tag:theconversation.com,2011:/uk/topics/coree-du-sud-33973/articlesCorée du Sud – The Conversation2023-12-04T10:32:53Ztag:theconversation.com,2011:article/2189372023-12-04T10:32:53Z2023-12-04T10:32:53ZMobiliser les émotions pour mieux vendre : les leçons de la K-pop<p>Les <a href="https://theconversation.com/topics/emotions-28337">émotions</a> constitueraient-elles l’ultime élément différenciateur entre l’homme et la machine ? Les dispositifs numériques se substituent peu à peu à l’humain et les individus s’habituent à cette <a href="https://theconversation.com/topics/numerique-20824">interface virtuelle</a> très rationnelle. Les entreprises devraient-elles alors mobiliser les émotions pour mieux vendre ? Devraient-elles en faire l’élément central d’un <em>business model</em> les permettant de se différencier ?</p>
<p>Et si des éléments de réponses éclairants nous provenaient du phénomène en vogue de la K-pop et de groupes comme Black Pink, Kiss of Life ou BTS ? Ce dernier affolait les compteurs avant de se mettre en <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/bts-les-5-chiffres-fous-dun-phenomene-musical-mondial-1412518#:%7E:text=Le%20clip%20du%20titre%20%C2%AB%20Butter,de%20fois%20en%2024%20heures">pause</a> pour laisser à chacun de ses membres le loisir de mener des projets en solo mais aussi pour effectuer leur <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/10/17/les-membres-de-bts-feront-leur-service-militaire-annonce-leur-agence-mettant-un-terme-a-un-long-debat-en-coree-du-sud_6146202_3210.html">service militaire</a>. En moins de treize mois, les sept artistes du <em>boys band</em> ont placé six de leurs titres au sommet du <em>Billboard Hot 100</em>. Les derniers à avoir réalisé cette performance en si peu de temps n’avaient été autres que les Beatles.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/HbkBVxU5K5A?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>À la racine du succès, on retrouve également l’apparition de dispositifs commerciaux novateurs pilotés par le label Big Hit Entertainment et la société de production Hybe. Chaque membre a, par exemple, été <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/pourquoi-bts-est-le-boys-band-le-plus-populaire-au-monde-9729865">sélectionné</a> et formé pour développer des <a href="https://leclaireur.fnac.com/article/cp57979-bts-un-groupe-phare-des-individualites-marquantes/">personnalités spécifiques</a>, une esthétique soignée et des performances spectaculaires lors des concerts. Associé à ce groupe, le développement de toute une « <em>fandom</em> », une communauté de fans qui a pris le nom de « BTS Army », incarne le phénomène « Hallyu » qui a émergé de Corée du Sud. Outre la musique, cette « vague puissante » (traduction française du terme) s’est répandue à travers le monde grâce à d’autres produits de la culture populaire coréenne, tels que des films et séries.</p>
<h2>Des fans mobilisés</h2>
<p>Si une grande partie de l’interaction avec le public passe par les réseaux numériques, des rassemblements sont également organisés, créant des pics émotionnels et mémoriels. Les concerts de deux heures sont des prouesses humaines et techniques associant pyrotechnie, chorégraphies et interactions digitales sur écrans géants. 70 000 spectateurs se sont rassemblés deux soirs de suite <a href="https://www.parismatch.com/Culture/Musique/BTS-le-triomphe-des-coreens-au-Stade-de-France-1629348">au Stade de France</a> en juin 2019, 98 000 à <a href="https://www.stellarsisters.com/concert-bts-stade-de-france-2019/">deux reprises également au MetLife Stadium à New York</a> en 2019. L’originalité est à la hauteur de la performance et de l’efficacité : les genres se mélangent et touchent différentes sensibilités musicales du hip-hop à l’électro en passant par la pop, le rock ou le rap. Quatre chanteurs et trois rappeurs combinent au sein d’un même morceau le coréen, l’anglais et l’espagnol procurant un ressenti d’ouverture aux autres cultures.</p>
<p>En réponse à ces interactions, les contenus émotionnels des messages des fans sur les réseaux sociaux sont sans équivoque :</p>
<blockquote>
<p><a href="https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/06/08/la-bts-army-n-est-pas-une-communaute-c-est-une-famille-les-fans-de-k-pop-remplissent-le-stade-de-france_5473374_3246.html">« ils ne nous donnent que de l’amour »</a></p>
</blockquote>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1536052255551434752"}"></div></p>
<p>Le dispositif BTS Army est par ailleurs reconnu pour son engagement envers des causes sociales et son impact sur la culture populaire. Les fans proclament que les membres du groupe sud-coréen de K-pop BTS leur « envoient le message qu’ils méritent tous de vivre, de se battre et de survivre ». C’est ce que relatent les chercheurs Woongjo Chang et Shin-Eui Park dans leur <a href="https://www.researchgate.net/publication/340381041_The_Fandom_of_Hallyu_A_Tribe_in_the_Digital_Network_Era_The_Case_of_ARMY_of_BTS">travail ethnographique</a> sur le sujet.</p>
<p>Grâce à leur engagement avec le fandom Hallyu, les <a href="https://www.academia.edu/12070243/Unveiling_the_Korean_Wave_in_the_Middle_East">femmes du Moyen-Orient</a> seraient en mesure de négocier un plus grand degré d’autonomie sociale conduisant à un engagement qui permet d’aller au-delà des peurs, en minimisant le risque d’être seules. La relation entre le groupe BTS et sa communauté des Armys transforme ainsi les goûts et les désirs de leurs fans en expression culturelle, politique et économique.</p>
<h2>Un schéma en trois dimensions</h2>
<p>Une <a href="https://www.cairn.info/revue-entreprendre-et-innover-2023-3-page-27.htm">analyse approfondie</a> reposant notamment sur les observations de Chang et Park nous a permis d’identifier le schéma à l’œuvre et le rôle rempli par les émotions en entrepreneuriat afin d’en tirer leçon. Mobiliser les émotions pour améliorer le modèle d’affaire et augmenter la création de valeur associée nécessite de prendre en compte trois dimensions qui apportent un éclairage nouveau : l’intimité numérique, une socialité singulière et la satisfaction émotionnelle des besoins.</p>
<p>Savoir numériser l’intimité constitue donc la première dimension. Si les rassemblements de fans créent des pics émotionnels, renforçant la connexion entre eux, les producteurs savent les prolonger sur les plates-formes. En « numérisant l’intimité », la portée spatiale des relations entre individus est étendue au sein des communautés, facilitant ainsi la construction d’intimités lointaines et de socialisations inédites. Les frontières traditionnelles entre la sphère publique et celle privée de l’individu sont ainsi transcendées. L’action économique des individus prend racine dans ce nouveau registre émotionnel.</p>
<p>De cette numérisation naît une communauté, au sens anthropologique du terme. Les membres partagent une passion commune et une conviction forte en tant que moteur de leur collectif. On y retrouve quelque chose de presque <a href="https://sk.sagepub.com/books/the-time-of-the-tribes">néotribaliste</a>. Les fans refusent de s’identifier à quelque projet politique que ce soit. Les relations sont parfois incohérentes, souvent ambiguës de sens : peu importe car la raison d’être de la communauté est une préoccupation pour le présent collectif. Or, cette socialité n’est pas un phénomène expliqué par le social (l’institution), mais par des facteurs émotionnels tels que la passion, le goût et l’intimité personnelle. Les flux émotionnels combinés conduisent à l’engagement et créent une émotion collective. Plus l’individu s’identifie au groupe, plus il en partage les émotions et s’engage.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1012864129437036544"}"></div></p>
<p>Au sein de cette communauté enfin, les membres y trouvent des satisfactions émotionnelles, incluant la sécurité, l’appartenance, l’estime et l’autoréalisation au cœur de la <a href="https://www.psychologue.net/articles/la-pyramide-de-maslow-la-theorie-des-besoins">pyramide des besoins</a> conceptualisée à partir des années 1940 par le psychologue Abraham Maslow. Le fandom BTS Army offre un espace où les membres peuvent trouver du réconfort, une appartenance réelle, une meilleure estime de soi, et une voie vers l’autoréalisation, conduisant à créer une démarche marketing enrichie de l’aspect émotionnel.</p>
<h2>Un apprentissage à effectuer pour les entrepreneurs</h2>
<p>Numériser des émotions et s’en servir pour construire une communauté large dans laquelle les individus puisent des satisfactions, tel est le mécanisme qu’ont su mettre en place avec succès les promoteurs du groupe BTS. Comment les entrepreneurs peuvent-ils à leur échelle intégrer ces trois dimensions ? Tout un apprentissage semble parfois nécessaire.</p>
<p>Cela consiste à connaitre les causes et les conséquences des émotions, notamment celles des clients/utilisateurs, à maîtriser le vocabulaire du langage émotionnel et à développer la <a href="https://psycnet.apa.org/record/2003-02181-016">capacité à gérer des situations émotionnelles</a>. Un premier niveau est celui de la perception émotionnelle : être conscient de ses émotions et les exprimer correctement aux autres. Le second niveau est celui de l’assimilation : faire la distinction entre les différentes émotions ressenties et reconnaître celles qui influent sur les processus de pensée. Le troisième niveau est celui de la capacité à comprendre des émotions complexes (éprouver deux émotions distinctes en même temps) et à identifier le passage d’une émotion à une autre. Enfin, le quatrième niveau est celui de la gestion des émotions.</p>
<p>Optimiser l’utilisation des émotions pour mieux vendre signifie alors non seulement augmenter potentiellement les chiffres de vente, mais aussi améliorer la qualité des transactions. Une attention particulière doit également être portée sur le fait que les entrepreneurs vivent et subissent les événements positifs et négatifs de leur entreprise comme des reflets d’eux-mêmes. Une intelligence émotionnelle augmentée dévoile à l’entrepreneur un angle de vue nouveau qui transforme sa posture. L’empathie l’oblige mais facilite en même temps l’alignement de ses émotions ressenties avec une conception partagée de l’environnement, en pleine conscience de ce qu’il est, de ce qu’il voudrait être et de ce qu’il propose à travers son modèle d’affaires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218937/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Jaillot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les producteurs du groupe BTS ont parfaitement su transférer dans le monde numérique les émotions des concerts pour créer une communauté de fans qui s’apparente presque à une tribu.Marc Jaillot, Maitre de conférences en sciences de gestion, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2167222023-11-27T15:14:39Z2023-11-27T15:14:39ZVoici pourquoi les jeux vidéo compétitifs doivent être pris plus au sérieux<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/559683/original/file-20231115-25-zcd5l2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C0%2C980%2C666&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Aujourd’hui, l’industrie du sport électronique représente plusieurs milliards de dollars à l’échelle mondiale.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Jouer à des jeux vidéo de manière compétitive, est-ce vraiment sérieux ? </p>
<p>Cette question ne se pose pas pour les milliers d’adeptes du jeu <a href="https://www.leagueoflegends.com/en-us/"><em>League of Legends</em></a> qui ont convergé en Corée du Sud en octobre dernier pour assister aux championnats du monde (<a href="https://youtu.be/tHMcncCS-XE?si=KFfNbrcjaTSCaCB6"><em>Worlds 23</em></a>) de ce jeu ultra populaire. Le grand prix ? Un <a href="https://lol.fandom.com/wiki/2023_Season_World_Championship">montant de 2 225 000 $ US</a>. </p>
<p>Nous sommes spécialistes en droit des jeux vidéo. Cet événement, encore très méconnu du grand public, est l’occasion pour nous de montrer pourquoi les jeux vidéo compétitifs devraient être pris plus au sérieux. </p>
<h2>Le sport électronique, un phénomène social, culturel et économique mondial</h2>
<p>La notoriété des ligues de sports nord-américaines telles que la NHL ou la NFL n’est plus à faire. Ni celle des grandes compétitions sportives traditionnelles comme la coupe du monde de football ou les Jeux olympiques. Or, on ne peut en dire autant des compétitions de jeux vidéo. Et pourtant, il existe tout un monde de compétitions professionnelles dans l’univers des jeux vidéo qui, tout comme dans les sports traditionnels, possède des ligues, des compétitions internationales bien établies, son lot d’athlètes célèbres et ses <a href="https://www.francetvinfo.fr/culture/jeux-video/e-sport-des-salles-remplies-et-des-fans-conquis-la-pratique-reunit-de-plus-en-plus_5838317.html">hordes d’admirateurs</a>. C’est ce qu’on appelle des sports électroniques, ou esports.</p>
<p>Les sports électroniques peuvent être décrits aussi simplement que des jeux vidéo qui sont pratiqués dans un environnement compétitif.</p>
<p>Bien qu’il ne bénéficie pas toujours du même niveau de reconnaissance que son homologue sportif traditionnel, le sport électronique est un secteur qui s’est largement développé <a href="https://youtu.be/B_59wZ27ROE?si=4OWyy6Klh40POwwJ">ces 10 dernières années</a> et qui attire régulièrement des <a href="https://www.statista.com/statistics/490480/global-esports-audience-size-viewer-type/">millions de téléspectateurs simultanés</a>. </p>
<p>Une très grande variété de jeux sont aujourd’hui pratiqués de manière compétitive. Dans les jeux comme <a href="https://lolesports.com/"><em>League of Legends</em></a> ou <a href="https://www.dota2.com/home"><em>Dota</em></a>, deux équipes de joueurs s’affrontent dans des arènes de combat en ligne multijoueurs (MOBA). Ces jeux d’action-stratégie s’apparentent à des jeux d’échecs survitaminés dans lesquels l’objectif est de détruire la base adverse. </p>
<p>Il existe également de nombreux jeux de tir à la première personne comme <a href="https://valorantesports.com/"><em>Valorant</em></a>, <a href="https://pro.eslgaming.com/csgo/proleague/"><em>CSGO</em></a>, <a href="https://overwatchworldcup.com/en-us/"><em>Overwatch</em></a> ou encore <a href="https://www.fortnite.com/competitive"><em>Fortnite</em></a>, qui sont très populaires. </p>
<p>Bref, dans le domaine du sport électronique, il y en a pour tous les goûts, y compris pour celles et ceux qui préfèrent la <a href="https://www.ea.com/fr-fr/games/fifa/compete/fgs-23">pratique (virtuelle !) des sports traditionnels</a>. </p>
<h2>Un secteur en plein essor</h2>
<p>En termes d’audience et de popularité, le esport est un secteur qui, au cours des 10 dernières années, a <a href="https://www.insiderintelligence.com/insights/esports-ecosystem-market-report/">commencé à dépasser les sports traditionnels</a>. La pandémie de Covid-19 a contribué à ce phénomène. </p>
<p>Le esport a également vu l’émergence de superstars de renommée internationale telles que <a href="https://youtu.be/wU-1ZaT0hIg?si=vLKp_Krn37NSmKFV">Faker</a>, un athlète souvent considéré comme le plus grand joueur de <em>League of Legends</em> de tous les temps en raison de son <a href="https://www.scmp.com/sport/china/article/3236384/asian-games-2023-south-koreas-league-legends-esports-gold-without-goat-faker-earns-military-service">succès compétitif</a> massif et constant au cours de la dernière décennie. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1544343462476402688"}"></div></p>
<p>Aujourd’hui, <a href="https://www.fortunebusinessinsights.com/esports-market-106820">l’industrie</a> du esport représente plusieurs <a href="https://www.statista.com/statistics/490522/global-esports-market-revenue/#:%7E:text=The%20term%20%E2%80%9CeSports%E2%80%9D%20is%20characterized,over%201.38%20billion%20U.S.%20dollars.">milliards de dollars à l’échelle mondiale</a>. </p>
<p>Dès lors, le esport sera-t-il un jour reconnu au même titre que les sports traditionnels, voire organisés lors d’événements tels que les Jeux olympiques ? </p>
<p>On peut le penser, dans la mesure où cette pratique se démocratise et s’est vue ajouter au programme de grandes compétitions régionales et internationales récemment. Présents dans le cadre d’évènements de démonstration aux <a href="https://olympics.com/en/news/esports-historic-medal-debut-19th-asian-games-hangzhou-schedule-live">Jeux asiatiques depuis 2018</a>, plusieurs jeux ont rejoint le programme officiel lors des <a href="https://olympics.com/en/news/asian-games-2023-overall-medal-table-complete-list">Jeux asiatiques de 2023 organisés à Hangzhou en Chine</a>. À cette occasion, la <a href="https://www.koreatimes.co.kr/www/nation/2023/10/600_360240.html">Corée du Sud a remporté la médaille d’or</a> dans la compétition de <em>League of Legends</em>, ce qui a permis à Faker d’obtenir une <a href="https://www.reuters.com/sports/korean-gamers-cusp-gold-avoiding-military-service-2023-09-28/">rare exemption du service militaire obligatoire sud-coréen</a>. Cette dérogation démontre la reconnaissance dont jouissent aujourd’hui les athlètes de esports dans certains pays. </p>
<p>En ce qui concerne l’inclusion des esports dans les Jeux olympiques, les jeux vidéo ont été inclus dans le cadre du <a href="https://olympics.com/en/esports/"><em>Olympic e-sport Series</em></a> en 2023. Un évènement organisé par le comité international olympique (CIO).</p>
<p>Ce comité, qui cherche régulièrement à rajeunir l’image des Jeux olympiques et à attirer de nouveaux publics, a par ailleurs engagé des réflexions sur la <a href="https://olympics.com/cio/news/annonce-par-le-president-du-cio-dans-son-allocution-d-ouverture-de-la-141e-session-du-cio-a-mumbai-de-son-intention-de-creer-des-jeux-olympiques-d-e-sport">création de Jeux olympiques d’esports</a>. </p>
<h2>Des opportunités de carrières, mais peu d’infrastructures de soutien</h2>
<p>Tout comme les sports traditionnels, l’opportunité de s’impliquer dans le sport électronique n’est pas réservée qu’aux joueurs professionnels qui compétitionnent sur la scène. </p>
<p>Comme pour tout événement compétitif, une équipe professionnelle de gestion et de soutien sont des éléments essentiels pour obtenir les meilleures performances. </p>
<p>Le développement des sports électroniques ouvre ainsi un <a href="https://esportslane.com/esports-job-profiles-non-gaming/">vaste champ de possibilités de carrières</a> pour les amateurs de jeux : organisateurs et gestionnaires d’événements, journalistes, nutritionnistes <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/791808/jeux-olympiques-rio-athletes-preparation-psychologique">consultants en préparation mentale</a>, physiothérapeutes et même avocats pour organiser les relations entre tous ces acteurs.</p>
<p>Cependant, malgré la popularité et l’immense potentiel des sports électroniques, le développement d’infrastructures et de programmes demeure très insuffisant au Canada. Ce manque est surtout flagrant au sein des institutions d’éducation, lieux qui comptent pourtant de nombreux jeunes amateurs de sport électronique. </p>
<p>Idéalement, les infrastructures adaptées aux sports électroniques devraient inclure des ordinateurs performants, une salle dédiée aux sports électroniques, une équipe de soutien, des compétitions intercollégiales et, surtout, une atmosphère qui promeut l’inclusion et la participation de tous dans les sports électroniques.</p>
<p>Certaines institutions postsecondaires ont tout de même créé des espaces dédiés aux esports sur leur campus. Ces espaces contribuent au recrutement des étudiants. C’est le cas par exemple du <a href="https://www.stclaircollege.ca/news/2022/nexus-esports-arena-unveiled-opening-don-france-student-commons">St. Clair College en Ontario</a> qui a créé, en 2022, un espace flambant neuf et à la pointe de la technologie – avec un budget de 23 millions de dollars. </p>
<p>De son côté, l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) a investi $100,000$ en équipement pour créer un <a href="https://globalnews.ca/news/3001912/ubc-esports-club-opens-online-gaming-lounge/">salon dédié aux sports électroniques</a>. </p>
<p>D’autres organisations, comme la <a href="https://www.osea.gg/fr">Fédération ontarienne des associations scolaires de sports électroniques (FOASSE)</a>, vise à promouvoir activement l’intégration d’un programme de esports dans le curriculum scolaire. </p>
<p>Dans un futur proche, si ces efforts s’amplifient, nous pouvons imaginer que les jeunes amateurs de esports auront la chance de jumeler leurs passions pour les jeux vidéo avec une carrière professionnelle – qu’il s’agisse de la compétition de haut niveau ou toute autre carrière dans le champ des jeux vidéo.</p>
<h2>La santé des pratiquants</h2>
<p>Au-delà de la croissance et de la popularité fulgurante du secteur ces dernières années, tout n’est pas rose au royaume du esport.</p>
<p>D’une part, le quotidien des athlètes professionnels du esport n’est pas de tout repos. En effet, leur <a href="https://gaming.gentside.com/jeux-video/consoles-et-pc/league-of-legends-decouvrez-l-emploi-du-temps-millimetre-de-faker_art28843.html">emploi du temps</a> est particulièrement chargé et ils passent une grande partie de leur journée à <a href="https://youtu.be/uyF6ZwtLonM?si=IcG1dt7zjtHxtKZR">s’entraîner</a> ou à <a href="https://www.youtube.com/@T1_Faker">produire du contenu en ligne</a>. </p>
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<p>Les saisons sont particulièrement éprouvantes et les carrières des joueurs peuvent être, sauf exception, très courtes. Ces dernières années, de plus en plus de joueurs se sont ouverts à propos de leurs problèmes de <a href="https://www.esports.net/news/industry/hidden-struggles-of-esports-athletes-mental-health-crisis/">santé mentale</a>. D’autres ont tout simplement <a href="https://www.rtbf.be/article/esport-nouvelle-polemique-autour-du-burn-out-dun-joueur-11159774">disparu des radars</a>, après avoir fait une percée tonitruante sur la scène professionnelle. </p>
<p>Des recherches et du soutien en lien avec les conditions de travail des athlètes sont nécessaires afin de s’assurer qu’ils <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/franceinfo-esport/des-chercheurs-italiens-compilent-toute-la-litterature-scientifique-sur-la-sante-des-joueurs_5678096.html">ne mettent pas en danger leur santé</a> et qu’ils ne soient pas exploités par les équipes et les ligues professionnelles. </p>
<h2>Prévention et traitement des phénomènes de dépendance</h2>
<p>La pratique du esport peut également entraîner chez les joueurs professionnels, les aspirants athlètes ou le grand public, des effets délétères découlant d’un temps de jeu et/ou de dépenses excessifs. </p>
<p>Ces phénomènes sont encouragés et exacerbés par la présence de mécanismes ou stratégies appelés <a href="https://core.ac.uk/download/pdf/301007767.pdf"><em>Dark patterns</em></a>, largement utilisés dans <a href="https://www.darkpattern.games/">certains jeux vidéo</a>. </p>
<p>Ces <em>Dark Patterns</em> peuvent être temporels, en encourageant les joueurs à s’investir pendant une période prolongée. Des récompenses pour progresser dans le jeu peuvent par exemple être offertes aux joueurs qui jouent de manière régulière, à tous les jours. </p>
<p>Les <em>Dark patterns</em> peuvent également être monétaires, en maximisant les dépenses que les joueurs vont effectuer dans un jeu. On parle par exemple de mécanismes qui permettent de payer pour débloquer du contenu esthétique ou certaines parties supplémentaires d’un jeu. </p>
<p>Face à ces mécanismes, il est primordial de surveiller et d’encadrer les pratiques des compagnies de jeux vidéo qui y ont recours. </p>
<h2>Le train est en marche</h2>
<p>Le sport électronique est une pratique relativement récente qui a pris une ampleur incroyable durant les 10 dernières années. Or, ce développement est largement passé inaperçu pour une large partie du grand public. </p>
<p>Le esport est néanmoins en mesure d’offrir des <a href="https://youtu.be/mP3fGkpmVM0?si=x6d7Pk9xr7BPOPTz">événements d’envergure</a> qui n’ont rien à envier aux plus grands événements sportifs traditionnels. Ce serait une erreur de sous-estimer le esport, tant il attire les foules et les talents. </p>
<p>Au contraire, il est important d’accompagner et de soutenir celles et ceux qui aspirent à travailler dans ce domaine. </p>
<p>Et il importe surtout de s’intéresser sérieusement aux défis et problèmes auxquels le esport aujourd’hui confronté, dans sa pratique professionnelle et amateur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216722/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le sport électronique est une pratique dont l’univers est souvent méconnu, voire méprisé. Il s’agit pourtant d’un phénomène global d’une ampleur incroyable, actuellement en pleine croissance.Thomas Burelli, Professeur en droit, Section de droit civil, Université d’Ottawa (Canada), membre du Conseil scientifique de la Fondation France Libertés, L’Université d’Ottawa/University of OttawaHaoran Liu, Reaserch Assistant, L’Université d’Ottawa/University of OttawaMarie Dykukha, Research Assistant, L’Université d’Ottawa/University of OttawaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1864072022-08-23T18:05:43Z2022-08-23T18:05:43ZTransformer la série « Squid Game » en jeu de téléréalité, est-ce trahir sa portée critique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/561950/original/file-20231127-29-5jj37x.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C3%2C1266%2C714&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">« Squid Game : le défi »</span> <span class="attribution"><span class="source">Netflix</span></span></figcaption></figure><p>Le 14 juin 2022, la plate-forme de streaming Netflix a annoncé le lancement de <a href="https://www.squidgamecasting.com/">« Squid Game : The Challenge »</a>, un jeu de téléréalité au casting mondial et avec un gain de <a href="https://about.netflix.com/en/news/netflix-greenlights-squid-game-the-challenge-reality-competition-series">4,56 millions de dollars à la clé</a>, inspiré de la série <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Squid_Game"><em>Squid Game</em></a>.</p>
<p>Réalisée par Hwang Dong-hyuk, cette série dystopique sud-coréenne présente la lutte de 456 personnes endettées et désespérées qui sont recrutées par une mystérieuse organisation pour participer à une compétition où l’unique vainqueur remportera 4,56 millions de wons. Les épreuves de la compétition sont basées sur une <a href="https://www.nbcnews.com/news/asian-america/real-kids-games-squid-game-rcna2726">série de jeux pour enfants traditionnels de la Corée du Sud</a>. Dans la série cependant, à chaque épreuve, les perdants meurent.</p>
<h2>Un succès fulgurant</h2>
<p>Lors de sa sortie en 2021, <em>Squid Game</em> a connu un succès fulgurant. Vue par plus de 130 millions de spectateurs et générant un « media impact value » estimé à 891,1 millions d’euros, d’après <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2021-10-17/squid-game-season-2-series-worth-900-million-to-netflix-so-far">Bloomberg</a>, c’est le plus grand succès de la plate-forme Netflix pour une série non-anglophone. En dehors du visionnage, la série a également provoqué un raz-de-marée de réactions sur les réseaux sociaux. <a href="https://www.nbcnews.com/pop-culture/pop-culture-news/netflix-s-squid-game-sensation-here-s-why-it-s-n1280646">NBC News</a> rapporte notamment que le hashtag de la série #SquidGame a été vu plus de 22 milliards de fois sur TikTok, seulement 17 jours après la sortie de la série.</p>
<p>[<em>Plus de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Bien que surprenant, ce succès se nourrit de plusieurs éléments. On peut penser <a href="https://theconversation.com/comment-sexplique-limprobable-succes-de-squid-game-170124">au concept et à l’esthétique propres à la série, basés sur des références puissantes</a>, et à un intérêt croissant pour la <a href="https://www.nbcnews.com/pop-culture/pop-culture-news/netflix-s-squid-game-sensation-here-s-why-it-s-n1280646">pop culture sud-coréenne</a>. L’univers <em>Squid Game</em> favorise une certaine résonance émotionnelle liée à la nostalgie éveillée par <a href="https://www.cbr.com/netflix-squid-game-billion-dollar/">l’univers de l’enfance et des jeux</a> et à la <a href="https://theconversation.com/social-inequality-and-hyper-violence-why-the-bleak-world-of-netflixs-squid-game-is-a-streaming-phenomenon-168934">fascination pour les jeux télévisés où le vainqueur fait fortune</a>.</p>
<p>La place du <a href="https://theconversation.com/la-serie-squid-game-est-elle-hors-jeu-171080">« jeu »</a> dans la série, sans cesse mis en étroite relation avec le sérieux du désespoir, de la violence et de la lutte, fait émerger une ambiguïté morale et un cynisme retenant l’attention des spectateurs. Cette ambiguïté permet d’appréhender le message central de la série, auquel de nombreux spectateurs semblent s’identifier : cette série représente de manière brutale et angoissante les <a href="https://theconversation.com/comment-sexplique-limprobable-succes-de-squid-game-170124">dérives et les injustices de la société moderne</a>, qui repose sur des <a href="https://www.cbr.com/netflix-squid-game-billion-dollar/">inégalités structurelles et sur la compétition pour la survie</a>.</p>
<h2>Transposer <em>Squid Game</em> en jeu de téléréalité</h2>
<p>Le jeu de téléréalité « Squid Game : The Challenge » actuellement en préparation, et dont le casting est ouvert à <a href="https://www.cnbc.com/2022/06/15/netflix-plans-squid-game-reality-show-with-record-cash-prize.html">toute personne parlant anglais à travers le monde</a>, reprendra des éléments clés de la série. Notamment, l’esthétique du jeu sera reproduite, il y aura le même nombre de participants (456), le même prix à gagner (en dollars cette fois-ci) et la même manière de fonctionner. Il n’y aura qu’un seul gagnant, les épreuves seront inconnues des participants en avance et les perdants seront éliminés à chaque épreuve. Notons une différence de taille : les perdants resteront en vie…</p>
<p>D’après <a href="https://www.nbcnews.com/pop-culture/pop-culture-news/netflix-announced-squid-game-competition-series-fans-say-goes-original-rcna33800">NBC News</a>, de nombreux fans de la série ont réagi négativement sur les réseaux sociaux suite à l’annonce du lancement de « Squid Game : The Challenge », estimant que ce jeu irait à l’encontre du message original de la série.</p>
<h2>Une transposition problématique</h2>
<p><em>Squid Game</em>, la série, porte une critique sociale acerbe. C’est une représentation cynique et brutale du capitalisme moderne dans lequel, selon Hwang Dong-hyuk, <a href="https://www.theguardian.com/tv-and-radio/2021/oct/26/squid-games-creator-rich-netflix-bonus-hwang-dong-hyuk">chacun doit se battre individuellement pour survivre, dans un contexte très inégalitaire</a>. Le créateur de la série s’est d’ailleurs inspiré de ses propres difficultés financières d’après crise, et de luttes sociales ayant marqué la mémoire collective des sud-coréens, telles que <a href="https://www.theguardian.com/tv-and-radio/2021/oct/26/squid-games-creator-rich-netflix-bonus-hwang-dong-hyuk">l’occupation de l’usine de voiture Ssangyoung pendant 77 jours, secouée par un assaut violent de la part des forces de l’ordre et des agents de sécurité</a>.</p>
<p>Pour Elaine Chang, professeure de littérature spécialisée dans le cinéma et les médias vidéo, on pourrait voir dans la série une critique d’un <a href="https://www.theguardian.com/tv-and-radio/2021/oct/26/squid-games-creator-rich-netflix-bonus-hwang-dong-hyuk">capitalisme inhumain qui ne proposerait aucune alternative à son système politico-économique</a>. De même, Sung-ae Lee, professeure en Langues et Cultures Asiatiques, considère la série comme une <a href="https://theconversation.com/social-inequality-and-hyper-violence-why-the-bleak-world-of-netflixs-squid-game-is-a-streaming-phenomenon-168934">métaphore du capitalisme et des inégalités socio-économiques existantes</a>, faisant écho au contexte politique et historique traumatisant de la Corée du Sud au cours du XX<sup>e</sup> siècle. Ces inégalités socio-économiques sont reflétées par l’état de stress économique auxquels sont confrontés les personnages, qui les pousse à accepter de risquer leur vie dans l’espoir de retrouver un ancrage dans la société.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-serie-squid-game-est-elle-hors-jeu-171080">La série « Squid Game » est-elle hors-jeu ?</a>
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<p>La fiction dystopique s’ancre dans des réalités vécues tout en développant une société imaginaire où les dangers et injustices sont poussés à l’extrême. Elle vise donc à faire réfléchir les spectateurs aux dérives potentielles des modèles socio-économiques actuels. Loin de se positionner comme modèle de société, la fiction dystopique cherche à révulser pour alerter. Il y a donc un côté très cynique à « transformer ce monde fictif en réalité » pour reprendre l’expression de <a href="https://about.netflix.com/en/news/netflix-greenlights-squid-game-the-challenge-reality-competition-series">Brandon Riegg</a>, le vice-président de Netflix.</p>
<p>Le risque, c’est d’annihiler ou de rendre stérile la critique sociale d’une œuvre culturelle forte. Le jeu de téléréalité proposé à une échelle internationale risque de détacher <em>Squid Game</em> du contexte socio-économique et culturel dans lequel l’œuvre a été réalisée. Cette décontextualisation met le message politique à distance et le détache des réalités sociales (notamment du surendettement) vécues. Le détournement de cette critique sociale en simple jeu fait disparaître les questions d’éthique et de justice sociale soulevées par la série.</p>
<h2>L’invitation au désengagement moral des spectateurs</h2>
<p>D’après <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/1367877920968105">Hermes and Hill</a>, la transgression des valeurs morales est une force énergisante très utilisée dans la pop culture. La transgression suit un cycle où les règles sont enfreintes puis ré-établies. Ce cycle permet de maintenir notre intérêt en tant que spectateur, mais aussi de renforcer nos liens citoyens dans la célébration, l’outrage ou la condamnation.</p>
<p>Cette force énergisante, on la ressent dans la manière dont Netflix sensationnalise le lancement de ce nouveau jeu de téléréalité qualifié d’ <a href="https://a1.etribez.com/ag/realcasting/sgrow/welcome.html">« expérience sociale »</a>, en utilisant des formules telles que <a href="https://a1.etribez.com/ag/realcasting/sgrow/welcome.html">« jusqu’où êtes-vous prêt à aller ? »</a> dans leur campagne de recrutement. Cela suggère une valorisation des candidats qui seront prêts à dépasser leurs limites physiques et à enfreindre leurs limites morales – le formulaire de recrutement faisant écho aux stratégies de trahison pour aller vers la victoire – afin de gagner la compétition. Ainsi, les participants du jeu sont poussés vers un désengagement moral, où la transgression est valorisée, afin de ressembler au maximum aux personnages en compétition dans la série.</p>
<h2>Marchandisation de la souffrance</h2>
<p>Au-delà de la lutte individuelle et macabre pour la survie dans un contexte d’inégalités et d’injustices, la fiction <em>Squid Game</em> dénonce également une sorte de marchandisation de la souffrance. Dans la série, des spectateurs mystérieux parient sur la vie ou la mort des participants, tout en se délectant de ce spectacle dans une atmosphère lugubre mais luxueuse. Observer des humains désespérés se battre pour leur survie devient donc un spectacle ; la souffrance de l’autre est réduite à un bien que l’on consomme par plaisir.</p>
<p>En transposant la fiction dystopique en jeu de téléréalité, nous propose-t-on de devenir ces spectateurs à la moralité douteuse, se délectant du désespoir et de la souffrance d’êtres humains – même si elle est mise en scène – prêts à tout pour obtenir une meilleure situation financière ?</p>
<p>D’autres émissions de téléréalité nous ont déjà habitués à consommer le <a href="https://www.society-magazine.fr/les-demons-de-la-tele-realite/">désespoir plus ou moins mis en scène des candidats</a>, comme s’il s’agissait d’un simple divertissement. Le danger, c’est que ces questions éthiques autour de la construction et de la consommation d’un jeu fondé sur une fiction dystopique ne soient même pas posées. Que nourrit-on en participant, ou en visionnant un tel programme ? L’évitement et la mise sous silence de ces questions éthiques favorise le désengagement moral des spectateurs et participe à rendre stérile la critique sociale portée par la série.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186407/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Carine Farias ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Lors de sa sortie en 2021, Squid Game a connu un succès fulgurant. Mais le jeu de téléréalité qui en sera bientôt dérivé pose de nombreuses questions d’ordre éthique.Carine Farias, Associate Professor in Entrepreneurship and Business Ethics, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1867582022-07-17T18:23:43Z2022-07-17T18:23:43Z« Webtoons » : que sont ces bandes dessinées numériques que lisent tous les ados ?<p>L’actualité économique des loisirs culturels peut parfois dérouter. Ainsi, tandis que, récemment, d’aucuns voyaient dans le déferlement d’un nouveau support numérique, le <em>webtoon</em>, une « <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/apres-le-manga-le-marche-francais-de-ledition-voit-arriver-la-vague-coreenne-du-webtoon-1405759">menace pour l’édition</a> », d’autres s’étonnaient de la <a href="https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/tv/lamour-en-cliches-le-roman-photo-fait-de-la-resistance-12-02-2022-4BOC4XJIURFIVANWZWYXYBE5N4.php">résistance du marché du roman-photo</a>, qui semblait pourtant terriblement daté, en dépit de tentatives de modernisation récentes, fortement teintées de <a href="https://www.nouvelobs.com/bd/20220626.OBS60179/au-debut-personne-n-y-croyait-le-retour-en-fanfare-du-roman-photo.html">second degré et d’esprit potache</a>.</p>
<p>Pour autant, ce télescopage entre un héritier des années 1950 et une distraction numérique hyperactuelle n’est pas aussi saugrenu qu’il en a l’air.</p>
