tag:theconversation.com,2011:/uk/topics/covoiturage-36295/articlescovoiturage – The Conversation2023-06-11T16:17:24Ztag:theconversation.com,2011:article/2044972023-06-11T16:17:24Z2023-06-11T16:17:24ZMobilité : les papy-boomers dans une impasse ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/530103/original/file-20230605-27-ef72ll.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C48%2C6526%2C4288&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La génération des 'baby-boomers' s'est habituée à la voiture comme mode de déplacement privilégié au risque d'en devenir complètement dépendant, au détriment de transports collectifs, dont l'usage, avec le tout numérique, est devenu parfois trop complexe.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/gens-voiture-vehicule-senior-6647024/">rdne stock project/pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Les mêmes raisons démographiques qui ont fait de la France un pays jeune au sortir de la guerre en font mécaniquement un pays vieux jusqu’en 2045. Un Français sur quatre a aujourd’hui plus de 60 ans ; <a href="https://www.mobiliteinclusive.com/wp-content/uploads/2020/07/Article-RF-familles-face-au-grand-%C3%A2ge-Dreyfuss-003.pdf">ils seront un tiers en 2060</a>. L’année 2014 a été marquée par un tournant symbolique où les personnes de plus de 60 ans, en France métropolitaine, sont <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/fichier/3353488/TEF2018.pdf">devenues plus nombreuses</a> que les moins de 20 ans. Sans nier la persistance de situations de pauvreté, ces désormais « papy-boomers » qu’on qualifie parfois aussi « d’enfants gâtés des trente glorieuses », ont bénéficié d’une mobilité sociale ascendante dans l’ensemble. Mais qu’en est-il de leur mobilité quotidienne ?</p>
<h2>Une méconnaissance des alternatives à la voiture</h2>
<p>Les premiers résultats d’une <a href="https://www.cerema.fr/fr/actualites/mobilite-personnes-agees-territoire-metropole-lille-cerema">enquête longitudinale</a> sur la métropole lilloise soulèvent un certain nombre d’inquiétudes sur l’avenir des déplacements des personnes âgées. Notre enquête pointe une méconnaissance des alternatives à la voiture dont la maîtrise pourrait pourtant s’avérer utile dans un avenir proche. Comment mieux accompagner les seniors dans l’anticipation de leurs mobilités quotidiennes sans voiture ?</p>
<p>On distingue en sociologie les notions de strate d’âge et de groupe d’âge de celle de génération. La première permet de différencier la succession des étapes physiologiques qui constituent un parcours de vie ; la seconde désigne l’ensemble des personnes appartenant à une même tranche d’âge à un instant T. Quant à la <a href="https://www.puf.com/content/Vieillir_apr%C3%A8s_la_retraite">notion de génération</a>, elle <a href="https://journals.openedition.org/lectures/612">« met davantage l’accent sur le partage d’une même vision du monde du fait d’une socialisation commune »</a> au sein d’une cohorte. </p>
<p>Pour les personnes qui font partie de la génération du baby-boom, la liberté individuelle est placée haut dans la <a href="https://theconversation.com/lautomobile-est-toujours-la-et-encore-pour-longtemps-169211">hiérarchie des valeurs</a>. Ainsi, l’automobile, conduite par toutes et tous, largement démocratisée après-guerre, a-t-elle tenu lieu d’emblème pour cette génération.</p>
<p>Les enquêtés le formulent en ces termes :</p>
<blockquote>
<p>« À l’époque [dans les années 60] c’était LA voiture. Ça donnait l’espace de liberté, ça nous permettait aussi d’élargir notre champ d’action… ce que font les jeunes aujourd’hui avec les avions. Moi, je faisais des rallyes. J’ai pratiquement fait 1 million de kilomètres en voiture, à raison de 50 000 km par an. J’ai eu pas mal de véhicules. » (M. A., 78 ans, Lille)</p>
<p>« Les années 60 étaient des années exceptionnelles, c’était quand même autre chose par rapport à la liberté, l’insouciance. Je plains les jeunes d’aujourd’hui. Déjà mes filles c’était déjà plus pareil. La voiture, c’est vraiment : faire ce que je veux, quand je veux, aller où j’ai envie, pas de contrainte. » (Mme B, 75 ans, Lille)</p>
<p>« Notre génération c’était en plein… la découverte de la voiture. Nos parents n’ont pas connu cette explosion. On est en plein dedans. L’utilisation de l’automobile nous a permis d’être très indépendants, très libres par rapport aux générations antérieures. » (Mme E., 75 ans, Roncq)</p>
</blockquote>
<h2>Le piège de l’indépendance à tout prix</h2>
<p>L’ascension sociale des « papy boomers » a permis à plusieurs d’entre eux d’accéder à la propriété et d’assouvir leurs rêves pavillonnaires, parfois isolés dans des territoires périurbains exclusivement accessibles en voiture. Mais, à trop espérer continuer à conduire, les baby-boomers se fourvoient-ils dans une impasse qu’ils contribuent eux-mêmes à refermer ?</p>
<p>Sur la métropole lilloise, <a href="https://data.progedo.fr/studies/doi/10.13144/lil-1152">nos données</a> montrent qu’entre 2006 et 2016, la baisse de la mobilité à pied, avec transfert vers la voiture, est nette chez les seniors, y compris pour des déplacements courts.</p>
<p>En 2016, les métropolitains âgés de 55 ans et plus (près de 300 000 personnes) réalisent chaque jour 120 000 déplacements en voiture de plus qu’en 2006 (+ 30 % d’augmentation). Cela s’expliquerait par le poids démographique plus important des « 55 ans et plus » (+ 9 %), leur mobilité en augmentation (+ 6 %) et leur utilisation plus forte de la voiture (dont la part modale gagne 11 %). Ils réalisent plus de 6 déplacements sur 10 en voiture (62 %), c’est au-delà de la <a href="https://participation.lillemetropole.fr/processes/concertationplandemobilite">moyenne des métropolitains (57 %)</a>. La perspective d’une politique publique de mobilité durable ciblant explicitement les seniors justifie notre enquête.</p>
<h2>Les personnes âgées captives de la voiture</h2>
<p>L’image d’Épinal de personnes âgées « captives » de la marche et des transports en commun est surannée sinon trompeuse. Les nouvelles personnes âgées sont plutôt devenues « captives » de leurs déplacements en voiture.</p>
<p>Certaines personnes sont évidemment adeptes – plus ou moins souvent – de la marche et des transports en commun. Notamment, des femmes n’ayant pas le permis ou ayant définitivement laissé le volant à leur conjoint. Mais nous constatons que plusieurs personnes refusent d’envisager des alternatives à la voiture aussi longtemps que leurs capacités de conduire le leur permettent.</p>
<p>Pour beaucoup, les transports en commun sont en effet synonyme d’âgisme : sentir le regard des autres sur son rythme de marche plus lent, à la moindre hésitation face à un automate ou en cas d’incapacité à rester debout longtemps. Elle se double d’un sentiment général d’insécurité largement suscité par le manque de propreté du métro et le risque de bousculades.</p>
<h2>Réapprendre à se déplacer sans voiture</h2>
<p>Nous faisons ainsi face à une impréparation des seniors à se tourner vers les transports en commun quand ils ne les prennent plus depuis longtemps. Cela supposerait d’en réapprendre les rudiments de fonctionnement. Or, les compétences requises pour prendre les transports en commun ont fortement évolué.</p>
<p>Certains de nos enquêtés regrettent qu’il faille désormais disposer d’un smartphone et de l’application en ligne pour consulter le plan du réseau, être informé d’un retard ou d’une déviation de ligne ; ils regrettent le temps des tickets en cartons qu’il suffisait de compter contrairement à la carte magnétique qui ne « dit » pas facilement combien de titres elle contient encore ni leur date de validité.</p>
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<img alt="Jour de grève RER A" src="https://images.theconversation.com/files/530973/original/file-20230608-25-9lenas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530973/original/file-20230608-25-9lenas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530973/original/file-20230608-25-9lenas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530973/original/file-20230608-25-9lenas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530973/original/file-20230608-25-9lenas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530973/original/file-20230608-25-9lenas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530973/original/file-20230608-25-9lenas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Retards sur les lignes, grèves, usage de billets électronique, sentiment d’insécurité, foule : de nombreux facteurs découragent les plus âgés à prendre les transports en commun.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/dalbera/4193632442">Jean-Pierre Dalbéra/WIkimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Ils expliquent ne pas bien faire la différence entre « abonnement » et « carte individuelle » et leurs propos trahissent leur perplexité face aux <a href="https://www.ilevia.fr/fr/18-les-offres-65-ans-et-">10 tarifs d’abonnement différents proposés rien qu’aux 65 ans et + par Ilévia</a> (le délégataire du service public de transport sur la métropole lilloise).</p>
<h2>Des ateliers dédiés</h2>
<p>Des ateliers de réapprentissage des transports en commun à destination de seniors faisant un usage exclusif de leur voiture voient le jour pour faire face à ce nouveau phénomène. Ils demeurent cependant peu nombreux. L’association <a href="https://compagnons.com/">Les Compagnons du voyage</a>, à Paris, ou <a href="https://www.ate-ge.ch/">ATE</a>, à Genève, offrent par exemple ce genre de services. À Lille, un organisme comme <a href="https://www.admr.org/aide-et-accompagnement-domicile">l’association ADMR</a> pourrait se montrer compétent également.</p>
<p>La pratique de la marche est très liée à la préférence pour les transports en commun (qui y invite) ou pour la voiture (qui la décourage). Chez les seniors, nous constatons que la marche reste valorisée, à défaut d’être pratiquée. Pour les personnes valides, elle s’envisage y compris sur des distances relativement longues (de l’ordre du kilomètre) pour garder la santé.</p>
<p>Il y aurait matière à innover en créant de vastes réseaux de trottoirs larges et aménagés de bancs qui relieraient villes, bourgs et villages, jusque dans les territoires périurbains. L’impréparation des seniors à remplacer leur mobilité automobile par la marche est surtout remarquable en ce qui concerne le transport de charges lourdes. Malheureusement, à moins qu’elles en aient fait l’acquisition tôt, plus les personnes vieillissent, plus elles renâclent à se doter de chariots à roulettes qu’elles jugent souvent stigmatisants.</p>
<h2>Valoriser l’autopartage et le covoiturage</h2>
<p>L’impréparation aux alternatives à la voiture solo concerne aussi l’autopartage. Déjà largement possesseurs de véhicules, les seniors interrogés ne voient pas quel pourrait être leur intérêt de s’impliquer dans un système d’autopartage.</p>
<p>C’est pourtant une excellente façon de réduire progressivement son usage de la voiture. L’autopartage convient en effet aux personnes qui parcourent peu de kilomètres, qui ont peu d’occasions d’utiliser la voiture, pour qui l’amortissement et l’assurance d’un véhicule deviennent démesurés ; des personnes qui accordent de l’importance à rouler avec des véhicules bien entretenus et pour qui la garantie du stationnement gratuit (en station) est un plus. Si les seniors répondent tout à fait à ce profil d’usager, ils en méconnaissent souvent l’existence et admettent accorder de l’importance à la propriété de leur véhicule.</p>
<p>Par ailleurs, la pandémie de Covid-19 a mis un coup d’arrêt aux mobilités collaboratives en général, au covoiturage en particulier. Le covoiturage suscite une opinion positive chez les baby-boomers à qui elle rappelle le stop, dont certains parlent avec nostalgie, favorables à l’idée d’un service qui vient en aide à des personnes non motorisées et plus jeunes.</p>
<p>Aux États-Unis, L’<a href="https://www.itnamerica.org/about">Independent Transportation Network</a>) (ITN) est un réseau fédéral de conducteurs volontaires pour les personnes âgées et malvoyantes basé sur un système de crédits cumulables et s’appuyant sur la solidarité intergénérationnelle entre 3<sup>e</sup> et 4<sup>e</sup> âge. Il contribue à l’anticipation par les seniors d’un avenir moins autonome, le conducteur d’hier se préparant sans difficulté à devenir le passager de demain. En France, il conviendrait sans doute d’imaginer aussi des systèmes de covoiturage d’entraide entre jeunes seniors (encore actifs) et personnes du quatrième âge (plus dépendantes) éventuellement selon les principes des <a href="https://www.jstor.org/stable/40989995">systèmes d’échanges locaux</a>).</p>
<h2>Tenir compte du handicap</h2>
<p>L’impréparation la plus flagrante, enfin, concerne la mobilité en situation de handicap. En France, on utilise encore volontiers la voiture quand, à l’étranger, on adopte des véhicules adaptés à situation de handicap équivalente. En Grande-Bretagne et de façon générale <a href="https://www.neurotech.org.nz/resources/publications/85/Sullivan_The_New_Zealand_Medical_Journal_2014.pdf">dans le monde anglo-saxon,</a> les chercheurs constatent l’essor des fauteuils roulants électrique (ou scooters) pour personnes âgées, appropriés pour des déplacements de quelques centaines de mètres quand on ne peut plus marcher.</p>
<blockquote>
<p>« Mon épouse a du mal à marcher. Même pour aller à 300 mètres, elle est trop essoufflée. Elle a fait un AVC il y a 15 ans et elle n’a plus beaucoup de résistance. Mais elle a toujours sa voiture. On a deux voitures ! Elle conduit au moins toutes les semaines, elle va faire une séance de kiné.
A-t-elle envisagé un fauteuil ? Non, elle se déplace avec sa canne… Et puis sinon, c’est moi qui suis chauffeur. » (M. M., 83 ans, Bondues).</p>
<p>« En France, il y a un remboursement de base pour le fauteuil électrique mais très vite, la Sécurité sociale considère que votre besoin relève du luxe. » (M. Ü, 69 ans, Marcq-en-Baroeul)</p>
</blockquote>
<p>Nos interlocuteurs méconnaissent ou renâclent à se déplacer en fauteuil ou tricycles (motorisés ou non) alors que ces véhicules pourraient pourtant répondre à certaines de leurs attentes. Étant donné <a href="https://www.google.com/search?client=firefox-b-e&q=scooter+for+elderly">leur prix</a>, sans doute qu’une meilleure prise en charge par la Sécurité sociale pourrait changer la donne.</p>
<h2>Anticiper devient une urgence</h2>
<p>Quant aux pratiques des deux-roues motorisés, du vélo et des trottinettes en ville, elles sont très largement impopulaires, jugées dangereuses tant pour soi que pour autrui et catégoriquement exclues. Militants mis à part, ces modes de déplacement sortent des champs du possible et ne constituent aucunement une alternative à l’usage de la voiture aux yeux des seniors.</p>
<p>Les processus de démotorisation liés à l’avancée en âge continuent – heureusement pour la sécurité routière – de se produire. Enfants et médecins sont autant de prescripteurs précieux pour convaincre et accompagner les personnes concernées. Mais l’arrivée des représentants de la génération du baby-boom dans les strates d’âges les plus élevées augure de difficultés supplémentaires. Si l’anticipation n’est pas suffisante, les ruptures de mobilité seront brutales et potentiellement douloureuses pour les personnes concernées.</p>
<hr>
<p><em>Pour le compte de la Métropole européenne de Lille, nous réalisons actuellement une enquête longitudinale sur la mobilité des seniors et ses évolutions sur la période 2020-2024. Cette enquête comporte un volet par quota (échantillon annuel de 1000 seniors de 65 ans et plus) ; un volet autoadministré auprès d’un panel de 243 personnes ; et un volet qualitatif par entretiens compréhensifs semi-directifs annuellement répétés auprès d’un panel diversifié de 27 ménages de plus de 65 ans.</em></p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Science et Société se nourrissent mutuellement et gagnent à converser. La recherche peut s’appuyer sur la participation des citoyens, améliorer leur quotidien ou bien encore éclairer la décision publique. C’est ce que montrent les articles publiés dans notre série « Science et société, un nouveau dialogue », publiée avec le soutien du <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr">ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204497/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joël Meissonnier n'a reçu aucun financement à titre personnel. La recherche à laquelle il contribue a tiré parti des données d'une étude co-financée par le CEREMA et la Métropole Européenne de Lille.</span></em></p>Les premiers résultats d’une enquête sur la métropole lilloise soulèvent un certain nombre d’inquiétudes sur l’avenir des déplacements des personnes âgées, trop dépendantes à la voiture.Joël Meissonnier, Chargé de recherche en sociologie des transports et des pratiques de mobilité, CeremaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2004812023-02-23T20:31:57Z2023-02-23T20:31:57ZFestivals, fast fashion… Les petits arrangements du consommateur engagé avec sa conscience<p>1 612 tonnes, c’est le bilan cumulé des déchets solides de Coachella, Stagecoach et Desert Trip, trois festivals phares de musique, d’amour… et de bons sentiments. 1 612 tonnes, c’est beaucoup pour des organisateurs et des artistes qui déclarent vouloir minimiser les dégâts causés à la planète.</p>
<p>Pour se donner bonne conscience à moindres frais, les organisateurs de Coachella conseillent aux festivaliers de privilégier le covoiturage, le recyclage, de réutiliser leurs tenues d’une année sur l’autre. Mais le festival est, chaque année, organisé dans la ville d’Indio, à plus de deux heures en voiture de Los Angeles, pour des visiteurs désireux de se montrer bien davantage que de démontrer des engagements supposés.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1517123224219394051"}"></div></p>
<p>Un bilan écologique déplorable qui questionne également la sincérité des artistes qui s’y produisent. Billie Eilish, l’une des artistes vedettes du festival, très à cheval sur la portée écologique de ses tournées, végétarienne affichée, fortement engagée dans les combats climatiques, s’est pourtant plusieurs fois produite à Coachella malgré le lourd bilan environnemental du festival.</p>
<h2>Principe de réalité, principe de précaution</h2>
<p>À l’instar des artistes, des festivaliers ou de certains organisateurs d’événements, on sait que les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/consommateurs-33275">consommateurs</a> ne font pas toujours ce qu’ils disent et ne disent pas toujours ce qu’ils font. Ainsi peut-on interroger l’engouement conjoint pour les magasins d’usines et pour les produits bios, la chasse aux prix bas couplée à la glorification du made in Europe, les vols long-courriers et le tourisme équitable.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/consommation-les-intentions-daujourdhui-ne-seront-pas-forcement-les-comportements-de-demain-137505">Consommation : les intentions d’aujourd’hui ne seront pas forcément les comportements de demain</a>
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<p>Les exemples abondent de cette apparente dissociation entre intentions déclarées et comportements objectifs, comme le démontre l’impressionnant succès de Shein à l’heure de la sacralisation du développement durable, de la récupération et du vintage.</p>
<p>La marque chinoise, qui pousse le concept de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/fast-fashion-106968">fast fashion</a> à l’extrême, jouit d’une popularité qui ne se dément pas. Sa stratégie repose sur quatre piliers, en totale contradiction avec les valeurs actuellement prônées, quand elles ne sont pas revendiquées : la compétitivité sur les prix (Shein est moins chère que les principaux acteurs du domaine, Zara et H&M en tête), la réactivité (6 000 nouvelles références par jour à l’heure d’une supposée déconsommation dans le domaine), le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/marketing-21665">marketing</a> (micro-influenceurs, remises et réductions permanentes, notifications quotidiennes) et une désintermédiation totale autour d’une approche de pure player (drastique réduction des coûts de production).</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Une ascension fulgurante qui reste très surprenante quand on pense à toutes les contreparties du modèle : conditions de travail déplorables, collecte massive de données personnelles, plagiat sur les créations, impact environnemental nocif, désindustrialisation européenne…</p>
<p>Acteur emblématique de l’ultra fast fashion, Shein a même dépassé Amazon, devenant l’application la plus téléchargée aux États-Unis. En pleine pandémie, l’entreprise aurait multiplié ses ventes de 250 % pour atteindre 10 milliards de dollars de chiffre d’affaires et plus de 80 millions de téléchargements.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1509482091372761097"}"></div></p>
<p>Un certain nombre de contradictions de ce type mettent en exergue l’importance de savoir décrypter les pratiques de consommation, les comportements d’achat davantage que de se pencher sur le discours du consommateur et ses prédispositions supposées. S’intéresser à la manière dont le consommateur agit plutôt qu’à ce qu’il déclare.</p>
<p>Cela étant et comme nous y invite fort justement Benoît Heilbrunn, professeur et philosophe, il serait vain de lire dans ces contradictions une schizophrénie consommatoire et mieux venu d’accepter le caractère chaotique de la consommation.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Rug-JHrrzBE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Benoît Heilbrunn : Le consommateur n’existe pas et le marketing ne prédit pas les achats (Xerfi canal, 2021).</span></figcaption>
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<p>Nous vivons aujourd’hui dans une sorte de folie de la quantification qui nous donne l’illusion que nous pourrions modéliser des phénomènes complexes, contingents, multifactoriels, voire inconscients, par une série de méthodologies systématiques – classement, mesures, évaluation. Les algorithmes renforcent le fantasme d’une quantification de l’intime et d’une modélisation de l’individu, comme si nos comportements et nos décisions étaient prévisibles et systématiques. Le principe de réalité nous rappelle sans cesse que l’individu reste, fort heureusement, difficile à mettre en équation…</p>
<h2>Et demain ?</h2>
<p>Les artistes ou les organisateurs de festivals ne sont nullement les seuls à exprimer de fausses promesses ou des vœux pieux. Responsables politiques, personnalités publiques, dirigeants d’entreprise, consommateurs ne font pas toujours ce qu’ils disent et ne disent pas ce qu’ils font de manière systématique, loin s’en faut.</p>
<p>Ces modalités s’expliquent d’ailleurs autant par action que par omission : la plupart des décideurs (y compris les consommateurs) ont tendance à gérer leurs dissonances à bas bruit jusqu’à ce qu’elles produisent des résultats dommageables ou des conséquences irréversibles.</p>
