tag:theconversation.com,2011:/uk/topics/data-visualisation-37427/articlesdata visualisation – The Conversation2024-03-26T16:45:20Ztag:theconversation.com,2011:article/2260642024-03-26T16:45:20Z2024-03-26T16:45:20ZTravailleurs (et) pauvres : un choix politique ?<blockquote>
<p>« Je ne connais pas plus efficace que le travail pour lutter contre la pauvreté. »</p>
</blockquote>
<p>Tel est ce que <a href="https://www.letelegramme.fr/politique/olivier-dussopt-je-ne-connais-pas-plus-efficace-que-le-travail-pour-lutter-contre-la-pauvrete-6453012.php">déclarait</a> Olivier Dussopt, alors ministre du Travail, fin octobre au <em>Télégramme</em>, commentant la loi Plein emploi finalement promulguée le 18 décembre. Le 27 mars, invité du 20 heures de TF1, Gabriel Attal, premier ministre y a adjoint un argument budgétaire en annonçant une réforme de l'assurance chômage : </p>
<blockquote>
<p>« L'objectif, ça reste d'arriver au plein emploi, c'est-à-dire de faire en sorte qu'il y ait plus de Français qui travaillent parce que ce sont des recettes supplémentaires. »</p>
</blockquote>
<p>Il a affiché également sa volonté de « desmicardiser la France ». Le discours politique a ceci de paradoxal qu’il continue de préconiser de lutter contre la <a href="https://theconversation.com/topics/pauvrete-21196">pauvreté</a> par le travail tout en déplorant dans le même temps l’existence de travailleurs pauvres.</p>
<p>Être travailleur et pauvre n’est pas une situation paradoxale. D’un point de vue statistique est considéré comme travailleur l’individu qui a travaillé contre rémunération au moins une heure. Est défini comme pauvre, l’individu dans le ménage dont les ressources annuelles sont inférieures à l’équivalent de <a href="https://inegalites.fr/A-quels-niveaux-se-situent-les-seuils-de-pauvrete-en-France">13 890 euros annuels pour une personne seule</a> (20 850 euros pour un couple sans enfant), soit 60 % du niveau de vie médian. Il n’y a donc pas de mystère : si vous travaillez, mais peu, alors vous serez travailleur pauvre, à moins que les ressources d’un éventuel conjoint soient suffisantes. Dans un monde où le minimum social est faible et où il existe de la pauvreté et des emplois à temps partiel, il y aura toujours des travailleurs pauvres.</p>
<p>La solution généralement proposée est de verser des compléments de revenus pour travailleurs pauvres ce qui permet de lutter à la fois contre la pauvreté laborieuse et de donner des incitations supplémentaires aux bénéficiaires des revenus d’assistance pour sortir de la « trappe à pauvreté ». En France, la question des incitations à la reprise d’emploi se pose au moins depuis la mise en place du revenu minimum d’insertion (RMI) en 1989 puis son remplacement par le revenu de solidarité active (RSA) en 2009. Selon un certain discours, les allocataires des minima sociaux seraient prisonniers de cette trappe à pauvreté car peu incités à fournir l’effort de trouver un emploi pour un revenu supplémentaire finalement pas si éloigné de ce qu’ils touchent déjà. L’idée du RSA était de continuer à percevoir une partie de son revenu de base en plus de son salaire pour pousser à prendre un travail.</p>
<p>Mais la trappe à pauvreté n’est sans doute pas celle que l’on croit. C’est là un des objets de mon <a href="https://www.puf.com/comment-verser-de-largent-aux-pauvres">ouvrage</a> récent, <em>Comment verser de l’argent aux pauvres ? Dépasser les dilemmes de la justice sociale</em>, publié aux Presses universitaires de France.</p>
<h2>Solutions extrêmes</h2>
<p>Commençons par une expérience de pensée. Il y a théoriquement deux manières d’éradiquer la pauvreté laborieuse. La plus simple sur le papier, et la plus coûteuse, serait de garantir à tous un niveau de vie égal au seuil de pauvreté. Cette solution éradique la pauvreté monétaire et donc la pauvreté laborieuse : s’il n’y a pas de pauvres, il n’y a pas de travailleurs pauvres !</p>
<p>Cependant, cela serait désincitatif à la reprise d’emploi.</p>
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<p>Une deuxième solution théorique serait que la société n’accepte que des emplois rémunérés au moins à hauteur du smic à temps plein, de refuser que des emplois au smic puissent être proposés à temps partiel et de combiner ceux-ci avec des prestations familiales suffisantes afin de dépasser systématiquement le seuil de pauvreté. Par exemple, avec un smic net mensuel de 1398 euros, il faudrait verser 339 euros mensuels de « prime d’activité » à un individu au smic ayant un conjoint sans revenus, afin que le couple dépasse le seuil de pauvreté. Cette solution n’éradique pas la pauvreté mais au moins les travailleurs ne sont pas pauvres. Si les pauvres ne travaillent pas, il n’y a pas de travailleurs pauvres !</p>
<p>Cependant, interdire le temps partiel au smic réduit les libertés et n’est pas la meilleure solution. Cet exemple montre toutefois qu’il ne faut probablement pas donner un poids à l’objectif de réduction des travailleurs pauvres au-delà de celui donné à l’objectif de réduction de la pauvreté. L’interdiction du travail précaire réduit la pauvreté laborieuse mais pas la pauvreté : il n’est pas cohérent de refuser cette solution et en même temps de donner un poids propre à l’objectif de réduction de la pauvreté laborieuse.</p>
<p>En appliquant des solutions moins radicales que ces deux extrêmes, la société accepte nécessairement un certain niveau de pauvreté laborieuse. Toutefois, ce qui est vrai pour l’éradiquer est également vrai s’il s’agit de la réduire : par construction moins il y a de pauvres, moins l’intensité de la pauvreté est importante, moins il y a d’emplois à temps partiel subis et moins y aura de travailleurs pauvres.</p>
<h2>Poursuivre dans la même voie ?</h2>
<p>Depuis sept ans, le chômage a baissé mais pas la pauvreté. Malgré cela, l’exécutif continue de faire de l’emploi et des incitations au travail son principal axe de lutte contre la pauvreté, y compris laborieuse.</p>
<p><iframe id="gVDxh" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/gVDxh/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Faudrait-il aller plus loin dans cette logique ? Pour montrer que « les incitations à sortir de cette situation de pauvreté laborieuse subie sont faibles », Gilbert Cette, ancien président du Groupe d’experts sur le smic et auteur du livre <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807335004-travailleur-mais-pauvre"><em>Travailleur (mais) pauvre</em></a>, prend l’exemple suivant dans un <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/social/en-france-les-incitations-a-sortir-de-la-pauvrete-laborieuse-sont-faibles-2077054">entretien</a> publié dans les Echos :</p>
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<p>« Augmenter de 100 euros le revenu disponible net d’un salarié, célibataire et sans enfant, payé au smic entraîne une hausse du coût du travail de 483 euros ».</p>
</blockquote>
<p>Ce ratio a l’air excessif, conséquence du fait qu’en augmentant son salaire, un individu aura droit à moins de prestations, ce qu’il faudra compenser par une hausse de salaire plus importante. Le calcul pose néanmoins trois problèmes.</p>
<p>Premièrement, il est réalisé pour un individu au smic à temps plein. Or, une personne seule au smic à temps plein n’est pas pauvre. Le ratio est ici en partie dû au fait que la prime d’activité est maximale au smic à temps plein, une prime que le Groupe d’experts sur le smic a longtemps <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/284b121f-b187-4280-b327-05f18064c3fa/files/e74d03a9-feb8-4d37-882e-df0071013d2f">défendu</a>. Par ailleurs, c’est l’échelle du ménage qui est la plus pertinente en matière de pauvreté : cet individu peut devenir pauvre si son conjoint est inactif ou chômeur non indemnisé.</p>
<p>Deuxièmement, le calcul suppose que les individus prennent en compte de la même façon, pour prendre leurs décisions sur le marché du travail, une baisse des prestations et une hausse des salaires. Cela ne se vérifie pas empiriquement : les individus <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/1475-5890.12306">réagissent davantage à une hausse des salaires</a>.</p>
<p>Troisièmement, le calcul agrège baisse des prestations sociales perçues par le salarié et baisse des allègements de cotisations sociales employeurs au-delà du smic. Ce n’est pas la même chose dans un contexte ou travailleurs et employeurs ne peuvent pas se coordonner facilement.</p>
<p>La question mérite par ailleurs d’être posée en regardant les situations réelles dans leur contexte. François-Xavier Devetter et Julie Valentin, respectivement économistes à l’Université de Lille et à l’Université Paris 1, jettent un <a href="https://www.cairn.info/revue-l-economie-politique-2023-3-page-56.htm">autre regard</a> sur la pauvreté laborieuse, en partant de la réalité du travail effectué par les travailleurs pauvres et à bas salaires. Ils montrent que les « bas salaires » (agents d’entretien, les aides à domicile, les employés de commerce ou de la restauration) sont victimes de journées de travail fragmentées avec la pénibilité qui leur est liée. C’est là la conséquence directe de l’externalisation de certaines activités comme l’accueil, la sécurité, la restauration collective :</p>
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<p>« Les salaires sont sensiblement plus bas en raison d’un contrôle plus restrictif des temps travaillés, la précarité est plus forte du fait de situations de multi-emploi et de changements d’employeurs fréquents. »</p>
</blockquote>
<h2>Un autre choix collectif</h2>
<p>Le discours sur les incitations a eu pour effet une baisse du niveau relatif du minimum social en direction des actifs, le RSA, <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/dtravail/OFCEWP2024-01.pdf">par rapport, au minimum vieillesse, à l’allocation adulte handicapée, au smic et aux salaires</a> ? Élargir les écarts de revenus entre les minima sociaux et le salaire minimum accentue certes les incitations mais augmente l’intensité de la pauvreté. Cette stratégie est sans surprise inefficace contre la pauvreté laborieuse : elle augmente la marche entre le minimum social et le seuil de pauvreté.</p>
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<p>Dans <em>Comment verser de l’argent aux pauvres ?</em>, je propose d’inverser la logique des vingt dernières années et de revenir à l’esprit du RMI. A l’époque, c’était bien le revenu qui insérait et non l’activité. La trappe à pauvreté était la pauvreté elle-même dans la mesure où elle ne permet pas les investissements nécessaires à l’employabilité : formation, santé, logement, mobilité. Dans une logique libérale très classique, verser de l’argent aux pauvres, c’est d’abord leur permettre de réaliser ces investissements. Notons d’ailleurs que ce sont dans les pays où les minima sociaux sont les plus généreux, que les taux d’emploi des peu qualifiés sont aussi les plus élevés, ce qui suggère a minima que les incitations ne sont pas le problème principal.</p>
<p><iframe id="fWzoM" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/fWzoM/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Aujourd’hui le RSA net de forfait logement est aujourd’hui égal à 534 euros pour une personne seule, soit 38 % du smic à temps plein (1 398 euros) : l’écart peut être réduit sans crainte de faire disparaître les incitations. Bien sûr, verser un revenu monétaire n’est pas suffisant et la relation entre minima sociaux et taux d’emploi ne doit pas s’interpréter de manière causale. La stratégie efficace pour réduire la pauvreté passe par un haut niveau de service public pour tous : éducation, santé, petite enfance.</p>
<p>Le paradoxe de la redistribution est que les inégalités sont les plus faibles là où l’attention ne se porte pas que sur les pauvres ou les travailleurs pauvres mais sur un service public de qualité pour tous. Ce raisonnement vaut aussi pour l’emploi : la pauvreté laborieuse serait plus faible en visant les 35 heures pour tous, d’une part en favorisant le passage du temps partiel au temps plein, mais d’autre part en arrêtant aussi d’inciter aux heures supplémentaires.</p>
<p>Tout cela suggère premièrement que la lutte contre la pauvreté est d’un certain point de vue « coûteuse » pour les plus aisés. Par construction, à revenu national inchangé, réduire la pauvreté veut dire réduire les revenus des non pauvres. Deuxièmement, lutter contre la pauvreté peut aussi être synonyme de (légères) pertes d’efficience si les gains d’efficience atteints actuellement le sont en faisant porter la charge de façon disproportionnée sur les travailleurs précaires. Mais est-ce prendre l’objectif de lutte contre la pauvreté au sérieux de vouloir l’atteindre que si cela ne fait que des gagnants ? Le problème n’est pas que l’on n’a pas encore trouvé la solution technique innovante permettant de réduire la pauvreté laborieuse. Le frein est politique : collectivement, nous préférons ne pas.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226064/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Allègre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Et si, contrairement à ces dernières années, nous faisions le choix de miser sur le revenu plutôt que sur le travail pour aider à sortir de la pauvreté, esprit qui était celui du RMI ?Guillaume Allègre, Économiste au département des études de l'OFCE, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2266632024-03-26T15:03:24Z2024-03-26T15:03:24Z5,5 % de déficit public en 2023 : à qui la faute ?<p><a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/8061907#:%7E:text=n%C2%B0%2074-,En%202023%2C%20le%20d%C3%A9ficit%20public%20s%E2%80%99%C3%A9l%C3%A8ve%20%C3%A0%205%2C,6%2C6%20%25%20en%202021">5,5 %</a> du PIB, telle est la mesure du déficit public communiquée mardi 26 mars par l’Insee. C’est bien au-delà des estimations de <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/291613-loi-du-30-novembre-2023-de-finances-de-fin-de-gestion-2023#:%7E:text=La%20loi%20de%20finances%20de,brut%20(PIB) %20en %202023.">4,9 %</a> que partageait le gouvernement le 31 octobre 2023 dans le projet de loi de finances de fin de gestion 2023 et très loin de la <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/la-degradation-des-finances-publiques-affaiblit-la-position-de-la-france-en-europe-2084937">moyenne de la zone euro de 3,2 %</a>.</p>
<p>Anticipant cette annonce le rapporteur général de la commission des Finances du Sénat, Jean-François Husson, avait exercé le 21 mars le droit que lui confère l’article 57 de la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000394028">loi organique relative aux lois de finances</a> du 1<sup>er</sup> août 2001, dans le cadre de ses pouvoirs de contrôle sur l’action du gouvernement, en se rendant au ministère des Finances pour une vérification sur pièces et sur place. À peine sorti de Bercy il avait dénoncé une rétention d’informations du gouvernement qui, selon lui, disposait déjà depuis décembre 2023, soit au cours de l’examen du projet de loi de finances de fin de gestion, d’une note évaluant le déficit 2023 à 5,2 %.</p>
<p><iframe id="kzhoq" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/kzhoq/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Il a surtout indiqué que l’Exécutif envisageait désormais un déficit de 5,7 % en 2024 (contre les 4,4 % indiqués dans la loi de Finances pour 2024) et même de 5,9 % en 2025. L’écart pour 2024 est massif, 36 milliards d’euros de déficit supplémentaire en 2024. C’est sans commune mesure avec les <a href="https://theconversation.com/comment-les-nouvelles-regles-budgetaires-europeennes-contraindront-les-depenses-publiques-francaises-223905">10 milliards d’économies</a> décidés par décret en février. Pour 2025, les écarts avec les textes budgétaires grimpent jusque 65 milliards, pour une annonce début mars de 20 milliards d’économies pour l’ensemble de comptes publics en 2025. Toujours très éloignée du plafond de 3 % imposé par le Pacte de stabilité, la France est aujourd’hui le <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/la-degradation-des-finances-publiques-affaiblit-la-position-de-la-france-en-europe-2084937">plus mauvais élève de la zone euro</a> après l’Italie dont le déficit est de 7 % en 2023.</p>
<h2>Une dérive systématique</h2>
<p>L’évolution des dépenses publiques 2023 s’est avérée à peu près conforme aux attentes gouvernementales en hausse de 3,7 % après 4 % en 2022. Ce sont les recettes qui ont ralenti plus fortement qu’attendu en ne progressant que de 2 % après 7,4 % en 2022 sous l’effet du ralentissement de l’activité. Le phénomène se trouve amplifié pour des raisons techniques : le niveau des recettes fiscales s’avère en effet plus fortement dépendant de celui de l’activité que sa moyenne historique.</p>
<p>Dans le détail on retiendra que le déficit public reste très largement, à plus de 90 %, le fait de l’État et des administrations centrales et dans une moindre mesure de la Sécurité sociale, quasiment en totalité du fait de l’assurance-maladie. Les collectivités territoiriales qui ne peuvent, de par la loi, emprunter que pour des investissements, restent à l’équilibre. L’assurance chômage enregistre même un <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/social/les-comptes-de-lassurance-chomage-sameliorent-mais-moins-que-prevu-2077594#:%7E:text=L%E2%80%99exc%C3%A9dent%20s%E2%80%99est%20ainsi,remonterait%20sensiblement%20les%20ann%C3%A9es%20suivantes">excédent de 1,6 milliard</a> malgré les ponctions de l’État.</p>
<p><iframe id="Qo9y2" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Qo9y2/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Depuis 1980 la <a href="https://theconversation.com/pourra-t-on-vraiment-eviter-de-futures-hausses-dimpots-pour-financer-les-mesures-durgence-149453">dérive des comptes publics fut systématique</a>, <a href="https://theconversation.com/deficit-public-pourquoi-les-objectifs-affiches-ne-sont-jamais-atteints-215168">quelle que soit la couleur politique des gouvernements</a>. Les crises les ont logiquement contraints à des relances keynésiennes nécessaires pour soutenir l’économie comme en 1993 (6,4 % de déficit) puis plus nettement encore en 2009 (7,2 %) le record étant atteint pendant le Covid en 2020 (9 %). La récurrence des déficits vient du fait que les périodes de forte croissance n’ont jamais été mises à profit pour désendetter l’État comme nous le rappelle l’<a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/2000/03/18/lionel-jospin-distribue-les-50-milliards-de-francs-de-la-cagnotte-2000_3686761_1819218.html">épisode fameux dit de la « cagnotte » en 2000</a> : le Premier ministre Lionel Jospin annonçait alors comment il redistribuerait les 50 milliards de francs de surplus de rentrées fiscales.</p>
<p>En conséquence le déficit structurel, indépendant de la conjoncture économique, est resté au cours des dernières années assez stable, autour de 5 % du PIB malgré une sous-estimation récurrente (et <a href="https://theconversation.com/letrange-estimation-gouvernementale-du-deficit-structurel-francais-en-2020-155089">parfois loufoque</a> comme en 2020) du ministère de l’Économie.</p>
<h2>Pas d’alternative crédible</h2>
<p>Selon une <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/sites/default/files/as/root/bank_mm/decisions/2023862dc/2023862dc.pdf#page=9">jurisprudence constante</a>, rappelée par le Conseil constitutionnel dans sa décision relative la loi de finances pour 2024 (considérant 20), « s’il apparaissait en cours d’année que l’évolution des charges ou des ressources était telle qu’elle modifierait les grandes lignes de l’équilibre budgétaire, il appartiendrait au Gouvernement de soumettre au Parlement un projet de loi de finances rectificative ». Au vu de l’ampleur des dérives constatées pour 2023 et annoncées pour 2024 et 2025, on voit mal comment le gouvernement pourrait faire l’économie d’une loi de finances rectificative, sans doute juste après les Européennes.</p>
<p>Or, pour la première fois depuis le début de cette législature, le groupe Les Républicains (LR) à l’Assemblée se déclare prêt à joindre ses voix aux autres groupes d’opposition face à ce qu’Éric Ciotti, président du parti, qualifie de <a href="https://www.lesechos.fr/politique-societe/politique/eric-ciotti-la-gestion-calamiteuse-des-finances-publiques-du-gouvernement-doit-etre-censuree-2083768">« gestion calamiteuse des finances publiques »</a>, ajoutant :</p>
<blockquote>
<p>« La situation des finances publiques constitue la première menace qui pèse sur l’avenir de notre pays. »</p>
</blockquote>
<p>Une motion de censure adoptée impliquerait la chute du gouvernement Attal et très probablement de nouvelles élections législatives. Il n’est donc pas inutile de se pencher sur les doctrines budgétaires des trois principales forces d’opposition à l’Assemblée nationale.</p>
<p>À la différence de la majorité actuelle, adepte d’un statu quo sur les impôts mais d’une baisse relative des dépenses publiques, <a href="https://republicains.fr/contre-budget-des-republicains/#:%7E:text=Notre%20objectif%20est%20de%20les,des%20pr%C3%A9l%C3%A8vements%20obligatoires%20en%202022">Les Républicains</a> comme le <a href="https://rassemblementnational.fr/communiques/economies-justice-fiscale-et-defense-du-pouvoir-dachat-les-propositions-concretes-du-rn-aux-dialogues-de-bercy">Rassemblement national</a> (RN) proposent des baisses d’impôt financées par d’hypothétiques coupes dans certaines dépenses mais en sanctuarisant – vraisemblablement pour des raisons électorales – les retraites. Le RN propose même un retour à la retraite à 60 ans pour de nombreux actifs alors que le déficit attendu des régimes de retraite est estimé, après la réforme si décriée de mars 2023, à <a href="https://theconversation.com/la-reforme-des-retraites-un-court-repit-pour-les-finances-publiques-204384">11 milliards en 2027</a>.</p>
<p>La <a href="https://lafranceinsoumise.fr/2023/11/07/gouverner-par-les-besoins-nos-priorites-budgetaires-pour-l%CA%BCannee-2024/">France insoumise</a> assume, elle, une flambée des dépenses sociales avec un retour à la retraite à 60 ans, une hausse du point d’indice des fonctionnaires et du smic (17 milliards) ou encore l’indexation des retraites sur les salaires (16 milliards). Le tout financé par des hausses des impôts sur les ménages aisés et sur les sociétés, impôts au rendement très hypothétique.</p>
<h2>Hausses d’impôts déguisés et coupes dans les dépenses</h2>
<p>Depuis son élection en 2017, Emmanuel Macron soutient qu’une augmentation du taux d’emploi au niveau de celui de nos voisins allemands assurerait des recettes supplémentaires qui feraient disparaître la totalité du déficit public. Certes le taux d’emploi est bien en hausse mais une telle parité prendra du temps alors que les intérêts de la dette publique passeront mécaniquement de 38,6 milliards d’euros en 2023 à au moins 74 milliards en 2027.</p>
<p><iframe id="ODvPG" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ODvPG/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En conséquence les marges de manœuvre budgétaires du président qui étaient déjà <a href="https://theconversation.com/les-marges-de-manoeuvre-budgetaires-particulierement-limitees-du-second-quinquennat-macron-181871">particulièrement faibles au début de son second mandat</a> semblent désormais inexistantes. Les agences de notation Fitch et Moody’s doivent d’ailleurs revoir la note qu’elles attribuent à la dette française le 26 avril et <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/06/03/le-maintien-par-standard-poor-s-de-la-note-de-la-france-un-satisfecit-a-la-portee-limitee-pour-le-gouvernement_6175991_823448.html">Standard & Poor’s</a> le 31 mai, soit juste avant les élections européennes.</p>
<p>Ainsi, on voit mal comment le pays pourrait échapper à des hausses d’impôts, au moins sous la forme relativement indolore d’<a href="https://www.europe1.fr/economie/Impot-sur-le-revenu-le-gel-du-bareme-c-est-fini-584938">années blanches</a> consistant à geler le barème de l’impôt sur le revenu (IR), sans prendre en compte l’inflation comme ce fut le cas en 2011 et 2012, à la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy et au début de celui de François Hollande. Une telle décision se traduirait par une hausse du rendement de l’IR de l’ordre de <a href="https://www.ericpichet.fr/news/2023/bareme-de-limpot-sur-le-revenu-et-inflation.html">6 milliards en 2025</a>. D’autres mesures de justice sociale semblent également inéluctables comme l’alignement à revenu égal de la CSG des inactifs sur celle des actifs. Les entreprises seront sans doute également touchées et il faut s’attendre à un nouveau report de la baisse de la CVAE.</p>
<p>C’est néanmoins en taillant dans les dépenses publiques que le redressement des comptes serait le plus efficace, essentiellement dans les dépenses sociales <a href="https://fipeco.fr/commentaire/Les%20d%C3%A9penses%20par%20politique%20publique%20en%202022">très nettement supérieures aux autres pays de l’Union européenne</a>. Ainsi sur les retraites (14,4 % du PIB contre 11,9 % dans l’UE) la désindexation sur l’inflation semble inexorable. Pour la santé (12,2 % du PIB contre 10,5 % dans l’UE) la logique de déremboursement progressive qui se traduira au 31 mars 2024 par un reste à charge de 1 euro par boite de médicaments va se poursuivre. Les subventions de France compétences à l’apprentissage en particulier dans le supérieur seront sans doute restreintes dès cette année malgré l’<a href="https://theconversation.com/apprentissage-une-depense-publique-importante-pour-un-rendement-economique-et-social-eleve-220700">excellent rendement social à moyen et long terme</a> de l’apprentissage.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226663/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Pichet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le déficit public mesuré en 2023 est bien plus important qu’escompté. Malgré les discours gouvernementaux, il semble difficile d’échapper à des hausses d’impôts, même déguisées.Éric Pichet, Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2254862024-03-19T16:56:56Z2024-03-19T16:56:56ZLa Russie a-t-elle les moyens économiques de vaincre l’Ukraine en 2024 ?<p>Dans les années 1980, la stagnation de l’économie prive progressivement l’URSS des moyens de ses ambitions de puissance mondiale. L’échec, acté en 1989, de la guerre menée pendant dix ans pour dominer l’Afghanistan signe le début de la fin de l’URSS, qui se disloque en décembre 1991. La transition brutale vers l’économie de marché se traduit en 1998 par une faillite économique complète, une phase d’<a href="https://www.persee.fr/doc/ecofi_0987-3368_1992_num_21_2_1843">hyperinflation</a>, un appauvrissement brutal de la population, la quasi-cessation du versement des salaires des fonctionnaires…</p>
<p>Avec la complicité des anciens du KGB, les futurs oligarques en profitent pour s’approprier les ressources du pays, parfois par la violence. En 1999, la Fédération de Russie est menacée d’éclatement par la révolte tchétchène.</p>
<h2>Un rétablissement de courte durée au début du XXIᵉ siècle</h2>
<p>L’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine cette même année correspond au début du rétablissement l’économie de la Fédération, qui bénéficie d’une envolée des prix des matières premières. L’indice des prix de l’énergie calculé par la Banque mondiale sur la base de 100 pour la moyenne de l’année 2016 est multiplié par 6 entre 2000 et 2007. Depuis 2008, ces prix fluctuent autour d’une moyenne élevée de 176.</p>
<p><iframe id="0pkww" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/0pkww/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’économie russe connaît une embellie de 2000 à 2008 : le PIB par habitant de la Russie remonte de 50 % du niveau des pays développés en l’an 2000 à 62 % en 2008. La crise financière mondiale inverse le mouvement à partir de 2009, et le ratio retombe à 45 % en 2022.</p>
<p><iframe id="QtkkL" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/QtkkL/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La crise de 2008 met un terme à la politique de modernisation de la Russie. Le tandem dirigeant, Poutine-Medvedev, rejette la libéralisation économique et politique de leur pays, responsable selon eux du chaos, et revient à la grande tradition russe autour du triptyque répression, militarisation et rente énergétique.</p>