<p>Les <em>webtoons</em> (mot-valise, à partir de <em>web</em> et <em>cartoon</em>) constituent une vraie nouveauté puisque cette création est apparue en 2003 (sur le portail coréen Daum) et qu’ils connaissent un succès mondial depuis 2019. C’est aujourd’hui un véritable phénomène de société : la principale plate-forme (à la dénomination homonyme) compte 100 milliards de vues, confortant l’<em>hallyu</em>, la « vague coréenne », et son <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-grande-table-idees/coree-du-sud-nouvelle-fabrique-de-la-culture-globale-2544232">emprise croissante sur la culture mondiale</a>, de la K-Pop aux séries télévisées.</p>
<p>S’il est familier aux 10-15 ans, le principe des <em>webtoons</em> mérite d’être rappelé : ce sont des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/bande-dessinee-bd-27413">bandes dessinées</a> dématérialisées conçues pour être lues sur des appareils numériques, en défilement vertical – ce que l’on appelle le <em>scrolling</em>. Ces produits culturels de divertissement sont plutôt destinés à un public jeune, depuis les enfants et préadolescents jusqu’aux jeunes adultes (les bien nommés « adulescents »).</p>
<h2>« Bandes défilées »</h2>
<p>Sur la forme, les <em>webtoons</em> présentent la caractéristique de mélanger images fixes et texte, dans un format prédéfini et conçu pour les écrans des smartphones (sur cet aspect spécifique, il faut citer, pour la production française, le précurseur <em>Bludzee</em>, du prolifique Lewis Trondheim, qui, dès 2009, était conçu pour le format écran, avec publication d’un <em>strip</em> quotidien). La case au format de l’écran est la norme graphique, empêchant les mises en scène jouant sur le format pleine page (bien connues des adeptes de Fred ou de Chris Ware, entre autres).</p>
<p>Sur le fond, il existe des <em>webtoons</em> sur de nombreux thèmes, comme la romance, le mystère ou l’action. Les plus populaires sont <em>Lookism</em> ou <em>Weak Hero</em>, dont les intrigues traitent de harcèlement scolaire, l’histoire d’amour <em>Age matters</em>, ou encore <em>Lore Olympus</em>, une réécriture contemporaine du mythe grec de Perséphone et Hadès, parmi bien d’autres titres. Les personnages sont dynamiques et appartiennent le plus souvent à la même génération que les lecteurs.</p>
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<figcaption><span class="caption">Lore Olympus – Bande-Annonce (Hugo Publishing, 2022).</span></figcaption>
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<figcaption><span class="caption">Lookism – Bande-annonce (Webtoon, 2017).</span></figcaption>
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<p>Dans ce dispositif narratif, tout repose sur la logique sérielle, avec un suspense systématique en fin d’épisode. Chaque lecture d’un <em>webtoon</em> ne prend que 5 à 10 minutes, c’est très rapide et permet une consommation à tout moment, notamment pendant les temps de transport ou les intercours… voire les cours !</p>
<p>Techniquement, ces <a href="https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/livres/la-bd-sur-smartphone-a-la-conquete-du-metro-06-02-2021-8423592.php">« bandes défilées »</a>, pour reprendre l’heureuse expression de Guy Delcourt, patron des éditions qui portent son nom, se consomment facilement puisqu’il suffit de scroller comme on le fait sur de nombreuses applications comme Instagram, Twitter ou TikTok et envers lesquelles l’addiction du public <a href="https://theconversation.com/fr/topics/adolescents-21823">adolescent</a> est <a href="https://www.teamlewis.com/fr/magazine/etude-expressvpn-addiction-des-reseaux-sociaux-chez-les-jeunes/">notoire</a>.</p>
<h2>Un héritage ancien</h2>
<p>Il faut bien sûr un <a href="https://theconversation.com/fr/topics/smartphones-32733">smartphone</a>, mais le taux d’équipement des jeunes dans les pays occidentaux est très élevé : en France par exemple, <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6036909">94 % des 15-29 ans en possèdent</a>, notre pays dénombrant plus de téléphones portables que de brosses à dents. Pas de temps d’appropriation spécifique, pas d’outil inhabituel, les <em>webtoons</em> s’insèrent sans apprentissage dans le quotidien de leurs lecteurs.</p>
<p><iframe id="T9KoA" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/T9KoA/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Pourquoi ces bandes dessinées numériques originales plaisent-elles autant et menacent-elles d’autres genres, comme le manga ou l’<em>anime</em> ? La facilité pratique n’explique pas tout et, en particulier, la combinaison d’images fixes et de phylactères à lire aurait pu sembler rebutante à l’époque des microvidéos qui se consomment sans effort et ignorent même l’usage de la parole, comme dans les <em>posts</em> de la <a href="https://information.tv5monde.com/info/le-senegalais-khaby-lame-devient-la-personnalite-la-plus-suivie-sur-tiktok-461879">star chaplinesque de TikTok, Khaby Lame</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/473364/original/file-20220711-19-juc7dq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Khaby Lame, star de TikTok, au Festival de Cannes en 2002" src="https://images.theconversation.com/files/473364/original/file-20220711-19-juc7dq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/473364/original/file-20220711-19-juc7dq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=989&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/473364/original/file-20220711-19-juc7dq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=989&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/473364/original/file-20220711-19-juc7dq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=989&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/473364/original/file-20220711-19-juc7dq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1242&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/473364/original/file-20220711-19-juc7dq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1242&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/473364/original/file-20220711-19-juc7dq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1242&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Khaby Lame, star de TikTok, au Festival de Cannes en 2002.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Khaby_Lame#/media/Fichier:KhabyLame.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Une explication, simple, est que les <em>webtoons</em> s’inscrivent à la fois dans la modernité et la tradition : produits ultra-contemporains ayant intégré l’hégémonie du smartphone dans le quotidien du XXI<sup>e</sup> siècle, ils reprennent à leur compte des usages bien rodés qui, en partie au moins, justifient leur succès populaire.</p>
<h2>Les webtoons, une variante narrative</h2>
<p>En effet, le principe d’histoires découpées en série, avec des héros similaires au lecteur visé (facilitant l’identification) et où se mélangent séduction et aventure, le tout avec un suspense chronique pour fidéliser le public a été utilisé de longue date, avec une réussite jamais démentie. Née avec les feuilletons d’aventures dans les journaux du XIX<sup>e</sup> siècle, cette matrice structurelle se retrouve dans les <em>serials</em> du cinéma naissant comme <em>Fantômas</em> ou <em>les Vampires</em> puis dans les romans photos populaires des années 1950 et 1960.</p>
<p>La grande époque des revues de bandes dessinées américaines (les <em>comics</em>) ou européennes (avec les magazines <em>Tintin</em>, <em>Spirou</em>, <em>Pilote</em> et le bien nommé <em>À suivre…</em>) reprend ce principe, le suspense de bas de page devenant une règle d’écriture systématique imposée par la publication périodique. À partir des années 1980, les séries télévisées prendront le relais, avec la même logique de tension narrative, depuis le « Qui a tiré sur J.R. ? » de <em>Dallas</em> jusqu’aux <em>cliffhangers</em> artificiels et tristement prévisibles des productions contemporaines.</p>
<p>L’idée est de proposer sur le média le plus populaire du moment des histoires illustrées accrocheuses, comme on le fait depuis deux siècles. Les <em>webtoons</em> sont juste une nouvelle variante adaptée au support préféré du public, ce qui n’enlève rien à leurs mérites esthétiques et, par ailleurs, à leurs racines culturelles asiatiques.</p>
<h2>Production intensive</h2>
<p>Le succès mondial des <em>webtoons</em> est spectaculaire, notamment depuis le confinement de 2020. Rien qu’en France, il y a <a href="https://www.servicesmobiles.fr/lapp-webtoon-est-devenue-une-des-marques-les-plus-influentes-81350">plus de 2 millions d’abonnés</a> à la principale plate-forme sud-coréenne Line Webtoon, lancée en 2004 par le groupe Naver). Sans surprise, les éditeurs ont deux sources de revenus : les annonceurs, <em>via</em> la publicité présente sur les plates-formes ; les lecteurs, grâce aux ventes par abonnements (l’hameçonnage par des premiers chapitres gratuits fonctionne de façon redoutable).</p>
<p>C’est très efficace mais très classique puisque c’est exactement le modèle économique inventé par la presse lors du développement des grands tirages populaires à partir de 1860. Un modèle économique rodé, maintes fois utilisé avec réussite, les nuances résidant dans le dosage entre les deux générateurs de chiffres d’affaires.</p>
<p><em>[Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a>.]</em></p>
<p>La deuxième caractéristique de la production des <em>webtoons</em> est qu’elle est extrêmement intensive : comme un épisode se lit en quelques minutes, un lecteur en dévore plusieurs d’affilée. Il faut donc alimenter les sites avec de très nombreuses nouveautés. Par ricochet, les créateurs sont soumis à une demande de productivité très importante. Mais il faut savoir <a href="https://www.ladn.eu/mondes-creatifs/webtoon-fan-comment-devenir-auteurs">qu’ils ne sont pas salariés</a>, simplement payés au travail fourni s’ils sont sous-traitants des grosses plates-formes ou bien rémunérés au nombre de vues s’ils sont indépendants.</p>
<h2>Lecteurs impatients</h2>
<p>C’est un modèle de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/plates-formes-31157">plate-forme</a> typique de l’ère numérique (des VTC aux livreurs) mais, à nouveau, on retrouve des principes du XIX<sup>e</sup> siècle : les travailleurs sont rétribués à la tâche, en fonction des épisodes livrés sans tenir compte du temps de travail ; ils ne peuvent pas se permettre d’être malades ou de prendre des congés. Certains auteurs à succès gagnent beaucoup d’argent, mais en travaillant à un rythme effréné qui conduit inévitablement au syndrome d’épuisement professionnel.</p>
<p>Appliquer les recettes narratives de l’époque des <em>Misérables</em> n’est pas inintéressant mais en dupliquer le modèle social et économique est moins réjouissant. Et les éditeurs ne sont pas les seuls responsables car des lecteurs impatients <a href="https://www.ladn.eu/mondes-creatifs/webtoon-fan-comment-devenir-auteurs/">harcèlent parfois leurs auteurs préférés</a> pour qu’ils produisent plus et plus vite ! Bienveillance des réseaux sociaux…</p>
<p>Phénomène majeur de l’industrie du divertissement, la popularité des <em>webtoons</em> va sans doute <a href="https://www.servicesmobiles.fr/lapp-webtoon-est-devenue-une-des-marques-les-plus-influentes-81350">continuer à croître</a>. Il faut espérer que l’entrée en lice des grandes maisons de l’édition de la bande dessinée franco-belge comme Dupuis (<em>via</em> Factory, depuis 2019) ou de l’un des principaux éditeurs européens de manga comme Delcourt (Verytoon, 2021) pourra assainir les pratiques du secteur… en proposant – paradoxalement – des versions imprimées de ces œuvres initialement exclusivement numériques !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186758/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joan Le Goff ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les BD « à scroller » nées en Corée se sont imposées comme un produit culturel populaire au croisement de différentes influences, générant une industrie à la fois profitable et inégalitaire.Joan Le Goff, Professeur des universités en sciences de gestion, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1710802021-11-09T22:31:46Z2021-11-09T22:31:46ZLa série « Squid Game » est-elle hors-jeu ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/431006/original/file-20211109-13-1tsb0oi.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C3%2C1001%2C490&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">_Squid Game_, un jeu pas comme les autres. </span> <span class="attribution"><span class="source">Noh Juan/Netflix</span></span></figcaption></figure><p><em>Cet article contient des spoilers sur la première saison de « Squid Game ».</em></p>
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<p>La série <em>Squid Game</em>, lancée sur Netflix le 17 septembre, a connu un foudroyant <a href="https://theconversation.com/comment-sexplique-limprobable-succes-de-squid-game-170124">succès</a>. Ses records d’audience s’expliquent par de multiples <a href="https://www.lemonde.fr/culture/article/2021/10/16/squid-game-ou-les-raisons-du-carton-d-une-serie-sud-coreenne-au-discours-mondialise_6098668_3246.html">raisons</a> : ses similitudes avec d’autres films comme <em>Battle Royale</em> ou <em>Hunger Games</em>, son esthétique aussi fascinante que terrifiante, son message critique de la société capitaliste, ou encore l’effervescence marketing ou médiatique qui l’accompagne. Un tel enthousiasme s’inscrit également dans un contexte plus large qui voit le thème du jeu être récemment mis à l’honneur dans les productions cinématographiques ou télévisées (<em>Le Jeu de la Dame</em>, <em>Ready Player One</em>, <em>Free Guy</em>, etc.).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-sexplique-limprobable-succes-de-squid-game-170124">Comment s’explique l’improbable succès de « Squid Game » ?</a>
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<p>Le vécu de la <a href="https://www.letemps.ch/societe/covid-jeu-societe-place-pions">pandémie et des périodes de confinement</a> explique en partie cet engouement pour la pratique ludique, bien que le fait de jouer semble être une constante socioculturelle à toutes les époques, <a href="https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2015-1-page-61.htm">comme le remarquait déjà l’historien Johan Huizinga en 1951</a>. Le cas de <em>Squid Game</em>, où 456 participants sont invités à passer une série d’épreuves jusqu’à la mort ou la victoire finale, est toutefois singulier. Contrairement à un jeu d’échecs ou à un jeu vidéo, on peut raisonnablement penser que personne n’a envie d’y jouer « pour de vrai » compte tenu de ses enjeux et de sa morbidité, et rares sont les joueurs qui, dans la série, semblent y prendre du plaisir et véritablement vouloir y jouer. </p>
<p><em>Squid Game</em> nous invite ainsi à nous interroger sur ce qui fait jeu, et donc pourquoi nous apprécions jouer ou regarder d’autres personnes jouer : peut-on encore dire que l’on joue à quelque chose si les participants ne semblent pas vraiment y consentir ni même s’amuser ?</p>
<h2>Le modèle classique du jeu</h2>
<p>Le <a href="https://mitpress.mit.edu/books/half-real">« modèle classique du jeu »</a> développé par Jesper Juul peut nous permettre d’y voir plus clair. Ce modèle a en effet été proposé afin de rassembler n’importe quel jeu sous une définition quasi universelle, au-delà des différences historiques ou culturelles. La définition donnée par Juul repose sur les travaux d’autres théoriciens du jeu, comme Huizinga, Caillois, ou encore Salen et Zimmerman. Il les a comparés pour en souligner les similarités, et pour parvenir finalement à un ensemble de six critères qui permettrait de définir d’après lui ce qu’est un jeu, ce qui n’en est pas, ou ce qui serait un cas limite de jeu.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/431008/original/file-20211109-15-y5rjs9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/431008/original/file-20211109-15-y5rjs9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/431008/original/file-20211109-15-y5rjs9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/431008/original/file-20211109-15-y5rjs9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/431008/original/file-20211109-15-y5rjs9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=419&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/431008/original/file-20211109-15-y5rjs9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=419&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/431008/original/file-20211109-15-y5rjs9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=419&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un participant lit et approuve les trois « règles du jeu ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Noh Juhan | Netflix</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Examinons ainsi si <em>Squid Game</em> répond à ces différents critères. Le premier d’entre eux, et peut-être le plus évident, indique que tout jeu possède nécessairement des règles.</p>
<p>Dans <em>Squid Game</em>, cette condition est bien remplie, et ce de façon très claire pour les participants, puisqu’ils sont invités, dès le premier épisode, à lire et signer les trois règles qui réguleront le jeu : il est interdit d’arrêter de jouer, le refus de jouer entraîne l’élimination, et le jeu ne peut être arrêté que si la majorité des joueurs le souhaite. Chacune des épreuves que les participants doivent affronter possède également ses propres règles. La signification des règles peut toutefois demeurer ambiguë, comme l’apprendront les participants à leurs dépens, puisque dans <em>Squid Game</em>, l’élimination est synonyme de mort.</p>
<p>Ce premier critère étant validé, passons aux suivants, qui portent tous sur le résultat (outcome) d’un jeu qui doit, d’après le modèle de Juul :</p>
<ul>
<li><p>proposer différents résultats possibles, notamment en permettant aux joueurs de gagner ou de perdre ;</p></li>
<li><p>valoriser certains des résultats possibles par rapport à d’autres ;</p></li>
<li><p>exiger des joueurs qu’ils déploient des efforts pour parvenir à un résultat positif ;</p></li>
<li><p>être source d’émotions quant au résultat.</p></li>
</ul>
<p>Là encore, il n’est pas difficile de constater que <em>Squid Game</em> remplit l’ensemble de ces conditions : il est bien possible de gagner ou de perdre, il est largement préférable de gagner, ce qui implique que les joueurs doivent faire preuve de nombreuses qualités pour y parvenir et qu’ils sont donc très attachés au fait de gagner, d’autant plus que la défaite entraîne leur mort immédiate.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/431009/original/file-20211109-17-1n8k2v8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/431009/original/file-20211109-17-1n8k2v8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/431009/original/file-20211109-17-1n8k2v8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/431009/original/file-20211109-17-1n8k2v8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/431009/original/file-20211109-17-1n8k2v8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/431009/original/file-20211109-17-1n8k2v8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/431009/original/file-20211109-17-1n8k2v8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La joie procurée par la victoire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Noh Juhan | Netflix</span></span>
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</figure>
<p>Le dernier critère proposé par Juul semble en revanche poser certains problèmes, puisqu’il indique qu’un jeu peut avoir, de façon optionnelle, des conséquences bien réelles en dehors du jeu. On peut ainsi jouer au poker simplement pour s’amuser, ou alors en misant de fortes sommes d’argent : l’issue de la partie a alors des effets sur le « monde réel ». D’après ce critère, ces conséquences sont « négociables », c’est-à-dire qu’elles se décident au cas par cas, à chaque partie.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-jeu-peut-il-nous-sauver-136813">Le jeu peut-il nous sauver ?</a>
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</em>
</p>
<hr>
<p>Le cas de <em>Squid Game</em> s’avère ici plus épineux. D’un côté, le jeu a des conséquences évidentes (devenir multimillionnaire ou mourir), mais celles-ci ne semblent pas du tout optionnelles ni négociables par les participants. D’un autre côté, on pourrait tout à fait imaginer jouer à ce jeu sans qu’il mène à des conséquences aussi drastiques, à condition de « jouer » sur l’ambiguïté de ses règles : l’élimination annoncée des joueurs en cas de défaite pourrait n’impliquer que la fin du jeu, et non la mort. Mais là encore, cette dernière option n’est pas laissée aux joueurs dans la série, et cela a des effets majeurs sur le déroulement du jeu, puisque les participants en viennent à s’entretuer volontairement entre et durant les épreuves.</p>
<h2>Un jeu, mais pour qui ?</h2>
<p>Ce dernier critère laisse donc le débat ouvert quant au statut de jeu que l’on pourrait accorder au dispositif présenté dans <em>Squid Game</em>, tout du moins d’après le modèle proposé par Juul. Il s’agirait, a minima, d’un « cas limite » de jeu. Ces considérations théoriques laissent toutefois certaines questions en suspens : même en considérant qu’il s’agit véritablement d’un jeu, qui aurait envie d’y jouer dans ces conditions ?</p>
<p>En effet, bien que les participants acceptent de continuer à jouer après avoir appris qu’ils risquaient leur vie, peut-on réellement dire que l’on joue à un jeu si on y est forcé ? Un jeu est a priori une <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-essais/Les-jeux-et-les-hommes">activité libre</a>, que l’on peut commencer ou arrêter lorsqu’on le souhaite. Or, peut-on véritablement parler de liberté ou de consentement, alors que les participants ne semblent pas avoir vraiment d’autres choix que de jouer s’ils souhaitent sortir de la misère ?</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/431010/original/file-20211109-21-1a1lua4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/431010/original/file-20211109-21-1a1lua4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=315&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/431010/original/file-20211109-21-1a1lua4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=315&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/431010/original/file-20211109-21-1a1lua4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=315&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/431010/original/file-20211109-21-1a1lua4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=395&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/431010/original/file-20211109-21-1a1lua4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=395&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/431010/original/file-20211109-21-1a1lua4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=395&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des participants jouent leur vie à une partie de billes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Noh Juhan/Netflix</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce modèle laisse ensuite de côté l’avis des participants sur la question, c’est-à-dire <a href="https://journals.openedition.org/sdj/223">l’attitude ludique</a> qu’une personne va choisir d’adopter. Et c’est précisément le point qui sera soulevé dans le dernier épisode, au cours du dialogue entre le vainqueur et l’organisateur du jeu dont l’identité est enfin dévoilée. Ce dernier révèle qu’il a participé au jeu pour faire face à l’ennui et enfin s’amuser, tout en précisant qu’il n’a « jamais forcé personne à jouer à ce jeu ». Pour le vainqueur en revanche, qui n’a participé que par nécessité financière, il est inconcevable que l’on puisse s’amuser de la sorte. L’un semble n’y voir qu’un jeu, l’autre s’oppose farouchement à cette idée.</p>
<p>Tandis que le thème du jeu est omniprésent dans la série, des courses hippiques du premier épisode au pari final, la série laisse elle-même le débat ouvert quant au statut véritable des activités qu’elle donne à voir tout au long de la saison. De même que <a href="https://www.lemonde.fr/culture/article/2021/09/16/l-arc-de-triomphe-empaquete-par-christo-et-jeanne-claude-ravive-le-debat-democratique-sur-l-art-contemporain-dans-l-espace-public_6094911_3246.html">certaines œuvres</a> nous poussent à nous interroger sur ce qui est ou peut être de l’art, de même faut-il nous demander ce qui, pour nous, fait jeu. <em>Squid Game</em> nous y invite notamment en interrogeant les règles et l’équité de ce qu’elle dépeint comme le jeu cruel du capitalisme et de la <a href="https://theconversation.com/why-squid-game-is-actually-a-critique-of-meritocracy-170311">méritocratie</a>.</p>
<p>Si le fait de jouer peut nous sembler anodin, la réflexion sur ce qui fait un jeu ne l’est pas. Elle s’avère indispensable, surtout pour les plus jeunes d’entre nous, face au <a href="http://www.slate.fr/story/217590/enfants-britanniques-imitent-squid-game-jeux-netflix-reaction-protection-education-parents">succès parfois sordide</a> que la série connaît aujourd’hui dans les cours de récréation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171080/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Martin Buthaud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Peut-on encore dire que l’on joue à quelque chose si les participants ne semblent pas vraiment y consentir ni même s’amuser ?Martin Buthaud, Doctorant en philosophie, Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1711472021-11-05T14:43:28Z2021-11-05T14:43:28Z« Squid Game » : quand la manga survivaliste rencontre le fléau de l’endettement<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/430374/original/file-20211104-22501-w9a32e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=50%2C0%2C5568%2C3709&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Cette fantaisie violente émerge du désespoir de l’endettement chronique.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><em>Avis au lecteur : Cet article dévoile des éléments d’intrigue de « Squid Game ».</em></p>
<hr>
<p>La série coréenne « Squid Game », qui fait sensation sur Netflix, est-elle une <a href="https://www.nme.com/reviews/tv-reviews/squid-game-review-netflix-k-drama-3056718">allégorie du capitalisme actuel</a> ? La réaction qu’il produit évoque une forme ancienne de théâtre, les <a href="https://books.google.ca/books/about/Le_th%C3%A9%C3%A2tre_au_Moyen_%C3%82ge.html?id=z-saApnKK94C&redir_esc=y">moralités médiévales</a>, qui martelaient la menace de la damnation éternelle par les sept péchés capitaux.</p>
<p>En tant que professeure de littérature spécialisée dans le cinéma et les médias vidéo, je suis généralement à la recherche de <a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/19416520.2016.1162421">« contradictions constitutives »</a> – c’est-à-dire les hypocrisies propres aux sociétés ultra-capitalistes, démocratiques et prétendument justes et qui défient la règle de droit et le bon sens.</p>
<p>Je suis donc indécise sur la manière d’interpréter l’allégorie dans la parodie d’élections au deuxième épisode de la série. Ce serait une allégorie dans la mesure où la trame narrative véhiculerait un sens profond ou caché que l’auditoire doit décoder – auquel cas, c’est sa réaction qui produit l’allégorie. Mais peut-être aussi qu’il n’y a aucune allégorie et que « Squid Game » ne fait que mettre à nu le mal et l’hypocrisie, de manière particulièrement graphique et crue.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/CULt3blMFii","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<h2>Un capitalisme sans alternative</h2>
<p>En neuf épisodes, cette série-coup de poing expose le <a href="https://www.babelio.com/livres/Fisher-Le-realisme-capitaliste-ny-a-t-il-aucune-alterna/1073246">« réalisme capitaliste »</a>. Cette expression du philosophe Mark Fisher décrit l’impossibilité d’imaginer qu’il y ait quoi que ce soit hors du système politico-économique en place, ni même une alternative à ce système.</p>
<p>Or, quand on demande au créateur de la série Hwang Dong-hyuk s’il a délibérément entrepris d’exposer le capitalisme actuel à travers son côté inhumain et mortel, celui-ci se moque de l’idée même que sa série puisse comporter un message ou un sens « profond ». Il déclarait au <em>Guardian</em> :« La série est motivée par une idée simple : <a href="https://www.theguardian.com/tv-and-radio/2021/oct/26/squid-games-creator-rich-netflix-bonus-hwang-dong-hyuk">nous nous battons pour nos vies même si les dés sont pipés</a>. »</p>
<p>La série s’inspire de ses expériences personnelles durant la <a href="https://www.banqueducanada.ca/2014/11/heritage-crise-financiere/">récession mondiale de 2009</a>. Le financement public pour ses projets de films s’était alors tari, le contraignant lui, sa mère et sa grand-mère, à s’endetter.</p>
<p>Séduit par les jeux survivalistes extrêmes dépeints dans les manga japonais et sud-coréens, Hwang s’est demandé jusqu’à quelle outrance il pourrait aller pour se maintenir en vie, lui et sa famille. Il n’a pas eu besoin de chercher bien loin pour trouver des récits édifiants.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/N0p1t-dC7Ko?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Le créateur de Squid Game, Hwang Dong-hyuk, a été influencé par le manga japonais Battle Royale, qui a également inspiré le film culte éponyme.</span></figcaption>
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<h2>Des événements réels</h2>
<p>L’histoire du héros de la série, Seong Gi-hun, est une <a href="https://www.thenation.com/article/culture/squid-game-review/">transposition d’un conflit violent – et réel – chez le fabricant automobile SsangYong en 2009</a>. Suite au licenciement de 40 % des 2 600 employés, les 1 000 grévistes avaient tenu tête pendant 77 jours au service de sécurité privé de l’entreprise allié à la police coréenne et une trentaine d’entre eux y ont perdu la vie – souvent par suicide.</p>
<p>Sous l’effet du sous-emploi et du chômage chronique et des pertes matérielles (<a href="https://www.bloomberg.com/graphics/2021-coronavirus-global-debt/">aggravées par la pandémie</a>), le niveau de la dette personnelle des Sud-Coréens <a href="https://www.theguardian.com/world/2021/oct/08/squid-game-lays-bare-south-koreas-real-life-personal-debt-crisis">a grimpé à 105 % du PIB</a> en 2021. Au Canada, la dette moyenne des ménages a explosé pour <a href="https://tradingeconomics.com/canada/households-debt-to-gdp">atteindre 112 % au premier trimestre de 2021, avant de retomber à 109 % au deuxième trimestre</a>.</p>
<p>« Squid Game, c’est le monde où nous vivons », a déclaré Hwang Dong-hyuk au Guardian, sans prétention ni exagération.</p>
<h2>Carcan financier</h2>
<p>Dans son rôle de Seong Gi-hun, l’acteur Lee Jung-jae incarne l’homme ordinaire qui joint les rangs des millions de travailleurs déplacés et rejetés. Pris au piège des jobines de service, réduit à travailler comme chauffeur après la faillite du restaurant où il travaillait, ce joueur compulsif au visage attachant et expressif est étranglé de dettes bancaires et usuraires.</p>
<p>Son ex-femme s’est remariée avec un homme avec une belle situation et qui prévoit s’installer aux États-Unis, avec elle et leur fille. Le nouveau mari peut se permettre de célébrer l’anniversaire de sa belle-fille dans un « steakhouse » (prononcé en anglais pour plus d’emphase), tandis que Seong Gi-hun avale un hot-dog et une galette de poisson à la cantine et ne trouve à offrir qu’un présent ridicule remporté à la galerie de jeux.</p>
<p>Joueur invétéré et éternel optimiste, Seong Gi-hun s’imagine toujours sur le point de gagner le Gros Lot – quand il parie l’argent de sa mère ou quand il <a href="https://lepetitjournal.com/seoul/a-voir-a-faire/comment-jouer-ddakji-jeu-papier-squid-game-322550">joue au ddakji</a> dans une station de métro de Séoul.</p>
<p>Mais comme tous les jeux de hasard, il est clair que cette partie de ddakji est truquée dès le départ. Il est également clair que les 456 concurrents du « jeu du calmar » (Gi-hun est le no 456) mettent leur vie en jeu dans une bataille ultime avec l’espoir de rafler le grand prix en argent, dans un suspense où les défis et les risques augmentent de jeu en jeu. Cette intrigue n’est pas sans rappeler le récit japonais <em>Battle royale</em>, <a href="https://variety.com/2021/global/asia/squid-game-director-hwang-dong-hyuk-korean-series-global-success-1235073355/">dont s’est explicitement inspiré Hwang</a>.</p>
<h2>Contradictions</h2>
<p>Ce qui est moins clair – et source de contradictions constitutives et d’ironies à gogo –, c’est la raison pour laquelle tant de téléspectateurs suivent cette série. « Squid Game » <a href="https://www.lapresse.ca/arts/television/2021-10-12/netflix/squid-game-fracasse-un-record-a-sa-sortie.php">fracasse tous les records chez Netflix</a>, devançant même le succès de la série la plus populaire, Bridgerton. <em>Bloomberg News</em> estime que « Squid Game » a rapporté <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/squid-game-un-pactole-a-900-millions-de-dollars-pour-netflix-1355775">900 millions de dollars américains</a> jusqu’à présent.</p>
<p>Cependant, sa réalisation n’a <a href="https://www.premiere.fr/Series/News-Series/Squid-Game-na-coute-que-21-millions-de-dollars-a-Netflix">coûté qu’environ 21 millions de dollars</a>, et son créateur Hwang Dong-hyuk, qui y a perdu six dents à cause du stress, ne touche aucune redevance. Et il espère d’être reconnu pour autre chose un jour.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/429792/original/file-20211102-39236-6iqujn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une vue aérienne de Séoul, avec ses gratte-ciel" src="https://images.theconversation.com/files/429792/original/file-20211102-39236-6iqujn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/429792/original/file-20211102-39236-6iqujn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/429792/original/file-20211102-39236-6iqujn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/429792/original/file-20211102-39236-6iqujn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/429792/original/file-20211102-39236-6iqujn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/429792/original/file-20211102-39236-6iqujn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/429792/original/file-20211102-39236-6iqujn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le niveau d’endettement personnel des Sud-Coréens a grimpé à 105 % du PIB en 2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Un livreur coréen non identifié a déclaré au <em>Guardian</em> : « Il faut payer pour regarder [l’émission] et je ne connais personne qui me laissera utiliser son compte Netflix… De toute façon, quel intérêt à suivre une bande de types écrasés de dettes ? <a href="https://www.theguardian.com/world/2021/oct/08/squid-game-lays-bare-south-koreas-real-life-personal-debt-crisis">J’ai juste à me regarder dans le miroir</a>. »</p>
<p>Pourquoi, en effet, un téléspectateur avec les mêmes difficultés financières que les personnages voudrait-il regarder « Squid Game » ? J’ai recherché sur Internet pour déterminer quelle part des 142 millions de foyers ayant visionné la série avait souscrit à la période d’essai gratuit. Je n’ai pas trouvé la réponse.</p>
<p>Hwang Dong-hyuk négocie <a href="https://www.hollywoodreporter.com/tv/tv-news/squid-game-creator-season-2-meaning-1235030617/">avec les bonzes de la diffusion en continu pour une éventuelle suite</a> ainsi que d’autres projets de films. <a href="https://www.zdnet.fr/blogs/digital-home-revolution/300-millions-d-abonnes-a-la-svod-en-2025-aux-etats-unis-39900143.htm">Compte tenu de la croissance prévue du secteur</a>, qu’est-ce que les téléspectateurs sont prêts à payer ou à sacrifier pour continuer de visionner « Squid Game » ?</p>
<p>Plus précisément, pourquoi le feraient-ils ? Je pense que la réponse à la question de l’allégorie du capitalisme actuel dépend de ce que les spectateurs voient se refléter à l’écran. Un spectateur se reconnaîtra dans un personnage, alors qu’un autre y percevra une souffrance qu’il n’imaginait même pas.</p>
<p>Ces vecteurs d’identification divergents peuvent déterminer s’il y a ou non un sens profond ou caché à « Squid Game ». Ils pourraient influencer la création de nouveaux jeux de hasard, de manipulation et de survie toujours plus affreux. Mais pour le découvrir, il faudra rester à l’écoute.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171147/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elaine Chang ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La popularité inattendue de l’émission coréenne « Squid Game » met en lumière notre rapport à la dette et au capitalisme, mais les contradictions vont au-delà de l’émission elle-même.Elaine Chang, Associate Professor, English and Theatre Studies, University of GuelphLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1701242021-10-18T18:52:06Z2021-10-18T18:52:06ZComment s’explique l’improbable succès de « Squid Game » ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/426958/original/file-20211018-57123-1mrj2of.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=274%2C0%2C1633%2C1206&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Squid Game, un phénomène socioculturel mondial (wall.alphacoders.com)</span> </figcaption></figure><p><em>Cet article est garanti sans spoilers.</em></p>
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<p>Le 12 octobre, la série <em>Squid Game</em> est devenue le <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/squid-game-plus-gros-demarrage-de-lhistoire-de-netflix-1354458">meilleur lancement de Netflix</a> avec 111 millions de visualisations en 17 jours. Elle a ainsi battu <em>Bridgerton</em>, regardée par 82 millions d’abonnés en un mois fin 2019, et s’est placée en <a href="https://www.forbes.com/sites/paultassi/2021/10/03/squid-game-is-now-the-1-show-in-90-different-countries/?sh=77422ac4d9e6">première position dans plus de 90 pays</a>. <em>Squid Game</em> obtient la note de satisfaction de <a href="https://www.imdb.com/title/tt10919420/">8,2/10 sur IMDb</a>, et <a href="https://www.rottentomatoes.com/tv/squid_game/s01">92 % de critiques positives sur Rotten Tomatoes</a>, ce qui donne une indication sur sa qualité.</p>