<p>Ce déni systématique des écarts entre intentions, principes, discours et pratiques s’explique aussi par une inertie comportementale, des habitudes, une certaine paresse intellectuelle, un manque d’initiative ou de discernement, la volonté d’apparaître meilleur que l’on ne l’est réellement plutôt que de remettre en question des actions contraires aux principes affichés.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/511683/original/file-20230222-349-3pb75v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/511683/original/file-20230222-349-3pb75v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/511683/original/file-20230222-349-3pb75v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=840&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/511683/original/file-20230222-349-3pb75v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=840&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/511683/original/file-20230222-349-3pb75v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=840&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/511683/original/file-20230222-349-3pb75v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1056&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/511683/original/file-20230222-349-3pb75v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1056&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/511683/original/file-20230222-349-3pb75v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1056&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807339224-le-marketing-aujourd-hui">Éditions De Boeck Supérieur</a></span>
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<p>Cette dissonance s’explique aussi par des réponses émotionnelles, plus inconscientes ou moins voulues, qui se nourrissent de certains biais cognitifs. Mis en évidence par nombre d’économistes béhavioristes, les jugements erratiques et les erreurs de décision sont la <a href="https://www.strategemarketing.com/predictably-irrational-de-dan-ariely-lessentiel-livre/">règle davantage que l’exception</a>. Procrastination, représentations idéales, <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/08/12/entreprises-la-detection-des-risques-politiques-doit-etre-un-processus-collectif-et-organise_6137835_3232.html">déni et préjugés s’imposent davantage qu’un jugement rationnel</a>, fondé, voire étayé au moment de reconnaître des erreurs ou de gérer des risques.</p>
<p>Sur un plan marketing s’instaure donc un dialogue de sourds entre l’entreprise et ses marchés, un jeu de poker menteur entre les protagonistes, parfois délétère et parfois plus plaisant – dans tous les cas, une sorte de manipulation habilement conçue du quotidien des consommateurs.</p>
<p>Si certains interprètent le marketing comme une tromperie éhontée, d’autres y voient un dispositif plus subtil : une compromission tacite du consommateur plus qu’une manipulation. Dans cette perspective, le consommateur peut aussi <a href="https://books.google.fr/books/about/N%C3%A9o_marketing.html?id=RUwWCwAAQBAJ&redir_esc=y">choisir un niveau de duperie acceptable</a> et jouer de cette manipulation pour agrémenter son quotidien.</p>
<hr>
<p><em>Ce texte est extrait du livre « <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807339224-le-marketing-aujourd-hui">Le marketing aujourd’hui</a> : 25 nouvelles tendances » de Frédéric Jallat, publié aux Éditions De Boeck Supérieur en février 2023</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200481/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Jallat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les écarts entre les intentions et les pratiques s’expliquent notamment par la force des habitudes ou encore un manque de cohérence chez l’individu.Frédéric Jallat, Professeur de marketing à ESCP Business School, professeur vacataire, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1973712023-02-02T19:01:04Z2023-02-02T19:01:04ZÉconomie du partage : Pourquoi Airbnb et Abritel ont-ils intérêt à avoir des loueurs et locataires ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/503449/original/file-20230106-10468-t24k4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C7348%2C4912&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Jouer les deux rôles aident à comprendre les inquiétudes de son vis-à-vis.</span> </figcaption></figure><p>Airbnb, Blablacar ou encore Ouicar sont autant d’acteurs de l’économie du partage qui ont bouleversé le marché des échanges de services depuis le début des années 2000. Ces plates-formes collaboratives, de notoriété internationale, jouent notamment un <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01820276/">rôle de tiers de confiance</a> dans le cadre d’une relation impliquant des particuliers qui souhaitent mettre une ressource à disposition et ceux qui symétriquement vont en bénéficier. C’est le cas du covoiturage ou de la location de logement.</p>
<p>Ces <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0148296317301509">services collaboratifs</a> permettent ainsi à tout un chacun d’être soit consommateur, lorsqu’on achète le service, soit prestataire, lorsqu’on le fournit. Certains utilisateurs peuvent également alterner entre ces deux rôles. Une famille peut ainsi proposer sa maison dans le Vercors à la location pendant qu’elle profitera de l’appartement d’un autre particulier à Londres. On parle là d’« interchangeabilité ».</p>
<p>Il nous est apparu que les entreprises de l’économie du partage ont tout intérêt à la favoriser. Dans nos <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0148296320301855#preview-section-snippets">recherches</a>, nous montrons notamment comment elle vient catalyser la confiance que les utilisateurs s’accordent entre eux.</p>
<h2>Se mettre à la place de l’autre</h2>
<p>Nous avons ainsi comparé les comportements des utilisateurs qui jouent chacun des deux rôles (les utilisateurs interchangeables) avec ceux des personnes qui se cantonnent à un seul. Il s’agissait notamment de voir si oui ou non les premiers échangeaient et participaient plus.</p>
<p>Pour ce faire, nous avons mené une enquête par questionnaire auprès de 222 personnes ayant participé au moins une fois à un service de location de courte durée <em>via</em> une plate-forme de type Airbnb ou Abritel. Chaque participant devait indiquer s’il avait été impliqué dans ce genre de service en tant que consommateur, prestataire, ou s’il avait joué les deux rôles.</p>
<p>Le répondant devait ensuite renseigner son <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0022103108000723">« degré de proximité sociale perçue »</a> vis-à-vis des autres utilisateurs de ce type de plate-forme, ce que l’on obtient avec des questions du type « les autres utilisateurs sont-ils des personnes semblables à vous ? » Puis nous l’interrogions sur son <a href="https://pubsonline.informs.org/doi/abs/10.1287/isre.1040.0015">niveau de confiance</a> vis-à-vis des autres utilisateurs, par exemple, en lui demandant si d’après lui il s’agit de personnes honnêtes. Enfin, chacun devait préciser son intention de participer à ce type d’échanges collaboratifs dans le futur.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Les résultats de notre enquête montrent que les individus ayant été à la fois consommateurs et prestataires ont tendance à percevoir les autres utilisateurs de la plate-forme comme plus proches d’eux socialement que les individus ayant joué un seul des deux rôles. Ce résultat s’explique par le fait que celles et ceux qui ont endossé les deux rôles tendent à avoir plus d’informations sur les deux types de situations, aller chez un inconnu et recevoir chez soi un inconnu. Ils développent ainsi une plus grande capacité à se mettre à la place de l’autre.</p>
<h2>Complémentaires aux notes et aux avis</h2>
<p>Dit autrement, qui fait preuve d’interchangeabilité peut, lorsqu’il est consommateur se former une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0022103110002490">représentation plus concrète</a> de ce qu’est un hôte ou un loueur d’un logement, et vice versa, ce qui revient à favoriser la proximité sociale perçue. Nos résultats montrent, de plus, que ces personnes développent une plus grande confiance envers les utilisateurs des plates-formes collaboratives, et cela favorise, <em>in fine</em>, leur intention d’y avoir à nouveau recours.</p>
<p>Ce résultat ne semble pas neutre pour les entreprises de mise en relation. Bien qu’elles jouent le rôle de tiers de confiance, les utilisateurs peuvent parfois être réticents à faire confiance à un inconnu, notamment lorsqu’il s’agit de faire un trajet en voiture avec lui ou de lui prêter son logement. L’enjeu pour les plates-formes collaboratives qui souhaitent développer davantage ce modèle économique est ainsi de favoriser la confiance entre utilisateurs à différents stades de l’expérience de service.</p>
<p>Parmi les leviers qui existent pour favoriser cette confiance, il existe déjà les avis, les notes et les vérifications effectuées par l’entreprise qui met consommateurs et prestataires en relation. Nous suggérons, grâce aux résultats de cette recherche, un autre moyen d’augmenter cette confiance, à savoir inciter les consommateurs à l’interchangeabilité, et donc à « passer de l’autre côté du miroir ». Cela, en augmentant la proximité sociale perçue des participants, permet en retour d’augmenter la confiance vis-à-vis des autres utilisateurs, et ainsi de favoriser l’intention d’utiliser des services collaboratifs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197371/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Ce qui freine à proposer sa maison ou à se rendre dans celle d’un autre c’est la confiance. Et savoir ce que cela fait d’être à la place de l’autre avec lequel on échange permet de la développer.Stéphanie Nguyen, Maître de Conférences en sciences de gestion (Marketing), Aix-Marseille Université (AMU)Mohamed Didi Alaoui, Maître de conférences en sciences de gestion, Université Côte d’AzurSylvie Llosa, Professeur en management des services, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1908632022-09-25T15:39:19Z2022-09-25T15:39:19ZLes autosolistes sont-ils prêts à se mettre au covoiturage pour les trajets du quotidien ?<p>Les embouteillages restent un problème majeur dans les grandes villes françaises : selon les <a href="https://inrix.com/scorecard/">données INRIX</a>, les automobilistes à Paris, Lyon, Marseille, Grenoble et Strasbourg ont respectivement perdu en moyenne 140, 102, 78, 71 et 64 heures dans les embouteillages routiers en 2021, et ce malgré l’essor du télétravail.</p>
<p>Selon les <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/se-deplacer-en-voiture-seul-plusieurs-ou-en-covoiturage-0?rubrique=60&dossier=1345">dernières données Insee</a> disponibles, 88 % des déplacements en voiture pour motif professionnel se font sans passager. On parle, dans ce cas, d’« autosolisme ». 9 % n’en transportent qu’un seul. En Île-de-France, à peine plus de <a href="https://e.infogram.com/978cf630-658f-447f-b041-f7fb959c2cd7?src=embed">7 000 trajets</a> quotidiens entre son domicile et son travail ont été répertoriés via les plates-formes dédiées par l’Institut Paris région. Les statistiques montrent une lente progression depuis mars 2021, mais les chiffres restent bien loin du pic de 20 000 atteint lors des grèves de 2019.</p>
<p>Avec tous ces sièges vides dans les automobiles, une grande capacité de transport reste inutilisée. Le covoiturage est donc souvent considéré comme une solution à moindre coût aux problèmes de congestion routière mais aussi de pollution. Le ministre délégué aux Transports, Clément Beaune, défendait encore récemment cet outil pour progresser en termes de sobriété énergétique et de pouvoir d’achat.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1553058040781447168"}"></div></p>
<p><a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000039666777">L’article 35</a> de la loi d’orientation des mobilités (dite loi LOM), votée fin 2019, visait à <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/covoiturage-en-france-avantages-et-reglementation-en-vigueur">favoriser les expérimentations</a> de voies réservées aux véhicules transportant au moins deux personnes et la plupart des villes précitées (mais aussi d’autres comme <a href="https://www.20minutes.fr/nantes/3148579-20211015-nantes-voies-reservees-bus-covoiturage-vont-multiplier-grands-axes">Nantes</a> ou <a href="https://www.permismag.com/arrete-du-18-ao%C3%BBt-2022-relatif-a-lexperimentation-dune-signalisation-routiere-de-voie-reservee-a-certaines-categories-de-vehicules-sur-les-routes-departementales-1508-et-3508-sur-les-communes-de/">Annecy</a>) s’y sont employées. L’idée, que les gains de temps qu’elles offriraient car elles seraient moins bouchonnées, motive des individus aujourd’hui dans des véhicules séparés à effectuer leurs trajets ensemble.</p>
<p>À <a href="https://www.leparisien.fr/info-paris-ile-de-france-oise/transports/controle-du-covoiturage-les-premiers-radars-en-test-sur-le-peripherique-14-03-2021-8428456.php">Paris</a>, des radars ont été posés Porte de Montreuil pour compter le nombre de passagers par véhicules sur le Boulevard Périphérique, préfigurant peut-être la mise en place d’une <a href="https://www.leparisien.fr/info-paris-ile-de-france-oise/transports/peripherique-et-si-la-voie-de-gauche-etait-reservee-au-covoiturage-17-01-2019-7990983.php">voie réservée</a> après les Jeux Olympiques et Paralympiques. À Strasbourg, la mise en place de l’autoroute de contournement par l’ouest s’est accompagnée de la mise en place de voies réservées aux covoitureurs sur l’axe historique, la A35. Neuf mois après l’inauguration, les élus se montrent <a href="https://actu.fr/grand-est/strasbourg_67482/neuf-mois-apres-son-inauguration-le-grand-contournement-ouest-gco-de-strasbourg-remplit-il-son-role_53448505.html">mitigés</a> à leur sujet.</p>
<p>Les métropoles de Lyon et Grenoble expérimentent aussi depuis 2020 des voies pour covoitureurs sur des axes majeurs, indiqués par un <a href="https://actu.fr/auvergne-rhone-alpes/lyon_69123/c-est-quoi-ce-panneau-ou-un-losange-apparait-sur-la-m6-et-la-m7-aux-entrees-de-lyon_53179366.html">panneau en forme de losange</a>. C’est le cas de la M7, par exemple, à Lyon, la voie qui longe le Rhône et le traverse devant le musée des Confluences avant de rejoindre la gare Perrache et le tunnel de Fourvière. Le gain de temps y était estimé entre 5 et 15 minutes.</p>
<p>[<em>Plus de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>C’est à la capitale des Gaules que nos <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0967070X21002833?via%3Dihub">travaux</a> se sont intéressés. Quelles leçons attendre de ces expérimentations ? Pourquoi des premiers retours assez <a href="https://actu.fr/grand-est/strasbourg_67482/neuf-mois-apres-son-inauguration-le-grand-contournement-ouest-gco-de-strasbourg-remplit-il-son-role_53448505.html">prudents</a> ? Le projet de recherche Covoit’Aura a pour objectif d’étudier les changements potentiels de choix de mode de transport et de comprendre dans quelles conditions les autosolistes seraient prêts à covoiturer pour leurs déplacements quotidiens. Il montre que beaucoup le sont, mais à condition de garder le volant, ce qui n’est pas sans conséquence pour les politiques publiques.</p>
<h2>Prêt à plus pour s’éviter le covoiturage</h2>
<p><a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.3141/2021-13">Indépendance et flexibilité</a>. Tels sont les arguments souvent avancés par les autosolistes pour expliquer leur choix de mode de transport. Les covoitureurs, eux, déclarent <a href="https://www.actu-environnement.com/media/pdf/dossiers/806-ademe-developpement-covoiturage-regulier.pdf">apprécier la sociabilité et valoriser l’écologie</a>. Le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0965856419305920">critère économique</a> importe également.</p>
<p>Une des mesures de première importance pour analyser le choix d’un mode de transport est ainsi la <a href="https://eprints.whiterose.ac.uk/104595/1/European%20meta%20paper%20final%20accepted%20for%20publication.pdf">valeur du temps</a>, que les économistes appellent aussi « coût d’opportunité » du temps. L’idée est de mesurer combien chacun est prêt à payer pour diminuer son temps de déplacement. D’un individu à l’autre, les réponses restent très hétérogènes, de même qu’entre les moyens de transport. Une minute dans un véhicule bondé sera, par exemple, appréciée différemment d’une minute dans un véhicule vide.</p>
<p><iframe id="8Dd1o" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/8Dd1o/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Nous avons donc mené une enquête auprès de 1556 individus qui effectuent leurs déplacements domicile-travail seuls dans leur voiture sur l’aire urbaine de Lyon. Un questionnaire proposant diverses options de trajet, avec différents temps, différents modes, différents niveaux de fiabilité et de sécurité et différents coûts, leur a été soumis. Il comprenait également des questions sur leurs positionnements face aux enjeux d’écologie. Les individus participant à l’enquête ont été confrontés à une succession de scénarios dans lesquels ils doivent effectuer un choix parmi plusieurs modes de transport.</p>
<p>Ce sont ces choix qui nous permettent d’extraire de l’information sur leurs préférences. Il s’agissait de mesurer la valeur du temps liée au covoiturage en tant que conducteur et en tant que passager pour la comparer avec celle d’un déplacement en tant qu’autosoliste. Les résultats ont été utilisés dans différents modèles dont nous avons retenu les plus performants.</p>
<p>Un premier résultat qui a retenu notre attention est que les individus de notre échantillon, lorsqu’ils se déplacent respectivement comme conducteur et passager d’un trajet en covoiturage, sont prêts à dépenser en moyenne respectivement 30 et 28€ pour s’épargner une heure de trajet. Lorsqu’ils se déplacent en tant qu’autosoliste, ce montant moyen ne dépasse pas 20 euros. On semble ainsi prêt à payer bien plus pour s’éviter une heure de covoiturage : ces valeurs suggèrent donc une forte préférence pour une conduite seul dans son véhicule.</p>
<h2>D’où viendraient les passagers ?</h2>
<p>Néanmoins, on remarque au-delà une forte hétérogénéité entre les individus. Une analyse plus poussée nous a permis d’identifier quatre profils types parmi les conductrices et conducteurs actuels : 20 % s’avèrent réticents à abandonner l’autosolisme, 35 % pourraient basculer sur un autre mode si l’offre était disponible, 12 % seulement préféreraient utiliser les transports en commun et 32 % se disent prêts à covoiturer mais seulement sur le siège conducteur.</p>
<p>Qu’est-ce à dire du point de vue des politiques publiques ? Nos simulations suggèrent que les potentiels passagers en covoiturage semblent une ressource rare parmi les autosolistes. Or, il est peu intéressant qu’ils proviennent d’autres moyens de transport car, dans ce cas, la mise en place de la voie de covoiturage n’entraînerait pas une diminution du nombre de véhicules. Pour que le covoiturage réduise les embouteillages et la pollution, il faut qu’il induise une diminution du nombre de véhicules sur le réseau et donc que ce soient des conductrices et conducteurs actuels qui acceptent de devenir passagers.</p>
<p><iframe id="CVKGo" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/CVKGo/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cette étude empirique est dite de « préférences déclarées », au sens où sont analysées des déclarations récoltées lors d’enquête, et non pas des comportements réellement observés. On parlerait alors de « préférences révélées ». Ainsi, les résultats obtenus demandent à être vérifiés par les données issues de l’expérimentation de la voie réservée menée à Lyon. Les <a href="https://www.cerema.fr/system/files/documents/2022/01/20211216ctt_ce_vr2m6m7_lduffy.pdf">premières évaluations</a> du dispositif produites par le CEREMA montrent une absence de report modal significatif en dépit du gain de temps permis par la voie réservée, confirmant la difficulté pour les autosolistes à devenir passager d’un covoiturage.</p>
<p>Les autorités publiques se doivent donc d’être vigilantes sur l’origine modale des passagers de covoiturage. Si des incitations, telles que des voies réservées, sont mises en place, elles devront rendre le covoiturage passager aussi attrayant que possible auprès d’actuels conductrices et conducteurs. Des études complémentaires seront alors nécessaires pour activer les leviers spécifiques aux catégories ciblées.</p>
<hr>
<p><em>Ont également contribué à ce projet de recherche Charles Raux (CNRS, LAET) et Martin Koning (Université Gustave Eiffel, SPLOTT)</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190863/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Monchambert est membre du comité scientifique de l’Observatoire des villes du transport gratuit. Il a effectué des activités de conseil pour SNCF Réseau et SNCF Voyageurs. Cette recherche a été financée par la Région Auvergne-Rhône-Alpes (Pack ambition recherche 2018 : Projet Covoit’AURA). Les auteurs remercient également l'IRT SystemX et les partenaires du projet d'expérimentation du covoiturage à Lyon (LCE) - Métropole de Lyon, Vinci Autoroutes, APRR et Ecov - qui ont participé à la diffusion de l'enquête. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>La thèse d'Alix le Goff a été financée par la région Auvegne Rhône Alpes (Projet Covoit'AURA). Les auteurs remercient également l'IRT SystemX et les partenaires du projet d'expérimentation du covoiturage à Lyon (LCE) - Métropole de Lyon, Vinci Autoroutes, APRR et Ecov - qui ont participé à la diffusion de l'enquête.</span></em></p>La réponse est plutôt oui, mais en majorité à condition qu’ils restent conducteurs du véhicule, d’après une étude. La ressource rare semble ainsi être les passagers.Guillaume Monchambert, Maître de conférences en économie, Université Lumière Lyon 2 Alix le Goff, Doctorant en économie des transports, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1873172022-07-20T16:43:38Z2022-07-20T16:43:38ZVoyages d’affaires, low cost… Le Covid a bousculé le secteur du transport longue distance<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/474958/original/file-20220719-10005-r8dwha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C91%2C2452%2C1417&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Depuis début 2020, le nombre de TGV Inouï a baissé de 15&nbsp;% quand celui des Ouigo (photo) a augmenté de 30&nbsp;%.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:SNCF_OUIGO_TGV_Dasye_761_Marseille_-_Paris.jpg">Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La <a href="https://theconversation.com/fr/topics/sncf-37898">SNCF</a> s’attend à un été de tous les <a href="https://www.sncf.com/sites/default/files/press_release/CP_NR_SNCF_VOYAGEURS_ETE_2022.pdf">records</a>. Dans un communiqué publié le 30 juin dernier, elle avançait le chiffre de 9,5 millions de billets longue distance déjà réservés, soit 10 % de plus qu’en 2019. Les mois de mai et juin avaient eux aussi déjà affiché des scores supérieurs à l’avant-crise.</p>
<p>Certes, les craintes liées à la pandémie, si elles n’ont pas disparu, se sont estompées et la promiscuité dans les transports effraie moins. Mais ce chiffre estival traduit-il un simple retour à la normale ou bien nous dit-il autre chose ?</p>