<p>Au tournant des années 2010, Poutine perçoit les faiblesses du camp occidental : <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2010-2-page-443.htm">abandon par Obama</a> en 2009 du projet d’installation d’un bouclier antimissile à l’est de l’Europe puis, en 2013, son <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2017/04/07/le-jour-ou-barack-obama-avait-efface-sa-ligne-rouge-sur-la-syrie_5107363_3210.html">refus d’intervenir en Syrie</a> quant Bachar Al-Aassad franchit la « ligne rouge » qu’avait tracée le président américain (l’utilisation des armes chimiques). Commence alors pour la Russie une stratégie d’alliances, de soutien aux forces anti-occidentales dans le monde et d’interventions militaires directes dans un certain nombre de conflits : en Géorgie, en Syrie, en Libye, en Afrique subsaharienne, etc. Poutine place la lutte contre l’hégémonie occidentale au centre de sa stratégie.</p>
<p>Lorsqu’en 2013 Xi Jinping arrive au pouvoir, il est bien décidé, lui aussi, à remettre en question la domination de l’« Occident décadent ». Dès sa nomination, <a href="https://www.lefigaro.fr/international/2013/03/21/01003-20130321ARTFIG00492-xi-jinping-choisit-la-russie-pour-sa-premiere-visite-d-etat.php">il se rend en Russie</a> pour réaffirmer l’« amitié indéfectible » entre les deux pays face à l’Occident. Mais la Chine reste prudente car son développement industriel exceptionnel dépend de manière vitale de son accès aux marchés, aux technologies et aux investissements directs des pays développés.</p>
<p>Dès 2014, Poutine, au contraire, envahit la Crimée et une partie de l’Ukraine. La faiblesse des réactions européennes à cette agression d’un pays souverain le conforte dans l’idée que l’Europe est le maillon faible de l’Occident ; il prépare dès lors l’invasion de toute l’Ukraine, qu’il tente en 2022. Cette invasion sera un double échec cinglant : militaire, devant la formidable résistance ukrainienne ; diplomatique et stratégique, devant la mobilisation de l’Occident réunifié pour soutenir Kiev.</p>
<p>La guerre en Ukraine devient alors une guerre d’attrition qui entraîne la mobilisation totale des deux pays. Dans ce conflit, les capacités économiques des deux belligérants jouent un rôle majeur.</p>
<h2>La surprenante résilience de l’économie russe en 2022</h2>
<p>L’année 2022 a été extrêmement contrastée pour la Russie : d’une part, elle a perdu son pari de mener une guerre éclair et d’annexer l’Ukraine, mais d’autre part elle a <a href="https://theconversation.com/un-an-apres-linvasion-de-lukraine-une-insolente-resilience-de-leconomie-russe-199528">bénéficié d’une année économique exceptionnelle</a> en dépit des sanctions occidentales.</p>
<p>Celles-ci avaient pour but de la priver des ressources extérieures que lui procuraient ses exportations de produits primaires. Or les recettes d’exportation russes ont atteint des niveaux exceptionnels grâce au <a href="https://www.lexpress.fr/economie/politique-economique/sanctions-contre-la-russie-le-grand-contournement-les-magouilles-secretes-de-societes-europeennes-LYQNTJB26BELFMTLB4JXVLVCCI/">contournement de ses flux d’exportation habituels</a>, et surtout grâce à la flambée des prix de l’énergie primaire (cf. graphique 1). Elles se traduisent par des excédents de sa balance des paiements courants tout aussi exceptionnels (cf. graphique 3) : alors qu’ils s’élevaient en moyenne à 63 milliards de dollars par an lors de la période 2000-2020, leur niveau de 2022 a été proche de 250 milliards.</p>
<p><iframe id="8pMyG" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/8pMyG/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Par ailleurs, les sanctions voulues par les pays occidentaux <a href="http://www.cepii.fr/CEPII/fr/publications/lettre/abstract.asp?NoDoc=13860">n’ont pas été appliquées par les pays du « Global South »</a>. Par ordre d’importance, la Chine, l’Inde et la Turquie ont été et sont encore aujourd’hui, pour plus de 75 %, les principaux destinataires des exportations énergétiques russes.</p>
<p>Cette réorientation du commerce a été extrêmement rapide. Les opérateurs du commerce international sont en majeure partie des compagnies de transport à capitaux occidentaux ou des compagnies « fantômes ». Souvent confrontés à des crises d’approvisionnement de toute sorte, ces opérateurs ont développé une extraordinaire capacité d’adaptation. De leur côté, les Européens, à deux exceptions près (l’Autriche et la Hongrie), ont eux aussi réussi en un an, parfois dans la douleur, à réorienter leurs sources d’approvisionnement. Pour la France, <a href="http://www.cepii.fr/CEPII/fr/publications/lettre/abstract.asp?NoDoc=13936">l’impact du recul des échanges avec la Russie est aujourd’hui secondaire</a>.</p>
<h2>Une année 2023 et des perspectives économiques et financières 2024 nettement moins favorables</h2>
<p>L’année 2023 apparaît beaucoup moins favorable, même s’il y a une reprise apparemment remarquable de la croissance du PIB, <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/la-russie-renoue-avec-la-croissance-economique-malgre-les-sanctions-occidentales-990010.html">évaluée à 3,6 %</a>. Mais c’est un chiffre claironné par Poutine qui a été aussitôt <a href="https://investir.lesechos.fr/marches-indices/economie-politique/une-croissance-economique-russe-en-trompe-loeil-georgieva-fmi-2075768">mis en doute par la présidente du FMI</a>, qui a souligné que cette croissance était le fait du complexe militaro-industriel au détriment du secteur civil.</p>
<p>Depuis le milieu de l’année 2022, les excédents courants de la Russie chutent. D’un sommet proche de 80 milliards de dollars au deuxième trimestre 2022, on tombe à <a href="https://www.cbr.ru/eng/statistics/macro_itm/svs/bop-eval/">10 milliards au quatrième trimestre 2023</a>. Dans le même temps, le <a href="https://www.sipri.org/media/press-release/2023/russias-new-budget-law-signals-determination-see-war-ukraine-through-according-new-sipri-analysis">budget de la défense s’alourdit</a>. D’une moyenne de dépenses militaires de 47 milliards de dollars avant-guerre, on passe en 2021-2023 à un peu plus 60 milliards. Pour 2024, les prévisions budgétaires font apparaitre une explosion de ces dépenses, qui atteindraient près de 140 milliards de dollars, soit plus de 7,1 % du PIB (la moyenne européenne est de 1,5 % environ jusqu’en 2022) et plus de 35 % du budget de la Fédération (de 4 % pour la moyenne européenne). Le déficit budgétaire atteindrait 24 milliards de dollars.</p>
<p>Cette flambée des dépenses militaires soutient certes la croissance mais elle ne suffit pas à combler les besoins de l’armée, comme en témoignent le <a href="https://www.lapresse.ca/international/europe/2023-09-13/guerre-en-ukraine/les-munitions-nord-coreennes-un-coup-de-pouce-a-moscou-pour-durer.php">recours aux importations de munitions nord-coréennes</a> et les <a href="https://english.alarabiya.net/News/world/2023/11/09/Russia-asks-countries-among-its-arms-customers-to-return-weapons-sold-to-them-Report">tentatives de rachat du matériel militaire</a> que la Russie avait exporté massivement avant la guerre. L’Égypte, le Brésil, le Pakistan et la Biélorussie ont été approchés à cette fin.</p>
<p>Dans un autre domaine, la pénurie de composants aéronautiques contraint la Russie à réduire son activité de transport aérien et à cannibaliser une partie de sa flotte. Selon <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/02/12/dans-le-secteur-aerien-la-russie-ne-pourra-brader-la-securite-sans-passer-pour-une-republique-bananiere_6216073_3232.html"><em>Le Monde</em> du 12 février 2024</a>, « plus de la moitié de la flotte actuelle sera mise hors service d’ici à 2025 ». Les <a href="https://www.lefigaro.fr/international/russie-crash-d-un-avion-de-transport-militaire-iliouchine-pres-de-moscou-20240312">incidents de vol</a> se multiplient en ce début de 2024. Or le transport aérien est vital pour la Fédération russe.</p>
<p>Cette hausse des dépenses publiques traduit aussi le coût humain élevé de cette guerre à travers <a href="https://tass.com/society/1729573">l’accroissement des pensions versées aux familles des soldats mis hors de combat</a>. Selon les estimations d’un rapport présenté au Congrès américain, <a href="https://edition.cnn.com/2023/12/12/politics/russia-troop-losses-us-intelligence-assessment/index.html">315 000 soldats de nationalité russe ont été mis hors de combat</a> depuis le début de la guerre, sur un effectif initial de 360 000 combattants mobilisés. Pour 2024, la hausse prévue est liée à l’accroissement de 15 % du nombre de combattants (soit 170 000 de plus, pour atteindre un effectif total de 2,2 millions, contre 1,5 million avant l’agression).</p>
<p>L’économie russe souffre par ailleurs d’une insuffisance de main-d’œuvre, ce qui s’explique par une multiplicité de facteurs : le déclin démographique, les centaines de milliers d’hommes qui ont fui l’enrôlement, les 315 000 victimes, et les 700 000 soldats mobilisés en supplément par rapport à l’avant-guerre. Cette pénurie se reflète dans la forte montée des salaires. <a href="https://www.jeune-independant.net/le-salaire-minimum-en-russie-a-augmente-de-185-depuis-le-1er-janvier-2024/">L’augmentation de 18,5 % du salaire minimum</a>, effective au 1<sup>er</sup> janvier 2024, concernerait plus de 4 millions de travailleurs. Autant de dynamiques qui devraient fortement peser sur l’inflation à venir.</p>
<h2>Les finances suffiront-elles à soutenir l’effort de guerre ?</h2>
<p>Si la dette extérieure de la Russie est faible, et se réduit encore, cela est dû au fait que les créanciers potentiels ne se précipitent pas. Les réserves extérieures de la Russie se monteraient à 630 milliards de dollars, dont 300 milliards sont détenus par les pays occidentaux et sont gelés du fait des sanctions.</p>
<p>La tentative de dédollariser les paiements extérieurs de la Russie se heurte à la faiblesse du rouble sur les marchés mondiaux. Sur un an, la devise russe est passée de 71,4 roubles pour un euro en janvier 2023 à 97,1 roubles pour un euro et, pour enrayer une chute incontrôlée, la <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/russie-contrainte-par-l-inflation-la-banque-centrale-releve-son-taux-directeur-a-16-985819.html">banque de Russie a relevé ses taux à long terme à 16 %</a>, face à une inflation de plus de 7 % en 2023. Cette hausse pèse sur l’économie et alourdit d’autant le coût de la dette.</p>
<p>Ces dépenses supplémentaires devront être financées par un accroissement des impôts sur les entreprises et par la planche à billets, l’endettement extérieur étant exclu. En effet, si la dette extérieure de la Russie ne représente que moins de 5 % du PIB, l’agence de notation <a href="https://www.fitchratings.com/research/sovereigns/fitch-downgrades-russia-to-c-08-03-2022">Fitch classe cette dette en catégorie C</a>, juste au-dessus de la catégorie D, correspondant au défaut de paiement.</p>
<p><a href="https://www.lefigaro.fr/vox/monde/exclusion-de-la-russie-du-reseau-bancaire-swift-quelles-consequences-pour-l-europe-20220302">L’exclusion su système Swift</a> conduit la Russie à tenter de dédollariser ses transactions commerciales et financières internationales, mais elle ne rencontre pas beaucoup de succès en la matière du côté des BRICS, qui en ont pourtant <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/les-brics-revent-de-dedollariser-l-economie-mondiale-20230822">pris l’engagement</a>. Par ailleurs, la tentation de la Russie de créer un <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/08/15/la-russie-lance-un-rouble-numerique-esperant-contourner-les-sanctions-internationales_6185479_3210.html">« rouble numérique »</a> se heurte à des difficultés : d’une part, cette monnaie reposerait sur une monnaie faible, le rouble – ce qui n’est pas très attrayant ; d’autre part, l’État russe souhaite contrôler étroitement l’usage qui en serait fait, ce qui est en contradiction avec ce type de monnaie.</p>
<h2>L’année 2024 sera décisive</h2>
<p>L’accroissement considérable des dépenses militaires prévues pour 2024 et la baisse de ses ressources financières donnent le sentiment que la Russie joue son va-tout cette année.</p>
<p>Du côté de l’Ukraine, c’est l’aide occidentale et, en particulier, européenne qui sera déterminante, surtout en cas de défection de l’allié américain. L’aide occidentale a souvent donné l’impression d’être en retard sur les besoins de l’Ukraine. Le réarmement européen prend du temps, mais le potentiel industriel et les capacités financières ne manquent pas. L’Europe sera-t-elle capable de fournir à temps et en quantité suffisante les aides nécessaires à l’Ukraine ?</p>
<hr>
<p><em>Une version plus longue de cet article est disponible sur <a href="https://geopoweb.fr/?LA-RUSSIE-A-T-ELLE-LES-MOYENS-DE-VAINCRE-EN-2024-Michel-FOUQUIN">Geopoweb.fr</a></em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225486/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Fouquin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’économie russe a tenu le choc des sanctions et de la guerre en 2022, mais 2023 aura été plus difficile. 2024 sera une année décisive pour les finances de Moscou, et donc pour sa guerre en Ukraine.Michel Fouquin, Professeur d'Economie à la Faculté de Sciences Sociales et Économiques (FASSE) , Conseiller au CEPII, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2224212024-03-06T16:14:15Z2024-03-06T16:14:15ZL’opéra, un univers propice aux violences sexistes et sexuelles ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/580461/original/file-20240307-29-1r3uj9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=155%2C0%2C6334%2C4281&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'Opéra de Paris (Palais Garnier).</span> </figcaption></figure><p><em>Cet article a été écrit avec Soline Helbert (le nom a été changé), chanteuse lyrique, diplômée en droit des universités Paris I et Paris II.</em></p>
<hr>
<p>Dans le sillage du mouvement #MeToo, la question des violences sexistes et sexuelles à l’œuvre dans les mondes de l’art – musique, cinéma, cirque, danse ou théâtre – s’est imposée avec force dans les débats publics, les médias ou encore les institutions publiques et privées. Les points de vue sont nombreux, les interventions sont variées, les solutions proposées sont multiples. Et pourtant, aucune enquête scientifique n’a été pour l’instant menée à son terme dans un monde de l’art en France, et ce alors même que les inégalités femmes/hommes <a href="https://ojs.letras.up.pt/index.php/taa/article/view/5037">ont fait l’objet de recherches sérieuses ces vingt dernières années</a>.</p>
<p>C’est tout le sens de <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/sqrm/2021-v22-n1-2-sqrm07828/1097857ar.pdf">l’enquête scientifique</a> menée en 2020 dans le monde de l’opéra par deux universitaires spécialisées en sociologie des arts et du genre et par une chanteuse lyrique. L’enquête n’a pas été conduite au sein de structures spécifiques, mais au moyen d’un questionnaire en ligne (336 répondantes et répondants) et de dix-huit entretiens qualitatifs. Elle a saisi aussi bien la force des violences sexistes et sexuelles à l’œuvre dans l’opéra français, quel que soit le lieu d’exercice, que ses conditions sociales de production, de légitimation et de non-dénonciation.</p>
<h2>Des agissements sexistes et sexuels omniprésents</h2>
<p>Une liste d’agissements sexistes et sexuels était soumise aux répondantes et répondants, du plus banal comme la blague sexiste au plus grave comme un acte sexuel non désiré (voir graphiques pour la liste des agissements et les principaux résultats statistiques).</p>
<p>Or, ces agissements sont récurrents d’après 75 % des répondantes et répondants, dont 25 % les jugent quasi permanents.</p>
<p>Quelle que soit la profession exercée (soliste, artiste de chœurs), les femmes sont surreprésentées parmi les victimes et les répondantes et répondants désignent à 74 % des hommes comme étant à l’origine des faits rapportés, les femmes n’étant autrices exclusives que dans quatre cas.</p>
<p>La personne qui est à l’origine des agissements sexistes est le plus souvent un homme qui a du pouvoir sur elles de manière directe, mais aussi dans une large proportion un collègue.</p>
<p><iframe id="GHhoa" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/GHhoa/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Un très faible niveau de dénonciation</h2>
<p>Interrogés sur leurs réactions face aux agissements sexistes et sexuels, les répondantes et répondants révèlent une difficulté à dénoncer les faits. Seuls 18 % confirment parfois rapporter les agissements à un supérieur hiérarchique et 6 % l’ont fait à une autorité extérieure.</p>
<p>Pourtant, l’impact psychologique de ces faits est important tel qu’un sentiment de honte et d’humiliation ou une perte de confiance. Et une partie des répondantes et répondants rapportent avoir subi des conséquences professionnelles en lien avec ces agissements sexistes et sexuels.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>La peur est le sentiment impliqué dans 3 des 4 causes de non-dénonciation cochées par plus de 30 % des répondants : « peur pour la suite de votre carrière » (32 %), « peur de passer pour chiante ou chiant » (34 %) ou « pour ne pas attirer l’attention, faire de vagues » (40 %) – qui suppose implicitement une peur d’être exposé.</p>
<p>Comment expliquer aussi bien l’omniprésence des agissements sexistes et sexuels que leur faible dénonciation malgré des conséquences négatives évidentes ?</p>
<p><iframe id="PtlZl" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/PtlZl/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Les conditions sociales de production et de faible dénonciation des agissements sexistes et sexuels</h2>
<p>La peur, qui est au cœur de la difficulté à dénoncer, prend tout d’abord racine dans le caractère saturé, concurrentiel et précaire des mondes de l’art. Les personnels de l’opéra craignent que chaque production dans un théâtre soit la dernière :</p>
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<p>« Lorsqu’on travaille sur une même production, bien sûr, on s’entend bien et il y a de l’entraide. Mais étant donné que le métier est très fortement concurrentiel, cela rend difficile le fait d’être vraiment solidaires. Chacune fait ce qu’elle peut pour mener sa carrière. » (Alice, chanteuse lyrique, 30-40 ans)</p>
</blockquote>
<p>Un deuxième phénomène favorise la production d’agissements sexistes et sexuels : le poids de la séduction physique dans les interactions sociales. Elle est au cœur des métiers de la scène, mais surtout elle conduit souvent à l’hypersexualisation des femmes. Ce phénomène semble rendre particulièrement difficile pour une partie des personnes concernées, notamment des hommes en situation de pouvoir, la construction de frontières « claires » entre les comportements professionnels de séduction attendus – liés notamment au jeu de scène – et les agissements sexistes ou sexuels dégradants et relevant des violences de genre.</p>
<p>De fait, les personnages féminins dans les œuvres sont souvent des femmes séduisantes et amoureuses, généralement impliquées exclusivement dans des enjeux amoureux ou sexuels. Et les mises en scène actuelles tendent à sexualiser encore davantage ces personnages féminins.</p>
<p>À la question de savoir si ses costumes mettent en valeur son sex-appeal, une chanteuse répond : « Oui, complètement. Sauf si mon personnage est une vieille dame, ou un personnage inspiré du dessin animé […]. Mais ces productions-là se comptent sur les doigts d’une main. Dans de nombreuses autres, on me met un porte-jarretelle, un mini short, alors que rien ne l’impose dans l’histoire ! » (Amanda, chanteuse lyrique, 30-40 ans)</p>
<p>Le port de ces tenues sexualisées semble encore transformer ces chanteuses en objets de désir disponibles. Cela peut expliquer que certains directeurs de casting privilégient des chanteuses sexuellement attirantes :</p>
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<p>« J’ai entendu des metteurs en scène dire lors du choix d’une chanteuse qu’il fallait quand même qu’on ait envie de la baiser. » (Céline, chanteuse lyrique, 30-40 ans)</p>
</blockquote>
<p>Certains metteurs en scène, chanteurs ou responsables de production peuvent alors poursuivre ces femmes de leurs assiduités, leur « voler » des baisers après les répétitions, avoir des gestes ou des paroles déplacés. Les femmes chanteuses lyriques apprennent à <a href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/sciences-politiques-et-sociologie/les-femmes-du-jazz/">« fermer la séduction »</a> afin d’éviter au mieux les violences sexuelles et les agissements sexistes. Ainsi, certaines choisissent des tenues peu suggestives ou des comportements distants : ne pas répondre aux SMS, ne pas sortir entre collègues, mettre en avant une relation stable, son rôle de mère. Cette nécessaire autoprotection démontre le poids de ces violences de genre sur leur quotidien.</p>
<p>Un dernier point montre enfin le caractère circulaire du sexisme à l’œuvre dans ce monde professionnel. Quand les femmes décident de dénoncer une violence sexuelle subie, elles se trouvent alors soumises à un paradoxe. Ayant été transformées en objets sexuels, elles ne peuvent qu’être la cause des violences subies, sauf preuves contraires. Elles doivent justifier d’un comportement exemplaire et le moindre écart est interprété comme la cause du comportement répréhensible de l’agresseur. Voici ce qu’en dit cette femme victime d’une violence sexuelle – embrassée de force à plusieurs reprises et harcelée par messages par son metteur en scène :</p>
<p>À notre question « Vous avez indiqué ne pas avoir parlé des choses que vous aviez subies par peur que l’on vous renvoie la faute », cette chanteuse répond : « J’ai une collègue qui a porté plainte, et je sais comment ça se passe. On analyse tes faits et gestes pour savoir si tu n’as pas provoqué la situation. C’est toujours pareil… des messages décalés des directeurs, parfois à une heure du matin. Au début, tu es toute jeune, tu te demandes ce qui va se passer si tu ne réponds pas, s’il ne va pas annuler ton contrat. Donc tu réponds. Et après on va te dire « si tu as répondu à minuit, il ne faut pas t’étonner qu’après… » À cause de ça, je n’ai jamais eu envie de me retrouver sous les feux de ce genre d’enquête ! » (Coline, chanteuse lyrique, 20-30 ans)</p>
<p>Pour finir, le « talent » supposé de l’agresseur tend à freiner toute velléité de dénonciation. Il justifierait d’accepter certaines « dérives » comportementales, et notamment les pratiques sexistes et sexuelles :</p>
<blockquote>
<p>« Ah oui, X – un metteur en scène reconnu –, c’était Minitel rose, il sautait l’administratrice […]. J’ai repris des gens au sujet de l’affaire Domingo dans des dîners qui disaient “quand même, attaquer un si grand artiste, qui n’a rien fait…” Non. Rien fait, vous ne savez pas. En fait je sais, mais on va dire qu’on ne sait pas ! » (Amélie, chanteuse lyrique, 50-60 ans)</p>
</blockquote>
<p><iframe id="ZMRvP" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ZMRvP/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Précarité et incertitude professionnelles, hypersexualisation des chanteuses, prépondérance des capacités de séduction physique dans les critères de recrutement et dans les interactions sociales, tolérance des personnels vis-à-vis des « dérives » des grands noms du spectacle… Nombreux sont les éléments structurels participant à produire et à légitimer <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2019-1-page-17.htm?ref=doi">« un continuum »</a> des violences sexistes et sexuelles récurrentes et non dénoncées.</p>
<p>Les mondes de l’art gagneraient à ouvrir les portes aux chercheurs et aux chercheures afin de mieux identifier les agissements sexistes et sexuels à l’œuvre et, plus important encore, les conditions sociales de production de ces agissements afin de pouvoir envisager des réponses adaptées à ce phénomène à l’avenir.</p>
<p>Précisons enfin que depuis que l’enquête a été menée, en 2020, le recours à des coordinatrices et des coordinateurs d’intimité s’est développé sur les productions d’opéra, sans que l’on puisse se prononcer sur la capacité réelle de ces intervenantes à prévenir les dérapages lors de scènes intimes. <a href="https://www.radiofrance.fr/francemusique/menaces-les-artistes-lyriques-creent-le-collectif-unisson-et-appellent-l-etat-a-l-aide-7403286">Le collectif Unisson</a> joue également un rôle favorable dans la circulation de la parole sur le sujet. Si une prise de conscience semble se produire petit à petit, les résultats de l’enquête menée en 2020 semblent cependant toujours d’actualité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222421/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une enquête sociologique permet de mesurer la force des violences sexistes et sexuelles à l’œuvre dans l’opéra français.Marie Buscatto, Professeure de sociologie, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneIonela Roharik, Sociologue, ingénieure d’études, École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2216192024-03-05T16:02:52Z2024-03-05T16:02:52Z« Face au ralentissement économique, l’Europe doit porter l’effort sur l’éducation et la R&D »<p><em>L’année 2024 devrait être marquée par un essoufflement de la dynamique économique européenne liée notamment au resserrement de la politique monétaire. Dans ce contexte délicat, Céline Antonin, économiste à l’OFCE, plaide pour une politique d’investissements de long terme centrée sur l’innovation. Comme elle l’explique avec les économistes Philippe Aghion et Simon Bunel dans leur livre <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/economie-et-finance/pouvoir-de-la-destruction-creatrice_9782738149466.php">Le Pouvoir de la destruction créatrice</a> (Éditions Odile Jacob), l’écosystème américain pourrait servir de source d’inspiration.</em></p>
<hr>
<p><strong>L’économie mondiale devrait ralentir dans son ensemble en 2024, mais davantage en Europe. Pourquoi ce décrochage par rapport aux zones Amérique du Nord ou Asie ?</strong></p>
<p>L’économie mondiale devrait connaître un ralentissement global en 2024, qui sera plus marqué dans les pays développés, notamment en Europe et aux États-Unis. Cependant, ce qui compte, c’est l’évolution depuis 2019 : par rapport à une trajectoire où le PIB aurait progressé à la même vitesse que les tendances de croissance antérieures à 2020, les États-Unis ont presque effacé les crises sanitaire et énergétique. En revanche, certains pays européens, comme l’Allemagne, restent en retard. Ce rattrapage plus rapide aux États-Unis s’explique principalement par trois facteurs : d’abord, la crise énergétique de 2022 a relativement épargné le continent américain, qui produit du pétrole et du gaz. En outre, les plans de soutien depuis 2020 ont été plus massifs aux États-Unis. Enfin, un phénomène de désépargne a profité à la consommation outre-Atlantique, alors que les Européens ont moins puisé dans leurs réserves depuis la pandémie.</p>
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<p><strong>Peut-on parler de phase de normalisation après les politiques économiques exceptionnelles mises en place face à la crise économique liée à la pandémie ?</strong></p>
<p>Sur le plan monétaire, la normalisation est effectivement en cours avec la remontée des taux directeurs initiée en 2022 par la Réserve fédérale américaine (Fed) puis la Banque centrale européenne (BCE). Les deux banques centrales continuent d’ailleurs de privilégier la fermeté en raison des niveaux d’inflation, notamment sous-jacente (hors énergie et alimentation), qui restent élevés. On peut noter ici qu’il s’agit d’une normalisation qui intervient non pas après la crise de 2020, mais après plus d’une décennie de politiques monétaires expansionnistes entreprises pour préserver l’euro. Sur le plan budgétaire, une phase de normalisation progressive s’amorce, mais de façon graduelle. En 2024, il s’agit uniquement de la suppression progressive des mesures d’aides aux ménages et aux entreprises en réponse à la crise énergétique. La phase de consolidation budgétaire devrait devenir une réalité vers fin 2024-2025.</p>
<p><strong>Quel est le rôle du ralentissement de la locomotive allemande dans l’essoufflement de la croissance européenne ?</strong></p>
<p>L’Allemagne a notamment connu des difficultés en raison de sa dépendance au gaz russe. La crise énergétique a affecté sa production industrielle et a entraîné une inflation qui a atteint des pics proches de 10 %. Les retards dans la mise en place d’un bouclier énergétique ont en outre amplifié les effets négatifs. L’industrie allemande a ainsi perdu en compétitivité. Par ailleurs, les salaires ont crû moins vite que les prix, ce qui s’est traduit par une baisse du pouvoir d’achat et de la consommation des ménages allemands. Comme le commerce extérieur allemand reste très lié à celui de ses partenaires européens, il existe un effet d’entraînement sur les économies des autres pays, déjà confrontés globalement aux mêmes crises que l’Allemagne.</p>