<p>La série raconte comment 456 marginaux surendettés vont devenir les joueurs d’une compétition fondée sur des jeux d’enfants et dont le vainqueur gagnera 33 millions d’euros. Ils découvriront un détail sur place : <a href="https://www.netflix.com/fr/title/81040344">seul le gagnant survivra aux épreuves mortelles</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">La bande-annonce de la série <em>Squid Game</em>.</span></figcaption>
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<p>Le succès exceptionnel et imprévu de la série est dû à la fois au <a href="https://www.rtl.be/people/potins/le-realisateur-de-squid-game-confie-avoir-perdu-six-dents-pendant-le-tournage-de-la-serie-voici-pourquoi-1330223.aspx">créateur, scénariste et réalisateur Hwang Dong-hyuk</a> – qui dit avoir perdu 6 dents à cause du stress pendant le tournage – au casting très réussi, et à la direction artistique originale et somptueuse. Il reste cependant très surprenant qu’une <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-etoile-du-jour/hwang-dong-hyuk-realisateur-de-squid-game-explique-le-sens-de-sa-serie-cest-une-histoire-sur-les-loosers-les-perdants_4786987.html">série sud-coréenne ultra-violente interdite aux moins de 16 ans qui parle d’une bande de personnages déclassés</a> puisse devenir aussi populaire si rapidement.</p>
<p>Le décalage culturel et le concept même de la série qui étale un massacre sur 9 épisodes devraient plutôt contribuer à exclure une très large partie du public. C’est d’ailleurs sans doute la raison pour laquelle le scénario, qui était prévu pour un film, <a href="https://www.ecranlarge.com/series/news/1399473-squid-game-le-carton-de-netflix-aurait-du-etre-un-film-et-sortir-il-y-a-dix-ans">a mis plus de 10 ans avant de convaincre des investisseurs et des acteurs</a> et de se concrétiser sous la forme d’une minisérie portée par Netflix. </p>
<p>Comment donc expliquer l’improbable succès de <em>Squid Game</em> ? Voici une analyse sans spoilers, tous les éléments mentionnés étant dans la bande-annonce.</p>
<h2>Des références puissantes</h2>
<p>Les principales critiques de <em>Squid Game</em> reprochent à la série de faire du neuf avec du vieux. En effet, cette création originale pousse à l’extrême les codes de plusieurs phénomènes audiovisuels. Si les comparaisons avec les sagas <em>Hunger Games</em>, et <em>Le Labyrinthe</em> sont nombreuses, <em>Squid Game</em> ressemble surtout au dernier film de Kinji Fukasaku, l’un des plus grands réalisateurs de l’histoire du Japon : <a href="https://www.liberation.fr/culture/2001/01/31/battle-royale-le-mal-japonais-par-le-mal_352961/"><em>Battle Royale</em></a>.</p>
<p>Sorti en l’an 2000, <em>Battle Royale</em> raconte comment 42 lycéens sont envoyés par les autorités sur une île où ils doivent s’entretuer pendant trois jours en <a href="https://www.techno-science.net/glossaire-definition/Battle-Royale-film.html">respectant les règles du jeu</a>. Seul le survivant pourra rentrer chez lui avec une récompense. Longtemps interdit dans plusieurs pays dont les États-Unis, <em>Battle Royale</em> est ensuite devenu culte et la référence du genre, considéré par Quentin Tarantino comme <a href="https://vodkaster.telerama.fr/listes-de-films/les-20-films-prefere-de-quentin-tarantino/1361721">son film préféré</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">La bande-annonce du film <em>Battle Royale</em>.</span></figcaption>
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<p><em>Squid Game</em> rappelle également des émissions de téléréalité comme <em>Koh-Lanta</em>, ou <em>Survivor</em> aux États-Unis qui en est à sa 41<sup>e</sup> saison ! En France, le show fête ses 20 ans cette année avec l’édition <em>La Légende</em> qui <a href="https://www.lci.fr/culture/audiences-carton-plein-pour-le-lancement-de-koh-lanta-la-legende-sur-tf1-2194568.html">réalise toujours plus de 25 % de part d’audience en rassemblant 6 millions de téléspectateurs chaque semaine</a>. Comme dans <em>Squid Game</em> – le côté gore en moins – il s’agit de joueurs qui souffrent de la faim et du manque de sommeil, qui s’affrontent dans des épreuves physiques, qui s’éliminent les uns les autres, et dont le vainqueur gagne une importante somme d’argent.</p>
<p>Le plus gros succès de Netflix présente de nombreuses similitudes avec le <a href="https://theconversation.com/fortnite-un-phenomene-economique-social-sportif-et-culturel-124543">jeu vidéo le plus populaire de tous les temps : <em>Fortnite</em></a>. Même si la série écrite antérieurement à la sortie du jeu est bien plus sanglante et que les personnages n’y reviennent pas à la vie, elle reprend largement l’esthétique de <em>Fortnite</em>. D’ailleurs, les <a href="https://wegotthiscovered.com/gaming/fortnite-players-are-recreating-squid-game-in-creative-mode/">personnages et les jeux d’enfants de <em>Squid Game</em> n’ont pas tardé à envahir le jeu vidéo</a> qui fonctionne comme une série télévisée <a href="https://www.youtube.com/watch?v=mlVPYI6BvuM">avec des saisons qui ont chacune leur bande-annonce et leurs événements surprises</a>.</p>
<p>D’autres références incluent <em>La Casa de Papel</em>, autre série culte de Netflix <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Qvr_GO-vMx0">dont la cinquième et dernière saison sortira le 3 décembre</a>, surtout pour les combinaisons portées par les gardes, et <a href="https://www.hbo.com/westworld"><em>Westworld</em>, diffusée par HBO</a>, qui montre comment dans un futur proche des riches qui s’ennuient pourront aller malmener, abuser et tuer des androïdes dans des parcs d’attractions.</p>
<h2>Un univers de fête foraine</h2>
<p>Comme l’explique l’acteur principal Lee Jung-Jae, les <a href="https://www.parismatch.com/Culture/Medias/Secrets-de-tournage-saison-2-message-cache-Ce-qu-il-faut-savoir-sur-le-phenomene-Squid-Game-1761601">décors sont comme des personnages à part entière</a>. Ils expriment des messages, cachent des secrets, évoluent à chaque épisode, et mettent les spectateurs de plus en plus mal à l’aise. Les joueurs sont d’abord assassinés, puis s’entretuent dans un environnement enfantin, très coloré, démesuré, surréaliste, féérique, comme dans une rêverie macabre.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’équipe de <em>Squid Game</em> nous raconte les secrets de la série.</span></figcaption>
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<p>Les vastes espaces minimalistes, aux formes géométriques épurées et aux couleurs vives, <a href="https://www.archdaily.com/969927/squid-game-minimalist-chic-and-spaces-of-oppression">sont déstabilisants et immergent les spectateurs dans un univers décalé</a> et plein d’imprévus. Les personnages y évoluent dans un ballet chorégraphié en détail et filmé avec maestria, ce qui donne à certains plans une beauté inattendue pour une série horrifique. On passe donc brutalement de l’émerveillement à la terreur et inversement. Ce yoyo émotionnel a quelque chose de fascinant.</p>
<p><a href="https://variety.com/2021/artisans/news/squid-game-sets-production-design-1235090060/">Les décors constituent autant d’énigmes</a> dont il faut trouver la solution. Ils révèlent leurs mystères au fur et à mesure que l’intrigue avance. Le public friand de théories du complot en aura pour son argent. <a href="https://koreajoongangdaily.joins.com/2021/10/11/entertainment/television/Squid-Game-art-director-set/20211011144722358.html">Ces espaces de jeu bariolés et enchanteurs</a> contrastent avec les scènes à l’extérieur, dans le « monde réel », où tout paraît sombre, gris, pluvieux, déprimant et angoissant.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/426942/original/file-20211018-13-149iymh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/426942/original/file-20211018-13-149iymh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/426942/original/file-20211018-13-149iymh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/426942/original/file-20211018-13-149iymh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/426942/original/file-20211018-13-149iymh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/426942/original/file-20211018-13-149iymh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/426942/original/file-20211018-13-149iymh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le dortoir des joueurs de <em>Squid Game</em>.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Alphacoders.com</span></span>
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<p>Le lieu le plus intéressant de la série est le <a href="https://architizer.com/blog/inspiration/stories/the-architecture-of-squid-game/">dortoir des joueurs dont les lits empilés le long des murs ressemblent aux tribunes d’un stade</a>. Cela crée un effet d’arène avec un large espace vide au milieu et de grandes marches autour, évoquant les combats de gladiateurs ou les jeux du cirque. La structure est faite de racks de stockage, comme si les joueurs étaient des marchandises, des gadgets ou des jouets. Ils n’ont d’ailleurs plus de nom, mais un numéro inscrit en grand sur leurs vêtements. On a aussi parfois l’impression qu’ils sont dans des cages comme les animaux d’un cirque.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/426987/original/file-20211018-165041-pcn752.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/426987/original/file-20211018-165041-pcn752.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=216&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/426987/original/file-20211018-165041-pcn752.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=216&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/426987/original/file-20211018-165041-pcn752.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=216&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/426987/original/file-20211018-165041-pcn752.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=272&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/426987/original/file-20211018-165041-pcn752.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=272&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/426987/original/file-20211018-165041-pcn752.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=272&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">A gauche, le labyrinthe d’escaliers de <em>Squid Game</em> ; à droite, <em>La Muralla Roja</em> de Riccardo Boffil.</span>
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<p>Autre espace impressionnant, le grand hall rempli d’escaliers multicolores superposés qui connectent le dortoir des joueurs avec les espaces de jeu. Cet imbroglio de marches, de portes et de fenêtres trouve son inspiration dans deux principales œuvres : <a href="https://www.gqmagazine.fr/pop-culture/article/squid-game-serie-netflix-decor-booking-location-appartement"><em>La Muralla Roja</em> de Ricardo Boffil</a> et <a href="https://kpophit.com/heres-what-the-maze-like-staircase-in-netflixs-squid-game-was-heavily-based-on-kpophit/"><em>Relativité</em> de M. C. Escher</a>. Dans ce dédale, les joueurs apparaissent désorientés et piégés, minuscules et insignifiants comme les pions d’un jeu. Les autres décors tout aussi travaillés ne seront pas décrits pour ne pas divulgâcher la série.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/426920/original/file-20211018-27-6adrj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/426920/original/file-20211018-27-6adrj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=583&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/426920/original/file-20211018-27-6adrj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=583&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/426920/original/file-20211018-27-6adrj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=583&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/426920/original/file-20211018-27-6adrj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=732&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/426920/original/file-20211018-27-6adrj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=732&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/426920/original/file-20211018-27-6adrj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=732&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"><em>Relativité</em> de M. C. Escher.</span>
<span class="attribution"><span class="source">www.beaux-arts.ca</span></span>
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<h2>Un déferlement sur les réseaux sociaux</h2>
<p>La série <em>Squid Game</em> bénéficie d’une <a href="https://www.entrepreneur.com/article/389002">campagne de marketing viral tellement efficace</a> que même ceux qui ne l’ont pas vue connaissent les personnages, les costumes, les décors, les scènes cultes et l’intrigue principale. Pourtant, Netflix n’a pas cherché à créer le buzz autour de cette série plus qu’une autre.</p>
<p><em>Squid Game</em> a <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/les-enjeux-des-reseaux-sociaux/squid-game-un-phenomene-pour-l-age-connecte">envahi les réseaux sociaux</a> avec d’innombrables mèmes, ces détournements visuels qui font référence aux situations de la série. Des centaines de milliers de tweets ont été postés chaque jour avec le #squidgame qui est régulièrement premier des tendances mondiales depuis le lancement le 17 septembre.</p>
<p>Des centaines de vidéos YouTube sont consacrées à <em>Squid Game</em>. En France on pourra citer principalement celles des YouTubers <a href="https://www.youtube.com/watch?v=ibjtvile43Q">Norman</a> (12,1 millions d’abonnés), <a href="https://www.youtube.com/watch?v=QSIqxdIleEI">Lama faché</a> (8,4), <a href="https://www.youtube.com/watch?v=kvnGvmhFuoI">Valouzz</a> (2,64), <a href="https://www.youtube.com/watch?v=AQts-gQhBa8">Sora</a> (2,08), <a href="https://www.youtube.com/watch?v=HDmc19LEFns">Sofyan</a> (1,82 millions), <a href="https://www.youtube.com/watch ?v=nTxNyHCkXYU">Math</a> (1,62 millions), et <a href="https://www.youtube.com/watch ?v=g3ZQBWwUGCg">HugoDécrypte</a> (1,37), sans parler des chaînes de média comme <a href="https://www.youtube.com/watch ?v=wqAlTsyeBrI">Le Parisien</a>, <a href="https://www.youtube.com/watch ?v=moldsOcVu1s">LeHuffPost</a>, <a href="https://www.youtube.com/watch ?v=Vvi0BaXABag">LCI</a>, ou <a href="https://www.youtube.com/watch ?v=X60mSMaQcuw">WatchMojo</a>. Sur Tiktok, les vidéos avec le #squidgame ont cumulé 50 milliards de vues.</p>
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<figcaption><span class="caption"><em>Squid Game</em> selon Norman.</span></figcaption>
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<p>De nombreux événements autour de la série ont créé le buzz. <a href="https://www.melty.fr/squid-game-un-pop-up-store-defie-des-fans-aux-jeux-et-cree-l-emeute-a-paris-a774021.html">Une boutique éphémère a été ouverte à Paris</a> le temps d’un week-end et a donné lieu à des émeutes en raison d’une affluence ingérable. La poupée géante du premier épisode a été <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/poupee-squid-game-netflix-feu-tricolore-manille_fr_6157113de4b075408bd66c01">installée à un passage piéton de Manille</a>, aux Philippines pour inciter les gens à ne pas traverser au feu rouge. Un hôtel de Gangneung en Corée du Sud va <a href="https://www.nouvelles-du-monde.com/un-hotel-coreen-accueillera-un-evenement-squid-game-reel/">recréer certaines des épreuves de <em>Squid Game</em></a> pour ses clients et a vendu toutes les places en deux jours.</p>
<p><a href="https://www.vogue.fr/vogue-hommes/article/squid-game-vans-slip-on">Les chaussures Vans Slip-On blanches</a> similaires à celles portées par les joueurs dans la série ont vu leurs ventes multipliées par 80. Les tenues des joueurs comme celles des gardes font partie des costumes d’Halloween les plus recherchés sur Amazon et certains modèles sont en rupture de stock. Ironiquement, <a href="https://www.chicagotribune.com/entertainment/what-to-watch/ct-ent-squid-game-netflix-20211007-puknlwoskjc2zfn4otw5bpryae-story.html"><em>Squid Game</em> qui s’attaque aux dérives du capitalisme génère une frénésie de business</a>.</p>
<h2>Une société où l’argent fait le bonheur</h2>
<p>Pour son créateur, <em>Squid Game</em> est avant tout une <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/en-coree-du-sud-la-serie-squid-game-reveille-le-debat-sur-les-inegalites-sociales-1353638">critique de la société capitaliste et des inégalités qu’elle produit</a>, comme le film sud-coréen <em>Parasite</em>, Palme d’Or à Cannes à l’unanimité du jury en 2019 et première œuvre non anglophone à remporter l’Oscar du meilleur film en 2020. <em>Squid Game</em> dénonce la perte de repères, l’isolement, les humiliations et le désespoir d’une large part de la population sud-coréenne, et par extension du monde entier.</p>
<p>Au-delà du divertissement, la popularité de <em>Squid Game</em> reflète donc une <a href="https://www.ouest-france.fr/medias/netflix/squid-game-pourquoi-la-serie-netflix-du-moment-n-est-pas-qu-un-jeu-de-massacre-db2e0508-2828-11ec-991c-dac596d5a249">adhésion à son message contre les dérives et les injustices de la société moderne</a> : insécurité galopante, incivilité et criminalité, misère extrême, discrimination contre les étrangers, les femmes ou les personnes âgées, exclusion sociale des « plus faibles », addictions diverses, course à la consommation et surendettement, dépressions et suicides… Chaque personnage révèle une détresse et une forme de fatalité contre laquelle il se sent impuissant.</p>
<p>Les joueurs sont libres de partir à tout moment, à condition d’être une majorité à décider de le faire, ce qui est d’ailleurs le cas après le carnage du premier jeu. Mais ils reviennent presque tous ! Ces personnages désespérés sont rejetés ou ne parviennent pas à s’intégrer dans un <a href="https://theconversation.com/social-inequality-and-hyper-violence-why-the-bleak-world-of-netflixs-squid-game-is-a-streaming-phenomenon-168934">monde qui semble ne pas vouloir d’eux et ne leur laisser aucune chance de s’en sortir</a>. Au moins, dans le jeu, ils ont une chance sur 456 de devenir millionnaire.</p>
<p>Cette situation rappelle le <em>Discours de la servitude volontaire</em> d’Étienne de la Boétie qui écrivait en 1576 : « Il y a en l’homme une préférence pour la servitude volontaire, parce que la servitude est confortable et qu’elle rend irresponsable ». Dans <em>Squid Game</em>, les joueurs sont tellement aliénés par la société dans laquelle ils survivent qu’<a href="https://www.franceculture.fr/conferences/palais-de-la-decouverte-et-cite-des-sciences-et-de-lindustrie/servitude-et-soumission">ils choisissent librement d’être prisonniers</a> et de finir assassinés pour avoir la chance illusoire de devenir riche.</p>
<p>Compte tenu du succès de la série, qui a <a href="https://www.bfmtv.com/people/series/squid-game-a-coute-21-4-millions-de-dollars-a-netflix-et-devrait-en-generer-pres-de-900-millions_AN-202110170175.html">coûté 21 millions de dollars et en a généré 900</a>, et de l’ouverture du dernier épisode, <a href="https://www.20minutes.fr/arts-stars/serie/3138475-20211002-squid-game-createur-serie-dit-plus-saison-2">il est fort probable qu’une deuxième saison voie le jour</a>, même si le créateur de la série assure qu’il n’a pas encore assez d’idées et qu’il aura besoin cette fois de s’entourer d’autres scénaristes et réalisateurs pour l’aider.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/170124/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Oihab Allal-Chérif ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment une série gore, non anglophone, dont le script a été rejeté pendant 10 ans, est-elle devenue le plus grand succès de l’histoire de Netflix ?Oihab Allal-Chérif, Business Professor, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1503132020-11-18T21:34:22Z2020-11-18T21:34:22ZLa Chine au cœur de la plus grande zone de libre-échange de la planète<p>Le 15 novembre dernier, 15 pays d’Asie-Pacifique (les 10 pays de l’Asean, la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande) ont <a href="https://www.reuters.com/article/us-asean-summit-rcep-signing/asia-forms-worlds-biggest-trade-bloc-a-china-backed-group-excluding-u-s-idUSKBN27V03O">entériné</a> la création d’une zone de libre-échange d’une importance majeure dans le système international : le Partenariat régional économique global (<em>Regional Comprehensive Economic Partnership</em>, RCEP). Un partenariat qui rassemble plus de 30 % de la population mondiale et où l’on retrouve donc la Chine… mais ni l’Inde, ni les États-Unis ni l’Europe.</p>
<p>Après une décennie de discussions, depuis le lancement d’une initiative à Bali en 2011, Pékin semble donc avoir réussi à mettre en œuvre une <a href="https://www.atlande.eu/references/636-dictionnaire-de-la-regionalisation-du-monde-9782350305066.html">intégration régionale économique accélérée</a> en Asie-Pacifique.</p>
<p>Cette intégration <a href="https://theconversation.com/huawei-en-ordre-de-bataille-face-aux-sanctions-americaines-144590">confirme le découplage</a> entre intérêts économiques et axes stratégiques. Car nombre des États du RCEP sont hostiles à Pékin, et certains d’entre eux ont même pris explicitement position pour le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/11/13/l-indo-pacifique-une-alliance-xxl-pour-contrer-la-chine_6059641_3210.html">projet Indo-Pacifique</a> dominé par les États-Unis et visant à contrer <a href="https://www.fdbda.org/2020/06/le-collier-de-perles-chinois-expansion-et-obstacles/">l’expansionnisme militaire chinois</a>.</p>
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<p>La signature du RCEP est, d’abord, la conséquence du <a href="https://www.letemps.ch/monde/donald-trump-retire-etatsunis-traite-libreechange-transpacifique">retrait américain du Trans-Pacific Partnership</a> (TPP) en 2017, lequel a largement profité à la Chine, lui offrant sur un plateau une place écrasante en Asie-Pacifique. Mais sans régulation ni mécanismes autres qu’économiques, pourtant nécessaires étant donné les <a href="https://theconversation.com/asie-du-sud-est-et-asie-centrale-deux-laboratoires-strategiques-de-lexpansion-chinoise-137295">disparités abyssales entre ses membres</a>, cette région, qui devient plus que jamais le <a href="https://www.senat.fr/rap/r13-723/r13-723-syn.pdf">centre de gravité du monde</a>, n’échappera ni aux tensions ni aux risques de conflits. Certes, le RCEP dopera assurément, un temps, la croissance et les investissements. Mais ensuite ?</p>
<h2>Un accord de libre-échange très important… et assez rudimentaire</h2>
<p>Si les négociations ont été assez longues, ce qui est normal lorsque plusieurs États engagent des pourparlers sur des sujets compliqués (avec la géopolitique en toile de fond), le <a href="https://asiatimes.com/2020/11/india-has-good-reason-to-reject-the-rcep/">retrait de l’Inde à la fin de l’année 2019</a> et la limitation de l’accord au libre-échange de produits ne doivent pas écarter les logiques économiques initiées par les États d’Asie du Sud-Est dès 2011. Les négociations, lancées en 2013, viennent donc d’aboutir à la signature à Hanoï (du fait de la présidence du Vietnam à l’Asean), et en visioconférence, de cet accord <a href="https://www.dfat.gov.au/trade/agreements/not-yet-in-force/rcep/rcep-text-and-associated-documents">structuré en 20 chapitres</a>.</p>
<p>Cet accord commercial, le plus grand au monde, <a href="https://www.la-croix.com/Economie/RCEP-lAsie-cree-grosse-zone-libre-echange-monde-2020-11-15-1201124673">concentre 30 % du PIB de la planète</a>. Selon les <a href="https://www.ft.com/content/2dff91bd-ceeb-4567-9f9f-c50b7876adce">professeurs Pétri et Plummer, de l’université Johns Hopkins</a>, le texte, qui prévoit de diminuer les tarifs douaniers (à hauteur de 90 %) appliqués à la plupart des produits échangés entre les pays signataires, permettra à ceux-ci d’accroître leur PIB de 0,2 %.</p>
<p>Le RCEP augmentera les flux économiques entre pays partenaires et aboutira, dans un temps très court (d’ici deux à cinq ans), à la mise en place de <a href="https://www.cairn.info/revue-le-journal-de-l-ecole-de-paris-du-management-2012-6-page-30.htm">normes communes</a>. Des normes promues par Pékin, qui voit là une occasion en or de tester et de mettre en place un système normatif <a href="https://asiasociety.org/policy-institute/rcep-agreement-another-wake-call-united-states-trade">dans son environnement régional proche</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1142768158559760384"}"></div></p>
<p>Tandis que les <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/la-chine-est-le-pays-le-plus-protectionniste-vis-a-vis-de-leurope-1029884">mesures protectionnistes prises par Pékin</a> concernant son propre marché incitent les entreprises occidentales mais aussi japonaises à quitter la RPC, le RCEP va pousser les entreprises étrangères à implanter dans cet espace périphérique de plus en plus d’unités de production pour bénéficier de tarifs douaniers privilégiés et, ainsi, rester compétitives dans la région. Cette année, l’Asie dans son ensemble va générer plus de 50 % de l’ensemble du PIB mondial. Rappelons que ce ratio <a href="https://www.lesechos.fr/monde/asie-pacifique/pekin-signe-le-plus-grand-accord-commercial-de-la-planete-avec-14-pays-dasie-1265006">n’atteignait pas 20 % en 1980</a>.</p>
<p>La périphérie chinoise se voit ainsi conférer, et sur un périmètre étendu, le statut d’une « Zone économique spéciale » – ce qui permet à la RPC de sanctuariser encore davantage ses intérêts dans son environnement régional proche. Ce réaménagement de l’espace lui assure une <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/kevin-sneader-le-covid-creusera-l-ecart-entre-la-chine-et-le-reste-du-monde-20201113">emprise sans précédent sur un marché asiatique riche des potentialités</a> qui lui sont offertes par plus de 2 milliards de consommateurs.</p>
<h2>L’Asie du Sud-Est en questions</h2>
<p>Cet accord n’a pas été initié par la Chine, mais par les <a href="https://asean.org/asean-hits-historic-milestone-signing-rcep/">pays de l’Asean</a>, désireux de tirer profit de leur contexte géographique et économique intermédiaire, entre le bassin Pacifique et Indien d’une part, les pôles de puissances économiques d’Asie du Nord-Est (Chine–Japon–Corée du Sud) et ceux d’Océanie (Australie et Nouvelle-Zélande) d’autre part. Mais au sein du RCEP, leur poids économique sera <a href="https://thediplomat.com/2020/06/asean-must-make-the-best-of-its-new-centrality-in-chinas-diplomacy/">largement inférieur à celui de la Chine</a>. Ce cadre sera un atout stratégique pour la RPC, qui y mêlera diplomatie publique multilatérale et négociations bilatérales concrètes, et usera pleinement de la forte dépendance économique des pays d’Asie à son égard.</p>
<p>De son côté, Taiwan a <a href="https://www.taipeitimes.com/News/front/archives/2020/11/16/2003746988">fait savoir</a> que sa diplomatie poursuivrait ses efforts en vue de rejoindre le nouveau format du TPP (le <a href="https://www.dfat.gov.au/trade/agreements/in-force/cptpp/Pages/comprehensive-and-progressive-agreement-for-trans-pacific-partnership">CPTPP</a>, qui lie le Japon, l’Australie, Brunei, le Canada, le Chili, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour et le Vietnam) afin de réduire l’impact qu’aura pour l’île la signature du RCEP, dont Taiwan ne fait pas partie. Cet impact sera particulièrement sensible pour les industries pétrochimiques et textiles taïwanaises, <a href="https://taiwaninfo.nat.gov.tw/news.php?unit=53&post=189057">a estimé</a> la ministre taïwanaise de l’Économie Wang Mei-hua.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1328280248794968064"}"></div></p>
<p>Toutefois, 70 % des exportations taïwanaises vers les pays signataires du RCEP sont des produits technologiques déjà exemptés de droits de douane en vertu de l’accord sur les technologies de l’information signé en 1996 dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (dont Taiwan est membre de plein droit) et <a href="https://www.wto.org/french/tratop_f/inftec_f/inftec_f.htm">élargi en 2015</a>. Les entreprises taïwanaises, a-t-on ajouté au ministère de l’Économie, ont en outre eu le temps de s’adapter à un environnement concurrentiel déjà marqué par des accords bilatéraux de libre-échange conclus entre les pays de l’Asean et la Chine, la Corée, le Japon, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Les spéculations vont désormais bon train pour savoir si les <a href="https://www.lopinion.fr/edition/international/etats-unis-joe-biden-veut-mettre-en-place-normes-commerciales-229245">États-Unis de Joe Biden</a> finiront à leur tour par rejoindre le CPTPP.</p>
<p>Par ailleurs, cette configuration économique et financière permet de poser la question de la <a href="https://www.ft.com/content/77075422-b6f9-11ea-8ecb-0994e384dffe">concurrence des places financières en Asie</a> et celle <a href="https://www.taipeitimes.com/News/editorials/archives/2020/10/19/2003745402">du statut potentiel de Taiwan</a> à cet égard.</p>
<h2>Une victoire institutionnelle et surtout fonctionnelle pour la Chine</h2>
<p>La signature du RCEP est une première pour la Chine et témoigne du cadre évolutif de sa politique étrangère, qui contraste avec son immobilisme en matière de gouvernance intérieure. En cela, le régime de Pékin, manie avec pragmatisme <a href="https://www.fdbda.org/2020/05/la-resistible-ascension-de-la-chine-pt-1-un-regime-mutant/">tactique économique libérale et autoritarisme politique</a></p>
<p>La Chine pourrait asseoir encore plus son influence économique et industrielle, en déployant de nouvelles chaînes de production dans cette vaste zone, en particulier en Asie du Sud-Est. Conjoncturellement, alors que l’économie mondiale est fortement ralentie, le <a href="https://www.imf.org/en/News/Articles/2020/11/12/sp111220-managing-director-remarks-at-caixin-summit?cid=em-COM-789-42279">FMI annonçait récemment</a> que la Chine afficherait une croissance à 1,9 % cette année et projette 8,2 % pour 2021.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1316688191454351360"}"></div></p>
<p>À terme, l’enjeu est aussi politique et stratégique. Une présence renforcée de Pékin dans ce vaste espace géoéconomique lui assure une position dominante, malgré les initiatives américaines dans l’« Indo-Pacifique » et la consolidation de coopération entre le Japon, l’Inde, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. De plus, le RCEP ne limitera pas les effets des sanctions commerciales et technologiques américaines visant la Chine. Cependant, l’appareil industriel de Pékin y trouvera une <a href="https://www.scmp.com/economy/china-economy/article/3110022/chinas-marginal-rcep-gains-will-not-offset-trade-war-impact">opportunité d’approvisionnements et de débouchés</a>.</p>
<h2>Quid du concept Indo-Pacifique ?</h2>
<p>Malgré la dégradation des relations bilatérales (Chine-Australie ou Chine-Japon), accélérée par les conséquences géopolitiques de la pandémie de Covid-19, plusieurs partenaires des États-Unis ont signé cet accord de libre-échange qui profite à Pékin.</p>
<p>L’intégration dans cet accord commercial de pays industrialisés et proches de Washington tant en matière industrielle et économique que militaire (Japon, Corée du Sud, Australie et Nouvelle-Zélande) ne va pas sans contredire les objectifs stratégiques et sécuritaires du concept américain « Indo-Pacifique », plus précisément <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2020/10/23/chine-etats-unis-une-histoire-sous-la-contrainte-ou-les-rivalites-du-temps-present/">Free and Open Indo-Pacific</a>.</p>
<p>Si le <a href="https://www.asie21.com/2018/03/01/tableau-militaire-de-la-region-indopacifique/">déploiement militaire américain</a> qui vise à contenir les capacités de projection et d’expansion chinoises est important dans la zone, et de mieux en mieux articulé à plusieurs pays signataires du RCEP, l’intégration fonctionnelle du libre-échange, où la Chine domine et dominera, montre les limites du recours à l’outil militaire face à la logique de guérilla géoéconomique permanente entretenue par Pékin.</p>
<p>Les brevets, les marchandises, l’influence économique et les réseaux d’affaires chinois, puissamment soutenus par le régime (entreprises d’État, réseau diplomatique, collusion des milieux d’affaires et politiques) sont <a href="https://www.fdbda.org/2020/06/la-resistible-ascension-de-la-chine-pt-3-un-hegemon-partiel-pour-un-monde-trop-grand/">autant de points tactiques acquis à Pékin</a> dans cette vaste zone qui recoupe intérêts européens, américains, indiens, japonais etc. Le renforcement du <a href="https://asia.nikkei.com/Politics/International-relations/Quad-drills-Australia-to-join-India-US-and-Japan-at-Malabar"><em>Quad</em></a> (<em>Quadrilateral Security Dialogue – États-Unis, Japon, Inde et Australie</em>) pourrait être à bien des égards inopérant. Jeffrey Wilson, chercheur au think tank australien ASPI, évoque même une <a href="https://www.aspistrategist.org.au/rcep-will-redraw-the-economic-and-strategic-map-of-the-indo-pacific/">reconfiguration économique et stratégique majeure en Asie-Pacifique</a>.</p>
<p>Non seulement, le RCEP vient sanctuariser la puissance industrielle et commerciale chinoise, mais il va aussi accélérer la contestation du réseau d’alliances militaires et économiques des États-Unis. En somme, le commerce vient perturber le spectre de la puissance stratégique. D’ailleurs, l’Inde, qui fait de la Chine la priorité de sa politique étrangère (à travers son dispositif sécuritaire vis-à-vis du Pakistan, mais aussi le développement de ses liens économiques, militaires et diplomatiques avec l’Asie du Sud-Est, le Japon et l’Australie), pourrait, de manière versatile, <a href="https://asia.nikkei.com/Opinion/India-s-return-to-RCEP-is-in-everyone-s-interests">rejoindre le RCEP</a>. Rappelons que l’Inde est membre de l’Organisation de Coopération de Shanghai, institution initiée par la Chine, au sein de laquelle se trouve le Pakistan.</p>
<p>Le 15 novembre 2020 signe officiellement le début d’une intégration fonctionnelle en Asie-Pacifique qui se complète aux autres initiatives dominées par Pékin : Organisation de coopération de Shanghai, projet BRI, <a href="http://www.chinatax.gov.cn/eng/britacom.html">BRITACOM</a>, <a href="https://cqegheiulaval.com/les-enjeux-politiques-et-economiques-de-la-baii/">BAII</a>, etc. La géoéconomie asiatique, polarisée sur la Chine, demeurera longtemps un facteur stratégique des recompositions de l’ordre international.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/150313/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est délégué général du FDBDA</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Lincot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Quinze pays de la zone Asie-Pacifique, parmi lesquels la Chine, viennent de créer une zone de libre-échange immense, regroupant 30 % de la population mondiale. Un atout de plus pour Pékin.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Emmanuel Lincot, Spécialiste de l'histoire politique et culturelle de la Chine contemporaine, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1453142020-09-08T18:47:28Z2020-09-08T18:47:28ZLa crise devrait accélérer la montée en puissance de l’Internet des objets<p>Premier grand foyer épidémique hors de Chine, la Corée du Sud déplorait fin août au moins <a href="https://www.challenges.fr/monde/coronavirus-la-reprise-de-l-epidemie-en-coree-du-sud-place-les-hopitaux-sous-pression_724919">321 morts de la Covid-19 depuis le début de l’épidémie</a> bien loin des dizaines de milliers de victimes comptabilisés dans nos hôpitaux. Même si l’épidémie connaît actuellement une reprise, la continuité de l’activité économique a été assurée pendant toute la crise. Rien d’étonnant donc à ce que ce pays ait été brandi comme modèle.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/355494/original/file-20200831-22-uzcd96.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/355494/original/file-20200831-22-uzcd96.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/355494/original/file-20200831-22-uzcd96.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/355494/original/file-20200831-22-uzcd96.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/355494/original/file-20200831-22-uzcd96.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/355494/original/file-20200831-22-uzcd96.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/355494/original/file-20200831-22-uzcd96.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/355494/original/file-20200831-22-uzcd96.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Schéma du « smart quarantine information system » coréen.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.cdc.go.kr/contents.es?mid=a30337000000">cdc.go.kr</a></span>
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<p>Le secret de cette redoutable efficacité ? Une approche préventive doublée d’un exploit technologique : un dispositif reposant sur une plate-forme (<em><a href="http://www.cdc.go.kr/contents.e.s?mid=a30337000000">smart quarantine information system</a></em>) associée à des systèmes connectés et alimentée par les données de santé des citoyens collectés via une application mobile dédiée. Mais le vrai succès est à attribuer à l’adhésion partagée des pouvoirs publics, des entreprises et du peuple coréen à une approche préventive.</p>
<p>Adhésion grandement facilitée par le traumatisme de la précédente épidémie à coronavirus, celle de MERS, qui avait frappé le pays en 2015. La crise actuelle a donc constitué un accélérateur du passage d’une société curative – subissant et réagissant a posteriori à des événements dont les dommages peuvent être au mieux atténués – vers une société préventive – qui s’organise pour éviter d’être prise au dépourvu. Ce qui, dans le cas coréen, indique que nous aurions tout à gagner à mettre en place une approche proactive.</p>
<h2>Produire des bénéfices</h2>
<p>Dans cette perspective, l’Internet des objets (<em>Internet of Things</em>, ou IoT) apparaît comme maillon essentiel d’un dispositif à vocation préventive. L’IoT désigne un système d’échange en temps réel d’informations collectées à partir de capteurs dont sont munis les objets (Things) comme les machines, les robots ou les téléphones.</p>