<p>Hormis les <a href="https://www.autorite-transports.fr/actualites/cars-macron-2022/">rapports</a> de l’Autorité de régulation des transports, peu de travaux scientifiques encore se sont intéressés aux effets du coronavirus sur les transports longue distance. Certains experts prédisaient, après un arrêt quasi-complet par endroit (souvenons-nous par exemple des images de l’aéroport d’Orly désert au printemps 2020), l’émergence d’une <a href="https://www.sciencedirect.com/referencework/9780081026724/international-encyclopedia-of-transportation">« nouvelle normalité »</a>, avec le développement rapide du télétravail et des visioconférences.</p>
<p>Nos récents <a href="https://doi.org/10.1111/rsp3.12534">travaux</a> interrogent le phénomène. Ils reposent sur un suivi hebdomadaire de quatre grandes lignes françaises depuis des métropoles de province (Bordeaux, Toulouse, Nice et Lyon) vers Paris. Les observations disponibles s’étendent de la période pré-Covid (septembre 2019) jusqu’au moment où l’épidémie paraissait jugulée sous l’effet des progrès de la vaccination en novembre 2021. Elles permettent de comparer l’évolution en prix et fréquence des différentes offres de transport dont le ferroviaire, le bus, le covoiturage et l’aérien.</p>
<p>À l’origine, la collecte des données avait pour but de poursuivre des recherches sur les conséquences de la libéralisation du chemin de fer, qui avait déjà donné lieu à une <a href="https://theconversation.com/la-liberalisation-du-secteur-ferroviaire-ne-devrait-pas-faire-baisser-significativement-les-prix-de-nos-voyages-175588">publication</a> sur le site The Conversation. Les liaisons retenues devaient en effet potentiellement accueillir des opérateurs concurrents pour la SNCF avant que les plans ne soient chamboulés à la suite de la pandémie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-liberalisation-du-secteur-ferroviaire-ne-devrait-pas-faire-baisser-significativement-les-prix-de-nos-voyages-175588">La libéralisation du secteur ferroviaire ne devrait pas faire baisser significativement les prix de nos voyages</a>
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<p>Comme tous, nous avons dû nous adapter et le suivi hebdomadaire des offres de transport permet aujourd’hui de documenter progressivement des effets du choc inédit, collectivement vécu, sur nos modes de vie et de production. Il reste cependant nécessaire de considérer les résultats avec un minimum de prudence étant donné la grande variabilité de l’épidémie et la difficulté de fixer un point d’observation dans la période Covid.</p>
<h2>Étonnamment, les prix ont diminué</h2>
<p>Qu’observe-t-on ? À gros traits, on note tout d’abord un fort impact du premier confinement sur l’offre en termes de fréquence qui s’est trouvée réduite quasiment à néant (-90 %). L’impact des confinements suivants s’est avéré plus faible avec une offre réduite d’environ de moitié. Sur la fin de la période, le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/train-26726">train</a> et le covoiturage étaient en passe de retrouver leur niveau d’offre d’avant crise avec respectivement -4 % et -6 %, ce qui n’était toujours pas le cas pour les bus (-50 %) et l’aérien (-30 %).</p>
<p><iframe id="Ja0kB" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Ja0kB/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>De fait, c’est le mode initialement dominant, le train qui s’est avéré être le plus robuste et résilient à la crise là où l’aérien et le bus se sont effondrés. En octobre 2021, le mode ferroviaire maintenait cette avance avec une part de marché sur l’échantillon observé stabilisée autour de 85 % contre 80 % en 2019. L’aérien a chuté de 17 à 13 % pendant ce temps.</p>
<p><iframe id="dgqWP" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/dgqWP/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’autre effet qui a retenu notre attention est celui sur les prix, bien plus délicat cependant à analyser du fait de leur volatilité. Considérant les prix à 7 jours avant le départ pour de la seconde classe sans réduction, on constate une baisse globale d’environ 14 % sur la période. Cela concerne tous les moyens de transport à l’exception des cars : covoiturer coûtait 26 % de moins qu’au début de la pandémie, prendre le train 16 % et l’avion 12 %.</p>
<p><iframe id="Kt95P" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Kt95P/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>On peut aisément comprendre la chute des prix durant l’année 2020, sous l’effet conjugué d’un effondrement de la demande et d’une baisse des prix de l’énergie. De même, on explique une fluctuation à la hausse durant les deuxième et troisième confinements par la disparition des offres <a href="https://theconversation.com/fr/topics/low-cost-46331">low cost</a> quand persistaient uniquement des offres classiques.</p>
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<p>Mais pourquoi une réduction globale sur la tendance de long terme ? Cela semble d’autant plus étonnant que le reste de l’économie connaissait déjà une certaine inflation fin 2021. En octobre 2021, les <a href="https://www.economist.com/finance-and-economics/american-inflation-global-phenomenon-or-homegrown-headache/21806433">prix étaient 4 % supérieurs</a> à octobre 2019.</p>
<h2>Le low cost, gagnant en deux temps</h2>
<p>Comment l’expliquer ? L’hypothèse d’une demande réduite ne paraît pas totalement satisfaisante. Nous avons donc regardé de plus près l’évolution du ratio entre service low cost et service classique. Cela correspond pour le ferroviaire au binôme Ouigo – Inouï.</p>
<p>Comme précédemment mentionné, en période de confinement, la part de marché du low cost a chuté plus fortement que le reste au point de disparaître au plus fort des mesures sanitaires. Le secteur s’est avéré beaucoup plus sensible aux restrictions. Ce qu’on observe cependant à plus long terme est un changement profond qui concerne les voyages d’affaires. Le phénomène est difficilement mesurable encore, mais l’hypothèse paraît particulièrement crédible avec le développement des visioconférences qui engendrent moins de rencontres physiques.</p>
<p><iframe id="e4ZPh" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/e4ZPh/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Sur les lignes étudiées, on observe que c’est bien le secteur des services classiques qui a perdu en part de marché face au low cost. Dans le ferroviaire, entre le début et la fin de la période, le nombre de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/tgv-52763">TGV</a> Inouï a baissé de 15 % quand celui des Ouigo a augmenté de 30 %. La part du marché du low cost est ainsi passée de 22 à 30 % conduisant mécaniquement les prix vers le bas. Quoique moins marquée, la tendance a été similaire dans l’aérien avec un retour plus rapide de l’offre low cost d’Easyjet (-14 %) en comparaison d’Air France (-38 %) qui continuait de pâtir du manque de la classe affaire.</p>
<p>Dans tous les cas, ces constats mettent en évidence un défi à relever pour la SNCF ou pour Air France. Car au-delà des records annoncés dans le ferroviaire cet été, les modèles économiques sur l’ensemble de l’année reposaient pour beaucoup sur les voyages d’affaires. Avec la dégradation du contexte économique actuelle, c'est même un avis de tempête qui pourrait être émis pour ces acteurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187317/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florent Laroche ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans le ferroviaire, les mesures de restrictions ont d’abord frappé le segment de l'offre à bas prix, qui a ensuite progressé jusqu’à obtenir plus de parts de marché qu’avant la crise sanitaire.Florent Laroche, Maître de conférence en économie, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1703482021-11-15T20:44:54Z2021-11-15T20:44:54ZTransformer la mobilité en France : la quête d’un modèle économique soutenable<p>Transformer la mobilité reste l’un des grands enjeux du XXI<sup>e</sup> siècle, la préservation de l’environnement réclamant une réduction drastique de la pollution et des émissions de gaz à effet de serre (GES).</p>
<p>Or le secteur du transport y contribue largement : en France, il représente <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-du-climat/8-panorama-europeen-des-gaz-a">31 % des émissions de GES</a>, en Europe <a href="https://ree.developpement-durable.gouv.fr/themes/defis-environnementaux/changement-climatique/emissions-de-gaz-a-effet-de-serre/article/les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-du-secteur-des-transports">22 % et 17 % au niveau mondial</a>.</p>
<h2>Une prise de conscience des pouvoirs publics</h2>
<p>Récemment, quelques annonces « chocs » ont rendu incontournables ces questions de mobilité. Paris est devenue, depuis août dernier, une <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/08/30/limiter-la-vitesse-a-30-km-h-en-ville-une-mesure-aux-effets-modestes_6092801_3244.html">vaste « zone à 30 km/h »</a>, confirmant une tendance déjà <a href="https://www.autoplus.fr/actualite/lespagne-passe-toutes-villes-a-30-km-h-513424.html">bien engagée au niveau européen</a>, quand d’autres villes <a href="https://www.capital.fr/auto/deux-nouvelles-grandes-villes-passent-aux-30-kmh-1414351">rejoignent régulièrement le mouvement</a>.</p>
<p>La France a en effet été rappelée à l’ordre en 2019 par la Cour de justice de l’Union européenne, pointant du doigt 12 agglomérations françaises « coupables » d’émettre des taux de dioxyde d’azote (NO2) supérieurs depuis 2010 <a href="https://www.lesechos.fr/politique-societe/gouvernement/pollution-de-lair-la-france-sexpose-a-une-amende-de-100-millions-deuros-1286846">aux seuils autorisés</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1234320867296980994"}"></div></p>
<p>Le législateur français s’est donc emparé, ces dernières années, de la question des transports. Issue des Assises de la mobilité tenues en France en 2017, la loi d’orientation des mobilités (LOM) de 2019 pose, à travers trois piliers, les bases d’une nouvelle mobilité des personnes : investir dans les transports (notamment ferroviaire) ; encourager des solutions alternatives au véhicule individuel ; inciter les particuliers et les collectivités à tendre vers l’objectif de neutralité carbone.</p>
<p>Quant à la stratégie nationale bas carbone (SNBC), dont la dernière version a été adoptée en avril 2020, elle donne des orientations pour atteindre la neutralité carbone en 2050 (ce qu’on appelle aussi « décarbonation ») et réduire <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc">l’empreinte carbone des Français</a>.</p>
<h2>Encore de nombreux « trous dans la raquette »</h2>
<p>Pourtant, alors que la France tente d’imiter certains de ses partenaires européens nettement plus en avance sur <a href="https://www.climate-chance.org/cas-etude/transport-suede-mutation-secteur-automobile-se-precise-fiche-observatoire/">cette transition des transports</a>, le chemin reste long.</p>
<p>Si le plan « vélo et mobilités actives » présenté par le gouvernement en septembre 2018 a pour objectif de tripler la part modale du vélo en France, celle-ci resterait malgré tout à moins de 10 % des déplacements quotidiens <a href="https://www.connaissancedesenergies.org/le-velo-un-avenir-radieux-dans-le-monde-dapres-200518">(contre 30 % au Danemark ou 43 % aux Pays-Bas)</a>.</p>
<p>La France est à la traîne, montrant combien il est difficile de passer du discours aux actes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1389833576892583940"}"></div></p>
<p>Ainsi, malgré un contexte politique et réglementaire qui incite voire contraint à ces évolutions, reste une question : celle de savoir comment emmener tous les acteurs dans cette grande aventure de la transformation de la mobilité et, notamment, comment y faire adhérer les citoyens.</p>
<p>Au-delà des chiffres, ce sont des modes de vie qu’il va falloir faire évoluer. En 2017, 74 % des Français utilisent leur voiture personnelle pour se rendre sur leur lieu de travail ; sur courte distance (inférieure à 5 km), c’est le cas <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5013868">pour 60 % des déplacements</a>.</p>
<p>Parallèlement, sur 80 % du territoire français, aucune solution de transport collectif au quotidien n’est apportée aux habitants, ce qui constitue une source d’inégalités indéniable. Ainsi, 1 Français sur 4 a déjà refusé un emploi faute de moyen pour pouvoir s’y rendre…</p>
<h2>Résistances au changement</h2>
<p>Si le gouvernement joue effectivement son rôle en donnant un cadre sur ce vers quoi doit tendre la mobilité demain, les acteurs publics au niveau local (collectivités) et privés (citoyens, entreprises, investisseurs) se mobilisent eux aussi, conscients qu’il faut accélérer.</p>
<p>Certains territoires s’emparent de la mobilité et tentent de structurer des réponses locales, construites avec les différents acteurs et cohérentes avec les spécificités géographiques, démographiques et économiques du territoire considéré, sur des projets ciblés – de <a href="https://www.letelegramme.fr/cotes-darmor/perros-guirec/pourquoi-la-ville-de-perros-guirec-lance-un-schema-cyclable-20-09-2021-12830208.php">type schéma cyclable</a> – <a href="https://orbimob.org/calendrier-des-evenements/">ou plus généraux</a>. Cela nécessite une bonne articulation, pas si évidente dans les faits, entre l’échelon local et le national.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1082854865355894785"}"></div></p>
<p>Les citoyens restent le plus souvent dans une attitude passive, voire hostile, les résistances au changement étant avérées. Car même s’ils sont bien souvent en attente de solutions alternatives, ils pèsent le pour et le contre : qu’est-ce que je perds, qu’est-ce que je gagne ?</p>
<p>Certes, les motifs de réagir sont nombreux, au premier rang desquels les aspects sanitaires. Des études ont mis en évidence l’impact néfaste de la pollution de l’air, <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/sante-et-environnement/air-exterieur/qualite-de-l-air-exterieur-10984/article/qualite-de-l-air-sources-de-pollution-et-effets-sur-la-sante">avec des effets indirects voire directs sur notre santé</a>.</p>
<p>Passer à des moyens de transport plus propres (véhicules moins polluants) ou à des mobilités douces (marche à pied, vélo…) – lorsque c’est possible – nécessite une prise de conscience forte.</p>
<h2>Retrofit, autopartage, covoiturage…</h2>
<p>On le sait bien : les comportements et les habitudes ne se modifient que si un avantage se dessine dans le rapport entre le bénéfice et le sacrifice. Les nombreux travaux sur le management de l’innovation montrent notamment que la proposition de valeur est centrale dans l’appropriation des nouveautés, au risque d’imaginer des produits ou services en décalage complet avec les <a href="https://www.wiley.com/en-us/Value+Proposition+Design%3A+How+to+Create+Products+and+Services+Customers+Want-p-9781118968055">attentes des utilisateurs</a>.</p>
<p>Innover pour relever le défi de la mobilité, c’est par exemple permettre à chacun de connaître l’empreinte carbone de ses déplacements et la diminuer, disposer d’alternatives grâce à de nouveaux produits et services, repenser une bonne articulation entre transport individuel et collectif, expérimenter les bienfaits des mobilités douces et actives, prendre soin des personnes à mobilité réduite, améliorer le cycle de vie de nos véhicules, développer le recyclage, promouvoir une économie circulaire.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1187327787985756160"}"></div></p>
<p>Certains n’hésitent pas à s’y atteler : « retrofit » <a href="https://www.gouvernement.fr/mettez-un-moteur-electrique-dans-votre-voiture-c-est-le-retrofit">(remplacement d’un moteur thermique par un électrique sur un véhicule d’occasion)</a>, amélioration des batteries, autopartage, covoiturage, verdissement et <a href="https://www.lesechos.fr/thema/flottes-entreprises-tendance-2021/flottes-dentreprise-2021-sera-une-annee-charniere-pour-lelectrification-des-parcs-1302989">optimisation des flottes</a>, etc.</p>
<p>De jeunes entrepreneurs cherchent à décarboner, parfois accompagnés par d’autres, plus expérimentés, qui s’engagent à leurs côtés sur ces projets « à impact ». C’est une manière de favoriser l’émergence d’une nouvelle génération audacieuse et réaliste, pour un cycle vertueux.</p>
<h2>Triple enjeu économique, social et environnemental</h2>
<p>En résumé, ces initiatives nécessitent : une mobilisation des entrepreneurs et des citoyens pour faire émerger l’offre (de produits ou services) et la demande ; une bonne articulation de l’offre de transport à l’échelon local et national ; une coopération publique – privée pour lever ensemble certains <a href="http://annales.org/enjeux-numeriques/2019/en-2019-09/2019-09-15.pdf">freins réglementaires ou financiers par exemple</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1402059190227685377"}"></div></p>
<p>Transformer la mobilité, c’est à la fois un enjeu économique qui passe par l’expérimentation, l’innovation et la recherche de modèles soutenables (car il n’y a pas, par exemple, de transport « gratuit », hormis parfois <a href="http://www.obs-transport-gratuit.fr/les-villes-du-transport-gratuit-163/gratuite-pour-la-grande-majorite-des-usagers-5094/">pour l’usager</a>).</p>
<p>C’est aussi un enjeu social et sociétal, dans lequel la participation citoyenne a toute sa place. C’est enfin, évidemment, un enjeu environnemental fort, pour la préservation de notre cadre de vie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/170348/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Avec le soutien financier du "Programme d’Investissements d’Avenir »</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>avec le soutien financier du Programme d'Investissements d'Avenir (PIA)</span></em></p>Si les pouvoirs publics impulsent un mouvement, de nombreux freins à l’adhésion des citoyens existent encore. L’innovation et la coopération peuvent venir à bout de ces résistances.Anne Albert-Cromarias, Enseignant-chercheur HDR, management stratégique, ESC Clermont Business SchoolFlorence Puiseux, Enseignante, responsable du MSc « Transforming Mobility », ESC Clermont Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1584652021-05-03T18:26:23Z2021-05-03T18:26:23ZLoi d’orientation des mobilités : une réforme en trompe-l’œil pour les zones rurales<p>Les enjeux de mobilité durable dans les zones peu denses ont été jusqu’à aujourd’hui relativement peu traités dans le débat public français et européen. On sait pourtant la prégnance de ces problématiques dans les <a href="https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/BRIE/2017/599333/EPRS_BRI(2017)599333_EN.pdf">inégalités territoriales</a> et dans la lutte contre le changement climatique.</p>
<p>Le secteur du transport est en effet le principal émetteur de CO<sub>2</sub>, plus de la moitié des émissions étant imputables aux <a href="https://www.ademe.fr/expertises/mobilite-transports/chiffres-cles-observations/chiffres-cles">véhicules individuels</a>. Or, la raréfaction des emplois, des services et des équipements dans les espaces ruraux s’est accompagnée d’un besoin accru de mobilité qui a conduit à une véritable <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01991112/file/Preprint_Flux-111-Entretien_GDupuy.pdf">dépendance automobile</a>.</p>
<p>Mais en zone rurale, les décideurs politiques locaux se sentent particulièrement dépourvus d’outils pour s’emparer de ces enjeux, le déploiement de politiques de mobilité étant réservé aux agglomérations.</p>
<p>La <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/loi-dorientation-des-mobilites">loi d’orientation des mobilités de 2019</a> entend modifier cet état de fait, en offrant la possibilité aux communautés de communes rurales de se saisir de la « compétence mobilité », c’est-à-dire de pouvoir organiser les déplacements internes à leur périmètre, en particulier les mobilités <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/670953/lom-tout-savoir-sur-la-nouvelle-competence-mobilite/">actives, partagées et solidaires</a>.</p>
<p>Les intercommunalités avaient jusqu’au 31 mars pour délibérer sur cette prise de compétence, qui est aujourd’hui soumise au vote des communes.</p>
<h2>La ruralité, oubliée des politiques de mobilité</h2>
<p>En 1982, l’exercice de la compétence « transports » <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000319738/">est divisé</a> entre le « transport urbain » – du ressort des communes ou communautés de communes urbaines – et le « transport interurbain et scolaire » – du ressort des départements. La gestion des lignes de chemin de fer régionales, de son côté, est confiée aux régions en 2000 par la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGITEXT000005630252/">loi SRU</a>.</p>
<p>Chacune de ces entités reçoit alors le statut d’autorité organisatrice des transports – AOT, <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/436084/le-point-sur-les-nouvelles-autorites-organisatrices-de-la-mobilite/">transformée en 2014 en AOM</a>, autorité organisatrice des mobilités – c’est-à-dire qu’elle est habilitée à organiser les déplacements réguliers sur son territoire.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1082854865355894785"}"></div></p>
<p>Dans cette structuration des autorités de transport autour des villes, la notion de ruralité demeure totalement absente : on ne les désigne que comme des « territoires interurbains », des interstices dans lesquels l’offre de transport est souvent limitée aux grands axes reliant les villes entre elles.</p>
<p>Alors que les agglomérations voient leurs pouvoirs augmenter avec la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000028526298/">loi Maptam</a>, les territoires ruraux subissent quant à eux un éloignement progressif des autorités organisatrices de la mobilité : en 2015, la <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/20721-loi-notre-loi-du-7-aout-2015-nouvelle-organisation-territoriale-de-la">loi NOTRe</a> transfère l’organisation du transport scolaire aux régions, puis en 2017 celle du transport interurbain par autocars.</p>
<p>La région devient alors de fait l’autorité gérant les mobilités pour l’ensemble des zones extra-urbaines sur son territoire.</p>
<h2>Entre millefeuille institutionnel et innovation</h2>
<p>Malgré l’absence de compétences spécifiques locales, l’État et l’Union européenne ont en parallèle fortement encouragé au cours des cinq dernières années le développement d’expérimentations de solutions de mobilité en milieu rural.</p>
<p>Les collectivités ont ainsi développé des projets d’altermobilités par le biais d’autres compétences. Des navettes solidaires ont été mises en place via des compétences <a href="https://www.valleesduhautanjou.fr/solidarite-cias/transport-solidaire/">sociales</a>, l’aménagement des pistes cyclables relève souvent du <a href="https://www.cc-sudvendeelittoral.fr/tourisme/pistes-cyclables/">tourisme</a>, tandis que des flottes de vélos à assistance électrique ont pu être développées par des services <a href="https://www.cc-trieves.fr/services-aux-habitants/tepos-cv/transports-et-deplacements-2/818-les-velos-electriques-reprennent-la-route">énergie</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1232104455576997894"}"></div></p>
<p>Ces politiques de mobilité menées par les collectivités locales ont dans ce contexte souvent souffert d’un défaut de cohérence globale dû aux enjeux, aux objectifs et aux problématiques divergentes des différentes compétences, et à l’absence de ressources humaines dédiées. Les personnes en charge de ces enjeux dans les intercommunalités assument souvent une multitude d’autres tâches en parallèle et doivent faire face à la complexité technique du sujet, la multiplicité et l’éloignement des interlocuteurs.</p>
