirmation d’une immanence radicale (est immanent ce qui est situé dans les limites de l’expérience possible). Or ce qui n’est pas relatif, dans la langue française, est dit « absolu ». Pointent alors les différentes tentations de la croyance : croyance en un dogme et approche fondamentaliste de la religion, croyance dans la science et approche transhumaniste de la technique. Sauf que cet absolu n’en est pas un, puisqu’il est relatif au manque qui l’engendre mais qui préfère s’ignorer : il fait réponse à une question inaudible, à une question devenue insupportable : pouvons-nous accepter le manque d’être, et chercher une autre voie que la voix consumériste, la voie fondamentaliste ou encore celle du monde virtuel qui ne souffre pas la vulnérabilité ni la mort ? N’est-ce pas précisément dans ce manque originaire, cette faille, que s’originent la quête de sens, la création, la sublimation, le désir amoureux, voire le désir métaphysique ?</p>
<p>Car il existe, à côté du désir de posséder et de jouir, un désir inextinguible mais angoissant, qui ne peut être comblé mais qui comble, qui se nourrit de son impossible satisfaction car ce qu’il répète, c’est précisément ce rapport entre le fini et l’infini qu’avaient entrevu Pascal ou Descartes. Il n’est pas besoin d’adopter la réponse pascalienne – à savoir la grâce – pour entendre ce rapport.</p>
<p>C’est ce rapport du non rapport, cette relation de la non-relation si bien décrite par Levinas – nous savons que l’infini est, mais nous ne pouvons le penser, l’embrasser, il fait échec à notre toute-puissance, à la souveraineté de notre pensée – qui ouvre cette béance, cette faille dans l’être, et qui empêche que se referme sur nous la totalité (qu’elle soit celle du marché, du fondamentalisme, ou encore de la promesse virtuelle). Dans cette faille, il est alors possible de penser de l’« incommensurable » – et ce qui échappe à toute évaluation, à toute mesure. Des notions comme la dignité humaine en font partie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221903/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mazarine Pingeot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La logique capitaliste a assigné au manque le rôle de moteur, en faisant glisser le manque d’être vers le manque d’avoir.Mazarine Pingeot, Professeur agrégée de philosophie, Sciences Po BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2200532024-01-30T16:09:36Z2024-01-30T16:09:36ZUn business model qui encouragerait à consommer moins de vêtements est-il possible ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/566257/original/file-20231218-25-259us1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=19%2C14%2C3176%2C2112&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une étude portant sur l'économie circulaire dans le secteur du prêt-à-porter a mis en évidence quatre business model sobres.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/un-porte-vetements-et-de-chaussures-dans-un-magasin-JGtPrdnMgQc">Hugo Clément / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>La dernière campagne publicitaire de l’Ademe qui mettait en <a href="https://theconversation.com/sobriete-versus-surconsommation-pourquoi-les-devendeurs-de-lademe-sont-polemiques-218728">avant la figure du « dévendeur »</a> marque publiquement la promotion de la sobriété dans la consommation aux heures de grande écoute. Une nouvelle fois, le terme s’installe dans l’espace public et suscite le débat, comme l’a montré la <a href="https://theconversation.com/sobriete-versus-surconsommation-pourquoi-les-devendeurs-de-lademe-sont-polemiques-218728">diversité des réactions</a> associées à cette campagne.</p>
<p>Faut-il s’émouvoir d’un appel à acheter moins de produits neufs, alors que la production sans limites dans un monde limité reste le modèle majoritaire ? Si la sobriété suscite des objections et donne lieu à de nombreux malentendus – comme son assimilation à la croissance négative ou au retour à la bougie – elle permet aussi de promouvoir un modèle différent dans lequel les flux d’énergie et de matière prendraient en compte les limites planétaires, et de cesser de penser <a href="https://arachnid.biosci.utexas.edu/courses/thoc/readings/boulding_spaceshipearth.pdf">« l’économie de l’infini dans un monde fini »</a>.</p>
<p>Elle offre une alternative aux tentatives de découplage entre croissance et ressources, qui tardent à se matérialiser, ainsi et qu’à la tentation du <a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-science-s-comme-solutionnisme-170732">solutionnisme</a> technologique.</p>
<p>Nos récentes recherches menées dans le cadre d’une étude financée par l’Ademe sur les business models circulaires dans l’univers de la mode ont permis d’identifier et d’explorer les contours de modèles « sobres ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sobriete-et-si-on-sinspirait-de-ceux-et-celles-qui-la-pratiquent-au-quotidien-198428">Sobriété : Et si on s’inspirait de ceux et celles qui la pratiquent au quotidien ?</a>
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<h2>La sobriété, aussi une question d’offre</h2>
<p>Dans un <a href="https://hal.science/hal-04214053">article de 2015</a>, nous notions déjà que la sobriété s’entend comme une logique de tempérance, de suffisance voire de frugalité qui nécessite une négociation à la baisse de sa consommation – souvent difficile et peu linéaire – afin de tenir compte des capacités matérielles finies de la planète.</p>
<p><em>[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</em></p>
<p>De fait, les restrictions à s’imposer peuvent être très exigeantes. À titre d’exemple, une <a href="https://takethejump.org/">étude</a> explique que pour maintenir le réchauffement climatique à 1,5 °C, il faudrait se contenter de trois vêtements neufs par habitant et par an. Alors qu’en moyenne, chaque Français (enfants compris) en <a href="https://www.kantar.com/fr/inspirations/consommateurs-acheteurs-et-distributeurs/2022-10-ans-de-fashion">a acheté 34 en 2019</a>, soit 11 fois plus !</p>
<p>Comment faire quand le consommateur est constamment sollicité et que le « dévendeur » n’existe qu’à la télévision ? Sujet arrimé à des <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-comment-consommer-avec-sobriete-169574">actions individuelles</a>, la sobriété a jusqu’ici été étudiée comme un problème de demande et non d’offre. Il est rarement évoqué dans le cadre de l’activité des entreprises où il demeure au mieux contre-intuitif, au pire tabou.</p>
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<img alt="Panneaux promotionnels dans un magasin de vêtements" src="https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566261/original/file-20231218-15-mfrtog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">83 % des Français et Françaises estiment que nous consommons trop.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/panneau-de-reduction-de-50-cE8cwN2A2-c">Artem Beliaikin/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sobriete-faciliter-les-changements-de-comportements-une-methode-aux-effets-pervers-202227">Sobriété : « faciliter » les changements de comportements, une méthode aux effets pervers</a>
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<h2>Vers l’essor d’un entrepreneuriat sobre ?</h2>
<p>La notion de sobriété dans le monde de l’entrepreneuriat émerge pourtant timidement, incarnée par le plaidoyer pour une économie de la sobriété (<a href="https://www.impactfrance.eco/">Mouvement impact France</a>). Elle est revendiquée par des entrepreneurs innovants qui s’interrogent sur la finalité de leur entreprise lorsque les grands équilibres naturels sont menacés par les activités humaines.</p>
<p>Ils convergent vers le fait que face aux multiples défis environnementaux et sociaux engendrés par l’économie de l’abondance, la contribution des business models traditionnels au bien-être social et leur capacité à préserver les écosystèmes biologiques posent question. En alternative, ils proposent des business models soutenables.</p>
<p>Adossés à l’économie circulaire, ces modèles s’inscrivent dans un système de boucles de matériaux réparatrices ou fermées et s’appuient sur deux mots-clés : durabilité et circularité.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/leconomie-circulaire-cette-notion-en-perpetuelle-evolution-178068">« L’économie circulaire », cette notion en perpétuelle évolution</a>
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<h2>Réutiliser et recycler… plus que limiter la consommation</h2>
<p>Faisant référence à la taxonomie des « R » (qui ne se limite pas seulement aux trois les plus classiques – réduire, réutiliser et <a href="https://theconversation.com/industrie-de-la-mode-les-effets-tres-limites-du-recyclage-des-textiles-145363">recycler</a> – et qui dans certaines versions, monte jusqu’à dix, ces modèles circulaires ont la particularité de se centrer sur l’offre, optimisant souvent un niveau de vente et occultant les niveaux de consommation excessive qui y sont associés.</p>
<p>Il se trouve que le <a href="https://swissrecycle.ch/fr/actuel/detail/les-10-re-de-leconomie-circulaire-de-refuser-a-recuperer">premier des 10 RE</a>, qui correspond à « refuser » – dans le sens de limiter en volume la fabrication et la consommation – est quasiment absent des démarches d’économie circulaire. Il se distingue du R « réduire », centré sur l’écoefficacité de la production et une diminution des intrants matières et énergétiques.</p>
<p>Dans le cadre de notre étude sur la mode, nous avons mené à l’issue de la collecte de données une analyse descriptive croisée qui nous a permis d’identifier 4 catégories de business models sobres :</p>
<ul>
<li><p>le modèle activiste,</p></li>
<li><p>le modèle du produire moins,</p></li>
<li><p>le modèle écosystémique territorial</p></li>
<li><p>et le modèle DIY-DIT (<em>do it yourself, do it together</em>).</p></li>
</ul>
<p>Nos travaux révèlent qu’ils participent à éveiller, favoriser et soutenir une sobriété dans la consommation de vêtements.</p>
<h2>Le business model sobre activiste</h2>
<p>Ce premier modèle, le plus complet, intègre à la fois les notions de décroissance et d’encouragement à la sobriété en jouant sur la production et la consommation.</p>
<p>Trois critères clés le caractérisent : un discours constant sur une éducation au moins consommer auprès des consommateurs, une forte longévité des produits et un activisme social et environnemental intense de la marque et de ses fondateurs.</p>
<p>Leur proposition de valeur repose à la fois sur l’offre en se focalisant sur la durabilité de leurs produits mais également sur la demande en jouant le rôle de héraut, de messager de l’environnement, en informant continuellement sur l’impact des modes de production et de consommation sur l’état de la planète.</p>
<p>Il se démarque des autres business models soutenables en valorisant le renoncement à l’achat. La marque de vêtements Loom, qui enjoint <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/11/17/face-a-la-pollution-de-l-industrie-textile-il-faut-acheter-le-moins-de-vetements-possible_6150371_3232.html">aux citoyens de moins consommer</a>, incarne bien ce modèle.</p>
<h2>Le business model sobre du produire moins</h2>
<p>Le second modèle est davantage orienté vers la production agile : si la question de la surconsommation n’est pas appréhendée de front, le temps de mise en production ou la visibilité apportée à la fabrication relativisent la consommation impulsive et favorisent la réflexion.</p>
<p>Il fait référence à certains principes de l’industrie 4.0, notamment la production à la commande, à la demande ou une production réactive. L’objectif est d’encourager le zéro stock.</p>
<p>La sobriété consiste à remettre en question les codes et le modèle fast-fashion de l’industrie textile en inversant les flux afin de réduire drastiquement le gaspillage vestimentaire, tant en amont qu’en aval. La devise des trois tricoteurs situés à Roubaix illustre bien ce business model du produire moins : « ne pas surproduire, ne pas surstocker, valoriser la production locale et inciter à une consommation réfléchie ».</p>
<h2>Le business model écosystémique territorial</h2>
<p>Ce troisième business sobre s’inscrit dans une démarche écosystémique. La valeur générée ne résulte pas d’une seule organisation mais est créée <a href="https://www.cairn.info/revue-d-economie-regionale-et-urbaine-2017-5-page-905.htm">par des acteurs en interaction</a>. Il est ancré dans un environnement local et s’hybride avec des projets territoriaux qui ont un sens similaire, en renforçant « le patrimoine immatériel territorial ».</p>
<p>Dans le textile, ces modèles s’inscrivent souvent dans une logique de reconstruction de filière comme celle du lin, du chanvre ou de la laine. La sobriété de ces modèles provient aussi de l’offre limitée de matières premières sur le territoire, de la collaboration tout au long de la chaîne de valeur et de la garantie d’une gouvernance démocratique.</p>
<p>Un autre aspect qui revient est l’idée du circuit court et de reconnecter le consommateur au produit, par exemple en explicitant les étapes de la fabrication (par exemple celle d’un pull).</p>
<p>Ce modèle prône une durabilité affective, d’usage et d’attachement territorial. C’est le cas de Laines paysannes, qui fait la promotion d’un patrimoine culturel local et d’une sobriété liée à l’offre limitée de matières premières sur leur territoire.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/7wjlBC5wwg4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le dévendeur et le smartphone. Source : Ademe, novembre 2023.</span></figcaption>
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<h2>Le business model sobre « do it yourself »</h2>
<p>Le dernier modèle se centre sur le transfert de compétences et la possibilité donnée aux consommateurs de fabriquer ou de réparer eux-mêmes leurs vêtements. Cela fait écho aux pratiques de consommation créative et d’<em>upcycling</em> (ou <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-surcyclage-214741">surcyclage</a>) qui répondent à des logiques économiques mais aussi culturelles.</p>
<p>Elles contribuent à l’émergence d’un nouvel art fondé sur l’esthétisme et l’unicité d’un produit. L’ensemble de ces business models DIY-DIT a pour principal objectif de doter les consommateurs des compétences pour revaloriser leurs propres vêtements en allongeant leur durée de vie par de la réparation, de l’embellissement et/ou de la transformation.</p>
<p>Comme le business model écosystémique, il permet de tisser ou de retisser des liens entre l’individu et le vêtement et d’accroître son attachement émotionnel. Il contribue également à revisiter la figure du consommateur en lui offrant une fonction de créateur, réparateur et passeur de valeur sans le cantonner à son rôle d’acheteur en bout de chaîne, propre à l’économie linéaire.</p>
<h2>Moins de biens, de vitesse et de distance</h2>
<p>Cette tentative de catégorisation permet de mettre en lumière le premier R de l’économie circulaire, refuser :</p>
<ul>
<li><p>en consommant moins et en décryptant les pièges de la surconsommation (appel à la mesure)</p></li>
<li><p>en questionnant la relation du consommateur vis-à-vis du produit et donc son attachement émotionnel par un rapprochement production/consommation</p></li>
<li><p>en offrant de nouvelles compétences aux usagers afin de faire soi-même et de prendre de la distance par rapport au modèle imposé</p></li>
</ul>
<p>Ces modèles interrogent le moins de biens, le moins de vitesse et le moins de distance en opposition avec les attributs de la <em>fast fashion</em> incarnés par la vitesse d’acquisition de nouveaux vêtements, le principe du vêtement « kleenex », l’accumulation et la recherche du prix le plus bas.</p>
<p>Ces business models existent déjà, souvent portés par des marques engagées et des entrepreneurs qui le sont tout autant. La question suivante sera de comprendre comment ils peuvent aider à redessiner la consommation de vêtements.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220053/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Robert est co-fondatrice de Tex&Care, la chaire interdisciplinaire universitaire de la mode circulaire (IAE Lille-ENSAIT). La chaire Tex&Care est une chaire de la Fondation de l'Université de Lille. Les recherches sur les modèles de la mode circulaire ont été financées par l’Ademe et la région Hauts de France dans le cadre du projet Rezomodeco.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>est co-fondatrice de Tex&Care, la chaire interdisciplinaire universitaire de la mode circulaire (IAE Lille-ENSAIT).
La chaire Tex&Care est une chaire de la Fondation de l'Université de Lille.
Les recherches sur les modèles de la mode circulaire ont été financées par l’Ademe et la région Hauts de France dans le cadre du projet Rezomodeco.</span></em></p>La sobriété appliquée à l'industrie textile, c'est aussi refuser les achats inutiles. Dans le secteur du prêt-à-porter, des alternatives existent et s'appuient sur les principes de l'économie circulaire.Isabelle Robert, Maître de conférences en sciences de gestion et co-fondatrice de la chaire Tex & Care, chaire universitaire de la mode circulaire, Université de LilleMaud Herbert, Professeur des Universités, co-fondatrice de la chaire Tex&Care, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2221722024-01-30T16:07:03Z2024-01-30T16:07:03ZLe « sans alcool » est-il l’avenir du vin ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/571850/original/file-20240129-17-ktt8yc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C9%2C2044%2C1517&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les bouteilles à teneur en alcool inférieure à 0,5° sont aujourd’hui plus chères à produire que le vin avec alcool.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jeepersmedia/14825442973">Flickr/Mike Mozart</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Une <a href="https://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2024/2/pdf/2024_2.pdf">étude</a> de Santé publique France parue le 23 janvier dernier souligne la baisse marquée de la consommation d’alcool par les Français et la montée en puissance de la pratique du <a href="https://theconversation.com/alcool-et-dry-january-relever-le-defi-de-janvier-est-toujours-benefique-meme-en-cas-dechec-220556">Dry January</a> (le « Défi de janvier » qui consiste à ne pas boire d’alcool le premier mois de l’année, né en Angleterre en 2012).</p>
<p>En parallèle, au cours de ce mois de janvier débute <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/face-a-la-crise-du-vin-rouge-de-bordeaux-10-000-hectares-de-vignes-doivent-etre-detruits-8222852">l’arrachage de près de 10 000 hectares de vignes</a> à Bordeaux, <a href="https://theconversation.com/vins-en-peril-dans-le-bordelais-larrachage-est-une-fausse-bonne-solution-206238">symbole du désarroi d’une filière vitivinicole à l’agonie</a>. L’antagonisme entre les acteurs de cette filière et les hygiénistes s’en trouve encore renforcé. Il existe pourtant une porte de sortie à la crise viticole compatible avec les critères sanitaires les plus stricts. C’est la désalcoolisation du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/vin-20325">vin</a>.</p>
<p>La <a href="https://www.sudouest.fr/economie/conso-distribution/sans-alcool-le-marche-qui-s-affole-16098660.php">bière a déjà en partie fait sa mue</a>, tandis que les <a href="https://www.strategies.fr/actualites/marques/LQ2475824C/vins-et-spiritueux-sans-alcool-ont-la-cote.html">spiritueux s’y mettent</a>. Dans ces deux secteurs, le segment « sans alcool » connait une forte croissance ces dernières années, notamment auprès des plus de 40 ans qui souhaitent réduire leur consommation d’alcool, mais aussi des jeunes, dans les marchés les plus matures sur les questions de santé (Europe, Amérique du Nord).</p>
<p>Selon l’organisme Statista, la part du « sans alcool » dans le marché mondial de la bière atteindrait ainsi <a href="https://www.statista.com/outlook/cmo/alcoholic-drinks/beer/non-alcoholic-beer/worldwide">5,5 % en 2024</a>. Face à ce succès, la filière vin commence à s’y intéresser sérieusement et à y voir une des options stratégiques de sortie de crise. La croissance attendue serait en effet <a href="https://www.etudes-et-analyses.com/blog/decryptage-economique/marche-vin-alcool-etude-marche-chiffres-21-03-2023.html">à deux chiffres dans les années</a> à venir pour le vin « sans alcool ». Cette croissance aurait l’immense avantage d’adapter la filière à un scénario hygiéniste tel que décrit dans une <a href="https://classiques-garnier.com/systemes-alimentaires-food-systems-2023-n-8-varia-shared-stakeholder-views-on-the-future-of-the-world-wine-industry-competitiveness.html">publication récente de prospective</a>.</p>
<h2>Un vin plus cher à produire</h2>
<p>Cependant, les écueils restent nombreux, à la fois du côté de l’offre, de la demande et du législateur. Sur le plan de la réglementation, les juristes de la Commission européenne ont dû débattre de la <a href="https://avis-vin.lefigaro.fr/economie-du-vin/o150625-les-vins-desalcoolises-officialises-par-la-nouvelle-pac">possibilité d’utiliser le terme « sans alcool » pour un vin</a> tant la formule paraît antithétique. Lors de la réforme de la Politique agricole commune (PAC) du 1<sup>er</sup> janvier 2023, les règles ont été clarifiées : un vin « sans alcool » doit avoir une teneur en alcool inférieure à 0,5°. Entre 0,5° et 8,5° d’alcool, on parle de vin « <a href="https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2022/01/09/cinq-idees-recues-sur-le-vin-sans-alcool_6108736_4500055.html">partiellement désalcoolisé</a> ». L’organisation internationale du vin (OIV) travaille actuellement à un cadre normatif sur cette question. En France, l’Institut national des appellations d’origine (Inao) continue de son côté d’étudier la question de la <a href="https://www.vitisphere.com/actualite-100711-la-desalcoolisation-des-vins-aoc-il-est-urgent-de-ne-pas-se-presser.html">dénaturation du terroir par les techniques de désalcoolisation</a>.</p>
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<p>La complexité du débat réglementaire reflète les mentalités dans la filière. Car l’un des premiers freins au développement du « sans alcool » est le scepticisme de certains professionnels eux-mêmes. Le vin est un bien culturel. Il est l’expression d’un terroir et, dans une approche de puriste, doit subir le moins de transformation possible. Or les vins désalcoolisés doivent passer par un processus technique visant à enlever l’alcool et sont susceptibles d’altérer sa typicité. L’alcool est vu comme faisant partie intégrante du vin et un « vin sans alcool » ne serait dès lors pas un vin.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1410834216644841474"}"></div></p>
<p>Deux techniques de désalcoolisation existent : l’osmose inverse et la distillation. Il ne s’agit pas ici de décrire ces <a href="https://www.vignevin.com/wp-content/uploads/2023/04/Desalcoolisation_Vins.pdf">techniques</a> de manière exhaustive. Disons simplement que la première technique consiste à utiliser une membrane très fine pour capturer l’alcool, tandis que la seconde consiste à chauffer le vin pour récupérer l’alcool qui s’évapore avant l’eau. Selon les méthodes, des arômes sont capturés également et le goût ne pourra en effet pas être équivalent à un celui d’un vin alcoolisé.</p>
<p>Toutefois, les techniques se perfectionnent et, à l’instar de la bière, les résultats s’améliorent. Ces techniques induisent toutefois des équipements spécifiques, du temps et de l’énergie, qui expliquent que le vin « sans alcool » est plus cher à produire que le vin avec <a href="https://theconversation.com/fr/topics/alcool-26411">alcool</a>.</p>
<h2>Marketing du « sans »</h2>
<p>La question du consentement du consommateur à payer plus cher du « sans alcool » se pose alors. On enlève une caractéristique du produit, donc celui-ci devrait être moins cher. C’est en partie les conclusions d’études menées dans les années 2000 et 2010 par différents chercheurs en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/marketing-21665">marketing</a>. D’autres travaux, portant plus directement sur la dégustation, ont montré une <a href="https://www.ajevonline.org/content/61/1/42.short">moindre appréciation</a> des vins désalcoolisés, notamment chez les professionnels et les amateurs confirmés. Le vin « sans alcool » ou « partiellement désalcoolisé » n’apparait dès lors que comme un substitut imparfait car de moindre qualité du fait d’une aromatique modifiée par les techniques de désalcoolisation.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1744716480447733914"}"></div></p>
<p>Il n’y a guère d’études récentes, post-Covid, permettant de tester une autre hypothèse : celle d’un changement d’attitude d’une partie non négligeable des consommateurs qui seraient, depuis le tournant des années 2020, prêts à payer plus cher pour la caractéristique « sans alcool ». Finalement, le succès des vins dits « nature » réside en partie sur le concept du « sans » : sans sulfite, sans traitement de la vigne, sans levure exogène, etc.</p>
<p>Or le goût des vins nature a souvent été pointé du doigt par les amateurs de vins. Boire un vin nature était vu comme une forme de militantisme pas toujours compris par nombre de professionnels et d’amateurs. Aujourd’hui, on ne compte plus le nombre de cavistes spécialisés dans les vins nature.</p>
<p>Ce marketing du « sans » existe d’ailleurs depuis longtemps dans l’agroalimentaire : le sans gluten, sans sucre, etc. L’information, le message qui sera délivré au consommateur jouera un rôle clef pour favoriser l’acceptation d’un vin au goût modifié et d’un prix en moyenne plus élevé. Car les études précédentes montrent que l’information délivrée en amont (ou en aval) altère la perception du vin, « avec » ou « sans alcool ». Le message adressé par les vins nature a permis de faire accepter un goût parfois différent. Il pourrait en être de même pour les vins « sans alcool ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-vin-nature-est-il-le-futur-de-lindustrie-vitivinicole-187191">Le vin nature est-il le futur de l’industrie vitivinicole ?</a>