<p>D’où vient la puissance de ce système ? De la quantité massive de données (big data ou mégadonnées), de leur temporalité – elles sont fournies en temps réel – et de leurs croisements avec d’autres sources pour analyse par des algorithmes confèrent à l’IoT un grand pouvoir prédictif. Sans forcément recourir à des algorithmes très sophistiqués ; une simple règle logique (de type « si… alors ») peut suffire pour une action efficace (« Si la température s’élève à 39° et que l’individu a croisé une personne atteinte du virus au cours des 5 derniers jours, alors l’individu est très probablement contaminé, ce qui déclenche l’envoi d’un message »).</p>
<p>Une condition cependant : les solutions (de gestion de pandémie ou autres) fondées sur l’IoT n’ont de sens que si l’ensemble des acteurs – entreprises, individus et société – y trouvent un bénéfice.</p>
<h2>Un moteur de la transformation digitale</h2>
<p>Pour les entreprises, la crise incite à repenser tant les moyens de production que les business models. C’est l’opportunité d’adopter une nouvelle vision industrielle produisant en quantités limitées, voire à l’unité pour répondre aux besoins de personnalisation des clients, localement, tout en maîtrisant les coûts. Cette mutation s’insère dans une approche préventive via une production plus juste et plus proche des besoins, prévenant ainsi contre le gâchis de marchandises produites en masse.</p>
<p>Comment ? Encore une fois, en s’appuyant sur l’IoT. Ainsi la maintenance préventive, reposant sur l’implantation de capteurs connectés et d’algorithmes prédictifs, diminuerait les coûts de maintenance de <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/pourquoi-la-maintenance-predictive-va-t-elle-revolutionner-lindustrie-131697">10 à 40 %</a> et réduirait de moitié le nombre de pannes, d’après McKinsey.</p>
<p>La Covid-19 a également accéléré l’appropriation de nouvelles technologies digitales par les particuliers. Confinés, ils ont découvert multiples utilisations du numérique. Par exemple, Withings a proposé d’utiliser ses montres connectées et ses thermomètres connectés pour suivre l’état de santé des patients à distance. À Wuhan, les robots connectés ont permis de distribuer les médicaments des patients infectés.</p>
<p>Encore bien timide avant la crise, l’adoption des objets connectés devrait accélérer et notamment booster le secteur de l’e-santé. La transformation digitale des particuliers devrait permettre un traitement préventif plus efficace des maladies et en particulier des maladies chroniques : diagnostics améliorés, fréquence de suivi augmentée, données additionnelles collectées.</p>
<p>Par exemple, grâce au glucomètre connecté, un diabétique peut savoir en temps réel quand il doit prendre son traitement. Le bénéfice : les patients gagnent en responsabilisation et en autonomie. Les technologies connectées ont également un intérêt pour le maintien des personnes âgées à domicile – ce qui pourrait éviter de nouvelles hécatombes en <a href="https://abonne.lunion.fr/id154497/article/2020-06-03/coronavirus-dans-les-ehpad-les-raisons-de-lhecatombe">Ehpad</a> à l’avenir.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/355503/original/file-20200831-21-15mmpmp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/355503/original/file-20200831-21-15mmpmp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/355503/original/file-20200831-21-15mmpmp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/355503/original/file-20200831-21-15mmpmp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/355503/original/file-20200831-21-15mmpmp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/355503/original/file-20200831-21-15mmpmp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/355503/original/file-20200831-21-15mmpmp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/355503/original/file-20200831-21-15mmpmp.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un glucomètre connecté permet à un diabétique de connaître le moment adéquat pour prendre son traitement.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:BGM_twopart.JPG">Sjö/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<h2>Un outil de gestion publique</h2>
<p>Enfin, grâce à l’IoT, les pouvoirs publics ont la possibilité de mener leur mission d’intérêt général de manière plus efficiente. Les villes connectées (smart cities), en première ligne dans la gestion de la crise sanitaire, ont aussi à y gagner dans d’autres domaines. Un exemple, celui des transports : le déploiement de capteurs connectés dans la ville permettrait de réduire le temps de trajet en voiture, de réduire les accidents et de rendre plus attractifs les transports en commun.</p>
<p>Nous avons donc toutes les raisons d’être optimistes sur la généralisation de l’IoT dans les espaces publics et privés afin d’accélérer notre passage vers une société de la prévention. Une première condition de réussite est celle de l’adoption massive des objets connectés. Toutefois, la création de valeur produite par l’IoT ne garantit pas à elle seule leur adoption. D’autres mouvements – déjà en cours – doivent s’accélérer pour créer un climat de confiance et en particulier un mouvement éthique et géopolitique.</p>
<p>Une seconde condition réside dans la mise en place de garde-fous. L’IoT ne mène-t-il pas à une société de la surveillance, liberticide, dans laquelle l’individu n’aurait plus de contrôle sur ses données personnelles ? Pour éviter cela, les procédures de collecte et d’utilisation de ces données devront être rigoureuses, transparentes et honnêtes – en Corée du Sud, des questions demeurent même si des lois restrictives proches du règlement général sur la protection des données (RGPD) européen encadrent l’usage des données.</p>
<p>Enfin, plus que jamais, il paraît nécessaire d’instaurer une souveraineté numérique européenne pour ne pas dépendre des fournisseurs de plates-formes.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est tiré de l’Impact paper publié dans le livre blanc de l’ESCP intitulé « <a href="https://escp.eu/knowledge/managing-a-post-Covid-era">Managing a post-Covid19 Era</a> » (mai 2020)</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/145314/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sandrine Macé is Scientific Director of the IoT Chair, ESCP.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Violette Bouveret ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les données collectées par les capteurs pourraient installer une société axée sur la prévention. La Corée du Sud, citée en exemple pour sa gestion de la pandémie, montre aujourd’hui la voie.Sandrine Macé, Professeur au département marketing de l'ESCP Europe - Directrice scientifique de la Chaire IoT (Internet of Things), ESCP Business SchoolViolette Bouveret, Chercheuse associée à la Chaire IoT, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1388512020-05-26T21:53:26Z2020-05-26T21:53:26ZLa Chine et l’Asie du Nord-Est : un avenir incertain<p>Fin décembre dernier, à la veille du déclenchement de la pandémie de Covid-19, le président Xi Jinping a organisé un <a href="https://www.lepoint.fr/monde/la-chine-organise-un-sommet-avec-le-japon-et-la-coree-du-sud-24-12-2019-2354617_24.php">sommet avec le Japon et la Corée du Sud</a> au moment où les deux voisins de Pékin tentaient un timide rapprochement sur fond d’incertitude autour du dossier nucléaire nord-coréen. Ce sommet tripartite, qui s’est déroulé à Chengdu (capitale chinoise du Sichuan), a été l’occasion du premier tête-à-tête en 15 mois entre le premier ministre japonais Shinzo Abe et le président sud-coréen Moon Jae-in, <a href="https://www.lesechos.fr/monde/asie-pacifique/commerce-le-japon-pret-a-durcir-le-ton-contre-la-coree-du-sud-1118174">après une forte escalade des tensions entre les deux pays asiatiques</a>.</p>
<p>Si la Chine se pose en médiatrice, c’est qu’elle a su nouer des relations multiséculaires avec les pays de l’Asie du Nord-Est. Pékin a même su établir des relations diplomatiques à la fois avec Pyongyang, son turbulent allié historique, et Séoul, troisième puissance économique asiatique, et pourtant proche de Washington. Que ces initiatives aient contrarié Tokyo ne fait aucun doute. Ancienne <a href="http://afe.easia.columbia.edu/main_pop/kpct/kp_koreaimperialism.htm">puissance coloniale</a>, le Japon a toujours considéré la région comme un pré carré et continue de disputer à la Chine le <a href="http://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?gcoi=27246100983860">leadership dans l’ensemble de l’Asie</a>. La Chine, le Japon et la Corée du Sud sont liés par une forte interdépendance économique, mais la coopération régionale entre ces trois puissances est lacunaire, notamment du fait de la pierre d’achoppement que constitue la question nord-coréenne.</p>
<h2>Un passé qui ne passe pas</h2>
<p>Révolution industrielle et conquêtes coloniales se sont terminées pour l’archipel nippon dans la tragédie des frappes nucléaires américaines de 1945. Depuis, son destin historique a été diamétralement opposé à celui de la Chine. Le Japon a su transcender sa défaite par des victoires économiques qu’il a obtenues en <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-des-Histoires/Le-Japon-grec">assumant les choix</a> de <a href="http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-des-Histoires/Moderne-sans-etre-occidental">sa propre modernité</a>, mais s’est tout de même retrouvé au ban des nations pour les crimes de guerre commis durant le conflit, notamment à <a href="https://www.histoire-politique.fr/index.php?numero=1&rub=comptes-rendus&item=93">Nankin dès 1937</a>.</p>
<p>C’est un passé qui ne passe pas. Même si dirigeants chinois et japonais ont fait profil bas à ce sujet longtemps après la Seconde Guerre mondiale, des attitudes pour le moins clivantes ont empêché toute forme de réconciliation véritable. Côté japonais, révisionnisme historique des manuels scolaires et visites répétées des plus hauts dignitaires au cimetière militaire de <a href="https://journals.openedition.org/droitcultures/2059">Yasukuni</a> n’ont fait qu’aggraver une relation que le court XX<sup>e</sup> siècle aura considérablement abîmée tout en redistribuant les cartes pour l’ensemble des acteurs de la région.</p>
<p>La péninsule coréenne en aura durablement fait les frais, des suites du déterminisme géopolitique dont elle fait l’objet. Elle est, en effet, à l’Asie orientale ce que la Pologne est à l’Europe : un champ de force opposant les grandes puissances. L’arrivée au pouvoir la même année, en 2012, de <a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2013-3-page-172.html">Xi Jinping en Chine et de Shinzo Abe au Japon</a> allait accentuer les tensions et le ressentiment national réciproque. Depuis, les relations bilatérales Pékin-Tokyo se sont <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2014-3-page-23.htm">détériorées de manière quasi continue</a>.</p>
<p>Rétrospectivement, on constate qu’avec la guerre froide, la péninsule coréenne se situe déjà aux avant-postes d’une lutte qui, spécialement durant la guerre (1950-1953) met aux prises <a href="https://www.cairn.info/la-guerre-de-coree--9782262065447.htm">communistes et Américains</a>. Premiers bombardements au napalm, côté américain ; affrontements au corps à corps ou charges à la baïonnette, côté chinois : c’est une saignée. La Chine compte 380 000 blessés dans ses rangs. 21 000 de ses hommes sont capturés. 114 000 autres meurent au combat. Parmi eux, Mao Anying (1922-1950), fils de Mao Zedong. Pour la première fois depuis sa récente fondation, la Chine rouge intervient sur un théâtre d’opération extérieure. Non sans succès militaires d’ailleurs. Depuis, Pyongyang et Pékin ont scellé leur destin dans une épreuve qui aura durablement marqué les deux peuples. Ce rapprochement a donné lieu en 1961 à la signature d’un traité d’amitié, d’assistance et de coopération mutuelle. L’article 2 du texte précise que si l’un des deux pays est attaqué par une nation ou une coalition, l’autre doit prendre toutes les mesures nécessaires pour s’y opposer. Ils doivent ainsi se porter immédiatement assistance. <a href="https://thediplomat.com/2019/07/does-chinas-alliance-treaty-with-north-korea-still-matter/">Ce traité se renouvelle automatiquement tous les vingt ans</a>. Le dernier renouvellement date de 2001.</p>
<p>Aux traumatismes anciens s’ajoutent des contentieux insulaires : les îles <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%8Eles_Senkaku">Senkaku</a> – appelées en chinois <a href="https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2012/09/11/ces-iles-qui-enveniment-les-relations-entre-la-chine-et-le-japon_1758370_3216.html">Diaoyutai</a> – entre le Japon et la Chine ; les rochers Liancourt – appelés respectivement <a href="https://www.lemonde.fr/japon/article/2012/08/10/tensions-sino-coreennes-autour-des-iles-dokdo-takeshima_1744703_1492975.html">« Takeshima »</a> et « Dokdo » – entre le Japon et les deux Corées.</p>
<p>Ces litiges ont été ravivés par les rivalités sino-américaines sur fond de nationalisme exacerbé. Pékin procède à une extension de son <a href="https://amti.csis.org/counter-co-east-china-sea-adiz/">ADIZ (Air Defence Idenfication Zone)</a> et intensifie les incursions militaires aériennes et navales dans le territoire maritime japonais, attisant les tensions. À titre d’exemple, la <a href="http://www.opex360.com/2019/10/31/le-japon-envisage-dinvestir-plus-de-4-milliards-de-dollars-pour-moderniser-ses-avions-de-combat-f-15j/">chasse aérienne japonaise</a> a dernièrement effectué son plus grand nombre de décollages d’urgence depuis la fin de la guerre froide : en moyenne plus de <a href="https://www.avionslegendaires.net/2020/04/actu/2019-une-annee-record-pour-la-chasse-japonaise/">950 décollages par an, pour les dernières années 2018 et 2019</a>.</p>
<h2>Montée des tensions</h2>
<p>Les incidents entre le Japon et la Chine se sont ainsi répétés au fil de ces dernières années. À la suite des <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/asie/nouvelles-manifestations-anti-japon-en-chine_1162439.html">émeutes antijaponaises</a> qui eurent lieu dans des villes chinoises au cours de l’automne 2012, des touristes japonais annulèrent leur voyage en Chine par peur des violences dont ils craignaient être l’objet. La consommation de produits japonais, d’automobiles en particulier, connut alors une <a href="https://www.lemonde.fr/japon/article/2012/09/18/la-crise-des-iles-senkaku-pese-sur-les-relations-economiques-sino-japonaises_1761676_1492975.html">forte chute</a> en Chine.</p>
<p>Depuis, les relations commerciales du Japon se sont davantage diversifiées vers les pays de l’Asean. Autre fait marquant : nombre d’industriels japonais ont explicitement souhaité <a href="https://www.lesechos.fr/monde/asie-pacifique/tokyo-profite-de-la-crise-du-coronavirus-pour-encourager-ses-industriels-a-sortir-leurs-usines-de-chine-1193616">se retirer du marché chinois du fait de la pandémie du Covid-19</a>. Cette conjoncture défavorable s’accompagne d’un climat de suspicion à l’encontre tantôt de la Chine tantôt de la Russie dans leur soutien respectif à la Corée du Nord dont la menace d’une frappe nucléaire est, depuis 2006, quotidiennement palpable aussi bien à Tokyo qu’à Séoul.</p>
<p>C’est cette crainte qui a poussé le premier ministre Shinzo Abe à modifier l’article 9 de la Constitution de son pays. Le Japon peut désormais intervenir en dehors de son propre périmètre de sécurité et ce, aux côtés des forces américaines. Tokyo a également mis en œuvre un programme ambitieux dans le domaine aéronaval (achat en grand nombre de <a href="https://www.areion24.news/2019/04/23/le-japon-renforce-finalement-son-armee/">F-35 et transformation des porte-hélicoptères en porte-avions</a> – l’Izumo et le Kaga) pour concurrencer la Chine, revoyant ainsi la nature de ses forces d’autodéfense.</p>
<p>En Corée du Sud, l’ère chaotique de <a href="https://www.lepoint.fr/monde/coree-park-geun-hye-investie-premiere-femme-presidente-25-02-2013-1632019_24.php">Park Geunhye, première femme dirigeante d’un pays d’Asie du Nord-Est</a> et accessoirement fille de dictateur, a cédé la place à une plus grande stabilité – quoique le choix stratégique d’établir en mars 2017 des <a href="https://www.nouvelobs.com/monde/20160208.OBS4214/comment-fonctionnerait-le-bouclier-antimissile-americain-en-coree.html">batteries antimissiles américaines THAAD (Terminal High Altitude Area Defense)</a> sur le territoire sud-coréen continue de provoquer des remous au sein de l’opinion et les plus vives protestations de Pékin. Ce système très sophistiqué (<a href="https://www.lockheedmartin.com/en-us/products/thaad.html">global, intégré et multicouche</a>) permet de compléter les autres systèmes de défense antimissile existants (<a href="https://www.globalsecurity.org/military/world/japan/patriot.htm">Aegis sur mer et PAC-3 Patriot sur terre</a> – depuis les positions américaines). En outre, le système THAAD dispose d’équipements d’interception couvrant une zone bien plus large que le territoire nord-coréen. Le déploiement de ce système a entraîné le boycott d’une partie de l’économie sud-coréenne par la Chine et une <a href="https://www.frstrategie.org/publications/notes/reaction-chinoise-deploiement-thaad-illustration-dilemme-sud-coreen-2017">détérioration aiguë de plusieurs pans des relations bilatérales</a> (échanges commerciaux, visas étudiants, chute spectaculaire du tourisme chinois en Corée, etc.).</p>
<p>Les choix pro-américains de Séoul et de Tokyo ne doivent pas faire perdre de vue que les relations complexes qu’entretiennent les différentes capitales confèrent à cette région l’un des climats les plus crisogènes de la planète.</p>
<h2>Insécurité : du facteur nord-coréen au facteur chinois</h2>
<p>La région est très fortement marquée par l’incertitude stratégique liée à la question nord-coréenne d’une part et à la posture offensive de la Chine d’autre part. Si l’interdépendance permet dans une certaine mesure de contenir l’escalade, l’espace nord-est asiatique enregistre des dépenses militaires parmi les plus importantes au monde, Chine en tête avec plus 250 milliards de dollars en 2019 (selon le dernier <a href="https://www.sipri.org/databases/milex">rapport du SIPRI en mai 2020</a>).</p>
<p>La récurrence des <a href="https://missilethreat.csis.org/country/dprk/">essais et des tirs de missiles par Pyongyang</a> depuis 2017 a montré les limites de la diplomatie chinoise dans la question sécuritaire nord-coréenne et, plus largement, dans sa politique concernant la péninsule. Les oscillations de la « politique d’équidistance » de la Chine envers Séoul et Pyongyang n’ont jamais été aussi fortes. Si Pékin joue un <a href="https://www.latrobe.edu.au/nest/whats-chinas-relationship-north-korea-really-like/">rôle important dans le dossier nord-coréen</a>, en plus d’être le premier partenaire économique du pays, le régime de Pyongyang, pour des raisons de politique intérieure, <a href="https://theconversation.com/coree-du-nord-le-nucleaire-comme-pacte-social-54994">n’a jamais abandonné son programme nucléaire et balistique</a>. C’est pourquoi les États-Unis ont renforcé leur réseau d’alliances et leurs garanties de sécurité offertes au Japon et à la Corée du Sud.</p>
<p>Par ailleurs, la diplomatie de Tokyo d’une part et le succès du modèle de gouvernance de la crise sanitaire par Séoul d’autre part recomposent peu à peu les relations de l’Asie du Nord-Est avec le reste de l’Asie et du monde. D’un côté, le Japon continue de tisser des liens solides avec l’Inde, l’Asie du Sud-Est et l’Australie dans le <a href="https://www.japantimes.co.jp/opinion/2020/01/21/commentary/japan-commentary/india-fits-japans-indo-pacific-strategy/">cadre « Indopacifique »</a> mais aussi à l’ONU (dont il est le <a href="https://www.mofa.go.jp/policy/un/sc/pdfs/pamph_unsc21c_esp.pdf">troisième contributeur</a>) ou encore dans le commerce avec l’Europe, dans le cadre du <a href="https://ec.europa.eu/trade/policy/in-focus/eu-japan-economic-partnership-agreement/index_fr.htm">JEFTA (Japan-EU free trade agreement)</a>. De l’autre, la Corée du Sud, par la voix du président Moon, expliquait fin mars dernier les trois préceptes de la méthode sud-coréenne dans la lutte contre le coronavirus : <a href="https://theconversation.com/les-deux-corees-au-c%C5%93ur-de-la-guerre-sanitaire-sino-americaine-136092">« Ouverture, transparence et démocratie »</a>. Ainsi, Séoul a pu exporter (sans tonitruance) du matériel médical aux États-Unis, en Asie du Sud-Est ou encore au Moyen-Orient.</p>
<p>En outre, <a href="https://www.lesechos.fr/monde/asie-pacifique/en-asie-de-plus-en-plus-de-gouvernements-tentes-par-la-distanciation-economique-avec-la-chine-1202338">plusieurs capitales d’Asie, notamment Tokyo et Séoul</a>, ont amorcé un processus de relocalisation et réduit leur dépendance à l’égard de la Chine. Le gouvernement japonais prévoit une enveloppe de 2 milliards d’euros pour aider ses industriels. La Corée du Sud a fait de <a href="https://www.bpifrance.fr/A-la-une/Actualites/La-Coree-du-Sud-l-innovation-dans-les-genes-39095">l’innovation un atout</a> politique et diplomatique, stimulant son tissu entrepreneurial à l’international.</p>
<p>Alors que la Chine a réussi à se hisser au rang de puissance industrielle et commerciale en s’inspirant en partie du modèle de développement industriel des pays d’Asie de l’Est (Japon, Taïwan, Corée du Sud, Singapour ou Hongkong), la crise du Covid-19 et sa gestion par le régime de Pékin polarise plus rapidement encore la distanciation stratégique de ses principaux partenaires économiques dans sa périphérie immédiate du Nord-Est.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138851/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est délégué général du Fonds de dotation Brousse dell'Aquila.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Lincot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le Japon et les deux Corées entretiennent des relations délicates avec le grand voisin chinois, marquées à la fois par le poids du passé et la volonté d’expansion actuelle de Pékin.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Emmanuel Lincot, Spécialiste de l'histoire politique et culturelle de la Chine contemporaine, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1360922020-04-14T17:13:50Z2020-04-14T17:13:50ZLes deux Corées au cœur de la guerre sanitaire sino-américaine<p>Le monde est devenu en quelques semaines la caisse de résonance d’un <a href="https://www.politico.eu/article/coronavirus-china-winning-propaganda-war/">discours chinois post Covid-19 triomphaliste</a>. Les enjeux politiques de l’amplification du succès de la campagne sanitaire chinoise et de l’aide internationale en dons d’équipement qui l’accompagne n’échappent à personne. Derrière la mise en avant d’un modèle sanitaire chinois efficace car coercitif, tel que présenté par la propagande du pays, se cache la <a href="https://warontherocks.com/2020/03/how-china-is-exploiting-the-pandemic-to-export-authoritarianism/">promotion d’un système politique autoritaire estimé supérieur</a>. Si cette nouvelle manipulation de l’information par Pékin est à remettre dans le contexte d’une rivalité sino-américaine exacerbée, elle tend à occulter les stratégies sanitaires efficaces mises en œuvre par les démocraties régionales, dont Taiwan, la Corée du Sud et le Japon, qui ont fait le choix de ne pas mettre leur pays à l’arrêt.</p>
<p>En combinant la libre circulation de sa population avec une prise en charge sans faille de sa santé et un dépistage systématique, la Corée du Sud s’est imposée mondialement comme une référence innovante, si bien qu’elle représente aujourd’hui un « anti-modèle » par rapport à la Chine et peut tendre une main secourable à l’allié américain. De son côté, la Corée du Nord, tout en proclamant être épargnée par le Covid-19, a lancé un appel à l’aide internationale.</p>
<h2>La Corée du Sud au secours du « grand allié » américain</h2>
<p>En Asie du Nord-Est, l’épidémie de coronavirus a mis au jour les dissensions de l’alliance de sécurité du Japon et de la Corée du Sud avec les États-Unis face à une situation pourtant présentée comme une « guerre » par Donald Trump. En dépit de la pandémie, les trois alliés restent engagés dans des discussions laborieuses concernant le coût de stationnement des forces américaines sur le territoire des deux pays asiatiques – un coût que le président américain <a href="https://eu.usatoday.com/story/news/world/2019/11/15/trump-administration-demands-south-korea-pay-more-for-us-troops/4200210002/">souhaite substantiellement augmenter</a>. Par ailleurs les relations entre Tokyo et Séoul, déjà tendues depuis l’été 2020 par la <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/08/20/entre-seoul-et-tokyo-une-guerre-de-la-memoire_5500958_3210.html">résurgence des questions mémorielles</a>, connaissent un nouveau raidissement, Séoul <a href="https://www.cnbc.com/2020/03/06/south-korea-protests-japans-travel-curbs-as-coronavirus-ignites-diplomatic-row.html">s’insurgeant</a> face aux restrictions mises à l’entrée de ses citoyens sur le territoire japonais.</p>
<p>Porté par le souci de contrebalancer la réécriture chinoise des événements, Donald Trump s’est lancé dans une <a href="https://www.npr.org/2020/03/23/820009370/u-s-china-accuse-each-other-of-mishandling-covid-19-outbreak?t=15">guerre de mots avec Pékin</a>, dénonçant sans nuance le <a href="https://time.com/5800917/trump-china-virus-tweet/">« virus chinois »</a> ou « virus de Wuhan ». Mais il a lui-même multiplié les déclarations les plus contradictoires sur la stratégie de lutte américaine, jetant un doute sur les capacités de son pays à y faire face. Il a fallu attendre fin mars pour qu’il réalise la gravité de la situation et <a href="https://fr.yna.co.kr/view/AFR20200330002900884?section=international/index">demande l’aide de la Corée du Sud</a>. </p>
<p>Celle-ci, forte de la reconnaissance procurée par les capacités de diagnostic de son système de gestion de la pandémie sur son territoire, s’est lancée dans une coopération sanitaire active. Son gouvernement a en effet tiré parti de l’expérience acquise lors de l’épidémie du MERS (syndrome respiratoire du Moyen-Orient) en 2015. Dès février, il a été en mesure de lancer la production à grande échelle de kits de dépistage et la fabrication industrielle de masques.</p>
<h2>Une coopération sanitaire qui renforce la diplomatie de puissance moyenne sud-coréenne</h2>
<p>Plus discrète que la <a href="https://www.lefigaro.fr/international/la-chine-actionne-la-diplomatie-du-masque-20200319">« diplomatie du masque »</a> pratiquée par la Chine, la politique sanitaire de la Corée du Sud à l’international a suscité l’intérêt d’un nombre croissant de pays, notamment à la suite de la <a href="http://french.korea.net/Government/Current-Affairs/National-Affairs/view?affairId=2039&subId=5&articleId=183715&viewId=53523">présentation</a> que le président Moon Jae-in en a faite lors de la visioconférence des pays du G20 du 26 mars dernier. Il a détaillé à cette occasion les trois préceptes de la méthode sud-coréenne – « Ouverture, transparence et démocratie » – qui, dans leur définition même, prennent le contre-pied de l’approche chinoise. L’expérience sud-coréenne s’appuie sur la volonté de circonvenir la propagation du virus par des dépistages systématiques et un suivi partagé au moyen des <a href="https://www.healthandtech.eu/fr/tour/news/10594/covid-19-comment-coree-sud-exploite-technologies-numerique-endiguer.html">technologies numériques</a> des personnes diagnostiquées positives au Covid-19.</p>
<p>C’est à la vue de l’exemple coréen que l’OMS a recommandé aux pays touchés de recourir à des campagnes de dépistage, d’isoler les personnes contaminées et de suivre les contacts que celles-ci ont pu avoir. Cette démarche a paru remporter l’adhésion de la population sud-coréenne, en raison notamment de la politique de communication ouverte pratiquée par les responsables sanitaires du pays. La situation n’a pas donné l’impression d’être sous-estimée, comme aux États-Unis ou en Chine.</p>
<p>Face aux sollicitations internationales et dans le souci de ne pas affaiblir ses capacités intérieures, la Corée du Sud a dans un premier temps choisi de privilégier les pays demandeurs avec qui elle coopère le plus étroitement, comme <a href="https://fr.yna.co.kr/view/AFR20200327004000884">son partenaire américain, les Émirats arabes unis et l’Indonésie</a>, porte d’entrée dans l’Asean.</p>
<p>Ainsi, alors qu’un grand nombre de masques chinois ont dû être retournés en raison de défauts de fabrication, la Corée du Sud exporte en masse ses kits de dépistage vers l’étranger. Plus d’une centaine de pays sont en attente. Plusieurs villes américaines ont ainsi signé des contrats d’approvisionnement. Los Angeles a acquis 20 000 kits pour 1,25 million de dollars. Les Émirats arabes unis en ont acheté 51 000. Des cargaisons ont été acheminées vers l’Europe, notamment l’Allemagne et la Pologne. Enfin, le président Moon s’est engagé à apporter une aide médicale d’urgence à l’Asean dans un cadre humanitaire bilatéral, mais aussi via le mécanisme Asean+3 aux côtés de la Chine et du Japon.</p>
<h2>La Corée du Nord renvoyée aux fragilités de son système</h2>
<p>À rebours de la politique de transparence et d’ouverture internationale pratiquée avec assurance par sa voisine du sud, la Corée du Nord a fermé ses frontières et s’est repliée sur elle-même depuis fin janvier 2020. Au plan militaire, le régime a tenté de donner le change en poursuivant une <a href="https://www.lefigaro.fr/international/la-coree-du-nord-tire-des-projectiles-seoul-suspecte-des-missiles-20200414">campagne de tirs de missiles balistiques</a> de courte portée. Mais il masque difficilement ses inquiétudes devant la menace que fait peser le Covid-19 sur la stabilité du pays.</p>
<p>L’état du système de santé nord-coréen est <a href="https://www.kihasa.re.kr/common/filedown.do?seq=42195">mauvais</a>. Beaucoup d’hôpitaux, hormis les hôpitaux militaires, ne peuvent fonctionner faute d’équipements et de médicaments. Le régime est conscient de ces carences et des dangers sanitaires et politiques qui en découlent ; aussi a-t-il fait <a href="https://www.ft.com/content/6168de68-6e4e-11ea-9bca-bf503995cd6f">appel à l’aide internationale</a> en se tournant vers l’UNICEF, l’OMS, la Croix-Rouge et Médecins sans Frontières. Par ailleurs, il s’est lancé dans une inhabituelle campagne d’information sanitaire, expliquant à la population les dispositions à prendre pour prévenir la menace de pandémie.</p>
<p>Au-delà d’un système de santé défaillant, la Corée du Nord souffre d’une économie dont la fragilité systémique a été <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/en-chute-libre-leconomie-nord-coreenne-est-desormais-50-fois-moins-puissante-que-celle-de-la-coree-du-sud-1346062">accentuée</a> par le régime de sanctions mis en place par la communauté internationale depuis 2006. Jusqu’à présent, elle a pu partiellement y faire face grâce aux activités d’un secteur économique informel organisé autour d’entrepreneurs privés. </p>
<p>Dans un contexte perturbé par l’expansion de l’épidémie du Covid-19, cette population est exposée à être privée d’une partie de ses revenus et de son accès à des produits de première nécessité. Pour lutter contre la hausse du prix des denrées de base et d’inévitables trafics, le <a href="https://www.dailynk.com/english/north-korea-begins-enforcing-price-controls-local-markets/">gouvernement a instauré un contrôle des prix renforcé</a>. Dans sa quête de fonds dans un monde aux frontières fermées, il est à craindre qu’il développe ses <a href="https://www.areion24.news/2020/01/23/la-souverainete-criminelle-de-la-coree-du-nord/">activités criminelles</a>, notamment en recourant à la cybercriminalité à des fins de captation financière.</p>
<h2>La crainte régionale de l’écroulement du régime</h2>
<p>Dans le passé et jusqu’à aujourd’hui, le régime nord-coréen a pu faire la preuve de <a href="http://politiqueinternationale.com/search/index.php">ses capacités de résilience</a>, notamment lors de l’épisode de <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=43bQpcfR-FIC&oi=fnd&pg=PA229&dq=north+korea+hunger&ots=pgcWNhHYtL&sig=Mnh26Dqh4vxX9gQaisUrg4whTlc&redir_esc=y#v=onepage&q=north%20korea%20hunger&f=false">grande famine du milieu des années 1990</a> qui aurait fait deux millions de morts sur une population d’environ 23 millions. On peut de plus supposer qu’engagés eux-mêmes dans la gestion d’une crise inédite frappant durement leur population et leurs économies, aucun des pays voisins de Pyongyang ne souhaitent faire face à l’écroulement de la Corée du Nord.</p>
<p>Contre toute attente, le pays bénéficie ainsi objectivement d’un soutien régional total, de peur d’une situation chaotique qui verrait la fuite d’une population contaminée hors des frontières nord-coréennes. Vu de l’extérieur, on peut même avoir le sentiment d’assister à une course à l’aide humanitaire, chacun tablant sur la vulnérabilité du régime pour l’inciter à s’ouvrir davantage. Séoul et <a href="https://fr.yna.co.kr/view/AFR20200330003900884?section=nk/index">Washington partagent ainsi l’espoir de reprendre un dialogue</a> dans l’impasse depuis la <a href="https://theconversation.com/donald-trump-et-kim-jong-un-a-hano-lart-delicat-du-compromis-112431">rencontre entre Kim Jong‑un et Donald Trump à Hanoi en février 2019</a>. Pour leur part, la Chine et la Russie ont jugé le moment propice afin d’obtenir un allègement des sanctions pesant sur Pyongyang. Les deux pays ont été parmi les premiers à acheminer des kits de dépistage, des masques et des médicaments tandis d’autres acteurs, dont la Croix-Rouge Internationale, doivent passer par un circuit d’exemptions de sanctions qui provoque des délais.</p>
<h2>La Chine reprend la main sur Pyongyang</h2>
<p>Mais si la pandémie a permis à la Corée du Sud de rééquilibrer sa relation avec les États-Unis, elle aura sans doute pour effet de renforcer la dépendance politico-économique de la Corée du Nord vis-à-vis de la Chine, dont Kim Jong‑un a tenté de s’affranchir en jouant la carte de négociations directes avec Donald Trump. Dans leur gestion de l’urgence sanitaire, les deux régimes disposent des mêmes armes coercitives : le recours à un appareil sécuritaire omniprésent et une propagande efficace visant à s’assurer d’un contrôle social suffisant de leur population.</p>
<p>Mais pour Pyongyang plus que pour Pékin, le danger réside sûrement avant tout dans les cercles proches du pouvoir. Face à la crise sanitaire, Kim Jong‑un a plus que jamais besoin du soutien des hauts responsables de l’appareil d’État – cadres supérieurs du Parti des travailleurs de Corée, haut commandement militaire et hauts fonctionnaires des services de sécurité – mais aussi de la <a href="https://theconversation.com/the-rise-and-rise-of-north-korea-money-masters-47708">classe d’entrepreneurs dont il a favorisé l’émergence</a>.</p>
<p>Or le contrat social implicite passé avec cette élite civilo-militaire aux intérêts disparates réside dans le maintien de son style de vie et de ses possibilités de captation de certaines ressources du régime. Mais les perspectives de ces gains sont désormais sérieusement menacées. Kim Jong‑un a montré par le passé qu’il n’hésitait pas à frapper au plus haut niveau de l’appareil d’État comme <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2016/03/14/jang-song-thaek-du-pouvoir-a-l-execution-a-la-mitrailleuse-lourde_4882657_3210.html">l’a illustré l’exécution de son oncle et mentor Jang Song-thaek</a>. Un train de purges n’est donc pas exclu à Pyongyang, ne serait-ce qu’à titre dissuasif…</p>
<hr>
<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie les 23 et 24 septembre 2022 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136092/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marianne Péron-Doise ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La pandémie a permis à la Corée du Sud de rééquilibrer sa relation avec les États-Unis et renforcé la dépendance politico-économique de la Corée du Nord vis-à-vis de la Chine.Marianne Péron-Doise, Chercheur Asie du Nord et Sécurité maritime Internationale, chargé de cours Sécurité maritime, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1209092019-08-21T05:41:37Z2019-08-21T05:41:37ZCarnets de voyage : les paradoxes du miracle économique coréen<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/285505/original/file-20190724-110175-lio1tf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C129%2C1196%2C1068&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En matière d'innovation, la Corée du Sud ne fait rien comme tout le monde…</span> <span class="attribution"><span class="source">Auteurs.</span></span></figcaption></figure><p>Samedi 29 juin 2019, 14h34. Notre avion décolle de Séoul après 10 jours d'un voyage d'études passionnant avec des étudiants de l'Université Paris-Dauphine. Quelques heures plus tard, le président des États-Unis Donald Trump atterrira en Corée pour accomplir un geste historique : le <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/presidentielle/donald-trump/donald-trump-passe-la-frontiere-nord-coreenne-pour-une-poignee-de-main-avec-kim-jong-un_3514721.html">passage à pied de la frontière nord-coréenne</a> en compagnie de Kim Jong-un.</p>
<p>Que retenir de cette expérience ? Nous rentrons de ce pays magnifique avec beaucoup de questions et le sentiment de nombreux paradoxes. Le thème du voyage portait sur l'intelligence artificielle et le futur du travail en Corée. Nous avons visité de nombreuses entreprises, universités ou labs (Asiance, Skelter Labs, Sogang university, The Vault, Renault innovation lab, Thalès Corée, Incheong Campus International…) et fait de très belles rencontres. Avant de partir, nous avons aussi beaucoup lu.</p>
<h2>Mais d'où vient l'innovation ?</h2>
<p>Sur place, que d'étonnements ! Comment l'un des pays les plus tournés au monde vers l'exportation peut-il avoir un écosystème de techniques (des applications) aussi spécifiques ? Être aussi peu tourné vers toutes les plates-formes globales que nous connaissons ? Pratiquer aussi peu la langue anglaise ? Comment un pays aussi innovant (en 2018, pour la cinquième année, la Corée a été désignée comme le pays le plus innovant par le <a href="https://www.bloomberg.com/graphics/2015-innovative-countries/">Bloomberg Innovation Index</a>) peut-il être aussi ordonné ? Comment expliquer ce degré d'innovation dans un pays où tout et chacun à sa place, où les hiérarchies et les traditions sont si fortes, où la séniorité pèse si fortement, où le chaos et le désordre n'ont pas leur place ?</p>