<p><iframe id="z08RB" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/z08RB/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><strong>Faut-il voir dans ce ralentissement économique un effet collatéral direct de la politique de remontée des taux directeurs enclenché par la Banque centrale européenne (BCE) à partir de mi-2022 ?</strong></p>
<p>Ce n’est pas la seule raison mais il s’agit effectivement d’une cause importante. Quand on estime la croissance de 2024, on prend la croissance spontanée (la croissance que l’on observerait en l’absence de choc) et on lui soustrait les différents chocs. Pour la France, l’OFCE estime cette croissance hors chocs à 1,7 % en 2024, mais 0,8 % avec les chocs. Parmi ces chocs, la hausse des taux a conduit à la <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/revue/12-182OFCE.pdf">perte de 0,9 point de PIB</a>, un effet substantiel que l’on retrouve dans les autres pays de la zone euro. La remontée des taux pèse en effet aujourd’hui sur la consommation et l’investissement, avec des canaux de transmission multiples.</p>
<p><strong>Le chômage a connu une légère remontée fin 2023 qui devrait se poursuivre dans les prochains mois. Aux États-Unis, le président de la Réserve fédérale (Fed), Jerome Powell, avait expliqué en 2022 qu’il s’agissait d’un « mal nécessaire » dans la lutte contre l’inflation. Sommes-nous dans ce moment-là en Europe ?</strong></p>
<p>Faut-il en passer par la récession pour combattre l’inflation, comme nous l’a montré le cas américain au tournant des années 1980, lorsque le président de la Fed Paul Volker avait conduit une politique monétaire très restrictive ? Ce n’est pas certain. Certes, en théorie, la courbe de Phillips met en évidence une relation inverse entre inflation et chômage. Or, plusieurs épisodes historiques montrent que cette relation inverse <a href="https://theconversation.com/retour-sur-la-baisse-du-chomage-est-elle-encore-un-moteur-de-linflation-159972">ne s’observe pas toujours</a> et qu’elle dépend de la nature de l’inflation – importée ou interne. Par exemple, la forte hausse du chômage après la crise financière de 2008 n’a pas relancé l’inflation. Même Jerome Powell l’avait souligné peu de temps avant la déclaration que vous rappelez.</p>
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<p><strong>Quels sont, selon vous, les principaux risques liés au ralentissement de la croissance économique dans la zone euro ?</strong></p>
<p>La question prédominante concerne actuellement l’accroissement de la dette publique, qui a déjà connu une augmentation significative depuis 2008 et qui a été affectée plus récemment tant par la pandémie de Covid que par la crise énergétique, avec une réponse systématique par le recours à l’endettement. L’inflation a limité quelque peu la progression du ratio d’endettement mais son reflux, combiné à la hausse du taux d’intérêt sur la dette, expose à des risques. En particulier, même si les investisseurs conservent leur confiance dans la capacité de remboursement des États, ces derniers se voient privés de marges de manœuvre financières pour réaliser des investissements productifs cruciaux.</p>
<p><strong>Faut-il s’inquiéter des différences observées entre les niveaux d’endettement des pays membres ?</strong></p>
<p>De façon générale, plus les trajectoires entre pays membres sont divergentes, plus la conduite d’une politique commune est rendue difficile. Ce que révèle la montée de l’endettement en zone euro, c’est que les traités budgétaires sont souvent enfreints, avec des ajustements négociés. Au total, cela pose la question de la capacité de l’UE à imposer des politiques de réduction de l’endettement même en période de croissance, ce qui compromet le potentiel d’investissement à long terme.</p>
<p><strong>Dans ce contexte de ralentissement économique, la zone euro risque-t-elle de perdre du terrain dans le commerce international ? Des mesures comme le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) ou encore les nouvelles règlementations de l’économie numérique (Digital services Act) ne risquent-elles pas en outre d’isoler l’économie européenne ?</strong></p>
<p>En effet, ces initiatives peuvent entraîner, dans un premier temps, une détérioration de la compétitivité des entreprises européennes. C’est d’ailleurs ce que soulignaient les économistes Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz dans leur rapport de 2023 sur les <a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/2023-incidences-economiques-rapport-pisani-5juin.pdf">« incidences économiques de l’action pour le climat »</a> en ce qui concerne le MACF. Toutefois, ce dispositif contient des mesures pour favoriser la localisation des activités en Europe, ce peut générer des gains de productivité et de la croissance. Mais tout cela reste hypothétique à l’heure actuelle.</p>
<p><strong>Quelles mesures pourraient être mises en œuvre pour stimuler la croissance économique dans la zone euro ? Que peut-on attendre des plans de relance ou des politiques industrielles européennes (en faveur des batteries ou des voitures électriques) ?</strong></p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/570571/original/file-20240122-29-ejkztq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/570571/original/file-20240122-29-ejkztq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/570571/original/file-20240122-29-ejkztq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=929&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/570571/original/file-20240122-29-ejkztq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=929&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/570571/original/file-20240122-29-ejkztq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=929&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/570571/original/file-20240122-29-ejkztq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1168&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/570571/original/file-20240122-29-ejkztq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1168&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/570571/original/file-20240122-29-ejkztq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1168&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« Le Pouvoir de la destruction créatrice », Philippe Aghion, Céline Antonin, Simon Bunel.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/economie-et-finance/pouvoir-de-la-destruction-creatrice_9782738149466.php">Éditions Odile Jacob (2020)</a></span>
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<p>Il s’agit là d’initiatives positives mais l’échelle reste limitée et il est difficile d’en attendre des effets sur la productivité. Au nom de la politique de concurrence, la zone euro ne doit pas renoncer à une politique industrielle, avec de grands investissements sur le modèle de la DARPA (<em>Defense Advanced Research Projects Agency</em>) américaine. Par ailleurs, l’Europe semble avoir perdu de vue l’objectif de 3 % du PIB consacré à la R&D, contrairement aux États-Unis. Elle gagnerait pourtant à s’inspirer de l’écosystème d’innovation américain qui repose sur des universités bien dotées, un puissant réseau de financeurs – fondations, investisseurs institutionnels, capital-risqueurs –, et une synergie de financement public-privé de la R&D, qui explique largement la supériorité américaine en matière d’innovation et de croissance, comme nous l’écrivons dans le <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/economie-et-finance/pouvoir-de-la-destruction-creatrice_9782738149466.php">livre <em>Le pouvoir de la destruction créatrice</em> avec Philippe Aghion et Simon Bunel</a>.</p>
<p><strong>Comment évaluez-vous plus largement la coopération entre les pays de la zone euro pour faire face aux défis économiques actuels ?</strong></p>
<p>Certes, on a observé ces dernières années des cas de coopération approfondie entre les pays de la zone euro. Par exemple, les mécanismes de sauvetage budgétaire des années 2010 auraient été impensables quelques années plus tôt. Une politique d’innovation et de croissance, fondée sur l’investissement dans la R&D, et dans des grands projets coopératifs entre États, par exemple dans les domaines de l’intelligence artificielle, les technologies quantiques ou les semi-conducteurs, me semble un bon moyen de relancer le projet européen.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Cette contribution est publiée en partenariat avec le <a href="https://www.printempsdeleco.fr/">Printemps de l’Économie</a>, cycle de conférences-débats qui se tiendront du mardi 2 au vendredi 5 avril au Conseil économique social et environnemental (Cese) à Paris. Retrouvez ici le <a href="https://www.printempsdeleco.fr/12e-edition-2024">programme complet</a> de l’édition 2024, intitulée « Quelle Europe dans un monde fragmenté ? »</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221619/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Céline Antonin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les Vingt-Sept doivent activer de nouvelles politiques pour répondre au décrochage actuel par rapport aux autres grandes zones économiques mondiales, estime Céline Antonin, économiste à l’OFCE.Céline Antonin, Chercheur à Sciences Po (OFCE) et chercheur associé au Collège de France, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2226562024-03-05T16:00:55Z2024-03-05T16:00:55ZExploitation minière en Afrique : enjeux fiscaux, sociaux et environnementaux<p>« La course est lancée » pour dominer la technologie des énergies propres, a déclaré Ursula von der Leyen, en mars 2023, lorsqu’elle a annoncé la mise en place du <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/infographics/critical-raw-materials/">Règlement européen sur les matières premières critiques</a>, qui vise à réduire la dépendance actuelle de l’UE en matière d’approvisionnement en minerais critiques. Ce texte a été présenté en réponse à la <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/blog/linflation-reduction-act-americain-une-loi-mal-nommee/">loi sur la réduction de l’inflation des États-Unis</a>, qui comprend notamment un engagement à accroître l’approvisionnement national en ces minerais essentiels.</p>
<p>Dans ce contexte de compétition entre grandes puissances, on peut craindre que certains impacts socio-économiques et environnementaux négatifs propres à l’industrie minière soient volontairement ignorés, dans un objectif de sécurisation rapide des ressources. Or, négliger ces questions pourrait compromettre les efforts déployés pour atténuer le changement climatique et protéger la biodiversité, et répéterait les erreurs du passé, avec une exploitation systématique des pays en développement réduits à la production de matières premières de base, comme l’a souligné le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres dans son <a href="https://news.un.org/en/story/2023/12/1144267">adresse aux dirigeants mondiaux</a> lors de la COP28.</p>
<h2>Un moment charnière</h2>
<p>La transition énergétique, qui vise à réduire, voire à remplacer un système utilisant les énergies fossiles par un nouveau mode de consommation centré sur les énergies renouvelables, implique un besoin accru de ressources minières, aussi appelées minerais critiques. La demande de ces minerais – lithium, cobalt, graphite, nickel et cuivre – <a href="https://www.iea.org/news/iea-critical-minerals-and-clean-energy-summit-delivers-six-key-actions-for-secure-sustainable-and-responsible-supply-chains">va exploser dans les années à venir</a>.</p>
<p>Le continent africain abrite de vastes ressources naturelles, <a href="https://theconversation.com/les-nouveaux-enjeux-de-lexpansion-miniere-en-afrique-220605">notamment minières</a>. Cependant, le nombre de pays pouvant prétendre produire une quantité significative de minerais critiques pour la transition énergétique est, au regard de l’état des réserves connues, <a href="https://theconversation.com/les-minerais-critiques-des-ambitions-pour-lafrique-220735">très restreint</a>. Contrairement au boom minier des minerais précieux qui se situait principalement en Afrique de l’Ouest, ce nouveau boom trouve son centre de gravité en Afrique centrale et australe : République démocratique du Congo (RDC) et Zambie pour le cuivre et le cobalt, Afrique du Sud et Zimbabwe pour le platine et le manganèse, ou encore Madagascar et Mozambique pour le graphite, le titane et les <a href="https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/289457-terres-rares-quels-enjeux-pour-la-france-et-leurope">terres rares</a>.</p>
<p><iframe id="gkknX" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/gkknX/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>C’est donc l’occasion pour ces pays de réexaminer les régimes fiscaux afin de favoriser une mobilisation plus efficace des recettes qui seront nécessaires pour assurer leur propre transition énergétique.</p>
<p>Contrairement au secteur pétrolier, où les pays et compagnies ont adopté principalement des accords de partage de la production (ou des revenus), dans le secteur minier c’est le régime de concession qui est prédominant. Dès lors, les États doivent développer la fiscalité pour récupérer une partie des revenus générés par l’exploitation minière. Le débat sur la politique fiscale optimale qui permettrait aux gouvernements africains de capter une « juste » part de la rente ressurgit donc suite à l’augmentation des cours de certains des minerais clés pour la transition énergétique.</p>
<p>Il est crucial de ne pas reproduire le cycle des années 2000. À cette époque, la vague de privatisations des années 1990 combinée à la hausse des prix des métaux en 2000 s’est traduite par une vague d’investissements, mais les administrations des États africains n’étaient pas préparées pour négocier avec les multinationales minières, et leurs codes miniers pas suffisamment bien conçus pour les aider à tirer un revenu décent de l’exploitation. En outre, ces pays ont offert des incitations fiscales de façon trop systématique dans le cadre des premières conventions minières négociées, qui n’ont que rarement permis aux gouvernements de percevoir les recettes attendues. Exemple révélateur de cette asymétrie : <a href="https://www.monde-diplomatique.fr/2011/02/COLOMA/20108">« les contrats chinois »</a> conclus entre Pékin et Kinshasa entre 2007 et 2008 pour plusieurs milliards de dollars.</p>
<h2>Depuis 2010, un processus de rééquilibrage des intérêts</h2>
<p>Les pays producteurs de minerais, critiques ou pas, ont entrepris depuis 2010 des processus d’élaboration de <a href="https://www.ictd.ac/fr/publication/la-fiscalite-miniere-en-afrique-quelle-evolution-recente-en-2018/">nouveaux codes miniers</a> afin de rééquilibrer les intérêts de l’ensemble des parties concernées.</p>
<p>Les redevances minières sont en hausse (elles sont généralement versées aux collectivités locales plutôt qu’à l’État central). Par ailleurs, les taux sont de plus en plus variables ou progressifs en fonction du cours des matières premières. En moyenne, les taux de l’impôt sur les sociétés pour le secteur minier restent généralement inférieurs aux taux du régime général, mais on observe une moindre pratique des exonérations dans le cadre des conventions minières (il est préférable d’avoir un <a href="https://ferdi.fr/publications/analyse-comparee-des-cadres-legislatifs-et-conventionnels-de-la-fiscalite-aurifere-en-afrique-de-l-ouest">taux moindre mais effectivement appliqué)</a>.</p>
<p>La gratuité des participations pour les États est plus fréquente, ce qui permet à ces États de recevoir des dividendes, mais aussi des informations sur l’exploitation de la mine qui peuvent être utiles pour déterminer la rentabilité réelle du projet et donc la taxation appropriée.</p>
<p>On constate enfin une résurgence de l’impôt sur la rente, qui permet de compenser les pertes liées aux sous-estimations (intentionnelles ou non) du potentiel des prix des minerais par les compagnies.</p>
<p>Dans l’ensemble, les <a href="https://ferdi.fr/publications/analyse-la-fiscalite-miniere-augmente-en-afrique">impôts ont augmenté</a> ; cependant, toute augmentation du taux d’imposition ne garantit pas que les recettes seront effectivement perçues.</p>
<h2>Etat des lieux au cours de la dernière décennie</h2>
<p>Les recettes du secteur minier en Afrique demeurent pourtant inférieures à leur potentiel. Le <a href="https://jaga.afrique-gouvernance.net/_docs/app_ar2013_fr_summary_hi_res_final.pdf">rapport du Africa Progress Panel (2013)</a> avait déjà attiré l’attention de la communauté internationale sur ce paradoxe coûteux pour la mobilisation des ressources intérieures en Afrique. <a href="https://www.ictd.ac/fr/publication/quavons-nous-appris-au-sujet-de-la-taxation-des-activites-minieres-en-afrique/">Lundstøl & Moore, en 2016</a>, soulignent que le chiffre d’affaires du secteur a été multiplié par 4,6 pendant le dernier boom 2000-2010 tandis que les recettes fiscales, elles, n’ont été augmentées que d’un facteur de 1,15.</p>
<p>Force est de constater que sur la période 2010-2020 les choses ne se sont guère améliorées. En effet, on observe que les recettes fiscales sont toujours significativement plus faibles que les rentes minières issues de l’extraction : elles sont de deux à cinq fois moins importantes sur 2010-2019.</p>
<p><iframe id="Q5yRz" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Q5yRz/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="HF5Gw" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/HF5Gw/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="Kq2WD" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Kq2WD/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Les défis de la fiscalité minière</h2>
<p>Ainsi, réviser les codes miniers ne suffit pas et peut même se révéler contreproductif car les fréquents changements de niveaux de taxation peuvent représenter une difficulté pour les investisseurs et les faire fuir.</p>
<p>Car si la baisse des recettes minières s’explique en partie par la baisse des cours des minerais jusqu’à 2019, elle résulte également des défis récurrents de la fiscalité minière :</p>
<ul>
<li><p>la faible capacité des administrations fiscales et minières dans les pays ;</p></li>
<li><p>la course au moins-disant fiscal que se livrent toujours les économies du continent ;</p></li>
<li><p>la non-imposition du secteur artisanal, qui joue un rôle important dans minerais de la transition ;</p></li>
<li><p>les clauses de stabilisation dans les conventions passées figeant les dispositions fiscales sur des périodes de 10 à 30 ans et rendant inopérantes les nouvelles dispositions fiscales.</p></li>
</ul>
<h2>Le problème de l’évasion fiscale</h2>
<p>L’optimisation fiscale agressive des entreprises multinationales, qui leur permet de réduire les profits déclarés dans les pays à taux d’imposition élevés pour les transférer dans des pays à taux d’imposition privilégiés, reste le défi principal.</p>
<p>Plusieurs études ont montré la relation qui existe entre les taux d’imposition et le niveau de profits des entreprises minières. En particulier, <a href="https://www.imf.org/en/Publications/WP/Issues/2021/01/15/Is-There-Money-on-the-Table-Evidence-on-the-Magnitude-of-Profit-Shifting-in-the-Extractive-49983">Beer and Devlin (2021)</a> montrent qu’une augmentation du taux d’impôt sur les bénéfices de 1 % entraîne une réduction de l’assiette de ce même impôt de 3,5 %. En 2021, le <a href="https://www.letemps.ch/economie/compagnies-minieres-ne-paient-assez-dimpots-afrique">FMI indiquait</a> que 15 pays d’Afrique perdaient entre 450 et 730 millions de dollars par an en recettes fiscales sur le revenu des sociétés, en raison du transfert de bénéfices par les entreprises multinationales.</p>
<p>Parmi les techniques d’érosion de la base d’imposition et de transfert de bénéfices, la plus fréquemment utilisée dans le secteur minier est l’abus des règles sur les prix de transfert. Les entreprises vendant le minerai à leur filiale à l’étranger pour le transformer peuvent effectuer cette opération à un prix inférieur au cours réel afin de diminuer le profit, et donc le prélèvement, dans le pays d’origine. Il existe aussi d’autres techniques aux résultats similaires comme la surévaluation des coûts d’investissement, le surendettement auprès de sociétés affiliées, le chalandage fiscal (<a href="https://doi.org/10.35188/UNU-WIDER/2023/433-5">Kinda and Tagem,2023</a>) et les transferts indirects de titres miniers (<a href="https://www.elibrary.imf.org/view/journals/087/2021/022/087.2021.issue-022-en.xml">Albertin et coll., 2021</a>).</p>
<h2>Mise en place de standards sur les prix de transfert et de prix plancher</h2>
<p>Des avancées ont été réalisées par la communauté internationale, notamment à travers les actions de lutte contre l’érosion de la base d’imposition via le <a href="https://www.igfmining.org/resource/determining-price-minerals/">transfert de bénéfices (BEPS-OCDE) et les standards sur les prix de transfert</a>.</p>
<p>Par exemple, pour déterminer le prix de vente du cuivre entre parties liées, la Zambie a adopté ce que l’on appelle la « sixième méthode », qui utilise des prix cotés publics, ajustés en fonction des conditions précises de la vente, pour calculer le produit de la vente aux fins de l’impôt sur les bénéfices. L’autorité fiscale zambienne (ZRA) <a href="https://oecd-development-matters.org/2020/11/12/victoire-historique-devant-la-cour-supreme-en-zambie--des-milliards-de-dollars-us-en-recettes-fiscales-supplementaires-et-un-message-par-dela-les-frontieres/">a remporté une bataille judiciaire</a> contre une filiale de Glencore, Mopani Mining Copper plc, qui pratiquait abusivement la manipulation des prix de transfert sur le cuivre pour éviter l’imposition.</p>
<h2>Renégociation des contrats miniers</h2>
<p>En mai 2023, les autorités congolaises ont lancé la <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20230526-quel-avenir-pour-le-contrat-du-si%C3%A8cle-entre-la-rdc-et-la-chine">renégociation du fameux contrat du siècle</a> (dit Mines contre infrastructures) signé en 2007, qui prévoyait plus de 6 milliards de dollars d’investissements chinois en échange d’accès aux mines de cobalt et de cuivre.</p>
<p>Or, quinze ans après, les résultats attendus n’ont pas été au rendez-vous. <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique/20240130-la-rdc-obtient-5-8-millliards-suppl%C3%A9mentaires-dans-le-contrat-du-si%C3%A8cle-avec-les-entreprises-chinoises">Ces négociations ont abouti en février 2024</a> et les autorités congolaises ont obtenu 5,8 milliards USD de surplus dans les négociations avec le groupement d’entreprises chinoises signataires de l’accord, cependant ce groupement voit les quelque 100 millions USD d’exonération maintenus.</p>
<h2>L’exemple de la Copperbelt – révélateur des tensions entre le développement économique…</h2>
<p>La <a href="https://www.britannica.com/place/Copperbelt-region-Africa">Copperbelt</a> désigne une zone géologique riche en gisements de cobalt et de cuivre, située à cheval entre le sud de la République démocratique du Congo (RDC) et le nord de la Zambie. Grâce à l’extraction qui y est conduite, la RDC est de loin le premier producteur de cobalt, avec près de 70 % de la production mondiale. Le pays est aussi (re)devenu un très important producteur de cuivre.</p>
<p>En dépit de son importance pour la production mondiale de minerais critiques, cette zone comporte de grandes fragilités. Le secteur ne crée pas suffisamment de valeur économique pour réduire durablement la pauvreté. Depuis les années 2000, on assiste dans la région à une forte croissante démographique en raison de la forte attractivité économique des mines et donc de la main-d’œuvre disponible, que l’économie de la zone peine à intégrer.</p>
<p>En effet, bien que les mines de la région nécessitent annuellement plus de <a href="https://rue.bmz.de/resource/blob/75700/f832381629ad21dc7f2d16f2a06b227a/lion-in-the-copperbelt-data.pdf">2 milliards de dollars</a> de biens et services pour leur fonctionnement : électricité, carburant, pièces de rechange ou produits chimiques. Mais le partage de la valeur économique avec les populations locales reste limité.</p>
<p>Plusieurs raisons peuvent l’expliquer. On citera en particulier le manque d’intégration des fournisseurs locaux au sein de cet écosystème minier, en particulier pour les produits et services à forte valeur ajoutée. On pourra aussi noter les difficultés économiques et technologiques rencontrées par ces pays qui rendent compliquée la production locale de produits à plus forte valeur ajoutée par exemple, des batteries. Enfin, la zone est notoirement enclavée et éloignée de certains des principaux poumons économiques des deux pays, ce qui constitue un frein supplémentaire au développement industriel.</p>
<h2>… et la protection de l’environnement</h2>
<p>La Copperbelt est intégralement localisée au sein de l’écorégion du Miombo zambézien central, un environnement hébergeant une importante biodiversité florale et animale. Les pressions exercées par l’extraction du cuivre et du cobalt peuvent être classées en deux catégories d’impacts :</p>
<ul>
<li><p>Les impacts directs renvoient à la surface nécessaire à l’extraction des minerais et aux infrastructures associées, impliquant l’inévitable défrichement de la zone ainsi que la production de déchets miniers ;</p></li>
<li><p>L’impact indirect, généré par l’attractivité des villes minières, qui implique le développement d’activités économiques de subsistance comme l’agriculture ou la production de charbon de bois, qui ont un impact direct sur l’état des forêts.</p></li>
</ul>
<p>Le grand nombre de mines industrielles et artisanales dans cette région rend inévitables les dommages environnementaux directs comme la déforestation des sites d’extraction, et la production de déchets miniers ou indirects via le développement de l’agriculture pour répondre aux besoins d’une population croissante et au développement des mines artisanales (la zone hébergerait aussi plus de <a href="https://www.bgr.bund.de/EN/Themen/Min_rohstoffe/Downloads/studie_BGR_kupfer_kobalt_kongo_2019_en.pdf?__blob=publicationFile&v=3">100 000 mineurs artisanaux</a>).</p>
<p>Bien que cette zone comporte de nombreuses aires protégées, la combinaison des dynamiques démographiques et minières semble compromettre les efforts de conservation de l’environnement mis en place par les gouvernements. <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/19475705.2021.2017021">De récents travaux</a> suggèrent que les aires protégées à proximité des sites miniers sont largement dégradées par les activités humaines.</p>
<h2>Initiatives internationales</h2>
<p>Les pays ont tout intérêt à retirer des bénéfices et à se mêler de l’exploitation minière pour prendre soin et protéger des zones comme celle de la Copperbelt.</p>
<p>Il existe de nombreuses initiatives internationales pour les accompagner : <a href="https://www.icmm.com/fr/societe-et-economie/gouvernance-et-transparence/l-initiative-relative-a-la-transparence-des-industries-extractives">l’Initiative sur la transparence des industries extractives</a> et <a href="https://www.igfmining.org/">l’Intergovernmental Forum on Mining, Minerals, Metals and Sustainable Development</a> (IGF) pour les aspects gouvernance et fiscalité, l’<a href="https://responsiblemining.net/">Initiative for Responsible Mining Assurance</a> (IRMA) et la <a href="https://www.oecd.org/fr/gouvernementdentreprise/mne/mining.htm">Due Diligence Guidance for Responsible Supply Chains of Minerals from Conflict-Affected and High-Risk Areas</a> de l’OCDE pour les aspects environnementaux et sociaux.</p>
<p>Ainsi c’est forte des conseils et de l’assistance technique du Forum sur l’administration fiscale africaine (ATAF), de l’OCDE et du Groupe de la banque mondiale que l’administration fiscale de la Zambie a <a href="https://oecd-development-matters.org/2020/11/12/victoire-historique-devant-la-cour-supreme-en-zambie--des-milliards-de-dollars-us-en-recettes-fiscales-supplementaires-et-un-message-par-dela-les-frontieres/">bâti son argumentaire</a> de manière à faire valoir que Mopani Mining Copper plc avait vendu son cuivre à Glencore International AG à bas prix, minorant de cette façon son bénéfice imposable et, donc, l’impôt dont elle était redevable.</p>
<p>De même, en mai 2022, le gouvernement guinéen a travaillé avec l’IGF et l’OCDE pour <a href="https://www.igfmining.org/impactstory/guinea-bauxite-reference-price/">établir un prix minimum de la bauxite</a> que les sociétés minières devraient appliquer dans leurs ventes aux sociétés affiliées dans des conditions économiques normales. Ce « prix de référence » est entré en vigueur en septembre 2022.</p>