<p>Outre les financeurs de ces services, qui sont souvent pluriels (l’Ademe, l’Union européenne, le département, l’État, les certificats d’économie d’énergie…), les intercommunalités doivent également négocier leurs actions avec des interlocuteurs multiples.</p>
<p>C’est par exemple le cas de la région, qui gère les lignes de chemin de fer et coordonne l’offre de mobilité sur le territoire ; du département, qui est en charge de la sécurisation de la voirie et des routes départementales (en particulier en ce qui concerne les aires de covoiturage et d’autostop ainsi que les aménagements cyclables) ; des communes, qui gèrent la grande majorité des routes ; ou des différentes divisions de la SNCF (SNCF Voyageurs, SNCF Réseau, SNCF Gares et connexions)… Bref, un véritable millefeuille institutionnel.</p>
<h2>L’émergence de nouveaux acteurs</h2>
<p>Du côté du secteur associatif, ce sont historiquement les acteurs de l’<a href="https://www.cairn.info/revue-pour-2011-1-page-147.htm">insertion</a> qui ont principalement pris en charge la problématique de la mobilité quotidienne dans les territoires ruraux, en accompagnant les publics ayant des difficultés d’accès à l’automobile pour leur proposer des solutions alternatives – en particulier les jeunes, les précaires, les personnes âgées et en situation de handicap. De même, c’est plutôt le tourisme qui a soutenu le développement du vélo.</p>
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<figcaption><span class="caption">Rezo Pouce – Des trajets du quotidien entre voisin·e·s (Rezo Pouce, 12 octobre 2020).</span></figcaption>
</figure>
<p>Au cours des 10 dernières années, de nouveaux acteurs ont toutefois émergé pour se saisir à leur tour de ces enjeux, cette fois sous l’angle de l’aménagement et du développement durable.</p>
<p>Des initiatives encourageant la cyclabilité des territoires ruraux sont nées dans les <a href="https://www.velo-territoires.org/">campagnes françaises</a>. Des associations comme <a href="https://www.rezopouce.fr/">Rézopouce</a> ont essaimé des expériences d’autostop sécurisé. Des organisations locales pour la promotion de <a href="https://dromolib.fr/">l’écomobilité</a> se sont constituées.</p>
<p>Ces mouvements ont assuré un rôle de plaidoyer auprès des autorités, apporté leur expertise aux collectivités et les ont accompagnées dans leurs projets. Les plus professionnalisées d’entre elles sont venues combler le déficit d’ingénierie territoriale pour prendre en charge cet enjeu.</p>
<p>Mais en l’absence d’autorité organisatrice locale, elles sont restées peu coordonnées, et soumises aux aléas des financements octroyés par le biais d’appels à projets.</p>
<h2>Des régions récalcitrantes</h2>
<p>La crise climatique, la crise des « gilets jaunes », puis la crise sanitaire due au Covid-19 ont toutes trois mis en lumière <a href="https://theconversation.com/dependance-a-la-voiture-en-zone-rurale-quelles-solutions-109016">l’enjeu des mobilités quotidiennes</a> sur les territoires périurbains et ruraux, générant une prise de conscience chez les élus locaux sur cette question.</p>
<p>Mais les discussions qui entourent la prise de compétence mobilité par les intercommunalités rurales révèlent aussi d’autres enjeux politiques.</p>
<p>Résistant à la <a href="https://www.mdpi.com/2071-1050/13/4/2189">décentralisation de cette compétence</a>, qui affaiblit leur contrôle sur l’organisation régionale des transports, certaines régions ont encouragé les communautés de communes rurales à la refuser. Leur ambition étant de faire du transport la vitrine de leur action sur les territoires, et de renforcer ainsi le pouvoir politique qu’elles ont acquis sur les départements au moment de la loi NOTRe. Quitte à s’inscrire en porte-à-faux avec l’État qui cherche de son côté à accroître le pouvoir des intercommunalités.</p>
<h2>Aucun financement pérenne dédié</h2>
<p>Pour les communautés de communes, l’enjeu est de gagner en autonomie et d’accroître leur pouvoir décisionnaire vis-à-vis de la région. La loi prévoit en effet que toutes les intercommunalités qui se saisiront de cette compétence devront obligatoirement être consultées sur les décisions impactant leur territoire et ce, dans le cadre d’un comité de partenaires, institué à l’échelle d’un bassin de mobilité local.</p>
<p>Il s’agit aussi d’une quête de reconnaissance et de légitimité vis-à-vis des autres échelons territoriaux (commune, département, région) pour ces entités politiques relativement <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Communaut%C3%A9_de_communes">récentes</a>.</p>
<p>De même, pour les acteurs locaux, comme les <a href="https://www.federation-flame.org/les-alec-en-france/quest-ce-quune-alec/">agences locales de l’énergie et du climat</a>, qui ont accompagné de nombreux projets en matière d’altermobilité, cette prise de compétence mobilité sera l’occasion de pérenniser et de développer leur action.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1295237592745758720"}"></div></p>
<p>Mais organiser des services de mobilité a un coût, et la loi d’orientation des mobilités ne prévoit aucun financement pérenne pour ceux-ci. De nombreux élus craignent donc de devoir porter devant leurs administrés la responsabilité d’une politique de mobilité qu’on ne leur donne pas les moyens de mettre en place.</p>
<p>L’absence d’autonomie dans le financement de leurs potentielles politiques de mobilité rend ainsi les élus locaux vulnérables à l’intimidation. Les élus et techniciens se retrouvent pris en étau entre la région et l’État, et le contexte préélectoral raidit d’autant plus le jeu politique.</p>
<h2>Un enjeu très politique</h2>
<p>Les discussions qui ont entouré la prise de compétence mobilité par les communautés de communes rurales ont révélé la diversité des parties prenantes et les stratégies des différents acteurs pour défendre leurs intérêts, y compris parfois au sein même des instances intercommunautaires. Ces ambitions distinctes et parfois antagonistes ont généré des tensions multiples entre autorités théoriquement complémentaires, qui se révèlent concurrentes et cherchent à rendre visible leur action de proximité.</p>
<p>De même, si les associations ont plutôt tendance à défendre des objectifs communs, elles sont souvent mises en concurrence pour l’accès aux financements et aux instances de concertation.</p>
<p>Ce contexte pose également la question de l’échelle territoriale pertinente pour mener des politiques de mobilité en ruralité.</p>
<p>Certes, la communauté de communes paraît l’échelon administratif le plus pertinent pour prendre en compte les spécificités locales tout en dépassant les intérêts strictement communaux. Mais leur constitution résulte souvent de jeux d’alliances politiques et ne constitue pas toujours une entité géographique <a href="https://www.cairn.info/revue-l-information-geographique-2008-4-page-56.htm?contenu=article#no19">cohérente</a> du point de vue de la mobilité quotidienne.</p>
<h2>Le risque de creuser les inégalités entre territoires</h2>
<p>Enfin, l’adoption de la compétence mobilité par les communautés de communes rurales met indirectement en jeu les habitants de ces territoires. Absents des débats, ils sont souvent enjoints à faire preuve de <a href="https://journals.openedition.org/vertigo/9179">« responsabilité »</a> et « d’auto-organisation » pour dépasser le problème de la dépendance automobile.</p>
<p>Ce choix pose question quant au rôle de l’État comme garant de l’égalité des territoires, inégalement dotés en ressources d’ingénierie. Il tend à répéter à l’intérieur des territoires ruraux des inégalités entre zones denses et zones peu denses, jugées trop coûteuses à équiper au regard du nombre potentiel d’usagers.</p>
<p>En incitant les intercommunalités à prendre la compétence mobilité sans garantir de financement durable associé, la nouvelle loi limite donc fortement leur marge d’action.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/158465/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Madeleine Sallustio a reçu des financements de l’Ademe.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Aurore Flipo a reçu des financements de l’Ademe.</span></em></p>La loi d’orientation des mobilités octroie aux communautés de commune rurales une compétence mobilité… mais aucun financement alloué.Madeleine Sallustio, Post-doctorante en anthropologie, laboratoire Pacte, Université Grenoble Alpes (UGA)Aurore Flipo, Sociologue, ENTPELicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1407802020-06-23T20:50:16Z2020-06-23T20:50:16ZLe covoiturage peut-il se remettre du confinement ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/342193/original/file-20200616-23221-1shkh43.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C262%2C1666%2C1059&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Depuis le 11 mai, le covoiturage est officiellement autorisé dans des conditions sanitaires strictes.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/boy-girl-wear-protective-sterile-medical-1688934976">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Depuis le début du confinement, la <a href="https://moovitapp.com/insights/en/Moovit_Insights_Public_Transit_Index-countries">fréquentation des transports en commun</a> a connu une chute libre et reprend désormais très progressivement. Les modes de déplacement individuels (véhicules personnels, vélos, marche à pied) demeurent largement privilégiés aux transports collectifs (covoiturage, taxi, transports en commun), pour des raisons sanitaires évidentes.</p>
<p>Le recours au covoiturage – entendu <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/covoiturage-informations-connaitre">selon la définition</a> du ministère de la Transition écologique et solidaire pour désigner des trajets fondés sur le principe de partage des frais, avec des conducteurs non professionnels – a brusquement été stoppé. Le <a href="https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/trajets-realises-en-covoiturage-registre-de-preuve-de-covoiturage/">registre de preuve de covoiturage</a>, une initiative de <em>l’open data</em> du gouvernement, recense 402 120 mises en relation en février 2020 sur une dizaine de plates-formes partenaires, majoritairement pour le covoiturage au quotidien – un chiffre qui est descendu à 242 833 en mars et a atteint 34 087 en avril. Malgré le déconfinement partiel, le nombre de covoitureurs n’est remonté en mai qu’à 73 987, encore loin de leur niveau habituel.</p>
<p>Malgré de nombreuses mises en relation, le covoiturage reste une pratique marginale. 70 % des déplacements domicile-travail sont réalisés avec des véhicules individuels, seulement <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/covoiturage-informations-connaitre">3 % en covoiturage</a>. Pour les trajets domicile-travail, chaque véhicule ne transporte en <a href="https://beta.gouv.fr/start-up/preuve-de-covoiturage.html">moyenne que 1,08 personne</a>. Les conditions sanitaires encouragent d’autant plus « l’autosolisme ».</p>
<p>Pour autant, le covoiturage n’est pas le mode de transport qui suscite le plus d’inquiétudes. Un <a href="https://mobilite.karos.fr/hubfs/Presse/Synthese_etude.pdf">sondage récent initié par Karos</a>, une plate-forme de covoiturage de courte distance, montre surtout une chute de 25 % des intentions d’utilisation des transports en commun. Ce volume est absorbé par une faible hausse de l’usage de la voiture (+6 %) et de la marche à pied (+10 %), mais surtout par une explosion du déplacement à vélo ou à trottinette (+54 %). L’appétence vis-à-vis du covoiturage n’a pas évolué avec le confinement.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/342411/original/file-20200617-94036-930kbv.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/342411/original/file-20200617-94036-930kbv.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/342411/original/file-20200617-94036-930kbv.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=408&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/342411/original/file-20200617-94036-930kbv.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=408&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/342411/original/file-20200617-94036-930kbv.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=408&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/342411/original/file-20200617-94036-930kbv.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=513&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/342411/original/file-20200617-94036-930kbv.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=513&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/342411/original/file-20200617-94036-930kbv.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=513&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Mode de transport privilégié avant et après le confinement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sondage de Karos</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une <a href="https://www.csa.eu/fr/survey/etude-transports-et-mobilite">autre enquête de l’institut CSA</a> sur un échantillon représentatif de la population française adulte révèle que 22 % des utilisateurs habituels des transports en commun ne comptent pas y revenir malgré le déconfinement. Ils préfèrent des modes alternatifs comme la voiture (70 % de sondés l’ont cité), la marche (49 % des sondés) et le vélo (39 % des sondés).</p>
<p>À court terme donc, le covoiturage ne semble ni gagnant ni perdant. Les habitués l’utiliseront encore mais il n’attirera probablement pas de nouveaux adeptes.</p>
<p>Il est par ailleurs trop tôt pour prédire une augmentation persistante de l’autosolisme. Pendant le confinement, la réduction du trafic nous a fait bénéficier <a href="https://atmo-france.org/la-qualite-de-lair-dans-votre-region/">d’une qualité de l’air améliorée</a> dans l’ensemble de la France, notamment en matière de dioxyde d’azote, polluant local essentiellement émis par le trafic routier.</p>
<p>En Île-de-France, sa présence dans l’air a baissé de 20 à 35 % selon les semaines et jusqu’à 50 % en bordure des axes routiers du 17 mars au 11 mai, <a href="https://www.airparif.asso.fr/actualite/detail/id/282">selon Airparif</a>. Malgré un retour temporaire à l’autosolisme pour des raisons sanitaires, la période pourrait remettre en question à long terme nos modes de déplacement.</p>
<p>Les études montrent que la <a href="https://www.researchgate.net/publication/32138286_Changes_in_Drivers%27_Perceptions_and_Use_of_Public_Transport_during_a_Freeway_Closure_Effects_of_Temporary_Structural_Change_on_Cooperation_in_a_Real-Life_Social_Dilemma">perception</a> et <a href="https://ntnuopen.ntnu.no/ntnu-xmlui/bitstream/handle/11250/2392913/Kl%C3%B6ckner_2004b.pdf">l’utilisation</a> d’un mode du transport sont susceptibles d’évoluer à l’issue d’un évènement important dans la vie. Si les entreprises et les autorités organisatrices de la mobilité (AOMs) saisissent l’opportunité pour créer une culture sociale favorable au covoiturage, par exemple, par une campagne de sensibilisation du forfait mobilités durables, ou par une facilitation de la mise en service du covoiturage, ce mode de transport aura des chances de persister sur le long terme.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1187327787985756160"}"></div></p>
<h2>Quels soutiens au covoiturage ?</h2>
<p>Le covoiturage n’a pas officiellement été interdit pendant le confinement et a été explicitement autorisé dès la mise en œuvre du déconfinement, <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/faq-covid-19-transports-et-deconfinement">dans certaines limites</a> : 1 passager hors foyer maximum dans la voiture, le port d’un masque obligatoire pour les personnes de plus de 11 ans, une distance entre chaque passager à respecter et une aération régulière recommandée.</p>
<p>Depuis quelques années, la France développe progressivement une politique plus favorable aux modes de transport partagés et actifs, notamment le covoiturage. La <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/loi-dorientation-des-mobilites">Loi d’orientation des mobilités (LOM) votée en 2019</a> renforce les soutiens politiques et financiers à ces derniers.</p>
<p>La crise a notamment accéléré la mise en place du forfait mobilité durable, inclus dans la LOM. Accessible depuis le 10 mai, il permet aux entreprises de rembourser <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sortie-du-confinement-forfait-mobilites-durables-qui-permet-jusqua-400-euros-prise-en-charge-des">jusqu’à 400 euros par an et par salarié</a> pour l’usage de modes de transports plus propres et moins coûteux tels que le vélo ou le covoiturage, exonérés d’impôt et de cotisations sociales. Les voies sur des tronçons de l’A1 et de l’A6A en Île-de-France, habituellement réservées aux transports en commun et aux taxis, sont ouverts depuis le 11 mai <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/elisabeth-borne-et-jean-baptiste-djebbari-annoncent-louverture-des-11-mai-2-voies-reservees-au">aux covoiturages d’au moins deux personnes</a>.</p>
<h2>Plateformes de covoiturage à l’épreuve de la crise</h2>
<p>Si les passagers et les conducteurs gardent l’esprit ouvert au covoiturage et que des incitations encouragent son usage, la fragilité financière des plates-formes constitue une menace sérieuse.</p>
<p>Pour la plupart d’entre elles, la commission prélevée pour la mise en relation – lorsqu’il y en a une – est insuffisante pour atteindre la rentabilité. Leurs principales sources de financement proviennent de subventions et de contrats avec des collectivités et des grandes entreprises.</p>
<p>Beaucoup d’acteurs sont d’ailleurs des start-up, en concurrence accrue les unes avec les autres surtout sur le covoiturage au quotidien. Même pour le géant du marché, BlaBlaCar, la <a href="https://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/blablacar-ne-sera-pas-rentable-cette-annee-explique-son-patron-frederic-mazella-1814573.html">rentabilité demeure un défi</a>. Pendant le confinement, l’entreprise a arrêté ses autocars et déconseillé le covoiturage, provoquant une <a href="https://www.maddyness.com/2020/04/16/blablacar-application-entraide/">chute de son activité de 98 %</a>.</p>
<p>Cela peut paraître anodin, mais il est essentiel pour ces sociétés de maintenir le lien avec la communauté d’utilisateurs, qui contribueront à redynamiser le service après la crise et encourageront de nouveaux usagers. Le covoiturage bénéficie d’un effet de réseau : plus large est la base d’utilisateurs, plus facile est la mise en relation. En zone périurbaine et rurale, ces services dépendent tout particulièrement de la dynamique du groupe.</p>
<p>De nombreuses pistes peuvent être testées selon la nature du service : des mails de bienveillance, des apéritifs virtuels, des gestes de solidarité pour le territoire, des contenus plus dédiés au fond…</p>
<p>En banlieue lyonnaise, un service de covoiturage quotidien, LANE, a utilisé pendant le confinement ses panneaux d’information, initialement conçus pour afficher les demandes de covoiturage au bord de la route, afin de diffuser des messages de soutien écrits par les utilisateurs. De son côté, BlaBlaCar a lancé un hackathon et crée BlaBlaHelp, une application favorisant l’entraide entre voisins pour les déplacements de première nécessité.</p>
<p>Bien sûr, l’impact réel de ces initiatives est probablement limité : combien de personnes soignantes ont vu et ont été encouragées par ces messages ? Combien de personnes ont besoin d’utiliser Blablahelp pour faire leurs courses ? L’intérêt est essentiellement symbolique, il s’agit de nouer des liens entre les utilisateurs et de renforcer la notion de communauté.</p>
<h2>Faciliter le retour du service</h2>
<p>Aider les covoitureurs à respecter scrupuleusement les consignes sanitaires dénote une attention aux utilisateurs et une capacité d’organisation, et nourrit la confiance des usagers. Les principaux acteurs ont rapidement réagi pour adapter leurs sites en fonction de la situation réelle.</p>
<p>Bénéficier d’un accompagnement personnalisé via l’assistance téléphonique, les mails et les réseaux sociaux devient d’autant plus crucial en cette période. Certains services de covoiturage, comme <a href="https://lanemove.com/2020/05/15/le-covoiturage-avec-lane-cest-reparti/">LANE</a>, fournissent les produits d’hygiène aux utilisateurs.</p>
<p>Chaque crise contient une opportunité. Sur les transports, l’incertitude demeure. La tension du trafic pendant les « heures de pointe » disparaîtra-t-elle grâce à une extension du télétravail ? On observe déjà que <a href="https://www.waze.com/fr/covid19">l’utilisation des véhicules à Paris est quasiment revenue à normal</a> le 15 juin, mais les chiffres doivent être pris en précaution avec une préférence actuelle à l’autosolisme. De nouveaux aménagements urbains encourageront-ils les modes de transport actifs ? Notre mode de vie sera probablement bouleversé par nos expériences pendant la crise, et le covoiturage pourrait jouer un rôle pour construire un système de transport plus efficace, plus sécurisé et moins polluant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/140780/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dianzhuo Zhu a collaboré avec Ecov (société de covoiturage au quotidien) dans le cadre de contrat de thèse CIFRE. Le contrat est terminé lors de la rédaction de l'article. Les opinions exprimées sont celles de son auteur et ne reflètent pas les intérêts des tierces parties.</span></em></p>La crise remodèlera à plus long terme nos choix en matière de transport. Les plates-formes de covoiturage, malgré leur fragilité, pourraient en sortir renforcées.Dianzhuo Zhu, Docteure, chercheuse associée, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1241222019-10-23T19:55:15Z2019-10-23T19:55:15ZÀ quelles conditions le covoiturage sera-t-il un mode de transport durable ?<p>Le Parlement examine actuellement le projet de <a href="https://www.journaldunet.com/mobilites/">loi d’orientation des mobilités</a>, dont l’un des grands axes est le développement <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/lom_mesures_cles_2019_v2.pdf">des nouvelles solutions de mobilité</a>, et notamment du covoiturage.</p>
<p>En réduisant l’autosolisme – le fait de se déplacer seul dans sa voiture –, le partage de trajets est censé réduire le nombre de véhicules en circulation, et par conséquent la congestion, la pollution et les émissions de gaz à effet de serre. Il permettrait également de diminuer le budget déplacement des ménages – grâce au partage des frais entre covoitureurs – et fournirait enfin une solution de transport supplémentaire pour les individus non motorisés.</p>
<p>Alors que le covoiturage est aujourd’hui largement promu comme un mode de transport écologique, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959652615003625?via%3Dihub">plusieurs études</a> ont alerté sur le risque de possibles <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_rebond_(%C3%A9conomie)">« effets rebonds »</a> : c’est-à-dire des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0967070X11000461">changements de comportements</a> des individus liés au développement du covoiturage, qui <a href="https://journals.openedition.org/netcom/1905">atténueraient fortement</a> la réduction espérée du trafic automobile et des <a href="http://temis.documentation.developpement-durable.gouv.fr/docs/Temis/0084/Temis-0084251/22478.pdf">émissions de gaz</a> à effet de serre.</p>