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<p>En d’autres termes, le succès du « sans alcool » auprès des consommateurs tiendra autant au discours et au positionnement marketing qu’à l’amélioration des méthodes de désalcoolisation. Notons enfin que la grande majorité des travaux antérieurs portent sur des vins partiellement désalcoolisés et non « sans alcool » (selon la définition précédente). Un message « militant » est sans doute plus simple à exprimer pour un vin « sans alcool » que pour un vin partiellement désalcoolisé qui pourrait être vu comme cumulant le pire des deux univers : trop alcoolisé pour les uns et dénaturés pour les autres.</p>
<p>Le vin « sans alcool » constitue néanmoins clairement un débouché prometteur. Il représente une des pistes à creuser, parmi d’autres, pour sortir la filière vin de la crise actuelle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222172/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Marie Cardebat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Malgré le scepticisme des professionnels, le marketing du « sans » séduit de plus en plus de consommateurs – à l’instar des tendances observées plus généralement l’alimentation bio.Jean-Marie Cardebat, Professeur d'économie à l'Université de Bordeaux et Prof. affilié à l'INSEEC Grande Ecole, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2198532024-01-09T17:53:05Z2024-01-09T17:53:05ZGérer la foule pendant les soldes, tout un programme pour les magasins<p>Bien que les opérations commerciales se multiplient tout au long de l’année, les <a href="https://theconversation.com/topics/soldes-46656">soldes</a>, qui autorisent les <a href="https://theconversation.com/topics/commerce-20442">commerçants</a> à <a href="https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/Publications/Vie-pratique/Fiches-pratiques/Soldes">vendre à perte</a>, <a href="https://www.letelegramme.fr/economie/les-francais-attendent-particulierement-les-soldes-cet-ete-selon-une-etude-6381862.php">continuent de susciter un engouement</a> considérable, notamment <a href="https://www.alliancecommerce.org/soldes-dete-2023-un-premier-bilan-positif-a-mi-parcours/">dans le textile-habillement</a>. Les magasins enregistrent un surplus de fréquentations pendant cette période de quatre semaines, qui débute ce deuxième mercredi du mois de janvier.</p>
<p>Un <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2020-5-page-87.htm">article</a> de recherche que nous avions publié en 2020, fondé sur des entretiens avec des <a href="https://theconversation.com/topics/consommateurs-33275">consommateurs</a> pendant les soldes, montrait que la sensation de foule dans un point de vente peut mener à reporter voire à renoncer à son achat, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0022435919300843">conclusion tirée par la plupart des études</a> sur le sujet. Sa gestion habile revêt donc une importance certaine pour les gérants de magasins. Des tactiques spécifiques peuvent être élaborées afin d’améliorer la satisfaction client et d’optimiser les ventes.</p>
<h2>« Au moins, je suis tranquille »</h2>
<p>À quoi le consommateur se réfère-t-il en boutique ? Ses <a href="https://books.google.fr/books/about/Retailing_Management.html?id=wJA7PgAACAAJ">ressources d’information</a> peuvent découler de facteurs de conception comme l’architecture, les couleurs, la disposition des étals. Il peut aussi s’agir de facteurs ambiants, une musique, un parfum, une lumière, une température ou encore de facteurs sociaux, les autres clients, le personnel de service.</p>
<p>Pendant les soldes, ces éléments sont souvent exacerbés, créant une atmosphère propice à la confusion : le désordre en boutique se retrouve dans l’esprit du consommateur. Christine, gestionnaire de projet âgée de 48 ans, nous l’a ainsi expliqué au cours d’un entretien réalisé avec elle :</p>
<blockquote>
<p>« Parfois, en entrant dans la boutique et en voyant la bousculade, en sentant la chaleur, en entendant le bruit, je fais immédiatement marche arrière. Je me dis que je reviendrai vers la fin, quand ce sera plus cool et qu’il y aura moins de monde. »</p>
</blockquote>
<p>Amélie, ingénieure de 28 ans, partage également ce ressenti :</p>
<blockquote>
<p>« Je n’apprécie pas qu’il y ait trop de monde, qu’il faille se battre pour avoir un truc. En général, je retourne en magasin à la fin des soldes. Je ne vais pas toujours trouver les produits que je veux, mais au moins je suis tranquille. »</p>
</blockquote>
<p>Pourtant, l’une comme l’autre préfèrent toujours aller acheter en soldes. Amélie le reconnaît, cela reste parfois un vrai plaisir :</p>
<blockquote>
<p>« Ma meilleure expérience durant les soldes, c’est d’avoir payé un article sympa et de qualité que je n’aurais jamais acheté autrement. Je trouve ça très chouette ».</p>
</blockquote>
<p>Christine, elle, avoue allouer un budget spécifique pour profiter des bonnes affaires pendant cette période, tant pour elle que pour ses enfants.</p>
<h2>Mettre le client à l’aise</h2>
<p>Afin de prévenir les comportements négatifs des acheteurs, les gérants des commerces ont ainsi tout intérêt à reconsidérer leur agencement pour atténuer la sensation de foule. Pour ce faire, privilégier des agencements plus ouverts <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0022435919300843">s’avère bénéfique</a> pour instaurer une atmosphère moins oppressante. Augmenter l’espace de circulation entre les rayons et les cabines d’essayage favorise la mobilité des clients, atténuant la sensation d’entassement, de même qu’accroître le nombre de caisses de paiement et l’introduction de bornes d’auto-service pour des transactions simples. Toute possibilité d’aménager des espaces de repos confortables à l’intérieur pour offrir aux clients une pause agréable semble également à saisir.</p>
<p>La présence d’un personnel spécifiquement dédié à la régulation de la circulation, orientant les clients vers des zones moins fréquentées et fournissant des informations utiles, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0022435919300843">contribue à maintenir un environnement bien ordonné</a>. En période de forte affluence, l’utilisation de systèmes de file d’attente virtuelle via des applications mobiles permet aux clients d’attendre à l’extérieur jusqu’à ce que le magasin soit moins encombré, recevant ensuite une notification pour entrer.</p>
<p>Cette approche est mise en œuvre par exemple au <a href="https://www.republik-retail.fr/strategie-retail/concepts/cabines-connectees-pay-go-et-shop-in-shop-zara-se-reinvente-sur-les-champs-elysees.html">Flagship Zara Champs-Élysées</a>, où les clients peuvent utiliser l’application Zara pour réserver une cabine d’essayage. Ils ont ensuite la possibilité de payer via l’application Zara – Pay&Go en scannant leurs vêtements avec leur téléphone portable. Cette démarche vise à améliorer l’expérience client en éliminant les files d’attente tant devant les cabines d’essayage que devant la caisse.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1663789294614376448"}"></div></p>
<p>Un cas similaire est observé <a href="https://www.thebicestercollection.com/la-vallee-village/fr/service/file-virtuelle">au centre commercial « La Vallée Village</a> », situé près d’Eurodisney. Les clients peuvent réserver une place dans la file d’attente virtuelle des boutiques tout en poursuivant leurs achats. À travers l’application, ils peuvent consulter leur position et le temps d’attente estimé. Lorsque leur tour approche, une notification leur est envoyée pour entrer dans la boutique. Cette méthode contribue significativement à rehausser l’expérience client en évitant les files d’attente inconfortables. Connaître le temps d’attente estimé contribue en outre à <a href="https://www.researchgate.net/publication/23794289_Waiting_Integrating_social_and_psychological_perspectives_in_operations_management">réduire le stress du client</a>.</p>
<p>De manière générale, les détaillants devraient s’assurer d’avoir des employés de première ligne efficaces et qualifiés pour gérer l’affluence, en augmentant le nombre d’agents d’accueil, en engageant des vendeurs rapides, correctement formés et pourquoi pas en instaurant des pratiques offrant des services et avantages supplémentaires pour attirer les clients pendant les périodes creuses. Il semble en effet également <a href="https://www.cairn.info/revue-des-sciences-de-gestion-2015-5-page-183.htm?contenu=article">pertinent de prendre en compte les différents niveaux d’affluence tout au long de la journée</a>. Pendant ces périodes, l’extension des horaires d’ouverture au-delà de la normale offre aux clients une plus grande flexibilité pour leurs achats. La création de plages horaires réservées aux membres de leur programme de fidélité, assurant un accès exclusif à ces clients pendant certaines heures, représente une alternative intéressante pour la gestion de la foule.</p>
<p>Il s’agit, à travers tous ces moyens d’offrir aux clients la possibilité de prendre le temps nécessaire pour choisir des produits, comparer les options et prendre des décisions d’achat réfléchies. En favorisant une atmosphère de magasinage plus confortable, la réduction de la foule contribue à accroître la satisfaction globale du client.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219853/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Un travail de recherche montre qu’un consommateur peut renoncer à un achat dans un point de vente qu’il perçoit comme trop fréquenté. Aux boutiques alors de s’adapter.Maali Benhissi, Professeur assistant en marketing, EDC Paris Business SchoolAurély Lao, Maître de Conférences en Marketing - Directrice LP DistriSup Lille et Responsable Axe 1 du projet ANR ETIC - IAE Lille, IAE FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2188702023-12-04T16:56:10Z2023-12-04T16:56:10ZRecyclage textile : l’étroite voie de la réindustrialisation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/562520/original/file-20231129-15-blhb53.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=35%2C1%2C1126%2C792&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'enjeu du recyclage contraint les entreprises du secteur textile à manager la sobriété
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/mpcaphotos/40889723483">Flickr/MPCA Photos</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les images spectaculaires de décharges de friperie au Ghana posent la question de la pertinence de collecter dans les pays riches nos vêtements usagés pour les expédier en Afrique. Certains pays, comme <a href="https://www.rfi.fr/fr/podcasts/aujourd-hui-l-%C3%A9conomie/20230928-l-ouganda-repart-en-guerre-contre-les-importations-de-fripes">l’Ouganda</a> et le <a href="https://www.rts.ch/play/tv/12h45/video/le-rwanda-a-interdit-en-2019-limportation-dobjets-en-plastique-a-usage-unique--le-pays-est-ainsi-devenu-lune-des-terres-les-plus-propres-dafrique-">Rwanda</a>, ont d’ailleurs interdit leur importation.</p>
<p>Dans le cas de l’interdiction d’un médicament, on tient compte de la différence entre coûts et bénéfices. Or, pour ce qui est de la friperie, l’exportation reste essentielle à l’économie circulaire du textile en Afrique. Les vêtements usagés font en effet vivre une partie de la population et fournissent de l’habillement pour les plus démunis.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/8jVEFdX1zdc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le Ghana, poubelle des textiles du monde (RTBF Info, 2021).</span></figcaption>
</figure>
<p>Dans une <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/04/l-economie-circulaire-doit-s-imposer-comme-le-modele-de-reference-du-secteur-de-l-habillement_6198175_3232.html">tribune</a> intitulée « L’économie circulaire doit s’imposer comme le modèle de référence du secteur de l’habillement » publiée dans Le Monde le 4 novembre dernier, Maud Hardy, responsable de l’éco-organisme français Refashion, plaide ainsi pour un encadrement réglementaire des exportations.</p>
<p>Avant d’en arriver là, il faudrait s’assurer que la <a href="https://www.economie.gouv.fr/facileco/adam-smith">« main invisible du marché »</a> ne peut le réguler de façon satisfaisante et, dans la négative, comment une intervention attentive et bienveillante des pouvoirs publics pourrait contribuer à son meilleur fonctionnement. Auquel cas, l’autrice préconise une co-construction des outils de contrôle avec les différents acteurs, dans un cadre européen. Une méthode qui peut réussir.</p>
<h2>Une industrie française autrefois active</h2>
<p>Par ailleurs, l’autrice envisage deux autres voies possibles pour faire baisser les quantités de vêtements exportés :</p>
<ul>
<li><p>que l’industrie développe des procédés pour leur recyclage en France,</p></li>
<li><p>que les consommateurs français se montrent plus sobres dans leurs achats.</p></li>
</ul>
<p>Sans traiter spécifiquement du secteur textile, ces questions ont été abordées lors de <a href="https://culture.cnam.fr/avril/les-entreprises-a-l-epreuve-de-la-sobriete-enjeux-et-conditions-de-mise-en-uvre--1395268.kjsp">colloques</a> qui se sont tenus au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et ont donné lieu à des dossiers parus dans la revue <em>Entreprise et société</em> intitulés « Pour une histoire managériale de la désindustrialisation » et « Les entreprises à l’épreuve de la sobriété : enjeux et conditions de mise en œuvre ». Il en ressort notamment que ces pistes restent délicates à concrétiser.</p>
<p>Une voie pour faire baisser les quantités de textile exporté passe par le redévelopper une industrie du recyclage en France. <a href="https://www.castres-mazamet.fr/le-textile-castres-danne-veaute-nos-jours">Castres</a> et <a href="https://www.edimip.com/catalogue/ouvrages/essais/cinq-si%C3%A8cles-de-travail-de-la-laine/">Mazamet</a> (Tarn) accueillaient, encore dans les années 1980, une importante industrie d’effilochage, de cardage et de tissage des chiffons de laine qui rivalisait avec celle de l’Italie et de l’Inde. Ces activités ont pour ainsi dire disparu, en raison notamment des mesures prises par les autorités, qui n’acceptent aujourd’hui que les produits en laine vierge dans les commandes publiques.</p>
<p>On aimerait croire au succès des efforts du gouvernement actuel pour relocaliser, comme le souhaite par exemple le <a href="https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2022/01/rapport_cnam_hcp_deride_2022-1.pdf">rapport</a> pour le Haut Commissariat au Plan de <a href="https://theconversation.com/profiles/laurent-cappelletti-423838">Laurent Cappelletti</a>, professeur au CNAM. Cependant, la route paraît étroite…</p>
<h2>Un problème de rentabilité</h2>
<p>L’industrie de la récupération textile n’a cessé d’innover et de développer de nouveaux débouchés pour le chiffon, notamment comme matériau pour l’isolation. L’Institut Textile de France (fusionné aujourd’hui dans un Institut français du textile et de l’habillement) avait ainsi lancé des recherches afin de créer de nouveaux débouchés pour les textiles usagés. Faute de perspective rentable, aucune ne se concrétisa par des applications industrielles.</p>
<p>Cependant, dans le textile, plus qu’ailleurs, l’expression « vingt fois sur le métier se remettre à l’ouvrage » est à l’honneur. Les efforts de recherche doivent donc être poursuivis, d’autant qu’<a href="https://theconversation.com/recyclage-les-entreprises-sociales-et-solidaires-face-a-un-marche-de-plus-en-plus-concurrentiel-217205">il existe des pistes</a> prometteuses. Par exemple : l’automatisation du tri (qui reste aujourd’hui effectué manuellement) ou encore la mise au point de nouveaux produits, à l’instar de la Métisse, une gamme d’isolation thermique et acoustique pour le bâtiment fabriquée à partir de vêtements en coton par Le Relais (principale entreprise de collecte et de tri de vêtements en France).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/recyclage-les-entreprises-sociales-et-solidaires-face-a-un-marche-de-plus-en-plus-concurrentiel-217205">Recyclage : les entreprises sociales et solidaires face à un marché de plus en plus concurrentiel</a>
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<p>Pour réduire la quantité des déchets textiles, dans le cadre de la récente <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/loi-anti-gaspillage-economie-circulaire">loi anti-gaspillage</a>, Refashion va en outre mettre un dispositif en place à partir du 1<sup>er</sup> janvier 2024 pour inciter les Français à rapiécer, raccommoder leurs vêtements plutôt que de les jeter.</p>
<h2>Un pas vers la sobriété</h2>
<p>Il reste à vaincre les réticences des retoucheurs et autres artisans qui, pour faire bénéficier leurs clients d’une remise, auront à se charger d’une <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/11/07/grace-a-l-inflation-les-cordonniers-et-les-retoucheurs-retrouvent-leurs-lettres-de-noblesse_6198753_3234.html">nouvelle tâche administrative</a>. Refashion lance d’ailleurs une campagne de communication à ce sujet. Si cette mesure peut paraître modeste, on aurait tort de ne pas la prendre au sérieux. Outre son intérêt écologique direct, elle participera à éduquer les consommateurs à moins jeter. Un pas vers la sobriété, dans l’esprit du <a href="https://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/la-part-du-colibri/">« colibri »</a> cher au philosophe Pierre Rhabi qui insistait sur la nécessité de ces petites initiatives…</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1721826238312960484"}"></div></p>
<p>Maud Hardy dans sa tribune préconise ainsi un allongement de la durée de vie des vêtements que les fabricants de textile produisent. Lors d’un colloque qui s’est tenu au CNAM en avril dernier, des dirigeants d’entreprise, des scientifiques, des hauts fonctionnaires et autres parties prenantes ont réfléchi sur « les entreprises à l’épreuve de la sobriété ». Celles du textile n’ont pas été spécialement visées (des invitations avaient été lancées mais ont été déclinées) mais ce secteur très polluant_ _est particulièrement concerné.</p>
<p>Antoine Frérot, le président-directeur général de Veolia, a rappelé que « le bon management est un management sobre en ressources humaines ou environnementales ». Pourquoi les dirigeants des entreprises textiles, dits les « metteurs sur le marché » dans le jargon du recyclage, qui financent Refashion, ne partageraient-ils pas cette philosophie ?</p>
<h2>Les contradictions du consommateur</h2>
<p>Une autre piste a été présentée par une équipe de chercheurs qui montrent que manager la sobriété à partir du système comptable classique invisibilise de nombreux éléments de l’organisation et proposent une méthode pour répondre à la question des coûts cachés.</p>
<p>La directrice de Refashion dans son article du <em>Monde</em> lance un appel à la responsabilité des citoyens afin qu’ils se convertissent à une consommation plus sobre. S’agit-il d’un vœu pieux ? <a href="https://theconversation.com/profiles/valerie-guillard-867672">Valérie Guillard</a>, professeur en marketing à l’université Paris-Dauphine, dans une des tables rondes qui se sont tenues lors du colloque sur « Les entreprises à l’épreuve de la sobriété », a pointé la difficulté voire l’impossibilité de concilier le souhait des consommateurs, qui désirent des biens respectueux de l’environnement et de l’humain, à faire leurs achats de manière conforme à leur conscience, mais… pas cher.</p>
<p>Autant de questions qui renvoient à « La sobriété et ses contradictions », ce qui sera le thème du débat entre le philosophe, André Comte-Sponville, et l’ancien Commissaire au Plan, Jean-Baptiste de Foucauld, qu’organisent au CNAM, le 23 janvier prochain, le <em>think tank</em> <a href="https://pactecivique.fr/">« Pacte civique »</a> et le Laboratoire interdisciplinaire de recherches en sciences de l’action (Lirsa).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218870/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Henri Zimnovitch est membre du think tank Pacte civique</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jérôme Méric ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les enjeux de réglementation ou encore de rentabilité freinent le développement de procédés industriels qui permettraient de relancer une filière française autrefois active.Jérôme Méric, Rédacteur en chef de la revue Entreprise et société, professeur spécialisé en contrôle de gestion et en gestion financière, IAE de PoitiersHenri Zimnovitch, professeur de sciences de gestion, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2187282023-12-03T16:26:22Z2023-12-03T16:26:22ZSobriété versus surconsommation : pourquoi les « dévendeurs » de l’Ademe sont polémiques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/562389/original/file-20231129-25-g5ahqc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C8%2C5973%2C3979&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">83% des Français et Françaises estiment que nous consommons trop.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/segno-di-sconto-del-50-cE8cwN2A2-c">Artem Beliaikin / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le contraste est parfait. D’un côté, une campagne publicitaire de l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (<a href="https://www.ademe.fr">Ademe</a>) qui nous incite à être <a href="https://theconversation.com/la-sobriete-au-dela-du-progres-technique-et-des-changements-de-comportement-individuels-185019">sobre</a> et nous poser des questions avant d’acheter du neuf. De l’autre, le <a href="https://theconversation.com/black-friday-la-resistance-sorganise-autour-du-consommer-moins-et-mieux-127533"><em>Black Friday</em></a> et des fêtes de Noël qui approchent, quintessences d’une injonction commerciale résumable en un mot : « consommez ! » Décryptage de la polémique autour des spots publicitaires anti-marketing de l’Ademe, qui, en réinterprétant l’interaction marchande comme moment d’instruction écologique, agacent les commerçants.</p>
<p>Les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=WA_3wLzMm9o">quatre spots de l’Ademe</a> mettent en scène un « dévendeur » qui incite des clients à ne pas acheter un vêtement, à louer une ponceuse au lieu d’en acheter une, à acquérir un smartphone d’occasion, et à faire réparer une machine à laver. Certains acteurs, comme France Nature Environnement, ont <a href="https://fne.asso.fr/communique-presse/black-friday-bravo-a-l-ademe-pour-ses-pubs">« salué »</a> l’initiative de l’Ademe.</p>
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<p>D’autres, comme les associations de commerçants et organisations patronales, sont vite montés au créneau. Selon elles, les spots : « stigmatisent » les commerçants ; s’en prennent au commerce de proximité et auraient mieux fait de critiquer les plates-formes ; inciterait les gens à <a href="https://www.alliancecommerce.org/lalliance-du-commerce-denonce-une-campagne-inacceptable-de-la-part-de-lademe/">« ne rien acheter »</a>. L’Alliance du commerce, l’Union des industries textiles et l’Union française des industries mode et habillement ont même mis en demeure l’Ademe pour retirer les spots. Dans un contexte post-Covid et de faillite de plusieurs enseignes, la subsistance des commerces est devenu un enjeu important.</p>
<p>Selon le dernier baromètre <a href="https://librairie.ademe.fr/changement-climatique-et-energie/6630-barometre-sobrietes-et-modes-de-vie.html">« Sobriétés et Modes de Vie »</a>, sorti en novembre 2023, 83 % des Français et Françaises estiment que nous consommons trop. Les spots publicitaires de l’Ademe, diffusés du 14 novembre au 4 décembre sur les chaînes de télévision, peuvent donc toucher une fraction significative de la population.</p>
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<p>Le ministre de la transition Christophe Béchu a tenu à dédramatiser l’affaire en disant que les spots ne représentent que <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/11/23/publicite-de-l-ademe-le-gouvernement-reconnait-une-maladresse-mais-aucun-des-spots-ne-sera-retire_6201932_3234.html">« 0,2 % du temps d’antenne publicitaire »</a>. Toutefois, si des spots prônant la sobriété ne sont visibles que pendant une petite fraction du temps d’antenne, se pose la question de leur efficacité.</p>
<h2>Consommer moins, un message vendeur</h2>
<p><a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/JFMM-12-2014-0087/full/html">Des recherches en marketing</a> ont montré que la publicité anti-consommation peut être « utilisée efficacement pour sensibiliser les consommateurs à leurs habitudes d’achat de vêtements et réduire l’encombrement de la culture de consommation ». <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00913367.2016.1214649">D’autres chercheurs</a> ont étudié de façon expérimentale le « green demarketing », la stratégie par laquelle une marque <a href="https://theconversation.com/la-deconsommation-est-elle-un-luxe-139571">encourage les consommateurs à acheter moins</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Le green demarketing n’attire pas seulement les consommateurs écologiques les plus endurcis […] mais, dans des conditions favorables, les appels au green demarketing peuvent trouver un écho auprès d’un public plus général et peuvent être plus universels que ce que l’on pensait jusqu’à présent. »</p>
</blockquote>
<p>Il est donc probable que les spots de l’Ademe rencontrent une réception positive du public. D’autant plus que, via leurs prises de position, les acteurs du commerce ont considérablement alimenté le buzz autour des spots.</p>
<h2>Une profanation du capitalisme par une institution publique</h2>