<p>Afin d’éviter les « injustices et l’extractivisme » du passé de l’exploitation des ressources naturelles, les dirigeants africains appellent à un meilleur contrôle de l’extraction des minéraux et des métaux nécessaires à la transition vers une énergie propre. <a href="https://www.theguardian.com/environment/2024/feb/28/african-leaders-call-for-equity-over-minerals-used-for-clean-energy">Une résolution</a> en faveur d’un changement structurel favorisant un partage équitable des bénéfices de l’extraction, soutenu par un groupe de pays principalement africains, dont le Sénégal, le Burkina Faso, le Cameroun et le Tchad, a été présentée mercredi 28 février 2024 à l’assemblée environnementale des Nations unies à Nairobi et appelle à l’utilisation durable des minerais de transition.</p>
<hr>
<p><em>Pour une analyse plus détaillée de ces questions, lire le chapitre qui y est consacré dans <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/l_economie_africaine_2024-9782348081903">« L’économie africaine 2024 »</a>, qui vient de paraître aux éditions La Découverte</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222656/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugo Lapeyronie a reçu des financements de l'Association Nationale de la Recherche et de la Technologie (ANRT). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Harouna Kinda et Julien Gourdon ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>En Afrique, le secteur minier est en plein boom, en bonne partie du fait de son rôle central dans la transition énergétique. Mais la hausse de l’extraction s’accompagne de nombreux défis.Julien Gourdon, Economiste, Agence française de développement (AFD)Harouna Kinda, Attaché temporaire d’enseignement et de recherche, Université Clermont Auvergne (UCA)Hugo Lapeyronie, Doctorant en économie du développement, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2237652024-03-04T11:17:54Z2024-03-04T11:17:54ZComment le sport pratiqué par les étudiants façonne-t-il leur carrière ?<p>Sur les réseaux sociaux professionnels, chaque début de semaine arrive avec son lot de publications de cadres et dirigeants qui vantent leurs performances sportives du week-end. À grand renfort de photos, ils montrent l’endurance (marathon, trail, cyclisme, triathlon…) ou l’agilité (escalade, surf, kite…) dont ils ont fait preuve en pratique libre ou en compétition, comme autant de compétences qu’ils jugent utiles dans le contexte de leur travail. Les mérites du <a href="https://theconversation.com/topics/sport-20624">sport</a> sur la santé physique et mentale ne sont plus à démontrer. Il est devenu aussi un moyen de se développer personnellement et professionnellement.</p>
<p>Alors que l’on pointe parfois une génération rivée à ses écrans, 2600 étudiants d’écoles de commerce nous ont détaillé leur pratique sportive, la manière dont elle a façonné leur <a href="https://theconversation.com/topics/personnalite-46122">personnalité</a> et les <a href="https://theconversation.com/topics/competences-80203">compétences</a> qu’elle leur a permis de développer en lien avec leur <a href="https://theconversation.com/topics/carrieres-32607">projet professionnel</a>. Il s’agissait aussi de comprendre comment le poste occupé dans un sport d’équipe peut permettre d’optimiser ses choix de carrière et son épanouissement au travail. L’étude a été menée par le <a href="https://www.edhec.edu/fr/recherche-et-faculte/centres-et-chaires/edhec-newgen-talent-centre">NewGen Talent Centre</a>, centre d’expertise de l’EDHEC sur les aspirations, comportements et compétences des nouvelles générations de diplômés. Nous y explorons ce qui développe les compétences et façonne la personnalité des jeunes générations pour favoriser leur investissement et épanouissement professionnels.</p>
<h2>Des différences de genre</h2>
<p>Les jeunes générations définissent presque à l’unanimité leur rapport au sport comme un plaisir et comme une pression stimulante. Trois jeunes sur quatre le pratiquent de façon régulière, ce pour se dépasser plus que pour gagner. Ils sont deux tiers à savoir se motiver seuls, sans besoin d’un coach. S’ils préfèrent néanmoins concourir pour un club, c’est notamment pour le lien social.</p>
<p><iframe id="DdtHh" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/DdtHh/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Quelques différences de genre apparaissent dans le rapport que les jeunes générations entretiennent avec le sport : les jeunes femmes s’y adonnent plus encore que les hommes pour se dépasser plutôt que pour gagner. Les hommes exercent de façon plus régulière et concourent plutôt pour un club que pour eux-mêmes.</p>
<h2>Quels sports pour quelles compétences ?</h2>
<p>Pour identifier des compétences clés, les sports ont été regroupés par catégorie selon la façon de les pratiquer : en équipe pour les sports collectifs (football, basketball, rugby…) ; à deux ou en double face-à-face pour les sports de combats ou d’adversaires (tennis, judo, escrime…) ; individuels et évalués sur une mesure physique (temps, distance) pour les sports chronométrés ou mesurés (natation, athlétisme, tir à l’arc…) ; individuels et notés par un jury pour les sports artistiques ou acrobatiques (danse, patinage artistique, plongeon…).</p>
<p>Globalement, les sports individuels, notamment les sports chronométrés ou mesurés, ont été plus structurants pour les femmes et les sports d’opposition ou collectifs pour les hommes. Un étudiant explique :</p>
<blockquote>
<p>« L’esprit d’équipe retrouvé dans le football m’a appris à savoir défendre mes intérêts personnels tout en œuvrant à l’accomplissement d’un collectif. De plus, les notions de dépassement de soi d’un point de vue physique, accompagné à la créativité nécessaire, notamment pour le dribble, m’ont permis d’acquérir des valeurs qui me sont aujourd’hui indispensables. »</p>
</blockquote>
<p><iframe id="PxyKu" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/PxyKu/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le sport semble agir comme catalyseur du développement des compétences en management chez les jeunes diplômés. Résilience, enthousiasme et agilité sont les compétences que les jeunes générations nous indiquent avoir les plus développées quel que soit le sport, des traits recherchés par les recruteurs. Ce trio de compétences est celui que les pratiquants du tennis ont le plus développé. À noter également que 38 % des joueurs de tennis ont renforcé leur pensée critique</p>
<p>Le football renforce avant tout les qualités collaboratives pour 83 % des joueurs et la fiabilité pour près de la moitié des pratiquants. Quant à la danse, elle développe l’attention aux détails de 80 % des adeptes et la précieuse créativité de 55 % d’entre eux.</p>
<p><iframe id="o7SKj" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/o7SKj/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Selon les étudiants, si tous les sports développent enthousiasme et agilité, chaque type de sports est plus particulièrement propice à l’acquisition de certaines compétences en particulier.</p>
<p><iframe id="lV9f0" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/lV9f0/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Quel positionnement sur le terrain ?</h2>
<p>En imaginant, l’entreprise comme un sport d’équipe, 32 % des répondants se projettent dans le rôle de capitaine, 27 % dans le rôle d’entraîneur, 19 % seraient attaquant, 14 % défenseur et 8 % arbitre.</p>
<p>Pour mieux comprendre les ambitions que sous-entendent ces choix, il leur a aussi été demandé de s’identifier selon trois profils d’ambition professionnelle issus d’une <a href="https://www.edhec.edu/sites/default/files/2022-10/ETUDE_NEWGEN-Newgen_newjob_rapport_detude-Mars2022.pdf">étude précédente</a>. Le premier, les compétiteurs, est centré sur le développement ambitieux de sa carrière, motivé par la perspective d’un poste de dirigeant, une responsabilité hiérarchique et une rémunération attractive. Le second, les engagés, est orienté sur les enjeux du monde, motivé par l’intérêt général, la culture et les valeurs de l’entreprise, l’utilité de sa mission. Le dernier profil est animé de l’envie d’innover, motivé par le challenge, la liberté d’action, l’autonomie dans les missions confiées et la conduite de projets. Il s’agit des entrepreneurs.</p>
<p>En fonction de leur genre et de leurs profils d’ambition, les étudiants se positionnent ainsi :</p>
<p><iframe id="fu059" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/fu059/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223765/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Par les compétences qu’il permet de développer, le sport que vous pratiquez entre aussi en interaction avec vos aspirations professionnelles.Geneviève Houriet Segard, Docteur en démographie économique, Directrice adjointe et ingénieur de recherche à l’EDHEC NewGen Talent Centre, EDHEC Business SchoolManuelle Malot, Directrice Carrières et NewGen Talent Centre, EDHEC Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2240372024-02-25T16:26:05Z2024-02-25T16:26:05ZÉpargne : les Français toujours accro au livret A malgré des envies de risque et de rendement<p>Que retenir du 22ᵉ baromètre Ipsos réalisé pour le Cercle des épargnants sur <a href="https://www.cercledesepargnants.com/post/barom%C3%A8tre-2024-les-fran%C3%A7ais-l-%C3%A9pargne-et-la-retraite">« Les Français, l’épargne et la retraite »</a> ? Si quatre Français sur cinq possèdent un compte sur livret, ils sont plus nombreux que par le passé à envisager une plus grande prise de risque.</p>
<p>Ces comptes sur livret servent avant tout à recueillir une épargne de précaution, pour 53 % des Français. Malgré l’attrait grandissant du plan d’épargne <a href="https://theconversation.com/topics/retraite-20151">retraite</a>, ils recueillent aussi, pour 26 % des répondants, une <a href="https://theconversation.com/topics/epargne-20568">épargne</a> destinée à compléter à long terme les revenus tirés du régime général.</p>
<p><iframe id="2PRMT" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/2PRMT/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Prêts à prendre plus de risque, les Français seraient aussi disposés à se détourner en partie des placements très liquides où l’épargne est mobilisable immédiatement.</p>
<p><iframe id="w6QaC" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/w6QaC/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Prêts à prendre plus de risque, vraiment ?</h2>
<p>Ce constat pourrait être favorable au plan d’épargne avenir climat (PEAC) qui doit être lancé courant 2024 par Bercy. Le dernier-né des produits financiers fait appel à l’épargne des moins de 18 ans afin d’investir dans les actions et les obligations des entreprises vertueuses en matière d’environnement, de social ou de gouvernance. L’argent placé est bloqué jusqu’à la majorité du porteur et piloté afin de désensibiliser le portefeuille d’investissement à l’approche de l’échéance. Ce produit appelle donc une épargne qui devra demeurer bloquée et exposée au risque. C’est un excellent moyen pédagogique qui devrait permettre de faire comprendre les notions de risque et de rendement aux plus jeunes en particulier à ceux attachés aux notions de durabilité.</p>
<p>Ne nous y trompons pas, nous sommes encore loin d’une prise de risque généralisée. Si la dynamique est bien favorable (+8 points de pourcentage en 7 ans), elle fait passer le nombre de Français prêts à prendre un peu plus de risque de seulement 6 % à désormais 14 %. Dans ce contexte, les placements liquides et sans risque restent et de loin les placements préférés des Français au premier rang desquels le livret A.</p>
<p>La hausse de l’appétence pour les placements risqués et peu liquides semble par ailleurs avoir également avoir partie liée avec la hausse des taux d’intérêt observée depuis 2022.</p>
<p><iframe id="wUFaI" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/wUFaI/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Au-delà, un besoin de pédagogie</h2>
<p>Selon les résultats du baromètre, les Français, à la recherche de rendement, sont prêts à faire des concessions en termes environnementaux et à moins investir dans les fonds socialement responsables (labellisés ISR) qu’ils jugent notamment peu différenciés des fonds classiques. Ils sont pourtant 37 % à déclarer connaître le label ISR. Il y a donc vraisemblablement un effort de pédagogie à réaliser sur ce point.</p>
<p>C’est probablement l’ensemble de la culture financière des Français qu’il faut développer. De nombreuses études l’estiment plutôt faible, <a href="https://www.banque-france.fr/fr/communiques-de-presse/la-culture-financiere-des-francais-sameliore-progressivement-dapres-de-nouvelles-etudes-menees-par">proche de la moyenne des pays de l’OCDE</a>. Or, une faible culture financière conduit à des <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/jel.52.1.5">choix de placement non optimaux</a> qui à long terme peuvent faire une différence significative en termes de patrimoine.</p>
<p>Dans la dernière version du baromètre du Cercle des épargnants, nous avons voulu prolonger cette analyse en demandant au Français quelles étaient leurs connaissances en matière d’organisation du système financier et en particulier quel était le fonctionnement de leur placement préféré : le livret A.</p>
<p><iframe id="kSifd" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/kSifd/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Une majorité de Français (53 %) pensent que le livret A sert uniquement à financer des prêts en faveur du logement social. Or sur les 508 milliards d’euros d’épargne des Français placés sur des livrets A, LDDS et LEP, 170 milliards (bien moins de la moitié donc) sont investis par la Caisse des Dépôts dans le financement de la cohésion sociale. Le reste est soit investi dans des obligations d’État et notamment des obligations vertes ou directement prêté par les banques qui collectent l’épargne du livret A à des entreprises de petites et moyennes tailles (TPE et PME).</p>
<p>De manière plus surprenante, 8 % des Français pensent encore que les sommes déposées sur le livret A peuvent servir à spéculer sur les produits dérivés ou sur les devises et 46 % déclarent ne pas savoir du tout la destination des fonds placés.</p>
<p><iframe id="r26EL" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/r26EL/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>De même si 20 % des Français associent principalement l’assurance-vie à l’investissement en actions, une majorité ne sait pas donner la destination des fonds placés sur un plan d’épargne retraite (56 %). Or ces deux produits permettent de manière assez proche une exposition aussi bien aux actions qu’aux obligations selon des profils variables qui favoriseront plus ou moins la prise de risque selon le choix du porteur.</p>
<p>Connaître ces différences et l’organisation générale du système de financement de l’économie française permet de faire des choix éclairés qui peuvent faire une vraie différence à l’échéance de la retraite. Cultivons-nous donc financièrement !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224037/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Dupuy est président du conseil scientifique du Cercle des Epargnants </span></em></p>Le livret A reste la star des produits de placement mais la perte de pouvoir d’achat ressentie depuis deux ans pousse aussi les épargnants français à rechercher le rendement plutôt que la sécurité.Philippe Dupuy, Professeur au département Gestion, Droit et Finance, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2227902024-02-11T16:56:40Z2024-02-11T16:56:40ZLa population de la France va-t-elle diminuer suite à la baisse de la natalité ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/574346/original/file-20240208-30-1fxzgt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C48%2C3264%2C2394&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une projection permet d'estimer si la population de la France peut baisser à partir des derniers calculs de l'Insee. Foule, braderie de Lille.</span> <span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Les évolutions démographiques récentes en France, marquées notamment par une <a href="https://www.mnhn.fr/fr/actualites/faut-il-s-inquieter-d-une-baisse-de-la-natalite">diminution importante du nombre de naissances en 2023</a> par rapport à 2022, annoncent-elles une baisse de la population ? Le calcul de projections permet de répondre en décrivant les conséquences de la situation actuelle si elle perdurait.</p>
<p>Le nombre de naissances diminue depuis quelques années en France, le dernier bilan démographique <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/7750004">publié par l’Insee</a> indiquant une nouvelle baisse en 2023 par rapport à 2022, 678 000 contre 726 000, soit 52 000 naissances de moins (7 %). L’indicateur de fécondité passe de 1,79 enfant par femme en 2022 à 1,68 en 2023.</p>
<h2>La population n’a pas diminué en 2023</h2>
<p>Cette baisse n’a pas entraîné de diminution de la population, parce que les décès restent moins nombreux que les naissances, leur nombre ayant aussi diminué entre 2022 et 2023, de presque autant que les naissances, passant de 675 000 à 638 000.</p>
<p>La baisse du nombre de décès traduit une forte hausse de l’espérance de vie à la naissance qui effectue un <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/7750004">bond entre 2022 et 2023</a> : elle atteint 80,0 ans pour les hommes et 85,7 ans pour les femmes en 2023, contre respectivement 79,3 ans et 85,1 ans en 2022, soit un gain de 0,7 an pour les hommes et 0,6 an pour les femmes.</p>
<p>Avec ce bond, l’espérance de vie fait plus que rattraper son niveau de 2019 et se situe dans la <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/7750004">tendance à la hausse</a> observée avant l’épidémie de Covid-19, interrompue pendant trois années. L’espérance de vie a en effet reculé en 2020 en raison de l’épidémie de Covid-19, puis a stagné ou n’a augmenté que faiblement en 2021 et 2022 en raison de la poursuite de l’épidémie conjuguée à une épidémie de grippe saisonnière meurtrière et plusieurs canicules ayant entraîné également des <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6959520?sommaire=4487854">surmortalités</a>.</p>
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<p>Le solde naturel, différence entre les nombres de naissances et de décès, est positif et se situe presque au même niveau que l’année précédente : 47 000 en 2023 contre 51 000 en 2022. Il contribue à la croissance de la population, mais en partie seulement. Le solde migratoire, différence entre les entrées et les sorties du territoire, positif également, y contribue aussi et de façon plus importante. Estimé à 183 000 en 2023 <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/7750004">par l’Insee</a>, il représente les quatre cinquièmes de l’augmentation de la population en 2023, le solde naturel n’en représentant qu’un cinquième.</p>
<p>Mais si la population n’a pas diminué en 2023, les changements observés cette année-là, notamment la baisse de la fécondité, ne portent-ils pas en germe une diminution prochaine de la population et un vieillissement démographique accru ? Examinons les futurs possibles à l’aide de projections et voyons les différences avec les projections publiées par l’Insee en 2021.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/rearmement-demographique-ou-comment-rater-la-cible-de-communication-221667">« Réarmement démographique » ou comment rater la cible (de communication) ?</a>
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<h2>Les dernières projections de l’Insee publiées en 2021</h2>
<p>L’Insee a publié en novembre 2021 des projections de population pour la France à <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5893969">l’horizon 2070</a>. Le scénario central, fondé sur les tendances démographiques des années précédentes, retient une fécondité de 1,8 enfant en moyenne par femme, soit un niveau proche de celui de 2020, maintenu constant tout au long de la projection ; une mortalité continuant à baisser au même rythme qu’au cours de la décennie 2010, l’espérance de vie à la naissance atteignant 87,5 ans pour les hommes en 2070 contre 79,7 ans en 2019, avant l’épidémie de Covid-19, soit une progression de 7,8 ans et, pour les femmes, 90,0 ans contre 85,6 ans, soit une progression de 4,4 ans ; et un solde migratoire de + 70 000 personnes par an maintenu également constant.</p>
<p>Dans ce scénario central de l’Insee, la France compterait 68,1 millions d’habitants au 1<sup>er</sup> janvier 2070, contre 67,4 millions au 1<sup>er</sup> janvier 2021, soit 700 000 de plus. La population continuerait d’augmenter jusqu’à un maximum de 69,3 millions en 2044 puis diminuerait ensuite <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2022-2-page-1.htm">jusqu’à 68,1 millions en 2070</a> (figure 1).</p>
<p><iframe id="uVNO9" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/uVNO9/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Un nouveau scénario « 2023 »</h2>
<p>Les évolutions observées depuis la publication des projections de l’Insee ne correspondent pas au scénario central, ce qui n’est pas étonnant en soi, tout exercice de projection étant appelé à être démenti par la réalité – l’objectif n’est pas de deviner le futur mais de dire ce qu’il serait sous telles et telles conditions.</p>
<p>Nous avons calculé de nouvelles projections avec un scénario modifié par rapport au scénario central de l’Insee de 2021 tenant compte des évolutions observées depuis.</p>
<p>Ce nouveau scénario, dénommé ici « 2023 », fait l’hypothèse d’une fécondité constante de 1,68 enfant par femme, le niveau observé en 2023, au lieu de 1,8 enfant, niveau retenu dans le scénario central de l’Insee.</p>
<p>La forte baisse de la fécondité en 2023 pourrait certes être suivie de nouvelles baisses dans les années futures. Mais elle pourrait aussi s’interrompre et laisser place à une hausse, <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19706/naissances_retardees.fr.pdf">comme cela a été observé</a> il y a <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/conjoncture-demographique/les-naissances-sont-retardees">30 ans</a>.</p>
<p>La fécondité avait en effet baissé dans les années 1980 et le début des années 1990 jusqu’à un niveau de 1,68 enfant en 1993 et 1994, comme en 2023. Cette baisse avait alors été expliquée par la crise qui a suivi la <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/population-et-societes/2010-fecondite-insensible-crise-economique/">chute de l’empire soviétique</a>.</p>
<p>Elle avait ensuite augmenté continûment pendant toute la deuxième moitié des années 1990 et les années 2000 pour atteindre 2,03 enfants en 2010. L’hypothèse d’une fécondité stable à son niveau actuel de 1,68 enfant par femme représente donc un compromis entre deux tendances possibles, à la baisse ou à la hausse.</p>
<p>Pour le solde migratoire annuel, nous retenons un niveau stable de 180 000 par an, le niveau de 2023, au lieu de 70 000 dans le scénario central de l’Insee de 2021. Concernant la mortalité, nous reprenons l’hypothèse de hausse de l’espérance de vie du scénario central sans la changer.</p>
<h2>Avec les conditions de 2023, le solde naturel devient négatif à partir de 2030…</h2>
<p>Le scénario 2023 conduit à une baisse du nombre de naissances et une hausse de celui des décès, les deux courbes se croisant en 2030 et le solde naturel devenant négatif. Le déficit s’accroît ensuite et le solde atteint -166 000 vers 2060 (figure 2).</p>
<p>La hausse du nombre de décès n’est pas liée à une augmentation de la mortalité, au contraire, celle-ci diminue à tous les âges dans le scénario. Elle vient de l’arrivée aux âges élevés des générations nombreuses du baby-boom qui vont alimenter les décès au fur et à mesure de leur <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/population-et-societes/nombre-deces-augmenter-france-prochaines-annees">extinction</a>. Par rapport au scénario central de 2021, le nombre de décès est un peu plus élevé, les migrants (et donc leurs décès) étant plus nombreux ; le nombre de naissances est un peu plus faible, les naissances supplémentaires de migrants compensant en partie une fécondité plus basse. Le solde naturel est au total assez peu modifié.</p>
<p><iframe id="VYzKl" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/VYzKl/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>… mais la population augmente de façon continue</h2>
<p>Le scénario 2023 conduit à une hausse ininterrompue de la population jusqu’à 72,1 millions en 2070 (figure 1). En 2021, l’Insee, en plus de son scénario central, a proposé différents scénarios alternatifs. Notre scénario 2023 aboutit à une population totale dont la progression est très proche de celles dans deux de ces scénarios alternatifs, appelés « fécondité haute » (2,0 enfants par femme, solde migratoire de 70 000) et « migrations hautes » (1,8 enfant par femme, solde migratoire de 120 000), conduisant tous les deux à 72,2 millions d’habitants en 2070, contre 68,1 dans le scénario central.</p>
<p>Avec le scénario 2023, le nombre de naissances à l’horizon 2070 est pratiquement le même que dans le scénario central (650 000 contre 660 000), et l’évolution des décès est très proche.</p>
<p>La population totale est plus importante en 2070, le surplus s’étalant entre 15 et 85 ans. La population vieillit dans les deux scénarios de manière similaire.</p>
<p><iframe id="52y8Q" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/52y8Q/6/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le futur n’est pas écrit et des évolutions s’écartant du scénario 2023 présenté ici sont évidemment probables.</p>
<p>On peut envisager une poursuite de la baisse de la fécondité, une hausse du solde migratoire, de nouvelles crises de mortalité. Cette projection a cependant l’intérêt de montrer que la situation actuelle, si elle se prolonge sans changement pour la fécondité ni pour le solde migratoire, les progrès contre la mort se poursuivant, ne conduit pas à une diminution de la population. La population en 2070 serait plus importante dans ce scénario que dans le scénario central de l’Insee de 2021 : le solde migratoire plus important fait plus que compenser la fécondité plus basse.</p>
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<p><em>Les auteurs ont reçu un soutien de l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222790/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Toulemon a reçu des financements de France 2030, de l'Agence nationale pour la recherche, de la Caisse nationale des allocations familiales et de l'Union européenne pour la réalisation d'une enquête sur les relations familiales et intergénérationnelles, dans le cadre du projet européen Generations and Gender Programme et de l’infrastructure de recherche Observatoire français des parcours de vie (LifeObs). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Gilles Pison a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche française et des National Institutes of Health américains</span></em></p>La baisse du nombre de naissances en 2023 annonce-t-elle une diminution de la population ? Une projection à l’horizon 2070 montre qu’elle continuerait d’augmenter dans les conditions actuelles.Laurent Toulemon, Directeur de recherches, Institut National d'Études Démographiques (INED)Gilles Pison, Anthropologue et démographe, professeur émérite au Muséum national d’histoire naturelle et conseiller de la direction de l'INED, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2227802024-02-06T14:39:21Z2024-02-06T14:39:21ZLes producteurs, principaux perdants de la répartition des gains de productivité de l’agriculture depuis 1959<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/573407/original/file-20240205-15-nmkpfw.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C26%2C1985%2C1353&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Manifestations d’agriculteurs à Agen (Lot-et-Garonne), le mercredi 24&nbsp;janvier.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Agriculteurs_bloquant_l%27autoroute_%C3%A0_Agen,_24_janvier_2024_%282%29.jpg">Wikimedia commons/Raymond Trencavel</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La crise actuelle du <a href="https://theconversation.com/topics/agriculture-20572">secteur agricole</a> et l’inflation récente qui pèse sur le pouvoir d’achat des ménages, en particulier pour les produits alimentaires, doivent être replacées dans une perspective historique de long terme pour mieux comprendre une réalité plus complexe : la manière dont les gains de <a href="https://theconversation.com/topics/productivite-37011">productivité</a> dans l’agriculture sont répartis entre les diverses parties prenantes.</p>