<p>Quelles sont les mesures inscrites dans le projet de loi en faveur du covoiturage ? Quels sont les « effets rebonds » du covoiturage et à quelles conditions contribuera-t-il efficacement à la réduction des émissions fixée ?</p>
<p>Pour répondre à ces questions, nous nous appuyons sur deux travaux de recherche, l’un <a href="https://pastel.archives-ouvertes.fr/tel-02066266/">analysant les politiques publiques de covoiturage</a>, le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1361920918303201">second évaluant l’effet de plusieurs scénarios</a> de développement du covoiturage sur le trafic routier et les émissions de gaz à effet de serre associées en Île-de-France.</p>
<h2>Le covoiturage courte-distance, une pratique marginale</h2>
<p>Si l’on parle beaucoup du covoiturage dans les médias aujourd’hui, cette pratique est en réalité en décroissance <a href="https://escholarship.org/uc/item/7jx6z631">quasi continue depuis les années 1970</a>.</p>
<p>En France, le taux d’occupation des véhicules a ainsi baissé de 1,78 à 1,58 passager par véhicule en moyenne de 1990 à 2016, contribuant à la hausse du trafic routier, et donc de la consommation énergétique des voitures et des émissions de gaz à effet de serre associés. Le constat est encore plus marqué pour la mobilité du quotidien : aujourd’hui seuls <a href="https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/etude_nationale_covoiturage_courte_distance-leviers_action_et_benchmark.pdf">3 % des déplacements domicile-travail</a> sont réalisés en covoiturage.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1082854865355894785"}"></div></p>
<p>La pratique du covoiturage au quotidien implique en effet des contraintes d’organisation et des pertes de temps (liées aux détours et possibles attentes pour récupérer les covoitureurs). Sur longue distance, ces contraintes sont contrebalancées par les gains financiers <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01745910/">liés au partage des frais</a>, contribuant au <a href="https://www.lejdd.fr/Economie/Entreprises/BlaBlaCar-un-succes-qui-s-exporte-778607">succès mondial du service BlaBlaCar</a>.</p>
<p>En revanche, la distance des déplacements du quotidien est en moyenne assez faible : en Île-de-France, 65 % de l’ensemble des déplacements sont inférieurs à 3 km, et seuls 14 % ont une portée supérieure à 10 km. Pour la voiture particulière, les distances réalisées sont en moyenne de l’ordre de 10 km, et seulement 12 % des déplacements automobiles ont une <a href="http://temis.documentation.developpement-durable.gouv.fr/document.html?id=Temis-0066670">portée supérieure à 16 km</a>, les économies réalisées grâce au covoiturage sur ces petits trajets ne viennent que rarement compenser les contraintes d’organisation et le temps de déplacement supplémentaire pour le conducteur (voire les passagers).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/297325/original/file-20191016-98644-1e9aiza.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/297325/original/file-20191016-98644-1e9aiza.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/297325/original/file-20191016-98644-1e9aiza.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/297325/original/file-20191016-98644-1e9aiza.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/297325/original/file-20191016-98644-1e9aiza.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/297325/original/file-20191016-98644-1e9aiza.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=530&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/297325/original/file-20191016-98644-1e9aiza.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=530&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/297325/original/file-20191016-98644-1e9aiza.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=530&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Consommation d’énergie liée aux voitures et facteurs d’évolution.</span>
<span class="attribution"><span class="source">CGDD, 2018</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un forfait mobilité durable</h2>
<p><a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/lom_mesures_cles_2019_v2.pdf">Le projet de loi d’orientation des mobilités</a> propose plusieurs mesures visant à subventionner financièrement les individus qui covoiturent, afin de réduire l’écart entre les contraintes et les gains financiers liés à la pratique.</p>
<p>Les autorités organisatrices de mobilité (AOM) seront désormais autorisées à subventionner les déplacements réalisés en covoiturage, à raison de deux trajets par jour et à un montant qu’elles sont libres de fixer. Les conducteurs pourront également être aidés sur les déplacements pour lesquels ils n’ont trouvé aucun passager. L’objectif est de les inciter à proposer systématiquement leurs sièges libres afin de créer une offre suffisante.</p>
<p>Par ailleurs, les entreprises auront la possibilité de verser un « forfait mobilités durables » à leurs employés réalisant leur déplacement domicile-travail en covoiturage ou à vélo, s’élevant à 400 euros par an, sans la moindre charge pour l’entreprise. Ce forfait pourra être cumulé avec le remboursement obligatoire d’une partie de l’abonnement de transports et des frais kilométriques en voiture. Ce qui permet aux usagers d’alterner selon les jours entre covoiturage et transports en commun, sans qu’ils aient à renoncer à l’une ou l’autre des aides à la mobilité.</p>
<p>On peut enfin noter que les collectivités seront autorisées à réserver des voies aux covoiturages à certaines heures, selon le niveau de congestion.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/297327/original/file-20191016-98644-c9y1zz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/297327/original/file-20191016-98644-c9y1zz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/297327/original/file-20191016-98644-c9y1zz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=468&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/297327/original/file-20191016-98644-c9y1zz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=468&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/297327/original/file-20191016-98644-c9y1zz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=468&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/297327/original/file-20191016-98644-c9y1zz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=588&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/297327/original/file-20191016-98644-c9y1zz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=588&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/297327/original/file-20191016-98644-c9y1zz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=588&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Réduction des émissions de CO₂ et effets rebonds dans le cas d’un scénario de covoiturage volontariste (hausse de 25 % du taux d’occupation moyen des véhicules en Île-de-France).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Viguié et Coulombel, à partir de Coulombel et al. (2019)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Le risque, plus de trafic et d’inégalités sociales</h2>
<p>Ces mesures en faveur du covoiturage entendent à la fois accroître l’offre de mobilité et réduire l’impact du trafic automobile sur l’environnement. Seulement, ces deux objectifs se heurtent à des tensions contradictoires, comme le révèlent des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1361920918303201">travaux de recherche</a> menés par le LVMT (Laboratoire Ville Mobilité Transport) et le CIRED (Centre International de Recherche sur l’Environnement et le Développement). Ils ont permis de modéliser l’impact du développement du covoiturage en Île-de-France sur les pratiques de mobilité, le trafic routier et les émissions de gaz à effet de serre associées.</p>
<p>Parce que le covoiturage réduit à la fois le coût (partage des frais) et le temps (via la baisse de la congestion) des déplacements en voiture, il génère divers « effets rebonds » atténuant fortement la baisse espérée de l’usage de la voiture. La modélisation met ainsi en évidence que le développement du covoiturage est susceptible d’entraîner un report modal depuis les transports collectifs et les modes doux (marche, vélo…) vers la voiture, ainsi qu’un allongement des distances parcourues en voiture. L’ampleur de ces effets rebonds est telle qu’ils atténueraient de 50 à 75 % les bénéfices environnementaux initialement attendus du développement de covoiturage (en termes de réduction des émissions de CO<sub>2</sub>), en grande partie à cause de ce report.</p>
<p>Par ailleurs, en réduisant le coût du déplacement en voiture, le covoiturage peut inciter les ménages, a fortiori les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0967070X17302871">moins aisés</a>, à résider plus loin des centres d’emploi pour pouvoir bénéficier de prix immobiliers plus faibles. En définitive, son développement pourrait ainsi renforcer les phénomènes d’étalement urbain et de périurbanisation, et par conséquent la dépendance automobile de <a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2006-3-page-198.htm">ménages le plus souvent modestes</a>.</p>
<h2>Comment endiguer les effets rebonds ?</h2>
<p>Diverses mesures d’accompagnement peuvent être mises en place pour accroître l’efficacité des politiques de promotion du covoiturage en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Trois mesures d’accompagnement sont testées dans l’étude : l’amélioration de l’offre de transport en commun (à travers la mise en place du <a href="https://www.societedugrandparis.fr/">Grand Paris Express</a>), la réduction de la capacité routière et l’augmentation du coût d’usage de la voiture.</p>
<p>La modélisation révèle qu’accompagner des politiques de covoiturage par une amélioration de l’offre de transports en commun s’avérerait contreproductif du point de vue de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, les deux mesures se concurrençant l’une l’autre pour attirer des usagers. À l’inverse, une réduction de la capacité routière avec par exemple conversion de voies routières en voies dédiées aux transports en commun, aux voitures partagées ou aux modes doux présenterait des synergies fortes avec le covoiturage car elle limiterait les effets rebonds associés à la réduction de la congestion.</p>
<p>Cela est d’ailleurs envisagé dans les travaux de la consultation internationale <a href="http://www.routesdufutur-grandparis.fr/">« Routes du futur du Grand Paris »</a> sur le devenir des principales routes et autoroutes en Île-de-France, actuellement exposés au Pavillon de l’Arsenal. <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01328814/document">Renforcer les limitations de vitesse</a> constituerait une autre manière de limiter les effets rebonds en augmentant le coût (temporel) d’usage de l’automobile, sans toucher au budget des ménages.</p>
<p>Le covoiturage urbain ne pourra par conséquent se traduire par une baisse significative des émissions de CO<sub>2</sub> qu’à condition que des mesures d’accompagnement soient adoptées pour en limiter les effets rebonds. Ce n’est qu’à cette condition qu’il représenterait une réelle solution de mobilité durable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124122/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Coulombel a reçu des financements de la Chaire Vinci-ParisTech "Eco-conception des ensembles bâtis et des infrastructures". </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Teddy Delaunay receives funding from Région Île-de-France and as a freelance consultant from ECOV (carpooling startup). He is affiliated with CODATU as a project manager. </span></em></p>Le covoiturage contribuera à la baisse des émissions de CO₂ à certaines conditions seulement.Nicolas Coulombel, Chercheur en économie des transports, École des Ponts ParisTech (ENPC)Teddy Delaunay, Researcher in Urban Planning and Mobility Services , École des Ponts ParisTech (ENPC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1109472019-02-06T22:57:34Z2019-02-06T22:57:34ZLa mobilité ne vaut que si elle est partagée : Wimoov, l’autonomie pour tous<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/256690/original/file-20190131-75085-6vd1zd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Wimoov photo plateforme</span> </figcaption></figure><p><em><strong>Les succès de BlaBlaCar ou Uber pourraient laisser penser que les problèmes de mobilité ont désormais trouvé leur solution. Pourtant ces plates-formes sont loin de résoudre tous les besoins et d’autres acteurs méritent d’être connus.</strong></em></p>
<p>Les nouvelles mobilités façonnent l’actualité : Uber et les taxis, BlaBlaCar et la SNCF, Tesla et les voitures autonomes. Les constructeurs automobiles et les plates-formes numériques s’activent pour redessiner le futur de la mobilité, dont les enjeux sont considérables. Mais les solutions proposées conservent à la voiture une place centrale, voire exclusive, qu’elle soit électrique, autonome ou partagée.</p>
<h2>Wimoov, une plate-forme pas comme les autres</h2>
<p>À l’écart de ce tumulte médiatique, un dispositif différent se peaufine depuis vingt ans, mobilisant toute la palette des moyens de déplacement possibles. Il répond à un besoin crucial : donner aux personnes en situation de fragilité accès à une mobilité réelle. Comment ? En élaborant avec elles des solutions adaptées à leurs usages et à leurs difficultés économique, sociale, culturelle, ou liée au handicap.</p>
<p>Wimoov constitue l’opposé des plates-formes de type Uber. Elle repose sur des plates-formes ultra-locales, là où Uber s’appuie sur une plate-forme planétaire, mobilisant réseaux numériques et intelligence logicielle. La valeur ajoutée de Wimoov est l’humain : son dispositif repose sur la compétence, l’écoute, la bienveillance et l’ingéniosité de conseillers en mobilité. Plongée dans une aventure entrepreneuriale d’un autre type…</p>
<h2>Des besoins multiples liés aux spécificités de chacun</h2>
<p>Les utilisateurs de voiture sont souvent focalisés sur une solution de mobilité « monomode » : ils ne veulent se déplacer qu’en voiture. D’autres usagers ont aujourd’hui intégré l’idée qu’il faut s’adapter à la situation, au moment, aux intempéries, aux contraintes des infrastructures publiques. Ils trouvent par eux-mêmes des solutions, mais parfois perdent beaucoup de temps dans les transports ou même renoncent à se déplacer. C’est sur ces cas que Wimoov concentre ses efforts et apporte un accompagnement unique.</p>
<p>Un conseiller en mobilité rencontre la personne pendant environ une heure pour faire un diagnostic de la manière dont elle se déplace, évaluer ses capacités physiques et psychologiques et ses difficultés : « J’ai eu un accident », « J’ai peur dans les transports. » L’association met à disposition une palette de solutions variées : vélos, scooters électriques, transports à la demande, covoiturage, autopartage, mais aussi réparation, location ou achat de véhicules à des tarifs sociaux.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/256688/original/file-20190131-112389-172elsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/256688/original/file-20190131-112389-172elsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/256688/original/file-20190131-112389-172elsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/256688/original/file-20190131-112389-172elsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/256688/original/file-20190131-112389-172elsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/256688/original/file-20190131-112389-172elsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/256688/original/file-20190131-112389-172elsh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">remise en selle.</span>
</figcaption>
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<p>Elle forme les gens à l’usage de ces différents moyens de transport, par exemple, en aidant une personne n’osant pas aller à son travail en vélo à trouver un itinéraire la mettant en confiance, ou en apprenant comment lire les plans de bus. Les personnes malvoyantes ou handicapées peuvent être accompagnées, à l’occasion d’un changement de travail par exemple, afin de se sentir en sécurité lors de leur premier déplacement et de pouvoir ensuite être autonomes.</p>
<h2>Une très longue route</h2>
<p>C’est à l’automne 1995 que commence l’aventure. De grandes grèves des transports paralysent le pays et trois étudiants mettent en place à Paris X Nanterre un service de covoiturage qui rencontre un grand succès. Tout s’arrête à la fin des grèves, mais ils créent en 1998 l’association Voiture & Co pour relancer le covoiturage, toujours à Nanterre. Les résultats sont probants, mais les initiateurs sont face à une alternative :</p>
<p>Florence Gilbert (directrice générale de Wimoov) : </p>
<blockquote>
<p>« Soit, forts de notre succès, nous ne faisions que du covoiturage, mais nous en voyions la limite. Soit, nous formions les gens à optimiser les différents modes de transport, et c’est cette voie que nous avons choisie. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/256686/original/file-20190131-112314-1b1kuox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/256686/original/file-20190131-112314-1b1kuox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=840&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/256686/original/file-20190131-112314-1b1kuox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=840&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/256686/original/file-20190131-112314-1b1kuox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=840&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/256686/original/file-20190131-112314-1b1kuox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1055&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/256686/original/file-20190131-112314-1b1kuox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1055&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/256686/original/file-20190131-112314-1b1kuox.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1055&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">J.L. Avenir.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>En septembre 2005, ils créent une plate-forme de mobilité durable, la Maison des transports, qui devient vite un acteur local de la mobilité inclusive. Cependant, les collectivités n’ont pas de budget dédié à la mobilité inclusive et les usagers ne sont pas prêts à payer pour changer de mode de transport. Pour trouver un modèle économique viable, l’association se tourne vers les aides de retour à l’emploi : tous les organismes d’accompagnement sont confrontés aux problèmes de mobilité dans la reprise d’un emploi et leurs solutions sont partielles et disséminées.</p>
<h2>Débloquer les retours à l’emploi</h2>
<p>L’association vise la création de plates-formes d’accompagnement à la mobilité de publics en insertion. Une première expérience est lancée à La Ciotat, avec un appui de la DIRECCTE. En deux ans, 1 200 personnes sont accompagnées avec un taux de retour à l’emploi de 68 %. L’association crée ensuite avec succès une plate-forme sur un territoire rural, dans le Gers, et une autre en zone urbaine, dans les Yvelines.</p>
<p>En 2007, pour passer à l’échelle supérieure, elle entre dans le Groupe SOS, se renomme Wimoov et cherche des partenariats avec de grandes entreprises. Le premier est conclu avec Renault, qui investit dans la structure et permet d’inventer un nouveau service : l’accès des bénéficiaires de Wimoov à des concessionnaires solidaires proposant des prestations à prix réduits. Puis avec Total, elle cofonde le Laboratoire de la Mobilité inclusive afin de faire reconnaître l’ampleur de l’exclusion de la mobilité et les solutions qui existent. Les problématiques quotidiennes de mobilité pour l’accès au soin, à l’emploi, au lien social concernent 7 millions d’actifs et 5 millions de seniors. La Caisse des Dépôts investit également, et des collectivités territoriales, enfin dotées de financements pour la mobilité durable, sollicitent Wimoov.</p>
<h2>Vers un service public associatif</h2>
<p>Aujourd’hui, Wimoov comprend 27 plates-formes agissant sur 43 zones d’emplois sur l’ensemble du territoire, gérées par 130 professionnels. En 2018, elle a aidé 11 500 personnes en insertion et 520 personnes âgées à mobilité réduite ; 2 000 ont bénéficié d’un coaching mobilité ; 770 ont été accompagnées dans leurs démarches financières ; 550 ont bénéficié d’une mise à disposition d’un véhicule. Son projet est maintenant de former à la mobilité inclusive les autres opérateurs.</p>
<p>Afin d’accompagner toujours plus de publics, Wimoov vient de créer, grâce à la signature d’un contrat à impact social, un test mobilité numérique qui permet d’adapter l’accompagnement des différents bénéficiaires à leur besoin, de l’accompagnement physique seul à l’accompagnement numérique pour les plus à l’aise, en passant par l’aide à l’utilisation de l’outil numérique, qui permet de traiter deux problèmes à la fois : celui de la fracture numérique et celui de la mobilité.</p>
<p>C’est un véritable service public, capable de traiter à grande échelle des cas singuliers, qui a été inventé pas à pas. On peut douter qu’un service aussi complet, souple et économe aurait pu être mis sur pieds dans une démarche partant du haut.</p>
<p>Cependant, pour répondre à l’ampleur du phénomène, il faudrait installer 322 plates-formes (sur les 322 zones d’emploi). L’enjeu de la transition vers une mobilité durable pour tous est le grand défi de Wimoov et des acteurs qui l’accompagnent. Ce service public n’est pas un simple amortisseur social mais un développeur de l’économie. Résoudre le problème de mobilité d’un chômeur c’est permettre à celui-ci de prendre un emploi auquel il n’aurait pas eu accès. Avoir rendu une telle entreprise solvable fait sens, crée de la richesse et rend la fierté d’une mobilité retrouvée. Elle a mobilisé une ingéniosité qui n’a rien à envier à l’entrepreneuriat classique.</p>
<hr>
<p><em>Pour en savoir plus voir : <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/1115-wimoov-inventer-la-mobilite-pour-tous">« Wimoov, Inventer la mobilité pour tous »</a>.</em></p>
<p><em>Je remercie Christophe Deshayes pour son aide précieuse dans la mise au point de ce texte.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/110947/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Michel Berry est fondateur et animateur du Jardin des entreprenants</span></em></p>Wimoov offre un service que les grandes plates-formes numériques n’apportent pas : aider, au cas par cas, les personnes en situation de fragilité à résoudre leurs problèmes de mobilité.Michel Berry, Fondateur de l'école de Paris du Management, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1090162019-01-08T19:12:20Z2019-01-08T19:12:20ZDépendance à la voiture en zone rurale, quelles solutions ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/251479/original/file-20181219-27755-mz2jma.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C880%2C582&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 2015, 35,7 % des ménages français possédaient deux voitures ou plus.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.afpforum.com/AFPForum/Search/Results.aspx?pn=1&smd=1&mui=1&q=4784496777492216495_0">Damien Meyer/AFP</a></span></figcaption></figure><p>À la fin de l’année 1973, une crise pétrolière, suivie d’un deuxième choc pétrolier en 1979, sonne la fin des Trente glorieuses. Trente ans plus tard, la hausse du prix du pétrole joue à nouveau un rôle dans le déclenchement de la crise économique de 2008, parfois interprétée comme le <a href="http://petrole.blog.lemonde.fr/2014/04/19/gael-giraud-du-cnrs-le-vrai-role-de-lenergie-va-obliger-les-economistes-a-changer-de-dogme/">3ᵉ choc pétrolier</a>.</p>