<p>Pour bien saisir la controverse, il faut comprendre un élément essentiel : pour les commerçants, les spots sont un acte de profanation de principes sacralisés, la croissance et le libéralisme économique. Les spots de l’Ademe n’incitent pas seulement le public à réfléchir, ils portent cette réflexion sur le terrain de l’interaction et de la transaction marchande. La sobriété n’est pas représentée comme un enjeu confiné à la sphère domestique et privée, mais comme un enjeu qui se discute et se négocie en public. Les spots de l’Ademe montrent la sobriété en action : à travers des corps, des gestes, des mots, des émotions, des sourires, des surprises, des conseils.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/WA_3wLzMm9o?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Les spots de l’Ademe réinterprètent donc radicalement l’interaction marchande. Au lieu de nourrir le flux de biens marchands entre producteurs et consommateurs, les spots visent un ralentissent et une écologisation de ces flux. Au lieu d’une certitude de type « notre produit est nécessaire, achetez-le », ils posent une question : de quoi avez-vous vraiment besoin ? Au lieu de montrer les protagonistes traditionnels d’une interaction marchande – un client et un vendeur – ils représentent de nouveaux acteurs, un consommateur-citoyen face à la sobriété personnifiée : le dévendeur. Celui-ci n’est pas un nouveau type de vendeur, mais une sorte de patron ou « père de famille » qui instruit le consommateur-citoyen. Forcément, ce dernier se retrouve dans une posture un peu naïve et infantilisée, du fait qu’on lui apprenne à mieux consommer.</p>
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<p>Réinterprétant l’interaction marchande comme un moment d’instruction écologique et civique, les spots de l’Ademe sont vus par certains comme une moquerie du commerce. La polémique fait apparaître des tensions fondamentales entre sobriété et consommation et, au sein d’un même gouvernement, entre le ministre de la transition et le ministre de l’Économie. Le blasphème d’« anti-marketing » sur la place du marché ne passe pas chez ce dernier. Pourtant, dans le passé, <a href="https://theconversation.com/les-marques-veulent-vous-inciter-a-consommer-moins-et-mieux-et-ce-nest-pas-sans-risque-199642">certaines marques ont décidé elles-mêmes d’adopter une telle stratégie</a>.</p>
<h2>« Anti-marketing » : un phénomène nouveau ?</h2>
<p>Un exemple d’anti-marketing abondamment discuté dans le monde académique est la campagne publicitaire de la marque Patagonia <a href="https://eu.patagonia.com/fr/fr/stories/dont-buy-this-jacket-black-friday-and-the-new-york-times/story-18615.html">« Don’t buy this jacket »</a> (« N’achetez pas cette veste »). Cette campagne, lancée le jour du <em>Black Friday</em> en 2011, expliquait :</p>
<blockquote>
<p>« Nous voulons faire le contraire de toutes les autres entreprises aujourd’hui. Nous vous demandons d’acheter moins et de réfléchir avant de dépenser un centime pour cette veste ou toute autre chose. […] N’achetez pas ce dont vous n’avez pas besoin. Réfléchissez à deux fois avant d’acheter quoi que ce soit. »</p>
</blockquote>
<p>D’autres marques, comme Globetrotter, Fjällräven, ou Burton Snowboard, ont suivi et attiré le regard académique sur ce type de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2352550922000057">« sufficiency-oriented marketing »</a> (commercialisation axée sur la suffisance).</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/reel/CxhtXGfIhmF","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p>Certaines entreprises proposant des produits de consommation quotidienne ont également adopté une approche tendant vers la sobriété. La boulangerie états-unienne Panera communique sur le fait qu’elle fait don de ses restes de pain après la fermeture de ses magasins pour réduire le gaspillage alimentaire. <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-030-02662-2_13">« Baked before sunrise, donated after sunset »</a> (cuit avant l’aube, donné après le coucher du soleil) dit leur slogan. On retrouve le même principe de lutte contre le gaspillage alimentaire chez la boulangerie Demain (Paris) qui récupère les invendus dans une vingtaine de boulangeries pour les vendre le lendemain à prix bradés.</p>
<p>Mais alors, pourquoi une telle levée de boucliers face à la campagne de l’Ademe ? Comparés à ces exemples d’anti-marketing et de <em>sufficiency-oriented marketing</em>, les spots de l’Ademe réalisent un décalage important : ils généralisent ce type de marketing à tout objet marchand. En même temps, vu que les spots ont été commandités par une institution politique, l’Ademe, le message ne s’adresse pas seulement aux consommateurs, mais, plus globalement, à tout citoyen. C’est cette double montée en généralité qui explique l’irritation des commerçants. C’est aussi ce qui réjouit les tenants d’une mise à l’agenda politique plus conséquente de la sobriété. Peut-on vendre la sobriété ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218728/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Morgan Meyer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Avec sa campagne publicitaire encourageant la réduction de la consommation, l’Ademe propose une vision radicale de l’interaction marchande en tant qu’organisme public.Morgan Meyer, Directeur de recherche CNRS, sociologue, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2171142023-11-28T17:12:08Z2023-11-28T17:12:08ZLa France « moche » ne l’est pas pour tout le monde<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/562182/original/file-20231128-17-a9hl16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=43%2C39%2C3200%2C2404&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La galerie marchande du centre commercial de Noyelle-Godault.</span> <span class="attribution"><span class="source">Fabrice Raffin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Au premier jour d’une <a href="https://ittecop.fr/fr/tous-les-projets/recherches-2012/item/34-plateformes">recherche sociologique</a> menée pour le ministère de l’Écologie, programme ITTECOP (Infrastructure de transport, territoires, écosystèmes et paysages), entre 2012 et 2017 sur la zone commerciale de Noyelle-Godault tout près d’Hénin-Beaumont, je prends la sortie 26 de l’autoroute à A1 en direction de Lille. <a href="https://www.telerama.fr/monde/comment-la-france-est-devenue-moche,52457.php">La France des zones commerciales soi-disant « moches »</a> est là, devant moi.</p>
<p>Autant le dire tout de suite, ces formes urbaines <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/geographie-a-la-carte/faut-il-embellir-la-france-moche-2696299">souvent décriées</a> sont non seulement appréciées par la majorité de ceux qui les fréquentent, mais elles sont même plébiscitées, surtout par les familles, par les jeunes aussi. Elles sont support de leur quotidien, de leurs loisirs et de leurs pratiques culturelles. Elles font repère pour leur identité.</p>
<p>Dans la pratique et dans l’imaginaire, ces zones commerciales sont les centres urbains de ce début de XXI<sup>e</sup> siècle. Dans bon nombre de villes moyennes, ils ont remplacé les centres anciens moribonds aux commerces abandonnés. Même si on note une baisse de leur fréquentation, ils représentent encore plus de 60 % de l’approvisionnement alimentaire. Surtout, ils structurent un mode de vie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/en-finir-avec-la-france-moche-peut-on-changer-notre-perception-des-zones-commerciales-214334">En finir avec la « France moche » : peut-on changer notre perception des zones commerciales ?</a>
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<p>Cette France contemporaine s’étale donc devant moi plus qu’elle ne se dresse puisque les bâtiments ne dépassent pas la hauteur d’un immeuble de trois étages. Autour des mastodontes de la consommation (Auchan, Ikea, Décathlon) s’alignent des dizaines d’enseignes plus petites, mais tout aussi tape-à-l’œil.</p>
<p>Des lieux de loisirs sont là également : restaurants, hôtels, cinémas, espaces de paintball et même un circuit de karting. Une architecture commerciale qui se présente comme une accumulation de cubes métalliques et de rectilinéaires colorés. Une architecture dictée dans un langage mathématique, celui des mètres carrés commerciaux, tout en perpendiculaires : la carte devenue territoire pour paraphraser Houellebecq. Au milieu de ces hangars maquillés, « des milliers d’automobiles en stationnement étincèlent sur un vaste étang de goudron », <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-tour-du-monde-des-idees/abattoir-5-de-kurt-vonnegut-cinquantieme-anniversaire-2468283">pour reprendre les mots de Kurt Vonnegut</a>.</p>
<h2>La vie en habitacle ou l’appauvrissement des sens</h2>
<p>Durant les 5 années de cette enquête menée au laboratoire Habiter le Monde, nous avons pu appréhender les caractéristiques de ce mode de vie et des valeurs périurbaines, notamment ici, esthétiques, qui le structurent.</p>
<p>Ces zones commerciales sont nées au XX<sup>e</sup> siècle du mouvement de spécialisation des espaces de la ville, le « zonage » disent les urbanistes. Alors que la ville industrielle du XIX<sup>e</sup> siècle <a href="https://www.mediatheques.strasbourg.eu/Conservatoire/doc/IGUANA_2/126867/la-ville-phenomene-economique-jean-remy">concentre sur un même espace</a> l’habitat, l’approvisionnement, le travail, la pensée fonctionnaliste en urbanisme fait éclater ces fonctions, les sépare et les localise <a href="https://www.cairn.info/les-methodes-de-l-urbanisme--9782130813446-page-7.htm">chacune dans des zones distantes</a>. La voiture individuelle fera le lien entre ces espaces séparés désormais par des distances que l’on ne peut plus faire à pied.</p>
<p>Autour d’Hénin-Beaumont, <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/1360/gallery/">dans l’ancien Bassin-Minier</a>, la vie est donc une vie automobile, indispensable pour aller faire ses courses, chercher ses enfants à l’école, promener son chien dans le parc aménagé d’un ancien terril, assister à un concert au 9/9bis, se rendre au cinéma dans la zone commerciale.</p>
<p>La vie périurbaine est une vie en habitacle à air conditionné, coupée des éléments climatiques. <a href="https://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1998_num_78_1_2164">Christophe Gibout</a> note d’ailleurs que la voiture acquiert également dans ce contexte, « le caractère d’un référent symbolique de la modernité urbaine et de l’achèvement d’une liberté individuelle de circulation ». Une vie en habitacle à propos de laquelle Richard Sennett problématise <a href="https://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1992_num_55_1_1689_t1_0202_0000_2">l’appauvrissement des sens</a>. Dans ces espaces dispersés parcourus en automobile, l’expérience du corps s’affaiblirait, réduisant les sensations du mouvement, du toucher. Lorsqu’on passe de l’air conditionné de la voiture à celui de la galerie marchande, le contact est furtif avec l’environnement « réel ».</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">légende.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fabrice Raffin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Esthétique hollywoodienne</h2>
<p>Comme on me le déclarait de nombreuses fois en substance, on aime venir au centre commercial pour accéder à une modernité clinquante, féérique, multicolore et proprement aseptisée. Un décor entièrement factice, une anthropisation maximale de l’espace, rehaussé de lumière. Des millions de leds resplendissent sur fond de tôle ondulée. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, cette modernité occidentale, se construit sur un référent diffusé dans les séries et les cinémas produites principalement « outre-Atlantique ».</p>
<p>Au-delà des magasins en effet, la zone dans son ensemble a de faux airs américains, et se présente comme un décor de cinéma : « diners » et fast-foods, restaurants à la mise en scène spectaculaire constitués de véritables wagons suspendus à trois mètres du sol, « shopping promenade », comme autant d’échos réels aux flux culturels diffusés dans les productions audiovisuelles américaines.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’imaginaire américain est omniprésent.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fabrice Raffin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Alors ; aller au centre commercial c’est vivre la fiction, vivre dans le décor hollywoodien devenu réalité locale, selon une continuité médiatico-spatiale pourrait-on dire. L’espace est facile d’accès, on y entre gratuitement ; pour autant, les loisirs y sont payants et formatés.</p>
<p>Autour des espaces de la grande distribution, l’attractivité joue des représentations d’une modernité consumériste séduisante où les grandes enseignes de l’agroalimentaire vantent souvent leur caractère « authentique », « traditionnel », « naturel », comme un pied de nez au centre-ville patrimonialisé, perçu par les personnes que j’interviewe, selon leurs termes, comme « désuet » et « mort », duquel les habitants se détournent.</p>
<h2>Animation constante</h2>
<p>Le centre commercial au contraire est une zone urbaine où il se passe toujours quelque chose. L’événement caractéristique des <a href="https://www.cairn.info/revue-flux1-2009-4-page-17.htm*">mondes urbains</a> se joue désormais pour beaucoup sur les parkings du centre commercial, dans les galeries marchandes, au rythme des animations des fêtes devenues commerciales qui animent le décor : Noël, Halloween en tête, Pâques, le Carnaval dans le Nord, la Saint-Valentin, etc.</p>
<p>Chaque fois des décors différents, des animations différentes. Des événements superficiels ? Peut-être, mais les enfants comme les parents que je rencontre, apprécient ces décors toujours féériques, l’ambiance tranquille. Ici, tout semble sécurisé, dans la galerie marchande, « on peut laisser courir les enfants » me dit-on. Chaque chose est à sa place, ça sent même « le propre », le néo-hygiénisme règne. Les relations sociales sont apaisées, une armée de vigiles et de caméras sont là pour y veiller. Dans un monde social souvent perçu à travers le prisme médiatique de l’insécurité, le centre commercial représente <a href="https://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1992_num_55_1_1689_t1_0202_0000_2">l’espace pacifié des rapports sociaux</a> dans un cadre structuré par la consommation de masse et l’imaginaire de l’abondance.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">légende.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fabrice Raffin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Du politique et de la consommation</h2>
<p>Il reste une différence notable entre ces centralités commerciales et le centre-ville : c’est l’absence du « politique » et de ses symboles. La galerie marchande n’est pas l’espace de la dispute démocratique et la mairie est restée dans le centre ancien. Les terrasses des cafés standardisés, protégées des intempéries dans la galerie marchande, ont <a href="https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2014-3-page-77.htm">peu à voir avec l’espace de mise en publicité cher à Habermas</a>, espace de la dispute démocratique. L’être urbain y est surtout identifié en consommateur.</p>
<p>Dès lors, l’appartenance urbaine et les enjeux démocratiques semblent lointains, comme restés dans le centre-ville. Le politique mis à l’écart, le commun, la « communauté locale », se joueraient-ils exclusivement dans l’accès à la consommation ? Quoi qu’il en soit, l’espace commercial, le plus souvent, n’est pas perçu comme « moche » par celles et ceux qui l’occupent, le fréquentent, et ce faisant, le consomment et le produisent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217114/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Raffin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans la pratique et dans l’imaginaire, ces zones commerciales sont les centres urbains de ce début de XXIᵉ siècle.Fabrice Raffin, Maître de Conférence à l'Université de Picardie Jules Verne et chercheur au laboratoire Habiter le Monde, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2183772023-11-23T17:52:05Z2023-11-23T17:52:05ZNFT : êtes-vous prêt à acheter un vêtement virtuel ?<p>En août 2020, le magazine américain <em>Vogue</em> titrait en couverture <a href="https://www.vogue.com/article/tribute-virtual-clothes-digital-fashion">« Seriez-vous prêt à dépenser de l’argent pour des vêtements virtuels ? »</a> en référence à une robe numérique vendue 699 dollars, portable uniquement en ligne. Trois ans plus tard, le constat est brutal : <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/plus-de-95-des-nft-ne-valent-plus-rien-de-l-effet-de-mode-a-la-decadence-6207660">95 % des NFT, les « jetons numériques » qui certifie l’authenticité d’un actif virtuel, ne valent plus rien</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1709060218078876045"}"></div></p>
<p>La mode serait-elle en train de passer ? Le marché des NFT a été multiplié par 130 entre début 2020 et début 2021. Au-delà des vêtements virtuels, des « tokens » d’authentification ont été ajoutés à des morceaux de musique exclusifs, <a href="https://opensea.io/assets/ethereum/0x495f947276749ce646f68ac8c248420045cb7b5e/73915159672205439806165659676294116767432804025715086206809379148247781605377">aux tatouages d’une joueuse de tennis</a>, à des <a href="https://www.numerama.com/tech/1011532-le-nft-du-premier-tweet-va-de-pire-en-pire-lenchere-la-plus-haute-est-de-23.html">tweets</a> ou même à la vidéo YouTube d’un enfant qui mord le doigt de son frère (vendue sous forme de NFT aux enchères en 2021 pour la somme de… 760 000 dollars).</p>
<p>Or, sur ce marché, de nombreuses <a href="https://theconversation.com/fr/topics/arnaque-en-ligne-139482">arnaques</a> attendent également les acheteurs : des <a href="https://fr.fashionnetwork.com/news/Usa-un-artiste-condamne-pour-des-nft-de-sacs-hermes-crees-sans-autorisation,1484579.html">NFT de sacs Hermès sont créés sans autorisation</a> et des <a href="https://www.lepoint.fr/societe/finance-par-des-nft-le-film-plush-promu-par-kev-adams-vire-au-fiasco-25-04-2023-2517623_23.php">projets sont</a> abandonnés une fois les fonds levés. En outre, des pratiques frauduleuses s’observent, telles que le <a href="https://www.capital.fr/crypto/squiggles-une-arnaque-aux-nft-a-7-millions-de-dollars-decryptee-par-la-societe-bubblemaps-1485122">« wash trading »</a>, qui désigne le comportement d’un investisseur qui vend et achète un NFT entre différents portefeuilles qu’il détient pour gonfler le prix et attirer des acheteurs.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1396890212547055617"}"></div></p>
<p>Il faut dire que, sur ce marché, la <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/services-conseils/nft-dart-82-des-acheteurs-sont-motives-par-largent-pas-par-loeuvre-1403012">spéculation bat son plein</a>, les ventes s’envolent et retombent aussi rapidement. Le premier tweet de l’histoire, vendu en NFT pour près de 3 millions de dollars en 2021, n’en valait… <a href="https://www.lavoixdunord.fr/1196030/article/2022-06-21/le-nft-du-premier-tweet-de-l-histoire-achete-2-9-millions-de-dollars-ne-vaut">plus que 23</a> quelques mois après.</p>
<p>Dans ce contexte, les marques, <a href="https://theconversation.com/industrie-du-luxe-des-premiers-pas-reussis-dans-le-monde-des-nfts-216224">surtout de luxe</a>, persistent néanmoins dans les projets NFT. Au-delà de l’intérêt financier, les vêtements virtuels mêlant art, mode et technologie redéfinissent en particulier la possession. À défaut de valeur monétaire <a href="https://theconversation.com/fr/topics/speculation-27900">spéculative</a>, ces types de NFT continuent à séduire pour leurs valeurs hédoniques et sociales, comme le montrent nos récentes <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/cb.2270?af=R">recherches</a>.</p>
<h2>Une robe vendue 9500 dollars</h2>
<p>Boostés par la période pandémique, lorsqu’il était impossible d’arborer des tenues, les vêtements virtuels en NFT font fureur depuis. Ils s’affichent sur les profils Instagram, X et Facebook. <a href="https://www.thefabricant.com/">The Fabricant</a> par exemple est une maison de mode virtuelle qui crée des vêtements plutôt haut de gamme, à l’image de la robe Iridescence <a href="https://www.numero.com/fr/mode/mode-virtuelle-cyber-fashion-vetement-virtuel-the-fabicant-iridescence-dress-encheres-9500-dollars-puma">vendue 9 500 dollars</a>. Mais des marques plus traditionnelles s’y sont mises, à l’image de l’équipementier sportif Nike, qui aurait déjà engendré plus de <a href="https://fr.fashionnetwork.com/news/Nft-nike-en-pointe-grace-a-sa-filiale-rtfkt,1432661.html">185 millions de dollars de revenus</a> grâce aux NFT.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1562150953591062529"}"></div></p>
<p>Les marques de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/luxe-34482">luxe</a> se lancent également, attirées par l’unicité, la rareté, l’authentification et la personnalisation qu’apportent les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/jetons-non-fongibles-nft-116655">NFT</a>. La marque Gucci a même lancé une paire de baskets virtuelles pour un dollar ou encore un sac numérique qui se vendait en 2021 beaucoup plus cher que la <a href="https://www.journalduluxe.fr/fr/mode/ce-sac-gucci-se-vend-plus-cher-dans-sa-version-virtuelle-que-dans-sa-version-physique">version physique</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/industrie-du-luxe-des-premiers-pas-reussis-dans-le-monde-des-nfts-216224">Industrie du luxe : des premiers pas réussis dans le monde des NFTs ?</a>
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<p>Notre dernier travail de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/cb.2270?af=R">recherche</a> identifie le plaisir, la curiosité et l’interaction sociale parmi les <a href="https://ieeexplore.ieee.org/document/9739372">trois motivations</a> d’achat des consommateurs de vêtements virtuels. L’achat de vêtement virtuel se montre aux autres sur les réseaux sociaux : c’est bien un achat qui est pensé en vue d’interagir avec les pairs.</p>
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<p>L’engouement des vêtements virtuels s’inscrit donc dans une vision expérientielle où le consommateur souhaite profiter du bien, en le portant et en interagissant avec d’autres consommateurs qui ont également franchi le pas de l’achat. La temporalité est l’immédiateté : le consommateur veut vivre l’expérience et n’entre pas dans une logique de stockage pour revendre dès que les cours auront grimpé.</p>
<h2>Des NFT Zara</h2>
<p>Toutefois, si l’achat de vêtements de luxe dans la réalité apporte un statut social, il est intéressant de noter que ce n’est pas le cas pour les vêtements virtuels de marques de luxe. Que la marque soit de luxe ou non, la curiosité, le plaisir et l’interaction sociale priment. Le vêtement virtuel apparait d’abord comme un <a href="https://academic.oup.com/jcr/article-abstract/15/2/139/1841428">soi étendu dans le monde virtuel</a> pour affirmer son appartenance à une communauté.</p>
<p>C’est pourquoi le succès des vêtements NFT s’étend désormais à des marques moins prestigieuses. Une enseigne comme Zara a lancé une collection dans le métavers fin 2021. Quel que soit le niveau de gamme, la clé du succès dans le vêtement virtuel réside dans un usage non spéculatif, axé sur le divertissement, le social ainsi que sur le côté communautaire et artistique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1468233609387593730"}"></div></p>
<p>Les NFT artistiques peuvent ainsi être liés à un univers virtuel ou accompagner des produits physiques, comme les magnums Dom Pérignon désignés en collaboration avec la chanteuse Lady Gaga ou la voiture de course aux couleurs du whisky Kinahan dessinée par l’artiste Morisseta. L’avenir des NFT repose en effet sans doute sur ces territoires qui mêlent réel et virtuel, jeu et communauté, art et exclusivité, avec des acheteurs cherchant à les consommer plutôt que de les considérer comme des investissements spéculatifs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218377/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Dans un contexte de moindre engouement pour les NFT, les marques de luxe continuent de proposer des biens numériques qui séduisent les consommateurs pour d’autres raisons que la spéculation.Insaf Khelladi, Professeur Associé en Marketing, Pôle Léonard de VinciCatherine Lejealle, Sociologue, spécialiste du digital. Enseignante-chercheuse, ISC Paris Business SchoolSaeedeh Rezaee Vessal, Associate Professor In Marketing, Pôle Léonard de VinciSylvaine Castellano, Directrice de la recherche, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2165692023-11-20T17:09:50Z2023-11-20T17:09:50ZLa pollution de l’air intérieur, un danger négligé ? Voici comment améliorer la qualité de l’air chez soi<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/558764/original/file-20231110-21-l7bqjx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=31%2C31%2C2964%2C1935&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Si aérer son domicile le matin est une pratique bien ancrée, la seconde aération quotidienne l’est beaucoup moins.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/fenetre-a-guillotine-blanche-ouverte-g5CUmZHUp48">Alistair MacRobert / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Au cours de la pandémie de Covid-19, l’aération de nos espaces intérieurs a conquis le statut de <a href="https://twitter.com/Sante_Gouv/status/1443108286933307392">geste barrière</a> et des appareils comme les détecteurs de CO<sub>2</sub> et les purificateurs d’air ont fait une <a href="https://theconversation.com/Covid-comment-se-proteger-simplement-de-la-transmission-aerienne-du-virus-167222">entrée polémique</a> dans les salles de classe.</p>
<p>Depuis une vingtaine d’années, la <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/DP-AIR-ET-SANTE.pdf">recherche scientifique</a> a avancé sur le sujet de la qualité de l’air intérieur en cernant mieux les <a href="https://theconversation.com/comment-respirer-un-air-sain-a-linterieur-160402">différentes sources de pollution</a>. Elles se cumulent à celles de la pollution atmosphérique et se concentrent à l’intérieur des bâtiments, dans lesquels nous passons 80 % de notre temps.</p>