<p>Des gains annuels de productivité globale apparaissent lorsque l’ensemble des productions augmente plus rapidement que l’ensemble des volumes des coûts. Ils représentent une création de valeur supplémentaire. Par le jeu des mouvements de prix, celle-ci se distribue entre les producteurs, les fournisseurs, l’État, les propriétaires fonciers et les clients qui achètent les produits agricoles (industrie agroalimentaire, grande distribution, consommateur final).</p>
<p>Notre récente <a href="https://www.sfer.asso.fr/source/jrss2023/articles/C13_59_Boussemart_Kahindo_Parvulescu_L%E2%80%99impact%20de%20l%E2%80%99inflation%20dans%20la%20distribution%20des%20gains%20de%20productivit%C3%A9%20de%20l%E2%80%99agriculture%20fran%C3%A7aise.pdf">étude</a> reprend les <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6675413?sommaire=6675425&q=comptes+de+l+agriculture+en+2022">données</a> de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) sur l’agriculture française de 1959 à 2022 pour révéler des tendances de fond très significatives dans la distribution de ces gains, qui restent globalement défavorables aux agriculteurs.</p>
<h2>Une valeur créée inégalement répartie</h2>
<p>Nous constatons une croissance moyenne annuelle de 1,26 % des gains de productivité dans l’agriculture française. Cette tendance a connu une accélération notable entre 1959 et 2009 (1,45 %), avant de ralentir sensiblement (0,22 %).</p>
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<p>L’évolution a suivi plusieurs étapes distinctes : d’abord une augmentation plus rapide de la production par rapport aux coûts (1959-1979), ensuite un développement continu de la production associé à un décrochage des coûts, et enfin, depuis 2004, une stabilisation de la production.</p>
<p><iframe id="leNQS" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/leNQS/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Au cours des soixante dernières années, ces gains de productivité ont participé pour 70 % à la création de valeur du secteur auxquels il faut ajouter les apports des partenaires ayant subi des évolutions de prix défavorables comme les fournisseurs de consommations intermédiaires (15 %), l’État par le jeu des taxes et des subventions (11 %) et les propriétaires fonciers (4 %).</p>
<p><iframe id="ZSInX" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ZSInX/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Or, la valeur créée n’est pas uniformément répartie entre les parties prenantes. Ainsi, les clients se trouvent en tête des bénéficiaires, captant 51 % de la valeur créée, suivis par les agriculteurs (39 %). Les salariés et les fournisseurs d’équipement récoltent une part moindre, respectivement 8 % et 2 %.</p>
<p><iframe id="mGN3B" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/mGN3B/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le partage de la valeur créée dans le secteur agricole français est fortement influencé par une baisse soutenue des prix réels à la production. De 1959 à 2009, cette baisse a atteint un rythme annuel moyen impressionnant de -3,3 %. Pour mettre cela en perspective, cela signifie que les prix agricoles ont été divisés par deux tous les 20 ans !</p>
<p>Cependant, cette diminution n’a été que partiellement répercutée sur les consommateurs. Durant la même période, les prix des produits agricoles et alimentaires vendus aux consommateurs finaux n’ont baissé qu’à un rythme annuel moyen de -0,4 %.</p>
<h2>Dynamiques spécifiques</h2>
<p>Depuis 2009, une inversion de cette tendance a été observée pour les prix à la production agricole, avec une augmentation moyenne de 1,1 % par an. Cette tendance s’est même accélérée au cours des deux dernières années, 2021 et 2022, avec une hausse remarquable de 11 %. Cette évolution a permis aux agriculteurs de retrouver des niveaux de prix similaires à ceux du début des années 1990 mais loin encore du niveau affiché au début de la période d'étude.</p>
<p><iframe id="Rphls" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Rphls/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Bien sûr, des dynamiques spécifiques existent entre les différentes branches de production agricole, telles que les céréales, les élevages laitiers, les producteurs de viande, la viticulture, les fruits et légumes. Toutefois, en considérant l’agriculture française dans son ensemble, il apparaît donc un déséquilibre notable : malgré des avancées significatives en termes de productivité, les exploitants agricoles ne profitent pas pleinement des avantages de leur labeur.</p>
<h2>Fluctuations conjoncturelles aiguës</h2>
<p>Dans ce contexte, il est essentiel de comprendre l’évolution du revenu réel des agriculteurs français par rapport à celui de l’ensemble des salariés du pays. À long terme, les tendances sont remarquablement similaires, avec une croissance annuelle moyenne de 1,55 % pour les agriculteurs travaillant dans des exploitations familiales, comparée à 1,54 % pour l’ensemble des salariés français.</p>
<p>Néanmoins, les agriculteurs sont soumis à des fluctuations conjoncturelles aiguës dues à divers facteurs tels que les conditions climatiques et les instabilités des marchés. Ces variations entraînent une évolution très irrégulière de leur revenu. En conséquence, sur des périodes de court à moyen terme, les agriculteurs font face à une forte incertitude et à des difficultés significatives en termes de pouvoir d’achat.</p>
<p><iframe id="LQ22h" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/LQ22h/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La comparaison du revenu réel des exploitants agricoles familiaux avec celui de l’ensemble des salariés français ne reflète pas convenablement les différences dans les dynamiques de productivité de travail de ces deux groupes. Depuis 1960, la productivité du travail dans le secteur agricole a connu une augmentation exponentielle impressionnante de 4,15 % par an, surpassant nettement la croissance de 1,8 % enregistrée pour l’économie française dans son ensemble.</p>
<h2>La responsabilité des consommateurs</h2>
<p>Ces taux de croissance impliquent que la valeur ajoutée par actif agricole a plus que doublé en moins de 18 ans, tandis que pour la moyenne nationale, un tel doublement de la productivité du travail prend environ 38 ans. Cette distinction souligne la progression rapide de l’efficacité dans le secteur agricole par rapport à l’ensemble de l’économie.</p>
<p><iframe id="28K98" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/28K98/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Il est donc impératif de repenser la structure du secteur pour garantir une distribution plus juste des gains de productivité, particulièrement entre les exploitants agricoles et leurs clients principaux, à savoir l’industrie agroalimentaire et la grande distribution qui n’ont pas significativement répercuté ces avantages par des baisses de prix aux consommateurs.</p>
<p>Par ailleurs, il est important de souligner la responsabilité des consommateurs qui doivent être prêts à payer un prix juste pour des produits alimentaires de qualité et respectueux de l’environnement. Ce constat appelle à une transformation significative des dynamiques de négociation au sein de la filière agroalimentaire, pour veiller à un avenir plus juste et soutenable pour les agriculteurs, qui sont au cœur de notre système alimentaire.</p>
<p>Une telle réforme est non seulement vitale pour les agriculteurs, mais également bénéfique pour l’ensemble de la chaîne de valeur alimentaire, en assurant une plus grande équité et transparence.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222780/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Philippe Boussemart ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La perspective historique montre que les exploitants agricoles n’ont pas profité pleinement des avantages de leur labeur.Jean-Philippe Boussemart, Professeur émérite à l’Université de Lille, Membre du LEM (Lille Économie Mangement, UMR CNRS 9221), Membre correspondant de l’Académie d’Agriculture de France, professeur d’économie, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2220762024-01-29T15:46:30Z2024-01-29T15:46:30Z« Pas de paiement en liquide » : quid des millions d’Américains qui n’ont pas de compte bancaire ?<p>Combien de personnes n’ont pas de <a href="https://theconversation.com/topics/banque-22013">compte bancaire</a> ? Et à quel point est-il devenu difficile de vivre sans compte bancaire ? Ces questions deviennent de plus en plus importantes à mesure que de <a href="https://www.chicagotribune.com/business/ct-biz-cashless-backlash-20180710-story.html">plus en plus d’entreprises</a> <a href="https://www.wmtw.com/article/cashless-businesses-south-portland-come-under-fire/40450267">refusent d’accepter l’argent liquide</a> dans les villes américaines.</p>
<p>Il se trouve que beaucoup de gens sont encore « non bancarisés » : environ <a href="https://www.fdic.gov/analysis/household-survey/2021report.pdf#page=7">6 millions de ménages</a> aux <a href="https://theconversation.com/topics/etats-unis-20443">États-Unis</a>, selon les dernières données, soit à peu près la population du Wisconsin. Dans le monde, plus d’un milliard de personnes n’ont pas de compte bancaire.</p>
<p>Je suis professeur dans une école de commerce et mes <a href="https://blogs.bu.edu/zagorsky/">recherches</a> portent sur la transition de la société de l’argent liquide vers les paiements électroniques. J’ai récemment visité Seattle et j’ai été surpris par les <a href="https://www.govtech.com/workforce/data-seattle-area-becoming-increasingly-cashless">signaux contradictoires</a> que j’ai vus dans de nombreuses vitrines. Dans de nombreux magasins, un panneau proclamait fièrement à quel point ils étaient accueillants et inclusifs – à côté d’un autre panneau indiquant « La maison n’accepte pas les espèces ». Autrement dit, les personnes qui n’ont pas de compte en banque n’y sont pas les bienvenues.</p>
<h2>Refuser les banques, un choix parfois contraint</h2>
<p>Pourquoi quelqu’un voudrait-il éviter d’utiliser les banques ? Tous les deux ans, la <a href="https://www.fdic.gov/analysis/household-survey/2021execsum.pdf">Federal Deposit Insurance Corporation</a> interroge les ménages américains sur leurs liens avec le système bancaire et demande aux personnes qui n’ont pas de compte en banque pourquoi elles n’en ont pas. Les personnes peuvent donner plusieurs réponses. En 2021, la raison principale, choisie par plus de 40 % des personnes interrogées, était qu’elles n’avaient pas assez d’argent pour atteindre le solde minimum.</p>
<p>Cela explique en partie pourquoi les ménages les plus pauvres sont moins susceptibles d’avoir un compte bancaire. Selon la FDIC, environ un quart des personnes gagnant moins de 15 000 dollars par an ne sont pas bancarisées. Parmi les personnes gagnant plus de 75 000 dollars par an, presque toutes les personnes interrogées possèdent un compte bancaire.</p>
<p><iframe id="kLdcA" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/kLdcA/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les deuxième et troisième réponses les plus fréquentes montrent que certaines personnes sont sceptiques à l’égard des banques. Environ un tiers des personnes interrogées ont répondu qu’« éviter une banque permet de mieux protéger sa vie privée », tandis qu’un autre tiers a déclaré qu’il ne faisait tout simplement « pas confiance aux banques ».</p>
<p>Les coûts liés aux relations avec les banques viennent compléter les cinq premières raisons. Plus d’un quart des personnes interrogées estiment que les frais de compte bancaire sont trop élevés, et à peu près la même proportion les estime trop imprévisibles.</p>
<p>Bien que de nombreuses personnes de la classe moyenne ou aisée ne paient pas directement pour leur compte bancaire, les frais peuvent être coûteux pour celles qui ne peuvent pas maintenir un solde minimum. Une récente <a href="https://www.bankrate.com/banking/checking/checking-account-survey/">enquête</a> de Bankrate montre que les frais de service mensuels de base se situent entre 5 et 15 dollars. En plus de ces frais réguliers, les banques gagnent <a href="https://www.fdic.gov/resources/consumers/consumer-news/2021-12.html">4 à 5 dollars</a> chaque fois que les clients retirent de l’argent à un guichet automatique ou ont besoin de services tels que l’obtention de <a href="https://www.bankrate.com/banking/checking/what-is-a-cashiers-check/#fees-for-a-cashier-s-check">chèques</a> de banque. Les factures imprévues peuvent entraîner des frais de découvert d’environ <a href="https://www.bankrate.com/banking/checking/checking-account-survey/#overdraft-fees">25 dollars</a>.</p>
<h2>Être non bancarisé aux États-Unis</h2>
<p>La FDIC appelle les personnes qui n’ont pas de compte bancaire les « non-bancarisés ». Les personnes disposant d’un compte bancaire mais qui ont recours à des services alternatifs, tels que les points d’encaissement de chèques, sont appelées les « sous-bancarisés ».</p>
<p>Les dernières données de la FDIC font état de près de 6 millions de ménages américains non bancarisés et de 19 millions de ménages américains sous-bancarisés. Sachant qu’un ménage moyen compte <a href="https://www.census.gov/content/dam/Census/library/visualizations/time-series/demo/families-and-households/hh-6.pdf">2,5 personnes</a>, cela signifie qu’il y a plus de 15 millions de personnes qui vivent dans un foyer sans lien avec les banques, et 48 millions d’autres dans des foyers qui n’ont qu’un lien ténu avec elles.</p>
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<p>Si l’on combine ces deux chiffres, cela signifie qu’environ une personne sur cinq aux États-Unis n’a que peu ou pas de liens avec les banques ou d’autres institutions financières. Cette situation peut les exclure des magasins, des restaurants, des transports et des services médicaux qui n’acceptent pas l’argent liquide.</p>
<p>Le nombre réel de personnes non bancarisées est probablement plus élevé que les estimations de la FDIC. Les questions sur le fait d’être bancarisé ou non sont des questions supplémentaires ajoutées à une enquête menée auprès des personnes <a href="https://www.census.gov/programs-surveys/cps/about.html">à leur domicile</a>. Cela signifie que l’enquête ne tient pas compte des sans-abri, des personnes de passage sans adresse permanente et des <a href="https://www.dhs.gov/immigration-statistics/population-estimates/unauthorized-resident">immigrés sans papiers</a>.</p>
<p>Ces personnes ne sont probablement pas bancarisées parce qu’il faut une adresse vérifiée et un numéro d’identification fiscale délivré par le gouvernement pour ouvrir un compte bancaire. Étant donné qu’environ <a href="https://www.npr.org/2023/12/22/1221006083/immigration-border-election-presidential">2,5 millions de migrants</a> ont franchi la frontière entre les États-Unis et le Mexique au cours de la seule année 2023, il y a probablement des millions de personnes de plus dans l’économie de l’argent liquide que ce qu’estime la FDIC.</p>
<h2>Et ailleurs dans le monde ?</h2>
<p>Si les États-Unis affichent un taux relativement élevé de personnes disposant d’un compte bancaire, la situation est différente dans d’autres parties du monde. La Banque mondiale a créé une <a href="https://www.worldbank.org/en/publication/globalfindex/Data">base de données</a> qui indique le pourcentage de la population de chaque pays qui a accès aux services financiers. La définition de la Banque mondiale est plus large que celle de la FDIC, puisqu’elle inclut toute personne utilisant un téléphone portable pour envoyer et recevoir de l’argent comme ayant un compte bancaire.</p>
<p><iframe id="1SJDj" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/1SJDj/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Globalement, la Banque mondiale estime qu’environ un quart des adultes dans le monde n’ont pas accès à un compte bancaire ou à un compte de téléphonie mobile. Mais cette proportion varie considérablement d’une région à l’autre. Dans les pays qui utilisent l’euro, presque tout le monde a un compte bancaire, alors qu’au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, seule la moitié de la population en a un.</p>
<p>Nous sommes nombreux à glisser notre carte de crédit ou à pianoter sur notre téléphone pour payer sans réfléchir. Pourtant, au moins 6 millions de personnes aux États-Unis et près de 1,5 milliard dans le monde ne sont pas bancarisées.</p>
<p>Lorsque les commerces n’acceptent plus d’argent liquide, les personnes non bancarisées sont contraintes d’utiliser des méthodes de paiement telles que les cartes de débit prépayées, qui sont coûteuses. Par exemple, Walmart, l’un des plus grands détaillants américains, propose une <a href="https://www.walmartmoneycard.com/">carte de débit de base rechargeable</a>. Cette carte coûte 1 dollar à l’achat et 6 dollars par mois de frais, auxquels s’ajoutent 3 dollars chaque fois qu’une personne veut charger la carte avec de l’argent liquide aux caisses de Walmart. Payer un minimum de 10 dollars juste pour mettre en place une carte de débit pour quelques achats est un prix élevé.</p>
<p>La prochaine fois que vous verrez dans la vitrine d’un magasin ou d’un restaurant un panneau indiquant « pas de paiement en liquide », pensez que l’entreprise exclut ainsi de nombreuses personnes non bancarisées ou sous-bancarisées. Insister pour que tous les commerces acceptent les espèces est un moyen simple de s’assurer que tout le monde est financièrement inclus dans l’économie moderne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222076/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jay L. Zagorsky ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Près de 6 millions de ménages américains, souvent par contrainte de coût, n’ont pas de comptes bancaires. Pourtant, de plus en plus de commerces refusent les paiements en liquide.Jay L. Zagorsky, Clinical Associate Professor of Markets, Public Policy and Law, Boston UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2189712023-12-04T16:56:36Z2023-12-04T16:56:36ZComment évaluer l’économie israélienne au prisme de son insertion internationale<p>Le conflit actuel pèse sur le marché du <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2023/10/27/avec-la-guerre-l-economie-d-israel-s-apprete-a-traverser-une-periode-de-fortes-turbulences_6196753_3210.html">travail</a> et sur les <a href="https://www.xerficanal.com/economie/emission/Alexandre-Mirlicourtois-Israel-le-cout-economique-de-la-guerre_3752310.html">finances</a>.</p>
<p>Mais, fort de son remarquable engagement dans la haute technologie, le pays a accumulé une position extérieure nette conséquente. Cette épargne pourrait être mobilisée pour faire face au coût de la guerre. Suffira-t-elle demain ?</p>
<h2>Neuf millions d’habitants</h2>
<p>Israël fait partie de la grande région MENAT (<a href="https://theconversation.com/topics/moyen-orient-21438">Middle East</a>, North Africa, Turkey) à la démographie dynamique : entre 1960 et 2022, le taux de croissance annuel moyen de la population y a été de 2,4 %, contre 1,6 % dans le monde et 0,4 % en Europe. Alors qu’en 1960 l’Europe était trois fois plus peuplée que cette région, elle l’est aujourd’hui un peu moins : 550 millions contre 577 millions.</p>
<p><iframe id="H5M5D" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/H5M5D/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Sur cette longue période, la croissance de la population en Israël et en Palestine (définie par les Nations unies comme l’ensemble que forment la Bande de Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est) a été légèrement supérieure à la moyenne régionale (respectivement 2,5 et 2,6 %). Sur la dernière décennie, néanmoins, la croissance démographique en Palestine a été plus élevée : 2,3 %, contre 1,8 % en Israël et 1,6 % dans la région MENAT.</p>
<p><iframe id="7pAsb" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/7pAsb/12/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En 2022, la Palestine compte autant d’habitants que le Liban, environ 5 millions, tandis que les Israéliens sont aussi nombreux que les Émiratis, environ 9 millions. C’est peu, comparé aux trois pays les plus peuplés de la région, l’Égypte, l’Iran et la Turquie qui abritent respectivement 111, 89 et 85 millions d’habitants, soit, ensemble, près de la moitié de la population de la zone.</p>
<h2>L’insertion commerciale d’Israël</h2>
<p>Dans cette région, Israël est aujourd’hui la seule économie avancée selon les critères du Fonds monétaire international. Ses habitants ne sont cependant pas les plus riches. Plusieurs pays du Golfe le sont davantage grâce à leur rente énergétique, notamment le Qatar dont le PIB réel par habitant en parité de pouvoir d’achat est pratiquement le double de celui d’Israël.</p>
<p><iframe id="W5EeW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/W5EeW/6/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Forte de ses ressources énergétiques, la région commerce surtout avec des pays tiers (90 % de ses échanges en 2021), leur vendant des matières premières et leur achetant des produits manufacturés. Les échanges au sein de la région ont longtemps été limités en raison de la faiblesse du niveau de développement de la plupart des pays qui la composent, du peu de complémentarité de leurs spécialisations et des conflits qui s’y sont déroulés.</p>
<p>Mais depuis le début des années 2000, et à la suite notamment du décollage de l’industrie turque, qui a développé une large gamme de produits manufacturés à prix compétitifs, les flux intra-zone ont augmenté : ils représentent 10 % du commerce total des pays de la région en 2021, contre 4 % en 2000.</p>
<p><iframe id="DaXAl" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/DaXAl/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’insertion commerciale d’Israël dans la région est plus forte : en 2021, 12 % de ses exportations y sont destinées et 14 % de ses importations en proviennent.</p>
<p><iframe id="Jfau1" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Jfau1/8/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="8nJHD" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/8nJHD/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Deux partenaires jouent un rôle important dans ces échanges : la Palestine et la Turquie.</p>
<p>La Palestine, qui reçoit plus de la moitié des exportations régionales d’Israël, se situe au troisième rang de ses clients au niveau mondial (<a href="http://visualdata.cepii.fr/CountryProfiles/fr/">6,5 % en 2021</a>), après les États-Unis et la Chine (respectivement 26,8 et 7,9 %). C’est un commerce <a href="https://unctad.org/system/files/official-document/tdbex74d2_fr.pdf">contraint</a> en raison des restrictions et obstacles imposés par l’État hébreu aux échanges palestiniens avec le reste du monde.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1729563269679988960"}"></div></p>
<p>La Turquie, après la Chine et les États-Unis, est le troisième fournisseur de l’État hébreu (respectivement 14,5, 11,5 et <a href="http://visualdata.cepii.fr/CountryProfiles/fr/">6,8 % en 2021</a>), auquel elle vend <a href="https://medyascope.tv/2023/11/07/turkiye-israilin-kullandigi-celigin-yuzde-65ini-tedarik-ediyor-enerji-uzmani-ali-akturk-aciklamalar-ic-politikaya-yonelik-ciddi-olan-ticareti-engeller/">65 %</a> de l’acier qu’il consomme. En dépit de leurs difficultés relationnelles tenant notamment au conflit israélo-palestinien, les deux pays, liés depuis 1996 par un accord de libre-échange, ont jusqu’ici maintenu des échanges soutenus. Mais la guerre actuelle, qui secrète de <a href="https://www.haaretz.com/israel-news/2023-10-31/ty-article/.premium/irked-by-erdogan-israeli-supermarkets-halt-imports-from-turkey/0000018b-866e-dd28-a7df-967f57360000">part</a> et <a href="https://www.reuters.com/world/middle-east/turkish-parliament-removes-brands-menu-over-alleged-israel-support-2023-11-07/">d’autre</a> des appels au boycott, tend à les réduire : les exportations de la Turquie vers Israël <a href="https://www.reuters.com/article/israel-turkey-trade/trade-between-israel-and-turkey-has-decreased-by-50-since-oct-7-minister-idUSS8N3AJ047">auraient chuté</a> de moitié depuis début octobre dernier, selon le ministre turc du Commerce.</p>
<h2>Le fulgurant essor des ventes de services innovants</h2>
<p>S’en tenir aux échanges de marchandises offre cependant une vision biaisée de l’insertion d’Israël dans le <a href="https://theconversation.com/topics/commerce-international-29800">commerce international</a>. Ses ventes de services ont en effet connu un essor fulgurant au cours de la dernière décennie et représentaient en 2021 plus de la moitié du total de ses exportations (53 %), bien avant celles de produits électroniques (13 %) et chimiques (11 %).</p>
<p><iframe id="CYGGW" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/CYGGW/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les services liés aux technologies de l’information et de la télécommunication (TIC) totalisent à eux seuls 41 % des exportations de biens et services de l’État hébreu. Suivent les exportations de services techniques et de conseil, dont l’un des postes est la recherche et développement (R&D), et, dans le secteur manufacturier, de produits électroniques à haute valeur ajoutée. Autant de spécialisations qui témoignent du poids de l’innovation dans l’économie israélienne. Selon le Centre du commerce international (agence conjointe de l’ONU et de l’OMC), les ventes de services liés aux TIC du pays s’adressent pour l’essentiel aux <a href="https://www.trademap.org/Index.aspx">pays avancés</a>.</p>
<p><iframe id="ktQxe" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ktQxe/10/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’essor du secteur des services liés aux TIC tient à la création volontariste d’un écosystème favorable. Dès 1992, le gouvernement israélien a investi 100 millions de dollars dans un fonds de capital-risque à vocation militaire, le programme <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1209988">Yozma</a> (initiative en hébreu). Abondé par des fonds privés à hauteur de 11 milliards, ce programme a financé 168 start-up high-tech qui ont généré plus d’un milliard de dollars d’exportations en l’espace de douze ans. La dynamique ainsi enclenchée a fait d’Israël un hub technologique dans les domaines de la cybersécurité, des logiciels et des échanges de données, mais aussi de la pharmacie et de l’agriculture.</p>
<p>Cette dynamique a également été alimentée par les dépenses de la R&D engagées par l’État et par des <a href="https://sgp.fas.org/crs/mideast/RL33222.pdf">fondations israélo-américaines</a> créées dans les années 1970, à commencer par Bird (Binational R&D Foundation), BSF (Binational Science Foundation) et Bard (Binational Agriculture and R&D Fund). En 2020, selon l’<a href="https://stats.oecd.org/index.aspx">OCDE</a>, le financement des dépenses de R&D en Israël provenait pour 50 % de l’étranger, pour 40 % des entreprises israéliennes, pour 9 % du gouvernement et pour 1 % des institutions privées nationales à but non lucratif.</p>
<p>Ce modèle, qui a attiré environ <a href="https://www.lesechos.fr/monde/afrique-moyen-orient/israel-leconomie-ebranlee-mais-resiliente-1986879">500 multinationales</a> versées dans le high-tech, a aussi favorisé la création <a href="https://innovationisrael.org.il/en/reportchapter/how-many-israelis-really-work-high-tech">d’emplois technologiques</a> dans l’ensemble de l’économie. Leur part dans l’emploi total salarié représente 14 % en 2022, contre 10,6 % en 2014.</p>
<h2>L’aide internationale, poste clef du compte courant israélien</h2>
<p>Le compte courant d’Israël révèle un autre aspect de l’évolution de son insertion internationale. En effet, les revenus secondaires reçus de l’étranger – l’aide extérieure, essentiellement – ont été cruciaux pendant la phase de développement de l’économie israélienne pour faire face à l’énorme déficit de la balance commerciale. Celle-ci a atteint plus d’un cinquième du PIB en 1975.</p>
<p><iframe id="bs038" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/bs038/8/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Grâce à la <a href="https://www.brookings.edu/articles/how-shimon-peres-saved-the-israeli-economy/">stabilisation macro-économique</a> entreprise dans les années 1980 par Shimon Peres, le pays est ensuite entré dans un régime de croissance vertueux. Son déficit dans les échanges de biens s’est sensiblement <a href="https://econ.tau.ac.il/sites/economy.tau.ac.il/files/media_server/Economics/foerder/papers/Papers%202020/13-2020%20Israels%20Balance%20of%20Payments%20From%20Deficits%20to%20Surpluses.pdf">réduit</a> et, à partir des années 2000, les excédents engendrés dans les échanges de services (8 % du PIB en 2022) lui ont permis de dégager pour la première fois une capacité de financement durable. Aussi, le solde courant, positif depuis 2003, s’élève à 4 % du PIB en 2022 et le solde des revenus secondaires, toujours en 2022, ne représente plus que 2 % du PIB, contre 18 % en 1973, année de la guerre de Kippour.</p>