<p>Si ces crises ont entraîné quelques ajustements de court terme, il semble que nous ayons la mémoire courte. Chaque fois que le prix du baril baisse, nous nous imaginons entrer dans une nouvelle ère d’abondance pétrolière : les ventes de voitures – toujours plus lourdes et plus puissantes – repartent à la hausse, les kilomètres parcourus augmentent, et les politiques d’aménagement accompagnent et renforcent cette dépendance à l’automobile… jusqu’à la prochaine crise.</p>
<p>À force d’attendre, les problèmes de long terme deviennent urgents, et les enjeux environnementaux se transforment en crises économiques et sociales, comme l’illustre le mouvement des « gilets jaunes ».</p>
<p>Quelles pistes imaginer pour une mobilité moins chère et plus sobre en carbone dans des zones rurales où l’offre de transports en commun fait souvent défaut ?</p>
<h2>Les zones peu denses exposées</h2>
<p>L’Agence internationale de l’énergie a alerté en 2018 dans son <a href="https://www.iea.org/weo2018/">rapport annuel</a> : compte tenu de l’écart entre la croissance de la demande en pétrole (jusqu’à 102 millions de barils par jour) et la décroissance de la production (86 millions de barils par jour) prévue d’ici 2025, il faudrait tabler sur une croissance des pétroles de schistes américains d’environ 16 millions de barils par jour.</p>
<p>Dans les <a href="https://www.eia.gov/outlooks/aeo/">prévisions américaines</a> les plus optimistes, ces pétroles pourraient croître au mieux d’environ 5 ou 6 millions de barils par jour d’ici 2025. Ce qui augure un marché du pétrole perturbé dans les années à venir.</p>
<p>Les habitants des zones peu denses, fortement dépendants à la voiture, sont ainsi particulièrement vulnérables aux variations du cours du pétrole. Pour déjouer cette situation, construite depuis des décennies, un coup de baguette magique ne suffira pas.</p>
<p>Il est toutefois possible d’en sortir, à condition de profiter de l’occasion offerte par la crise des « gilets jaunes » pour débattre et mettre l’ambition et les moyens à la hauteur des enjeux sociaux, économiques et environnementaux associés.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1070583526549061632"}"></div></p>
<h2>Covoiturage quotidien, le nouveau transport en commun ?</h2>
<p>Premier constat : là où les transports en commun sont pertinents, ils doivent être développés en priorité, que ce soit pour les « petites » lignes ferroviaires ou les lignes d’autocars. Mais souvent, la densité des flux s’avère trop faible en zones rurales pour développer une telle offre. Le covoiturage apparaît dès lors particulièrement adapté.</p>
<p>Si BlaBlaCar a réussi à démocratiser le covoiturage sur la longue distance, son <a href="https://www.ademe.fr/enquete-aupres-utilisateurs-covoiturage-longue-distance">impact sur les émissions</a> de gaz à effet de serre est faible : le service détourne les usagers du train et crée de nouveaux déplacements routiers plus émetteurs. L’enjeu est désormais de développer la pratique sur de courtes distances ou pour les trajets entre le domicile et le travail, où le covoiturage pourrait être une solution pertinente pour les zones peu denses où se trouve le vrai potentiel de réduction d’émissions.</p>
<p>Une ribambelle de plates-formes ont investi le secteur, comme <a href="https://www.idvroom.com/">iDvroom</a>, <a href="https://www.karos.fr/">Karos</a>, <a href="https://www.klaxit.com/">Klaxit</a> ou <a href="https://www.blablalines.com/">BlaBlaLines</a> ; de même, <a href="https://www.ecov.fr/">Ecov</a> propose du covoiturage spontané pour les territoires ruraux et périurbains : des panneaux lumineux connectés signalent sur le bord de la route la destination des passagers ; <a href="https://www.ecosystm.fr/">Ecosyst’m</a> propose un covoiturage citoyen et solidaire en lien avec une monnaie locale en Corrèze ; la coopérative <a href="https://www.mobicoop.fr/">Mobicoop</a> met en lien des covoitureurs sans prendre de commission.</p>
<p>Les collectivités locales ont un rôle à jouer pour accompagner ces plates-formes et développer la pratique, en plus de la mise en œuvre systématique du forfait mobilité durable auprès des salariés – censé les encourager à utiliser le vélo ou le covoiturage en les indemnisant pour les frais engagés.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/J8dwO5cSqVk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<h2>Si l’on roule seul, rouler léger</h2>
<p>Second constat, si le covoiturage n’est pas toujours adapté, une attention particulière doit être portée au véhicule. Quel intérêt en effet de rouler seul dans un véhicule cinq places pesant plus d’une tonne, pouvant atteindre 186 km/h et coûtant plus de 25 000 euros <a href="https://pro.largus.fr/actualites/voiture-moyenne-neuve-2016-la-hausse-du-prix-se-poursuit-8504398.html">à l’achat en moyenne</a> ?</p>
<p>Sans être parfaite, la <a href="https://www.renault.fr/vehicules/vehicules-electriques/twizy.html">Renault Twizy</a> constitue un bon exemple de <a href="https://www.automobile-propre.com/voitures/">voiture sobre</a>, qui plus est électrique. À 11 500 euros, elle coûte deux fois moins cher que la <a href="https://pro.largus.fr/actualites/voiture-moyenne-neuve-2016-la-hausse-du-prix-se-poursuit-8504398.html">voiture neuve moyenne</a>, et quasiment trois fois moins que la Renault Zoé, qui représente <a href="https://www.automobile-propre.com/dossiers/chiffres-vente-immatriculations-france/">55 % des ventes</a> de voitures électriques en France. En raison du faible poids du véhicule et de sa batterie, son impact environnemental est également bien plus faible. Pourtant, les aides à l’achat encouragent surtout les véhicules les plus lourds, des voitures électriques comme la Twizy ou les vélos à assistance électrique (VAE) étant bien moins subventionnés en montant et en proportion.</p>
<p>Reste à définir à quels usages dédier ces véhicules. En France, <a href="http://www.unionroutiere.fr/faitetchiffre/faits-chiffres-2018/">35,7 %</a> des ménages possédaient deux voitures ou plus en 2015. L’une d’entre elles pourrait ne compter que deux places et la plus grosse servir pour les vacances ou les trajets familiaux.</p>
<p>De même, les ménages d’une seule personne – dont <a href="http://www.unionroutiere.fr/faitetchiffre/faits-chiffres-2018/">66 %</a> ont une voiture –, n’ont a priori pas besoin d’un véhicule de cinq places. En remplaçant une voiture, des ménages multi-motorisés et les voitures des ménages seuls par des véhicules légers, <a href="http://www.unionroutiere.fr/faitetchiffre/faits-chiffres-2018/">17 millions de voitures</a> pourraient être remplacées. Cela représente la moitié du parc automobile français.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/252494/original/file-20190104-32121-o319ft.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/252494/original/file-20190104-32121-o319ft.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=271&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/252494/original/file-20190104-32121-o319ft.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=271&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/252494/original/file-20190104-32121-o319ft.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=271&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/252494/original/file-20190104-32121-o319ft.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=340&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/252494/original/file-20190104-32121-o319ft.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=340&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/252494/original/file-20190104-32121-o319ft.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=340&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Figure de comparaison des véhicules en fonction de leurs caractéristiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Aurélien Bigo</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Le vélo, pas seulement en ville</h2>
<p>Outre la voiture, certains modes de transport alternatifs qui se développent en ville méritent aussi l’attention des zones rurales. C’est le cas du vélo : son déploiement à grande échelle n’en est encore qu’à ses débuts, notamment à la campagne où sa pratique reculait encore <a href="http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/publications/p/179/873/mobilite-francais-panorama-issu-lenquete-nationale.html">il y a quelques années</a>.</p>
<p>Le vélo a pourtant un véritable potentiel dans les zones peu denses. Fin 2017, le Shift Project <a href="https://theshiftproject.org/article/publication-du-rapport-decarboner-la-mobilite-dans-les-zones-de-moyenne-densite-cest-possible/">publiait un rapport</a> pour évaluer le potentiel de différentes solutions pour décarboner les zones de moyenne densité, parmi lesquelles se trouvait le « système vélo » : ses principales caractéristiques s’appliquent également aux zones rurales.</p>
<p>Il s’agit de combiner le développement d’infrastructures sécurisantes, de services vélo et de véhicules efficaces, en profitant de la diversification de l’offre au cours des dernières années : vélos classiques, mais aussi vélos à assistance électrique, certains étant débridés à 45 km/h, ou vélos-cargos (pour le transport de charges). Il s’est vendu <a href="https://www.unionsportcycle.com/cycle-mobilite/le-marche-du-cycle-en-france">255 000 exemplaires</a> de VAE en 2017 – soit <a href="https://www.automobile-propre.com/dossiers/chiffres-vente-immatriculations-france/">10 fois plus</a> que de voitures électriques.</p>
<p>Ces modèles permettent d’étendre la zone de pertinence du vélo à des trajets de 10-15 km (soit 30-45 minutes en VAE), tout en facilitant la pratique pour d’anciens automobilistes. Avec la forte ambition prévue sur le système vélo modélisé, il est ainsi apparu comme la solution au plus fort potentiel devant le covoiturage, avec une réduction des émissions de CO<sub>2</sub> de <a href="https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2018/03/resume_aux_decideurs_rapport_decarboner_la_mobilite_dans_les_zdm_the_shift_project_web_v2.pdf">15 % en 10 ans</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1040519226006626305"}"></div></p>
<h2>Encourager une démotorisation partielle</h2>
<p>Le coût des carburants ne représente « que » <a href="https://www.fnaut.fr/actualite/etudes-et-debats/199-couts-d-usage-des-differents-modes-de-transport">30 % des coûts de la voiture</a>. De vrais gains sur les dépenses de transport ne seront donc possibles que si les solutions mises en place permettent de posséder une voiture en moins : les dépenses de possession (achat, entretien, assurance…) représentent <a href="https://www.fnaut.fr/actualite/etudes-et-debats/199-couts-d-usage-des-differents-modes-de-transport">65 % des dépenses</a> liées à la voiture, et en moyenne 3 150 euros par an et par ménage.</p>
<p>Une politique favorisant la résilience des territoires devrait donc encourager une démotorisation partielle, en privilégiant : un aménagement du territoire et des choix de localisation qui réduisent les distances ; le vélo, le covoiturage, les véhicules légers et électriques pour les trajets quotidiens ; le <a href="https://theconversation.com/le-train-grand-oublie-de-la-transition-energetique-98213">train</a> et les transports en commun routiers, au moins pour les plus longs trajets ; l’autopartage en complément pour les trajets plus exceptionnels.</p>
<p>La transition écologique ne sera largement partagée que si elle se montre solidaire et démocratique, avec des décisions et des moyens plus locaux. La loi d’orientation des mobilités (LOM) en préparation vise justement à confier davantage de responsabilités aux régions et aux intercommunalités sur ces sujets. Les moyens financiers devront cependant suivre pour accompagner les ménages qui en ont le plus besoin, et mettre en œuvre ces solutions vers une mobilité bas-carbone. La taxe carbone en deviendra peut-être plus acceptable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/109016/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurélien Bigo réalise sa thèse en partenariat avec le CREST – École polytechnique, la Chaire énergie et prospérité et la SNCF. Il est également référent mobilité dans le mouvement WARN. Les recherches et points de vue exprimés dans cet article engagent uniquement son auteur et aucunement les organismes cités.</span></em></p>Les efforts pour développer de nouvelles formes de mobilité doivent s’intensifier dans les zones peu densément peuplées, les plus vulnérables à la dépendance automobile.Aurélien Bigo, Doctorant sur la transition énergétique dans les transports, École polytechniqueLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1077312018-12-02T20:40:58Z2018-12-02T20:40:58ZLe rachat de Ouibus par BlaBlaCar, ou le grand bouleversement dans l’offre de mobilité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/247520/original/file-20181127-76749-1xkeaxk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C180%2C4470%2C3309&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 2017, 7,1 millions de voyageurs ont eu recours aux services de bus longue distance, soit une hausse de 14,5 % par rapport à l’année précédente. </span> <span class="attribution"><span class="source">Fortgens Photography / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Depuis l’ouverture à la concurrence du marché des bus longue distance en <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000030978561&categorieLien=id">août 2015</a>, les opérateurs recherchent une taille critique pour devenir rentables. Dès la création de ce nouveau marché, la stratégie développée par les nouveaux entrants consistait à pratiquer des tarifs attractifs de manière à induire de la demande pour ce nouveau mode de transport souffrant d’un manque de reconnaissance en France. En 2017, <a href="http://www.arafer.fr/wp-content/uploads/2018/07/rapport-annuel-sur-le-transport-routier-de-voyageurs-et-gares-routieres.pdf">7,1 millions de voyageurs</a> ont eu recours aux services de bus longue distance, soit une hausse de 14,5 % par rapport à l’année précédente.</p>
<p>Dès l’ouverture de ce nouveau marché s’est manifestée une clientèle plutôt jeune, familiale ou encore retraitée, sensible au prix. L’évolution des habitudes de consommation joue également, avec l’exemple des « Millenials » qui privilégient l’<a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-188904-opinion-comment-les-Millennials-bousculent-les-codes-de-leconomie-collaborative-2222960.php">économie collaborative</a>. Plus récemment, pendant les mouvements de <a href="http://www.europe1.fr/economie/flixbus-ouibus-isilines-la-greve-a-la-sncf-profitent-aux-cars-macron-3695591">grève de la SCNF</a> du printemps 2018, ce nouveau mode de transport a pu séduire une clientèle plus professionnelle.</p>
<p>Du côté des opérateurs, un « club des cinq » s’est rapidement constitué après l’ouverture du marché des bus longue distance, avec comme acteurs principaux Ouibus (ancien IDBus), filiale de la SNCF, Flixbus, un opérateur allemand leader sur son marché national, Isilines-Eurolines, qui appartient au groupe français Transdev, Megabus, du groupe anglais Stagecoach et, enfin, Starshipper, qui rassemble des autocaristes indépendants principalement basés dans le sud-ouest de la France. Quelques mois plus tard, en juillet 2016, Flixbus et Ouibus annonçaient déjà le <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2016/06/30/autocar-le-rachat-de-megabus-par-flixbus-scelle-la-concentration-du-secteur_4961175_3234.html">rachat de Megabus et de Starshipper</a> respectivement. Ces acquisitions ont permis aux deux groupes de consolider leurs positions de marché et de pouvoir étendre géographiquement leurs dessertes.</p>
<h2>L’acquisition comme une stratégie d’entrée sur un nouveau marché</h2>
<p>Dans un marché encore en maturation (trois ans seulement), la politique tarifaire des opérateurs ne s’est pas encore totalement stabilisée (même si on avoisine les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0967070X16300750">5 centimes du km par passager</a>) et tend récemment à s’accroître en dehors même des rachats qui ont pu être effectués. En termes de positionnement tarifaire, les services des bus sont proches des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0967070X16300750">prix pratiqués par le covoiturage</a>, représentés par le leader BlaBlaCar, le récent <a href="https://theconversation.com/rachat-de-ouibus-lambitieux-pari-de-blablacar-107380">acquéreur de Ouibus</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1065838629573021696"}"></div></p>
<p>Un rapide coup d’œil à l’évolution récente des modes de transport ou des offres de mobilité montre que les consommateurs sont de plus en plus enclins à mettre en concurrence les différents modes ou à les utiliser de manière complémentaire pour assurer un déplacement « porte-à-porte ». L’avènement des technologies du numérique, de la programmation et du développement d’applications sur smartphones rendent dorénavant possibles ce type de combinaisons. Ce système tend, dans sa version ultime, au concept de <em>mobility as a service</em> (<a href="https://www.revuetec.com/revue/maas-mobility-as-a-service/">MaaS</a>). Il désigne l’intégration, sur une seule application, de la plupart des offres de mobilité en combinant transport public et mobilité à la demande, avec un système de facturation unique. Des expériences concluantes, en milieu urbain, ont été déjà menées en <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/0600164446138-la-vente-de-ouibus-symbole-de-la-revolution-des-transports-2222923.php">Europe du Nord</a> (Finlande et Suède notamment).</p>
<p>C’est dans cette voie-là que s’insère BlaBlaCar. Le 12 novembre dernier, le spécialiste du covoiturage a annoncé son intention <a href="https://theconversation.com/rachat-de-ouibus-lambitieux-pari-de-blablacar-107380">d’acquérir 100 % de Ouibus</a>. Le montant de la transaction n’a pas été révélé, mais une levée de fonds de 101 millions d’euros est nécessaire de la part du leader du covoiturage pour financer l’opération. L’objectif de l’acquisition est d’entrer sur un nouveau marché, avec un opérateur déjà visible, et de lui faire profiter de son développement international et de sa gestion de la data.</p>
<h2>Un rachat pour développer des synergies</h2>
<p>Des synergies vont être développées au sein du groupe fusionné. Tout d’abord, le passage complet à un business model de type plate-forme, à l’instar de Flixbus qui ne possède <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/autocars-macron-flixbus-sera-rentable-en-2018-avant-ouibus-631762.html">aucun bus en propre</a>, réduira sans aucun doute le coût d’exploitation des lignes de bus. Il s’agit de devenir un intermédiaire entre passagers et autocaristes indépendants reposant sur de la sous-traitance et des partenaires extérieurs.</p>
<p>Ensuite, une gestion encore plus flexible du réseau sera rendue possible. Déjà l’offre de lignes de bus pouvait facilement varier et sans coût important en fonction de la saison et d’événements spéciaux (ex. : saison de ski, Euro-2016). Dorénavant, l’offre pourrait varier de manière encore plus saisonnière qu’aujourd’hui, avec par exemple des lignes creuses en bus remplacées par du covoiturage du jour au lendemain.</p>
<p>Enfin, le groupe pourra proposer aux consommateurs une offre « train + covoiturage » grâce au partenariat créé avec la SNCF qui entre de façon minoritaire dans le capital de BlaBlaCar. À partir de l’été 2019, <a href="https://www.journaldugeek.com/2018/11/18/blablacar-sempare-volant-cars-ouibus/">oui.sncf, la plate-forme voyages de la SNCF, combinera train, autocar, puis à terme covoiturage</a>. La stratégie de la SNCF vise à faire de sa plate-forme « un véritable <a href="https://www.bfmtv.com/economie/blablacar-va-racheter-ouibus-la-filiale-d-autocars-de-la-sncf-1564839.html">assistant personnel</a> de mobilité », intégrant même des solutions de transport d’autres acteurs de la mobilité concurrents. Selon cette même logique d’intermodalité, un <a href="http://www.brefeco.com/actualite/logistique-transport/apres-blablacar-ouibus-signe-avec-hop-air-france">partenariat Ouibus et Hop</a> avait d’ailleurs été récemment conclu pour préacheminer par bus des passagers pour des lignes aériennes assurées par Hop ! Un package « bus + avion » sera alors proposé.</p>
<h2>La logique de consolidation étendue au ferroviaire</h2>
<p>D’un côté, le business model d’une plate-forme consistant à ne pas posséder les autocars rend l’entrée sur ce nouveau marché plus aisée. Il n’est pas nécessaire d’investir dans des infrastructures de réseau, ni dans des autocars. Les <em>sunk costs</em> (coûts irrécupérables), issus de la <a href="http://www.oeconomia.net/private/cours/concurrence/seance5.pdf">théorie des marchés contestables</a>, ne sont pas élevés. D’un autre côté, il ne faut pas sous-estimer les actifs intangibles nécessaires à la performance sur le marché, notamment la gestion du big data. Les investissements doivent se faire sur les algorithmes d’optimisation du <em>matching</em> (appariement) de la plate-forme et une gestion en temps réel de la demande et de l’offre (à titre d’exemple, Flixbus emploie 150 développeurs uniquement <a href="https://business.lesechos.fr/entrepreneurs/actu/0212038608649-flixbus-la-start-up-devenue-n-1-des-cars-macron-face-a-sncf-et-transdev-309303.php">pour analyser le marché allemand</a>). Les actifs spécifiques du secteur deviennent la puissance de traitement des données au service de la plate-forme et de l’utilisation client.</p>
<p>Une ombre au tableau apparaît néanmoins, la gestion et la localisation des gares routières au sein des villes. <a href="http://www.arafer.fr/wp-content/uploads/2017/08/Etude-th%C3%A9matique-r%C3%A8gles-acc%C3%A8s-gares-routi%C3%A8res.pdf">L’ARAFER a publié une étude à ce propos qui montre l’hétérogénéité des situations</a>, laissant bien souvent à la charge des consommateurs le « dernier kilomètre » jusqu’au domicile.</p>