<p>Interrogés sur les capacités d'innovation du pays, certains des experts rencontrés ont insisté sur des stratégies encore très tournées vers « l'absorption » davantage que la « disruption », et une place encore modeste donnée à l'entrepreneuriat et au freelancing. Mais là aussi, dans un Séoul où les <a href="https://www.wework.com/fr-FR">WeWork</a> (enseigne spécialisée dans les espaces de travail) nous ont semblé omniprésents, où nombre d'expatriés que nous avons rencontrés physiquement ou en ligne sont de bouillonnants entrepreneurs, difficile de comprendre tous ces paradoxes.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/285496/original/file-20190724-110187-wpvy3c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/285496/original/file-20190724-110187-wpvy3c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/285496/original/file-20190724-110187-wpvy3c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=611&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/285496/original/file-20190724-110187-wpvy3c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=611&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/285496/original/file-20190724-110187-wpvy3c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=611&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/285496/original/file-20190724-110187-wpvy3c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=767&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/285496/original/file-20190724-110187-wpvy3c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=767&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/285496/original/file-20190724-110187-wpvy3c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=767&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Visite du Renault Innovation Lab de Séoul.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteur.</span></span>
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<p>Sur le digital en revanche, le voyage a été sans surprise. C'est bien un pays à la pointe, où le smartphone est au cœur de tout, que nous avons exploré. Si la sensation d'un portable greffé dans la main, d'une véritable symbiose avec le geste de la glissade sur l'écran, peut exister à Paris, Séoul incarne un changement d'échelle. Il suffit d'observer des Coréens en train d'attendre pour traverser une rue, de scruter ce court moment d'attente, pour être frappé par la même chose : le portable est là, dans la main, et exploité.</p>
<p>La question de la data privacy a été posée à de nombreuses reprises (à des entrepreneurs comme à des utilisateurs). On a souvent eu l'impression que la peur d'un <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2019/01/ZUBOFF/59443">capitalisme de surveillance</a> n'est pas la même ici que dans la plupart pays occidentaux. Et de nombreux Coréens font même le choix de monétiser leurs données privées d'achat et de mouvements en <a href="https://www.lesechos.fr/2018/05/voyage-dans-la-coree-du-neuf-1020373">acceptant de recevoir des tokens</a> valables pour des achats en ligne chez des partenaires.</p>
<h2>L'image exemplaire de la France</h2>
<p>En parlant d'achat en ligne, une différence cruciale nous est apparue dans le contexte coréen : la sécurité. On peut facilement se faire livrer un article devant sa porte ou dans son hall. Il restera à sa place. Personne ne viendra le prendre avant votre retour le soir. Bien sûr, cela change beaucoup de choses d'un point de vue postal et logistique.</p>
<p>Que dire sur un des sujets clés du voyage, l'intelligence artificielle ? Elle est <a href="http://www.koreaherald.com/view.php?ud=20190619000616">bien présente</a> au cœur des applications et des recherches. Un projet évoqué avec nous concerne une IA conversationnelle plus émotionnelle, capable de sentir le degré de stress et le type d'émotions à partir de la voix, du timbre de voix, de son rythme ou du frappé sur un clavier.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/285502/original/file-20190724-110179-ide2bn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/285502/original/file-20190724-110179-ide2bn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/285502/original/file-20190724-110179-ide2bn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/285502/original/file-20190724-110179-ide2bn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/285502/original/file-20190724-110179-ide2bn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/285502/original/file-20190724-110179-ide2bn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/285502/original/file-20190724-110179-ide2bn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/285502/original/file-20190724-110179-ide2bn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le lab The Vault travaille sur un outil d’IA pour le sport.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs.</span></span>
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<p>Mais le point qui nous a le plus surpris, pour des voyageurs venant d'aussi loin, a été d'être renvoyé vers le statut exemplaire de la France. Nos informaticiens, nos chercheurs (en mathématiques et en informatique), nos universités, nos entreprises, sont perçus comme les références qui vont probablement déclencher les innovations de rupture sur ces sujets. Dans le pays le plus automatisé au monde <a href="https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/GB.XPD.RSDV.GD.ZS">qui dépense 4,3% de son PIB en R&D</a> (plus que tout autre pays développé), ce renvoi vers l'extérieur, en particulier notre pays d'origine, nous a étonnés.</p>
<p>Sur le sujet du travail et des transformations du travail, nous avons senti un pays au bord d'une véritable transformation. Les <a href="https://france-coree.pagespro-orange.fr/economie/coree2001_chaebols.htm">chaebols</a>, ces vastes conglomérats familiaux qui sont au cœur de l'économie coréennes (Samsung, Hyundai, LG, etc.) ont atteint leurs limites. Ils ont du mal à produire des innovations disruptives et à maintenir le modèle social de l'emploi à vie dans de grandes entreprises très hiérarchiques. Et pour l'heure, la cohabitation avec le monde des startups et de l'open innovation semble difficile. Rapidement, les startups sont absorbées et les chaebols limitent et contraignent les espaces de développement entrepreneuriaux.</p>
<p>Par ailleurs, nous avons souvent senti <a href="https://www.marieclaire.fr/coree-du-sud-reportage-pression-jeunes-suicide,1288242.asp">beaucoup de stress</a> dans ce pays où le taux de suicide (notamment des plus jeunes) est un des plus élevés au monde. Les signes de stress sont subtils, mais ils sont bien là. Dans une façon de conduire, dans un rapport à l'alcool, dans la plongée dans la nuit et même dans le souci permanent et obsessionnel de bien faire. Les femmes et les jeunes semblent parfois ne pas avoir toute la place qu'ils méritent dans une société encore très patriciale. Les femmes en particulier sont clairement victimes d'une forme de machisme plus ou moins visible. Les jeunes ont du mal à s'affirmer face aux plus anciens.</p>
<h2>Force du collectif</h2>
<p>Des premières évolutions dans les pratiques de gestion des ressources humaines et les politiques publiques semblent aller en direction de véritables changements sociaux (notamment dans les promotions et la formation). C'est ce dont ont témoigné des jeunes salariés que nous avons rencontrés. Mais à nouveau, les paradoxes nous ont semblé multiples. Les traditions donnent un sens et des continuités à d'innombrables points de rupture.</p>
<p>La géographie même de Séoul (le sud du fleuve Han) incarne notre propos. La ville du sud est plus moderne, faite d'axes rectilignes (de 8 voies). On transforme régulièrement la géographie sans nostalgie inutile, avec un grand pragmatisme. Et tout Séoul est un immense showroom des savoir-faire et de l'esthétique de l'ambition coréenne. On montre partout ce que l'on sait faire et on montre ses savoir-faire en faisant. Le tout, dans une ambiance toujours esthétique. Hommes et femmes soignent particulièrement leurs apparences dans ce <a href="http://coreeaffaires.com/2013/12/05/la-coree-du-sud-et-la-cosmetique-un-marche-cle-pour-loreal/">marché clé</a> pour le luxe et les cosmétiques français.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/285503/original/file-20190724-110166-ct6exg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/285503/original/file-20190724-110166-ct6exg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/285503/original/file-20190724-110166-ct6exg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/285503/original/file-20190724-110166-ct6exg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/285503/original/file-20190724-110166-ct6exg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/285503/original/file-20190724-110166-ct6exg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/285503/original/file-20190724-110166-ct6exg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/285503/original/file-20190724-110166-ct6exg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une libraire très étonnante à Séoul… aux allures de showroom !</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs.</span></span>
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<p>Les <a href="https://cosmeticobs.com/fr/articles/lactualite-des-cosmetiques-7/marche-et-tendances-cosmetiques-en-coree-du-sud-4028/">femmes coréennes utilisent en moyenne trois fois plus de cosmétiques que les femmes françaises</a>. La chirurgie esthétique (nous avons été frappés par le nombre de cliniques de chirurgie esthétique partout dans Séoul… dont une dans notre hôtel !) est omniprésente. Il faut ressembler aux stars des séries coréennes.</p>
<p>Les pratiques de management ont également été un <a href="https://regards-interculturels.fr/2015/07/management-coreen/">autre point d'étonnement</a>. Les témoignages que nous avons entendus soulignent de nombreuses hybridations entre des techniques de management américaines et des pratiques locales. On crée des plateaux type start-up en open space, des zones de sieste, des avatars qui permettent à chacun d'exprimer sa personnalité, des espaces de cuisine qui sont des convivialités nouvelles… mais on garde des placements thématiques ou fonctionnels dans l'espace de travail (pas de « flex office » ou de placements par projets). Le « chef » reste très respecté et l'équipe écoute en contribuant modestement. Mais en même temps, l'énergie, la force du collectif sont là. On est engagé et impliqué dans le travail.</p>
<p>Sur le plan universitaire, le pays était également très intéressant. Avec KAIST, le MIT coréen lancé en 1971, où les salaires sont trois fois plus élevés dans le reste du pays et où la recherche est à un niveau global, les moyens sont exceptionnels. La visite de l’<a href="http://www.igc.or.kr/en/index.do">Incheon Global Campus</a>, posé à plus d'une heure de Séoul, nous a également impressionnée. Cet immense campus, en partenariat avec des universités américaines et à proximité de l'aéroport international, semble sorti de nulle part. Que d'énergie ! J'y aurais vu un des makerspaces les plus propres et les mieux rangés de toutes mes visites de ces cinq dernières années dans une trentaine de pays !</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/285504/original/file-20190724-110179-adoqxm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/285504/original/file-20190724-110179-adoqxm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/285504/original/file-20190724-110179-adoqxm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/285504/original/file-20190724-110179-adoqxm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/285504/original/file-20190724-110179-adoqxm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/285504/original/file-20190724-110179-adoqxm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/285504/original/file-20190724-110179-adoqxm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/285504/original/file-20190724-110179-adoqxm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Visite du campus de l'université IGC et de son makerspace.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs.</span></span>
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</figure>
<p>Encore fois, nous sommes tous revenus avec beaucoup de questions et sans la prétention d'avoir compris ce qu'il y avait à comprendre. Dans ce pays sur le fil du rasoir d'un point de vue géopolitique, le monde de demain continue à se fabriquer. Dans la discipline et l'esthétique. Les prochaines licornes digitales du monde de l'IA et d'ailleurs viendront d'ici. Je ne sais pas encore comment, mais je reviens convaincu qu'à nouveau, ce pays historiquement revenu de loin, à l'équilibre politique et géopolitique encore précaire, saura se réinventer. Et je reviendrai avec plaisir suivre ces transformations…</p>
<hr>
<p><em>Je tiens à remercier ici les étudiants du <a href="https://www.mbc.dauphine.fr/">master 128</a> de l'université Paris-Dauphine qui ont coorganisé ce voyage, en particulier Maximilien Briançon, Julie Piquet, Justine Gaine, Amine Bennekrouf, Jules Haton, Sarah Moubarak.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/120909/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François-Xavier de Vaujany est président du think tank et réseau collaboratif RGCS dédié aux nouvelles formes d'organisation et aux nouvelles formes de travail (<a href="http://rgcs-owee.org/">http://rgcs-owee.org/</a>)</span></em></p>Les participants au voyage d'études organisé par Paris-Dauphine reviennent sur un séjour plein de surprises à Séoul…François-Xavier de Vaujany, Professeur en management & théories des organisations, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1134202019-03-13T10:45:36Z2019-03-13T10:45:36ZLe duty free, clé de l’attractivité touristique des pays<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/263593/original/file-20190313-123525-1jq4e2m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C1%2C991%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’activité commerciale représente près de 40% des ressources d'un aéroport (Ici, l'aéroport d'Istanbul en Turquie).</span> <span class="attribution"><span class="source">Stanislav Samoylik / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La loi Pacte (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises), en deuxième lecture mercredi 13 mars à l’Assemblée nationale, ouvre la perspective d’une <a href="http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2019/03/12/20002-20190312ARTFIG00066-l-etat-hesite-sur-le-niveau-de-sa-participation-au-capital-d-adp.php">vente future des parts de l’État</a> dans les aéroports de Paris (ADP), opérateur des aéroports de la région parisienne. Cette éventualité cause un <a href="https://www.liberation.fr/france/2019/03/12/privatisations-l-etat-cede-adp-les-francais-dupes_1714694">émoi croissant</a>, non seulement auprès du public pour qui cette privatisation prouve à nouveau le désengagement de l’État, mais aussi auprès des experts. Plusieurs questions sont posées par les observateurs.</p>
<p>Certes l’État a un besoin structurel de cash, et encore plus depuis qu’il a promis <a href="https://www.europe1.fr/politique/gilets-jaunes-nous-allons-injecter-plus-de-10-milliards-deuros-dans-le-pouvoir-dachat-des-francais-se-felicite-richard-ferrand-3821639">10 milliards</a> d’euros aux « gilets jaunes » cette année. Autant donc vendre les bijoux de famille : après tout, est-ce dans les attributions régaliennes de gérer un aéroport ? À cela il est rétorqué qu’un aéroport est désormais une porte d’entrée majeure dans le territoire national, bien plus stratégique que des péages autoroutiers.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/263592/original/file-20190313-123531-15c2z4j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/263592/original/file-20190313-123531-15c2z4j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/263592/original/file-20190313-123531-15c2z4j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/263592/original/file-20190313-123531-15c2z4j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/263592/original/file-20190313-123531-15c2z4j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/263592/original/file-20190313-123531-15c2z4j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/263592/original/file-20190313-123531-15c2z4j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’aéroport Roissy–Charles de Gaule, porte d’entrée stratégique majeure du territoire français.</span>
<span class="attribution"><span class="source">ElRoi/Shutterstock</span></span>
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</figure>
<p>Mais au-delà de ces considérations géopolitiques, le débat sur ADP devrait aussi être abordé de façon purement financière en posant une seule question, oubliée selon les critiques lors de la <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/transports/autoroute/hausse-des-peages-la-privatisation-des-autoroutes-etait-elle-une-erreur-6169713">concession des autoroutes</a> à un groupe privé : la vente des parts dans ADP rapportera-t-elle plus ou moins que la somme actualisée des bénéfices attendus de la part d’ADP si le statu quo était maintenu ?</p>
<h2>Un marché de 69 milliards de dollars</h2>
<p>Cette question se pose d’autant plus que toutes les prévisions de croissance du trafic aérien mondial sont au vert. Or, les ressources d’un aéroport proviennent pour près de 60 % des taxes et facturations de services liés au trafic aérien (atterrissages, décollages) et <a href="https://simpleflying.com/how-airports-make-money/">40 % de l’activité commerciale</a> liée aux parkings, locations de voitures, restaurants mais principalement à l’activité duty free, elle-même portée par le luxe.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/263585/original/file-20190313-123528-rbvyjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/263585/original/file-20190313-123528-rbvyjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/263585/original/file-20190313-123528-rbvyjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/263585/original/file-20190313-123528-rbvyjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/263585/original/file-20190313-123528-rbvyjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/263585/original/file-20190313-123528-rbvyjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/263585/original/file-20190313-123528-rbvyjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Décomposition des revenus des aéroports.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://simpleflying.com/how-airports-make-money/">Simpleflying.com</a></span>
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</figure>
<p>Longtemps regardé comme peu noble, secondaire, le duty free jouit d’un taux de croissance remarquable dans le monde (+8,6 % par an depuis 2002) et dépasse les 69 milliards de dollars de revenus. Appelé le <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2013/04/11/pour-l-oreal-les-aeroports-constituent-le-sixieme-continent-du-commerce_3157875_3234.html">« sixième continent »</a> par le groupe L’Oréal, le duty free est devenu un vecteur stratégique des marques de luxe dans le monde. Ce n’est pas un hasard si, visionnaire, LVMH racheta dès 1996 DFS, le leader mondial de la vente de produits de luxe aux voyageurs internationaux, opérateur de zones commerciales duty free, que ce soit en aéroports ou en dehors. Le duty free est aujourd’hui devenu d’autant plus vital que la croissance du marché du luxe se fait aujourd’hui par les nouveaux venus – nouveaux riches et aussi classe moyenne supérieure, issus des pays émergents.</p>
<h2>Puissance d’attraction</h2>
<p>Dans les années 1970, le luxe français surfa sur la vague de l’engouement des Japonais. Désormais, ce sont les clients chinois qui font sa croissance. Bain & Co. estime à plus de 30 % leur part dans les ventes de produits dits de luxe personnel, au sein des 50 % attribués aux acheteurs asiatiques en général. Or, pour les Chinois autorisés à voyager (ils devraient être 220 millions en 2020), le choix d’un pays de destination se fait selon trois critères :</p>
<ul>
<li><p>L’éloignement géographique (les Chinois commencent par visiter Hongkong et Macao, puis Corée, Japon, Thaïlande, Malaisie, etc.)</p></li>
<li><p>L’attractivité du taux de change local – d’où la volatilité des choix de destination – ce qui a permis au Japon de bénéficier de la manne des touristes chinois quand le yen baissa, et cela en dépit du refroidissement des relations sino-japonaises.</p></li>
<li><p>Le caractère excitant des zones duty free, qui accroissent l’attractivité des prix. Mais cela va bien au-delà, car les zones duty free sont devenues des destinations de divertissement et de culture en elles-mêmes, voire la raison majeure de visiter une ville en Asie pour un Chinois.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/263436/original/file-20190312-86717-lwh2o7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/263436/original/file-20190312-86717-lwh2o7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/263436/original/file-20190312-86717-lwh2o7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/263436/original/file-20190312-86717-lwh2o7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/263436/original/file-20190312-86717-lwh2o7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/263436/original/file-20190312-86717-lwh2o7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/263436/original/file-20190312-86717-lwh2o7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/263436/original/file-20190312-86717-lwh2o7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.bain.com/fr/insights/luxury-goods-worldwide-market-study-fall-winter-2017/">Bain & Company (2018).</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cela peut choquer ceux qui pensent que tous les touristes viennent à Paris pour visiter le Louvre et le château de Versailles. Certes un peu, mais on ne doit pas sous-estimer la puissance d’attractivité du duty free, qui tient avant tout à la présence magique des marques de luxe.</p>
<p>Que de chemin parcouru par le duty free depuis l’ouverture de la première boutique d’aéroport à Shannon, en 1947 en Irlande, tirant parti de l’escale technique pour refaire le plein de carburant vers les États-Unis. On y vendit des spiritueux, du tabac et plus tard cosmétiques et parfums. Ce sont toujours aujourd’hui les piliers du business mondial du duty free, mais s’y sont greffés les produits de luxe qui représenteraient environ <a href="https://www.dufry.com/sites/default/files/document/2018-03/Annual%20Report%20E%20complete.pdf">36 % du marché</a>.</p>
<p>Les marques de luxe sont le faire-valoir des zones duty free, et de fait le visage des pays. L’aéroport par lequel on entre et sort d’un pays est le premier témoin du niveau de développement de ce pays, à travers la qualité des produits de luxe de sa zone duty free.</p>
<h2>La Corée, paradis du duty free</h2>
<p>Aujourd’hui, le shopping est un facteur majeur du succès touristique d’un pays. La Corée domine le marché mondial duty free avec <a href="https://insideretail.asia/2018/07/04/south-korea-still-dominates-global-duty-free-market/">22 % de part de marché</a> et en vise près du quart en 2022. Le gouvernement coréen fut prompt à saisir la dimension stratégique du duty free pour attirer les devises et les touristes, japonais à l’époque. Pour cela, il inventa les grands magasins de luxe dédiés au duty free (Lotte Duty Free, Shilla Duty Free, etc.) réservés aux étrangers. Pour distancer ses concurrents, Lotte Duty Free réalisa un coup de maître en obtenant que Louis Vuitton – déjà la marque phare du luxe mondial – y ouvrit le 11 janvier 1984 un <em>shop in shop</em> (magasin dans le magasin) alors que la marque n’avait aucun magasin en propre en centre-ville de Séoul pour les Coréens eux-mêmes (et ne comptait pas en ouvrir d’ailleurs).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/263439/original/file-20190312-86693-ggzhi4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/263439/original/file-20190312-86693-ggzhi4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/263439/original/file-20190312-86693-ggzhi4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/263439/original/file-20190312-86693-ggzhi4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/263439/original/file-20190312-86693-ggzhi4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/263439/original/file-20190312-86693-ggzhi4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/263439/original/file-20190312-86693-ggzhi4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/263439/original/file-20190312-86693-ggzhi4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le Shilla Duty Free, à Séoul.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Artyooran/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cet évènement fit l’effet d’une bombe dans le monde du luxe. Hermès suivit en 1985 et Chanel en 1986. Depuis, la Corée est le paradis du duty free. Tous les pays désireux de décoller économiquement et dépourvus de trésors culturels doivent compter sur le shopping en duty free, donc sur le luxe pour développer leur tourisme, faire venir les Chinois, profiter du circuit « daigou » (les touristes chinois qui voyagent exclusivement pour acheter des</p>
<p>produits de luxe pour les autres).</p>
<p>Revenant à ADP, son avenir reposera sur sa capacité à augmenter sa part dans le trafic aérien mondial) dont le <a href="https://www.lesechos.fr/24/10/2017/lesechos.fr/030780860972_le-nombre-de-passagers-aeriens-va-doubler-d-ici-a-2036.htm">doublement du nombre de passagers est annoncé d’ici 2036</a>) et la part du montant que chaque touriste – chinois ou autre – a prévu de dépenser en France. Les marques de luxe joueront un rôle clé pour atteindre ces deux objectifs si elles sont dans des lieux duty free qui donnent envie avec une offre exclusive. Faut-il vraiment privatiser pour cela ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/113420/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Noël Kapferer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’offre en duty free représente aussi bien un levier de croissance pour les marques de luxe qu’un atout à faire valoir auprès des touristes quand ils choisissent leur destination.Jean-Noël Kapferer, Professeur Senior, INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1124312019-02-26T21:01:29Z2019-02-26T21:01:29ZDonald Trump et Kim Jong‑un à Hanoï, l’art délicat du compromis<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/260750/original/file-20190225-26162-vm2k2x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1194%2C792&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">A Hanoï, le 25 février 2019.</span> <span class="attribution"><span class="source">Manan Vatsyayana / AFP</span></span></figcaption></figure><p>Alors que Kim Jong‑un a quitté Pyongyang, le 24 février, pour Hanoï (Vietnam), lieu de sa deuxième rencontre avec Donald Trump, nombre d’interrogations subsistent sur le contenu probable de ce sommet des 27-28 février, et les concessions envisageables par les deux protagonistes. Les déclarations hyperboliques du Président américain sur sa relation privilégiée avec son homologue nord-coréen ont, toutefois, donné le ton. Ce sommet sera un succès !</p>
<h2>Des objectifs contradictoires et un besoin de s’appuyer l’un sur l’autre</h2>
<p>Ni Washington ni Pyongyang ne s’entendent sur le contenu et les étapes du processus de dénucléarisation. Washington la comprend comme l’élimination définitive de toutes armes ou composantes nucléaires avec le démantèlement des sites s’y rapportant et la mise en place d’un système de vérification robuste. Pyongyang la voit comme un processus régional graduel impliquant le retrait de tout système d’arme nucléaire américain de la péninsule coréenne, y compris les troupes qui y sont déployées. Cette approche par étapes suppose, par ailleurs, d’intégrer des séquences d’allègement des sanctions en réponse aux « efforts » nord-coréens.</p>
<p>Toutefois, les <a href="http://english.hani.co.kr/arti/english_edition/e_editorial/879102.html/">deux dirigeants devraient se ménager</a>, car ils sont soumis à des enjeux de politique intérieure et ont besoin de renforcer leur stature d’homme d’État en s’appuyant l’un sur l’autre. Les prochaines élections américaines étant à horizon d’un an, <a href="https://www.irsem.fr/institut/actualites/note-de-recherche-n-65-2018.html">Donald Trump est déjà en campagne</a>. Il a besoin de marquer fortement les esprits et estime que le dossier nord-coréen peut lui en fournir l’occasion, même si le Congrès apparaît prêt à fixer des limites à ses potentielles ouvertures. La Corée du Nord constitue également un levier dans la guerre commerciale que livre Donald Trump à la Chine.</p>
<p>De son côté, Kim Jong‑un doit faire la preuve de son habileté à gérer la question des relations avec les États-Unis, tout en protégeant les intérêts de son pays. <a href="https://www.reuters.com/article/us-northkorea-usa-diplomats-analysis-idUSKCN1Q90HN">Son assise politique n’est pas aussi solide qu’escomptée</a>. Le régime peine à mettre en place la réforme économique promise. L’objectif d’un desserrement des sanctions est sa priorité.</p>
<h2>Des zones d’ombre persistantes</h2>
<p>Si depuis un an, le secrétaire d’État Mike Pompeo a pu se rendre plusieurs fois à Pyongyang, peu d’éléments ont filtré de ces rencontres. Cette discrétion a accrédité l’impression que rien n’avançait sur le dossier complexe de la dénucléarisation et que Pyongyang refusait de répondre aux demandes américaines de clarification sur l’état de son programme nucléaire.</p>
<p>En juillet 2018, soit deux mois après le sommet de Singapour, un <a href="https://www.washingtonpost.com/world/national-security/us-spy-agencies-north-korea-is-working-on-new-missiles/2018/07/30/b3542696-940d-11e8-a679-b09212fb69c2_story.html?utm_term=.b21fff863c38">article du Washington Post</a> relançait les spéculations sur la duplicité du régime nord-coréen en faisant état de rapports d’agences de renseignement américaines accusant Pyongyang de construire de nouveaux missiles intercontinentaux. Des images satellites permettaient de conclure qu’une activité nord-coréenne se poursuivait sur au moins un missile intercontinental. Ce dernier, le Hwasong-15, d’une portée estimée de 13 000 km, aurait la capacité d’atteindre la côte Est des États-Unis. En juillet 2018, Mike Pompeo, <a href="https://www.letemps.ch/monde/pompeo-affirme-pyongyang-continue-produire-materiaux-fissiles">lors d’une audition devant le Congrès</a>, a admis que la Corée du Nord continuait à produire des matériaux nucléaires.</p>
<p>Enfin, l’attitude équivoque de la Chine persiste sur le sujet des sanctions. La reprise des rotations de camions de transport de marchandises entre la ville chinoise de Dandong et la frontière nord-coréenne courant 2018 montre que Pékin, hostile à un scénario d’effondrement du régime nord-coréen, n’adhère plus que partiellement à la logique des sanctions.</p>
<p>Depuis le sommet de Singapour, <a href="https://thediplomat.com/2018/11/china-russia-and-us-sanctions-on-north-korea/">Pékin tout comme la Russie</a> réclament un allègement de celles-ci au Conseil de sécurité des Nations unies afin de répondre de façon positive au gel des tirs nucléaires et balistiques observé par la Corée du Nord. Les deux pays invoquent ainsi une nécessaire réciprocité dans le traitement diplomatique de la Corée du Nord ainsi qu’une approche graduelle ou pas à pas.</p>
<h2>Les cartes nord-coréennes</h2>
<p>Dans son <a href="https://www.ncnk.org/resources/publications/kimjongun_2019_newyearaddress.pdf/file_view">discours du Nouvel an 2019</a>, Kim Jong‑un a fixé une feuille de route pour les futures relations américano-nord-coréennes, tout en évoquant une « nouvelle voie » si les États-Unis maintenaient sanctions et pressions à l’égard du régime, voire en cas de revirement de Donald Trump, comme dans l’exemple de l’accord avec l’Iran.</p>
<p>Le dirigeant nord-coréen a affirmé que son pays « ne produirait plus, ni ne testerait, n’utiliserait ou ne propagerait plus » ses armes nucléaires, tout en demandant aux États-Unis des « mesures correspondantes ». Parmi ses demandes figurent, sans surprise, la fin des exercices d’entraînements majeurs américano-sud-coréens, la mise en place d’un mécanisme de paix qui remplacerait le régime d’armistice et le retrait des sanctions.</p>
<p>Pour l’heure, Kim Jong‑un apparaît en position de force, car il dispose de plusieurs options. Il peut conserver ses armes nucléaires ou choisir de « geler » son programme à défaut de le démanteler. Il peut s’appuyer sur le soutien de la Chine et de la Russie, qui se sont déjà prononcées en faveur d’une levée des sanctions. Enfin, il sait que le Président sud-coréen est prêt à entamer une active collaboration économique.</p>
<p>La reprise des <a href="https://en.yna.co.kr/view/AEN20190219011652315?section=national/politics">relations entre les deux Corées</a> a permis la réactivation d’un certain nombre d’engagements déjà au cœur de la <em>Sunshine Policy</em>, ou politique d’ouverture au Nord entamée dans les années 2000 : échanges sportifs, réunions de famille séparées, assistance humanitaire, reconnexion des voies ferrées et coopération économique. Il s’y est ajouté un important volet militaire avec l’instauration de mesures de confiance (déminage de la zone démilitarisée (DMZ), dialogue des militaires). Un bureau de liaison intercoréen a également été inauguré à Kaesong, en septembre 2018.</p>
<h2>Côté américain, la recherche du compromis</h2>
<p>Le discours de <a href="https://www.state.gov/p/eap/rls/rm/2019/01/288702.htm">Stephen Biegun devant l’université de Stanford</a>, le 31 janvier 2019, a permis de préciser les attentes de part et d’autre. L’émissaire américain pour la Corée du Nord est notamment revenu sur le processus des négociations américano-nord-coréennes évoquant des « actions simultanées » et conduites en parallèle par les deux parties. Il a également développé le sujet de l’accès d’experts aux installations nucléaires et balistiques nord-coréennes, ainsi que celui des mécanismes de surveillance à mettre en place sur ces sites.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/dHtNCh2c1gs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Parmi les initiatives envisageables lors du sommet d’Hanoï figurent des gestes comme l’ouverture d’un bureau de liaison américain à Pyongyang, voire une « déclaration » mettant fin formellement à l’état de guerre entre les deux pays, déjà évoquée avant le sommet de Singapour. Pyongyang pourrait s’engager à ne pas développer davantage d’armes et à démanteler la centrale de Yongbyon.</p>
<p>Concernant les mesures incitatives, la reprise de projets économiques intercoréens figure en bonne place. La réouverture du complexe industriel de Kaesong et celle du site touristique du Mont Kumgang sont activement poussées par le Président sud-coréen qui y a déjà engagé des travaux préparatoires.</p>
<p>L’inconnue principale reste la position de Washington sur la question qui a, jusqu’à présent, bloqué les négociations : la dénucléarisation « complète, irréversible et vérifiable » de la Corée du Nord, perspective inacceptable pour Pyongyang.</p>
<p>On notera que, depuis la fin 2018, Washington a assoupli sa position sur un autre préalable : la fourniture par la Corée du Nord d’un inventaire de son arsenal nucléaire sa localisation et la liste des sites de lancement des missiles. Pyongyang s’y est jusqu’à présent refusé mettant en avant sa sécurité.</p>
<h2>Conclusion</h2>
<p>Le choix du Vietnam comme lieu de la deuxième rencontre américano-nord-coréenne apparaît, à bien des égards, symbolique. Ennemis d’hier, les États-Unis et le Vietnam se sont réconciliés et ont entamé des relations économiques et politiques fructueuses. En outre, le Vietnam réunifié est souvent cité comme un modèle de développement réaliste pour la Corée du Nord.</p>
<p>Le régime de Hanoi a su conduire les réformes économiques nécessaires ou <em>Doi Moi</em>, s’ouvrir sur le monde tout en conservant un fort contrôle idéologique sur la population. Est-ce la voie tracée pour la Corée du Nord ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/112431/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marianne Péron-Doise ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les deux dirigeants devraient se ménager, car ils sont soumis à des enjeux de politique intérieure et ont besoin de renforcer leur stature d’homme d’État en s’appuyant l’un sur l’autre.Marianne Péron-Doise, Expert associé au Ceri, chargée du programme Sécurité maritime internationale à l'IRSEM, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1085382018-12-19T14:37:16Z2018-12-19T14:37:16Z2018 en revue : février, rapprochement des deux Corée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/249720/original/file-20181210-76971-1csyur6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C82%2C994%2C937&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sommet Inter-Coréen d'avril 2018.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.president.go.kr/">Wikipedia / Cheongwadae / Blue House</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Retour sur une année exceptionnelle dans cette zone en tension depuis 1953 :</em></p>
<p><em>– 9 au 25 février : participation du Nord aux Jeux Olympiques en Corée du sud ouvrant la voie à un dégel entre les deux camps. Après deux années de silence, une ligne de communication militaire a été remise en service en janvier. Ces « JO de la Paix », voient la rencontre inédite entre Kim Yo Jong, sœur cadette du dirigeant nord-coréen, et le président sud-coréen Moon Jae-in.</em></p>
<p><em>– Début mars, les deux Corée conviennent d’un sommet entre Kim Jong‑un et le président sud-coréen.</em></p>
<p><em>– 9 mars : Donald Trump accepte un sommet historique avec le leader nord-coréen à une date prochaine.</em></p>
<p><em>– 21 avril : Kim Jong‑un annonce la suspension des essais nucléaires et des tests de missiles intercontinentaux ainsi que la fermeture du site d’essais nucléaires de Punggye-ri.</em></p>