<p>Les États-Unis sont le <a href="https://www.jewishvirtuallibrary.org/history-and-overview-of-u-s-foreign-aid-to-israel">premier apporteur</a> de fonds à Israël, et Israël est le <a href="https://carnegieendowment.org/2021/05/12/bringing-assistance-to-israel-in-line-with-rights-and-u.s.-laws-pub-84503">principal récipiendaire</a> de l’aide américaine depuis <a href="https://pdf.usaid.gov/pdf_docs/pcaaa469.pdf">1976</a>. D’après le <a href="https://sgp.fas.org/crs/mideast/RL33222.pdf">dernier rapport</a> du service de recherche du Congrès américain, le cumul de l’aide des États-Unis à Israël entre 1946 et septembre 2023 est de 159 milliards de dollars courants (260 milliards de dollars constants de 2021). De 1971 à 2007, une partie significative de cette aide relevait du soutien économique ; elle est désormais quasi exclusivement <a href="https://usafacts.org/articles/how-much-military-aid-does-the-us-give-to-israel/">militaire</a>.</p>
<p>Par ailleurs, depuis 1991, Israël est le seul pays autorisé par le Congrès à placer l’aide qui lui est accordée sur un <a href="https://carnegieendowment.org/2021/05/12/bringing-assistance-to-israel-in-line-with-rights-and-u.s.-laws-pub-84503">compte rémunéré</a> aux États-Unis. Enfin, depuis 2021 et jusqu’au déclenchement de la guerre actuelle, le Congrès a voté l’octroi à Israël de 3,3 milliards de dollars courants d’aide militaire par an. S’ajoutent à cette somme d’autres montants spécifiques à la défense aérienne (anti-missiles, Dôme de fer). En 2022, au total, les 4,8 milliards de dollars d’aide militaire votés par le Congrès américain représentent 80 % des crédits reçus par le gouvernement israélien au titre de la coopération internationale.</p>
<h2>Une position extérieure nette très positive en 2022</h2>
<p>Fondée sur d’importants investissements dans le high-tech et sur l’exportation de services haut de gamme vers les pays avancés, la spécialisation commerciale réussie d’Israël a contribué à une amélioration substantielle de sa position extérieure nette depuis une quinzaine d’années.</p>
<p>Cette jeune économie avancée dispose donc d’un excès d’épargne à l’instar de l’Allemagne. Autrement dit, les résidents en Israël ont accumulé à l’étranger plus de capitaux qu’ils n’en ont reçu du reste du monde. Leur patrimoine net s’élève ainsi en 2022 à 159 milliards de dollars, soit 30 % du PIB.</p>
<p>Cette épargne, confortable par temps de paix, pourrait-elle suffire en cas de prolongement de la guerre ?</p>
<p><iframe id="sLjyl" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/sLjyl/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562758/original/file-20231130-15-fune4f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562758/original/file-20231130-15-fune4f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=233&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562758/original/file-20231130-15-fune4f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=233&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562758/original/file-20231130-15-fune4f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=233&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562758/original/file-20231130-15-fune4f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=293&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562758/original/file-20231130-15-fune4f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=293&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562758/original/file-20231130-15-fune4f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=293&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Pour approfondir la question de l’insertion internationale de l’économie israélienne, voir les pages interactives</em> <a href="http://visualdata.cepii.fr/">Les Profils du CEPII</a><em>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218971/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Croissance démographique, intégration régionale, spécialisation commerciale, dépendance au reste du monde… Retrouvez un portrait de l'économie israélienne.Deniz Unal, Économiste, rédactrice en chef du Panorama et coordinatrice des Profils du CEPII - Recherche et expertise sur l'économie mondiale, CEPIILaurence Nayman, Économiste, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2179352023-11-26T15:41:03Z2023-11-26T15:41:03Z18-25 ans : des jeunes étonnamment optimistes et résilients<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/561311/original/file-20231123-23-10xms0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">18-25 ans : des jeunes étonnamment optimistes et résilients </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Dans un contexte difficile, les jeunes sont plus positifs qu’on ne le pense face aux défis de demain, plus matures aussi et se définissent principalement par les causes qu’ils défendent en privilégiant des modes d’action dans la sphère privée plutôt que dans un espace public qui ne les inspire pas.</p>
<p>Tels sont les principaux enseignements de l’enquête exclusive réalisée en octobre auprès des 18-25 ans pour The Conversation France par le cabinet d’études George(s).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p><em>Retrouvez l’enquête exclusive <a href="https://cdn.theconversation.com/static_files/files/2951/Jeune%28s%29_en_France_-_THE_CONVERSATION.pdf">« Jeune(s) en France »</a> réalisée en octobre 2023 pour The Conversation France par le cabinet George(s). Une étude auprès d’un échantillon représentatif de plus de 1000 personnes qui permet de mieux cerner les engagements des 18-25 ans, les causes qu’ils défendent et leur vision de l’avenir.</em></p>
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<p>Alors que de nombreux sondages montrent les inquiétudes des parents pour leur progéniture, les jeunes interrogés sont majoritairement optimistes en pensant à l’avenir (71 %) et environ un quart d’entre eux se disent « très optimistes » mais ils envisagent leurs leviers d’action dans un cadre familial ou amical plutôt que collectif.</p>
<p><iframe id="bjzi3" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/bjzi3/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ils se déclarent aussi adultes à 86 % et font de l’autonomie financière une condition primordiale de leur vie future.</p>
<h2>Un engagement qui se matérialise dans la sphère privée</h2>
<p>L’un des faits frappants de l’étude est que la confiance exprimée est ancrée dans l’environnement proche, alors que la famille (à 45 %) et les amis (41 %) sont les éléments qui les rendent « très heureux ».</p>
<p>Les jeunes interrogés déclarent se définir en premier lieu à travers les causes qu’ils soutiennent, principalement d’ordre environnemental et sociétal : gaspillage alimentaire, défense de l’environnement, lutte contre les violences faites aux femmes, combat contre le racisme et les discriminations…</p>
<p>Mais cet engagement, qui est donc au cœur de leur identité, est à la fois un engagement personnel et citoyen.</p>
<p>La mobilisation ou l’appartenance à un parti politique ou à un syndicat ne représentent ainsi pas à leurs yeux des preuves fortes d’engagement. Pas plus que la participation à une manifestation ou la signature d’une pétition, traduisant un réel fossé entre leurs préoccupations et la possibilité de les exprimer dans le monde qui les entoure.</p>
<p>Plusieurs formes de « dons » sont en fait mises en avant par rapport au fait de s’engager : aider une personne dépendante ou malade (83 %), donner de son temps en général (80 %), faire des dons d’argent (75 %) sont largement cités.</p>
<p><iframe id="oEwS0" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/oEwS0/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’engagement est à la fois proximal et intime. Il témoigne d’une véritable résilience et prend tout son sens à travers les actions et les gestes du quotidien. Interrogés sur « les personnes dont l’exemple vous donne envie de vous engager, de vous mobiliser », ils citent tout d’abord leurs parents, puis des « gens de leur génération qu’ils ont rencontrés » et en troisième « des membres de leur famille ».</p>
<p>Reste une singularité, même si seulement 16 % d’entre eux estiment que leurs « opinions politiques » contribuent à dire qui ils sont et que l’on connaît les faibles taux de participations des jeunes aux élections, 79 % considèrent toujours le vote comme une preuve d’engagement.</p>
<p>Un élément apparemment contradictoire mais qui semble traduire le décalage entre la représentation politique actuelle et celle que l’on aimerait et qui déclencherait l’envie de participer aux scrutins.</p>
<h2>Une maturité assumée face au contexte économique</h2>
<p>Être autonome financièrement (à 58 %), avoir une situation professionnelle stable (à 46 %), bénéficier d’un logement à soi (à 40 %)… ces trois éléments sont les premiers qui sont pris en considération par les 18-25 ans comme étant constitutifs d’un passage à l’âge adulte.</p>
<p>Une vision qui traduit la réalité d’une génération qui doit aussi faire à une certaine précarité. Il faut noter d’ailleurs que 41 % des 18-25 ans estiment que leur santé mentale et physique est très importante pour comprendre qui ils sont et en font donc une pierre angulaire de leur équilibre.</p>
<p>La question de l’orientation scolaire ou professionnelle montre des divergences. Une majorité des jeunes interrogés (56 %) estiment ainsi avoir le sentiment d’avoir vraiment pu choisir cette orientation mais chez les actifs, c’est le fait d’avoir un métier qui ne correspond pas à leur diplôme qui domine (à 53 %).</p>
<p>Face au travail, les jeunes sont à la fois très raisonnés et très exigeants, projetant une véritable maturité. Parmi les choses considérées comme « très importantes » figurent l’ambiance de travail (51 %), mais aussi la rémunération et les avantages matériels (50 %), le niveau de responsabilité (31 %) et le temps libre (44 %). La possibilité d’évoluer (43 %) est jugée plus importante que les valeurs et engagements de l’entreprise (34 %).</p>
<p><iframe id="rcIHf" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/rcIHf/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Autant de constats qui semblent privilégier une approche très pragmatique face au travail, loin des déclarations que l’on peut voir de ci et là sur certaines quêtes de sens priorisées sans grande considération matérielle.</p>
<h2>Une ambiguïté face aux médias</h2>
<p>Parce qu’ils trouvent leurs repères dans cet environnement de proximité, les jeunes interrogés apparaissent très ambigus face au monde renvoyé par les médias.</p>
<p>Quand ils décident de s’informer, la priorité n’est pas donnée à la politique ou à l’économie. Ils préfèrent se tourner vers de l’actualité culturelle (note d’intérêt déclaré de 7,05/10), liée à l’environnement, la santé ou la science (6,63) ou au sport (6,21). Sans surprise par rapport à notre constat sur l’engagement, l’intérêt déclaré est beaucoup plus faible pour la politique nationale (5,54) ou internationale (5,38).</p>
<p>Face à l’actualité, ils se disent à la fois inquiets (41 %) et curieux (36 %), fatigués (33 %) et optimistes (24 %). Mais l’angoisse (25 %) et la méfiance (29 %) n’aboutissent pas forcément à de l’indignation (14 %) ou de la mobilisation (10 %).</p>
<p><iframe id="9mYCQ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/9mYCQ/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Un point à souligner : les jeunes femmes se déclarent en moyenne plus inquiètes que les hommes (48 % vs 33 %), plus fatiguées (39,5 % vs 26 %), angoissées (31,8 % vs 18 %) ou dépassées (29,6 % vs 19,5 %).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217935/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Rousselot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’enquête exclusive de The Conversation France sur les 18-25 ans montre une jeunesse positive et qui s’engage dans la sphère privée pour relever les défis du futur.Fabrice Rousselot, Directeur de la rédaction, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2181652023-11-26T15:41:00Z2023-11-26T15:41:00ZComment les jeunes s’engagent<p>Contrairement à ce qui est souvent mis en avant dans les discours dominants, les jeunes n’ont pas démissionné de tout investissement dans la chose publique. Des enquêtes récentes ont montré qu’ils sont même plus engagés que les moins jeunes, relativisant certaines idées reçues, les décrivant comme massivement repliés sur un individualisme frileux et enfermés dans une apathie civique. En tout cas dans la perception qu’ils ont d’eux-mêmes. Alors que 72 % des 18-24 se considèrent engagés (9 points de plus que la moyenne), dont 17 % « très engagés », <a href="https://www.jean-jaures.org/publication/les-francais-sur-le-fil-de-lengagement/">55 % seulement des personnes âgées de 65 ans et plus se disent engagées</a>, soit 8 points de moins que la moyenne (63 %), selon les données d’une enquête de 2021.</p>
<p>Dans l’enquête <em>Jeunes en France</em>, commanditée par The Conversation et réalisée dans la première quinzaine d’octobre 2023 par l’institut George(s), ce sont six jeunes sur dix parmi les 18-24 ans qui se disent <em>engagés</em>, et parmi eux, 12 % <em>très engagés</em>. Seul un tiers des jeunes (35 %) se départit de toute idée d’engagement.</p>
<p>Si l’engagement de la jeunesse en France est palpable, reste à comprendre ce que recouvre cette disposition à l’engagement.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/560782/original/file-20231121-27-k31c2c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p><em>Retrouvez l’enquête exclusive <a href="https://cdn.theconversation.com/static_files/files/2951/Jeune%28s%29_en_France_-_THE_CONVERSATION.pdf">« Jeune(s) en France »</a> réalisée en octobre 2023 pour The Conversation France par le cabinet George(s). Une étude auprès d’un échantillon représentatif de plus de 1000 personnes qui permet de mieux cerner les engagements des 18-25 ans, les causes qu’ils défendent et leur vision de l’avenir.</em></p>
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<h2>Leurs déclinaisons de l’engagement</h2>
<p>Alors même que la participation au vote s’affaiblit dans les nouvelles générations, plus perplexes face au choix électoral qui leur est offert, l’attachement au principe de l’élection continue de s’imposer dans leur conception d’une citoyenneté engagée. Ainsi observe-t-on un écart entre la norme du vote, qui reste forte, et la pratique, qui s’amenuise.</p>
<p>Certes, c’est dans cet écart que peut s’engouffrer une certaine fragilisation de la démocratie, en tout cas dans sa dimension d’organisation de la représentation politique. Mais la reconnaissance de la matrice du modèle d’engagement démocratique que représente le vote résiste. Dans l’enquête « Jeune(s) en France », lorsqu’ils sont invités à sélectionner et à hiérarchiser les preuves d’engagement qui sont pour eux les plus significatives (réponse <em>tout à fait</em>), c’est <em>le vote</em> qui apparaît en premier dans les réponses des jeunes, à égalité avec le fait <em>d’être aidant et de s’occuper d’une personne dépendante ou malade</em> (39 % respectivement de leurs réponses). S’impose ensuite le fait de <em>donner de son temps aux autres en général</em> (34 %).</p>
<p><iframe id="Mu9yh" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Mu9yh/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’importance accordée à ces preuves d’engagement est emblématique de la façon dont les jeunes générations articulent aujourd’hui l’engagement pour le collectif et l’engagement au niveau individuel. Ils considèrent l’engagement sur les deux scènes, citoyenne et personnelle, politique et intime. Ainsi <em>être membre d’un mouvement ou d’une association</em> est une activité considérée comme <em>tout à fait</em> une preuve d’engagement par 31 % des jeunes, mais aussi le fait <em>d’emménager avec quelqu’un</em> (32 %). Et c’est du reste dans ces deux registres aussi que s’expriment et prennent forme leurs engagements concrets, nous le verrons.</p>
<p>L’individuation des engagements a nettement progressé, ce qui ne veut pas dire que toute dynamique collective a disparu. Il n’y a plus un seul collectif référentiel, ni non plus plusieurs grands collectifs faisant système, mais de multiples collectifs, plus fragmentés, plus dispersés, qui définissent autant d’ancrages identitaires et autant de vecteurs d’engagements circonstanciés et contextualisés. Les allégeances politiques et syndicales traditionnelles sont minimisées : <em>être membre d’un parti politique</em> n’est considéré comme tout à fait une preuve d’engagement que par 22 % des jeunes et <em>être membre d’un syndicat</em> que par 20 %.</p>
<p>L’on remarquera enfin, que la protestation politique – <em>participer à une manifestation</em>, <em>participer à une grève</em>, ou encore <em>participer à un blocage d’une université ou d’une entreprise</em> (respectivement 23 %, 22 % et 17 %), ne sont pas particulièrement une preuve d’engagement à leurs yeux. En revanche, le fait de choisir en priorité des produits respectueux de l’environnement, les dons d’argent ou encore le boycott d’entreprises apparaissent plus haut dans la hiérarchie (respectivement 31 %, 29 % et 27 %).</p>
<p>Ce passage en revue des registres d’engagement rend compte de la réalité de la place de la politique dans leurs conceptions de l’engagement, mais cette place coexiste avec d’autres dimensions relevant du domaine de la vie personnelle et privée (<em>avoir un enfant</em>, <em>signer un CDI</em>, respectivement 26 % et 31 % des réponses).</p>
<h2>Leurs pratiques d’engagement</h2>
<p>S’il existe en matière d’engagement un écart entre la norme et la pratique, il existe aussi un décalage entre l’intention et le passage à l’acte. Les jeunes mettent en œuvre des engagements concrets qui ne correspondent pas nécessairement à la hiérarchie avec laquelle ils déclinent les dimensions de l’engagement à leurs yeux les plus significatives. Néanmoins, à ce jeu, on observe davantage de correspondances que de dissonances.</p>
<p>En termes de passage à l’acte, et parmi les engagements mentionnés, c’est le fait de <em>s’informer</em> qui est la pratique la plus citée : plus des deux tiers des jeunes (68 %) reconnaissent <em>s’informer</em> régulièrement (<em>je l’ai déjà fait plusieurs fois</em>). Vient ensuite la capacité de <em>donner de son temps aux autres en général</em> mentionnée par plus de la moitié d’entre eux (52 %) qui reconnaissent l’avoir fait plusieurs fois. En troisième position, on retrouve <em>le vote</em> : 48 % ont déjà voté à plusieurs reprises. On constate la coexistence de la scène personnelle et collective, l’attention portée à l’engagement citoyen et à l’altruisme moral qui les rend disponibles aux autres.</p>
<p><iframe id="zZ9XZ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/zZ9XZ/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’espace de la vie privée et des interactions personnelles offre aux jeunes un débouché à des pratiques d’engagement que l’on pourrait qualifier de proximité. Leur confrontation à la <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/psychologie/psychologie-generale/autre-a-distance_9782738157621.php">gestion de la pandémie de Covid-19</a> ces deux dernières années a été l’occasion d’éprouver à la fois leurs capacités de résilience personnelle et collective, faisant preuve d’initiatives en plus grand nombre que les plus âgés pour apporter de l’aide à leur entourage.</p>
<p>Des solidarités étudiantes notamment ont pu s’exprimer. Des groupes de discussion sur les réseaux sociaux ont été créés par les jeunes (29 % des 18-24 ans et 26 % des 25-34 ans contre 14 % de l’ensemble des Français). Cela représente un nombre assez considérable de personnes impliquées et s’efforçant à leur manière de contribuer à <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/en-immersion-jerome-fourquet/9782021467376">réduire les conséquences négatives de la pandémie</a> dans la vie quotidienne des Français. De façon nettement plus marginale mais significative de ces engagements de proximité, 8 % des Français ont fait à cette occasion du soutien scolaire en direction des jeunes en difficulté, et les jeunes ont été plus nombreux à s’engager dans ce type d’activité (18 % des 18-24 ans et 14 % des 25-34 ans), et 7 % ont organisé des <a href="https://www.jean-jaures.org/publication/les-francais-sur-le-fil-de-lengagement/">groupes de soutien et d’échange pour des personnes seules</a> ou en difficultés psychologiques.</p>
<p>La mise en œuvre concrète de l’engagement fait aussi apparaître un certain nombre d’actions protestataires qui, si elles ne sont pas apparues comme les plus emblématiques de l’engagement pour eux au plan normatif, occupent néanmoins une place significative dans leur expérience politique : 31 % disent avoir signé à plusieurs reprises une pétition, 23 % ont boycotté plusieurs fois des produits ou des entreprises, 18 % ont participé à une manifestation plusieurs fois aussi, et 14 % à une grève, 11 % à un blocage d’entreprise ou d’université.</p>
<p>Cette relative familiarité avec la culture politique protestataire est une caractéristique de la <a href="https://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/politiquement-jeune/">politisation des jeunes générations</a> dans la plupart des démocraties européennes, dont la France. Mais l’enquête fait apparaître aussi un nombre non négligeable de jeunes mentionnant <em>être ou avoir été membre d’un parti politique</em> (19 %) ou <em>d’un syndicat</em> (16 %). Ces proportions sont importantes, même si l’on retiendra que de toutes les formes d’engagement, ce sont celles qui font le plus l’objet d’un repoussoir : respectivement 59 % et 60 % des jeunes n’envisagent en aucun cas de le faire. En revanche, le secteur associatif apparaît nettement plus attractif : 44 % des jeunes ont pu adhérer à ce type d’organisation, 27 % <em>ne l’ont jamais fait mais pourrait le faire</em>, seuls 30 % <em>n’envisagent pas de le faire</em>. Dans ce registre bénévole et militant, la disponibilité des jeunes est réelle.</p>
<p>La participation numérique est consistante : 39 % des jeunes reconnaissent partager à plusieurs reprises des contenus sur les réseaux sociaux qui sont des vecteurs d’information, de communication et potentiellement de mobilisation. Les jeunes utilisent les ressources du numérique : ils sont 40 % à partager leurs opinions sur les réseaux sociaux (contre 27 % des Français en moyenne), et 43 % à relayer des <em>posts</em> d’influenceurs sur les causes qui leur tiennent à cœur (<a href="https://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/politiquement-jeune/">contre 25 % en moyenne</a>).</p>
<p>Enfin, la question environnementale est un vecteur de plus en plus actif pour mobiliser les jeunes : 40 % déclarent avoir à plusieurs reprises choisi en priorité des produits respectueux de l’environnement et de la société.</p>
<h2>Un engagement pour des causes</h2>
<p>Certains enjeux forts tels que l’écologie et les inégalités occupent une place prépondérante dans le répertoire de leurs préoccupations et peuvent susciter un passage à l’acte d’engagement. Le répertoire d’actions s’est élargi, notamment en raison d’une diversification des causes à défendre.</p>
<p>Parmi les causes qui mobilisent le plus les jeunes interrogés dans le cadre de l’enquête « Jeune(s) en France », le <em>gaspillage alimentaire</em> arrive en premier, suivi par la <em>défense de l’environnement</em>. Plus de quatre jeunes sur dix reconnaissent s’être déjà engagés pour l’une d’entre elles (respectivement 45 % et 43 %), et une proportion quasi équivalente déclare qu’ils pourraient envisager de s’engager pour les défendre (respectivement 39 % et 41 %). L’attention portée aux questions des discriminations et des violences s’impose également. La <em>lutte contre les violences faites aux femmes</em> mobilise plus de quatre jeunes sur dix, et les jeunes femmes en plus grand nombre (46 % contre 30 % des jeunes hommes), ou encore le <em>combat contre le racisme et les discriminations</em> (42 % déjà engagés, et 39 % qui pourraient s’engager). Le <em>bien-être animal</em> est aussi un point d’attention : 42 % des jeunes se sont déjà engagés pour cette cause.</p>
<p><iframe id="FCKlt" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/FCKlt/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>On notera pour finir que si le patriotisme n’est pas une valeur d’engagement qui domine, il témoigne néanmoins d’un certain regain visible dans plusieurs enquêtes récentes, une évolution que l’enquête « Jeune(s) en France » enregistre aussi. Un jeune sur cinq (20 %) reconnaît que c’est une cause pour laquelle il s’est déjà engagé et 40 % déclarent envisager de le faire. Dans les répertoires d’engagement, les traces de l’antimilitarisme se sont au fil du temps effacées. Aujourd’hui, ce sont près des deux tiers des jeunes Français (65 %) qui affirment que si besoin est ils seraient prêts à <a href="https://www.bva-xsight.com/sondages/les-francais-et-l-engagement/">s’engager pour défendre leur pays</a> en cas de conflit, et un sur deux (51 %) se dit prêt à risquer sa vie pour cela.</p>
<p>On voit ainsi cohabiter dans la jeunesse française une diversité d’engagements effectifs ou potentiels, allant du plus proche au plus lointain, de l’humanitaire au militaire, en passant par les engagements relevant de l’altruisme moral et de la solidarité au fondement de nos démocraties et du vivre ensemble.</p>
<h2>L’importance de la socialisation familiale</h2>
<p>Les résultats de l’enquête « Jeune(s) en France » confirment l’importance du modèle parental dans la formation des engagements présents et à venir de leur progéniture et la place de la <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/toi-moi-et-la-politique-anne-muxel/9782020962490">« politisation intime »</a> qui opère dans le cadre du microcosme familial, notamment au travers des discussions. <a href="https://sciencespo.hal.science/view/index/identifiant/hal-03459728">Si l’on ne parle pas que de politique dans la famille</a>, loin de là, c’est néanmoins dans le cadre familial que l’on en parle le plus.</p>
<p>Les processus de <a href="https://hal.science/hal-03609521/">socialisation politique</a> au sein du groupe primaire que constitue la famille jouent toujours un rôle déterminant dans la fabrique des citoyens. Plus de la moitié (56 %) des jeunes interrogés dans l’enquête citent en tout premier leurs parents pour évoquer les personnes dont l’exemple a pu leur donner envie de s’engager et 52 % d’autres membres de leur famille.</p>
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<p>Cela n’exclut pas le rôle et l’importance des agents de la socialisation secondaire, à savoir les pairs ou encore d’autres interlocuteurs notamment dans le cadre scolaire. Ainsi les jeunes sont-ils nombreux à évoquer les gens de leur génération (52 %) ou des gens plus âgés (49 %) qu’ils ont rencontrés, mais aussi des professeurs (40 %). Les deux instances de la socialisation que sont la famille et l’école, décisives dans l’expérience juvénile et l’apprentissage de la citoyenneté, ont donc du point de vue des jeunes toujours une réalité et une efficacité.</p>
<p>Les influenceurs agissant sur les réseaux sociaux ou les journalistes n’arrivent que loin derrière (respectivement 29 % et 27 %). Mais de loin, ce sont les personnalités politiques, les autorités religieuses, soit des tutelles institutionnelles et idéologiques, qui arrivent en dernier (respectivement 25 % et 19 %).</p>
<p>On retiendra des résultats de l’enquête « Jeune(s) en France », la vitalité des forces d’engagement dans les jeunes générations, mais d’un engagement qui s’est affranchi des vecteurs institutionnels et traditionnels. Celui-ci s’est privatisé et se vit sans doute de façon plus intermittente, voire changeante que par le passé, étant plus dépendant des enjeux de l’actualité et d’une sensibilité à des causes jugées essentielles, dans un répertoire allant du plus universel au plus particulier.</p>