<p>Mais la qualité de l’air intérieur reste aujourd’hui un sujet d’experts, qui ne fait pas encore l’objet <a href="https://theconversation.com/etude-la-pollution-de-lair-interieur-un-probleme-meconnu-par-un-francais-sur-deux-118279">d’une appropriation citoyenne</a>. Pourtant, chacun dispose chez lui de marges de manœuvre pour respirer un sain plus sain.</p>
<h2>Une recherche pour mobiliser le public</h2>
<p>Une <a href="https://www.leroymerlinsource.fr/sante-bien-etre/ethnographie-de-la-qualite-de-lair-interieur/">recherche</a> à laquelle j’ai participé, soutenue par l’Ademe et <a href="https://www.leroymerlinsource.fr/qui-sommes-nous/">Leroy Merlin Source</a>, a souhaité approcher la qualité de l’air intérieur des logements du point de vue des habitants, pour comprendre comment mobiliser le grand public sur ce sujet. Associant une équipe de sociologues (<a href="https://gbrisepierre.fr/">cabinet GBS</a>) et d’expertes techniques (<a href="https://www.medieco.fr/">Médiéco</a>), cette recherche a adopté une approche inédite mêlant ethnographie et accompagnement des habitants.</p>
<p>Douze familles ont ainsi participé en ouvrant la porte de leur domicile aux chercheurs pour une demi-journée, partagée entre un temps d’observation (entretien, visite commentée) et une séquence de conseils personnalisée, ludique et engageante.</p>
<p>Durant les trois mois suivants, ces familles ont expérimenté la mise en place des conseils d’amélioration de la qualité de l’air, encouragées par leur participation à un groupe WhatsApp animé par les expertes.</p>
<p>Un entretien final a permis <a href="https://www.leroymerlinsource.fr/sante-bien-etre/qualite-de-lair-interieur-accompagner-les-habitants/?idU=1">d’évaluer la démarche et les changements</a> mis en œuvre grâce à cet accompagnement.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<h2>Déni autour de la pollution intérieure</h2>
<p>Nous avons qualifié de <em>déni ordinaire</em> le rapport que les Français entretiennent à la qualité de l’air intérieur de leur logement. Elle ne fait pas partie de leurs préoccupations, contrairement aux économies d’énergie par exemple.</p>
<p>Les habitants se focalisent sur la pollution atmosphérique qui bénéficie d’une forte exposition médiatique depuis plusieurs années maintenant.</p>
<p>Surtout, reconnaître que l’air chez soi est plus pollué que l’air du dehors revient à mettre en danger l’une des principales fonctions anthropologiques du chez soi – la protection : s’il est contaminé, il ne peut plus être un « <em>cocon</em> ».</p>
<p>La perception de la qualité de l’air intérieur au quotidien passe par des signes sensibles rarement cohérents avec la détection des polluants. « L’odeur de propre », par exemple, est en fait celle de polluants chimiques dans l’air.</p>
<h2>L’aération, une pratique bien ancrée</h2>
<p>Du côté des pratiques, la situation paraît plus encourageante au premier abord car le rituel d’aération matinale est une routine bien intégrée, même en hiver.</p>
<p>En revanche, la seconde aération quotidienne recommandée est beaucoup plus aléatoire, elle entre en tension avec la préoccupation pour le confort et les économies d’énergie.</p>
<p>Le constat le plus frappant de l’étude est la distance que les ménages entretiennent avec leur système de ventilation. Ils n’ont souvent même pas les mots pour le décrire et n’en comprennent pas le fonctionnement : plusieurs habitants ont ainsi découvert l’existence d’entrées d’air dans leurs fenêtres.</p>
<p>Il n’est pas étonnant alors que son entretien – par le dépoussiérage – soit irrégulier voire inexistant, et que les habitants mettent en œuvre des pratiques contre-productives – comme l’obstruction des bouches – quand ils sont gênés par le bruit ou le froid.</p>
<h2>Changer ses habitudes de consommation</h2>
<p>L’accompagnement proposé a permis d’élargir le champ de vision et d’action des ménages sur la qualité de l’air de leur logement.</p>
<p>En plus de la discipline d’aération et le maintien d’une ventilation en bon fonctionnement, l’amélioration de l’air chez soi implique une révolution des <a href="https://theconversation.com/notre-air-interieur-est-pollue-mais-de-nouveaux-materiaux-pourraient-apporter-des-solutions-161016">habitudes de consommation</a> courante, afin de réduire à la base les émissions de polluants : choisir des produits ménagers et cosmétiques sains, se détacher des parfums d’ambiance (bougies, diffuseur…), bannir le tabac en intérieur, limiter l’utilisation de la cheminée, adapter ses choix d’aménagements (éviter les tapis, privilégier les meubles en bois brut)…</p>
<p>Si une partie des habitants avaient déjà entamé ces changements, de fortes marges de progression existent afin d’adopter ces réflexes préventifs. Même les plus renseignés jugent ainsi la javel comme un produit inoffensif, ce qui est loin d’être le cas.</p>
<h2>Gare aux solutions technologiques</h2>
<p>Au-delà de ces habitudes quotidiennes, que faire pour améliorer durablement la qualité de l’air de son logement ? En premier lieu, ne pas tomber dans le piège des baguettes magiques technologiques que représentent les purificateurs d’air et les capteurs.</p>
<p>La pression marketing suscite la tentation d’achat de purificateur, alors que leurs <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/AIR2012SA0236Ra.pdf">effets assainissants</a> en situation réelle sont limités, et dans certains cas, <a href="https://www.quechoisir.org/actualite-purificateurs-d-air-des-resultats-mitiges-n79363/">controversés</a>.</p>
<p>Quant aux capteurs de qualité de l’air, leur possession n’est pas suffisante pour enclencher une posture réflexive chez la plupart des ménages.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/558766/original/file-20231110-27-cjdzs4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/558766/original/file-20231110-27-cjdzs4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/558766/original/file-20231110-27-cjdzs4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/558766/original/file-20231110-27-cjdzs4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/558766/original/file-20231110-27-cjdzs4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/558766/original/file-20231110-27-cjdzs4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/558766/original/file-20231110-27-cjdzs4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/558766/original/file-20231110-27-cjdzs4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Plantes dépolluantes, purificateurs… le marketing nous pousse parfois à adopter de fausses solutions en matière d’amélioration de l’air intérieur.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/feuilles-blanches-et-vertes-pendant-la-journee-dxXIImOQwF4">Diana Polekhina/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<p>Tout comme le <a href="https://gbrisepierre.fr/wp-content/uploads/2019/11/GBS-Blog-articles-20.pdf">suivi des consommations d’énergie</a>, ces outils de mesure ont un effet dans le cadre de dispositifs d’accompagnement. Or ceux-ci n’existent que de manière très marginale sur la qualité de l’air ou s’adressent à des populations spécifiques (malades, précaires énergétiques).</p>
<h2>Des rénovations nécessaires</h2>
<p>Les stratégies d’amélioration de la qualité de l’air les plus efficaces s’inscrivent en réalité dans le cadre de travaux. Elles paraissent néanmoins encore bien laborieuses aux habitants et leurs résultats assez incertains.</p>
<p>Utiliser une peinture non toxique (« naturelle », bio, écolabellisée…), par exemple, est une aspiration de plus en plus courante : mais la choisir reste difficile et son coût plus élevé aboutit à une utilisation partielle – souvent les chambres.</p>
<p>L’amélioration de la ventilation devrait être intégrée à toute rénovation, mais elle est trop souvent repoussée. En maison, son installation est hasardeuse : de nombreux dysfonctionnements sont constatés, y compris quand elle est <a href="https://www.cerema.fr/fr/actualites/ventilation-enjeu-cle-batiments-performants-protocole">réalisée par un professionnel</a>.</p>
<p>En immeuble, les efforts requièrent des décisions collectives trop difficiles à obtenir, par exemple lors de l’assemblée générale de copropriété.</p>
<h2>Accompagner la prise de conscience</h2>
<p>La démarche d’accompagnement expérimenté fait la preuve que des changements sont possibles du côté des habitants, à condition de dépasser une approche normative des comportements (comme les guides de bonnes pratiques) et de s’adapter à leur situation et à leurs préoccupations (propreté, cohabitation, copropriété, travaux…).</p>
<p>Chez les plus novices, l’accompagnement a produit une prise de conscience, « un choc » conduisant à l’abandon immédiat de nombreux produits nocifs. Chez les mieux renseignés, il a renforcé les dynamiques d’amélioration déjà à l’œuvre, et les a légitimés dans une position de porte-parole au sein de leur foyer, auprès de leur entourage voire au travail, conduisant à une diffusion des conseils.</p>
<p>Gageons que cette expérience, dont les outils sont librement accessibles, inspirera de nouvelles démarches portées par des professionnels au contact des habitants, qui n’identifient pour le moment aucun interlocuteur légitime sur le sujet.</p>
<h2>Outiller les professionnels</h2>
<p>La lutte pour un air plus sain dans les logements ne peut toutefois pas reposer exclusivement sur les habitants.</p>
<p>L’<a href="https://www.leroymerlinsource.fr/sante-bien-etre/qualite-de-lair-interieur-des-logements-francais/">état de l’art</a> dressé au démarrage du projet a révélé qu’elle requiert une approche globale associant des politiques publiques plus ambitieuses, une offre de produits sains mieux développée et davantage de prescriptions par les professionnels.</p>
<p>Il serait utile de mettre en situation de conseil les professionnels présents tout au long du parcours des ménages : artisans, agents immobiliers, conseillers France Renov’, magasins de bricolage, travailleurs sociaux, sages-femmes…</p>
<p>Des projets travaillent déjà sur la posture des professionnels et tentent de mieux les outiller (<a href="https://librairie.ademe.fr/urbanisme-et-batiment/5649-ecrains-engagement-a-construire-pour-un-air-interieur-sain.html">ECRAINS</a>, <a href="https://www.renovation-doremi.com/fr/blog/justair-qualite-d-air-interieur/">Just’Air</a>, <a href="https://unice-my.sharepoint.com/personal/vincent_meyer_unice_fr/_layouts/15/stream.aspx?id=%2Fpersonal%2Fvincent%5Fmeyer%5Funice%5Ffr%2FDocuments%2FFLARE%20V3%20DEF%2Emp4&ga=1&referrer=StreamWebApp%2EWeb&referrerScenario=AddressBarCopied%2Eview">FLARE</a>).</p>
<p>Ces changements deviennent urgents à l’heure de l’intensification de la politique de rénovation énergétique des logements, si l’on ne veut pas transformer un progrès dans la lutte contre le réchauffement climatique en scandale sanitaire de l’air intérieur.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Science et Société se nourrissent mutuellement et gagnent à converser. La recherche peut s’appuyer sur la participation des citoyens, améliorer leur quotidien ou bien encore éclairer la décision publique. C’est ce que montrent les articles publiés dans notre série « Science et société, un nouveau dialogue », publiée avec le soutien du <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr">ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216569/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gaëtan Brisepierre a reçu des financements pour cette étude de l’Ademe et de Leroy Merlin Source.</span></em></p>Trop souvent négligée, la pollution de l’air intérieur est pourtant un enjeu majeur. Certaines pratiques, travaux et changements d’habitude peuvent être nécessaires pour l’améliorer.Gaëtan Brisepierre, Sociologue indépendant, École des Ponts ParisTech (ENPC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2175692023-11-14T18:55:31Z2023-11-14T18:55:31ZCommande publique de biens manufacturés : qui recourt le plus aux importations ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/559041/original/file-20231113-27-t6cx95.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=22%2C26%2C965%2C646&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un pays désindustrialisé est en effet amené à consommer des biens manufacturés importés, que ce soit pour la consommation privée ou publique.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Le_Havre,_premier_port_de_France_pour_le_commerce_ext%C3%A9rieur.jpg">Wikimedia commons/Ville du Havre</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Reléguée pendant longtemps dans la catégorie des concepts dépassés, la <a href="https://theconversation.com/reindustrialiser-mais-pour-quoi-faire-176810">politique industrielle</a> est redevenue centrale, notamment dans les économies avancées qui se sont désindustrialisées. Ce choix d’un retour de la puissance publique dans l’économie, afin d’en modifier la structure de production au profit du secteur manufacturier, découle de la conjonction de trois événements : la prise de conscience de la vulnérabilité des économies avancées à la perturbation des chaînes de production internationales, générant une dépendance à l’égard de fournisseurs lointains ; une volonté plus ou moins affirmée de « dérisquage » (<a href="https://www.ceps.eu/the-eus-aim-to-de-risk-itself-from-china-is-risky-yet-necessary/"><em>de-risking</em></a> vis-à-vis de la Chine, pour reprendre le mot de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen) ; l’impérieuse nécessité de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/transition-ecologique-66536">transition écologique</a>, qui crée une opportunité de construire un tissu industriel vert.</p>
<p>Les outils de ces nouvelles politiques industrielles sont divers. Les avantages fiscaux et subventions sont les plus voyants, au centre notamment de <a href="https://theconversation.com/linflation-reduction-act-americain-un-danger-pour-la-production-automobile-hexagonale-204417">l’<em>Inflation Reduction Act</em></a> (IRA) américain. Ce dernier s’appuie par ailleurs massivement sur des clauses de contenu local, instrument déjà privilégié par l’État fédéral américain pour la commande publique depuis le <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/pour-les-achats-publics-biden-veut-aller-encore-plus-loin-sur-le-buy-american-act-889839.html"><em>Buy American Act</em> de 1933</a>, qui établit une préférence pour l’achat de produits nationaux pour les marchés publics fédéraux d’une valeur de plus de 3 000 dollars. De même, le <a href="https://www.fcc.gov/general/american-recovery-and-reinvestment-act-2009">plan de relance de 2009</a> (<em>American Recovery and Re-Investment Act</em>, ARRA) n’ouvrait l’accès à ses fonds qu’aux projets utilisant de l’acier, du fer et des biens manufacturés américains, sauf si la concurrence étrangère présentait un prix inférieur d’au moins 25 %.</p>
<p>Le décalage est important avec l’Union européenne (UE), dont la construction institutionnelle a accordé une large place à la politique de la concurrence au niveau du marché unique et au libre-échange, et n’a pas cherché à donner l’avantage aux producteurs nationaux pour l’attribution des marchés publics.</p>
<p>Ces différences de conception entre les États-Unis et les pays de l’UE se traduisent-elles pour autant par une commande publique s’adressant davantage aux producteurs nationaux outre-Atlantique ? Si le cadre réglementaire de la commande publique est très largement harmonisé en Europe, les pratiques divergent-elles entre pays de l’UE ?</p>
<p>L’échelle européenne reste incontournable pour comprendre les règles nationales qui régissent les contrats de commande publique et d’octroi de marchés publics. Le droit de l’Union pose en effet tant des principes fondamentaux d’égalité de traitement, de non-discrimination et de transparence que de nombreuses règles et procédures.</p>
<h2>Écarts d’ampleur</h2>
<p>La commande publique, qui recouvre les achats de biens, de services et de travaux effectués par les administrations et les entreprises publiques, représente de 10 % à 20 % du PIB des pays membres de l’UE et des États-Unis. Dans une <a href="https://www.cae-eco.fr/la-commande-publique-peut-elle-constituer-un-levier-de-relocalisation-de-lactivite">note</a> du Conseil d’analyse économique (CAE) publiée en 2021, les économistes Claudine Desrieux et Kevin Parra Ramirez estimaient la part des importations dans la commande publique de biens et services en 2014 (date la plus récente à laquelle les <a href="https://www.rug.nl/ggdc/valuechain/wiod/wiod-2016-release">données</a> qui permettent de réaliser ces calculs sont disponibles) autour de 9 % pour la zone euro, 8 % pour l’Italie et la France et 4 % pour les États-Unis.</p>
<p>Les ordres de grandeur changent cependant très significativement quand l’examen, effectué selon la méthodologie exposée en note du graphique suivant, est restreint au périmètre des biens manufacturés.</p>
<p><iframe id="uXrm8" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/uXrm8/7/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En outre, l’hétérogénéité entre pays est frappante. En 2014, la part des importations est la plus faible aux États-Unis, 19 %, tandis qu’elles sont 2,5 à 3,5 fois plus élevées en Europe, en France tout particulièrement. Ces écarts d’ampleur de part et d’autre de l’Atlantique tiennent en partie aux écarts de taille économique des pays, les plus grands ayant moins besoin de recourir à l’extérieur pour satisfaire leurs besoins, que ce soit pour leur commande publique ou de manière plus générale.</p>
<p>À l’exception de l’Allemagne, on observe de plus un processus continu d’accroissement de la part des importations de produits manufacturés dans la commande publique, notamment en France et en Italie. Mécaniquement, lorsqu’un pays se désindustrialise, il doit davantage recourir aux importations pour satisfaire sa demande de biens manufacturés. Or, entre 2000 et 2014, la part du secteur manufacturier dans le PIB est passée de 14 % à 10 % en France, et de 18 % à 14 % en Italie.</p>
<p>L’Allemagne présente un profil particulier, avec une part qui passe de 40 % en 2000 à plus de 63 % en 2007, puis diminue de façon quasi continue jusqu’à 45 % en 2014. Cette trajectoire pourrait venir de la politique allemande du médicament. En 2002, afin de maîtriser les dépenses de santé, une législation a contraint les pharmacies à vendre des médicaments importés lorsque leur prix était inférieur à certains seuils, pour les médicaments remboursés par l’assurance maladie.</p>
<p>Cette « clause de promotion des importations » a entraîné une hausse immédiate de la part de marché des produits pharmaceutiques importés, avec un pic en 2007. Un moratoire a ensuite été décidé sur le prix des médicaments : en pratique, les prix ont été gelés entre 2006 et 2013, conduisant les prix des médicaments produits en Allemagne à passer sous les seuils qui justifiaient le recours aux importations. La part de ces dernières a dès lors reculé au profit des produits pharmaceutiques allemands.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-produits-de-sante-une-filiere-de-poids-dans-les-echanges-internationaux-214276">Les produits de santé : une filière de poids dans les échanges internationaux</a>
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<p>La part plus forte des importations dans la commande publique pourrait refléter celle des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/importations-114407">importations</a> dans la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/consommation-20873">consommation</a> des ménages. Un pays désindustrialisé est en effet amené à consommer des biens manufacturés importés, que ce soit pour la consommation privée ou publique. Un écart entre la part des importations dans la commande publique et dans la consommation des ménages pourrait à l’inverse refléter des choix de politiques publiques.</p>
<p>Alors qu’aux États-Unis la part des importations dans la commande publique est plus faible que celle dans la consommation des ménages de 10 à 12 points de pourcentage (une différence qui pourrait provenir du <em>Buy American Act</em>), une situation exactement inverse s’observe pour les quatre grands pays de la zone euro. L’écart est particulièrement élevé en France, et se creuse à partir de 2007-2008, atteignant 20 points en 2014.</p>
<h2>Quelles marges de manœuvre ?</h2>
<p>Sans avoir besoin de transformer préalablement les structures de production, il existe ainsi des marges de manœuvre pour réduire la part des importations dans la commande publique et favoriser les secteurs manufacturiers nationaux. Quels seraient les gains pour ces secteurs d’un hypothétique alignement de la part des importations dans la commande publique sur celle dans la consommation des ménages ?</p>
<p>En France, ce sont près de 8 milliards de dollars (environ 0,3 % du PIB de 2022) supplémentaires dont aurait bénéficié le secteur manufacturier national en 2014 si le taux d’importation de biens manufacturés de la commande publique avait été égal à celui de la consommation des ménages. Pour l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie, les gains, plus modestes, seraient respectivement, de 2,2, 1,5 et 2,8 milliards de dollars.</p>
<p>Un calcul symétrique peut être effectué pour les États-Unis, en évaluant le montant qui aurait été perdu si la part des importations de biens manufacturés avait été aussi élevée dans la commande publique qu’elle l’était dans la consommation des ménages. Cette perte aurait été de 24,2 milliards de dollars en 2014 – et on peut imaginer qu’il s’agit là d’une estimation basse, car il est vraisemblable que, sans le <em>Buy American Act</em>, la part des importations de biens manufacturés dans la commande publique américaine aurait été supérieure à ce qu’elle est dans la consommation privée, à l’image de ce que l’on observe pour les grandes économies européennes.</p>
<p><iframe id="3bMbz" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/3bMbz/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="InLT1" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/InLT1/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="nNetH" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/nNetH/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="l5p1v" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/l5p1v/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="rwoqf" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/rwoqf/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Un accord autour d’un véritable « Buy European Act » parait difficilement atteignable, car il <a href="http://www.cepii.fr/PDF_PUB/pb/2023/pb2023-40_FR.pdf">remettrait en cause des fondamentaux du droit européen</a>. Cela contraindrait également sans doute l’Union européenne à <a href="http://www.cepii.fr/PDF_PUB/pb/2023/pb2023-40_FR.pdf">renégocier sa participation à l’accord sur les marchés publics de l’OMC</a>. Pour permettre la coexistence de cet accord avec le <em>Buy American Act</em>, les États-Unis ont en effet dû négocier des clauses spécifiques.</p>
<p>Cependant, la protection de certaines activités stratégiques ou de l’environnement ainsi que la préservation de la compétitivité des producteurs locaux constituent autant d’<a href="https://www.lexbase.fr/article-juridique/90641981-citedanslarubriquebmarchespublicsbtitrenbspipeutilexisterunprotectionnismeeuropeenen">arguments mobilisables</a> dans le cadre européen actuel. Le développement de clauses de conditionnalité environnementale – sur le modèle du <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A16766">nouveau bonus français sur les voitures électriques</a> – apparaît comme une voie prometteuse, en permettant de contourner l’interdiction des clauses de contenu local sans modification significative du droit existant. Une approche similaire pourrait être retenue pour la commande publique. La loi française <a href="https://www.economie.gouv.fr/daj/la-loi-ndeg-2023-973-du-23-octobre-2023-relative-lindustrie-verte-renforce-la-commande-publique">« Industrie verte »</a>, adoptée en octobre 2023, fait un premier pas en ce sens, avec la création d’un label permettant d’intégrer les critères environnementaux dans la commande publique.</p>
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<p><em>Cet article développe des extraits de Grjebine T. et Héricourt J. (2023), <a href="https://www.cairn.info/l-economie-mondiale-2024%E2%80%939782348080074-page-43.htm">« Les dilemmes d’une réindustrialisation (verte) en économie ouverte »</a>, <a href="https://theconversation.com/economie-mondiale-2024-annee-de-toutes-les-reconfigurations-212268">L’économie mondiale 2024</a> <a href="https://www.collectionreperes.com/l_economie_mondiale_2024-9782348080074">, collection Repères, La Découverte</a>.</em></p>
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<p><em>Cette contribution à The Conversation France est publiée en lien avec les Jéco 2023 qui se tiennent à Lyon du 14 au 16 novembre 2023. Retrouvez ici le <a href="https://www.journeeseconomie.org/affiche-conference2023">programme complet</a> de l’événement.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217569/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>De grands écarts apparaissent entre les États-Unis et l’Union européenne, mais également parmi les pays européens.Thomas Grjebine, Économiste, Responsable du programme "Macroéconomie et finance internationales" au CEPII., CEPIIJérôme Héricourt, Professeur d'économie, conseiller scientifique au CEPII, Université d’Evry – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2160272023-10-22T15:07:33Z2023-10-22T15:07:33ZMode, beauté, « effet rouge à lèvres » : ces comportements de consommation qui ont changé depuis le Covid<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/554768/original/file-20231019-29-y0la2x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C0%2C5599%2C3741&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En période de crise, les ventes de produits cosmétiques ont tendance à augmenter, un phénomène désigné comme un «&nbsp;effet rouge à lèvres&nbsp;».