<p><em>– 27 avril : Kim Jong‑un et Moon Jae-in se rencontrent dans la Zone démilitarisée. Ils se serrent la main. “Une histoire nouvelle commence maintenant”, écrit Kim Jong‑un sur le livre d’or avant le début du sommet.</em></p>
<h2>Les délégations des deux pays qui défilent ensemble lors des JO, un symbole fort</h2>
<p>C’est la suite logique des évènements des mois précédents : en 2017, la tension entre la Corée du Nord, sa voisine du Sud et les Etats-Unis a atteint un paroxysme. La Corée du Nord voulait en effet renforcer ses capacités balistiques et montrer sa puissance nucléaire aux yeux du monde, gage de survie du régime en place mais aussi de sécurité et de crédibilité tant en interne qu’à l’international. Une fois cet objectif atteint, désormais en position de force, les nord-coréens peuvent passer à la phase suivante : se concentrer sur le développement économique nécessaire du pays, sans doute sur le modèle chinois.</p>
<p>Pour cela, Kim Jong‑un joue l’apaisement, afin de créer l’occasion favorable et de se présenter en position de force à la table des inévitables négociations. Les JO représentaient dès lors une excellente occasion de concrétiser cette phase de détente. Depuis 1953, on a assisté à de nombreux cycles marqués par les tensions et la rhétorique belliqueuse, suivies d’une phase d’apaisement : c’est une stratégie bien rôdée et parfaitement utilisée par la Corée du Nord.</p>
<h2>La rencontre de Kim Jong‑un avec le président sud-coréen Moon Jae In</h2>
<p>Le timing de cette rencontre était également excellent : Moon Jae In a basé une partie de sa campagne présidentielle sur l’apaisement avec la Corée du Nord. Alors que du côté américain, le troisième acteur principal de ce conflit, une opportunité s’est offerte. Donald Trump avait en effet laissé entendre lorsqu’il était en campagne qu’il ne voyait pas de problème à rencontrer un dirigeant nord-coréen, ce qu’aucun Président américain n’avait jamais fait.</p>
<h2>La rencontre entre Kim Jong‑un et Donald Trump à Singapour</h2>
<p>Chacun y trouve son compte, notamment en terme d’image. Mais au-delà, pas grand-chose. L’accord sur la dénucléarisation n’inclut pas d’inventaire de l’arsenal nord-coréen, pas d’agenda de démantèlement, pas de modalités de contrôle… C’est le jour et la nuit par rapport à l’accord détaillé sur le nucléaire iranien, négocié par l’administration Obama et rejeté ensuite par D. Trump. La rencontre avec Kim Jong‑un est une victoire de l’image et de l’égo pour Donald Trump mais sur le fond, tout reste à faire !</p>
<p>C’est surtout Kim Jong‑un qui en ressort gagnant : une rencontre avec un président américain en tête à tête, c’est une reconnaissance de son statut et de son régime. Par ailleurs, Chine et Russie ont ensuite assoupli les sanctions économiques qu’elles avaient prises vis-à-vis de la Corée du Nord, ce qui affaiblit la pression américaine : encore un point positif pour Kim Jong‑un et un bémol pour Donald Trump.</p>
<h2>Tout reste à faire en 2019</h2>
<p>Les négociations vont se poursuivre et Donald Trump a évoqué une deuxième rencontre avec Kim Jong‑un au début de l’année. Ce sera peut-être l’occasion d’aborder les questions qui fâchent et de voir ce que la Corée du Nord est réellement prête à concéder. Personnellement, je pense que la dénucléarisation prendra du temps et surtout qu’une dénucléarisation complète sera très difficile à obtenir car le programme nucléaire est la garantie de survie du régime. Il est cependant incompatible avec le développement économique recherché par Kim Jong‑un, qui demande un relâchement des sanctions américaines. C’est un peu la quadrature du cercle…</p>
<p>Il faudra donc voir ce qui est acceptable pour le régime nord-coréen et pour la communauté internationale, si un compromis est possible et à quel prix. Par ailleurs, la question des droits de l’homme devra également être abordée à un moment ou à un autre, alors qu’elle est totalement mise de côté pour favoriser les discussions actuelles. Une chose me semble cependant claire : si les négociations ne tournent pas comme la Corée du Nord le souhaite, nous risquons de voir réapparaître les tensions et de repartir dans un cycle de crise. </p>
<p><em>Retrouvez <a href="http://www.ulb.ac.be/ulb12mois12experts/">ici l'intégrale des articles de la rétrospective 2018</a> des enseignants-chercheurs de l'ULB.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108538/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thierry Kellner ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Retour sur un événement inimaginable il y a encore quelques années : la poignée de main entre deux leader que tout semblait opposer.Thierry Kellner, Chargé de cours (politique étrangère de la Chine), Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1054292018-10-23T22:00:15Z2018-10-23T22:00:15ZLes matériaux de la transition énergétique : le lithium<p>Que ce soit pour le secteur des véhicules électrifiés (consommateur de cobalt, lanthane, lithium, etc.), des catalyseurs ou des piles à combustible (consommateur de platine, palladium, rhodium, etc.), dans le secteur éolien (consommateur de néodyme, dysprosium, terbium, etc.), aéronautique civil (consommateur de titane) ou encore le solaire photovoltaïque (consommateur de cadmium, indium, gallium, etc.), l’ensemble des innovations développées pour <a href="https://theconversation.com/changement-climatique-comment-sortir-de-lage-des-fossiles-87534">réaliser la transition énergétique</a> dépend de la disponibilité de certains minerais et de métaux raffinés.</p>
<p>Or la plupart de ces matières premières ont des marchés de petite taille, contrairement à ceux des métaux non ferreux (cuivre, aluminium ou nickel par exemple). Ils affichent en effet des productions en tonnes, centaines de tonnes et, plus rarement, milliers de tonnes. Ils sont d’autre part faiblement organisés, peu transparents, l’essentiel des transactions se réalisant de gré à gré sans bénéficier du support de structures de marchés financiers (comme le <em>London Metal Exchange</em>, par exemple).</p>
<p>Dans les années à venir, la diffusion à grande échelle des technologies y faisant appel pourrait créer, voire exacerber, des tensions sur les marchés de ces métaux. Avec une structure industrielle de marché oligopolistique et une concentration des réserves sur un nombre restreint de pays, le lithium offre, dans le contexte d’électrification du parc automobile mondial, un terrain d’étude propice. C’est ce que montre l’<a href="http://www.panorama-ifpen.fr/criticite-du-lithium/">analyse que nous avons publiée en 2018</a> à ce propos, et dont cet article reprend certaines données.</p>
<h2>Panorama du marché du lithium</h2>
<p>Historiquement, le lithium est utilisé dans les industries du verre et de la céramique, les graisses lubrifiantes ou encore pour la production d’aluminium. Ses propriétés physiques sont recherchées : c’est l’élément solide le plus léger du tableau périodique et il a une bonne tenue à la température.</p>
<p>En plus d’être très léger, le lithium possède une très faible électronégativité, en faisant un matériel de choix pour les batteries qui permettent le stockage réversible d’énergie. Avec le développement des technologies Li-ion, il a ainsi trouvé un fort débouché dans ce secteur, que soit pour l’électronique portatif (téléphones ou ordinateurs portables notamment) ou plus récemment pour le véhicule électrique (VE).</p>
<p>Le secteur des batteries représente aujourd’hui 46 % environ des volumes de lithium consommés, dont un tiers est dédié aux seuls usages liés aux véhicules électriques, <a href="https://www.connaissancedesenergies.org/sites/default/files/pdf-actualites/globalevoutlook2018.pdf">selon l’Agence internationale de l’énergie</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/241726/original/file-20181022-105754-1ae0r35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/241726/original/file-20181022-105754-1ae0r35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/241726/original/file-20181022-105754-1ae0r35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/241726/original/file-20181022-105754-1ae0r35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/241726/original/file-20181022-105754-1ae0r35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/241726/original/file-20181022-105754-1ae0r35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/241726/original/file-20181022-105754-1ae0r35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/241726/original/file-20181022-105754-1ae0r35.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.panorama-ifpen.fr/criticite-du-lithium/">E. Hache/IFPEN (avec données USGS 2018)</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>On observe un taux de croissance positif ces dernières années pour tous les secteurs (exception faite du celui des graisses lubrifiantes). Dans le secteur des batteries, la hausse de la consommation de lithium est la plus forte, avec 20 % par an environ. Les plus grands importateurs et consommateurs de ce métal sont les pays les plus actifs dans le secteur de l’électronique (Chine, Corée du Sud, États-Unis en tête).</p>
<h2>Le « triangle du lithium »</h2>
<p>Si l’utilisation du lithium se concentre en Asie et aux États-Unis, la géographie minière est bien différente. En 2017, la production est estimée à 45 kt d’équivalent lithium (d’après les <a href="https://minerals.usgs.gov/minerals/pubs/commodity/lithium/mcs-2018-lithi.pdf">chiffres fournis par l’USGS</a> et consolidés par les auteurs).</p>
<p>L’essentiel (environ 90 %) de la production de lithium brut provient de deux régions : l’Australie et le triangle du lithium en Amérique du Sud (Argentine, Bolivie, Chili, sachant que la Bolivie en fait partie sans produire de lithium). La région andine détient ainsi plus de 50 % des ressources mondiales estimées à 52,3 Mt (chiffre fourni et consolidé par les auteurs via des données agrégées de l’USGS, le BRGM et des sites de producteurs).</p>
<p>Toutefois, la géographie de la production primaire de lithium (saumure, roches) peut être différente de celle des bases chimiques (LiOH, Li2CO3, etc.) ou des produits utilisant les dérivés chimiques de ce métal.</p>
<p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921344917301118?via%3Dihub">Une étude menée en 2017</a> sur les flux internationaux de lithium illustre cette dynamique pour l’Australie et la Chine. Si le premier est le plus gros fournisseur de lithium primaire (sous forme de spodumène concentré), les procédés de raffinage sont effectués en Chine pour produire les bases chimiques. À l’inverse, le Chili exporte la très grande majorité du lithium produit sur son territoire sous forme transformée de carbonate de lithium.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/241799/original/file-20181023-169834-empmmy.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/241799/original/file-20181023-169834-empmmy.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/241799/original/file-20181023-169834-empmmy.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/241799/original/file-20181023-169834-empmmy.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/241799/original/file-20181023-169834-empmmy.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=448&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/241799/original/file-20181023-169834-empmmy.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=448&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/241799/original/file-20181023-169834-empmmy.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=448&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Répartition des ressources en pointillés et de la production primaire mondiale en trait plein avec les principales entreprises présentes que les sites de production actuels et les projets en cours.</span>
<span class="attribution"><span class="source">IFPEN</span></span>
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<h2>Un marché segmenté</h2>
<p>La production de lithium est historiquement contrôlée par un petit nombre d’acteurs américains (Albemarle et FMC) et chilien (SQM). Ces grands industriels sont des groupes du secteur de la chimie, de l’agroalimentaire (avec les engrais azotés), de la pharmacie ou du secteur minier. Pour ces trois acteurs, la part des revenus associés au lithium est en forte progression ces dernières années. En 2017, la part dans leurs chiffres d’affaires atteint 12 % pour FMC, 30 % pour SQM et 43 % pour Albermarle, selon les rapports annuels de ces entreprises. Plus récemment, deux compagnies chinoises majeures, Tianqi et Ganfeng (historiquement des transformateurs de lithium) ont aussi investi sur l’ensemble de la chaîne de valeur, et notamment dans l’extraction.</p>
<p>Si les trois grands acteurs historiques – FMC, SQM et Albemarle – détiennent encore aujourd’hui un peu plus de 50 % des parts du marché, les entreprises chinoises étaient, en 2016, à l’origine de près de 40 % de l’approvisionnement en lithium, dont une grande partie est consacrée à leur consommation domestique.</p>
<p>À l’échelle internationale, le marché du lithium est encore segmenté géographiquement entre un marché atlantique (Europe et États-Unis se fournissant majoritairement en Amérique du Sud) et un marché asiatique (la Chine ayant une production domestique et se fournissant majoritairement en Australie).</p>
<h2>L’électrification du parc auto mondial</h2>
<p>Dans le cadre de <a href="http://www.panorama-ifpen.fr/criticite-du-lithium/">notre étude</a>, nous avons développé trois scénarios d’électrification du secteur transport à l’échelle mondiale à l’horizon 2050.</p>
<p>Le scénario de référence (appelé « BAU » pour <em>business as usual</em>) poursuit la tendance actuelle sans qu’aucune nouvelle mesure ne soit adoptée dans le futur, tandis que les scénarios « Facteur 2 » et « Facteur 4 » enregistrent respectivement une division par deux et par quatre des émissions de CO<sub>2</sub> directes dans le secteur du transport, par rapport au niveau de 2005. La flotte mondiale de VE à batteries (2 et 3-roues non inclus) devrait ainsi représenter entre 200 et 650 millions en 2050. La demande cumulée de lithium est ainsi estimée entre 6 et 13 millions de tonnes, selon le scénario considéré sur la période 2005-2050.</p>
<p>Cette demande est globalement tirée par les régions d’Asie (Chine et Inde) et par l’Europe, avec des parts respectives estimées à environ 30 %, 26 % et 10 % de la consommation totale. Cette forte consommation de la Chine et de l’Inde provient du déploiement des deux et trois roues électriques en plus des véhicules particuliers. Le continent africain n’est pas en reste, avec un poids non négligeable (environ 8 %) dans la consommation mondiale cumulée de lithium du fait du développement de cette filière électrique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/241851/original/file-20181023-169822-1rjcur3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/241851/original/file-20181023-169822-1rjcur3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/241851/original/file-20181023-169822-1rjcur3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=302&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/241851/original/file-20181023-169822-1rjcur3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=302&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/241851/original/file-20181023-169822-1rjcur3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=302&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/241851/original/file-20181023-169822-1rjcur3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=380&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/241851/original/file-20181023-169822-1rjcur3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=380&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/241851/original/file-20181023-169822-1rjcur3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=380&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Comparaison de la consommation cumulée de lithium à l’horizon 2050 avec les réserves mondiales actuelles.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.panorama-ifpen.fr/criticite-du-lithium/">IFPEN</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Ces scénarios tendent à montrer qu’une forte pénétration du véhicule électrique au niveau mondial (jusqu’à 75 % en 2050, tous véhicules confondus) pourrait engendrer une diminution marquée de la marge de sécurité d’approvisionnement en lithium (rapport entre la consommation cumulée de lithium entre 2005 et 2050 et les réserves actuelles évaluées à 16 Mt). La marge de sécurité se situe ainsi à 65 % pour le scénario de référence, et à moins de 15 % pour le scénario le plus contraignant (« Facteur 4 »).</p>
<p>En parallèle, le développement des batteries Li-ion (pour l’électronique portatif et pour la première phase de pénétration des VE) entretient une dynamique d’exploration et d’exploitation minière au niveau mondial. Cela a déjà eu pour conséquence une multiplication par 3 des ressources estimées entre 2000 et 2017, et une multiplication par 4 des réserves entre 2000 et 2017.</p>
<h2>De multiples formes de vulnérabilités</h2>
<p>Les dynamiques d’équilibre à long terme sur les marchés de matières premières nous apprennent toutefois que l’absence de criticité géologique ne permet pas d’occulter <a href="https://theconversation.com/pourquoi-parle-t-on-de-criticite-des-materiaux-105258">différentes formes de vulnérabilité</a>, qu’elles soient économiques, industrielles, géopolitiques ou environnementales. Parmi elles, la concurrence entre les acteurs apparaît toute relative, malgré l’entrée de nouvelles entreprises sur le marché. Dès lors, la structure industrielle de la filière tend à montrer une criticité économique possible, en raison du faible nombre d’acteurs et de leur positionnement oligopolistique.</p>
<p>En outre, la volatilité des prix pourrait fragiliser les nouveaux entrants sur le marché et conduire à des nouveaux mouvements de consolidations (fusions et acquisitions) entre les acteurs. Toutefois cette volatilité des prix pourrait au final peu impacter l’aval de la filière associée à la production de batteries. En effet, la part du prix du lithium dans le coût global de fabrication d’une batterie automobile reste faible. En 2017, <a href="https://www.bloomberg.com/graphics/2017-lithium-battery-future/">Bloomberg a ainsi calculé</a> qu’un triplement du prix du lithium aurait pour conséquence une augmentation de seulement 2 % du prix des batteries, alors que ce chiffre monte à près de 13 % pour le cobalt.</p>
<p>La dynamique des prix observée à partir de 2004 avait suscité de nombreuses interrogations de la part des analystes sur une possible cartellisation du marché du lithium, à savoir la création d’une forme <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2011/06/30/l-argentine-veut-creer-une-opep-du-lithium_1542985_3234.html">« d’OPEP du lithium »</a>). Si la proximité géographique des acteurs du triangle du lithium est avérée, la proximité stratégique l’est beaucoup moins.</p>
<p>Cependant, les stratégies nationales, dans le triangle du lithium, resteront soumises à de très fortes incertitudes, entre ouverture économique et mise en place de politiques commerciales agressives. Dans les années à venir, il sera nécessaire d’observer les évolutions stratégiques de chacun de ces pays, et plus particulièrement de la Bolivie, étant donné leur part dans les réserves mondiales de lithium et leur capacité à jouer sur l’offre de production.</p>
<p>Enfin, la politique de la Chine et de ses entreprises sur la filière lithium, mais également sur le secteur des batteries, reste un élément clé de compréhension de ce marché dans le futur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/105429/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Hache est chercheur associé au laboratoire Economix de l’université Paris Nanterre et directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). Cet article a reçu des financements de l'ADEME dans le cadre du projet E4T.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Clément Bonnet, Gondia Sokhna Seck et Marine Simoën ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Apprécié pour sa légèreté et sa bonne tenue à la température, ce métal est très demandé dans le secteur des batteries pour les véhicules électriques.Emmanuel Hache, Économiste et prospectiviste, IFP Énergies nouvelles, Auteurs historiques The Conversation FranceClément Bonnet, Économiste, IFP Énergies nouvelles Gondia Sokhna Seck, Spécialiste modélisation et analyses des systèmes énergétiques, IFP Énergies nouvelles Marine Simoën, Ingénieure de recherche en économie, IFP Énergies nouvelles Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1044532018-10-07T18:51:26Z2018-10-07T18:51:26ZQuelle communauté internationale ? Espoirs et illusions à l’heure de l’Amérique de Donald Trump<p>L’ouverture de l’Assemblée Générale de l’Organisation des Nations unies (ONU) offre, chaque année, l’occasion de photographier le paysage diplomatique mondial. C’est également un moment propice pour apprécier les talents théâtraux des chefs d’Etat et de gouvernement : Nikita Khrouchtchev brandissant sa chaussure en 1960, Fidel Castro et son discours-fleuve la même année, Mouammar Kadhafi déchirant la charte de l’ONU en 2009… L’enceinte des Nations unies devient alors, littéralement, une « scène » internationale où une multitude de visions du monde se rencontrent, se confrontent et s’affrontent.</p>
<p>En ce début d’automne, l’inauguration de la 75<sup>e</sup> session de l’Assemblée Générale n’a pas dérogé à la tradition avec le spectacle du duel oratoire entre Donald Trump et Emmanuel Macron, opposant deux conceptions fort différentes de la diplomatie. Ce qui est toutefois inhabituel c’est que cette joute divise deux membres d’un même camp, l’OTAN, voire d’un même «club», le groupe très restreint des démocraties développées qui forment le G7.</p>
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<p>Il y a certes eu dans le passé d’autres affrontements franco-américains, notamment le violent désaccord autour de l’invasion de l’Irak, désaccord exprimé par un célèbre discours de Dominique de Villepin en 2003. Mais aussi dure aura été cette confrontation entre les États-Unis de George W. Bush et nombre de ses alliés d’Europe de l’Ouest, elle n’avait pas la dimension systémique que prend aujourd’hui le clash de visions entre Donald Trump et Emmanuel Macron.</p>
<p>La position nationaliste de Trump s’applique a priori à tous les sujets relevant de la concertation multilatérale, et de ce fait hypothèque la notion même de « communauté internationale ». Ou tout au moins, le nationalisme appuyé de la première puissance mondiale nécessite-t-il de repenser ce qu’on doit – ou ce qu’on peut – attendre de ladite « communauté internationale ». Le sens de ce terme étant, du reste, assez imprécis.</p>
<h2>Le règne éphémère de la « communauté des nations »</h2>
<p>Qu’entend-on donc par « communauté internationale » ? En principe, on pourrait considérer que celle-ci désigne tout simplement l’ONU. C’est en effet la seule organisation au monde qui réunit tous les États-nations (les nations qui n’ont pas le statut d’État, comme Taiwan ou la Palestine, en étant exclues). Toutefois, dès sa création et jusqu’à la fin de la Guerre froide, l’ONU et son Conseil de sécurité étaient largement paralysés par la logique bipolaire de l’ordre mondial, même si des avancées – comme la mise à l’agenda des questions de développement dans les années 1970 – ont été réalisées durant cette période. Jusqu’aux derniers jours de 1989, invoquer, au singulier, « la communauté internationale », était relativement improbable.</p>
<p>C’est après 1990, qui aura vu la dislocation de l’URSS et une coopération inédite russo-américaine autour de la crise dans le golfe persique, que George H.W. Bush introduit l’idée d’une « communauté des nations » portant et défendant un « nouvel ordre mondial » (dans son discours prononcé devant le Congrès américain au lendemain de l’opération « Desert Storm » au Koweït et en Irak, en mars 1991). Le texte, connu comme le « New world order speech », fait partie du répertoire classique de la politique étrangère des Etats-Unis).</p>
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<p>Pendant une décennie, avant que l’Histoire s’empresse de la contrarier, cette idée, la possibilité d’un vrai consensus en faveur de la coopération multilatérale à l’échelle de la planète, semblait viable. L’ONU pouvait, semblait-il, enfin devenir ce que ses concepteurs, au milieu des années 1940, avaient souhaité qu’elle soit ; la garante ultime de la paix et de la prospérité mondiales.</p>
<h2>Communauté, système et monstres froids</h2>
<p>Imaginer une institution permettant véritablement la communion des États-nations, suppose une part d’idéalisme – ou d’irréalisme, diraient certains – substantielle. En dépit de la multitude de calculs géopolitiques qui ont précédé sa naissance, le projet de l’ONU a bel et bien été porté par un idéalisme dont l’ampleur était proportionnelle à celui du désastre de la Seconde Guerre mondiale.</p>
<p>Cet héritage fondateur a alimenté une forme de culture « onusienne », qu’illustre le récit de la paix planétaire, et qui, tout en se renouvelant (en tenant compte de nouveaux facteurs comme le développement, puis l’environnement), se déroule inexorablement, au-delà des vicissitudes. En d’autres termes, si ce qu’on appelle « communauté internationale » renvoie à l’esprit onusien, alors il s’agit d’un projet ambitieux, voire d’un horizon, plutôt qu’une entité tangible.</p>
<p>Dans la théorie des relations internationales, l’hypothèse que les États forment a priori une « communauté » implique que la coopération, et même la solidarité, sont des mécanismes naturels : à cette hypothèse s’oppose celle du « système d’États », où ces derniers sont des « monstres froids » selon l’expression de Raymond Aron.</p>
<p>Dans <em>Paix et guerre entre les nations</em> (1962), Raymond Aron considère que les « relations internationales n’étant pas sorties de l’état de nature », chaque entité nationale doit survivre « dans la jungle où s’ébattent des monstres froids ». Ils peuvent au mieux coexister.</p>
<p>A mi-chemin entre la « communauté » et le « système », l’hypothèse de la « société d’États » suppose que les États ne coopèrent pas spontanément mais que l’intérêt national de chacun les amènent à se concerter pour établir des règles partagées. Dans cette perspective, la « communauté internationale » a-t-elle jamais existé ?</p>
<h2>«Pour l’honneur de la communauté internationale»</h2>
<p>On est tenté de répondre que l’entreprise idéaliste d’un Woodrow Wilson, le président américain qui imagina la «Ligue des nations» ou Société des Nations (1920-1946), n’aura pas fait long feu, et que l’espoir de voir se matérialiser le rêve onusien après 1989 aura été fugitif.</p>
<p>Ce rêve a rencontré plusieurs monstres froids : la posture d’un George Bush, défiant le «nouvel ordre» formulé par son père, l’insistance souverainiste des nouvelles puissances – Chine, Inde, Brésil, Russie… –, la montée globale des nationalismes.</p>
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<p>Et pourtant ce printemps encore, Emmanuel Macron déclarait que la France était intervenue en Syrie « pour l’honneur de la communauté internationale ». Celle-ci doit donc bien exister, d’autant que nombre de leaders politiques, de commentateurs et de journalistes continuent de l’évoquer quotidiennement. La question alors est non pas de savoir si cette « communauté internationale » existe, mais qui est-elle ?</p>
<h2>Trump, le plus gros contributeur de l’ONU</h2>
<p>Recouvre-t-elle non pas toutes les nations de la planète, mais les alliés traditionnels des États-Unis, comme c’était le cas en Syrie, où à ces derniers s’étaient rejoints outre la France, le Royaume-Uni ? Il y a clairement, quand on se réfère à « l’honneur » ou le « devoir » de la « communauté internationale » un jugement normatif. Cette communauté est nécessairement juste ; elle défend l’héritage moral de l’après-1945, la lutte pour la dignité humaine dont les fronts se sont progressivement démultipliés – anti-racisme, anti-colonialisme, justice économique, émancipation des femmes, protection des enfants, respect de l’environnement…</p>
<p>Mais une fois posés ces principes généraux, comment décide-t-on qui est inclus et qui est exclu de la communauté ? Cela suppose un exercice d’évaluation, et d’auto-évaluation, pour le moins complexe, et politiquement chargé. Dans l’opposition Macron-Trump à l’Assemblée Générale de l’ONU, on pouvait presque penser que les États-Unis – dont le président semble plus à l’aise avec le dictateur nord-coréen Kim Jong‑un qu’avec ses alliés démocratiques du G7 –, étaient sortis de la communauté internationale qu’ils accueillaient sur leur sol, à New York.</p>
<p>En attendant, et même à l’heure du « America First » de Donald Trump, lesdits États-Unis restent le plus important contributeur aux entreprises multilatérales (fournissant plus de 20 % du budget de l’ONU, suivi par le Japon qui en fournit 10 %), et continuent de ce fait de soutenir la possibilité d’une communauté internationale, quelle que soit son identité.</p>
<hr>
<p><em>The Conversation est partenaire du débat «Amis, alliés, partenaires ? Le “club des démocraties” et Donald Trump», organisé, mardi 9 octobre, au Ceri (Sciences Po), 56 rue Jacob, à Paris (75006), à partir de 17h. Inscriptions obligatoires <a href="https://www.sciencespo.fr/agenda/ceri/fr/event/Amis%2C+alli%C3%A9s%2C+partenaires+%3F+Le+%22club+des+d%C3%A9mocraties%22+et+Donald+Trump?event=621">ici</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/104453/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Karoline Postel-Vinay ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La position nationaliste de Trump s’applique a priori à tous les sujets relevant de la concertation multilatérale, et de ce fait hypothèque la notion même de « communauté internationale ».Karoline Postel-Vinay, Directrice de recherche, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/986062018-06-25T20:51:15Z2018-06-25T20:51:15ZLe Mondial à Kaliningrad : le football et la « nouvelle Guerre froide » en Baltique<p>Durant la Coupe du monde en Russie, Kaliningrad va accueillir quatre matches de football. Une ville-hôte du Mondial comme les dix autres ? Loin de là : Kaliningrad est un lieu emblématique pour la paix (et la guerre) en Europe. Enclave russe au milieu de l’Union européenne, insérée entre la Pologne et la Lituanie, loin du territoire russe, elle est l’enjeu de rivalités séculaires entre l’Allemagne, la Pologne, la Suède, l’ex-Union soviétique. Depuis quelques années, ce territoire et ses bases militaires sont même au centre de la « nouvelle Guerre froide » que l’OTAN et la Russie se livrent dans la région.</p>
<p>Le choix de cette ville hôte pose, à nouveaux frais, une question classique : le sport peut-il être <a href="http://www.un.org/french/themes/sport/">facteur de paix</a> ?</p>
<h2>Le football, force de paix ?</h2>
<p>L’organisation de la Coupe du Monde de football en Russie a des enjeux géopolitiques conséquents. Ils sont même essentiels <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/0301809112209-le-mondial-nouveau-terrain-du-soft-power-de-poutine-2183631.php">pour la politique extérieure</a> et l’<a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/0301805067779-les-transports-gageure-du-mondial-de-foot-en-russie-2183699.php">économie</a> russes.</p>
<p>Le choix de Kaliningrad lors de ce Mondial peut contribuer à l’abaissement des tensions à plusieurs titres. D’une part, le territoire russe se trouve, comme le site de Pyeongchang en Corée du Sud, à proximité d’une zone de friction stratégique importante. La station de sports d’hiver coréenne des JO 2018 se situait ainsi à une cinquantaine de kilomètres de la ligne de cessez-le-feu intra-coréenne. Kaliningrad est, pour sa part, au contact d’une zone de contact entre l’OTAN, élargi aux États baltes depuis 2004 et à la Pologne depuis 1999, et la Fédération de Russie.</p>
<p>Longtemps négligé, ce territoire est au centre des préoccupations des deux parties, au moins depuis l’annexion de la Crimée en 2014. Organiser une partie de la compétition dans cette zone permettra-t-il d’insuffler un « esprit de Pyeongchang » menant à une reprise du dialogue comme à Singapour entre Kim et Trump ?</p>
<p><a href="http://www.un.org/french/themes/sport/">Le stade rénové de 35 000 places</a> de Kalinigrad accueille <a href="http://jactiv.ouest-france.fr/vie-pratique/transport-voyage/kaliningrad-russes-regardent-vers-louest-86094">des supporters étrangers</a> dans une zone longtemps interdite aux Occidentaux durant l’ère soviétique. Dans la période récente, elle n’était plus accessible aux frontaliers sans visa, achevant d’en faire une forme de « camp retranché » russe au milieu de l’UE.</p>
<p>Le football drainera des fans de Pologne, du Royaume-Uni, de Belgique ou encore de Lituanie dans un territoire qui suscite toutes les inquiétudes au sein des pays riverains en raison du renforcement des bases navales et aériennes dans l’enclave. En l’espèce, c’est donc moins les protagonistes que le décor qui compte en la matière : la Russie peut faire de cette enclave une vitrine destinée à dissiper son image menaçante.</p>
<p>Kaliningrad illustre d’ailleurs les efforts déployés par les autorités russes pour favoriser l’accueil des étrangers durant la compétition : outre le document d’identité spécial prévu pour l’entrée sur le territoire, le <em>supporter ID</em>, les autorités ont lancé un appel à l’hospitalité. C’est notamment le cas de la mairie de Kaliningrad, qui a diffusé un vidéo-clip présentant la ville sous son meilleur jour. <a href="http://fr.fifa.com/worldcup/news/rencontre-de-legendes-a-kaliningrad">Un match des « légendes du football »</a> a été organisé ; un centre hôtelier touristique a été mis en place et une fan zone a été créée.</p>
<p>Tout est fait pour présenter Kaliningrad comme un territoire attrayant et non comme la source de menaces (comme il est perçu dans la région).</p>
<h2>Victime de son intérêt stratégique</h2>
<p>Quatre matches ne suffiront pas pour passer de « la nouvelle Guerre Froide » au dégel dans la région. La tension autour de Kaliningrad a en effet des raisons structurelles.</p>
<p>La ville est victime de son intérêt stratégique : fondée au XIII<sup>e</sup> siècle par les chevaliers teutoniques, l’ancienne Königsberg de Prusse orientale et patrie de Kant est placée à la charnière entre le mondes germanique, polonais, balte et russe. Elle est placée au bord d’eaux libres de glace toute l’année et à l’abri d’une langue de terre, l’isthme de Courlande. Un rêve de stratège…</p>
<p>C’est d’ailleurs pour cette raison que Staline, à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, a veillé à ce qu’elle soit rattachée à la République soviétique de Russie au sein de l’URSS, alors même que la République soviétique de Biélorussie s’intercale entre le territoire et la Russie administrative.</p>
<h2>Le« Grand Jeu » de l’OTAN et de la Russie en Baltique</h2>
<p>Aujourd’hui, dans le dispositif stratégique russe, Kaliningrad et ses bases navales et aéronavales, sont un élément clé pour la Flotte de la Baltique stationnée à Saint-Pétersbourg. Récemment, des bâtiments de guerre équipés de missiles de croisière y ont pris place. La Russie a disposé dans l’enclave les fameuses batteries de missiles de défense anti-aérienne S400 mais aussi <a href="https://fr.sputniknews.com/defense/201806021036637971-baltique-flotte-kalibr/">des missiles Iskander et Kalibr</a>. Elle est donc perçue comme menaçante à Vilnius, Riga, Tallinn, Helsinki et Varsovie.</p>
<p>Du côté de l’Alliance atlantique, les <a href="https://www.huffingtonpost.fr/cyrille-bret/otan-russie-durcissement-blocs-militaires-securite-europe_b_10396566.html">exercices de l’OTAN</a> « BALTOPS », « Anaconda » et « Saber Strike », traditionnels depuis les années 1970, montent en puissance depuis l’annexion de la Crimée en 2014. Et, suite au sommet de l’OTAN à Varsovie en juillet 2016, des troupes occidentales sont déployées en rotation dans les trois Etats baltes et en Pologne.</p>
<p>Tous les schémas militaires de ces exercices intègrent Kaliningrad comme enjeu d’un potentiel conflit hybride ou classique. Ainsi, l’OTAN pointe régulièrement Kaliningrad comme la source des incursions sous-marines, navales et aériennes dans les espaces nationaux des États baltes. Du point de vue de l’OTAN, Kaliningrad est un poste avancé du dispositif militaire russe en plein cœur des territoires de l’Alliance. Cette enclave russe est considérée, à ce titre, comme une source de menaces.</p>
<h2>Pour les Russes, une vigie</h2>
<p>Du point de vue de la Russie, Kaliningrad est, en discontinuité avec le territoire national, une vigie contre l’élargissement puis la remontée en puissance de l’OTAN dans la région. En un mot, Kaliningrad est le <a href="https://fr.sputniknews.com/international/201805271036544098-russie-depute-commentaire-article/">« pire cauchemar de l’OTAN »</a>, selon les termes d’officiels russes. C’est que Kaliningrad est, pour Moscou, un des rares moyens dont elle dispose contre l’élargissement de l’OTAN et l’encerclement américain dont elle s’estime victime, dans la Baltique, en Mer Noire, en Méditerrannée orientale…</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/224694/original/file-20180625-19399-562hzy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/224694/original/file-20180625-19399-562hzy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/224694/original/file-20180625-19399-562hzy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/224694/original/file-20180625-19399-562hzy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/224694/original/file-20180625-19399-562hzy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/224694/original/file-20180625-19399-562hzy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/224694/original/file-20180625-19399-562hzy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="source">IISS</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Par-delà les enjeux sportifs, Kaliningrad est donc au centre du « Grand Jeu » que se livrent Russie et OTAN dans l’espace baltique. Une course aux armements est en cours dans la région : la Suède comme les États baltes ont rétabli la conscription, la Pologne a lancé plusieurs programmes d’armement et consacre plus de 2 % de sa richesse nationale à la défense, la Finlande et la Suède s’interrogent sur leur neutralité historique… Quant à la Russie, elle a engagé un programme décennal de modernisation de ses forces armées en 2009 et a atteint un haut niveau de professionnalisation notamment par l’expédition en Syrie depuis 2015.</p>