<p>En cédant sa filiale <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/0600135719914-le-plan-de-blablacar-pour-redresser-ouibus-2221390.php">déficitaire</a> des bus, la SNCF recentre son offre sur le ferroviaire avec notamment sa stratégie low-cost qui rencontre un <a href="https://www.lopinion.fr/edition/economie/tgv-ouigo-succes-sncf-dans-low-cost-161744">vif succès</a> auprès des consommateurs. Le groupe prépare ainsi l’<a href="http://www.arafer.fr/actualites/ouverture-a-la-concurrence-ferroviaire-larafer-alimente-le-debat-et-reaffirme-le-role-essentiel-de-son-avis-conforme-sur-la-tarification-ferroviaire/">ouverture à la concurrence</a> des transports ferroviaires de voyageurs en France, prévue pour 2021 en ce qui concerne les lignes à grande vitesse, et en 2023 pour les services conventionnés.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/247511/original/file-20181127-76755-m8n019.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/247511/original/file-20181127-76755-m8n019.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/247511/original/file-20181127-76755-m8n019.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/247511/original/file-20181127-76755-m8n019.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/247511/original/file-20181127-76755-m8n019.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/247511/original/file-20181127-76755-m8n019.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/247511/original/file-20181127-76755-m8n019.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Flixtrain, la nouvelle marque de Flixbus.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Cineberg/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De manière intéressante, Flixbus est entré sur le marché allemand du ferroviaire en proposant <a href="https://www.railjournal.com/in_depth/flixtrain-shakes-up-german-long-distance-market">sa marque FlixTrain</a> suivant le même business model de plate-forme. L’intermodalité semble donc bien être la clé stratégique pour se faire une place dans un paysage en pleine consolidation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/107731/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’entrée du spécialiste du covoiturage sur le marché des bus longue distance marque une nouvelle étape dans la consolidation d’un secteur encore en maturation.Thierry Blayac, Professeur d'Economie, Centre d'Economie de l'Environnement de Montpellier (CEE-M), Université de MontpellierPatrice Bougette, Maître de conférences en sciences économiques, CNRS, GREDEG, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1073802018-11-23T01:09:57Z2018-11-23T01:09:57ZRachat de Ouibus : l’ambitieux pari de BlaBlaCar<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/246703/original/file-20181121-161621-1u6ppp7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C84%2C4888%2C3638&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La compagnie de transport de passagers par autocars, future-ex filiale de la SNCF, a perdu 165 millions d'euros entre 2013 et 2017.</span> <span class="attribution"><span class="source">Fortgens/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000030978561&categorieLien=id">loi du 6 août 2015</a> pour « la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques » portée à l’époque par le ministre de l’Économie Emmanuel Macron sous un gouvernement de gauche, a été un symbole fort de la volonté de la libéralisation de l’économie. Le texte a notamment apporté un vrai bouleversement dans le secteur du transport routier en libéralisant sur le territoire national le transport de passagers par autocars. Des autocars auxquels on a rapidement collé l’étiquette de « cars Macron ».</p>
<p>Trois ans après, il semble que ce nouveau secteur ne soit pas encore stabilisé. Pour le moment, les principaux opérateurs (Ouibus, Isilines, Flixbus) ne sont <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/ouibus-cars-macron-quete-de-rentabilite/00080337">toujours pas rentables</a>, même si on note des améliorations du fait d’une plus grande rationalisation des dessertes. Par ailleurs, on a appris mi-novembre que Ouibus, lié à la SNCF, l’opérateur le plus ancien et le plus puissant du marché, va être <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/0600130631968-blablacar-rachete-ouibus-a-la-sncf-2221064.php">racheté par BlaBlaCar</a>, la pépite française du covoiturage. Le tout sur fond de <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/0600066816582-encore-35-millions-de-pertes-pour-ouibus-en-2017-2218176.php">lourdes pertes</a> de la future ex-filiale de l’entreprise publique : 165 millions d’euros entre 2013 et 2017.</p>
<h2>Stratégie intenable</h2>
<p>Pourquoi la SNCF se retire-t-elle de ce secteur ? Au-delà des pertes, il faut déjà rappeler que la stratégie de Guillaume Pépy, le patron du groupe ferroviaire, de se lancer dans la course des cars Macron en 2015 avait été <a href="https://www.humanite.fr/pour-casser-le-marche-la-sncf-sort-ses-trains-du-rail-584461">contestée en interne</a>. Cette stratégie est aujourd’hui devenue intenable avec le développement des <a href="https://www.ouigo.com/offres">trains à tarif discount OuiGo</a> – concurrents directs des Ouibus puisque les tarifs sont comparables.</p>
<p>Par ailleurs, étant donné sa <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/03/19/cinq-questions-sur-la-dette-de-la-sncf_5273270_4355770.html">situation financière</a> et la <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/06/05/ou-en-est-la-reforme-de-la-sncf_5309990_4355770.html">réforme</a> votée par les députés avec l’ouverture de son marché à la concurrence, la SNCF doit désormais impérativement se concentrer sur le transport ferroviaire, son cœur de métier.</p>
<p>Un cœur de métier qui ne semble pas avoir souffert de l’arrivée des cars Macron. Contrairement à ce que l’on pouvait craindre, cette nouvelle offre de transport n’a en effet pas affecté le trafic de la SNCF, qui affichait d’excellents <a href="https://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/2017-une-annee-record-pour-la-sncf-selon-son-pdg-1345255.html">chiffres de fréquentation</a> en 2017. D’après le dernier <a href="http://www.arafer.fr/actualites/le-rapport-dactivite-2017-de-larafer-est-en-ligne/">rapport</a> de l’autorité de régulation du secteur, l’Arafer, un peu moins de 20 % des passagers n’auraient pas effectué leur déplacement si l’offre n’avait pas existé. Parmi les quelque 7,1 millions de personnes (+15 % en un an) qui ont été transportées en 2017 en car figurent notamment beaucoup d’étudiants et de retraités. Autrement dit, des personnes à faibles revenus qui n’ont pas les moyens de voyager en TGV.</p>
<p>La compagnie ferroviaire a donc décidé de tirer un trait sur son activité bus, qu’elle cède à BlaBlaCar pour un montant inconnu.</p>
<h2>Nouvelles lignes en Europe</h2>
<p>Si la stratégie de sortie de la SNCF se conçoit aisément, il n’en va pas de même pour BlaBlaCar qui accélère aujourd’hui son développement. En parallèle du rachat de Ouibus, le spécialiste du covoiturage a annoncé lever <a href="https://www.businessinsider.fr/sncf-entre-capital-blablacar-qui-leve-101-millions-euros-et-cede-oui-bus">101 millions d’euros</a> auprès de ses investisseurs historiques et, surprise, de la SNCF également. Il estime être en mesure de pouvoir poster ses offres de trajets en bus et de covoiturage sur la plate-forme de réservations oui.sncf dès la fin de l’année 2018. Ce rapprochement entre le covoiturage et les cars longue distance a du sens aux yeux des dirigeants. « Ce rapprochement permettrait à tous les voyageurs de trouver sur BlaBlaCar une solution de mobilité longue distance qui convienne à la diversité de leurs besoins », se réjouit notamment <a href="https://www.usine-digitale.fr/article/la-sncf-entre-au-capital-de-blablacar-qui-leve-101-millions-d-euros-et-souhaite-racheter-ouibus.N768479">Nicolas Brusson</a>, cofondateur et directeur général de BlaBlaCar. Un bien beau discours.</p>
<p>En effet, si l’analyse du marché montre que les clientèles des cars Macron et du covoiturage sont voisines, il n’est pas du tout évident qu’il existe une complémentarité entre ces deux moyens de transport. Alors que le covoiturage permet de trouver un transport direct entre villes, même petites, il n’en va pas de même pour le bus. Enfin, la flexibilité des deux moyens de transport ne sont pas comparables. Il n’est pas donc certain que les usagers de BlaBlaCar se reportent sur Ouibus.</p>
<p>Avec cette acquisition, BlaBlaCar change également de business model. Alors que cette entreprise se résumait à une plate-forme de mise en relation des voyageurs avec des conducteurs d’automobiles se déplaçant vers la même destination, elle devient partiellement une entreprise de transport classique de bus, ce qui nécessite des investissements et des frais de fonctionnement beaucoup plus lourds. La gestion d’une flotte de cars et de chauffeurs n’a rien de comparable avec la gestion d’une plate-forme qui prélève des <em>fees</em> (Trad. : commissions) sur les trajets effectués. Un autre challenge attend les dirigeants de BlaBlaCar : l’intégration de collaborateurs venant de Ouibus. Une intégration difficile du fait des différences de culture d’entreprise (celle de la SNCF) et des habitudes de travail fort éloignées de celle de la start-up.</p>
<p>Mais les dirigeants restent confiants. Selon eux, le manque de rentabilité du transporteur de personnes par autocar s’expliquerait d’abord par une offre trop centrée sur son marché domestique. Ils estiment que la notoriété de la marque BlaBlaCar devrait soutenir le développement de nouvelles lignes en Europe, une échelle où la concurrence est féroce. La partie n’est pas donc finie pour les cars Macron, mais leur avenir repose aujourd’hui sur un pari ambitieux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/107380/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Albouy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La décision de la SNCF de se séparer de sa filiale spécialisée dans le transport par autocars se comprend aisément. Son rachat par la plate-forme de covoiturage, beaucoup moins.Michel Albouy, Professeur senior de finance, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/897112018-02-04T19:17:14Z2018-02-04T19:17:14ZLa « dé-consommation », nouvelle forme de distinction sociale ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/204420/original/file-20180201-123846-1flgoy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C791%2C285&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les contes de l'antigaspillage, une campagne du Ministère de l'Agriculture</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://agriculture.gouv.fr/les-contes-de-lantigaspi-le-ministere-se-mobilise-contre-le-gaspillage-alimentaire">Ministère de l'Agriculture</a></span></figcaption></figure><p>Comme les médias l’affirment, la <a href="http://www.konbini.com/fr/tendances-2/alleluia-les-francais-seraient-enfin-entres-dans-lere-de-la-deconsommation/">France emprunte depuis 2016 le chemin de la « dé-consommation »</a>. La cause ? <a href="https://www.wedemain.fr/Et-vous-de-quelle-tribu-etes-vous_a348.html">Une sensibilité grandissante à l’écologie, au développement durable, à la cause animale, aux valeurs féministes, à la psychospiritualité et à l’engagement sociétal</a>. Quel que soit l’élément déclencheur qui a conduit les individus à modifier leurs pratiques au quotidien, tous affichent ces valeurs positives avec en toile de fond une aspiration à répondre à deux enjeux majeurs : leur <a href="https://e-rse.net/sante-levier-changement-mode-consommation-26007/#gs.EOBc62A">santé</a> et leur <a href="https://www.lesechos.fr/24/06/2015/lesechos.fr/021155381269_consommation---les-francais-depensent-autrement-depuis-la-crise.htm">budget</a>.</p>
<h2>La « dé-consommation » tout le monde en parle, mais qu’est-ce que c’est ?</h2>
<p>Jusqu’au début du XXI<sup>e</sup> siècle, posséder des biens issus de la grande distribution était le symbole de la modernité et de la réussite sociale, un luxe qui s’exprimait à travers le niveau d’équipement d’un individu ou d’un foyer. C’est toujours la norme dans les pays émergents, notamment pour les nouvelles classes moyennes comme l’explique <a href="http://www.anjoueco.fr/document-1363-1919-Dominique-Desjeux-sociologue-Crise-et-consommation-.html">Dominique Desjeux</a>. Dans les pays occidentalisés, la tendance semble s’inverser, en témoigne l’engouement médiatique pour la « dé-consommation ».</p>
<p>La porte d’entrée de la « dé-consommation » est égocentrée. Se faire du bien à soi-même et à sa famille est devenu un luxe accessible à travers une gestion différenciée de son porte-monnaie. En limitant les plats préparés, en réduisant la viande rouge de son alimentation mais également en faisant du covoiturage ou encore en sous-louant son appartement le week-end (en <a href="https://fr.statista.com/statistiques/505813/taux-penetration-consommation-collaborative-france/">2016, 40 % de la population française a déjà réservé un logement en ligne entre particuliers</a>), les adeptes de ces nouveaux modes de consommation parviennent à dégager de l’argent qu’ils vont pouvoir réinvestir dans d’autres biens de consommation, <a href="http://www.leparisien.fr/laparisienne/actualites/societe/le-luxe-ethique-le-comble-du-chic-03-11-2017-7370721.php">plus éthiques</a>, et par la même occasion atteindre un mode de vie plus soutenable pour la planète.</p>
<p>Se reconnaître dans l’acte de « dé-consommer », c’est opérer une transition entre sa manière de vivre et de consommer initialement et l’idéal de vie auquel tout un chacun aspire : il s’agit de réduire les <a href="http://www.konbini.com/fr/tendances-2/manger-bio-semaine-taper-de-coke-weekend-generation-dissonance-cognitive/">« dissonances cognitives »</a> du quotidien. La cristallisation de ce concept en « style de vie » semble paradoxalement avoir été initiée par la grande distribution, présentée dans cette tendance comme la grande perdante de cette évolution de la société de consommation, en témoignent les publicités et les campagnes de réappropriation du phénomène (<a href="http://www.huffingtonpost.fr/2017/09/20/des-legumes-interdits-vendus-par-carrefour-mais-de-quoi-sagit-il_a_23216078/">Carrefour et sa campagne visant à promouvoir les légumes interdits</a>, <a href="https://www.lsa-conso.fr/monoprix-s-affirme-bio-avec-naturalia,91437">Monoprix qui rachète Naturalia</a>, <a href="https://www.argentdubeurre.com/echantillons-cadeaux/vie-quotidienne/alimentation/6737-monoprix-fruits-gratuits-enfants.html">ou le lancement d’opérations anti-gaspillage dans les grandes surfaces</a>).</p>
<p>Tout se passe comme si la société devait s’adapter à une poignée de <a href="https://www.la-croix.com/Economie/France/comportements-alimentaires-Francais-pleine-mutation-2017-10-20-1200885757">« radicalisés »</a> de la consommation. <a href="http://www.slate.fr/story/153122/vegan-tendance-neonazis">La presse relate la réappropriation par des minorités actives des valeurs véhiculées par un militantisme néo-hippie</a>, renouant parfois, et le plus souvent involontairement, avec un <a href="https://blogs.mediapart.fr/tiberijac/blog/130916/le-hitler-vert-bientot-lecofascisme">fascisme écologique</a> hérité des années 1960. Éclaireurs, activistes, <a href="https://www.rhinfo.com/thematiques/strategie-rh/projet-dentreprise/reinventer-lentreprise">marginaux sécants</a>, profil post-conventionnel… ? Il n’en demeure pas moins que cette minorité amène une majorité à se ré-interroger sur sa manière de consommer.</p>
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<h2>Les « dé-consommateurs », nouveaux créateurs de richesse</h2>
<p>Classes populaires, classes moyennes et classes supérieures, tous décident de consommer moins pour vivre mieux : <a href="http://www.lemonde.fr/planete/article/2017/12/01/un-tiers-des-menages-francais-sont-flexitariens-2-sont-vegetariens_5223312_3244.html">près d’un tiers des ménages français se déclarent flexitariens</a> et on observe une <a href="http://www.agencebio.org/la-bio-en-france">croissance annuelle de 8,4 % pour les produits « bio »</a>. <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01127543/document">L’expression de cette prise de conscience et de sa mise en pratique diffère en fonction des individus et de leur positionnement dans la hiérarchie sociale</a>. Là où les classes populaires inscrivent la « dé-consommation » dans une démarche d’économie informelle et de <a href="http://www.metropolitiques.eu/Moins-consommer-d-energie-mieux.html">« débrouillardise »</a> pour augmenter leur <a href="http://www.leparisien.fr/espace-premium/actu/faisons-attention-au-reste-a-vivre-des-menages-17-12-2015-5379107.php">reste à vivre</a>, les classes moyennes ancrent ces nouvelles pratiques dans une économie de l’usage plutôt que de l’avoir, rendue possible par l’explosion des plateformes collaboratives et du digital. Leur « dé-consommation » pourra avoir différentes expressions : dépenser moins pour consommer plus (<a href="https://www.challenges.fr/automobile/actu-auto/blablacar-dresse-un-portrait-type-du-covoiturier_14629">BlaBlaCar</a>, <a href="http://veilletourisme.ca/2014/10/16/qui-sont-ces-voyageurs-qui-reservent-sur-airbnb/">Airbnb</a>), rendre accessible le luxe à travers sa démocratisation (<a href="http://www.slate.fr/story/120477/majordome-plateforme">Uber démocratise les chauffeurs privés de la grande remise</a>, avoir un <a href="https://www.mypersonalcloset.fr/">personal shopper est accessible en quelques clics et à prix abordable</a>), ou encore moderniser certaines pratiques domestiques grâce à la <a href="http://www.20minutes.fr/culture/2009371-20170206-francais-lancent-masse-fait-main">tendance du DIY</a> (décoration, jardinage, cuisine, bricolage).</p>
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<p>Les classes supérieures quant à elles, ont souvent rapporté la « dé-consommation » de leurs voyages en Californie ou en Asie, s’inspirant d’une nouvelle manière de vivre (<a href="https://www.ladepeche.fr/article/2013/10/04/1723836-californie-cures-jus-legumes-detoxifier.html">cure détox</a>, <a href="http://www.lemonde.fr/m-design-deco/article/2016/11/16/wabi-sabi-et-poesie-le-design-a-la-japonaise_5032073_4497702.html">renouveau du design en s’inspirant du <em>wabi-sabi</em> japonais</a>, <a href="http://www.lemonde.fr/festival/article/2017/09/05/bea-johnson-le-zero-dechets-radical-chic_5181353_4415198.html">tendance zéro déchet</a>). Elles donnent le ton dans les médias et sur les réseaux sociaux. Cette nouvelle liberté contrôlée amène également ses dérives notamment liées à l’alimentation (<a href="https://www.lexpress.fr/styles/forme/quand-manger-sainement-tourne-a-l-obsession-tout-savoir-sur-l-orthorexie_1944588.html">rendre sexy l’anorexie et démocratiser l’orthorexie</a>), mais également à l’idéologie <a href="https://www.egaliteetreconciliation.fr/Thierry-Casasnovas-Tu-as-un-cancer-28323.html">(proximité entre le mouvement Régénère (Thierry Casasnovas) et le mouvement Égalité et Réconciliation (Alain Soral))</a>.</p>
<h2>Mécanique des fluides et équilibre anthropologique : quelle est la fonction sociale de la « dé-consommation » ?</h2>
<p>Tout se passe comme si le principe de « dé-consommation » renvoyait à un principe de rééquilibrage des pratiques de consommation en fonction d’un certain nombre de variables qui impactent de manière directe ou indirecte la consommation : pouvoir d’achat, scandales sanitaires, effets climatiques, etc. Cet établissement d’un nouvel équilibre renvoie vers un principe bien connu ; celui des vases communicants.</p>
<p>En mécanique des fluides, le principe des vases communicants établit qu’un liquide homogène remplissant plusieurs récipients, reliés entre eux à leur base et soumis à la même pression atmosphérique, s’équilibre à la même hauteur dans chacun d’eux. En sociologie, V. Pareto objective un principe similaire. Selon lui, la société est composée par différents éléments interdépendants constituant un système social. Pour l’analyser, il faut en saisir un état à un moment donné, il s’agit de « l’état d’équilibre », comme en mécanique des fluides. Ce principe peut être appliqué à l’analyse du budget des ménages : l’ensemble des récipients constitue les différents postes de dépense des ménages. Sur chacun de ces postes se greffe une valeur éthique ou sociétale importante pour les individus. On observe une corrélation non seulement coût/bénéfice, mais également valeur/bénéfice. Le coût s’auto-régule ainsi à travers les stratégies de « dé-consommation » au sein de la dynamique d’équilibrage des vases.</p>
<p>Appliquée à la théorie de la circulation des élites et toujours d’après V. Pareto, nous pouvons établir une corrélation entre démocratisation de la « dé-consommation » et valeurs d’un nouveau luxe prôné par ce phénomène. D’après lui, les classes supérieures sont toujours à l’origine des nouvelles tendances mais doivent avoir en quelque sorte l’approbation du reste de la population pour conserver leur position dominante. Ainsi, l’arrivée de ces nouvelles valeurs de consommation (induite par la crise économique de 2008) a conduit les classes supérieures à redéfinir les contours du luxe. Il leur fallait trouver de nouvelles stratégies de distinctions sociales non ostentatoires par rapport à la conjoncture économique globale. C’est-à-dire, un luxe et une éthique de vie qui s’inspirent de normes de consommation (contraintes) issues d’autres groupes sociaux : les classes populaires (débrouillardise) et les classes moyennes (économie collaborative)). La captation par les classes supérieures de ces tensions sociales à permis la normalisation et l’intégration de la « dé-consommation » comme une valeur positive de la consommation de masse, présentée comme précieuse car individualisée et dont le bénéfice ne repose plus uniquement sur le coût mais sur des valeurs ; conférant une nouvelle sacralité à la consommation.</p>
<p>La « dé-consommation » est un phénomène protéiforme qui permet de faire société. Il apporte du « sens » à ceux qui consomment suivant cette dynamique. Elle est vectrice de création de richesse pour notre société. Ainsi, bien que la consommation chute en volume, elle continue à croître en valeur en 2017 (chiffres institut Nielsen). La « dé-consommation » semble en définitive être un nouveau marqueur de distinction sociale pour les classes supérieures et une tendance de consommation qui permet au reste de la population de continuer à consommer, pas forcément moins… mais toujours autant, tout cela en se donnant bonne conscience : il s’agit du phénomène de la <a href="http://www.slate.fr/story/137291/marche-double-consommation-consommateur-stratege">« double consommation »</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/89711/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fanny Parise ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Sensibilité grandissante à l’écologie, au développement durable, à la cause animale, aux valeurs féministes, à l’engagement sociétal : la « dé-consommation » a le vent en poupe.Fanny Parise, Chercheur associé, anthropologie, Institut lémanique de théologie pratique, Université de LausanneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/828522017-08-24T20:11:45Z2017-08-24T20:11:45ZSécurité routière, une politique au point mort ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/183118/original/file-20170823-13299-12uyi3f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sur l'autoroute des vacances...</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Autoroute_distance_de_s%C3%A9curit%C3%A9_SR2b.jpg">Tabl-trai/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/183036/original/file-20170822-1066-js7jb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la Science 2017, qui se tient du 7 au 15 octobre, et dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr">Fetedelascience.fr</a>.</em> </p>