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/poudres-pulverisees-et-rouges-a-levres-de-couleurs-assorties-1377034/">Dan Cristian Pădureț / Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>La pandémie mondiale liée au <a href="https://theconversation.com/topics/coronavirus-81702">coronavirus</a> a, comme pour bien d’autres secteurs, eu un impact considérable sur <a href="https://www.businessoffashion.com/reports/news-analysis/the-state-of-fashion-2022-industry-report-bof-mckinsey/">l’ensemble du monde de la mode</a>, modifiant le comportement des consommateurs, perturbant les chaînes d’approvisionnement et affectant les principales entreprises du secteur.</p>
<p>En <a href="https://theconversation.com/topics/crises-55191">période de difficultés économiques</a>, il a plusieurs fois par le passé suivi une dynamique assez atypique que les chercheurs ont nommée <a href="https://www.forbes.com/sites/pamdanziger/2022/06/01/with-inflation-rising-the-lipstick-effect-kicks-in-and-lipstick-sales-rise/">« effet rouge à lèvres »</a>. Une augmentation des ventes de <a href="https://theconversation.com/topics/cosmetiques-20977">cosmétiques</a> et de maquillage chez les femmes a en effet été observée lors de <a href="https://www.theguardian.com/business/2008/dec/22/recession-cosmetics-lipstick">crises</a> telles que la Grande Récession de 2007-2009 et même la Grande Dépression des années 1930.</p>
<p>Daniel MacDonald et Yasemin Dildar, chercheurs à l’Université de Californie, ont proposé <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2214804319304884?via%3Dihub">trois hypothèses</a> explicatives. La première est psychologique : les femmes achèteraient plus de maquillage simplement parce qu’elles veulent se faire plaisir au milieu des difficultés. Une autre est de nature anthropologique : les femmes achètent plus de maquillage pour mieux attirer des partenaires. La dernière fait appel à des considérations touchant au marché de l’emploi : acheter plus de maquillage serait une stratégie pour augmenter ses chances d’être (meilleures) employées.</p>
<p>Qu’en a-t-il été en période de pandémie ? Selon un <a href="https://www.mckinsey.com/%7E/media/McKinsey/Industries/Consumer%20Packaged%20Goods/Our%20Insights/How%20COVID%2019%20is%20changing%20the%20world%20of%20beauty/How-Covid-19-is-changing-the-world-of-beauty-vF.pdf">rapport</a> du cabinet de conseil, McKinsey, on a pu relever, en France la semaine du 16 mars 2020, celle du premier confinement, une augmentation de <a href="https://www.mckinsey.com/%7E/media/McKinsey/Industries/Consumer%20Packaged%20Goods/Our%20Insights/How%20COVID%2019%20is%20changing%20the%20world%20of%20beauty/How-Covid-19-is-changing-the-world-of-beauty-vF.pdf">jusque 800 %</a> des ventes de savons de luxe par comparaison avec la même semaine en 2019. Il semble néanmoins difficile ici de distinguer ce qui relèverait des conséquences d’une promotion soudaine des gestes barrières d’un effet rouge à lèvres.</p>
<p>Au cours du mois d’avril toutefois, Zalando, leader électronique du secteur en Europe, a fait état d’un boom dans les catégories de produits de beauté pour le bien-être et les soins personnels ; les ventes de produits de soins pour la peau, les ongles et les cheveux ont augmenté de 300 % d’une année sur l’autre. Les ventes de produit de maquillage, effet du télétravail sans doute, s’orientaient, elles à la baisse. Les mêmes tendances ont été observées chez Amazon.</p>
<p>Nos <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/14707853231201856">travaux</a> se sont ainsi donnés pour objectif de creuser cet effet rouge à lèvres d’un genre nouveau.</p>
<h2>Changements des comportements du consommateur</h2>
<p>Certaines <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0969698920309814?via%3Dihub">recherches</a> ont mis en évidence un changement du comportement des consommateurs pendant la crise Covid. Ont été par exemple soulignés, des achats impulsifs ou hédoniques, un rejet des achats en magasin, une modification des dépenses discrétionnaires ou un intérêt croissant pour la façon dont les marques traitent leurs employés. À notre connaissance néanmoins, une seule <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0887302X211014973">étude</a> a exploré l’évolution des habitudes de consommation dans le secteur de la beauté, et plus précisément des vêtements, au moment de la pandémie de Covid.</p>
<p>Ses auteurs ont étudié 68 511 tweets collectés entre janvier 2020 et septembre 2020, révélant divers éléments. Les internautes parlent de problèmes de sécurité (expédition depuis la Chine, virus sur les vêtements, vêtements de protection, désinfection des vêtements), de perturbations de la consommation (préoccupations concernant les services de revente et de location, inquiétudes concernant l’achat de vêtements spéciaux, inquiétudes concernant les achats en magasin, inquiétudes concernant l’expédition), demandes refoulées (arrêt ou report des achats, désir de soldes). Ils évoquent aussi une transition de la consommation (prise de poids et « rétrécissement des vêtements »), des changements d’habitude (style vestimentaire, désencombrement et don, sensibilisation à l’éthique) et de consommation (adaptation à un nouveau style vestimentaire, digitalisation).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1683902003653509120"}"></div></p>
<p>Notre <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/14707853231201856">projet de recherche</a> visait ainsi à explorer un potentiel effet rouge à lèvres Covid, à partir de trois études explorant l’impact à long terme de la pandémie sur les pratiques d’achats vestimentaires et de beauté.</p>
<h2>Un effet autocentré</h2>
<p>Dix-sept participants (neuf femmes et huit hommes), tous étudiants ont été recrutés pour notre première étude. Nous avons choisi exclusivement des étudiants sans responsabilité professionnelle ni présence familiale afin d’observer des pratiques de la mode pendant le confinement isolées de toute pression parentale ou managériale.</p>
<p>Les résultats suggèrent un impact potentiel des deux confinements sur les pratiques de mode et de beauté chez les femmes mais pas chez les hommes : les participantes ont passé beaucoup de temps à explorer leur relation avec les vêtements et les produits de beauté afin de mieux aligner leurs pratiques sur elles-mêmes, tandis que les étudiants de sexe masculin n’ont pas modifié leurs pratiques en matière de mode.</p>
<p>Pour approfondir cette intuition, nous avons recruté 111 étudiantes, lesquelles ont été invitées à compléter des questionnaires décrivant leur pratique vestimentaire, d’estime de soi et de bien-être avant la pandémie Covid et depuis le début de pandémie. Ils montré qu’elles choisissaient des couleurs plus vives et une gamme de couleurs plus large ainsi que des textures et des vêtements favorisant la mobilité. Une troisième étude sur le maquillage a souligné que les participantes en utilisaient une quantité moindre et moins fréquemment depuis le début de la pandémie.</p>
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<p>Notre recherche a mis en évidence, pour la première fois, un type spécifique de l’effet « rouge à lèvres », à savoir « l’effet rouge à lèvres autocentré » spécifique à la crise sanitaire Covid. Nos résultats ont confirmé que les participantes utilisaient moins de produits de maquillage mais aussi ont montré qu’elles portaient des vêtements différents pour mieux refléter leur identité authentique, leur « moi », une des réponses des consommateurs face à cette crise sanitaire. C’est un facteur d’explication de l’augmentation des ventes de produits de beauté pendant et post-Covid focalisées sur les produits cosmétiques, naturels, et/ou à faire soi-même.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216027/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurore Bardey ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>On observe généralement en période de crise une hausse qui peut sembler paradoxale des dépenses en produit de beauté. Le phénomène a toutefois pris un tour nouveau pendant le Covid.Aurore Bardey, Associate Professor in Marketing, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2143302023-10-19T20:37:08Z2023-10-19T20:37:08ZLes appellations géographiques, un gage de qualité ? Le cas – ambigu – du whisky écossais<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/550080/original/file-20230925-24-o561bp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=137%2C106%2C1779%2C1161&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Comme dans le vin, l’influence du terroir sur les comportements de consommation est avérée dans le monde du whisky.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.rawpixel.com/image/5911843/photo-image-public-domain-shape-wooden">Rawpixel</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Bruichladdich, une distillerie écossaise de whisky renommée, arbore fièrement son slogan :</p>
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<p><a href="https://www.remy-cointreau.com/fr/nos-marques/bruichladdich-portcharlotte-octomore/">« We believe terroir matters »</a> (« Nous croyons en l’importance du terroir »).</p>
</blockquote>
<p>La marque suggère ainsi que sa situation géographique joue un rôle déterminant sur la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/qualite-46094">qualité</a> de son whisky.</p>
<p>Cette philosophie rappelle celle du monde du vin, où l’influence du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/terroir-30486">terroir</a> est avérée et reconnue : la qualité du vin est dépendante de la vigne dont il est issu
et les conditions de développement de la vigne sont intimement liées à la population microbienne de la terre du vignoble. Ce lien entre terre, vigne et vin explique la volonté des acteurs de la filière viticole de protéger la réputation de leur terroir via des réglementations et systèmes d’indications géographiques divers.</p>
<p>À l’instar du vin, le whisky écossais est soumis à plusieurs réglementations, notamment le <a href="https://www.legislation.gov.uk/ukpga/1988/22/enacted">Scotch Whisky Act</a> et les <a href="https://www.legislation.gov.uk/uksi/2009/2890/contents/made">Scotch Whisky Regulations</a>. Ces textes de loi définissent cinq appellations géographiques distinctes : Campbeltown, Highland, Islay, Lowland, et Speyside. Chacune de ces régions est réputée pour produire des styles de whisky uniques, se distinguant par des variations de saveur, de caractère et de méthode de production.</p>
<p>Par exemple, les whiskies de Speyside sont reconnus pour leur élégance, leur complexité et leur vaste palette de saveurs. Quant aux distilleries d’Islay, dont certaines comptent parmi les plus anciennes d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/ecosse-28868">Écosse</a>, elles sont réputées pour des whiskies aux arômes marins, iodés et tourbés.</p>
<p>Ce type d’argument, qui ne manquera pas d’être mis en avant par les distilleries lors du <a href="https://www.whiskylive.fr/">Whisky Live Paris</a>, rendez-vous qui se déroulera cette année du 21 au 23 octobre à Paris, fait globalement mouche auprès des consommateurs.</p>
<p>En effet, nos recherches récentes sur la réputation collective des appellations géographiques, reposant sur l’analyse de plus de 80 000 ventes aux enchères de bouteilles de Scotch single malt, indiquent que les acheteurs attribuent une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0264999323001438">importance significative à l’origine géographique</a> du whisky, et ce même après avoir pris en compte d’autres facteurs que nous avons identifiés dans de <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/journal-of-wine-economics/article/abs/should-you-invest-in-an-old-bottle-of-whisky-or-in-a-bottle-of-old-whisky-a-hedonic-analysis-of-vintage-single-malt-scotch-whisky-prices/6DC8DE57878E49FC2849C6F84E224877">précédentes recherches</a> : l’âge du whisky, le titrage alcoolique, la distillerie, l’embouteilleur, etc. </p>
<p>En l’occurrence, les whiskies en provenance d’Islay sont généralement échangés à des niveaux de prix plus élevés que les whiskies originaires des autres appellations, toutes choses égales par ailleurs.</p>
<h2>Garantie qualité</h2>
<p>Les appellations géographiques regroupent des systèmes de protection et de certification visant notamment à prévenir la contrefaçon et à promouvoir des produits spécifiques liés à une région géographique particulière. En garantissant l’origine du produit, une appellation géographique permet au producteur de garantir à ses acheteurs un certain niveau de qualité, qui dépend étroitement des caractéristiques géographiques du territoire de production que du respect de certaines règles de production.</p>
<p>En effet, les producteurs bénéficiant de la reconnaissance d’une appellation géographique s’engagent à respecter un cahier des charges strict, que ce soit en termes d’étapes de production que d’origines géographiques des matières premières. Les produits bénéficiant d’une appellation sont alors souvent perçus comme uniques et de haute qualité, ce qui permet de les différencier et justifier des prix plus élevés tout en renforçant la confiance des consommateurs.</p>
<p>Dans l’industrie française du vin, les appellations d’origine contrôlée (AOC) imposent aux producteurs-récoltants de cultiver des variétés de raisin particulières sur le terroir de l’appellation et garantissent que les raisins ont été cultivés sur ce terroir. Les AOC permettent ainsi de différencier les vins en termes de caractéristiques gustatives, du fait des propriétés inhérentes au terroir (sol, climat, population microbienne) ainsi que des variétés de raisin utilisées.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/550544/original/file-20230927-21-uowpqo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Carte des appellations écossaises" src="https://images.theconversation.com/files/550544/original/file-20230927-21-uowpqo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550544/original/file-20230927-21-uowpqo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=567&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550544/original/file-20230927-21-uowpqo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=567&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550544/original/file-20230927-21-uowpqo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=567&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550544/original/file-20230927-21-uowpqo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=712&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550544/original/file-20230927-21-uowpqo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=712&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550544/original/file-20230927-21-uowpqo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=712&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les cinq appellations géographiques des whiskies écossais : Campbeltown, Highland, Islay, Lowland, et Speyside. La zone « Island » est officiellement rattachée à la région du Highland mais certains considèrent qu’il s’agit d’une appellation à part.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Scotch_regions_blank.svg#/media/File:Scotch_regions.svg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>En ce qui concerne le whisky écossais, la réglementation stipule que la seule et unique condition pour pouvoir utiliser une appellation géographique est de distiller et vieillir le whisky sur le territoire correspondant. En revanche, il n’existe aucune règle concernant le type de céréales pouvant être utilisé, l’origine géographique de ces céréales, ou encore des tonneaux, et il est fréquent que les distilleries importent ces intrants. Si les céréales proviennent du continent européen et que les tonneaux viennent de Bordeaux, on peut, <a href="https://thewhiskylady.net/2016/05/20/scotch-whisky-regions-classification-still-relevant/">à l’image de certains professionnels du secteur</a>, s’interroger sur l’impact de la géographie du territoire écossais sur la qualité des whiskies et sur le bien-fondé de leurs appellations géographiques.</p>
<p>Ces appellations garantiraient-elles des conditions de vieillissement spécifiques, en exposant les tonneaux à des conditions climatiques propres à chaque territoire d’appellation ? Une simple visualisation de la carte des appellations permet d’écarter cette piste. L’appellation Highland regroupe par exemple des distilleries s’étalant sur plusieurs latitudes, certaines bénéficiant d’un air iodé du fait de leur localisation sur une île ou en bord de mer tandis que d’autres sont situées en plein cœur des terres, bien loin de toute influence marine !</p>
<h2>L’enjeu des labels</h2>
<p>Nos recherches permettent déjà de montrer que les consommateurs peuvent accorder une valeur plus élevée à certaines appellations même lorsque celles-ci ne permettent finalement pas de différencier la qualité des produits. Au-delà de ce simple constat, nos résultats invitent à s’interroger sur le contenu informationnel des appellations géographiques et sur leur lisibilité pour l’acheteur.</p>
<p>Ces interrogations sont légitimes tant pour le secteur du whisky que pour d’autres produits bénéficiant de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/labels-33624">labels</a> de qualité mettant en avant le lien entre la qualité du produit et son territoire de production : vin, fromage, viande, etc.</p>
<p>Nous pouvons notamment déduire de l’analyse du cas du whisky écossais que des producteurs peuvent bénéficier de la réputation favorable d’une appellation, même lorsque celle-ci ne fournit que peu d’indications sur la qualité réelle des produits. En montrant que les consommateurs peuvent être sensibles à des labels ou signaux de qualité au contenu informationnel particulièrement limité, nos travaux corroborent <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0264999317315468">d’autres recherches</a> qui appellent à réduire le niveau de complexité de certains systèmes d’appellations.</p>
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<p><em>L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération. L’alcool ne doit pas être consommé par des femmes enceintes</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214330/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Selon une étude, le consommateur se montre particulièrement sensible à la localisation de la distillerie, bien que cette information donne peu d'indications sur la qualité réelle des produits.Bruno Pecchioli, Professeur associé, ICN Business SchoolDavid Moroz, Associate professor, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2131182023-09-11T17:22:40Z2023-09-11T17:22:40ZÀ qui profitent vraiment les foires aux vins ?<p>Chaque année en septembre, au moment des vendanges, la grande distribution propose pendant environ un mois une offre de vins massive à des prix attractifs. Selon les enseignes, ces foires représentent 10 à 25 % des ventes annuelles de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/vin-20325">vin</a>, soit plus que celles enregistrées pour les fêtes de fin d’année. En 2022, elles ont représenté <a href="https://www.vitisphere.com/actualite-97972--16-les-foires-aux-vins-dautomne-limitent-la-casse.html">17,4 % des ventes totales de la grande distribution</a> dans ce rayon.</p>
<p>Dans un climat global de <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/la-deconsommation-provoque-un-tsunami-chez-les-distributeurs-1969163">déconsommation</a>, les foires aux vins revêtent un caractère de plus en plus stratégique. En effet, l’enjeu est d’attirer de nouveaux clients dans les enseignes. Car ces foires, lancées il y a 50 par les centres Leclerc en Bretagne et qui n’ont cessé de se développer depuis, représentent un formidable levier pour séduire le plus de clients possibles – qui vont généralement effectuer leurs courses alimentaires en parallèle de leurs recherches de bonnes affaires. Les marges faibles sur les vins sont donc plus que compensées par les ventes des autres produits.</p>
<p>Parfois, les enseignes proposent des vins haut de gamme, notamment de Bordeaux, que l’on ne trouve pas habituellement dans des supermarchés. Le gain d’image lié à une foire aux vins peut en effet être considérable. En 2015, l’enseigne Lidl l’avait bien compris en faisant un grand coup de « com » avec la vente de grands crus classés à des prix nettement inférieurs à ceux du marché, notamment <a href="https://theconversation.com/josephine-dyquem-femme-entrepreneure-du-xix-si%C3%A8cle-a-lorigine-dun-vin-de-legende-208404">l’iconique Château d’Yquem</a>, propriété de LVMH. Toute la presse en avait parlé, créant un buzz conséquent.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"634986071927992320"}"></div></p>
<p>On se dit dès lors que chacun a à gagner dans ces foires. Pourtant, loin s’en faut…</p>
<h2>« Marché gris »</h2>
<p>Les producteurs de vins très haut de gamme choisissent minutieusement leurs canaux de distribution. Ces derniers doivent correspondre à leur image luxueuse : présence dans les palaces, les restaurants étoilés, etc. Se retrouver en tête de gondole chez un hard discounter constitue donc une fâcheuse dissonance dans leur distribution élitiste. Or, cette situation reste possible en raison de l’existence d’un « marché gris » sur lequel s’alimentent certaines enseignes.</p>
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<p>Ce marché est constitué de stocks rachetés à des restaurants ou des cavistes en difficulté ou en faillite, d’invendus d’importateurs, de grossistes ou de détaillants étrangers, notamment asiatiques, qui se débarrassent de leurs stocks. Or, sans même parler de vins de luxe, mais simplement de vignerons qui ne souhaitent pas être distribués en grande surface à prix cassés, ce marché gris pose un sérieux problème d’image pour toute la filière.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1334186918679076868"}"></div></p>
<p>Pour les vignerons qui choisissent de participer aux foires aux vins, le risque de ne faire qu’un coup éphémère existe aussi. Car écouler en foires, c’est placer son vin à un prix bas qui pourra faire passer le prix « normal » dans les autres canaux de distribution comme trop élevé. Les acheteurs pourraient alors se détourner. Les prix des foires, reposant sur des marges de distribution plus faibles, brouillent la cohérence des prix tout au long de l’année et entre les canaux de distribution. Les vignerons peuvent alors entrer en conflit avec les autres distributeurs et se couper d’eux.</p>
<h2>Premiers arrivés, premiers servis</h2>
<p>Pour le client, si de bonnes affaires sont bien présentes, les risques liés au marché gris existent aussi. La conservation des produits sur ce marché étant notoirement aléatoire. Que sait-on des conditions de conservations de ces stocks d’invendus en Asie ? La probabilité de tomber sur une bouteille mal conservée et donc de mauvaise qualité est bien réelle. L’affaire n’aura pas été si bonne que ça, au final…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/taxer-plus-fortement-les-alcools-en-france-une-affaire-de-symbole-plus-que-de-recettes-211367">Taxer plus fortement les alcools en France : une affaire de symbole plus que de recettes</a>
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<p>Mais le principal risque pour le client, c’est de rentrer très frustré d’une foire aux vins. En effet, les publicités avant les foires présentent traditionnellement de belles occasions. Mais les stocks sont souvent très limités, à quelques caisses pour les grands domaines. Premiers arrivés, premiers servis, et seule une poignée de clients pourra bénéficier de l’offre. Même si la loi encadre les foires aux vins pour limiter la communication excessive autour de vins en quantité extrêmement limitée, <a href="https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/Publications/Vie-pratique/fiches-pratiques/Foire-aux-vins">ce phénomène reste très prégnant</a>.</p>
<p>Autre source de frustration pour les clients, le choix des vins s’avère très concentré. Au départ, quasiment seuls les Bordeaux puis les bouteilles de champagne étaient concernés. Si l’offre s’est étendue, elle reste un reflet très incomplet des différentes régions de France et du monde. De plus, le client aura du mal à retrouver dans l’enseigne le vin qu’il avait apprécié lors de la foire et qu’il voulait racheter. La frustration peut dès lors être double.</p>
<h2>Le prix fort toute l’année</h2>
<p>Enfin, pour la grande distribution elle-même, les foires aux vins sont une arme à double tranchant. Elles focalisent les ventes sur un court laps de temps. Après les foires, le rayon paraît bien morne et peu attirant pour les clients. Le risque est de dégrader la valeur perçue par le client du rayon vin le reste de l’année.</p>
<p>Les foires ancrent l’idée que ce n’est qu’à ce moment-là que l’on réalise de bonnes affaires. En creux, cela veut dire que le <a href="https://www.credoc.fr/download/pdf/Rech/C254.pdf">reste du temps on paie le prix fort</a>. C’est dommageable pour les enseignes car, malgré tout, ce rayon occupe du linéaire toute l’année et représente un stock qu’il faut porter. On touche ici les limites de ces opérations.</p>
<p>Au bilan, pas sûr que ces foires soient aussi profitables pour les différents acteurs que ce l’on pense. En particulier, les efforts commerciaux lors des foires ne seraient-ils pas plus utiles pour animer le rayon vin tout au long de l’année ? Pour essayer de créer du lien entre les clients et des vignerons, pour tenter d’intéresser de nouveaux consommateurs, etc. <a href="https://www.lsa-conso.fr/e-leclerc-de-rouffiac-tolosan-une-cave-au-c-ur-de-l-espace-trad,439261">Certaines enseignes le font</a>, car les modes de ventes doivent changer pour enrayer leur baisse.</p>
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<p><em>L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération. L’alcool ne doit pas être consommé par des femmes enceintes</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213118/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Marie Cardebat est président de la European Association of Wine Economists. </span></em></p>Les offres commerciales proposées tous les ans au mois de septembre constituent un enjeu important aussi bien pour la grande distribution que pour les producteurs et les consommateurs.Jean-Marie Cardebat, Professeur d'économie à l'Université de Bordeaux et Prof. affilié à l'INSEEC Grande Ecole, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2124782023-09-08T08:44:40Z2023-09-08T08:44:40ZZones commerciales périphériques : de l’eldorado économique au péril territorial<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/545501/original/file-20230830-25-se5vjb.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C2%2C940%2C530&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le parc des Senteurs 3 : un nouvel ensemble commercial en cours d'aménagement.</span> <span class="attribution"><span class="source">S. Deprez</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>La ministre déléguée chargée des PME, du commerce, de l’artisanat et du tourisme, Olivia Grégoire, annonçait en octobre dernier un plan de transformation des zones commerciales <a href="https://www.la-croix.com/Economie/Le-gouvernement-lance-plan-transformer-commerces-2022-10-30-1201240014">doté de 24 millions d’euros en 2023</a>, avec pour principale ligne directrice la transformation des plus touchées par la vacance. Ce sujet du <a href="https://www.persee.fr/doc/geo_0003-4010_1982_num_91_506_20129">commerce périphérique</a> et de son évolution fait ainsi l’objet de projets ambitieux et nécessaires, également à l’agenda politique de cette rentrée, mais qui appellent des changements bien plus profonds que nous avons mis en évidence dans de précédents <a href="http://www.riurba.review/Revue/l-avenir-des-zones-commerciales-71/">travaux</a>.</p>