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de l’enquête exclusive « Jeune(s) en France » réalisée en octobre 2023 pour The Conversation France par le cabinet d’études George(s).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218165/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne Muxel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L'engagement des jeunes représente une nouvelle dynamique entre individuel et collectif. L'attachement au vote reste fort, même si la jeunesse est sceptique face au choix électoral du moment.Anne Muxel, Directrice de recherches (CNRS) au Cevipof, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2177062023-11-15T21:17:49Z2023-11-15T21:17:49ZQui paye l’inflation importée ?<p>Le <a href="https://www.ofce.fr/pdf/revue/13-180OFCE.pdf">retour de l’inflation</a> en France depuis deux ans, dont l’origine vient principalement d’un choc de prix d’<a href="https://theconversation.com/topics/importations-114407">importations</a> lié à la hausse vertigineuse de la facture énergétique, pose la question centrale de la répartition de ce choc au sein des agents économiques. Qui en a principalement subit les effets ?</p>
<p>Sous l’effet, d’abord de la forte reprise postCovid, puis de la guerre en Ukraine, le prix des composants industriels et des matières premières, notamment énergétiques et agricoles, a fortement augmenté. Le prix des importations s’est ainsi accru de 20 % en l’espace d’un an, conduisant à un choc de grande ampleur sur l’économie française.</p>
<p>Une part de cette <a href="https://theconversation.com/topics/inflation-28219">inflation</a> importée s’est diffusé dans l’économie domestique, à travers la hausse du prix des intrants, des <a href="https://theconversation.com/topics/salaires-26163">revenus du travail</a> et du capital. Entre septembre 2021 et 2023, l’indice des prix à la consommation a crû de près de 11 %. Sur la même période, les seuls prix de l’énergie ont augmenté de 32 % et ceux de l’alimentaire de 21 %. Ces deux composantes, qui représentent environ un quart de la consommation totale des ménages, ont contribué à près de 60 % à l’inflation au cours des deux dernières années.</p>
<p>En parallèle le besoin de financement de l’économie nationale vis-à-vis de l’extérieur est passé de 1 point à 2 points de PIB entre le second semestre 2021 et la mi-2023… mais celui-ci a atteint jusque 4,6 points de PIB au 3<sup>e</sup> trimestre 2022. Si le reflux des prix de l’énergie et des matières premières à partir de la fin 2022 a conduit à réduire le besoin de financement extérieur, celui-ci a donc connu une hausse de plus de 3 points de PIB en un an, soit l’équivalent du premier choc pétrolier de 1973.</p>
<p>Deux après le début de l’épisode inflationniste, il est possible de tirer un premier bilan sur la diffusion d’un tel choc dans l’économie et d’avoir une idée de qui paye cette inflation importée.</p>
<h2>Une inflation différenciée selon les ménages</h2>
<p>En raison du recours plus important des déplacements en voiture et d’une facture énergétique liée au logement plus élevée, la hausse des prix de l’énergie a frappé en premier lieu les habitants des communes rurales et périurbaines, et dans une moindre mesure ceux des grandes agglomérations. Alors que les ménages vivant en dehors des unités urbaines ont vu le coût de la vie augmenter de 9 % entre la mi-2021 et la fin 2022, ceux résidant en agglomération parisienne ont subi un choc inflationniste plus modéré, de l’ordre de 6 %.</p>
<p>Au cours des douze derniers mois, l’inflation a cependant changé de nature, la contribution de l’énergie à la hausse de l’indice des prix à la consommation s’est réduite au profit de l’alimentaire. Depuis un an, les ménages les plus impactés par l’inflation sont ainsi les plus modestes car la part de l’alimentaire dans la consommation est d’autant plus élevée que le niveau de vie est faible. L’inflation actuelle du premier quintile de niveau de vie (les 20 % des messages les plus modestes) est près de 1 % supérieure à celui du dernier quintile (les 20 % les plus aisés).</p>
<p><iframe id="GBXoi" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/GBXoi/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’analyse du choc inflationniste ne peut cependant pas s’arrêter là. Il est nécessaire également de comprendre la réaction des revenus à cette hausse brutale des prix. Salaires, prestations sociales et revenus du capital se sont-ils élevés d’autant ?</p>
<h2>Un tassement des salaires vers le bas</h2>
<p>Du côté des revenus du travail, le salaire mensuel de base a crû de près de 8 % entre la mi-2021 et la mi-2023. Certes, une telle hausse n’a jamais été vue depuis plus de trente ans mais elle reste insuffisante pour compenser l’inflation. Autrement dit, le salaire réel a diminué de près de 3 % en deux ans.</p>
<p>Le smic, avec une hausse de 12 % depuis octobre 2021, a connu, lui, une progression plus rapide que la moyenne en raison de son mécanisme d’indexation sur l’inflation. Si ce mécanisme permet de protéger les travailleurs les plus modestes de l’inflation, rien ne garantit que cette hausse dynamique du smic bénéficie également aux salaires juste au-dessus. De fait, la proportion de salariés touchant ce salaire minimum est passée de 12 % en 2021 à près de 15 % en 2022. Cela confirme l’idée d’un tassement de la grille des salaires vers le bas, de même que la forte hausse des exonérations de cotisations sociales patronales, bien supérieure à la croissance de la masse salariale.</p>
<p>Les prestations sociales, elles, augmentent pour faire face à la hausse des prix. Cela se fait néanmoins avec retard en raison d’une réévaluation annuelle, en janvier ou en avril, calculée sur l’inflation passée. Ainsi, depuis fin 2021, les pensions de retraite n’ont crû que de 6 % mais celles-ci seront revalorisées de 5,2 % en janvier 2024. Pour les autres prestations, elles ont augmenté significativement seulement à partir d’août 2022 avec une augmentation globale de 7,3 % au cours des deux dernières années. Une nouvelle revalorisation de 4,8 % est attendue au 1<sup>er</sup> avril 2024.</p>
<p>Les revenus du patrimoine financier ont, de leur côté, fortement grimpé, de 35 % entre la mi-2021 et la mi-2023. Cela s’est fait sous l’impulsion de la remontée des taux d’intérêt et de la forte hausse des dividendes versés. Si le pouvoir d’achat par unité de consommation a crû de 0,5 % entre la mi-2021 et la mi-2023, résistant au choc inflationniste, c’est d’ailleurs en partie dû au fort dynamisme des revenus du capital et à la baisse de fiscalité. L’analyse macroéconomique du pouvoir d’achat, bien qu’indispensable, n’est cependant pas suffisante pour comprendre celle par niveau de vie, avec des ménages dont les revenus ont évolué très différemment sur la période récente.</p>
<h2>Les entreprises tirent leur épingle du jeu</h2>
<p>Au cours des huit derniers trimestres, les entreprises ont vu leur revenu réel (déflaté des prix de valeur ajoutée) s’accroitre de 4,3 % et le taux de marge des sociétés non financières a augmenté de 1,2 point de valeur ajoutée pour atteindre 33 % de la valeur ajoutée, son plus haut niveau depuis 2008 si l’on exclut les années exceptionnelles (2019 l’année du double CICE ou la période Covid marquée par des aides exceptionnelles).</p>
<p>Enfin les administrations publiques, en mettant en place des dispositifs pour limiter la hausse des prix de l’énergie (boucliers tarifaires…) ont vu leur déficit se dégrader malgré la fin des mesures d’urgence liées à la crise Covid. Il est ainsi passé de 4,5 % du PIB fin 2021 à 5,9 % fin 2022, avant de se réduire à 4,6 % à la mi-2023 avec la fin du bouclier tarifaire du gaz et de la remise carburant.</p>
<p>Pour résumer, face à l’inflation importée, les entreprises ont jusqu’à présent bien tiré leur épingle du jeu même si les situations sont très hétérogènes selon les secteurs et les entreprises. Les ménages ont vu leur pouvoir d’achat résister mais cela masque des dynamiques très différentes entre les revenus du travail et du capital. Enfin, les administrations publiques en absorbant une partie du choc inflationniste ont vu leur situation financière se dégrader.</p>
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<p><em>Cette contribution à The Conversation France est publiée en lien avec les Jéco 2023 qui se tiennent à Lyon du 14 au 16 novembre 2023. Retrouvez ici le <a href="https://www.journeeseconomie.org/affiche-conference2023">programme complet</a> de l’événement.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217706/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mathieu Plane ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ménages, entreprises et administrations publiques ont encaissé le choc lié à des produits importés de plus en plus coûteux de façon très hétérogène.Mathieu Plane, Economiste - Directeur adjoint au Département Analyse et Prévision OFCE, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2175692023-11-14T18:55:31Z2023-11-14T18:55:31ZCommande publique de biens manufacturés : qui recourt le plus aux importations ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/559041/original/file-20231113-27-t6cx95.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=22%2C26%2C965%2C646&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un pays désindustrialisé est en effet amené à consommer des biens manufacturés importés, que ce soit pour la consommation privée ou publique.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Le_Havre,_premier_port_de_France_pour_le_commerce_ext%C3%A9rieur.jpg">Wikimedia commons/Ville du Havre</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Reléguée pendant longtemps dans la catégorie des concepts dépassés, la <a href="https://theconversation.com/reindustrialiser-mais-pour-quoi-faire-176810">politique industrielle</a> est redevenue centrale, notamment dans les économies avancées qui se sont désindustrialisées. Ce choix d’un retour de la puissance publique dans l’économie, afin d’en modifier la structure de production au profit du secteur manufacturier, découle de la conjonction de trois événements : la prise de conscience de la vulnérabilité des économies avancées à la perturbation des chaînes de production internationales, générant une dépendance à l’égard de fournisseurs lointains ; une volonté plus ou moins affirmée de « dérisquage » (<a href="https://www.ceps.eu/the-eus-aim-to-de-risk-itself-from-china-is-risky-yet-necessary/"><em>de-risking</em></a> vis-à-vis de la Chine, pour reprendre le mot de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen) ; l’impérieuse nécessité de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/transition-ecologique-66536">transition écologique</a>, qui crée une opportunité de construire un tissu industriel vert.</p>
<p>Les outils de ces nouvelles politiques industrielles sont divers. Les avantages fiscaux et subventions sont les plus voyants, au centre notamment de <a href="https://theconversation.com/linflation-reduction-act-americain-un-danger-pour-la-production-automobile-hexagonale-204417">l’<em>Inflation Reduction Act</em></a> (IRA) américain. Ce dernier s’appuie par ailleurs massivement sur des clauses de contenu local, instrument déjà privilégié par l’État fédéral américain pour la commande publique depuis le <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/pour-les-achats-publics-biden-veut-aller-encore-plus-loin-sur-le-buy-american-act-889839.html"><em>Buy American Act</em> de 1933</a>, qui établit une préférence pour l’achat de produits nationaux pour les marchés publics fédéraux d’une valeur de plus de 3 000 dollars. De même, le <a href="https://www.fcc.gov/general/american-recovery-and-reinvestment-act-2009">plan de relance de 2009</a> (<em>American Recovery and Re-Investment Act</em>, ARRA) n’ouvrait l’accès à ses fonds qu’aux projets utilisant de l’acier, du fer et des biens manufacturés américains, sauf si la concurrence étrangère présentait un prix inférieur d’au moins 25 %.</p>
<p>Le décalage est important avec l’Union européenne (UE), dont la construction institutionnelle a accordé une large place à la politique de la concurrence au niveau du marché unique et au libre-échange, et n’a pas cherché à donner l’avantage aux producteurs nationaux pour l’attribution des marchés publics.</p>
<p>Ces différences de conception entre les États-Unis et les pays de l’UE se traduisent-elles pour autant par une commande publique s’adressant davantage aux producteurs nationaux outre-Atlantique ? Si le cadre réglementaire de la commande publique est très largement harmonisé en Europe, les pratiques divergent-elles entre pays de l’UE ?</p>
<p>L’échelle européenne reste incontournable pour comprendre les règles nationales qui régissent les contrats de commande publique et d’octroi de marchés publics. Le droit de l’Union pose en effet tant des principes fondamentaux d’égalité de traitement, de non-discrimination et de transparence que de nombreuses règles et procédures.</p>
<h2>Écarts d’ampleur</h2>
<p>La commande publique, qui recouvre les achats de biens, de services et de travaux effectués par les administrations et les entreprises publiques, représente de 10 % à 20 % du PIB des pays membres de l’UE et des États-Unis. Dans une <a href="https://www.cae-eco.fr/la-commande-publique-peut-elle-constituer-un-levier-de-relocalisation-de-lactivite">note</a> du Conseil d’analyse économique (CAE) publiée en 2021, les économistes Claudine Desrieux et Kevin Parra Ramirez estimaient la part des importations dans la commande publique de biens et services en 2014 (date la plus récente à laquelle les <a href="https://www.rug.nl/ggdc/valuechain/wiod/wiod-2016-release">données</a> qui permettent de réaliser ces calculs sont disponibles) autour de 9 % pour la zone euro, 8 % pour l’Italie et la France et 4 % pour les États-Unis.</p>
<p>Les ordres de grandeur changent cependant très significativement quand l’examen, effectué selon la méthodologie exposée en note du graphique suivant, est restreint au périmètre des biens manufacturés.</p>
<p><iframe id="uXrm8" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/uXrm8/7/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En outre, l’hétérogénéité entre pays est frappante. En 2014, la part des importations est la plus faible aux États-Unis, 19 %, tandis qu’elles sont 2,5 à 3,5 fois plus élevées en Europe, en France tout particulièrement. Ces écarts d’ampleur de part et d’autre de l’Atlantique tiennent en partie aux écarts de taille économique des pays, les plus grands ayant moins besoin de recourir à l’extérieur pour satisfaire leurs besoins, que ce soit pour leur commande publique ou de manière plus générale.</p>
<p>À l’exception de l’Allemagne, on observe de plus un processus continu d’accroissement de la part des importations de produits manufacturés dans la commande publique, notamment en France et en Italie. Mécaniquement, lorsqu’un pays se désindustrialise, il doit davantage recourir aux importations pour satisfaire sa demande de biens manufacturés. Or, entre 2000 et 2014, la part du secteur manufacturier dans le PIB est passée de 14 % à 10 % en France, et de 18 % à 14 % en Italie.</p>
<p>L’Allemagne présente un profil particulier, avec une part qui passe de 40 % en 2000 à plus de 63 % en 2007, puis diminue de façon quasi continue jusqu’à 45 % en 2014. Cette trajectoire pourrait venir de la politique allemande du médicament. En 2002, afin de maîtriser les dépenses de santé, une législation a contraint les pharmacies à vendre des médicaments importés lorsque leur prix était inférieur à certains seuils, pour les médicaments remboursés par l’assurance maladie.</p>
<p>Cette « clause de promotion des importations » a entraîné une hausse immédiate de la part de marché des produits pharmaceutiques importés, avec un pic en 2007. Un moratoire a ensuite été décidé sur le prix des médicaments : en pratique, les prix ont été gelés entre 2006 et 2013, conduisant les prix des médicaments produits en Allemagne à passer sous les seuils qui justifiaient le recours aux importations. La part de ces dernières a dès lors reculé au profit des produits pharmaceutiques allemands.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-produits-de-sante-une-filiere-de-poids-dans-les-echanges-internationaux-214276">Les produits de santé : une filière de poids dans les échanges internationaux</a>
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<p>La part plus forte des importations dans la commande publique pourrait refléter celle des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/importations-114407">importations</a> dans la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/consommation-20873">consommation</a> des ménages. Un pays désindustrialisé est en effet amené à consommer des biens manufacturés importés, que ce soit pour la consommation privée ou publique. Un écart entre la part des importations dans la commande publique et dans la consommation des ménages pourrait à l’inverse refléter des choix de politiques publiques.</p>
<p>Alors qu’aux États-Unis la part des importations dans la commande publique est plus faible que celle dans la consommation des ménages de 10 à 12 points de pourcentage (une différence qui pourrait provenir du <em>Buy American Act</em>), une situation exactement inverse s’observe pour les quatre grands pays de la zone euro. L’écart est particulièrement élevé en France, et se creuse à partir de 2007-2008, atteignant 20 points en 2014.</p>
<h2>Quelles marges de manœuvre ?</h2>
<p>Sans avoir besoin de transformer préalablement les structures de production, il existe ainsi des marges de manœuvre pour réduire la part des importations dans la commande publique et favoriser les secteurs manufacturiers nationaux. Quels seraient les gains pour ces secteurs d’un hypothétique alignement de la part des importations dans la commande publique sur celle dans la consommation des ménages ?</p>
<p>En France, ce sont près de 8 milliards de dollars (environ 0,3 % du PIB de 2022) supplémentaires dont aurait bénéficié le secteur manufacturier national en 2014 si le taux d’importation de biens manufacturés de la commande publique avait été égal à celui de la consommation des ménages. Pour l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie, les gains, plus modestes, seraient respectivement, de 2,2, 1,5 et 2,8 milliards de dollars.</p>
<p>Un calcul symétrique peut être effectué pour les États-Unis, en évaluant le montant qui aurait été perdu si la part des importations de biens manufacturés avait été aussi élevée dans la commande publique qu’elle l’était dans la consommation des ménages. Cette perte aurait été de 24,2 milliards de dollars en 2014 – et on peut imaginer qu’il s’agit là d’une estimation basse, car il est vraisemblable que, sans le <em>Buy American Act</em>, la part des importations de biens manufacturés dans la commande publique américaine aurait été supérieure à ce qu’elle est dans la consommation privée, à l’image de ce que l’on observe pour les grandes économies européennes.</p>
<p><iframe id="3bMbz" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/3bMbz/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="InLT1" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/InLT1/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="nNetH" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/nNetH/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="l5p1v" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/l5p1v/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="rwoqf" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/rwoqf/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Un accord autour d’un véritable « Buy European Act » parait difficilement atteignable, car il <a href="http://www.cepii.fr/PDF_PUB/pb/2023/pb2023-40_FR.pdf">remettrait en cause des fondamentaux du droit européen</a>. Cela contraindrait également sans doute l’Union européenne à <a href="http://www.cepii.fr/PDF_PUB/pb/2023/pb2023-40_FR.pdf">renégocier sa participation à l’accord sur les marchés publics de l’OMC</a>. Pour permettre la coexistence de cet accord avec le <em>Buy American Act</em>, les États-Unis ont en effet dû négocier des clauses spécifiques.</p>
<p>Cependant, la protection de certaines activités stratégiques ou de l’environnement ainsi que la préservation de la compétitivité des producteurs locaux constituent autant d’<a href="https://www.lexbase.fr/article-juridique/90641981-citedanslarubriquebmarchespublicsbtitrenbspipeutilexisterunprotectionnismeeuropeenen">arguments mobilisables</a> dans le cadre européen actuel. Le développement de clauses de conditionnalité environnementale – sur le modèle du <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A16766">nouveau bonus français sur les voitures électriques</a> – apparaît comme une voie prometteuse, en permettant de contourner l’interdiction des clauses de contenu local sans modification significative du droit existant. Une approche similaire pourrait être retenue pour la commande publique. La loi française <a href="https://www.economie.gouv.fr/daj/la-loi-ndeg-2023-973-du-23-octobre-2023-relative-lindustrie-verte-renforce-la-commande-publique">« Industrie verte »</a>, adoptée en octobre 2023, fait un premier pas en ce sens, avec la création d’un label permettant d’intégrer les critères environnementaux dans la commande publique.</p>
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<p><em>Cet article développe des extraits de Grjebine T. et Héricourt J. (2023), <a href="https://www.cairn.info/l-economie-mondiale-2024%E2%80%939782348080074-page-43.htm">« Les dilemmes d’une réindustrialisation (verte) en économie ouverte »</a>, <a href="https://theconversation.com/economie-mondiale-2024-annee-de-toutes-les-reconfigurations-212268">L’économie mondiale 2024</a> <a href="https://www.collectionreperes.com/l_economie_mondiale_2024-9782348080074">, collection Repères, La Découverte</a>.</em></p>
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<p><em>Cette contribution à The Conversation France est publiée en lien avec les Jéco 2023 qui se tiennent à Lyon du 14 au 16 novembre 2023. Retrouvez ici le <a href="https://www.journeeseconomie.org/affiche-conference2023">programme complet</a> de l’événement.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217569/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>De grands écarts apparaissent entre les États-Unis et l’Union européenne, mais également parmi les pays européens.Thomas Grjebine, Économiste, Responsable du programme "Macroéconomie et finance internationales" au CEPII., CEPIIJérôme Héricourt, Professeur d'économie, conseiller scientifique au CEPII, Université d’Evry – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2171232023-11-08T20:43:31Z2023-11-08T20:43:31ZUn effondrement de la productivité des salariés français en trompe-l’œil<p>Aujourd’hui, le secteur privé produit 2 % de plus qu’en 2019. Pourtant, pour produire ces 2 % supplémentaires, il a besoin de 6,5 % de salariés en plus.</p>
<p>Avant la crise sanitaire liée au coronavirus, le salarié était chaque année <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/revue/22-152.pdf">plus productif de 0,8 %</a> : à ce rythme, les salariés de 2019 produiraient près de 3 % de plus aujourd’hui. Autrement dit, puisque la production a été moindre, si la hausse de la <a href="https://theconversation.com/topics/productivite-37011">productivité</a> du travail avait suivi son rythme, il aurait fallu détruire autour de 180 000 <a href="https://theconversation.com/topics/emploi-20395">emplois</a> ; or, 1,13 million ont été créés.</p>
<p>Il y aurait ainsi 1,3 million d’emplois dont l’existence interroge : les travailleurs et travailleuses français seraient-ils donc devenus moins productifs ?</p>
<p><iframe id="HCeJp" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/HCeJp/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>On pourrait évoquer des facteurs comme la perte de sens ou l’émergence du télétravail. Avant d’émettre ces hypothèses néanmoins, d’autres pistes doivent être explorées.</p>
<h2>Non, le salarié n’est pas devenu beaucoup moins productif</h2>
<p>La première consiste à vérifier si la perte de productivité ne serait pas qu’apparente dans la mesure où le salarié, en moyenne, travaillerait moins longtemps. Le taux d’absence au travail, supérieur aujourd’hui à ce qu’il était avant crise (6,5 % contre 3,5 %), constitue un élément d’explication. En effet, même en arrêt de travail, un salarié reste comptabilisé dans l’emploi. Celui-ci ayant besoin d’être remplacé, il y aura mécaniquement plus de personnes comptabilisées pour produire autant. Au niveau macroéconomique, la productivité apparente diminue alors mathématiquement, mais cela ne revient pas à dire que l’individu en place est lui-même moins efficace à la tâche.</p>
<p>Un autre élément à prendre en considération est la forte croissance de l’<a href="https://theconversation.com/topics/apprentissage-21392">apprentissage</a>. De 350 000 avant la crise sanitaire, le nombre d’apprentis s’élève aujourd’hui à 900 000. Cela compte pour une bonne part des 1,13 million d’emplois créés. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/enseignement-superieur-lalternance-est-elle-en-train-de-simposer-comme-le-mode-de-formation-dominant-217143">Enseignement supérieur : l’alternance est-elle en train de s’imposer comme le mode de formation dominant ?</a>
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<p>Or, un salarié apprenti reste moins productif qu’un salarié non-apprenti. À nouveau, ce n’est peut-être pas le salarié en place qui est devenu moins productif mais la moyenne qui est tirée vers le bas en raison de l’arrivée de travailleurs qui ont encore besoin d’apprendre et qui ont généralement une durée du travail moins longue.</p>
<p>Il faut également garder en tête que le coût réel du travail a diminué depuis 2019 : le niveau des rémunérations s’est élevé moins rapidement que l’inflation. Si le travail est moins coûteux pour les entreprises, cela peut expliquer qu’elles aient recruté davantage.</p>
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<p>Enfin, la période récente a été marquée par les nombreuses aides apportées par l’État aux entreprises, avec notamment les prêts garantis par l’État. Elles ont peut-être été telles qu’ont été sauvées des entreprises qui auraient dû faire faillite même sans la crise sanitaire, et avec elles les emplois qu’elles abritent, c’est-à-dire les entreprises et les emplois les moins productifs. Des aides ont pu aussi être versées à des entreprises qui n’avaient pas particulièrement besoin de trésorerie et qui ont utilisé ce surplus pour embaucher.</p>
<p>D’après nos <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/revue/14-180OFCE.pdf">estimations</a>, ces quatre facteurs expliqueraient les deux tiers des créations d’emploi. Deux tiers de la baisse de productivité mesurée n’ont pas vraiment eu lieu donc.</p>
<h2>Quelles conséquences sur les salaires ?</h2>
<p>Quid du tiers restant ? Une analyse par secteur montre que ces quatre facteurs expliquent la totalité des créations d’emplois observées dans les services. En revanche, ils se montrent assez limités pour rendre compte des dynamiques dans les secteurs de l’industrie et de la construction. Le tiers inexpliqué réside ainsi dans ces secteurs.</p>
<p><iframe id="9qt70" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/9qt70/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>On peut ici formuler l’hypothèse que ce sont des phénomènes de rétention de main-d’œuvre qui s’exercent. L’emploi industriel est un emploi plutôt qualifié, et les qualifications requises deviennent des denrées rares. Aussi les entreprises du secteur sont-elles réticentes à licencier, même lorsqu’elles rencontrent des difficultés comme cela a été le cas ces dernières années avec les chocs consécutifs qu’ont été la pandémie et la crise énergétique liée à l’invasion de l’Ukraine : ce serait risquer de ne pas réussir à recruter au moment où l’activité repart à la hausse. Un retour de croissance dans l’industrie se ferait alors sans création d’emplois mais en utilisant à son plein potentiel une main-d’œuvre aujourd’hui comme un peu mise en veille.</p>
<p>Dire que tout ne s’explique pas par des baisses de productivité des salariés n’est pas chose anodine. Si les salariés étaient véritablement moins productifs, il faudrait que les salaires réels baissent d’autant pour que le partage de la valeur ajoutée entre travail et capital reste stable. Et donc que les salaires nominaux (ceux affichés sur la feuille de paie), augmentent bien moins vite que l’inflation. Autrement dit, on pourrait justifier des salaires qui augmentent moins vite que l’inflation par une efficacité au travail individuelle plus faible ; or, les pertes apparentes de productivité semblent majoritairement liées à d’autres éléments.</p>
<h2>Un rattrapage de la productivité attendu</h2>
<p>Ces quatre effets que nous mentionnons ne devraient en toute logique pas durer et la productivité va ainsi repartir à la hausse.</p>
<p>Les prêts garantis par l’État sont petit à petit en train d’être remboursés alors que l’échéance avait plusieurs fois été repoussée jusqu’à septembre 2022. Aujourd’hui, seulement 27 % des 143 milliards empruntés ont été remboursés. Les défaillances, les pertes d’emplois et par la même la productivité moyenne augmentent parallèlement aux remboursements.</p>