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<p>Les chassés-croisés sur les routes des vacances réactivent dans les médias comme dans l’opinion publique une attention particulière <a href="http://www.securite-routiere.gouv.fr/la-securite-routiere/l-observatoire-national-interministeriel-de-la-securite-routiere">aux chiffres de la sécurité routière</a>. Les uns après les autres, ils témoignent des mauvais résultats actuels de cette politique. En 2016, avec 3 477 tués sur les routes, la France a ainsi connu une troisième année consécutive d’augmentation. Au mois de juin dernier, on a enregistré une hausse de plus de 15 % des tués sur les routes par rapport à juin 2016. Au-delà des chiffres globaux, de nouvelles catégories de victimes se distinguent : les piétons et les cyclistes… Ce sont les usagers de la route les plus vulnérables. Ce sont aussi ceux qui incarnent la mobilité douce, celle qu’on aimerait voir se développer demain.</p>
<p>Bien entendu, ce bilan n’a plus rien à voir avec les 18 000 tués de 1972 ou même avec les 8 000 tués du début des années 2000. Mais la dynamique initiée en 2002, qui avait permis à la France de connaître douze années consécutives de baisse, apparaît bel et bien interrompue. De plus, l’insécurité routière demeure la huitième cause de mortalité en France, en terme de nombre de victimes, et la troisième en terme d’années de vie perdue.</p>
<p>La comparaison est donc sans appel avec la réussite d’une politique publique impulsée au plus haut niveau de l’État, au début des années 2000, et l’amélioration continue de ses résultats pendant plus de dix années. Quinze ans après le <a href="http://www.ladepeche.fr/article/2007/03/10/2169-la-securite-routiere-une-des-reussites-du-quinquennat-chirac.html">discours du Président Jacques Chirac</a>, le 14 juillet 2002, nul ne peut plus douter que la politique publique de sécurité routière soit de nouveau en échec en France.</p>
<h2>À chacun son explication</h2>
<p>Les explications communément avancées sont sans surprise. Les autorités publiques incriminent le relâchement des comportements des conducteurs (excès de vitesse, abus d’alcool, usage du smartphone). Les associations de sécurité routière y voient le résultat d’un quinquennat marqué par le désintérêt des pouvoirs publics pour cette cause et l’absence d’innovation (notamment le refus de l’abaissement de 90 à 80 km/h sur les routes). Des associations d’automobilistes y lisent au contraire l’échec d’une politique uniquement répressive. Les experts nuancent en soulignant que les progrès ne peuvent plus, aujourd’hui, intervenir qu’à la marge et de manière ciblée.</p>
<p>Même l’annonce de la mobilisation massive des forces de l’ordre au bord des routes lors des grands chassés-croisés de la période estivale est vécue comme un retour des vieilles recettes, un signe supplémentaire du déboussolement de ceux qui pilotent, aujourd’hui, cette politique publique.</p>
<p>Nul doute que ces éléments sont à prendre en compte pour qui veut comprendre ces médiocres résultats. Mais ce sont d’autres changements qui sont évoqués ici. Ils sont bien plus conséquents et surtout compliquent l’action de ceux qui portent et mettent en œuvre la politique de sécurité routière.</p>
<h2>Le retour de l’État central</h2>
<p>Le tournant opéré en 2002 dans la politique nationale de sécurité routière s’est appuyé sur le recours aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. Il s’est caractérisé par le déploiement des radars automatiques au bord des routes françaises. L’impulsion donnée, au plus haut niveau de l’État, a pu alors rapprocher la lutte contre la violence routière de la lutte contre la délinquance ordinaire (aggravation des peines, rhétorique de la <em>tolérance zéro</em>, technologisation de la surveillance).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/183035/original/file-20170822-1066-1a00qet.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/183035/original/file-20170822-1066-1a00qet.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/183035/original/file-20170822-1066-1a00qet.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/183035/original/file-20170822-1066-1a00qet.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/183035/original/file-20170822-1066-1a00qet.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/183035/original/file-20170822-1066-1a00qet.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/183035/original/file-20170822-1066-1a00qet.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La hantise du conducteur.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/b/bf/Villevallier-FR-89-cin%C3%A9mom%C3%A8tre_radar-003.jpg/576px-Villevallier-FR-89-cin%C3%A9mom%C3%A8tre_radar-003.jpg">François Goglins/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Cela a donné du crédit à l’hypothèse du « tournant répressif » dans la politique de sécurité routière. Mais cela a aussi permis aux administrations de l’État de réaffirmer leur centralité dans l’action publique de sécurité routière, en réaction à vingt ans de décentralisation de cette politique qui n’avaient pas produit les résultats escomptés. Cette reprise en main par l’État central a également pu compter sur un système d’acteurs peu étendu, relativement unanimes et confortés par des résultats rapides et soutenus. Une décennie plus tard, ce système d’acteurs de la sécurité routière a laissé la place à un autre, nettement moins favorable au déploiement de l’action publique.</p>
<h2>Le retour des controverses</h2>
<p>Au tournant des années 2010, de nouveaux acteurs nourrissent un débat public qui porte moins sur les radars automatiques que sur son association au permis à points et ses conséquences supposées. La combinaison instrumentale perçue, jusque-là, comme vertueuse serait devenue « vicieuse ». Même si les travaux des experts dénoncent les mensonges que seraient l’explosion du nombre des permis annulés et le développement de la conduite sans permis, le débat se politise, s’installe au Parlement et aboutit à une réduction du temps de récupération des points perdus.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Ap7wHmV1ng8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>La controverse interroge aussi les effets des avertisseurs de radars. Ces débats ont pour autre conséquence de modifier la qualité et le nombre des acteurs mobilisés par les questions de sécurité routière. La structuration des fabricants d’avertisseurs, la réunion des associations d’automobilistes, la visibilité des avocats spécialisés dans la récupération des points et l’intervention de parlementaires forgent un système d’acteurs divisés et dont la diversité s’est grandement accrue.</p>
<p>Le panel des acteurs privés directement intéressés par la sécurité routière et plus largement par la conduite automobile s’étend. Ce ne sont plus simplement les acteurs en lien avec l’automobile qui sont concernés mais aussi ceux des télécommunications, du numérique et des services.</p>
<h2>Le retournement de la promesse télématique</h2>
<p>Des grandes entreprises comme Google, Tesla ou Uber sont en train de changer la mobilité. Pour la sécurité routière, de nouveaux outils et services sont développés, mis sur le marché ou portés par la société civile. Ils viennent contrarier l’efficacité des instruments déployés par les pouvoirs publics.</p>
<p>Parmi les nouvelles technologies embarquées, on trouve des appareils de détection mais aussi des applications collaboratives capables de contrarier le bon fonctionnement des outils de régulation des conduites automobiles. Dans un premier temps, ces outils ont pu contribuer à l’acceptation de la politique de sécurité routière. Mais, après les controverses des années 2010, ils font davantage figure d’outils de résistance, individuelle ou collective, au système de contrôle et de sanction automatisé des infractions à la vitesse autorisée.</p>
<p>Plus encore, ils apparaissent en capacité de rendre inopérante la politique gouvernementale, bien plus que ne le furent l’achat de points sur Internet ou même l’offre de services d’avocats spécialisés dans la détection des failles juridiques des dispositifs de sanctions.</p>
<h2>La promesse des progrès technologiques</h2>
<p>La politique de sécurité routière s’inscrit donc, aujourd’hui, dans un environnement routier en pleins bouleversements. Ceux-ci n’invalident cependant pas complètement « la promesse télématique » (pour reprendre l’<a href="https://books.google.fr/books?id=IEEHjWWSe2AC&pg=PA3&lpg=PA3&dq=Pierre+Lannoy+promesse+t%C3%A9l%C3%A9matique&source=bl&ots=bO3BZyk30N&sig=cP8KrRv-FOJzaLDNCmfWKDFLYMg&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjoh8XJhe3VAhWFnBoKHTrsBRMQ6AEIOjAE#v=onepage&q=Pierre%20Lannoy%20promesse%20t%C3%A9l%C3%A9matique&f=false">expression du sociologue Pierre Lannoy</a>). En effet, les pistes d’amélioration sont désormais envisagées à partir de ce qu’on appelle les solutions de « mobilité intelligente » : des modifications apportées au véhicule autant qu’aux infrastructures routières. Il s’agit, d’une part, du développement d’un <a href="http://www.dailymotion.com/video/x268z6f_la-voiture-intelligente_school">véhicule rendu intelligent</a> par l’incorporation d’outils d’assistance à la conduite ou, de manière plus radicale, par son automatisation. Et, d’autre part, des espoirs mis dans la route de <a href="http://www.ifsttar.fr/ressources-en-ligne/espace-science-et-societe/infrastructures/dossiers-thematiques/a-quoi-ressembleront-les-routes-de-5eme-generation-r5g/">cinquième génération</a>.</p>
<p>Les promoteurs de l’un et de l’autre les présentent comme des leviers pour une amélioration profonde de la fluidité de la circulation et aussi de la sécurité des déplacements. Là encore, ce sont les progrès technologiques qui apparaissent les plus susceptibles de répondre demain à plus d’un siècle de préoccupations routières, et donc à celle que l’accidentologie peine de nouveau à résoudre.</p>
<p>Enfin, à la promesse technologique, il convient d’ajouter la remise en cause de l’usage de l’automobile. Cela peut passer par la valorisation de modes alternatifs (covoiturage, autopartage) de déplacement. Mais cela peut aussi aller jusqu’au retour de formes d’autophobie et à l’installation durable d’un désintérêt pour l’automobile, que l’on saisit aujourd’hui à travers des jeunes moins nombreux à passer leurs permis de conduire, des urbains moins enclins à acheter des automobiles et donc la promotion des autres formes de mobilité.</p>
<h2>Vers la fin de la politique publique de sécurité routière ?</h2>
<p>Ces différentes transformations, liées à la mobilisation des nouvelles technologies et à la transformation du système d’acteurs mobilisés par les problématiques de sécurité, font peser le risque d’une circulation routière qui cesserait d’être un objet de politiques publiques pour devenir le produit d’offres renouvelées du marché. Les acteurs privés, et notamment ceux du marché de l’information routière, se trouveraient alors en capacité de devenir les principaux acteurs de la conception et de la prise en charge du problème de la sécurité routière !</p>
<p>On pourrait dès lors envisager un retour paradoxal à une forme de « laissez rouler » contre lequel s’est bâtie, au tournant des années 1960-1970, la politique française de sécurité routière ! C’est aussi pour ce risque-là qu’il convient de prendre au sérieux les mauvais résultats de la sécurité routière et d’être attentif aux réponses que les pouvoirs publics envisagent d’y apporter.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/82852/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Hamelin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les transformations liées à la mobilisation des nouvelles technologies font peser le risque d’une circulation routière qui cesserait d’être un objet de politiques publiques, au profit du seul marché.Fabrice Hamelin, Enseignant-Chercheur en science politique, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/735972017-03-09T07:57:35Z2017-03-09T07:57:35ZConsommation collaborative : le covoiturage courte-distance et le réemploi d’objets sont les plus écolos<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/158564/original/image-20170227-26306-1k2uuw9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vendre, acheter, revendre, réutiliser. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/cherylfoong/8249901310/in/photolist-dz1UeL-6KvefD-ekwSh3-bBTdD4-dzWt4s-6qkDWA-ekwzYo-7YAeax-9v1xMz-7HY44q-bLrXRg-o3GTX-4vVLp1-6Th6x-dARrAQ-dPceVw-k5wydz-pZxDZy-RtYSNN-k5wdLi-95uEy9-k5wxNg-7YoqtM-k5weh8-85FFft-peSDPZ-4r9pwY-k5vVWP-k5yHhd-k5wAmx-k5wyVX-7zNA22-eh5c3w-k5yt6C-k5w6sx-k5wyFZ-k5wR4t-71GYBo-EwBz1m-HmKomQ-k5wjRz-56KKCG-k5w8Dr-98PBua-6P13aQ-9wKtS7-k5wG82-pQ1wbF-k5yoK3-k5vQ2c">Cheryl Foong/flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>La consommation collaborative – qui désigne les pratiques augmentant
l’usage d’un bien ou d’un service, par le partage, l’échange, le troc, la vente ou la location de celui-ci, avec et entre particuliers – s’est <a href="http://www.economie.gouv.fr/vous-orienter/entreprise/numerique/chiffres-cles-leconomie-collaborative">rapidement développée</a> ces dernières années. Elle suscite de nombreux espoirs, tant économiques et sociaux (gisement de croissance, sens donné aux échanges et lien social) qu’environnementaux. Cela étant, elle pose de nouveaux défis à l’autorité publique et aux entreprises, notamment sur les questions juridiques et fiscales, comme en témoigne un <a href="http://www.gouvernement.fr/partage/6421-rapport-de-pascal-terrasse-sur-le-developpement-de-l-economie-collaborative">récent rapport</a> sur le sujet.</p>
<p>Ces nouvelles formes de consommation posent également des questions inédites quant à leur impact environnemental. Un <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/14/evenements/mardi-avenir/2015-02/Iddri-economie-du-partage.pdf">travail pionnier</a>, publié en 2014, formalise ces interrogations et propose des pistes de réflexion sur la contribution de l’économie du partage à la transition énergétique.</p>
<p>C’est à la suite de ces réflexions et des derniers <a href="http://www.ademe.fr/alleger-lempreinte-environnementale-consommation-francais-2030-synthese">travaux prospectifs</a> de l’Ademe sur l’allègement de l’empreinte environnementale de la consommation des ménages français, qu’une nouvelle étude dont les résultats sont rendus publics ce jour, analyse les impacts environnementaux des pratiques collaboratives.</p>
<p>Ces dernières peuvent-elles permettre, comparativement aux pratiques de consommation dites conventionnelles, de réduire certains impacts environnementaux ?</p>
<h2>De nouveaux usages largement partagés</h2>
<p>La consommation collaborative a connu une forte expansion, à l’image du covoiturage longue distance, presque inexistant il y a encore quelques années. La communauté d’utilisateurs se compte aujourd’hui en millions : 24 % des personnes âgées de 18 ans et plus utilisent le covoiturage longue distance de temps en temps. Néanmoins, l’importance de la consommation collaborative est à relativiser.</p>
<p>La part du covoiturage dans les déplacements de longue distance se serait par exemple élevée à <a href="http://www.ademe.fr/developpement-covoiturage-regulier-courte-moyenne-distance">3 % en France en 2014</a>. Et, selon le Credoc, le montant issu de la vente d’objets entre particuliers s’établissait en France à 300 millions d’euros (M€) en 2013, contre 100 milliards d’euros (Md€) pour les professionnels du secteur. Les achats alimentaires réalisés au sein d’une communauté d’acheteurs particuliers s’élevaient, eux, à 70 M€ en 2014, contre plus de 200 Md€ pour l’ensemble des achats de biens alimentaires des ménages. Enfin, la part de la location entre particuliers représentait, en 2014, 0,7 % du marché de la location courte durée.</p>
<p>Contrairement à certaines idées reçues, la consommation collaborative ne s’adresse pas uniquement aux étudiants, jeunes actifs et aux urbains. Trois profils se dégagent toutefois.</p>
<p>Ainsi, les étudiants apparaissent plus disposés que la moyenne à effectuer des achats de biens entre particuliers. Ils sont <a href="http://www.entreprises.gouv.fr/etudes-et-statistiques/enjeux-et-perspectives-la-consommation-collaborative">42 %, contre 15 %</a> pour les retraités à le faire au moins une fois par trimestre. Ils sont également plus nombreux à déclarer proposer ou solliciter des services entre particuliers (83 %, contre 55 % pour les retraités). De même, les familles, à l’inverse des célibataires, sont très actives en matière de pratiques collaboratives. Elles sont, par exemple, plus de 60 % à déclarer effectuer des achats ou des ventes de biens entre particuliers, contre 43 % pour les célibataires. Enfin, les personnes indiquant avoir un engagement bénévole régulier, soit <a href="https://www.francebenevolat.org/sites/default/files/uploads/media/CP-Etude-IFOP-FB-CM2013-juin13.pdf">18 % des Français</a> en 2013, sont actives dans une multitude de pratiques liées à cette consommation.</p>
<p>Dans tous les cas, même s’il ne constitue pas la seule motivation, le motif économique explique pour une large part le passage à l’acte : <a href="http://www.ademe.fr/usages-partages-location-reemploi-troc-don-comme-alternatives-a-possession-exclusive-cartographie-type-biens-freins-sociotypes">67 % des Français interrogés</a> sur leurs motivations citent le fait de gagner de l’argent ou faire des économies, bien avant la protection de l’environnement.</p>
<h2>Un bilan environnemental qui varie fortement</h2>
<p>La première phase de notre étude a permis de confirmer à la fois l’ampleur et l’hétérogénéité du phénomène de consommation collaborative, ainsi que son dynamisme. En outre, les analyses de cycle de vie quantitatives sur une douzaine de pratiques de consommation collaborative sélectionnées ont révélé que « le bilan environnemental » varie fortement d’une pratique à l’autre, et selon l’impact environnemental étudié.</p>
<p>Néanmoins pour certaines d’entre elles, les réductions d’impact ont été difficiles à identifier, et dans certains cas, se sont même révélées négatives : il a été constaté une augmentation de l’impact dû à ces pratiques. Mais pour ces cas, la faible disponibilité des données n’a pas permis de conclure définitivement.</p>
<h2>La mobilité partagée</h2>
<p>Parmi l’ensemble des pratiques de consommation collaborative, la mobilité partagée, et plus particulièrement la mobilité partagée sur courte distance, offre un potentiel de réduction d’impacts particulièrement intéressant.</p>
<p>Ainsi, le covoiturage de courte distance – en particulier celui effectué pour se déplacer du domicile au lieu de travail – peut permettre de diviser par 2 les impacts environnementaux. Ce type de déplacement, souvent très difficile à éviter, se substitue en effet à plus de 80 % à des déplacements effectués en voiture peu remplies (en moyenne 1,07 passager par trajet). L’augmentation du taux de remplissage permise par le <a href="http://www.ademe.fr/etude-nationale-covoiturage-courte-distance">covoiturage de courte distance</a> entraîne donc une réduction importante des impacts.</p>
<p>En ce qui concerne la mobilité de longue distance, avec 1,92 passager par trajet en moyenne, le taux de remplissage actuel des voitures, bien que <a href="http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/publications/p/179/873/mobilite-francais-panorama-issu-lenquete-nationale.html">faible dans l’absolu</a>, reste relativement élevé comparé aux trajets de courte distance. Aussi, les réductions d’impacts, au niveau d’une unité de service rendu (effectuer un kilomètre de trajet longue distance), sont évaluées à environ un tiers comparé au mix de transport de longue distance moyen observé aujourd’hui, et à environ 10 % si l’on prend en compte le fait que nombre de covoitureurs eussent voyagé en train sinon et que certains n’auraient pas voyagé en l’absence de cette offre.</p>
<h2>Le réemploi d’objets</h2>
<p>Le réemploi d’objets offre une autre piste digne d’intérêt. Il existe ainsi un gisement important de réduction d’impacts environnementaux sur les produits pour lesquels la phase de production et/ou de fin de vie porte une part significative de ces impacts. C’est le cas du mobilier, des produits audiovisuels de loisir et informatiques. À l’inverse, pour des produits qui génèrent la majeure partie de leurs impacts environnementaux lors de leur utilisation, comme l’électroménager, les gains offerts par le réemploi sont moindres. Ce gisement sera d’autant plus élevé, que l’écart entre la durée de vie théorique du bien (durée de vie jusqu’à son usure physique) et sa durée de vie effective (durée réelle d’usage du bien) est important.</p>
<p>La durée de seconde vie des produits est ainsi déterminante pour le niveau du gain environnemental : une tablette informatique dont la durée d’utilisation passe de 2 à 4 ans permet d’améliorer de près de 50 % son bilan environnemental. Pour une durée prolongée de 4 à 6 ans, le gain est de 25 % environ.</p>
<p>On peut enfin noter que pour les pratiques de location entre particuliers, les impacts de la logistique de transmission du bien sont déterminants. Dans le cas de la location ou du prêt de tondeuse entre trois particuliers par exemple, la logistique nécessaire pour le transport induit des impacts négatifs qui peuvent dégrader significativement le bilan environnemental de la pratique collaborative par rapport à la pratique conventionnelle (utiliser un bien équivalent acheté) : +60 % d’impact sur l’indicateur CO<sub>2</sub> notamment.</p>
<h2>Un bilan nuancé</h2>
<p>Compte tenu de la disponibilité des données, il demeure difficile d’évaluer précisément les impacts des différentes pratiques de la consommation collaborative, et le niveau de confiance dans les résultats est variable. Le gain environnemental dépend dans tous les cas fortement de la pratique conventionnelle à laquelle la pratique collaborative est substituée, de la logistique de partage et de la durée de vie des produits réemployés. En tous cas, consommer de manière collaborative ne signifie pas automatiquement « consommer responsable ». En tant que consommateur, on doit intégrer la consommation collaborative à une réflexion permanente sur le « mieux consommer ».</p>
<p>Par ailleurs, l’étude montre que la place de la consommation collaborative dans la consommation en général et, en conséquence, son potentiel de réduction des impacts environnementaux sont à relativiser. Ainsi, l’apport des technologies et les évolutions de la société française restent déterminants pour diminuer les impacts environnementaux de la consommation des Français en 2030.</p>
<p>Certaines pratiques bien identifiées offrent néanmoins un potentiel de réduction d’impacts environnementaux intéressant. Le partage de mobilité d’un côté, et le réemploi d’objets de l’autre, figurent parmi l’ensemble des pratiques collaboratives, celles qui ouvrent les perspectives les plus intéressantes sur le plan environnemental. Ainsi, la consommation collaborative élargit le champ des possibles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/73597/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Vincent ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Contrairement à une idée assez répandue, la consommation collaborative n’est pas toujours vertueuse sur le plan environnemental. C’est ce que révèle une étude de l’Ademe publiée aujourd’hui.Isabelle Vincent, Chef du service « Économie et prospective », Ademe (Agence de la transition écologique)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.