<p>Prenons un exemple concret, en Seine-Maritime. Au cœur de l’été normand, les engins de construction réalisent les derniers aménagements du Parc des Senteurs 3, un énième ensemble commercial qui, sur 8 500 m<sup>2</sup>, accueillera dans quelques mois cinq nouvelles enseignes, sises dans la commune de Pissy-Pôville. </p>
<p>Ce projet fut en première intention refusé (avis défavorable n°2018-01 du 27 mars 2018) par la Commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) en raison d’une vacance commerciale forte dans la zone voisine où de nombreux locaux attendent depuis longtemps d’accueillir de nouvelles activités et du non-recours aux énergies renouvelables. Il a finalement été accepté en seconde lecture et motivé par les réponses du requérant sur le volet environnemental (avis favorable n°2019-09 du 23 juillet 2019).</p>
<p>Ce volte-face résume à bien des égards toute la réalité du moment où, à travers des démarches plus « vertueuses » – un mur végétalisé sur un bâtiment, des panneaux photovoltaïques sur son toit, des bornes de recharges électriques, des arceaux pour les vélos, le tri des déchets… –, le « développement durable » est mobilisé pour légitimer la non-remise en question du modèle commercial à la française dont on observe à la fois l’essoufflement et les dérives.</p>
<h2>Illustration d’un mal français</h2>
<p>Cet équipement – la troisième réalisation du même promoteur après l’ouverture des parcs éponymes 1 et 2 en 2009 et 2015 – marque un nouveau temps d’un long processus de mise en commerce initié il y a 40 ans maintenant, avec l’inauguration de l’hypermarché Carrefour et de sa galerie marchande dans la commune voisine de Barentin. Autour de lui s’est développée pas à pas une vaste zone commerciale où se juxtaposent, sans cohérence d’ensemble, les différents modèles d’implantation.</p>
<p>On pense ainsi aux parcs <em>solos</em> dans les années 1970, aux parcs d’aménagement commercial de la décennie suivante et au plus récents <em>retail park</em>. Tous ont marqué avec la même brutalité, partout sur le territoire, les entrées de villes comme les périphéries urbaines et alimenté une <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/letalement-urbain-une-heresie-130807">consommation effrénée</a> de terres agricoles pour développer une offre toujours plus dense et diversifiée et créer les parking pour accueillir les clients. À titre d’exemple l’Île-de-France compte à elle seule <a href="https://www.institutparisregion.fr/nos-travaux/publications/faciliter-la-mutation-du-foncier-commercial-vers-une-ville-mixte/">3 400 hectares de surface commerciale</a> : 48 % de l’emprise seraient occupés par le bâti, 28 % par des parkings et les 24 % restants par des « espaces libres, artificialisés, essentiellement dédiés aux circulations ».</p>
<h2>Un colosse au pied d’argile</h2>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/TIPtceGULZM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">4 septembre 1990 A Rennes, le centre commercial Alma s’agrandit avec la création d’une tour de verre, Alma CITY. Le journaliste Loïc MATHIEU en fait un billet d’humeur, regrettant l’ancienne épicerie de village qui disparaît derrière les centres commerciaux, signe de l’évolution des mentalités et de la consommation (Institut National de l’Audiovisuel/INA).</span></figcaption>
</figure>
<p>On a longtemps cru le modèle pérenne et difficile à contester. On le sait désormais fragilisé et vulnérable. Les inquiétudes transparaissent dans le discours alarmiste des professionnels du secteur.</p>
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<p>« Jamais la mise en place d’une politique publique du commerce n’a été aussi urgente et impérative. Il n’est plus possible d’attendre. Il faut à la fois stopper l’hémorragie, éviter une décommercialisation suite à la multiplication de fermetures de points de vente, les défaillances de réseaux et la vacance commerciale. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/546934/original/file-20230907-21-3s7bq7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/546934/original/file-20230907-21-3s7bq7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546934/original/file-20230907-21-3s7bq7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546934/original/file-20230907-21-3s7bq7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546934/original/file-20230907-21-3s7bq7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546934/original/file-20230907-21-3s7bq7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546934/original/file-20230907-21-3s7bq7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546934/original/file-20230907-21-3s7bq7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution du taux de vacance commerciale par type de pôle marchand en France entre 2013 et 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Panel Institut pour la Ville et le Commerce 220 agglomérations, données Codata retraitées, ORF</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les termes sont du directeur de la fédération pour la promotion du commerce spécialisé (<a href="https://www.procos.org/images/procos/presse/2023/Conf_2023/procos_cp_080223.pdf">PROCOS</a>) pour rappeler les difficultés du commerce spécialisé, omniprésent dans les zones périphériques. Et les prévisions de l’<a href="https://www.orf.asso.fr/">Observatoire régional du foncier d’Île-de-France</a> ne sont guère plus rassurantes : « Si cette dynamique nationale se poursuit, la vacance pourrait atteindre les 11 % en 2025 et 13 % en 2030 ».</p>
<h2>Surproduction immobilière : spéculation financière et déni territorial</h2>
<p>On observe pourtant une reprise rapide post-Covid de la production de mètres carrés dans l’immobilier commercial : s’il reste encore inférieur de 40 % à son niveau pré-pandémique de 2019 et se décline sous des projets plus petits, le <a href="https://www.lemoniteur.fr/article/immobilier-commercial-des-projets-toujours-plus-petits.2254286">volume global des surfaces (922 570 m²) augmente de 50 % sur un an</a>.</p>
<p><a href="https://www.eyrolles.com/Entreprise/Livre/les-mutations-de-l-immobilier-9782746713420/">La financiarisation de l’immobilier commercial</a> dans lequel chaque point de vente constitue un actif dans un portefeuille constitue le principal moteur de cette fuite en avant dans la production de surfaces de vente. Elle a porté un découplage croissant entre l’évolution des surfaces de commerce et <a href="https://theses.hal.science/tel-01529216">l’évolution de la consommation des territoires</a> bien identifié par Pascal Madry et alimenté, par effet rebond, dans un contexte de tassement des ventes et de recomposition des activités commerciales, le phénomène de vacance.</p>
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<p>Au gré de cessations d’activités, de rachats ou de repositionnements stratégiques des promoteurs et des franchises apparaissent et s’effacent ainsi des enseignes, se ferment et s’ouvrent de nouveaux points de vente sans que l’arrière-plan territorial ne dépasse la présence d’un marché rémunérateur. Ainsi les territoires sont-ils devenus de simples terrains de jeu, sans aucune attention ou presque sur les effets de leur implantation puis de leur départ sur l’économie locale et moins encore l’environnement.</p>
<h2>Gabegie et dérives environnementales</h2>
<p>On n’oublie en effet trop rapidement qu’à chaque nouveau mètre carré construit sont associées des consommations plurielles : de foncier, avec tous les effets de l’imperméabilisation des <a href="https://theconversation.com/pourquoi-il-est-si-important-de-preserver-la-sante-de-nos-sols-175934">sols</a> sur la <a href="https://theconversation.com/la-biodiversite-des-sols-nous-protege-protegeons-la-aussi-88538">gestion des eaux</a>, la faune, la flore et les <a href="https://theconversation.com/il-y-a-de-la-vie-dans-nos-sols-urbains-104649">équilibres naturels</a> ; de matériaux, souvent non renouvelables, pour bâtir et aménager les parkings ; d’énergie pour chauffer, éclairer et climatiser des locaux ; de carburants aussi, par les véhicules des clients et ceux des professionnels pour approvisionner les points de vente ou évacuer les déchets.</p>
<p>Et d’autres consommations seront engagées demain pour le démantèlement des équipements sans occupation et la requalification de ces espaces pour évoluer vers d’autres usages.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/inondations-y-a-t-il-un-bon-urbanisme-48772">Inondations : y a-t-il un bon urbanisme ?</a>
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<h2>Penser l’urbanisme par la consommation : une nouvelle approche</h2>
<p>Aussi faut-il retenir de l’exemple des zones périphériques des enseignements bien plus profonds qui amènent à réinterroger les approches, les conceptions et les façons d’agir en matière d’urbanisme. Il invite à poser la consommation comme fil directeur et élément transverse dans les réflexions sur la <a href="https://www.univ-lehavre.fr/spip.php?article3920">fabrique des territoires et le projet urbain</a>.</p>
<p>La consommation est à la fois pratique et réponse à la satisfaction d’un besoin (ici l’approvisionnement et l’équipement des personnes et foyers, ailleurs des carburants ou de tout bien) ; fonctionnelle (électricité et flux divers dans un commerce, un logement ou tout autre équipement) ; matérielle au sens des éléments produits et mobilisés pour la construction des infrastructures et autres artefacts puis leur effacement. Elle concerne enfin aussi les ressources, foncières et naturelles, renouvelables ou non ainsi qu’un ensemble d’autres facteurs.</p>
<p>À cette croisée entre consommations et urbanisme prennent corps les fondements possibles d’une dialectique nouvelle, que j’appelle le consurbanisme, pour poser un regard original sur les divers processus d’urbanisation passés et présents et proposer une grille de lecture des futurs projets dans un contexte de dépassement des limites planétaires. Les trajectoires du moment dans certains secteurs – la création effrénée d’entrepôts logistiques par exemple – en rappellent avec force toute l’urgence.</p>
<p>Mais il nous faudra aussi réinterroger fondamentalement la <a href="https://www.blast-info.fr/emissions/2022/peut-on-sortir-de-la-societe-dhyperconsommation-CXL6iTDhQ5yJEJkfsPo_Lw">société de l’hyperconsommation</a> qui porte et alimente tous ces processus. Les échanges dans le cadre du <a href="https://www.eventbrite.fr/e/billets-colloque-du-cercle-de-lobsoco-672633132807?aff=eemailordconf&utm_campaign=order_confirm&ref=eemailordconf&utm_medium=email&utm_source=eventbrite&utm_term=viewevent">prochain colloque du cercle de l’ObSoCo</a> nous y aideront sans nul doute.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212478/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Samuel Deprez ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le modèle des zones commerciales s’essoufle et nécessite d’être repensé en profondeur pour allier consommation et urbanisme de façon plus vertueuse.Samuel Deprez, Maître de conférences habilité à diriger des recherches en aménagement de l'espace et urbanisme, Université Le Havre NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2118392023-08-30T16:29:51Z2023-08-30T16:29:51ZProposer des abonnements automatiques après essai, une stratégie perdante pour les entreprises<p>Facture de téléphone ou d’énergie, il est de nos jours pratiquement impossible d’échapper aux systèmes d’abonnement. Sans compter les adhésions aux plates-formes de musique, de vidéo à la demande, les clubs de sport ou les livraisons hebdomadaires de plats « prêts à cuisiner », nous autorisons toujours au moins un abonnement en débit direct.</p>
<p>En tant que <a href="https://theconversation.com/topics/consommateurs-33275">consommateurs et consommatrices</a>, nous les multiplions et, même lorsque nous avons la ferme <a href="https://theconversation.com/topics/economie-comportementale-61690">intention</a> de les annuler après avoir regardé la série qui nous intéressait ou profité de quelques mois gratuits, bien souvent nous n’en faisons rien. On dit alors que nous sommes « inertes » face aux abonnements : nous ne menons aucune action et laissons les choses en jachère, même si le service décide d’augmenter ses tarifs ou de modifier ses conditions générales. Il s’agit là d’un trait dont de nombreuses entreprises abusent en proposant des offres d’adhésion à bas prix, avant d’augmenter les prix une fois le consommateur abonné.</p>
<p>Au moment de s’abonner, les consommateurs ont-ils conscience de leur future passivité ? Et si oui, le savoir les empêche-t-il de s’abonner à des offres d’apparence attractive ? Dans des <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4065098">travaux récents</a>, menés avec Navdeep S. Sahni de l’université de Stanford et Avner Strulov-Shlain de l’université de Chicago, nous avons exploré cette pratique afin de déterminer si, en plus d’être discutable d’un point de vue éthique, elle est réellement profitable aux sociétés. Il semble bien que ce ne soit pas le cas.</p>
<h2>Des consommateurs conscients de leur passivité</h2>
<p>Il existe une pléthore de travaux fondés sur les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S004727272200024X">comportements des consommateurs déjà abonnés</a>. Dans notre cas, nous avons cherché à prendre les choses à la racine, en considérant ce qui influence les consommateurs dans leur décision initiale, au moment de s’abonner, puis en les suivant deux années durant.</p>
<p>Lors d’une expérience sur le terrain à grande échelle, nous avons soumis des offres d’abonnement à 2,1 millions de lecteurs et lectrices lorsqu’ils se retrouvaient confrontés à la page « accès payant » d’un grand quotidien européen. Celles-ci étaient accompagnées d’une offre promotionnelle.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1656978130534293506"}"></div></p>
<p>Lecteurs et lectrices se retrouvaient aléatoirement confrontés à un abonnement à renouvellement automatique ou à annulation automatique. Le contrat à renouvellement automatique se transformait en abonnement payant pour les consommateurs qui acceptaient la promotion, mais ne l’annulaient pas explicitement, pratique que l’on qualifiera d’« abusive ». Le contrat avec annulation automatique ne se renouvelait qu’à condition que le consommateur acceptant la promotion clique sur « s’abonner » pour démarrer un abonnement payant, pratique « non abusive ».</p>
<p>Dans chacun des cas, nous avons aléatoirement proposé une période d’essai promotionnelle de quatre semaines ou de deux semaines, à un prix d’appel de 0,99 ou de 0 euros. Tous les autres aspects des contrats étaient identiques, afin de garantir le bon déroulement de l’expérience.</p>
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<p>La première chose que nous avons observée est que les contrats à renouvellement automatique donnaient significativement lieu à moins d’abonnements. Les chances qu’un lecteur ou une lectrice y souscrivent sont de 28 % inférieures à celles d’un contrat à annulation automatique. Contrairement à de précédentes <a href="https://www.ausubel.com/creditcard-papers/time-inconsistency-credit-card-market.pdf">études</a> suggérant que les consommateurs ignoraient leur propre passivité, ce résultat montre qu’ils savent faire preuve de sophistication et anticiper leur propre comportement. Ayant conscience qu’après avoir vu les articles les intéressant, ils risquaient de demeurer abonnés pendant au moins une courte période, ils témoignent d’une préférence pour les contrats offrant une porte de sortie facile : l’annulation automatique.</p>
<p>Seuls 2 % (environ) de la population serait totalement passive. Ces consommateurs s’abonnent et ne résilient pas leur contrat, même lorsqu’ils n’utilisent pas le service.</p>
<h2>Davantage de résiliations</h2>
<p>L’année suivant la fin de la période promotionnelle, les consommateurs qui s’étaient abonnés aux contrats à renouvellement automatique le sont restés plus longtemps que ceux ayant opté pour l’annulation automatique. Pour les entreprises, cela suggère que sur cet horizon de temps, proposer des contrats à renouvellement automatique peut permettre d’augmenter les profits.</p>
<p>Si à la fin de la période promotionnelle, le journal comptait 21 % d’abonnés de plus parmi ceux s’étant vu proposer un abonnement automatique, ce chiffre décroît néanmoins au fil du temps : à la fin des deux ans, le fait d’avoir proposé un abonnement automatique plutôt qu’une annulation automatique conduirait à 10 % d’abonnés en moins. Autrement dit, sur le long terme, le journal a conservé davantage d’abonnés parmi ceux s’étant vu proposer l’annulation automatique et a réalisé des profits supérieurs grâce à ce groupe.</p>
<p>Les entreprises ont-elles ainsi intérêt à abuser des biais de comportements des consommateurs pour maximiser leurs profits ? Nos résultats suggèrent qu’à long terme, la réponse est « non ». Proposer une souscription automatique après une période promotionnelle, c’est non seulement se priver de potentiels abonnés qui anticipent dès le départ leur inertie, mais aussi avoir des abonnés qui, partiellement inertes, résilieront davantage leur abonnement au fil du temps.</p>
<h2>Vers des abonnements plus justes ?</h2>
<p>Ces consommateurs tendent même, par la suite, à avoir une moins bonne opinion de la société qui cherche à faire des profits ainsi. Certains contre-attaquent. Ceux qui se sont vu proposer un abonnement automatique sont 10 % de moins à accepter un nouveau contrat avec la même entreprise passés les deux ans.</p>
<p>Les effets des prix et de la durée de la période promotionnelle possèdent eux des effets moindres, sinon non significatifs.</p>
<p>De toute évidence, l’argent rapide obtenu grâce aux contrats abusifs à renouvellement automatique ne compense pas le potentiel retour de bâton. Que certaines sociétés, comme <a href="https://theconversation.com/topics/netflix-53737">Netflix</a>, agissent pour améliorer leur image auprès des consommateurs passifs en les contactant pour les aider à résilier leur abonnement pourrait bien être payant sur le long terme.</p>
<p>Les <a href="https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/Publications/Vie-pratique/Fiches-pratiques/abonnements-caches">organismes de régulation</a> s’inquiètent de plus en plus des offres d’abonnement abusives qui profitent du comportement passif des consommateurs. On peut donc s’attendre à voir apparaître davantage d’offres d’abonnement avec des conditions plus justes, comme la possibilité d’une annulation automatique ou un renouvellement automatique avec des rappels réguliers et une possibilité de résiliation en un clic.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211839/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Klaus Miller ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une expérience montre que les consommateurs se montrent, à long terme, réticents vis-à-vis d’une société qui tenterait de jouer sur l’oubli de résilier le contrat.Klaus Miller, Professeur assistant en Marketing, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2089922023-07-26T10:22:46Z2023-07-26T10:22:46Z« Objets cultes » : Le sac à dos<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/539510/original/file-20230726-15-iamzh7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=67%2C5%2C1211%2C845&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un sac pour transporter le strict nécessaire. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/sac-%C3%A0-dos-sac-femme-fille-for%C3%AAt-1836594/">Pixabay</a></span></figcaption></figure><p><em>Voir du sens là où beaucoup ne voient que des choses : tel était le credo de Roland Barthes. Dans ses « Mythologies », recueil de 53 textes paru au milieu des années 1950, le sémiologue observe à la loupe le rapport des Français au steak frites, au catch ou aux jouets en plastique. Pour lui, les objets et les grands rendez-vous populaires révèlent à merveille l’esprit et les affects d’une époque. Aujourd’hui, ces objets ont changé, mais l’exercice n’a pas pris une ride et c’est Pascal Lardellier, professeur à l’université de Bourgogne, qui se penche avec gourmandise sur nos « objets cultes » de 2023. Aujourd’hui, pleins feux sur le sac à dos !</em></p>
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<p>À la télévision, une publicité récente pour une nouvelle marque de sac à dos met en scène une jeune fille astronaute qui débarque sur une planète lointaine, avec le slogan : « Résiste à tous vos rêves ». Car cet objet somme toute assez banal (qui ne possède pas de sac à dos ?) convoque un imaginaire bien particulier, celui de l’aventure.</p>
<h2>Aventuriers modernes</h2>
<p>On parle souvent de « jungle urbaine » : dans cette jungle-là, faite de transports en commun et de longues journées loin de chez soi, il faut de quoi embarquer son barda, son équipement de survie, qui varie bien sûr d’un individu à l’autre. Mais en 2023, on y trouve souvent un téléphone et/ou un ordinateur portable, des écouteurs ou un casque, un chargeur (ou un chargeur « de secours »), une gourde… Et mille autres objets personnels, livres, guides, chargeurs… qui nous sont chers, ou qui nous sont utiles.</p>
<p>Le sac à dos, objet à l’origine « viril », est associé à l’aventurier, mais aussi au militaire. Dans l’imaginaire collectif, Indiana Jones vient tout de suite à l’esprit, avec une cohorte d’explorateurs en herbe et autres scouts si bien croqués par Wes Anderson dans <em>Moonrise Kingdom</em>. Mais on pense aussi aux émissions de téléréalité qui mettent en vedette Bear Grylls (<em>Man versus Wild</em>) – l’ancien militaire britannique a bien entendu commercialisé son propre « backpack » – ou encore à l’Australien Mike Horn, lui aussi ancien militaire, pour la déclinaison française de l’émission (<em>A l’état sauvage</em>). Il s’agit de se confronter au vaste monde, certes, mais dotés d’un équipement complet et aussi compact que possible.</p>
<h2>Se distinguer</h2>
<p>Le monde du sac à dos, comme tout objet de consommation courante, fait l’objet d’une sévère bataille marketing : il s’agit, comme toujours, de se distinguer dans la masse. Il y a bien évidemment le sac générique (dans une rue new-yorkaise, un passant a deviné que j’étais Français à cause de la marque de mon sac à dos !), mais l’objet peut se décliner en fonction du genre, de la génération, ou de la catégorie socioculturelle. Sacs techniques, technologiques, sac d’aventurier, de randonneur, de militaire, sacs collector…</p>
<p>Notre société individualiste valorise l’autonomie, mais aussi le nomadisme et la mobilité : pour être toujours en mouvement et « toujours prêt » comme disent les scouts, il faut transporter quelques objets basiques sur soi et surtout rester libre de ses mouvements : en libérant les bras et les mains, le sac à dos donne une impression de légèreté et de liberté – quitte à donner maladroitement des coups de sac à ses voisins dans les transports en commun : on se désencombre grâce à nos sacs à dos, mais on encombre l’espace public. Le sac à dos, quand il devient trop encombrant, évoque aussi des univers moins glamour : celui qui transporte sa maison sur son dos se transforme en escargot ou en tortue. Il se déplace avec peine, son centre de gravité déséquilibré par ce qu’il porte. On n’est plus vraiment dans la mobilité triomphante…</p>
<p>L’été, on croise dans les capitales européennes une Internationale de jeunes baroudeurs (la « génération Erasmus » et le rite initiatique « Pass Interrail »), Gullivers modernes bardés de sacs à dos énormes, desquels dépassent des tapis roulés ou d’où pendent des chaussures de marche. Ces sacs customisés par des fanions souvenirs multicolores et autres autocollants politiques sont en quelque sorte la maison de ces jeunes voyageurs. On les plaint et on les envie tout à la fois. Leur « barda » est volumineux, mais ces jeunes sont légers finalement, délestés du superflu et vivant une bohème estivale faite d’imprévus, d’aventures, de rencontres, avec pour unique compagnon ce sac, contenant le viatique indispensable pour vivre. On le gardera précieusement au retour, comme une relique usée mais patinée, gardienne de souvenirs de galères et d’émerveillement.</p>
<h2>Jamais pris en défaut ?</h2>
<p>Ce sac à dos contient aussi un fantasme, celui de l’organisation parfaite. On a un espace réduit, mais optimisé. On a tout à portée de main, avec des poches cachées, impossible d’être pris en défaut. Mais face à cette rationalité, il y a un autre principe : souvent, le sac s’allège au fil du chemin. Dans les récits de voyages à pied (dont <em>Le chemin de Compostelle</em> reste l’horizon indépassable), il y a presque toujours un moment où le narrateur abandonne ou offre des choses en chemin, objets qui l’alourdissaient inutilement. Le sac à dos symbolise donc une forme de rite initiatique toujours renouvelé, qui permet de réévaluer ce qui est nécessaire à l’aune du voyage – les objets rassurent jusqu’à ce que nous n’ayons plus besoin d’eux pour apprécier le chemin…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208992/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>cet objet somme toute assez banal (qui ne possède pas de sac à dos ?) convoque un imaginaire bien particulier, celui de l'aventure.Pascal Lardellier, Professeur à l'Université de Bourgogne Franche-Comté, Chercheur au laboratoire CIMEOS, Université de Bourgogne – UBFCSonia Zannad, Cheffe de rubrique Culture, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2095512023-07-18T18:29:32Z2023-07-18T18:29:32ZMode et dégâts environnementaux : comment aider les consommateurs à en prendre conscience ?<p>La production de matières textiles, dont la première destination est l’industrie de la mode, n’a cessé d’augmenter depuis le début du siècle. Celle-ci est passée de près de 60 millions de tonnes par an en 2000 à près de 110 en 2020, avec des prévisions estimant les volumes à près de 130 millions de tonnes par an en 2025, près de 150 en 2030.</p>
<p>Cette croissance exponentielle est vivement préoccupante car la production des matières textiles a de multiples impacts : sur le climat avec une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959652621006107">contribution avérée au réchauffement climatique</a>, sur la biodiversité du fait de <a href="https://librairie.ademe.fr/consommer-autrement/1524-revers-de-mon-look-9791029710520.html">pratiques de déforestation, de surexploitation des sols et de pollution de l’air, des sols et de l’eau</a>, et sur le bien-être et la santé des personnes travaillant dans l’industrie, avec des risques relatifs à la salubrité et la sécurité sur le lieu de travail, la précarité de l’emploi voire des <a href="https://issuu.com/fashionrevolution/docs/fr_whitepaper_2020_digital_singlepages">cas avérés de non-respect du droit du travail</a>, des droits humains et de l’enfant.</p>
<p><iframe id="797NC" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/797NC/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Pour remédier à ces impacts liés à la production des matières textiles, certaines marques de l’industrie de la mode cherchent à respecter les principes du développement durable. Elles ont recours à des modes de production moins dommageables pour l’environnement, les animaux et les personnes.</p>
<p>Concrètement, ces engagements conduisent les marques à privilégier des matières textiles naturelles moins polluantes (coton biologique) et nécessitant moins d’eau (lin, chanvre), des matières textiles recyclées (<a href="https://theconversation.com/industrie-de-la-mode-les-effets-tres-limites-du-recyclage-des-textiles-145363">bien que leur production présente des limites</a>), des matières respectant le bien-être animal – par exemple, labélisées <em>responsible wool standard</em> (RWS) – ou encore des matières alternatives aux matières animales (par exemple le <a href="https://www.wedressfair.fr/matieres/cuir-d-ananas-pinatex">Piñatex</a> fabriqué à base d’ananas pour éviter l’usage du cuir).</p>