<p>Que Kaliningrad apparaisse accueillante aux supporters durant quatre matches est souhaitable. Mais cela ne suffira pas à faire cesser le « Grand Jeu » que se livrent les puissances dans la zone.</p>
<h2>Les fonctions géopolitiques du sport : paix et guerre en Europe</h2>
<p>Quand on aborde les compétitions internationale hautement médiatisées, tous les espoirs se portent sur la fonction pacificatrice du sport : rapprochement des peuples, communion des supporters ou encore sublimation de la concurrence militaire en compétition athlétique. Tous ces phénomènes existent bel et bien même s’ils suscitent des espérances déçues.</p>
<p>Le sommet entre Kim et Trump le souligne, après la « diplomatie du ping-pong » utilisée par Nixon pour se rapprocher de la Chine au début des années 70, et après les résultats obtenus par l’exclusion de l’Afrique du Sud des compétitions internationales pour obtenir la fin de l’Apartheid. Le sport peut contribuer à la paix. Mais il ne suffit pas à arrêter les guerres.</p>
<p>N’oublions pas ses autres fonctions du sport, souvent concurrentes. Les compétitions sportives peuvent tout aussi bien exacerber les tensions que les sublimer et les apaiser. Ainsi, les Jeux olympiques d’été de 2008 organisés à Pékin ont manifesté une puissance chinoise inquiétante pour ses voisins. Kaliningrad peut tout aussi bien servir comme un rappel de la Guerre froide en Baltique.</p>
<p>En définitive, Kaliningrad apparaît comme un bon test sur les pouvoirs (et les impuissances) du sport international.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/98606/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cyrille Bret ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Que Kaliningrad apparaisse accueillante aux supporters durant quatre matches est souhaitable. Mais cela ne suffira pas à faire cesser le « Grand Jeu » que se livrent les puissances dans la zone.Cyrille Bret, Maître de conférences, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/980382018-06-11T21:12:54Z2018-06-11T21:12:54ZCorées : réunification politique, intégration économique… et réticences à tous les étages<p>La réunification de la péninsule coréenne n’est pas un objectif envisageable à court-moyen terme, et peu probable à long terme, car elle supposerait un effondrement du régime nord-coréen qui, dans une telle perspective, réagirait violemment. De plus, au-delà des pétitions de principe, personne n’en veut réellement. Les Chinois, pas plus que les Russes, ne souhaitent voir les États-Unis se rapprocher de leur frontière. De leur côté, les Coréens du Sud sont effrayés par la note à payer et par la perspective d’accueillir des millions de « frères » fuyant le Nord. Enfin, le Japon craint le renforcement de son concurrent.</p>
<p>Un échec du sommet Kim-Trump de ce 12 juin, à Singapour, serait cependant dommageable pour les deux protagonistes. Ils perdraient tous les deux la face. Mais le plus grand perdant serait Trump qui se veut un maître du « deal ». Tandis que Kim, grâce à cette rencontre, obtenue sans aucune condition ou concession de sa part (du jamais vu en matière diplomatique), est parvenu à changer de statut : de chef d’un « pays voyou », il est devenu un adversaire presque fréquentable.</p>
<p>De cet échec résulterait aussi une longue période d’affrontements à l’issue imprévisible. C’est pourquoi il est plus probable que l’on parviendra à un accord flou de promesses de dénucléarisation de la péninsule à long terme et par étapes, en échange de la promesse d’un retrait progressif de la présence militaire américaine.</p>
<p>Cela ouvrirait la voie à la levée progressive des sanctions internationales et à l’intégration progressive de l’économie nord-coréenne, par l’intermédiaire de la Chine et de la Corée du Sud, dans l’économie mondiale. Ce qui sauverait la face de Trump et conviendrait à tous les autres protagonistes.</p>
<h2>Après le nucléaire, cap sur le développement économique</h2>
<p>Du côté de la Corée du Sud, l’actuel chef de l’État, Moon Jae-in, contrairement à la Présidente qui l’a précédé, représentante d’une ligne dure vis-à-vis du Nord, est favorable à un rapprochement. Le sommet qu’il a tenu en avril 2018 avec Kim Jong‑un a été une réussite, mais celle-ci reste soumise aux résultats du sommet Kim-Trump. Les objectifs attendus des deux sommets sont fortement imbriqués : dénucléarisation de la péninsule, conclusion d’un accord de paix, <a href="http://www.institutdiderot.fr/lavenir-de-la-coree-du-nord/">relance des relations intercoréennes</a> pour déboucher sur la levée des sanctions et la normalisation des relations entre Pyongyang et Washington. Vaste programme !</p>
<p>À son arrivée au pouvoir en 2011, le programme de Kim Jong‑un se résumait en deux points qui assureraient sa légitimité : la création d’une force de dissuasion nucléaire opérationnelle et le développement économique de son pays. Le premier point est acquis, reste le second qui repose sur la levée des sanctions et une réforme économique profonde du pays.</p>
<p>Pratiquement tous les dirigeants des pays en développement pensent que le développement de leur pays passe par une intégration forte à l’économie mondiale. La réussite des pays d’Asie orientale n’est pas pour rien dans cette conviction. On peut donc penser que la religion de Kim sur ce point est faite.</p>
<p>Mais quel serait le modèle pour l’intégration économique de la Corée du Nord ?</p>
<h2>Un modèle allemand… qui n’en est pas un</h2>
<p>Le modèle allemand de réunification ne convient absolument pas au cas coréen. D’une part, il correspond à la disparition de la RDA ; d’autre part, il suppose la mise aux normes mondiales de l’économie nord-coréenne, comme la RDA a dû le faire pour s’adapter à ce qu’il est convenu d’appeler les acquis communautaires.</p>
<p>Autre facteur qui disqualifie ce modèle : l’<a href="http://www.kiep.go.kr/eng/sub/view.do?bbsId=search_report&searchCate1=ORGNZT_0130010000000&nttId=201128&searchIssue=&searchEngWrt=&pageIndex=2">écart immense qui sépare les niveaux de vie entre les deux Corées</a>. Grossièrement (car on ne dispose d’aucune donnée fiable pour la Corée du Nord), l’écart des PIB par habitant serait d’un à trente-neuf. Il n’était que d’un à dix entre les deux Allemagnes.</p>
<p>La grande pauvreté de la Corée du Nord est confirmée par les données des Nations unies sur l’aide alimentaire mondiale : elle est destinataire d’au moins 13 % du volume total des aides allouées à ce titre par le programme des Nations unies. <a href="https://www.diploweb.com/_Christophe-Alexandre-PAILLARD_.html">La prévalence de la malnutrition reste un enjeu important</a> : selon une étude menée en 2012, plus de 28 % des enfants souffrent d’un retard de croissance faute de micronutriments pendant les deux premières années de leur vie.</p>
<h2>Le modèle pertinent de Deng Xiaoping</h2>
<p>Compte tenu de son succès spectaculaire et de la proximité initiale des régimes politiques, le modèle le plus pertinent serait celui des réformes à la Deng Xiaoping entamées en 1978, suivies (autre exemple) dix ans plus tard par les réformes mises en œuvre au Vietnam. Dans un premier temps, on libère l’agriculture, base à l’époque de l’économie chinoise, et par ailleurs on ouvre des zones économiques spéciales pour faciliter l’implantation de multinationales et opérer des transferts de technologie.</p>
<p>Des réformes sont, semble-t-il, en cours. Ainsi les observateurs estiment que la croissance économique a été forte en Corée du Nord depuis 2014, <a href="http://cepii.fr/BLOG/bi/post.asp?IDcommunique=599">grâce notamment à une loi de révision du statut des entreprises</a> qui permet notamment aux paysans de vendre sur le marché intérieur jusqu’à 30 % de leur production. <a href="https://www.38north.org/author/peter-ward/">Celle-ci réduit aussi le rôle du Parti dans la gestion des entreprises</a> en donnant à celle-ci la possibilité de travailler directement avec d’autres entreprises sur la base de prix négociés et non plus imposés. De même, il semble que des formes de propriété privée, ainsi que la création de pseudo firmes d’État, sont apparues.</p>
<p>Pour ce qui est des Zones économiques spéciales, cela reviendrait, de fait, à réactiver des zones qui existent déjà, mais sont asphyxiées par les sanctions internationales : la ZES de Rajin-Songbong (Rason) sur la côte de la mer du Japon (mer de l’Ouest pour les Coréens) créée en 1991 et, plus récemment, les zones de Whiwa et Hwanggumpyong, situées à la frontière chinoise. Pour l’instant, les investisseurs présents dans ces zones sont essentiellement des Chinois, quelques Russes et des Coréens pro-Pyongyang habitants au Japon.</p>
<h2>Le précédent entre la Chine et Taïwan</h2>
<p>Pour l’ouverture du commerce entre les deux frères ennemis, l’autre source d’inspiration, pourrait être trouvée dans l’<a href="https://journals.sub.uni-hamburg.de/giga/jcca/article/view/1040">évolution des rapports entre la Chine et Taiwan</a>. Ces deux pays s’affrontent en permanence, depuis 1949, tant sur le plan politique que militaire. La Chine tente par tous les moyens d’isoler diplomatiquement Taiwan. Elle considérerait toute tentative de déclaration d’indépendance de l’île comme un casus belli. « Tous les actes et tous les stratagèmes visant à séparer la Chine sont voués à l’échec et s’exposeront à la condamnation populaire et à la punition de l’Histoire », a ainsi déclaré Xi Jinping lors de l’Assemblée nationale populaire de Chine du 20 mars 2018. Et personne ne peut croire qu’il s’agisse là d’une vaine menace.</p>
<p>En attendant, les relations économiques entre les deux côtés du détroit de Formose n’ont cessé de se développer au bénéfice des deux partenaires. De moins de 4 % avant les réformes à Pékin, les exportations de Taiwan vers la Chine sont passées à 11 % au moment de l’entrée de cette dernière (2001) et de Taiwan (2002) à l’OMC, et à 37 % aujourd’hui !</p>
<p>De la même façon, les entreprises taiwanaises ont fait le forcing pour investir en Chine où elles sont devenues des acteurs majeurs dans l’économie chinoise comme Foxconn qui, en 2018, emploie sur le continent un million trois cent mille employés. Les relations ont atteint un niveau de formalisation élevé avec le Economic Cooperation Framework Agreement (EFCA), qui prévoit en particulier l’entrée libre des produits chinois à Taiwan (ce qui était le cas dans l’autre sens dès 1980).</p>
<h2>Un prometteur projet de gazoduc depuis la Russie</h2>
<p>Du côté de la Corée du Sud, les grandes entreprises manifestent un intérêt vif, mais prudent compte tenu des expériences décevantes du passé, à leur implantation en Corée du Nord. En plus de leur intérêt économique intrinsèque, cela leur donnerait droit à un brevet de patriotisme. Pour les deux Corées, cela leur permettrait aussi de réduire leur dépendance à l’égard de la Chine qui peut s’avérer pesante.</p>
<p>Autre intérêt pour elles, l’accueil du gazoduc acheminant le gaz naturel de la région russe de la Kovykta (près d’Irkoutsk) par le Nord en direction de la Corée du Sud, en cas de succès dans les négociations entre la Chine, la Russie et la compagnie BP. Un autre projet de gazoduc pourrait relier les exploitations situées dans la partie russe des îles Sakhaline à la Corée du Sud.</p>
<p>Les projets ne manquent pas, donc, mais tout ceci repose – in fine – sur l’évolution des relations entre deux personnalités pour le moins imprévisibles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/98038/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Fouquin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En cas d’échec du sommet du 12 juin, les deux protagonistes perdraient tous les deux la face. Mais le plus grand perdant serait Trump qui se veut un maître du « deal ».Michel Fouquin, Professeur d'Economie à la Faculté de Sciences Sociales et Économiques (FASSE) , Conseiller au CEPII, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/972602018-05-25T09:52:32Z2018-05-25T09:52:32ZCorée du Nord : pourquoi Trump quitte la table des négociations<p>Ce n’est pas par un tweet, mais par une <a href="https://www.courrierinternational.com/article/etats-unis-lintegralite-de-la-lettre-de-trump-kim-jong-un-traduite-en-francais">lettre adressée à Kim Jong‑un</a>, que Donald Trump a informé le monde de sa décision. La surprise a été grande, et pourtant, cela bouillait depuis quelques semaines : fin avril, il y a déjà eu de l’eau dans le gaz et la mauvaise humeur a commencé à monter des deux côtés du Pacifique.</p>
<p>Du côté américain, alors qu’on la souhaitait activement auparavant, la soudaine intervention de la Chine dans ce dossier n’a pas été comprise : le <a href="https://www.theguardian.com/world/2018/may/08/kim-jong-un-meets-xi-jinping-in-second-surprise-visit-to-china">président Xi a rencontré deux fois Kim Jong‑un</a> en un mois, alors qu’il avait toujours refusé de le faire au cours des trois années précédentes. Il en a été conclu que la Chine voyait d’un mauvais œil l’idée de perdre le rôle de « grand voisin » à qui les Américains demandaient inlassablement d’intervenir. Car, en échange, les États-Unis ont régulièrement fermé les yeux dans d’autres dossiers, notamment commerciaux.</p>
<p>Côté coréen (du Nord), la perspective de changer de monde a fini par faire peur : Kim Jong‑un a voulu rivaliser avec Donald Trump, lui reprochant de s’accorder tous les mérites de cette rencontre, puis faisant éclater sa mauvaise humeur lorsque des <a href="https://abcnews.go.com/International/north-korea-blames-us-south-korea-military-drill/story?id=55200524">manœuvres militaires étaient organisées conjointement avec la Corée du Sud</a> ou affirmant avec vigueur que la dénucléarisation ne signifiait pas forcément l’abandon total de l’arme nucléaire. En montrant les muscles et en durcissant les rapports avec ceux qui lui tendaient la main, Kim Jong‑un a pris le risque que tout capote.</p>
<p>Et c’est ce qui est arrivé ! Du moins, pour l’instant. Mais la raison avancée – à savoir l’<a href="http://www.tvanouvelles.ca/2018/05/24/trump-annule-le-sommet-avec-kim-jong-un">hostilité de Kim Jong‑un</a> au processus de paix et les insultes adressées par un membre de son entourage au vice-président des États-Unis – a pu sembler très décalée par rapport à l’enjeu.</p>
<h2>Comme les autres présidents ?</h2>
<p>À ce stade, Donald Trump n’a donc pas fait mieux que les présidents qui l’ont précédé. Le ton employé a bien été plus fort cette fois-ci et on pensait que cela aurait pu enfin favoriser une issue à un conflit qui dure depuis 70 ans. Donald Trump a alterné le chaud et le froid et, après avoir promis « le feu et la fureur », a annoncé que la Corée du Nord <a href="http://www.businessinsider.fr/us/trump-kim-jong-un-will-get-protections-if-north-korea-gets-rid-of-nukes-2018-5">« ne regretterait vraiment pas »</a> de passer un accord avec les Américains, et que le régime de Pyongyang serait ainsi protégé.</p>
<p>Mais, dans le même temps, l’administration Trump n’a cessé de rappeler que le souvenir de 1994 ne s’était pas effacé et que l’accord obtenu par Jimmy Carter, sous Clinton, et trahi presque aussitôt par Pyongyang, incitait à rester sur ses gardes : rien ne serait cédé, a alors martelé Donald Trump, et la dénucléarisation devrait être totale. C’est cette volonté forte et clairement affichée qui a enthousiasmé les Coréens du Sud, qui ne rêvent que de paix et de territoire réunifié. Le Président Moon Jae-In a ainsi <a href="http://www.iris-france.org/111692-moon-jae-in-la-discrete-victoire/">fait le premier pas</a>, et sa rencontre avec Kim Jong‑un appartient, de toute façon, déjà à l’Histoire, tout comme le nom du village de Panmunjom dans la Zone démilitarisée (DMZ) séparant les deux Corées, <a href="https://www.telegraph.co.uk/news/2018/04/19/inside-panmunjom-dmz-truce-village-will-host-historic-talks/">qui a accueilli fin avril le sommet intercoréen</a>.</p>
<h2>Le poids des évangélistes américains</h2>
<p>Effectivement, rien n’a été cédé par Donald Trump et il faut le relever : la demande de dénucléarisation a été maintenue avec fermeté, même si le Président américain assurait le matin même de sa fracassante annonce sur l’annulation du sommet qu’elle pourrait intervenir par paliers. Les manœuvres militaires conjointes n’ont pas été suspendues, et il n’a jamais été question non plus de rapatrier les 28 500 soldats américains qui stationnent dans la péninsule : la présence des <a href="https://www.reuters.com/article/us-usa-southkorea-northkorea/south-korea-says-it-wants-u-s-troops-to-stay-regardless-of-any-treaty-with-north-korea-idUSKBN1I305J">Forces américaines en Corée (USFK) est un sujet</a> relève exclusivement de l’alliance entre la Corée du Sud et les États-Unis. « Cela n’a rien à voir avec la signature d’un traité de paix », a déclaré Moon Jae-In à ce sujet.</p>
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<p>Le ton est donc différent de ce que l’on a connu par le passé. Mais il y a un point sur lequel tous les présidents américains se rejoignent et qui explique aussi la mauvaise humeur constante de Kim Jong‑un : Donald Trump exige, comme l’ont fait tous ses prédécesseurs, qu’il y ait une discussion sur les droits de l’homme en Corée. Cette exigence n’était pas présente au début de leurs échanges, juste après l’élection du 45<sup>e</sup> président. Mais elle a été poussée avec <a href="https://www.washingtonpost.com/news/worldviews/wp/2018/02/21/how-billy-graham-took-his-crusade-to-north-korea/?utm_term=.8091937c97a6">constance et détermination par les évangélistes</a>, un courant religieux très actif au sein des protestants américains. Or, ces derniers pèsent lourdement dans le <a href="https://apjjf.org/-John-Feffer/1805/article.html">débat politique actuel</a>, grâce au soutien que leur groupe a apporté à Donald Trump en 2016 et qui a largement contribué à sa victoire.</p>
<p>Kim Jong‑un ne veut pas entendre parler de cette question ? Peu importe ! Le président des États-Unis a évoqué ce sujet à l’occasion de trois discours forts en à peine quelques mois, y compris lors de son discours de l’Union, auquel il a invité un transfuge de Corée du Nord, venu dans l’enceinte du Capitole <a href="https://www.youtube.com/watch?v=IUsrIYN1ahg">montrer au monde ses blessures</a> et la cruauté du dictateur coréen.</p>
<h2>La discussion continue ?</h2>
<p>Donald Trump entend engager la discussion sur des bases nouvelles, fort de son « art de la négociation » qu’il prétend maîtriser mieux que les autres. Au-delà de sa vantardise, il faut lui concéder que le ton a changé : il a promis la protection à Kim Jong‑un et résiste, dans les intentions en tout cas, aux injonctions de ses plus fidèles lieutenants qui sont <a href="http://thehill.com/policy/international/387502-pompeo-dodges-on-north-korean-regime-change-question">plutôt favorables à un changement de régime</a>.</p>
<p>Son art de la négociation passe pourtant toujours par des changements de ton très brutaux : c’est peut-être bien ce à quoi nous assistons aujourd’hui, alors qu’il a cornerisé Kim Jong‑un, l’obligeant désormais à réagir, tout en lui rappelant que la discussion n’était que suspendue (et non pas fermée). Une manière de rappeler à ce « petit homme fusée », comme il l’appelait au plus fort de la crise, que le chef c’est lui, et qu’ils ne sont pas égaux.</p>
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<p><a href="https://www.axios.com/james-clapper-advice-for-trump-on-north-korea-1484af9b-5792-4e64-8201-f3fd0cd66fec.html">Kim Jong‑un lui a répondu</a> avec des termes très proches de ceux utilisés par le président américain dans sa lettre. Le dirigeant nord-coréen lui fait savoir qu’il a « hautement apprécié le fait que le président Trump a pris une décision courageuse qu’aucun président par le passé n’a su prendre et pour ses efforts en faveur du sommet. » La porte n’est donc fermée d’aucun côté, et les discussions pourront continuer en vue de remettre sur les rails ce sommet qui a tant apporté à la cote de popularité de Donald Trump ces dernières semaines.</p>
<p>On ne peut s’empêcher de penser, toutefois, que si le sommet pouvait juste avoir été retardé de cinq mois, afin de se tenir finalement à quelques jours de l’élection de mi-mandat, en novembre 2018, ce serait une véritable aubaine pour les républicains. Mais personne n’imagine que c’est là une raison possible pour cette suspension brutale, n’est-ce pas ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/97260/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Si le sommet pouvait juste avoir été retardé afin de se tenir finalement à quelques jours de l’élection de mi-mandat, en novembre 2018, ce serait une véritable aubaine pour les républicains.Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines et chercheur associé à l'institut Iris., Université Paris-Panthéon-AssasLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/959012018-05-01T21:43:56Z2018-05-01T21:43:56ZPéninsule coréenne : les fragiles espoirs de la diplomatie des sommets<p>Accompagnant les attentes créées par les ouvertures du <a href="http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2018/04/28/ce-qu-il-faut-retenir-de-la-rencontre-entre-les-deux-corees_5291810_3216.html">sommet intercoréen du 27 avril 2018,</a> l’attention internationale se reporte désormais sur le contenu possible de la rencontre entre les dirigeants américain et nord-coréen envisagée fin mai ou début juin 2018. Un intense cycle de négociations diplomatiques s’est enclenché – les délais étant brefs –, comme l’atteste la venue à Pyongyang, fin mars, de Mike Pompeo, ancien directeur de la CIA nommé depuis secrétaire d’État, où il s’est entretenu avec Kim Jong‑un. De son côté, afin de ménager un allié chinois longtemps ignoré, le numéro un nord-coréen s’est rendu à Pékin, du 25 au 28 mars, en quête d’un soutien que Xi Jinping, désireux de marquer un retour d’ influence sur le leadership nord-coréen, ne pouvait lui refuser.</p>
<p>La nécessité de régler la question nord-coréenne est devenue une affaire prioritaire pour Donald Trump, même si les bases d’un accord possible semblent encore faire défaut. D’ores et déjà, le Président américain se félicite bruyamment de sa politique de « pressions maximales » combinant menaces militaires et renforcement des sanctions. De son côté, quelle que soit l’issue de sa rencontre avec son homologue américain, Kim Jong‑un pourra mettre en avant qu’il aura traité sur un même pied avec la superpuissance américaine dont il aura ainsi obtenu la reconnaissance.</p>
<h2>Un Sommet intercoréen aux allures de réunification symbolique</h2>
<p>Le sommet entre les présidents Moon Jae-in et Kim Jong‑un, bien qu’étant le troisième entre les deux pays, est historique à plus d’un titre. En effet, il s’est tenu dans la zone démilitarisée (<em>Demilitarized Zone</em>, DMZ), et du côté sud – si bien que c’est le président sud-coréen, qui a accueilli son homologue du Nord. Ce choix à la signification symbolique a voulu dépasser la réalité de la séparation entre les deux États coréens en consacrant cet espace hautement militarisé comme une zone de paix dans le cadre d’un dialogue qui, s’il a porté sur la <a href="http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2018/04/27/rencontre-entre-les-deux-corees-courtoisie-poignee-de-main-et-livre-d-or_5291238_3216.html">réconciliation et la dénucléarisation</a>, a également évoqué la thématique de la réunification.</p>
<p>Les gestes de bonne volonté n’ont pas manqué de part et d’autre. La Corée du Nord a ainsi annoncé la suspension de ses essais nucléaires et de ses tirs de missiles balistiques intercontinentaux, tandis que le Sud arrêtait la diffusion de messages de propagande par haut-parleurs à la frontière. Enfin, les deux parties ont mis en place une ligne de communication directe entre leurs dirigeants.</p>
<p>La scénarisation appuyée de la rencontre entre les deux dirigeants coréens, que le poids du protocole et les impératifs de sécurité expliquent en partie, n’ont pas empêché les échanges d’être marqués par une chaleur non feinte. Dans les semaines précédant l’évènement, le Président Moon Jae-in avait pris le soin de préciser que cette rencontre devait s’apprécier dans la perspective dominée par le sommet à venir entre Kim Jong‑un et Donald Trump. Il indiquait ainsi que les objectifs attendus des deux sommets étaient imbriqués, liant dénucléarisation de la péninsule, conclusion d’un accord de paix, relance des relations intercoréennes pour déboucher sur la levée des sanctions et la normalisation des relations entre Pyongyang et Washington.</p>
<p>C’est ainsi que la <a href="https://theconversation.com/north-and-south-korea-met-but-what-does-it-really-mean-95755">Déclaration de Panmunjom</a> publiée à l’issue du sommet ouvre la voie à un accord global et une dynamique sur laquelle le Président Trump peut difficilement revenir sans prendre le risque de porter la responsabilité de l’échec des futures négociations.</p>
<h2>Kim Jong‑un et l’impératif du développement économique de son pays</h2>
<p>On continue à s’interroger sur les <a href="https://www.theguardian.com/world/2018/apr/21/north-koreas-nuclear-pause-grist-for-both-doves-and-hawks">arrières pensées de Kim Jong‑un</a> et les raisons qui ont pu le pousser à accepter l’invitation à participer aux Jeux olympiques de Pyongchang, en février 2018, puis à prendre l’initiative des sommets intercoréen et américano-nord-coréen. Il reste que le jeune dirigeant a su habilement imposer un <a href="https://www.theatlantic.com/international/archive/2018/04/the-kim-jong-un-era/559181/">tempo stratégique accéléré</a> à l’Asie du Nord-Est, obligeant tour à tour Séoul, Pékin et Washington à prendre position. Seul le Japon, inquiet devant cette effervescence diplomatique, apparaît en retrait.</p>
<p>Le discours du Nouvel An 2018 de Kim Jong‑un et ses déclarations lors du Plénum du Parti des Travailleurs, en mars suivant, fournissent des éléments de réponse éclairants à ce qui peut être vu comme un <a href="https://www.38north.org/2018/04/rcarlin042318/">retournement stratégique de sa part</a>. On peut, en effet, comprendre que ce dernier estime sa politique dite de développement parallèle de l’arme nucléaire comme de l’économie ou <em>byungjin</em> a atteint un palier et qu’il convient de se focaliser sur cette dernière.</p>
<p>Pour l’heure, le développement de la Corée du Nord est fragile. Le <a href="http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2017/08/07/signes-d-essor-economique-au-pays-de-kim-jong-un_5169542_3216.html">taux de croissance de 3,6 %</a>, observé en 2016 par la Banque de Corée, ne peut se maintenir avec la poursuite de l’isolement du pays. La fin de l’année 2017 a vu un tournant dans l’imposition des sanctions avec une Chine réduisant drastiquement ses importations (charbon, textiles) et fermant des entreprises employant de la main-d’œuvre nord-coréenne, au point de provoquer un <a href="http://www.lepoint.fr/monde/coree-du-nord-a-la-frontiere-chinoise-l-economie-plombee-par-les-sanctions-23-01-2018-2188817_24.php">ralentissement de la croissance dans les provinces chinoises du nord</a>, dont la ville frontalière de Dandong.</p>
<p>Or le soutien politique et les investissements financiers de Pékin sont primordiaux pour poursuivre la séquence d’ouverture décidée par Pyongyang, relancer son économie et développer les zones économiques spéciales récemment mises en place dans le pays.</p>
<p>Au demeurant, face à des États-Unis lancés dans une guerre commerciale contre la Chine, les intérêts économiques et diplomatiques de Pékin et de Pyongyang s’épousent étroitement. Si Pékin est le meilleur avocat de Pyongyang pour obtenir une levée des sanctions internationales, il est également son plus solide défenseur dans l’optique de l’octroi de garanties de sécurité attendues de la part de Washington dans la perspective des discussions à venir sur la dénucléarisation.</p>
<h2>Vu de Washington, un Trump gagné par l’euphorie malgré des conseillers sceptiques</h2>
<p>À rebours de la véhémence menaçante de l’année 2017, Donald Trump affiche désormais un optimisme de bon aloi. Contre toute attente, il a apporté son soutien aux principes des discussions intercoréennes et à la conclusion d’un Traité de Paix entre les deux pays. Enfin, il semble résolu à rencontrer son homologue nord-coréen, comme l’illustrent la <a href="https://edition.cnn.com/2018/04/26/politics/mike-pompeo-kim-jong-un-photo/index.html">rencontre entre Mike Pompeo et Kim Jong‑un.</a>, mais aussi maintes discussions, aux allures de référendum, lancées via son compte Twitter sur le lieu potentiel de la rencontre.</p>
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<p>On comprendra cependant que la partie américaine reste sur ses gardes quant aux modalités de concrétisation des engagements sur la dénucléarisation. Les notions de « nucléarisation totale » et de « péninsule coréenne non nucléaire », contenues dans la déclaration de Panmunjon et impliquant une remise en cause du parapluie nucléaire américain accordée à la Corée du Sud, ont été peu goûtées. Jusqu’à présent, la vision qui prévaut à Washington est que le sommet États-Unis–Corée du Nord devrait conduire à l’adoption d’une feuille de route en posant des principes, dont les détails devront ensuite être précisés.</p>
<p>Ce contexte suppose des avancées sur un mode simultané, conformément au principe « action contre action » qui a longtemps prévalu dans les échanges diplomatiques sur la question coréenne. Toutefois, le nouveau conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, a récemment évoqué une possible <a href="http://french.yonhapnews.co.kr/northkorea/2018/04/30/0500000000AFR20180430000900884.HTML">application du modèle libyen</a>, à savoir un démantèlement complet de son arsenal nucléaire de la part de la Corée du Nord avant toute concession du côté des États-Unis. Certains responsables du Parti républicain ont abondamment critiqué la fragilité de la posture américaine, <a href="https://www.theguardian.com/world/2018/mar/11/trump-north-korea-kim-jong-un-denuclearisation-pompeo-shah">aucune pré-condition sérieuse</a> n’ayant finalement été posée avant la tenue des discussions avec Pyongyang contrairement aux déclarations antérieures du Président Trump.</p>
<p><a href="https://www.nytimes.com/2018/01/03/opinion/united-against-north-korea.html">Les sceptiques estiment pourtant improbable que Kim Jong‑un renonce à un arsenal nucléaire</a> et balistique longtemps présenté comme la garantie de survie du régime et au statut de puissance nucléaire inscrit dans la Constitution nord-coréenne depuis 2012. D’autant que Donald Trump, en menaçant clairement de dénoncer l’accord passé avec l’Iran démontre peu d’inclination à honorer ses engagements internationaux. Il apparaît donc dès maintenant difficile de convaincre le dirigeant nord-coréen qu’il sera en sécurité après avoir renoncé à son armement nucléaire. La fin tragique du Président Khadafi étant un contre-exemple amplement dissuasif.</p>
<p>Par ailleurs, l’alignement de <a href="http://www.france24.com/fr/20180331-donald-trump-john-bolton-etats-unis-desaccords-coree-nord-russie-poutine">conservateurs campant sur une ligne dure côté américain</a> avec Mike Pompeo et John Bolton, nommé à dessein par Donald Trump avant le Sommet Washington-Pyongyang, laisse craindre la menace de sanctions renforcées si le dirigeant nord-coréen rompait les discussions ou n’honorait pas ses engagements.</p>
<p>Au fur et à mesure que la date présumée de la rencontre américano-nord-coréenne approche, toute la difficulté semble tenir dans le contenu des garanties de sécurité que Washington pourra offrir à la Corée du Nord et dans l’établissement d’un calendrier permettant de réaliser concrètement la dénucléarisation et les vérifications auxquelles Pyongyang acceptera de se soumettre pour y parvenir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/95901/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marianne Péron-Doise ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La nécessité de régler la question nord-coréenne est devenue une affaire prioritaire pour Donald Trump même si les bases d’un accord possible semblent encore faire défaut.Marianne Péron-Doise, Expert associé au Ceri, chargée du programme Sécurité maritime internationale à l'IRSEM, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/931722018-03-09T18:19:27Z2018-03-09T18:19:27ZPyongyang en position de force face à Donald Trump<p>Rarement le terme « historique » n’aura été utilisé, sans être galvaudé, pour décrire les évènements ayant lieu actuellement dans la péninsule coréenne. L’échange de délégations de haut niveau entre le Nord et le Sud, avant et pendant les Jeux olympiques, constituait déjà un bouleversement complet dans l’architecture politique d’une région qu’on pensait figée.</p>
<p>Pour rappel, pas plus tard que le 28 novembre dernier, la <a href="http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2017/11/28/la-coree-du-nord-procede-a-un-nouveau-tir-de-missile-balistique_5221725_3216.html">Corée du Nord testait sa dernière génération de missiles intercontinentaux</a> (théoriquement capables de raser New York ou Washington) et déclarait que sa quête nucléaire était achevée. Qui aurait pu penser que, quelques mois après, un envoyé spécial sud-coréen, fraîchement revenu de Pyongyang, allait tenir un étrange point de presse en direct de la Maison Blanche pour déclarer que, pour la première fois, un Président américain en exercice allait rencontrer le dirigeant de la Corée du Nord ?</p>
<h2>La maîtrise de Pyongyang</h2>
<p>Les diplomates sud-coréens ont eu la bonne idée, lors de ce point de presse, de mettre au crédit de Donald Trump l’apaisement actuel des tensions dans la péninsule. Cette politesse diplomatique est parfaitement compréhensible, mais force est de constater que les États-Unis ont, pour l’instant, été réduits à l’état d’observateurs des développements du réchauffement Nord-Sud. L’organigramme de l’administration Trump présente, d’ailleurs, encore un certain nombre de « trous » : plusieurs postes clés sont toujours en attente de nomination, dont celui d’ambassadeur en Corée du Sud ou de représentant spécial pour la République populaire de Corée du Nord (RPDC).</p>
<p>Par ailleurs, Washington avait réagi plus que froidement à l’accueil d’une délégation de très haut niveau nord-coréenne lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Pyongchang, à l’image d’un vice-président américain, Mike Pence, allant jusqu’à refuser d’applaudir au passage de la délégation unifiée d’athlètes du Nord et du Sud.</p>
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<p>Or l’idée que la politique de « <em>Maximum Pressure</em> » chère à l’administration Trump puisse être à l’origine d’un éventuel changement d’attitude nord-coréen ne semble pas résister à l’analyse. Bien que les sanctions économiques à l’encontre de la Corée du Nord se soient gravement accumulées ces deux dernières années, elles semblent mises en œuvre de manière extrêmement réticente par les principaux partenaires commerciaux de la RPDC, <a href="https://theconversation.com/pour-pekin-la-vraie-menace-ne-vient-pas-de-la-coree-du-nord-mais-des-etats-unis-88419">à savoir la Chine et la Russie</a>.</p>
<p><a href="http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2017/12/24/sanctions-de-l-onu-la-coree-du-nord-parle-d-un-acte-de-guerre_5234043_3216.html">Ces sanctions économiques</a> ne semblent pas avoir, pour l’instant, causé de véritable effet sur l’économie du pays, qui affiche même, selon les différents observateurs, une amélioration sensible. Ainsi, la limitation sur les importations nord-coréennes de pétrole, décidée en septembre 2017 et renforcée en décembre, souvent considérée comme le <em>nec plus ultra</em> de la « diplomatie coercitive » a, pour l’instant, surtout eu pour paradoxal effet de faire baisser le prix de l’essence à Pyongyang.</p>
<p>Enfin, la maîtrise – impressionnante – de la séquence diplomatico-militaire nord-coréenne depuis l’emballement des programmes nucléaires et balistiques jusqu’à l’ouverture du dialogue avec le Sud et les États-Unis laisse plutôt l’impression d’une stratégie de long terme qu’un revirement en catastrophe sous l’effet de sanctions économiques.</p>
<h2>Kim, un stratège hors pair</h2>
<p>A l’heure actuelle, les analystes en sont réduits à spéculer tant sur la forme que pourra prendre cette rencontre que sur le contenu des discussions. Évidemment, la question du nucléaire nord-coréen devra occuper le devant des discussions, mais il serait naïf et illusoire de penser que négocier avec Pyongyang sur une question qui relève de la sécurité et de la souveraineté de la RPDC sera rapide et facile.</p>
<p>En effet, contrairement à ce qu’on pu expliquer certains médias, Kim Jong‑un ne s’est nullement engagé à dénucléariser. Il aurait laissé l’option ouverte si, et seulement si, les États-Unis fournissent des garanties de sécurité suffisantes. Il convient, par ailleurs, de noter que ces propos de Kim Jong‑un nous sont rapportés par les diplomates sud-coréens – ce qui rend les intentions réelles de Pyongyang difficiles à lire.</p>
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<p>La Corée du Nord prouve, une fois de plus, qu’elle est non seulement un acteur rationnel, mais aussi et surtout un excellent stratège. Pyongyang aborde le futur sommet en position de force : son arsenal nucléaire est prêt, et le « Leader suprême » nord-coréen ne s’est encore engagé à rien. Bien au contraire, la bombe atomique est un héritage du père de Kim Jong‑un, Kim Jong-il, et c’est précisément cette filiation qui donne sa légitimité politique à l’actuel dirigeant. On voit difficilement comment le fils pourrait liquider l’héritage du père sans entamer <a href="https://theconversation.com/coree-du-nord-le-nucleaire-comme-pacte-social-54994">son propre capital politique</a>.</p>
<h2>Dénucléarisarion nord-coréenne contre dénucléarisation américaine</h2>