<p>De manière transversale, ces engagements conduisent aussi les marques à privilégier des matières produites en Europe ou à l’étranger en suivant des chartes éthiques. À titre d’exemple, la marque <a href="https://la-mode-a-l-envers.loom.fr/insectocalypse-now-pourquoi-on-passe-nos-vetements-au-coton-bio/">Loom propose majoritairement des vêtements en coton</a> mais aussi en lin ou en laine. Le coton et le lin sont certifiés <em>global organic textile standard</em> (GOTS), la laine est certifiée « mulesing-free » (c’est-à-dire sans la pratique chirurgicale qui consiste à retirer la peau située autour de la queue des moutons et qui <a href="https://www.thegoodgoods.fr/mode/le-probleme-du-mulesing-dans-la-laine/">relève de la maltraitance animale</a>). Le lin est cultivé en France, le coton en Inde, ces matières sont tissées en Italie et les vêtements sont confectionnés au Portugal.</p>
<h2>Entre manque de connaissance et culpabilité</h2>
<p>Du côté des consommateurs, un intérêt croissant pour ces marques et ces produits se traduit par des intentions d’achat. Par exemple, 64 % des Français se déclarent prêts à acheter des <a href="https://media.licdn.com/dms/document/media/C4E1FAQGqv6GDPGTPjA/feedshare-document-pdf-analyzed/0/1673530086273?e=1689206400&v=beta&t=dDqgXxYDMrBjZONYfem7yoxbvwuv4BDG4EtN_9A7_MA">vêtements contenant des fibres naturelles, recyclées ou labellisées</a>, et 65 % soulignent que l’engagement des marques en matière de développement durable <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/les-francais-et-la-mode-durable">constitue un critère important</a> de leurs achats de vêtements.</p>
<p><iframe id="K4Cj3" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/K4Cj3/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En parallèle cependant, il apparaît clairement que les consommateurs manquent de connaissances sur les matières textiles et leurs impacts, <a href="https://theconversation.com/la-transition-vers-une-mode-ethique-un-chemin-seme-dembuches-163905">voire n’en ont pas conscience</a>, bien qu’un certain nombre ressentent quoi qu’il en soit un sentiment négatif, <a href="https://theconversation.com/fast-fashion-porter-des-vetements-non-ethiques-fait-desormais-culpabiliser-le-consommateur-183052">voire de la culpabilité</a> en lien avec leurs achats de vêtements, particulièrement pour la <em>fast fashion</em>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/fast-fashion-porter-des-vetements-non-ethiques-fait-desormais-culpabiliser-le-consommateur-183052">« Fast fashion » : porter des vêtements non éthiques fait désormais culpabiliser le consommateur</a>
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<p>Dans une récente <a href="https://www.researchgate.net/publication/370531488_Vers_une_prise_de_conscience_des_enjeux_ethiques_des_matieres_textiles_par_les_consommateurs_dans_le_cadre_de_la_transition_ecologique">recherche</a>, nous avons alors voulu comprendre comment peut s’opérer une prise de conscience des impacts des matières textiles sur le vivant. Grâce à 21 entretiens réalisés en France au domicile de consommateurs, en deux temps et à 6 mois d’intervalle, nous dégageons deux niveaux de conscience et expliquons comment les consommateurs peuvent passer de l’un à l’autre.</p>
<p>Au premier niveau, qualifié de <strong>conscience d’accès</strong>, ou de conscience <em>phénoménale</em>, le consommateur « sait » ce qu’est le coton : il connait les sensations associées à cette matière, il peut en parler, mais cela ne s’accompagne pas nécessairement d’une conceptualisation des impacts sur le vivant de cette matière.</p>
<p>Au second niveau, d’ordre supérieur, qualifié de <strong>conscience réflexive</strong>, le consommateur produit un jugement, souvent d’ordre moral, sur ses propres actes. Dans le cas des matières textiles, cela se traduit notamment par la prise en compte des enjeux éthiques associés aux matières, via deux dimensions :</p>
<ul>
<li><p>La durabilité du vêtement, autrement dit dans quelle mesure les matières textiles contribuent à « faire durer » le vêtement. C’est l’exemple d’une personne qui va acheter du coton parce qu’elle trouve que cette matière tient bien dans le temps.</p></li>
<li><p>Les impacts sur le vivant, autrement dit les conséquences de la production des matières textiles sur l’environnement, les animaux et les personnes. C’est l’exemple d’une personne qui va acheter du coton biologique parce qu’elle sait que cette matière nécessite moins de pesticides que du coton conventionnel, ou qui privilégie le lin sachant que cette matière nécessite moins d’irrigation que le coton.</p></li>
</ul>
<p>Pour passer du premier niveau au second, et du second niveau de la première dimension (durabilité du vêtement) à la seconde (impacts des matières textiles sur le vivant), certains évènements vont jouer un rôle clef.</p>
<h2>Le rôle clef des évènements suscitant la désadaptation</h2>
<p>Ces événements peuvent être une conversation avec un proche, <a href="https://www.nouveaumodelepodcast.com/">l’écoute d’un podcast</a>, la lecture d’un postexplicatif sur les réseaux sociaux, la lecture d’une étiquette de vêtement, l’expérience d’un vêtement qui se déforme au lavage, etc. Ils vont créer une désadaptation, un décalage par rapport au réel tel que celui-ci était jusqu’alors vécu.</p>
<p>Cette désadaptation, si elle s’accompagne ensuite d’une verbalisation pour autrui, permet la conceptualisation puis la réflexivité. Autrement dit, un évènement suscitant une désadaptation peut mener à une réflexion sur ce que cet évènement a révélé, mis en lumière pour le consommateur. Il en résulte des apprentissages qui sont le fruit du passage d’un niveau à l’autre.</p>
<p>Lorsque les matières deviennent des objets de réflexion suite à une désadaptation, certains consommateurs se rendent tout d’abord compte qu’ils n’avaient pas de connaissances sur les impacts des matières textiles sur le vivant, ou qu’ils avaient des connaissances erronées.</p>
<h2>Tous les consommateurs ne sont pas prêts</h2>
<p>De ce fait, certains vont chercher à se renseigner davantage : en regardant plus souvent les étiquettes, en faisant des recherches sur Internet, en interrogeant des vendeurs en magasin, en échangeant avec leurs proches, etc. Ceci pourra ensuite se traduire par des achats de vêtements contenant des matières jugées plus respectueuses de l’environnement, des personnes et des animaux, ou par l’identification de marques proposant des produits contenant ce type de matières, que les personnes rencontrées voudraient privilégier par le futur.</p>
<p>Cependant, tous les consommateurs ne souhaitent pas ou ne sont pas prêts à conceptualiser les impacts des matières textiles sur le vivant. Parmi les personnes que nous avons rencontrées, cela est dû à un désintérêt pour la catégorie vêtements, à un désintérêt pour l’environnement, le bien-être des personnes ou le bien-être animal, ou un sentiment d’impuissance quant aux impacts de la production des matières textiles sur le vivant.</p>
<h2>Une nécessaire verbalisation</h2>
<p>Cette recherche permet de formuler des recommandations destinées aux marques de mode qui souhaiteraient accompagner les consommateurs vers une plus grande conscience des impacts des matières textiles sur le vivant. Nous mettons à jour que l’information seule peut créer la désadaptation, mais ne suffit pas à la conceptualisation et donc à ce qu’une prise de conscience opère.</p>
<p>La verbalisation est nécessaire. En ce sens, les vendeurs ont un rôle clef à jouer en boutique, afin d’accompagner les consommateurs dans la compréhension des informations mises à leur disposition (étiquettes permettant d’identifier le type de matières textiles, labels, éléments de PLV mettant en avant les engagements de la marque pour réduire les impacts sur le vivant de ses vêtements du fait des matières les composant).</p>
<p>Enfin, afin de favoriser la prise de conscience en permettant la verbalisation pour autrui, des organisations comme <a href="https://theconversation.com/institutions/ademe-agence-de-la-transition-ecologique-2357">l’Ademe</a> (Agence de la transition écologique) ou <a href="https://refashion.fr/fr">Re_Fashion</a> (éco-organisme de la filière textile habillement, linge de maison et chaussures) pourraient organiser des ateliers avec des consommateurs pour échanger sur l’industrie de la mode et les sensibiliser à un « mieux consommer » les vêtements, nécessaire dans un contexte de <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-comment-consommer-avec-sobriete-169574">transition des modes de vie vers la sobriété</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209551/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Selon un travail de recherche, un évènement simple comme une conversation avec un proche ou la lecture d’un post sur les réseaux sociaux peut créer un déclic dans les habitudes d’achat de vêtements.Edith de Lamballerie, Doctorante en sciences de gestion, Université Paris Dauphine – PSLValérie Guillard, Professeur des Universités (Sciences de Gestion), Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2096212023-07-12T15:38:03Z2023-07-12T15:38:03ZLa réalité virtuelle va-t-elle se démocratiser maintenant qu’Apple est de la partie ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/537022/original/file-20230712-29-ph4sqr.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C3%2C1196%2C894&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En juin 2023, Apple lançait son casque de réalité virtuelle au prix de 3500 dollars.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:AR-_Apple_Vision_Pro_%282023%29.png">Wikimedia commons/Steve Zhang</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En 2015, le magazine <em>Time</em> avait annoncé que la technologie de la réalité virtuelle (RV) allait <a href="https://time.com/3987022/why-virtual-reality-is-about-to-change-the-world/">« changer le monde »</a>. En effet, depuis que Facebook a payé 3 milliards de dollars pour racheter le fabricant de casques Oculus VR en 2014, il a été largement proclamé que la RV était la <a href="https://fortune.com/longform/virtual-reality-struggle-hope-vr/">« prochaine grande innovation »</a> dans le divertissement grand public. Le dirigeant Mark Zuckerberg cherche notamment à assurer l’avenir de son groupe, devenu Meta fin 2021, avec cette technologie qui permet notamment d’accéder au <a href="https://theconversation.com/fr/topics/metavers-111662">« métavers »</a>, ces mondes virtuels annoncés comme étant le futur d’Internet.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1453794227154927617"}"></div></p>
<p>Malgré ces promesses ambitieuses et la disponibilité accrue des casques, la réalité virtuelle reste néanmoins loin d’être une technologie grand public. Alors que le chiffre d’affaires des ventes de jeux a dépassé 185 milliards de dollars en 2022 et devrait continuer à <a href="https://www.statista.com/outlook/dmo/digital-media/video-games/worldwide?currency=USD">croître de 8 % par an jusqu’en 2027</a>, les ventes de casques de RV ont de surcroît <a href="https://www.ecranmobile.fr/Les-ventes-de-casques-de-realite-virtuelle-chutent-de-12_a73027.html">reculé de 12 % en 2022</a>.</p>
<p>Faut-il, dès lors, ajouter cette technologie à la liste des investissements ratés, à l’image de <a href="https://medium.com/nyc-design/the-assumptions-that-led-to-failures-of-google-glass-8b40a07cfa1e">l’échec des Google Glass</a> il y a plus de 10 ans ? Pour l’instant, le métavers se résume à des appels Zoom maladroits, à quelques jeux amusants utilisant la réalité virtuelle et à des avatars numériques. En fait, le jeu vidéo en ligne <em>Fortnite</em> est peut-être ce qui s’en rapproche le plus, même si l’on prédit que les possibilités d’utilisation du métavers iront bien au-delà du jeu. Cela ne veut pas dire que ces technologies n’ont pas un potentiel énorme, mais au-delà de tout le battage médiatique, elles n’ont pas encore d’impact significatif sur nos vies. Comment cela se fait-il ?</p>
<h2>Fatigue oculaire et maux de tête</h2>
<p>L’immersion dans un monde virtuel reste donc largement réservée à certains adeptes précoces. Notre <a href="https://www.storyfutures.com/resources/audience-insight-report">étude</a> (qui a utilisé les casques Quest 2 de Meta, leader du marché) met en évidence une série de « frictions » qui empêchent l’utilisateur de terminer ou de poursuivre son utilisation du casque.</p>
<p>Ces frictions, plus ou moins importantes, comprennent :</p>
<ul>
<li><p>les facteurs contextuels : par exemple, manque de temps car la réalité virtuelle est en concurrence avec d’autres engagements et d’autres formes de divertissement médiatique ;</p></li>
<li><p>les problèmes logistiques : par exemple, espace de jeu insuffisant et problèmes de sécurité connexes ;</p></li>
<li><p>les facteurs physiques, tels que l’inconfort, le mal des transports, la fatigue oculaire et les maux de tête ;</p></li>
<li><p>la frustration sociale : la réalité virtuelle est perçue comme un facteur d’isolement et on la croit peu apte à favoriser les interactions avec d’autres personnes à distance ;</p></li>
<li><p>le manque d’un contenu varié et suffisant.</p></li>
</ul>
<p>Nous avons constaté que la réalité virtuelle exigeait un niveau élevé d’implication de la part de l’utilisateur : entrer dans l’expérience de la réalité virtuelle n’est pas sans effort. Plutôt que de regarder ou de se faire raconter une histoire, l’utilisateur se trouve à l’intérieur de l’histoire, il y participe et en fait l’expérience d’une manière plus intime. En trompant les sens des utilisateurs pour leur donner l’impression d’être présents dans le monde virtuel, la RV prélève un tribut cognitif.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/AfRMUMFK4Nc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Webinar Audience Insight Report : the users of immersive technologies (2021, en anglais).</span></figcaption>
</figure>
<p>La transition vers et hors de la réalité virtuelle est donc cruciale, ce qui souligne l’importance du soin accordé à l’expérience de l’entrée et de la sortie pour aider les utilisateurs à réussir la transition et atténuer bon nombre de ces frictions. Notre étude a montré qu’à l’heure actuelle, le casque n’était pas jugé suffisamment attrayant pour être utilisé régulièrement et qu’il était plutôt relégué aux occasions spéciales.</p>
<p>Si l’introduction du Quest Pro en 2022 a permis d’améliorer les performances, les graphismes et l’ergonomie, les critiques ont rapidement remarqué qu’il était en fait plus lourd que le Quest 2 ou encore qu’il avait une <a href="https://www.theverge.com/23451629/meta-quest-pro-vr-headset-horizon-review">durée de vie de batterie plus courte</a>.</p>
<h2>Des casques à 3 500 dollars</h2>
<p>En juin 2023, <a href="https://www.forbes.com/sites/richardnieva/2023/06/05/apple-unveils-vision-pro/?sh=39deef7811de">Apple est entré dans l’arène</a> avec un nouveau casque – bien qu’au prix ahurissant de 3 500 dollars –. La marque à la pomme va-t-elle ouvrir ainsi les portes du métavers ? En effet, l’iPhone reste le plus grand succès de l’histoire des produits de consommation, l’AppStore est l’un des modèles économiques les plus rentables et les AirPods sont probablement le dispositif portable le plus populaire avec <a href="https://www.cnbc.com/2022/01/03/apple-airpods-business-grew-like-gangbusters-over-the-holidays.html">90 millions d’exemplaires vendus au cours du trimestre des fêtes en 2021</a> (les utilisateurs les portent même lorsqu’ils ne les utilisent pas), offrant ainsi un portail vers au moins un métavers audio.</p>
<p>Apple réussira-t-il là où Meta a échoué jusqu’à présent ? Bien qu’il soit trop tôt pour le dire, il est clair qu’en donnant la priorité à l’expérience de l’utilisateur, Apple pourrait surmonter les nombreuses frictions liées à l’entrée et à la sortie du virtuel. Les <a href="https://www.inverse.com/tech/apple-vision-pro-hands-on-first-impressions">premiers retours d’expérience</a> suggèrent que le suivi précis des yeux et le contrôle des gestes de la main fonctionnent de façon harmonieuse. Il est évident qu’Apple devra investir dans le contenu et baisser le prix, mais ce casque pourrait bien être celui que l’utilisateur voudra utiliser.</p>
<p>En outre, le géant californien évite dans sa communication toute mention au métavers pour contourner <a href="https://www.coindesk.com/business/2023/02/01/facebook-parent-metas-metaverse-division-lost-137b-in-2022/">l’échec perçu</a> de son principal concurrent dans ce domaine : les investisseurs ont en effet demandé à Meta de réduire ses dépenses dans le métavers, car cela avait réduit ses bénéfices. En résumé, la magie de la conception conviviale d’Apple présente un potentiel important à long terme. Cependant, il reste aux développeurs à trouver quel pourraient être les cas d’utilisations idéaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209621/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chloe Preece ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le manque de contenus ou encore l’inconfort ressenti avec les casques freinent l’essor de la réalité virtuelle. Apple entre aujourd’hui sur le marché avec l’ambition de lever ces obstacles.Chloe Preece, Associate Professor in Marketing, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2066412023-06-15T07:09:47Z2023-06-15T07:09:47ZL'économie circulaire stagne. Et si le modèle coopératif servait d'inspiration ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/531964/original/file-20230614-23-xr3cbp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=23%2C15%2C5148%2C3039&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Malgré le battage médiatique autour de l’économie circulaire, les taux de circularité dans le monde sont inférieurs à 8%. Et la tendance est à la baisse. Et si le mouvement coopératif pouvait servir de déclencheur? </span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Il n’y aura pas de durabilité sans faire de changements dans l’économie. </p>
<p>Voilà pourquoi l’économie circulaire est devenue cruciale, traduisant les objectifs de durabilité pour les entreprises : repenser et réduire la production, réutiliser plus fréquemment les produits, les réparer, recycler, et transformer les déchets. Pourtant, malgré le battage médiatique autour de l’économie circulaire, les taux de circularité dans le monde sont inférieurs à 8 %. <a href="https://www.circularity-gap.world/2023">Et la tendance est à la baisse</a>.</p>
<p>Alors que les stratégies circulaires sont souvent associées à l’innovation, à l’optimisation des processus et à l’efficacité, on peut se demander si on devrait procéder différemment. Et si l’élément manquant pour la transformation était une organisation plus démocratique de l’économie ?</p>
<p>En tant que chercheur à l’intersection de la durabilité et de la gestion, je m’intéresse particulièrement à la relation entre les questions environnementales et sociales. Non seulement l’économie circulaire, mais aussi la société circulaire. </p>
<h2>L’approche réformiste du mouvement coopératif</h2>
<p>Les coopératives sont des acteurs économiques qui se distinguent par le principe « une personne, une voix ». Ce n’est plus la propriété du capital qui est déterminante dans les décisions, mais bien les membres. </p>
<p>Le 1<sup>er</sup> juillet, le mouvement célèbre la Journée internationale des coopératives, avec pour thème leur rôle de <a href="https://www.coopsday.coop">« partenaires pour un développement durable accéléré »</a>. </p>
<p>Quel est donc le rôle du modèle coopératif pour la durabilité et la circularité ?</p>
<p>Le mouvement coopératif peut être placé dans une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921344920302354">approche réformiste de l’économie circulaire</a>. Les coopératives ont tendance à opérer dans un marché basé sur l’échange, tout en exigeant que les acteurs du marché s’organisent démocratiquement. Dans une coopérative de travail, les travailleurs sont les propriétaires de l’entreprise, dans une coopérative de consommateurs, ce sont les consommateurs, etc. </p>
<p>Par conséquent, nous pouvons nous attendre à ce que les coopératives poussent les processus de démocratisation également dans les économies durables et circulaires. Cela mérite d’être souligné, car les références à la démocratie sont généralement absentes des définitions de l’économie circulaire. Cette démocratie se décline en de nombreuses variantes, mais au cœur de celle-ci se trouve l’échange d’arguments dans le débat public. </p>
<p>Voici donc <a href="https://www.researchgate.net/publication/371303389_Embedding_Circularity_Theorizing_the_Social_Economy_its_Potential_and_its_Challenges">quatre arguments</a> — abrégés sous l’acronyme <strong>M-O-T-S</strong> coop — que le modèle coopératif offre pour une transition vers une économie circulaire démocratique et durable :</p>
<p><strong>1) Mutualisation des ressources</strong></p>
<p>Une motivation économique bien connue pour la création d’une coopérative est la mutualisation des ressources en réponse à un besoin partagé. </p>
<p>Historiquement, le mouvement coopératif est né lorsque des employés et des familles menacés par les dynamiques du capitalisme du XIX<sup>e</sup> siècle ont <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89quitables_Pionniers">uni leurs forces pour acheter de la nourriture qu’ils n’auraient pas pu s’offrir individuellement</a>. Au XXI<sup>e</sup> siècle, on a vu émerger le phénomène des <a href="https://www.elgaronline.com/display/edcoll/9781788119955/9781788119955.00012.xml">« recuperados »</a>, des travailleurs et communautés qui convertissent des entreprises privées que les propriétaires ne jugent plus viables. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/531963/original/file-20230614-6597-q5wc7z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/531963/original/file-20230614-6597-q5wc7z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/531963/original/file-20230614-6597-q5wc7z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/531963/original/file-20230614-6597-q5wc7z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/531963/original/file-20230614-6597-q5wc7z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/531963/original/file-20230614-6597-q5wc7z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/531963/original/file-20230614-6597-q5wc7z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Contenant réutilisable de la coopérative Retournzy pour les commandes de nourriture pour apporter dans des restaurants à Montréal.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Retournzy)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette motivation socio-économique pour le partage des ressources place la coopérative pleinement, et « avant la lettre », dans celui exigé par l’économie circulaire. Il n’est donc pas surprenant que la <a href="https://www.mdpi.com/2071-1050/15/3/2530">mutualisation s’avère être un modèle d’entreprise circulaire clé aux yeux des coopératives</a>. </p>
<p><a href="https://tiess.ca/economie-circulaire/">Un projet du TIESS</a> a établi huit modèles d’affaires des organisations de l’économie sociale dans l’économie circulaire. Par exemple, en réponse aux déchets plastiques produits par les commandes à emporter pendant la pandémie, la <a href="https://retournzy.ca">coopérative Retournzy</a>, fondée à Montréal, fournit un service qui permet aux restaurants et à leurs clients de commander des plats à emporter en utilisant des contenants réutilisables. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/530168/original/file-20230605-15-pu6mfx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530168/original/file-20230605-15-pu6mfx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530168/original/file-20230605-15-pu6mfx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530168/original/file-20230605-15-pu6mfx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530168/original/file-20230605-15-pu6mfx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530168/original/file-20230605-15-pu6mfx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530168/original/file-20230605-15-pu6mfx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Stratégies d’économie circulaire et modèles d’affaires.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ziegler et al. 2023</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><strong>2) Organisation démocratique</strong></p>
<p>Il est important que le partage des ressources se fasse entre personnes ayant un statut égal. </p>
<p>Ainsi, le modèle coop introduit un principe démocratique au sein de l’économie. Ce principe crée un véritable levier pour les consommateurs et les travailleurs puisque ces derniers ont le droit de décider des objectifs et des stratégies de gouvernance. Une enquête menée auprès des fédérations des coopératives du Québec montre qu’elles perçoivent la <a href="https://www.mdpi.com/2071-1050/15/3/2530#B30-sustainability-15-02530">volonté de leurs membres comme le principal levier de la circularité et de la durabilité</a>.</p>
<p><strong>3) Technologie rééquilibrée par rapport à la demande</strong> </p>
<p>Le passage à une économie circulaire est aussi un défi technique. </p>
<p>Cependant, l’accent est généralement mis sur l’offre : l’investissement dans des stratégies « high-tech » dans l’espoir qu’elles créeront les solutions techniques qui favoriseront la demande. </p>
<p>Le modèle coop pousse à un choix et à une utilisation de la technologie qui donnent la priorité aux membres plutôt qu’au capital. Par exemple, la <a href="https://altecoop.ca">coopérative de travail ALTE</a> regroupe des ingénieurs qui, inspirés par le mouvement « low-tech », veulent relocaliser l’économie et favoriser l’autonomie alimentaire et énergétique. Cette perspective renforce la première stratégie circulaire, trop souvent oubliée, qui consiste à repenser la production et la consommation.</p>
<p><strong>4) Sociétés régionales et circulaires</strong></p>
<p>Les coopératives sont des petites et moyennes entreprises (<a href="https://www.monitor.coop/">bien qu’il existe également de grandes coopératives</a>, et même des institutions bancaires). Elles sont ancrées dans leur économie régionale et, comme le travail est beaucoup moins flexible que le capital, elles sont là pour rester, avec un sens du lieu et un attachement régional.</p>
<p>La vision des <a href="https://portailcoop.hec.ca/in/details.xhtml?id=h::9d159d0e-4056-4288-be50-8bf60d5976c8&bookmark=4b7f3605-3991-4ff3-8823-04b1cadde00c&queryid=738a6017-9522-48ba-a026-50f7acd5fda6&posInPage=0">Inuits et les membres des Premières Nations sur la coopération</a> va plus loin vers une réciprocité écologique. Elle considère les animaux, les écosystèmes et la Terre non pas comme des objets, mais plutôt comme des sujets qui partagent les ressources avec nous, et à qui nous devons aussi redonner. La Terre doit être traitée avec respect. </p>
<h2>Favoriser le potentiel des coopératives</h2>
<p>La contribution des coopératives pour la circularité peut paraître exagérée, car toutes ne sont certainement pas vertes ou circulaires. </p>
<p>Cependant, elles fournissent un potentiel structurel qui rend ce modèle très attrayant pour les économies et sociétés circulaires. Pour favoriser ce potentiel, les coopératives peuvent adopter des stratégies explicites de circularité et de durabilité. Elles doivent utiliser leur voix et leur poids pour le déploiement de politiques sociales et environnementales. Et elles devraient déployer leur principe d’intercoopération — la coopération entre les coopératives —, pour créer des économies circulaires justes et intégrées dans les régions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206641/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rafael Ziegler a reçu des financements du SSHRC (Social Sciences and Humanities Research Council), project number 890-2022-0023, partnership “Social Economy embedding circular economy.” </span></em></p>Le Canada est connu pour sa tradition de coopératives. Quels sont leur rôle et leur potentiel dans la transition vers une économie circulaire ?Rafael Ziegler, Professor, Department of Managment, HEC MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2054192023-06-08T10:33:48Z2023-06-08T10:33:48ZMassification des déchets : circulez, il n’y a rien à voir ?<p>En mars 2023, durant le mouvement social contre la réforme des retraites, la <a href="https://theconversation.com/travailler-plus-longtemps-mais-dans-quel-etat-le-cas-des-eboueurs-198888">grève des éboueurs de Paris</a> et des employés de trois usines d’incinération environnantes a entraîné l’arrêt partiel de la collecte des ordures ménagères.</p>
<p>Malgré la réquisition d’éboueurs du secteur privé, jusqu’à 10 000 tonnes de déchets se sont progressivement amoncelées dans et autour des <a href="https://theconversation.com/poubelles-sans-frontieres-105721">poubelles</a>, usuellement collectées quotidiennement dans les rues de la capitale.</p>
<p>Face à cette situation critique, les réactions politiques se sont rapidement multipliées. Clément Beaune, ministre des Transports, parle de <a href="https://www.ladepeche.fr/2023/03/15/greve-des-eboueurs-a-paris-gerald-darmanin-demande-que-la-mairie-requisitionne-du-personnel-11062850.php">question de « santé publique et salubrité publique</a> », et <a href="https://www.bfmtv.com/paris/les-parisiens-sont-martyrises-rachida-dati-fustige-la-gestion-de-la-greve-des-eboueurs-par-anne-hidalgo_AN-202303140712.html">Rachida Dati</a>, maire du 7<sup>e</sup> arrondissement, d’ajouter qu’« aujourd’hui, nous avons la possibilité de dire stop à cette insalubrité. Cela devient un problème de santé publique et de sécurité ».</p>
<p>L’argument avancé est celui de l’hygiène et des risques sanitaires que <a href="https://theconversation.com/dechets-dans-les-rues-de-paris-pour-lavenir-prise-de-conscience-choc-ou-developpement-de-mauvaises-habitudes-202454">ces montagnes de détritus</a> font courir aux Parisiens et Parisiennes. Sans rejeter celui-ci, nous pouvons tout de même en questionner l’unicité : l’absence de ramassage des ordures pose-t-elle seulement un problème d’hygiène et de salubrité publique ?</p>
<p>La sidération au sein de la population pourrait se comprendre à l’aune de deux éclairages supplémentaires. L’arrêt du ramassage des déchets vient, tout d’abord, briser la trame quotidienne et banale, bien que codifiée et hygiéniste, de leur traitement, dont les ménages sont la clé de voûte. La présence des rejets dans l’espace public dérange ensuite, car ils sont le révélateur d’une intimité et de choix de vie que nous peinons à rendre plus écologiques.</p>
<h2>Du déchet privé aux déchets publics</h2>
<p>Plus qu’une salubrité publique dégradée, cet état de fait exceptionnel rend finalement saillante une propriété insoupçonnée du déchet comme marqueur de la frontière poreuse entre espace de vie privé et espace public.</p>
<p>La collecte et le traitement des déchets ménagers suivent une partition aussi minutieuse qu’invisible. De nos foyers jusqu’aux bacs d’ordures, de la mise au rebut au ramassage des poubelles, chaque étape est concrète, mais discrète.</p>
<p>Cette organisation sociale et technique est l’héritage de la doctrine hygiéniste ayant émergé au XIX<sup>e</sup> siècle, dont l’acmé est bien connue : l’uniformisation, à Paris tout d’abord, des récipients à déchets et de leur collecte en 1883, par un <a href="https://www.herodote.net/almanach-ID-445.php#:%7E:text=Le%2024%20novembre%201883%2C%20sous,l%E2%80%99%C3%A9vacuation%20des%20ordures%20m%C3%A9nag%C3%A8res.">arrêté du préfet Eugène Poubelle</a>. Celui-ci sonne la fin de la présence continue des résidus dans les rues, et leur confère leur symbolique négative caractéristique d’objets et matières devant être à tout prix dissimulés.</p>
<h2>La fin des chiffonniers</h2>
<p>Cet arrêté possède une autre implication remarquable : il rend obsolète le travail de récupération des chiffonniers. Ceux-ci se chargeaient de trier et manipuler les restes, afin de les valoriser par la revente et le troc, participant de fait à leur circulation et élimination. Ce métier d’antan s’est transformé en tâches banales, devenues l’apanage des ménages et ne cessant d’évoluer depuis la mise en place de la collecte sélective des emballages, papiers ou contenants en verre depuis les années 1990.</p>
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<img alt="un éboueur derrière son camion dans les rues de paris" src="https://images.theconversation.com/files/525356/original/file-20230510-21-1wvk1l.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/525356/original/file-20230510-21-1wvk1l.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/525356/original/file-20230510-21-1wvk1l.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/525356/original/file-20230510-21-1wvk1l.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/525356/original/file-20230510-21-1wvk1l.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/525356/original/file-20230510-21-1wvk1l.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/525356/original/file-20230510-21-1wvk1l.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Camion d’éboueurs dans les rues de Paris.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Collecte_des_d%C3%A9chets,_Paris_-_octobre_2013.JPG">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>Il convient à présent de connaître précisément les consignes de tri et de catégoriser les rebuts en fonction des critères industriels de valorisation de ces matières. Cette catégorisation mène d’ailleurs à une logique de hiérarchisation de nos objets et matières : de ce qui pourra être gardé, puis recyclé ou détourné à ce qui sera enfoui ou incinéré.</p>
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<p>La massification des ordures sur la voie publique vient donc remettre en cause ces deux éléments constitutifs – hiérarchisation puis invisibilisation – de notre représentation collective de ce dont le déchet est le nom : cartons, plastiques, papiers et autres restes alimentaires s’y mêlent indistinctement et à la vue de tous.</p>
<h2>Reflet de nos choix de vie</h2>
<p>Au-delà de considérations matérielles, nous cherchons aussi à dissimuler nos résidus par pudeur, car ils sont le reflet de notre intimité, comme le dit le célèbre aphorisme : « Montre-moi tes poubelles, je te dirai qui tu es ». Ils révèlent ainsi nos choix de consommation et de vie, alors même que l’heure est à la multiplication des injonctions à modifier nos pratiques quotidiennes et nos habitudes pour les rendre plus écologiques : tout comme l’énergie, l’eau ou encore la mobilité, les déchets n’échappent pas aux appels à la sobriété par l’adoption d’écogestes.</p>
<p>Ayant pour slogan <a href="https://www.zerowastefrance.org/demarche-zero-waste/">« le meilleur déchet, c’est celui qu’on ne produit pas »</a>, le discours <em>Zero Waste</em> est dominant en la matière et le succès des tendances comme l’achat en vrac, le compostage, ou le <em>do it yourself</em> révèle que les individus sont soucieux de réduire leur production de déchets. En outre, le <em>Zero Waste</em> promeut aussi une image positive du déchet, qu’il est souvent possible de détourner ou réemployer plutôt que d’éliminer.</p>
<p>Une pratique typique, selon ces principes, est l’achat de seconde main, qui représente un marché florissant, principalement en zone urbaine et sur les plates-formes en ligne. Il existe même ce que l’on pourrait qualifier d’esthétique du détournement de rebut, dont l’exemple caractéristique est celui des meubles en palettes, jadis considérés comme recours d’ameublement pour les plus nécessiteux et à présent valorisés.</p>
<p>S’il est complexe d’estimer sa propre production de déchets, voir ces quantités de rejets jonchant les rues ainsi que la rapidité de leur entassement vient nous rappeler de manière frappante la conséquence concrète de nos modes de consommation.</p>
<h2>Souillure et désordre</h2>
<p>En définitive, les déchets sont donc bien plus que ce que l’on trouve sale ou inutile. Ils sont un reflet de notre identité, à l’échelle individuelle, mais surtout de notre organisation sociale, spatiale et politique. Ils sont symboliquement le marqueur de frontière entre le visible et l’invisible, le privé et le public, l’ordre et la contestation. C’est pourquoi ils sont d’ordinaire méticuleusement relégués en marge de nos espaces de vie.</p>
<p>Or lorsqu’ils restent, y compris momentanément, dans ces espaces et ne circulent plus, ce sont ces frontières et dans le même temps l’intégralité de l’organisation sociale sur lesquelles elle repose qui sont remises en cause.</p>
<p>Comme nous l’expliquait déjà <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/de_la_souillure-9782707148117">l’anthropologue Mary Douglas</a> dans les années 1960, la souillure est une catégorie œcuménique représentant le désordre, sans laquelle il ne pourrait y avoir d’ordre. Les évènements du mois de mars 2023 nous démontrent que son analyse est toujours d’actualité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205419/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Maxence Mautray mène une thèse dans le cadre d’un contrat Cifre financé par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et par le SMICVAL (Syndicat mixte intercommunal de collecte et de valorisation) du Libournais et de la Haute-Gironde. </span></em></p>La présence des déchets dans l’espace public dérange, en révélant notre intimité et nos choix de vie que nous peinons à rendre plus écologiques.Maxence Mautray, Doctorant en sociologie de l’environnement, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2072332023-06-07T19:38:30Z2023-06-07T19:38:30ZLa mode unisexe, un révélateur des divergences sociétales sur le genre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/530561/original/file-20230607-23-wyv9v0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=111%2C0%2C1013%2C718&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">44&nbsp;% des représentants de la Génération Z déclarent acheter exclusivement des vêtements conçus pour leur propre sexe, contre 54&nbsp;% chez les représentants de la génération Y.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.wallpaperflare.com/woman-and-man-posing-for-photoshoot-man-and-woman-wearing-white-t-shirts-at-daytime-wallpaper-ztwro/crop">Wallpaperflare.com</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Jouer avec les limites du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/genre-22050">genre</a> n’est pas un exercice nouveau dans <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/mode-l-habit-fait-il-encore-le-genre-4134367">l’industrie et l’histoire de la mode</a>. Toutefois, les frontières ont été repoussées plus loin depuis le début du XXI<sup>e</sup> siècle. En effet, cette mode multigenre habituellement présente dans le milieu artistique (par exemple dans la musique pop chez <a href="https://www.liberation.fr/musique/2013/03/22/bowie-sur-demesure_890605/">David Bowie</a>, <a href="https://www.lesinrocks.com/musique/prince-androgyne-de-genie-70715-28-04-2016/">Prince</a> ou <a href="https://www.vogue.fr/vogue-hommes/article/harry-styles-couverture-vogue-us">Harry Styles</a> pour ne citer qu’eux) est de plus en plus présente dans les magasins, les défilés et les placards des (plus jeunes) consommateurs.</p>
<p>Ainsi, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/mode-23119">mode</a> « unisexe », considérée ici comme une mode « dégenrée », incluant des vêtements pouvant être par des hommes tout comme des femmes, ou une mode « cross genré » où les femmes portent des vêtements initialement destinés aux hommes et vice versa, se généralise. Cette tendance croissante chez les jeunes générations, notamment les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/generation-y-37647">générations Y</a> (entre 24 et 40 ans) et la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/generation-z-46146">génération Z</a> (entre 8 et 23 ans) <a href="https://www.semanticscholar.org/paper/Product-gender-perceptions-and-antecedents-of-Fugate-Phillips/cdefc80b571ffcbf39c2d29fa30cc8fab65bf84e">pourrait même définir l’avenir de l’industrie et même de la société elle-même</a>.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/CHilTlShMqu","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p>Les consommateurs de la génération Z sont généralement associés aux nouvelles idées et attitudes sur le sexe et le genre. Un <a href="https://www.wundermanthompson.com/insight/gen-z-goes-beyond-gender-binaries-in-new-innovation-group-data">rapport</a> indique que 33 % de la génération Z et 23 % de la génération Y pensent que le sexe n’est pas une caractéristique déterminante d’un individu. Dans le même rapport, 56 % des personnes interrogées déclarent connaître quelqu’un qui utilise des pronoms non genrés. Concernant les comportements d’achat, 44 % d’entre eux ont déclaré acheter exclusivement des vêtements conçus pour leur propre sexe, contre 54 % chez les représentants de la génération Y.</p>
<h2>Une dichotomie entre designers et consommateurs</h2>
<p>Dans ce contexte, de nombreuses marques de mode ont entamé un processus de « dégenrisation » de leurs stratégies de conception, de merchandising et de communication – notamment en ce qui concerne les <a href="https://www.stylight.fr/Magazine/Fashion/Mode-Unisexe-7-Marques-A-Connaitre-Pour-Des-Vetements-Sans-Genre/">vêtements</a>, les <a href="https://www.luxurydaily.com/louis-vuitton-launches-new-unisex-cologne-perfume/">parfums</a> et <a href="https://www.cosmopolitan.fr/bijoux-unisexe-collection,2073516.asp">bijoux</a>. Cependant, le commerce vestimentaire reste principalement bigenré (collections homme et femme). En témoignent les magasins de mode traditionnellement séparés par catégorie de genre. Qui plus est, malgré cette nouvelle tendance de fluidité des genres dans la mode, il existe peu de recherche académique concernant cette mode de consommation.</p>
<p>Mes collègues et moi avons récemment publié deux articles scientifiques sur ce sujet. Pour notre premier <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/17569370.2020.1816317?journalCode=rffp20">article</a>, publié en 2020, nous avions recruté 263 participants auxquels nous avons demandé d’observer une série de photos. Sur chaque cliché étaient représentés un homme et une femme portant la même tenue vestimentaire, autrement dit des photos de mode unisexe.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Ces 263 participants ont été divisés en deux groupes : le premier groupe a observé ces photos sans avoir aucune précision de l’expérimentateur ; au second, il a été précisé que ces photos représentaient des vêtements unisexes. Nos résultats ont montré que ni le label « unisexe » ni la masculinité/féminité du vêtement n’avaient d’importance dans l’intention d’achat des consommateurs, seuls l’esthétique et le style vestimentaire importaient.</p>
<p>Pour cet <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/17569370.2020.1816317?journalCode=rffp20">article</a>, nous avons également demandé à un groupe de designers d’imaginer, en utilisant la technique du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/design-thinking-43749"><em>design thinking</em></a>, un vêtement unisexe. Nos résultats ont montré que les designers se focalisaient sur le contexte social, la masculinité/féminité du vêtement et l’orientation sexuelle du consommateur plutôt que sur le style et l’esthétique. Ce premier article montre donc la dichotomie de l’approche du vêtement unisexe par les consommateurs et les designers.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1664008624681697281"}"></div></p>
<p>Dans notre deuxième <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/JFMM-03-2022-0047/full/html">article</a> sur ce sujet publié en 2022, nous avons essayé de comprendre les facteurs impliqués dans l’achat de produits de mode du sexe opposé. Après une série d’entretiens individuels avec treize femmes cisgenres (qui se reconnaissent le même genre que celui déclaré à l’état civil à la naissance) des générations Y et Z, nous avons exploré et cartographié la motivation et l’expérience d’achat des consommatrices pour la mode au rayon homme.</p>
<p>Les résultats ont permis de définir un modèle de comportement d’achat : avant l’achat, une motivation de non-conformité. Ici, nos participantes nous ont partagé vouloir aller au-delà (et pas forcément à l’encontre) de ces normes trop féminisées et stéréotypées de la femme. Ensuite, nos participantes ont insisté sur le temps investi lors de l’achat. Elles ont toutes – décrit un mode d’achat plus rapide et moins complexe au rayon homme. Enfin, après l’achat, les consommatrices ont insisté sur la satisfaction d’avoir trouvé un style vestimentaire qui correspondait à leur identité propre, et non à une identité que la société et/ou l’industrie leur imposaient.</p>
<h2>Au-delà de la mode</h2>
<p>Au bilan, ces travaux de recherche révèlent donc l’existence de deux fossés : d’abord, entre les designers qui se focalisent sur un contexte social et les consommateurs qui se concentrent sur l’esthétique ; puis entre les plus jeunes générations qui jouent avec la fluidité des genres et les moins jeunes générations qui ont eu l’habitude d’évoluer dans une société et une industrie de la mode bigenrée.</p>
<p>L’actualité récente indique que ce dernier fossé, particulièrement profond, dépasse largement le champ de la mode. En avril dernier, le chanteur Bilal Hassani, porte-drapeau revendiqué de la communauté LGBT, <a href="https://www.francetvinfo.fr/culture/musique/menace-le-chanteur-bilal-hassani-annule-son-concert-prevu-ce-mercredi-a-metz_5753576.html">recevait des menaces de mort</a> et était contraint d’annuler un concert à Metz sous la pression des mouvances catholiques. À l’inverse, quelques mois plus tôt, une professeure de philosophie britannique <a href="https://www.standard.co.uk/news/uk/university-of-sussex-obe-higher-education-twitter-university-and-college-union-b963107.html">démissionnait de ses fonctions</a> après la révolte de ses étudiants qui l’accusait de transphobie pour avoir organisé un débat sur le genre sexuel.</p>
<p>Seuls l’écoute, le respect et la discussion semblent aujourd’hui permettre de réconcilier les deux camps. Car, comme l’écrivait la militante américaine <a href="https://www.goodreads.com/quotes/9776070-in-diversity-there-is-beauty-and-there-is-strength">Maya Angelou</a>, c’est dans la diversité que résident la beauté et la force.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207233/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurore Bardey ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des travaux de recherche révèlent l’existence d’un double fossé entre designers et consommateurs mais aussi entre les générations.Aurore Bardey, Associate Professor in Marketing, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2065132023-05-29T16:46:40Z2023-05-29T16:46:40ZRéussir votre régime ? Regarder des personnes avaler de la malbouffe pour vous couper l'appétit<p>Vous êtes chez vous, un soir, confortablement installé sur votre canapé en train de regarder votre programme préféré à la télévision. Une publicité apparaît à l’écran : l’image montre en gros plan un savoureux hamburger. La caméra zoome sur chacun des ingrédients : les feuilles de salade craquantes, la viande tendre, la sauce riche et crémeuse, les frites croustillantes. </p>
<p>En regardant à l’écran une personne se délecter de ce délicieux hamburger, vous vous dites que votre <a href="https://theconversation.com/fr/topics/regime-alimentaire-82774">régime</a> est sur le point d’en prendre un coup. Permettez-nous de ne pas être d’accord !</p>
<p>Au travers d’une série d’études publiées dans le <a href="https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/07439156211019035"><em>Journal of Public Policy and Marketing</em></a>, nous avons découvert que les publicités montrant des individus consommant de la <em>junk food</em> (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/malbouffe-80475">malbouffe</a>) incitaient les personnes suivant un régime à manger moins. </p>
<p>Si ces conclusions peuvent paraître contre-intuitives, elles sont en phase avec de précédents travaux de recherche menés sur <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0006899306000102">l’imagerie mentale</a>. Des études récentes montrent que le simple fait de nous imaginer en train d’effectuer des actions ou d’éprouver des émotions active dans notre cerveau des réseaux neuronaux similaires à ceux associés à leur accomplissement ou leur expérience.</p>
<h2>Sentiment de satiété</h2>
<p>Les images auxquelles nous sommes exposés au cours de notre vie quotidienne ont le pouvoir de façonner nos expériences de manière remarquable. Selon des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1053811904005208">études en neuro-imagerie</a>, le simple fait de voir une personne recevoir un coup de marteau stimule dans notre cerveau les réseaux de neurones associés à la douleur. Ces images provoquent alors des émotions et un comportement compatibles avec la sensation de douleur.</p>
<p>Les mêmes effets valent également pour la consommation de nourriture. Le champ de l’imagerie de consommation concerne les images qui montrent des aliments en train d’être consommés : par exemple, une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=99Aain-xwEk">publicité</a> présentant une part de pizza en gros plan, puis quelqu’un en train de la manger. <a href="https://academic.oup.com/jcr/article-abstract/38/3/578/1809949">Certaines études</a> ont même révélé que les images de consommation pouvaient faire penser à tort aux personnes qui les visionnent avoir ingurgité les aliments vus sur les images.</p>
<p>Pourquoi cela a-t-il de l’importance ? Parce que le simple fait de croire que nous avons mangé quelque chose peut nous procurer un sentiment de satiété. En 2010, des <a href="https://www.science.org/doi/abs/10.1126/science.1195701">chercheurs</a> ont demandé à un panel de personnes de s’imaginer en train de manger trois bonbons M&M’s, et à un autre groupe d’imaginer en manger 30. On a ensuite présenté aux participants un bol empli de sucreries. Les personnes qui s’étaient figuré manger 30 M&M’s ont ressenti une impression de satiété et mangé moins de bonbons que ceux qui s’étaient imaginé n’en manger que 3.</p>
<p>À travers nos travaux de recherche, nous avons décidé d’approfondir cette question et de chercher à savoir si cet effet vaut également lorsque les gens regardent quelqu’un d’autre manger dans une publicité.</p>
<h2>M&M’s et hamburgers</h2>
<p>Nous avons invité dans notre laboratoire 123 étudiants qui suivaient un régime pour leur faire visionner une publicité. La moitié d’entre eux ont vu une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=CruCJnnyfoE">réclame M&M’s</a> regorgeant d’images de consommation : multitude de bonbons et de couleurs, puis une personne qui les ingurgite. L’autre moitié des étudiants a visionné une publicité dénuée d’imagerie de consommation, dans laquelle figurent deux <a href="https://www.youtube.com/watch?v=SMFtRuXIotk">M&M’s animés à la caisse d’un supermarché</a>. Nous avons ensuite donné à chacun des étudiants un bol contenant 70g de M&M’s et les avons invités à en manger autant qu’ils le souhaitaient. Parmi les étudiants, ceux qui avaient visionné la publicité M&M’s contenant des images de consommation ont mangé moins de bonbons que ceux qui avaient regardé la publicité dépourvue d’imagerie de consommation.</p>
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<p>Nous avons poursuivi cette étude avec une autre, au cours de laquelle 130 étudiants ont visionné une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=FAfTSlpU80Q">publicité pour un hamburger</a>. Il a été demandé à la moitié des participants de se visualiser en train de manger le hamburger, tandis que l’autre moitié du groupe devait s’imaginer en train de le filmer. Les étudiants ont ensuite reçu un sachet contenant des biscuits au chocolat. Les étudiants ayant visionné la publicité en s’imaginant manger le hamburger ont consommé moins de biscuits que ceux qui se sont imaginés en train de le filmer.</p>
<p>Ces deux études prouvent que le simple fait de voir quelqu’un qui ingurgite de la malbouffe – ou la simple vue de <em>junk food</em> elle-même – suffit à en éloigner les personnes qui suivent un régime, ne serait-ce que momentanément.</p>
<h2>Manger moins</h2>
<p>Dans l’étude que nous avons menée ensuite, nous avons cherché à savoir si nous pouvions nous appuyer sur ces conclusions pour encourager des habitudes alimentaires plus saines. Nous avons présagé que des campagnes de communication encourageant une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/alimentation-saine-115979">alimentation saine</a> avec des images de consommation de malbouffe auraient un effet plus puissant sur les personnes suivant un régime.</p>
<p>Nous avons ainsi conçu quatre publicités destinées à promouvoir de meilleures habitudes alimentaires.</p>
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<span class="attribution"><span class="source">Mia Birau et Carolina O.C. Werle.</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Au total, 594 adultes américains ont été recrutés pour participer à notre étude en ligne. Les participants ont été sélectionnés de manière aléatoire pour visionner l’une des quatre publicités. Nous leur avons ensuite dit : « Imaginez que vous êtes sur le point d’avaler un en-cas et que vous ouvrez un sachet de chips. Celui-ci contient 20 chips. Combien en mangeriez-vous <em>maintenant</em> ? »</p>
<p>Les personnes ayant visionné la publicité leur intimant de s’imaginer en train d’engloutir des frites ont exprimé un désir de manger moins de chips que celles ayant été exposées à la publicité pour frites ne contenant pas d’imagerie de consommation. Les individus qui se sont imaginés en train de manger une pomme se sont révélés plus enclins à succomber aux chips que ceux qui se sont visualisés en train de manger des frites.</p>
<p>Ces résultats vont à l’inverse des pratiques actuelles en matière de politique publique, qui cherchent à encourager des habitudes alimentaires vertueuses en s’appuyant sur des <a href="https://www.gov.uk/government/news/campaign-launched-to-help-public-get-healthy-this-summer">images d’aliments sains et nutritifs</a>. Nos recherches indiquent au contraire que de telles campagnes devraient inclure et montrer des images de consommation de <em>junk food</em>. En effet, les personnes s’astreignant à un régime et s’imaginant en train d’ingurgiter de ce type de nourriture l’associent de manière consciente avec un sentiment d’échec vis-à-vis de leur objectif de perte de poids.</p>
<h2>Quelles leçons en tirer ?</h2>
<p>Aujourd’hui, les gens accordent une place de plus en plus importante à la <a href="https://www.theinspiredhomeshow.com/blog/consumers-prioritize-health-and-wellness-for-2023/">santé et au bien-être</a>. Si vous faites partie des personnes à avoir placé en <a href="https://civicscience.com/what-will-americans-resolve-to-change-in-2023/">première position de leurs résolutions pour 2023</a> un régime et une alimentation plus saine, voilà le conseil que nous pouvons vous donner : résistez à l’envie de vous couvrir les yeux chaque fois que des images publicitaires alléchantes surgissent devant vous.</p>
<p>À la place, accueillez-les pleinement, imaginez vos lèvres entrer en contact avec les aliments interdits. Si l’on se fie à la science, cela pourrait bien vous aider à réduire vos mauvaises habitudes alimentaires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206513/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les campagnes en faveur d’une alimentation saine mettent en avant des produits bons pour la santé. Or, il existe un moyen inattendu plus efficace pour détourner de la « junk food ».Birau Mia, Associate Professor of Marketing, EM Lyon Business SchoolCarolina O.C. Werle, Professor of marketing, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.