<p>Par ailleurs, le <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/coree-du-nord-le-regime-annonce-avoir-acquis-le-statut-de-puissance-nucleaire-627830.html">statut nucléaire de la Corée du Nord</a> est désormais inscrit dans la Constitution nord-coréenne, ce qui rend encore moins probable une dénucléarisation sous pression américaine à court ou à moyen terme. En d’autres termes, la RPDC n’a rien à perdre dans ces futurs pourparlers : il est fort probable qu’en échange d’une dénucléarisation progressive soit formulées des demandes acceptables – établissement de relations diplomatiques formelles, aide économiques, retrait des sanctions –, mais aussi d’autres beaucoup plus radicales, dont notamment un retrait des troupes américaines de Corée du Sud ou même une dénucléarisation américaine.</p>
<p>Les États-Unis, qui s’inquiètent plus d’une Chine expansionniste que d’une Corée du Nord dotée d’une capacité de dissuasion nucléaire, n’accepteront véritablement jamais les garanties de sécurité que Pyongyang ne manquera pas de réclamer comme conditions <em>sine qua non</em>. Ainsi, au terme de longues et sans doute pénibles négociations, il est fort probable que les résultats de ces échanges soient minces côté américain.</p>
<p>Côté nord-coréen, par contre, on peut déjà imaginer les images de la télévision centrale nord-coréenne montrant Kim Jong‑un et le Président américain dialoguant d’égal à égal, ou même déambulant dans les nouvelles rues futuristes de Pyongyang. Une fois de plus, le calcul stratégique nord-coréen, qui consiste, depuis les années 1960, à alterner pression sécuritaire et périodes d’accalmie pour rompre son isolement, risque de se révéler payant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/93172/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Théo Clément ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La Corée du Nord prouve, une fois de plus, qu’elle est non seulement un acteur rationnel, mais aussi et surtout un excellent stratège.Théo Clément, ENS de LyonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/914502018-02-08T21:02:03Z2018-02-08T21:02:03ZDialogue entre les deux Corées : réelles avancées ou simple trêve olympique ?<p>Tradition du fondateur de la République populaire et démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord) remise au goût du jour par son petit-fils Kim Jong‑un en 2013, le discours du Nouvel an est l’occasion pour Pyongyang d’aborder le sujet des relations Nord-Sud et de faire un point sur le processus de réunification d’une péninsule divisée depuis 1945.</p>
<p>La version 2018 de ce discours, scrutée de près par les analystes étrangers, n’a pas failli à cette règle puisque Kim Jong‑un conclût son propos en expliquant qu’il était urgent de diminuer les tensions militaires dans la péninsule coréenne et que les Jeux olympiques sud-coréens de Pyeongchang constituent une belle occasion de « démontrer le prestige de la Nation [coréenne] ».</p>
<p>Le « Leader Suprême » nord-coréen indique, par ailleurs, son souhait d’envoyer des délégations et même de proposer une rencontre de haut niveau entre Sud et Nord – ce qui n’avait plus été le cas depuis 2015 : la présidence conservatrice de Park Geun-hye, peu disposée au dialogue intercoréen, et les programmes nucléaires et balistiques nord-coréens avaient rendu quasiment impossible toute coopération entre Séoul et Pyongyang.</p>
<h2>Le cadeau très stratégique de Kim Jong‑un</h2>
<p>L’offre de Kim Jong‑un est tardif et surprenant au vu d’une année très difficile et tendue, mais particulièrement bien inspirée d’un point de vue politique et stratégique. En effet, à quelques semaines de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques d’hiver de Pyeongchang, en Corée du Sud, la promesse d’une accalmie rapide des tensions sécuritaires ayant crispé toute l’Asie du Nord-Est <a href="https://theconversation.com/coree-du-nord-etats-unis-mettre-fin-a-la-diplomatie-des-extremes-82843">depuis l’élection de Donald Trump</a> constitue un véritable cadeau pour les organisateurs des Jeux, et notamment pour l’administration démocrate (centre-gauche) de Monn Jae-in, élue en mai 2017 sur un programme de rapprochement avec le Nord.</p>
<p>C’est un cadeau qui n’oublie cependant pas les intérêts de Pyongyang puisque cette soudaine main tendue place Séoul dans une position de porte-à-faux diplomatique : allié militaire et politique des États-Unis, la Corée du Sud peut difficilement refuser une <a href="https://theconversation.com/coree-du-nord-a-la-recherche-dune-exit-strategy-77047">offre de rapprochement du « frère ennemi » du Nord</a>, au grand dam de Washington, qui persévère dans une politique d’isolement et de pression (« maximum pressure ») à l’égard de Pyongyang.</p>
<p>La RPDC signe donc une initiative diplomatique bien calculée permettant à la fois de distendre (temporairement) l’<a href="https://theconversation.com/ladministration-trump-decouvre-lasie-du-nord-vers-lorient-complique-74812">alliance américano-sud-coréenne</a> et de fragmenter la complexe architecture des relations internationales de l’Asie du Nord-Est en deux problématiques distinctes. D’un côté, la question de la réunification et des relations Nord-Sud ; de l’autre, la question des programmes nucléaires nord-coréens et le bras de fer avec Washington.</p>
<p>Ainsi, <a href="https://www.cnbc.com/2018/01/09/north-korea-and-south-korea-agree-to-resolve-issues-through-dialogue.html">comme s’est empressé de l’expliquer Ri Song-won</a>, le délégué nord-coréen lors de l’ouverture des discussions avec le Sud, le 9 janvier dernier : « Les armes nucléaires, à hydrogène et missiles balistiques [nord-coréens] visent uniquement les États-Unis, mais pas nos frères [du Sud], ni la Chine ou la Russie. »</p>
<h2>Volonté d’apaisement de part et d’autre</h2>
<p>Si les actuelles discussions Nord-Sud portent essentiellement sur des sujets d’ordre symbolique, sportif ou culturel, les échanges ont été effectivement fructueux et les négociations constructives : Pyongyang a envoyé plusieurs délégations de travail et de reconnaissance, des sportifs sud-coréens sont allés visiter les infrastructures de tourisme sportif du Nord (dont la fameuse piste de ski de Masikryong, projet chéri de Kim Jong‑un), et il a d’ores et déjà été décidé que les équipes des <a href="http://lemonde.fr/jeux-olympiques-pyeongchang-2018/article/2018/01/20/jo-2018-les-deux-corees-defileront-ensemble-une-equipe-commune-en-hockey-sur-glace_5244618_5193626.html">deux Corée défileront ensemble</a>, sous drapeau unique, lors de la cérémonie d’ouverture des JO.</p>
<p>Dans leur volonté de dialogue et d’apaisement, Pyongyang comme Séoul ne manquent pas de faciliter les choses par l’envoi de signaux diplomatiques forts, comme la suspension temporaire, par la Corée du Sud, des <a href="https://www.challenges.fr/monde/asie-pacifique/la-coree-du-nord-fustige-les-exercices-militaires-des-etats-unis-et-de-la-coree-du-sud-ces-maniaques-de-la-guerre_494252">exercices militaires conjoints avec les troupes américaines</a>, prévus ce mois-ci et considérés par Pyongyang comme une répétition générale d’une invasion militaire du nord de la péninsule.</p>
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<p>La RPDC, de son côté, a fait des choix d’émissaires particulièrement éclairés, témoignant d’une réelle volonté d’ouverture : outre Ri Son-gwon, ancien négociateur militaire ayant eu des <a href="http://english.yonhapnews.co.kr/northkorea/2018/01/07/34/0401000000AEN20180107001851315F.html">expériences plutôt réussies du dialogue Nord-Sud</a>, Pyongyang a jugé utile d’envoyer en éclaireur la célèbre chanteuse Hyon Song-wol, parfaite représentante d’un certain « glamour » et de ce le plus d’une « modernité pop » à la nord-coréenne. Dans une Corée du Sud toute acquise à la déferlante de la K-pop et qui a souvent tendance à considérer ses compatriotes nordistes comme des « arriérés », cela constitue incontestablement un choix astucieux.</p>
<h2>La sœur de Kim Jong‑un attendue au Sud</h2>
<p>Signe supplémentaire de la détermination de Pyongyang, la proposition de délégation nord-coréenne pour la cérémonie d’ouverture des Jeux de Pyeongchang devrait comprendre, outre des hommes politiques de premier rang (dont le Chef d’État protocolaire nord-coréen, Kim Yong-nam), la <a href="https://www.lexpress.fr/actualites/1/monde/jo-la-soeur-de-kim-jong-un-attendue-au-sud-pour-une-premiere-historique_1982862.html">propre sœur de Kim Jong‑un, Kim Yo-jong</a>.</p>
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<p>Cette dernière, que les analystes ont vu assister à plusieurs visites de terrain avec son frère depuis 2011, a été bombardée membre suppléant du bureau politique du Comité central du Parti du Travail de Corée (PTC) en 2017. Sa visite au Sud, si elle est confirmée, ferait d’elle le seul membre de la famille Kim à visiter la Corée du Sud depuis la partition du pays en 1945.</p>
<h2>Séoul en porte-à-faux vis-à-vis de Washington</h2>
<p>Pour autant, ce brusque réchauffement des relations Nord-Sud constitue-t-il le calme après la tempête ou seulement l’œil du cyclone ?</p>
<p>Car quand bien même Pyongyang fait montre d’une bonne volonté indiscutable, la RPDC n’oublie bien évidemment pas ses intérêts : l’accalmie des tensions a nécessité des compromis importants de la part de la Corée du Sud, dont le report des exercices militaires conjoints déjà évoqués, mais aussi des suspensions de certaines sanctions unilatérales sud-coréennes, mises en place par la <a href="https://theconversation.com/la-coree-du-sud-en-plein-psychodrame-national-69747">précédente administration conservatrice de Park Geun-hye</a>.</p>
<p>Ainsi, l’arrivée par bateau d’une troupe d’artistes nord-coréens a nécessité de Séoul une suspension des mesures interdisant aux navires nord-coréens (ou ayant mouillé dans des ports nord-coréens récemment) d’entrer dans les ports du Sud.</p>
<p>Par ailleurs, l’envoi de Kim Yo-jong est signe de bonne volonté mais pas pour autant innocent : cette dernière, en charge du département d’« agit’prop’ » du PTC, figure sur la liste des personnalités <a href="http://www.koreaherald.com/view.php?ud=20180207000928">sanctionnées par les États-Unis depuis 2017</a>.</p>
<p>Ainsi, sa venue annoncée à Pyeongchang place la Corée du Sud, une fois de plus, en porte à faux vis-à-vis des États-Unis et souligne le message porté par Pyongyang depuis des années, à savoir le fait que les sanctions et les ingérences américaines dans les affaires péninsulaires empêchent le processus de dialogue et de réunification.</p>
<h2>Quand la flamme sera éteinte…</h2>
<p>C’est une fois la flamme olympique éteinte que les choses risquent de se compliquer : la tenue des exercices militaires conjoints au Sud risque en effet de fournir à la Corée du Nord une bonne occasion de faire valoir son analyse selon laquelle Séoul privilégie l’alliance – militaire – avec Washington plutôt que le dialogue avec son frère du Nord.</p>
<p>La RPDC verrait ainsi ses programmes de dissuasion controversés « justifiés » par le fait que ses efforts d’ouverture soient ignorés. Or, on voit difficilement comment Moon Jae-in pourrait diminuer ou suspendre à nouveau ces exercices militaires sans faire perdre la face à Donald Trump et à sa stratégie de « maximum pressure ».</p>
<p>Ainsi, au-delà des Jeux olympiques, la balle semble dans le camp sud-coréen, et les choix s’annoncent difficiles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/91450/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Théo Clément ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les deux « frères ennemis » ont multiplié les gestes de bonne volonté à la veille des Jeux, Pyongyang plaçant du même coup son voisin du Sud dans une situation délicate vis-à-vis de l’allié américain.Théo Clément, ENS de LyonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/909612018-02-08T21:01:57Z2018-02-08T21:01:57ZComment fonctionne le dopage ? Les enseignements de l’affaire russe<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/204869/original/file-20180205-19948-1yhdyyi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Poutine reçoit les athlètes russes qui vont participer aux JO de Pyeongchang.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://en.kremlin.ru/events/president/news/56753">Kremlin/Wikimedia</a></span></figcaption></figure><p>Le spectre du dopage resurgit avec chaque grand événement sportif. Celui-ci mêle, de façon quelque peu schizophrène, célébration d’une éthique méritocratique fièrement affichée et rumeurs plus ou moins sourdes de tricheries et de manquements à cet idéal.</p>
<p>Les Jeux olympiques d’hiver de Pyeongchang en Corée du Sud n’échappent pas à cette règle. En effet, leur préparation a été marquée par l’<a href="http://www.rfi.fr/europe/20180123-participation-jo-plusieurs-athletes-russes-menaces-interdiction">affaire de la disqualification des sportifs russes</a>, certains étant finalement autorisés à concourir sous la bannière « Olympic Athlete from Russia », sans pouvoir arborer les couleurs de leur pays. Ce nouvel épisode d’une longue litanie étaye l’association entre sport de compétition et dopage.</p>
<p>Par son ampleur, cette affaire accrédite aussi l’idée qu’il y a toujours des tricheurs, et que nombre de sportifs tendent à accepter le dopage. Mais, celui-ci étant clandestin, il est par définition impossible d’en évaluer l’ampleur. On s’attachera plutôt ici à examiner ses modes de diffusion, en distinguant trois grandes logiques : par une institution étatique puissante et contraignante, par la force d’une rationalité individuelle optimisatrice ou par le truchement des réseaux spécialisés propres au sport de haut niveau.</p>
<h2>Le dopage d’État et ses formes renouvelées</h2>
<p>L’Agence mondiale antidopage (AMA) a rendu public, en décembre 2016, le <a href="https://www.lequipe.fr/Tous-sports/Actualites/Le-rapport-de-richard-mclaren-est-accablant-la-russie/707655">rapport McLaren</a>, qui décrivait un système organisé de dopage dans le sport russe. La période concernée s’étale entre 2011 et 2015, et couvre donc les Jeux olympiques d’hiver organisés à domicile à Sotchi, où la Russie a été couronnée première au tableau des médailles.</p>
<p>L’affaire est déclenchée par un lanceur d’alerte très bien informé : <a href="http://www.liberation.fr/sports/2016/05/13/dopage-le-bilan-tres-positif-des-russes-a-sotchi_1452435">Grigory Rodchenko, ancien directeur du laboratoire antidopage de Moscou</a> et réfugié aux États-Unis. Avouant avoir détruit intentionnellement plus de 1400 échantillons afin de limiter les effets d’un audit de l’AMA, il révèle une pratique d’échanges massifs d’échantillons d’urine afin de soustraire les sportifs russes aux contrôles antidopage.</p>
<p>Le rapport décrit un dopage d’État organisé avec méthode et mis en œuvre de façon systématique, sous la houlette du ministre des Sports et avec l’implication des services secrets. L’ampleur de cette politique publique occulte est telle – plus de 1000 athlètes et 30 disciplines au moins sont concernés – que la Russie est sanctionnée de différentes manières.</p>
<p>L’État russe est condamné à une amende de 15 millions de dollars au bénéfice du Comité international olympique. <a href="http://www.rfi.fr/sports/20171206-vitali-moutko-homme-incarne-politique-sportive-russe">Vitaly Moutko</a>, fidèle ministre des Sports de Vladimir Poutine, est banni à vie des Jeux olympiques. Un tiers des médaillés russes de Sotchi sont, à ce jour, disqualifiés. Enfin, la Russie est interdite de participer aux JO d’hiver de Pyeongchang.</p>
<p>La Russie n’a certes pas inventé le dopage d’État. Des indices solides ou des soupçons étayés pèsent, par exemple, sur la République démocratique allemande des années 1970-80 ou la République populaire de Chine pour les années 1980-90, des périodes où le recours aux stéroïdes anabolisants et hormones de croissance était d’autant moins risqué que la détection était balbutiante ou peu performante.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/204874/original/file-20180205-19956-1q48gct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/204874/original/file-20180205-19956-1q48gct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/204874/original/file-20180205-19956-1q48gct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/204874/original/file-20180205-19956-1q48gct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/204874/original/file-20180205-19956-1q48gct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/204874/original/file-20180205-19956-1q48gct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/204874/original/file-20180205-19956-1q48gct.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’équipe de handball féminine de RDA dans les années 70.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/13/RIAN_archive_578431_German_Democratic_Republic%27s_handball_team.jpg">RIA Novosti/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Cette forme de dopage marque une volonté de rivaliser, sur le terrain du sport plutôt que par des moyens militaires, avec d’autres États considérés comme concurrents ou ennemis. C’est ainsi que l’on peut comprendre une affaire russe qui présente néanmoins quelques particularités : un tel dopage institutionnalisé semblait révolu, propre à la période de Guerre froide ; le niveau de cette triche organisée est sans précédent, comme l’a déclaré <a href="http://www.bbc.com/sport/olympics/36972964">Jack Robertson</a> l’ancien enquêteur en chef de l’AMA ; les moyens utilisés sont inédits puisqu’à l’heure des progrès de la détection et de la surveillance des athlètes, ce sont les contrôles qui ont été manipulés et faussés.</p>
<h2>Le dopage au prisme des affaires individuelles</h2>
<p>Le système orchestré par l’État russe est, à maints égards, exceptionnel. La sanction vise le pays quand les affaires ciblent habituellement des sportifs. Et ceux-ci sont disqualifiés de manière indirecte, sans avoir été contrôlés positifs. Certains, ayant satisfait à des contrôles antidopage en dehors des frontières nationales, sont admis à concourir sous bannière neutre.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/204878/original/file-20180205-19944-2yygwh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/204878/original/file-20180205-19944-2yygwh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=915&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/204878/original/file-20180205-19944-2yygwh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=915&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/204878/original/file-20180205-19944-2yygwh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=915&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/204878/original/file-20180205-19944-2yygwh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1149&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/204878/original/file-20180205-19944-2yygwh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1149&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/204878/original/file-20180205-19944-2yygwh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1149&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Chris Froome sur le Tour de France.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/1e/Chris_Froome%2C_TDF_2015%2C_%C3%A9tape_13%2C_Montgiscard.jpg">Gyrostat/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>À rebours de cette affaire si particulière, la plupart des scandales visent nommément un athlète, qui a échappé à plusieurs contrôles inopinés (le « no show ») ou qui a été contrôlé positif. En ce sens le dopage serait d’abord l’affaire du sportif, qu’il s’appelle Christopher Froome, <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/tennis/tennis-alize-cornet-s-explique-sur-ses-controles-anti-dopage-manques-5525316">Alizé Cornet</a> ou Samir Nasri, pour citer des cas évoqués récemment dans la presse.</p>
<p>Ainsi les athlètes sont désignés comme les déviants. Étant les cibles prioritaires de la lutte contre le dopage, ce sont eux qui se font prendre, ce sont eux qui trichent et bafouent l’éthique sportive. Consommateurs – avérés ou présumés – de produits officiellement interdits, ils semblent être les premiers bénéficiaires d’un dopage censé améliorer leurs performances, leur permettre de briller, de gagner.</p>
<p>Mais n’est-il pas simpliste, surtout au regard de l’affaire russe qui montre un autre visage du dopage, de considérer celui-ci comme une transgression individuelle motivée par l’appât du gain ou la soif de gloire ? Pour y voir clair, examinons d’abord l’hypothèse d’une rationalité individuelle sous-jacente aux pratiques dopantes.</p>
<h2>Le dopage est-il une pratique rationnelle ?</h2>
<p>À l’opposé de l’imposition d’une contrainte étatique, le dopage ne pourrait-il pas se diffuser librement, par le jeu des stratégies individuelles des sportifs ? Conformément à la théorie du choix rationnel, il serait le résultat de calculs coûts-bénéfices. D’un côté, le recours au dopage augmenterait la probabilité de gain, mesuré en victoires, médailles, palmarès, gloire, rémunération, reconnaissance ; de l’autre, il exposerait au risque d’être démasqué, de perdre des titres ou contrats, d’être publiquement discrédité ou banni.</p>
<p>Les conduites d’optimisation dépendent alors de la politique anti-dopage. Les coûts associés au dopage croissent avec le renforcement des contrôles, sont allégés quand ceux-ci sont faibles, et sont annulés quand les contrôles sont manipulés (c’est la situation qui a prévalu en Russie). Les risques sont également d’autant plus limités que les protocoles et produits dopants sont en avance sur les techniques de détection et de dépistage.</p>
<p>Mais le raisonnement qui fait du recours au dopage une conduite rationnelle est fragilisé par plusieurs observations : le retard supposé des technologies de pistage tend à être comblé par la multiplication d’analyses rétrospectives sur des échantillons congelés plusieurs années auparavant ; il est de plus en plus connu que le dopage expose à des risques indépendamment des contrôles, en matière de santé notamment comme le popularisent les associations de victimes du dopage (par exemple des athlètes de ex-RDA) ; certains des sportifs sanctionnés sont parmi les plus consacrés de leur discipline – ce qui signale que nul n’est à l’abri.</p>
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<p>Le calcul coûts-bénéfices n’est donc pas si probant pour expliquer le dopage, d’autant que la supposée rationalité sous-jacente résiste à une lutte antidopage qui pourtant se renforce.</p>
<h2>Le dopage est-il une pratique systémique ?</h2>
<p>L’hypothèse d’une rationalité des sportifs est peu opérante dans le cadre d’un dopage d’État, dont le cas russe est le dernier avatar. Car les athlètes enrôlés dans les programmes publics de dopage ne sont, à l’évidence, pas des acteurs rationnels ayant opté pour des conduites d’optimisation.</p>
<p>Ils ont été contraints et forcés, souvent dès leur plus jeune âge, d’accepter des prises de produits dont ils n’avaient qu’une connaissance partielle. Ils ont été les rouages d’un système qui ne laissait guère de place à leur liberté de choix. À part l’<em>exit</em>, c’est-à-dire le renoncement à leur pratique et à leur carrière, il n’avait d’autre option que l’obéissance (<em>loyalty</em>).</p>
<p>Le dopage d’État est un cas limite. Mais il est instructif sur les modes de diffusion du dopage. Il montre en effet que celui-ci est le produit d’actions organisées et complexes, en l’espèce singulièrement contraignantes. Il conduit alors à considérer le dopage comme une pratique systémique, inscrite dans un cadre institutionnel, insérée dans un système d’acteurs. Bref, comme une activité collective qui ne peut être saisie uniquement au prisme des individus. Le dopage n’est pas une déviance purement individuelle.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/204870/original/file-20180205-19929-1weia7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/204870/original/file-20180205-19929-1weia7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/204870/original/file-20180205-19929-1weia7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/204870/original/file-20180205-19929-1weia7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/204870/original/file-20180205-19929-1weia7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/204870/original/file-20180205-19929-1weia7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/204870/original/file-20180205-19929-1weia7g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le Président russe au beau milieu de certains des participants aux JO d’hiver en Corée.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://en.kremlin.ru/events/president/news/56753">Kremlin/Wikimedia</a></span>
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<p>Il s’agit en effet d’une pratique particulièrement exigeante et éprouvante, qui suppose la maîtrise de savoirs spécialisés (en médecine, physiologie et autres spécialités scientifiques) pour identifier les produits, leurs usages, leurs principes actifs, leurs protocoles d’administration. Il implique l’assimilation de connaissances juridiques et administratives pointues et sans cesse actualisées pour s’ajuster aux évolutions de la réglementation, pour anticiper les actions de contrôle, pour éviter de se faire prendre. Il passe par le truchement de réseaux relationnels spécifiques permettant des approvisionnements discrets, une circulation des produits dans des lieux adéquats, un cloisonnement étanche des sportifs et des produits interdits en dehors des moments de prise.</p>
<p>La liste des exigences pourrait être allongée à l’envi. Or quels sportifs peuvent réunir et maîtriser toutes ces ressources, pourtant indispensables à une conduite dopante qui ne soit pas kamikaze, mais qui limite les risques d’être repéré tout en maximisant l’efficacité des prises ? Car les coûts et les bénéfices ne sont pas donnés, ils sont le produit d’une action collective, ils sont fabriqués par des acteurs qui y investissent leurs savoirs et savoir-faire.</p>
<p>En dernier ressort, la pratique dopante se mesure certes à l’échelle individuelle, dans des échantillons indexés par l’identité du sportif chez qui ils ont été prélevés. Mais les conditions de cette pratique sont systémiques. Elles ne peuvent être réunies que par l’action conjuguée, et coordonnée, de personnels médicaux, de spécialistes de l’entraînement, de membres de staff, d’entourages de toutes sortes, d’intermédiaires connectés à des réseaux clandestins.</p>
<p>Dès lors, la lutte anti-dopage et la visibilité médiatique du dopage seraient singulièrement réductrices si elles restaient focalisées à l’échelle individuelle. Le récent cas russe nous indique que le plus important est ailleurs et que le dopage devrait être considéré comme une activité organisée et systémique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/90961/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Didier Demazière ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La révélation du dopage massif des athlètes russes lors des JO de 2014 souligne qu’il s’agit d’une activité organisée et systémique, devant être combattue comme telle.Didier Demazière, Sociologue, directeur de recherche au CNRS (CSO), Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/907612018-02-07T22:48:42Z2018-02-07T22:48:42ZLe futur héritage des JO de Paris 2024 déjà en question<p>Lima, 13 septembre 2017, Paris est désigné par le Comité international olympique (CIO) pour accueillir les Jeux olympiques et paralympiques en 2024. La phase de candidature a donné lieu à de multiples promesses qui devaient constituer l’héritage des JO pour les Parisiens, Franciliens et Français. Mais que signifie ce futur héritage ?</p>
<h2>Le temps révolu des Jeux bâtisseurs</h2>
<p>Il y a 26 ans, Albertville accueillait les JO d’hiver. L’événement avait permis de moderniser les stations de ski de Tarentaise, renforçant durablement l’attractivité touristique de la région. Elle a également laissé <a href="https://www.la-croix.com/Sport/reste-Jeux-dAlbertville-1992-2017-09-10-1200875587">des infrastructures démesurées pour les besoins locaux</a> : une piste de bobsleigh à la Plagne ou une halle olympique à Albertville pour lesquelles de multiples projets de reconversion ont tenté d’en augmenter l’usage. En vain. L’héritage olympique, c’est également une dette. Cinq ans après la cérémonie de clôture, l’État épongera les 28 millions de francs (5,41 millions d’euros) encore dus.</p>
<p>L’héritage des grands événements sportifs a longtemps été centré sur les infrastructures sportives. Mais les équipements démesurés laissés à l’abandon du fait de coût de fonctionnement trop élevé et les dettes interminables, comme celle du stade de Montréal dont la dépense s’est étalée durant 30 ans après l’événement (<a href="https://www.cairn.info/revue-geographie-economie-societe-2010-4-page-367.htm">Roult et Lefebvre, 2010</a>), constituent un fardeau pour les générations futures.</p>
<p>Ce temps des Jeux bâtisseurs est désormais révolu et les candidats pour l’accueil des JO, comme Paris ou Los Angeles, font de la <a href="http://www.paris2024.org/fr/carte">disponibilité des infrastructures</a> un argument de campagne.</p>
<h2>L’impératif du développement durable</h2>
<p>Dès lors, qu’apportent les Jeux à la ville hôte ? Le CIO a souhaité que l’événement olympique ait un impact positif sur le territoire et que cet impact ne soit pas seulement sportif. C’est pourquoi les candidats doivent démontrer aujourd’hui l’impact global des JO, lequel sera évalué en reprenant le triptyque du développement durable : l’économie, l’environnement et le social.</p>
<p>En effet, le <a href="https://www.olympic.org/documents/games-paris-2024-olympic-games">contrat de ville hôte</a> exige du comité d’organisation la production de « sustainability reports » en amont et en aval des Jeux pour rendre compte de cet impact global.</p>
<p>Dans cette perspective, Londres ou <a href="https://theconversation.com/les-sept-plaies-des-jo-de-rio-62996">Rio de Janeiro</a> ont saisi l’événement pour mettre en œuvre des projets d’aménagement urbain d’envergure. Londres – dont la situation est plus comparable à celle de Paris – a entrepris de rénover le quartier défavorisé de Stratford. L’Olympiade permet d’accélérer des transformations urbaines mobilisant principalement l’État et des promoteurs privés. Si le projet n’est pas réalisé sans surcoût ni difficulté, l’héritage est certain : le <a href="https://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/londres-quelle-vie-pour-les-habitants-apres-les-jo-591363.html">quartier de Stratford</a> apparaît sous un nouveau visage sous les caméras du monde entier.</p>
<h2>La relative contribution des Jeux</h2>
<p>Les Jeux de Londres sont également le douloureux souvenir de la défaite de la candidature parisienne pour l’Olympiade de 2012. Paris avait alors déjà pleinement intégré les attentes du CIO et le projet de la capitale s’inscrit dans cette même perspective de rénovation urbaine. Le village olympique est alors prévu dans le XVII<sup>e</sup> arrondissement. Une friche libérée par la SNCF offre l’emprise foncière nécessaire pour l’accueil des 17 000 athlètes attendus.</p>
<p>Le projet de réaménagement du quartier des Batignolles est le pendant du quartier de Stratford londonien. Qu’est devenu, depuis, ce quartier sans les Jeux olympiques ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/205237/original/file-20180207-74501-19zeyzr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/205237/original/file-20180207-74501-19zeyzr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/205237/original/file-20180207-74501-19zeyzr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/205237/original/file-20180207-74501-19zeyzr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/205237/original/file-20180207-74501-19zeyzr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/205237/original/file-20180207-74501-19zeyzr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/205237/original/file-20180207-74501-19zeyzr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Construction de l’éco-quartier Clichy Batignolles, en 2016, à Paris.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/1e/Construction_%40_Eco-Quartier_Clichy-Batignolles_%40_Paris_%2829589292140%29.jpg">Guilhem Vellut</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Un vaste projet urbain a été engagé sur ce territoire, étendu jusqu’à Clichy. Initié à partir d’octobre 2010, le projet touche 6,5 hectares dans un premier temps pour être étendu sur près de 10 hectares à terme.</p>
<p><a href="http://www.leparisien.fr/paris-75017/paris-clichy-batignolles-veut-etre-le-premier-ecoquartier-intelligent-19-06-2017-7068042.php">L’éco-quartier qui voit le jour</a> rassemble plusieurs innovations dans le cadre d’une démarche haute qualité environnementale (HQE). Les synergies avec le réseau de transport en commun ne font pas défaut : les habitants devraient profiter d’une desserte en métro améliorée par l’extension en cours de la ligne 14. Les travaux se poursuivent aujourd’hui, près de six ans après l’Olympiade londonienne.</p>
<p>Dès lors, que représente l’accueil de l’événement ? Est-ce que la tenue des Jeux a de réelles conséquences sur le territoire ou est-ce que l’impact des Jeux est une chimère ? Les projets urbains se verraient étiquetés de la marque olympique sans que celle-ci n’ait un quelconque effet sur eux ?</p>
<h2>Les engagements de Paris</h2>
<p>Il faut reconnaître que la rénovation de Stratford a été plus rapide que le projet des Batignolles. La contrainte temporelle des Jeux peut être un accélérateur des politiques publiques. <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/15/projets/pl0383.asp">La loi Olympique</a>, votée prestement après la désignation de Paris, prévoit des aménagements du code de l’urbanisme qui réduisent les délais légaux dans les procédures. L’accueil de l’événement créerait les conditions d’une mise en œuvre plus rapide des projets, même si l’annonce récente des <a href="http://lemonde.fr/economie/article/2018/01/31/grand-paris-express-le-gouvernement-avance-le-debut-des-travaux-strategiques-pour-les-jo-2024_5250062_3234.html">retards dans la réalisation du Grand Paris Express</a> révèle les limites de ces dispositifs.</p>
<p>Cependant, si les projets sont réalisés plus vite, sommes-nous également en droit d’attendre plus que ce qui sera fait sans les Jeux ? N’oublions pas que le projet n’entend pas seulement agir sur le paysage urbain. Il prévoit également des améliorations dans le domaine social, sanitaire, éducatif, économique et environnemental !</p>
<p>Les parties prenantes de la candidature n’ont pas hésité à annoncer des engagements. <a href="https://www.paris.fr/actualites/jo-2024-paris-presente-un-plan-d-action-en-43-mesures-3648">La Mairie de Paris a présenté ses 43 engagements</a> qui entendent faire de Paris une ville plus sportive, plus citoyenne, plus durable, plus innovante.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/205235/original/file-20180207-74490-1wks025.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/205235/original/file-20180207-74490-1wks025.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/205235/original/file-20180207-74490-1wks025.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/205235/original/file-20180207-74490-1wks025.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=899&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/205235/original/file-20180207-74490-1wks025.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/205235/original/file-20180207-74490-1wks025.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/205235/original/file-20180207-74490-1wks025.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1130&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sur la Tour Montparnasse, en juin 2017…</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/o_0/35221840165/in/photolist-5nvQrd-VEr8Yi-miavN-ToPjkq-5q44t8-57q7zJ-4WA2nm-cMwWC-8qBPQr-7xYU52-aPA2eR-aPzCfa-UFnEQy-Vb44Ah-aPA2Kg-UZXcLv-NiT6PZ-TgwCrU-aEeusL-aPzCYk-aPA2ie-aPA2nT-V59ADE-aPA2tD-aPA2E8-P8xz7e-X1NuVy-aPzCjx-aPzCRX-aPzCzv-aPzCr2-aEaDKK-aEeuKY-aPA2xK-aPA2NM-aPzCFn-aPzD3F-aEeuRU-aEaEdt-aEeuyb-aEeup1-aEaEax-aPA2Ax-aEaDUk-aPzCLr-aEaDXt-Na5GmB-unmG1j-trV4hW-aEaDQX">Guilhem Vellut/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Le ministère des Sports a, lui aussi, manifesté le souhait de saisir l’opportunité des Jeux olympiques pour dynamiser ses efforts en faveur de la pratique sportive et, plus généralement, d’une <a href="http://www.sports.gouv.fr/accueil-du-site/a-la-une/article/24-mesures-pour-donner-une-nouvelle-dimension-au-sport-francais">politique sociale et environnementale par le sport</a>. Mais simultanément, le budget du ministère a été réduit de 7 % pour 2018.</p>
<p>Tout cela raisonne comme une campagne politique. Les promesses inondent les médias jusqu’à l’élection. Puis vient le temps de la rigueur et de la gestion prudente des ressources financières, par nature limitées. Probablement à juste titre, car les Français sont nombreux à penser que le coût de l’événement dépassera les prévisions…</p>
<p>Si l’événement a inévitablement un effet immédiat en 2024, construire l’héritage des Jeux ne peut s’entendre que dans la durée pour éviter que l’effet ne soit aussi fort qu’éphémère. L’engouement soulevé par la nomination de Paris en septembre dernier doit enclencher dès aujourd’hui les efforts nécessaires à sa construction. L’avenir se construit au présent.</p>
<hr>
<p><em>Un collectif de chercheurs s’est réuni sous l’appellation d’<a href="https://www.u-orme.fr/fr/">Observatoire pour la Recherche sur les Méga-evénements</a> pour fédérer l’expertise et la rigueur méthodologique de la recherche sur la question des Jeux olympiques dans une perspective pluridisciplinaire. La finalité de cet observatoire est à la fois de coordonner et catalyser les travaux menés sur le sujet mais également de donner à voir les résultats de ces recherches aux parties prenantes.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/90761/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre-Olaf Schut ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La candidature contient son lot de promesses. La flamme est-elle une vaste fumisterie ou les JO apportent-ils une réelle valeur ajoutée au territoire ?Pierre-Olaf Schut, Maître de conférences en sciences du sport, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.