<p>L’effet lié à l’apprentissage lui aussi n’est vraisemblablement que transitoire. L’objectif gouvernemental est d’atteindre le million d’apprentis mais il ne semble pas tenable dans la mesure où une génération n’est composée que de 800 000 individus. Aujourd’hui, la hausse du nombre de contrats de ce type concerne plusieurs générations, mais à terme, il ne pourra logiquement pas dépasser le nombre d’individus d’une seule. Pour partie, de surcroît, la dynamique actuelle est liée à une prime exceptionnelle versée aux employeurs qui, comme son nom l’indique, n’est pas pérenne.</p>
<p>Il est plus délicat d’inférer ce qu’il adviendra de la durée du travail. Néanmoins, les dernières données montrent qu’elle se rapproche de son niveau d’avant crise. Les salaires, enfin, commencent aujourd’hui à augmenter légèrement plus vite que les prix.</p>
<h2>Hausse de la productivité, hausse du chômage ?</h2>
<p>Si la productivité est ainsi amenée à rattraper le cours qu’elle avait avant crise, alors sans doute que le <a href="https://theconversation.com/topics/chomage-20137">chômage</a> lui aussi devrait repartir à la hausse. C’est en tout cas l’<a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/pbrief/2023/OFCEpbrief121.pdf#page=16">estimation</a> que fait l’Observatoire français de la conjoncture économique (OFCE). Mesuré à 7,2 % à la fin du deuxième trimestre 2023, le taux de chômage est estimé à 7,4 % pour la fin de l’année et 7,9 % pour la fin 2024.</p>
<p>Deux différences majeures existent ici avec les projections du gouvernement. Les perspectives de croissance en 2024 sont estimées à 1,4 % par ce dernier quand nous les envisageons plutôt à 0,8 %. Surtout, nous estimons, contrairement à Bercy, qu’une partie de la productivité perdue va être rattrapée car les pertes ne sont pas structurelles. Peu de croissance avec des gains de productivité conduit mathématiquement à des destructions d’emplois.</p>
<p><iframe id="wCAq9" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/wCAq9/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Pour anticiper le taux de chômage, il faut de plus formuler des hypothèses sur la population active. Nous avons, dans nos calculs, utilisé les projections de l’Insee, critiquées par la direction générale du Trésor (une croissance moindre de la population active est envisagée par cette dernière). Elles intègrent notamment les premiers effets de la réforme des retraites. Les <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2023-08/RETRAITES23MAJ2928.pdf">modèles de simulation</a> suggèrent que 80 % des actifs supplémentaires seront en emploi et 20 % au chômage. Nous expliquons ici 0,1 point de taux de chômage en plus. La hausse anticipée du chômage est ainsi majoritairement liée aux destructions d’emplois et aux rattrapages en matière de productivité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217123/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Heyer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La baisse observée de la productivité du travail s’explique par d’autres facteurs qu’une efficacité moindre des salariés. Ces causes s’estompant, des destructions d’emplois sont à anticiper.Éric Heyer, Directeur à l'OFCE, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2107322023-08-16T18:38:01Z2023-08-16T18:38:01ZQuand art et sciences économiques s’associaient pour parler au plus grand nombre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/540408/original/file-20230801-15-34adsa.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C22%2C1058%2C653&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le « Survey Graphic », une des premières publications à faire la part belle aux visuels dans l'Entre-deux-guerres (ici un encart publicitaire de novembre 1938)</span> <span class="attribution"><span class="source">Archives.org</span></span></figcaption></figure><p>La <a href="https://theconversation.com/topics/premiere-guerre-mondiale-25897">Première guerre mondiale</a> fut une atroce boucherie et une immense désillusion morale. Les promesses ouvertes par la révolution industrielle et la philosophie positiviste du siècle précédent s’étaient fracassées sur la réalité de la guerre avec un <a href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19890/population_societes_2014_510_guerre.fr.fr.pdf">bilan</a> sans appel : <a href="https://www.sudouest.fr/redaction/le-cercle-sud-ouest-des-idees/le-bilan-humain-de-la-guerre-14-18-20-millions-de-morts-2911746.php">vingt millions de morts</a> toutes nations confondues et autant de blessés graves.</p>
<p>L’armistice signé, l’opinion publique prenait conscience que les progrès de la science, célébrés par les utopies socialistes ou dans les romans d’anticipation de Jules Verne, avaient aussi été à l’origine des <a href="https://www.theoemery.com/book-hellfire-boys/">gaz mortels</a> et des divers outils de destructions massives qui avaient participé à ce massacre. À partir de 1917, de nombreux soulèvements ont lieu, à commencer par la Russie. Dans la vieille Europe comme aux États-Unis, une part significative de la population est séduite par les idées des mouvements populistes : le parti national-socialiste en Allemagne, le Ku Klux Klan aux États-Unis, les fascistes en Italie et divers autres groupes d’extrême droite en France, en Angleterre ou en Autriche. Dans la plupart des pays avancés s’ouvre alors une période de remise en cause profonde des idéaux modernes.</p>
<p>La <a href="https://theconversation.com/topics/science-economique-33724">science économique</a> n’a pas été épargnée par ce climat de défiance. Confrontée à la planification des activités économiques qui a permis la victoire de l’Entente, la théorie du marché parfait des économistes mathématiciens apparaît désormais comme une utopie un peu vaine. Comme nous l’avons montré dans un <a href="https://hal.science/hal-00870490/document">article</a> publié dans une <a href="https://read.dukeupress.edu/hope/article-abstract/45/4/567/12541/Economics-for-the-Masses-The-Visual-Display-of">revue historique américaine</a>, de nombreuses critiques voient le jour dans les années 1920 contre la spécialisation grandissante de la discipline et son isolement par rapport à une population traumatisée par le conflit mondial et la Révolution russe.</p>
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<p>Des ingénieurs, des sociologues et des économistes, inquiets de cette déconnexion croissante entre la population et les théories sociales et économiques, pensent alors qu’il est nécessaire de créer des outils et des méthodes pour unifier les sciences sociales et développer un véritable dialogue avec le peuple. Une autre éducation économique était nécessaire. Ils imaginent notamment de nouveaux <a href="https://theconversation.com/topics/data-visualisation-37427">visuels</a> comme moyen de répondre à ce défi.</p>
<h2>Photographie et statistique sociale aux États-Unis</h2>
<p>Outre-Atlantique, ce sont les associations de travailleurs sociaux qui sont les plus ouvertes à cette nouvelle approche. Leur principal média, le <a href="https://archive.org/search?query=survey+associates"><em>Survey</em></a>, propose, en particulier dans son supplément graphique, une large sélection de représentations visuelles des faits économiques et sociaux : photographies, diagrammes mais aussi <a href="http://www.info-ren.org/projects/btul/exhibit/stell31.html">tableaux</a>, <a href="https://winoldreiss.org/works/artwork/graphic/SurveyGraphic.htm">portraits</a> et autres <a href="https://library.osu.edu/site/vanloon/illustrator/">formes</a> d’<a href="https://twitter.com/dorothyjberry/status/1353458000904773632?l">illustrations</a>. Sur le plan universitaire, c’est un manuel d’introduction généraliste, <a href="https://archive.org/details/americaneconomic0000rexf/page/n5/mode/2up"><em>American Economic life</em></a>, rédigé par Rexford Tugwell – un proche du futur Président Franklin Roosevelt – et son assistant Roy Stryker, qui popularise cette pratique pédagogique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/540143/original/file-20230731-179364-g5nfj3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/540143/original/file-20230731-179364-g5nfj3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/540143/original/file-20230731-179364-g5nfj3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=860&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/540143/original/file-20230731-179364-g5nfj3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=860&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/540143/original/file-20230731-179364-g5nfj3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=860&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/540143/original/file-20230731-179364-g5nfj3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1081&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/540143/original/file-20230731-179364-g5nfj3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1081&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/540143/original/file-20230731-179364-g5nfj3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1081&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Photographie de mécanicien, par Lewis Hine.</span>
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<p>Ces publications font la part belle aux photographies de <a href="https://www.cairn.info/revue-la-cause-du-desir-2018-2-page-211.htm">Lewis Hine</a>. Après des études de sociologie, ce dernier devient professeur à New York au début du XX<sup>e</sup> siècle. C’est pour des raisons pédagogiques qu’il commence à photographier de manière systématique les migrants européens arrivant à Ellis Island, porte d’entrée des États-Unis située à l’embouchure du fleuve Hudson. Bientôt convaincu de la capacité de la photographie à sensibiliser et faire comprendre les problèmes sociaux et économiques, non seulement aux décideurs, mais aussi au plus grand nombre, Hine décide d’abandonner l’enseignement et de se consacrer à plein temps à son activité de <a href="https://www.jstor.org/stable/2712885">« photographe social »</a>. Impliqué dans des enquêtes d’envergure à Pittsburgh puis à New York, il se mit à produire régulièrement des « portraits du travail » dont l’objet était d’offrir une vision positive et émancipatrice des salariés anonymes de l’industrie, comme ce célèbre portrait de mécanicien.</p>
<p>La photographie n’est cependant pas le seul type de support visuel utilisé. On trouve également des dessins, des schémas, des représentations statistiques, parfois illustrées pour leur donner une forme plus agréable pour le lecteur. Les auteurs du manuel <em>American economic life</em> et du magazine <em>The Survey</em> s’inspirent notamment de l’<a href="https://archive.org/details/graphicmethodsfo00brinrich">ouvrage</a> publié en 1914 par l’ingénieur Willard C. Brinton consacré aux méthodes graphiques de présentation des faits sociaux. Ce dernier y explique en introduction qu’il a écrit un ouvrage destiné « à l’homme d’affaire, au travailleur social et au législateur ». Il a, pour cela, cherché à éviter tout symbole mathématique au profit d’une présentation purement graphique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/540144/original/file-20230731-19-3cyqz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/540144/original/file-20230731-19-3cyqz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/540144/original/file-20230731-19-3cyqz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/540144/original/file-20230731-19-3cyqz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/540144/original/file-20230731-19-3cyqz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/540144/original/file-20230731-19-3cyqz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/540144/original/file-20230731-19-3cyqz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/540144/original/file-20230731-19-3cyqz0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=429&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Comparaison des régimes alimentaires des citoyens américains et allemands.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Extrait du manuel American Economic Life</span></span>
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</figure>
<p>On y trouve ainsi de nombreux outils visuels devenus très courants, mais tout à fait nouveaux pour l’époque comme ce « camembert » comparant la composition des régimes alimentaires des citoyens américains et allemands.</p>
<h2>La recherche d’une clarté maximale</h2>
<p>En Europe aussi, nombreux sont ceux qui ne sont pas satisfaits par l’économie « classique » et s’intéressent aux méthodes visuelles pour éduquer et émanciper les classes populaires. Le <a href="https://journals.openedition.org/nrt/3412?lang=en">photographe allemand August Sander</a> s’engage, par exemple, dans un projet assez similaire à celui de Lewis Hine. Il veut rendre compte de manière visuelle des différents groupes sociaux, qu’ils soient visibles comme celui des artistes modernistes qu’il côtoyait, ou modestes comme celui des paysans qu’il allait rencontrer à la campagne. Ses œuvres participent du mouvement artistique et intellectuel dit de « La nouvelle objectivité », qui fut récemment l’objet d’une <a href="https://www.centrepompidou.fr/fr/programme/agenda/evenement/dEOe6u0">exposition au Centre Pompidou</a>.</p>
<p>Parallèlement aux photographies de Sander, l’historien, économiste, philosophe des sciences et directeur du Musée de l’économie et de la société de Vienne, Otto Neurath, met au point une méthode scientifique de visualisation simplifiée des statistiques économiques et sociales. Elle est appelée « Méthode viennoise », puis « Isotype ». Neurath était par ailleurs membre du célèbre Cercle de Vienne qui développait une pensée empiriste et logique, et coauteur de son influent <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Manifeste_du_Cercle_de_Vienne">manifeste</a>. Ses principes pédagogiques reposaient sur les expériences scientifiques des psychologues viennois de son époque.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/540145/original/file-20230731-241351-l3qp76.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/540145/original/file-20230731-241351-l3qp76.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/540145/original/file-20230731-241351-l3qp76.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=850&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/540145/original/file-20230731-241351-l3qp76.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=850&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/540145/original/file-20230731-241351-l3qp76.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=850&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/540145/original/file-20230731-241351-l3qp76.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1068&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/540145/original/file-20230731-241351-l3qp76.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1068&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/540145/original/file-20230731-241351-l3qp76.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1068&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Exemple typique d’isotype créé par l’équipe d’Otto Neurath au Musée de Vienne.</span>
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</figure>
<p>Otto Neurath, avec sa future épouse Marie Reidemeister, a imaginé sa méthode au croisement de ses conceptions <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-otto_neurath_un_philosophe_entre_science_et_guerre_antonia_soulez-9782738456298-10964.html">philosophiques</a> et <a href="http://www.editionsdelasorbonne.fr/fr/livre/?GCOI=28405100397310">politiques</a> sur le langage et le rôle du savoir dans la société, et des recherches visuelles initiées par les artistes du groupe des <a href="https://books.openedition.org/pupo/2002?lang=fr">« Progressifs de Cologne »</a>, tels que <a href="https://libcom.org/article/gerd-arntz-illustrations">Gerd Arntz</a> et <a href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/94/Franz_Wilhelm_Seiwert_-_Fabriken_-_1926.jpeg">Franz Whilem Seiwert</a>. Comme le montre cette représentation du nombre de travailleurs dans l’industrie sidérurgique, l’isotype repose sur un principe de clarté maximale qui exige la simplification des objets représentés, mais aussi la conversion des unités statistiques en icônes. Le tableau statistique était alors reconstruit sous la forme d’une histoire visuelle, compréhensible même pour ceux qui n’avaient pas eu la chance de bénéficier d’une éducation classique avancée. La standardisation des pictogrammes et des codes couleur utilisés, conçue avec son principal collaborateur visuel, Gerd Arntz, renforçait cette lisibilité en permettant un apprentissage visuel des classes populaires.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/540148/original/file-20230731-6515-n4xciy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/540148/original/file-20230731-6515-n4xciy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/540148/original/file-20230731-6515-n4xciy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=834&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/540148/original/file-20230731-6515-n4xciy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=834&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/540148/original/file-20230731-6515-n4xciy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=834&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/540148/original/file-20230731-6515-n4xciy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1048&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/540148/original/file-20230731-6515-n4xciy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1048&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/540148/original/file-20230731-6515-n4xciy.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1048&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une du Survey Graphic, numéro de Mars 1932.</span>
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<p>Activiste socialiste et promoteur de l’universalisme sur les plans politique et culturel, Neurath profite de toutes les occasions pour internationaliser sa méthode, ouvrant des succursales en Allemagne, en Angleterre et en Union soviétique au début des années 1930. Il noue aussi de nombreux contacts aux États-Unis, à New York et Chicago, et arrive à convaincre les éditeurs du <em>Survey</em> de publier son travail.</p>
<h2>De l’engouement à l’échec</h2>
<p>Des statistiques visuelles « à la Neurath » se répandent alors rapidement dans des journaux et magazines américains. L’administration Roosevelt joue un rôle essentiel en initiant un vaste programme de communication politique qui vise à montrer l’état du pays, en particulier des zones rurales ravagées par des années de crise économique et les épisodes climatiques, mais aussi à promouvoir les politiques du <em>New Deal</em>. La plus célèbre de ces initiatives est sans doute le recueil de <a href="https://www.loc.gov/rr/program/journey/fsa.html">photographies de la Farm Security Administration</a>, coordonné par Roy Stryker, qui encore aujourd’hui oriente largement notre vision de cette époque, notamment à travers les clichés de Dorothea Lange ou <a href="https://www.loc.gov/pictures/collection/coll/item/2003656560/">Walker Evans</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/540150/original/file-20230731-235615-ur66wm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/540150/original/file-20230731-235615-ur66wm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/540150/original/file-20230731-235615-ur66wm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=748&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/540150/original/file-20230731-235615-ur66wm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=748&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/540150/original/file-20230731-235615-ur66wm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=748&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/540150/original/file-20230731-235615-ur66wm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=940&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/540150/original/file-20230731-235615-ur66wm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=940&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/540150/original/file-20230731-235615-ur66wm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=940&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Migrant mother, par Dorothea Lange, une des photographies les plus connues du programme de la Farm Security Administration.</span>
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<p>À côté de ces photographies qui s’apparentent au projet initié par Lewis Hine, l’administration Roosevelt multiplie les représentations visuelles dans ses documents officiels pour illustrer et justifier ses politiques. Ces figures ne se contentent plus de représenter des données, mais parfois aussi des processus économiques ou des concepts théoriques comme le multiplicateur keynésien, lequel sera largement diffusé dans les <a href="https://read.dukeupress.edu/hope/article/46/suppl_1/134/38740/Negotiating-the-Middle-of-the-Road-Position-Paul">manuels d’économie d’après-guerre</a>.</p>
<p>Bien qu’ils soient utilisés de manière massive dans les principaux magazines d’information créés dans années 1920 et 1930 (<em>Time magazine</em>, <em>Newsweek</em> et <em>Fortune</em>), ces objets visuels furent néanmoins très rapidement discrédités sur le plan scientifique. Plusieurs scandales éclatèrent à propos d’images « arrangées » par les photographes du groupe Stryker, remettant en cause leur neutralité comme source d’information à la fois pour le public, mais aussi pour les chercheurs en sciences sociales. Les statistiques visuelles sont également sévèrement critiquées pour leur manque de précision et leur caractère trop publicitaire. Aussi, malgré la publication de quelques ouvrages remarquables comme <a href="https://dorothealange.museumca.org/section/an-american-exodus-a-new-kind-of-book/"><em>Un exode américain</em></a>, co-écrit par l’économiste Paul Douglas et Dorothea Lange, ce mouvement de visualisation a rapidement quitté la sphère des sciences sociales pour intégrer celle de la communication, du journalisme et la publicité.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/540152/original/file-20230731-160144-yt9g05.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/540152/original/file-20230731-160144-yt9g05.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/540152/original/file-20230731-160144-yt9g05.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=781&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/540152/original/file-20230731-160144-yt9g05.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=781&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/540152/original/file-20230731-160144-yt9g05.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=781&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/540152/original/file-20230731-160144-yt9g05.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=981&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/540152/original/file-20230731-160144-yt9g05.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=981&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/540152/original/file-20230731-160144-yt9g05.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=981&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le multiplicateur keynésien, vu par l’administration Roosevelt.</span>
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</figure>
<p>Cet échec met en perspective l’écart très souvent dénoncé entre les experts de l’économie et la population sur des sujets essentiels tels que l’<a href="https://laviedesidees.fr/Derriere-les-chiffres-de-l-inflation">inflation</a> ou la <a href="https://laviedesidees.fr/La-dette-cet-artefact">dette publique</a>. À se complexifier, la science crée simultanément une difficulté, voire une incapacité, à se rendre compréhensible par le plus grand nombre. Le mouvement <a href="https://www.cairn.info/revue-education-et-societes-2015-1-page-103.htm">« autisme-économie »</a> prônait par exemple, au début des années 2000, une réforme de l’enseignement de l’économie qui ne décrivait, selon ses membres, que des « mondes imaginaires ». L’histoire nous apprend que le dilemme entre la volonté de scientificité et la nécessité de se faire comprendre par les citoyens est ancien et qu’il n’existe pas, à ce jour, de solution complètement satisfaisante pour y répondre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210732/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Loïc Charles a reçu des financements de l'Université de Paris 8, de l'Ined et de l'ANR. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Yann Giraud a reçu des financements de CY Cergy Paris Université.</span></em></p>Les économistes, déconnectés du monde réel ? Dans les années 1920 et 1930, ils faisaient appel à la photographie et d’autres outils visuels pour parler de l’économie.Loïc Charles, Professeur d'histoire de l'économie, Institut National d'Études Démographiques (INED)Yann Giraud, Professeur en histoire des savoirs économiques, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2109142023-08-13T13:07:41Z2023-08-13T13:07:41ZEt si vous profitiez de l’été pour réfléchir au sens de votre travail ?<p><em>Démissions en chaîne, refus des</em> bullshit jobs, <em>méfiance vis-à-vis des grandes entreprises, préférence pour le télétravail, réhabilitation des activités manuelles, réorientations en milieu de carrière : les questionnements sur le <a href="https://theconversation.com/topics/quete-de-sens-77720">sens</a> du <a href="https://theconversation.com/topics/travail-20134">travail</a> n’ont jamais été aussi nombreux. Ils font l’objet d’un <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/quand-le-travail-perd-son-sens">document d’études de la Dares</a>, ainsi que d’un essai intitulé</em> <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/redonner-du-sens-au-travail-thomas-coutrot/9782021503234">Redonner du sens au travail : une aspiration révolutionnaire</a>, <em>publié aux éditions du Seuil par Thomas Coutrot et Coralie Perez et dont nous vous proposons les <a href="https://theconversation.com/topics/bonnes-feuilles-77244">bonnes feuilles</a>.</em></p>
<hr>
<p>De nombreux aspects de la vie professionnelle peuvent contribuer à […] donner du sens [au travail] : un salaire suffisant pour vivre décemment, des perspectives de carrière, des liens sociaux et amicaux, de la reconnaissance, une harmonie entre temps professionnel et familial.</p>
<p>Les caissier·ères de la grande distribution, étudiées par la [sociologue et chercheuse associée à Harvard] Isabelle Ferreras, valorisent leur activité professionnelle en grande partie <a href="https://www.cairn.info/critique-politique-du-travail--9782724610123.htm">pour les liens sociaux</a> qu’elle leur permet de nouer en dehors de la sphère familiale. Les surveillant·e·s de prison ou les policier·ères « tiennent » <a href="https://journals.openedition.org/pistes/3077?lang=en">grâce à la reconnaissance et au soutien de leurs collègues</a>, bien qu’ils se sentent souvent « haïs par les détenus, méprisés par l’administration, mal aimés et peu considérés par l’opinion publique ».</p>
<p>Toutefois, si le salaire, la carrière, la convivialité ou la conciliation donnent du sens à quelque chose, ce n’est pas au travail, mais à l’emploi. L’emploi, c’est l’institution qui encadre l’exercice du travail, pas le travail lui‑même. Parler de « sens du travail » pour tous les aspects positifs attachés à l’occupation d’un emploi en ferait un concept attrape‑tout manquant d’intérêt.</p>
<p>Surtout, on passerait à côté de ce qui fait la spécificité du travail : une activité par laquelle la personne engage son corps et son esprit dans l’acte de produire, en mobilisant son savoir‑faire, sa dextérité, son intelligence, sa créativité, etc.</p>
<h2>« Jugement de beauté »</h2>
<p>Dans ce cadre, qu’est‑ce qui peut donner du sens à mon travail ?[…] On peut […] utilement distinguer [selon le psychiatre Christophe Dejours], <a href="https://www.multitudes.net/Cooperation-et-construction-de-l/">trois dimensions du sens du travail</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Le sens par rapport à une finalité à atteindre dans le monde objectif ; le sens de ces activités par rapport à des valeurs dans le monde social ; le sens, enfin, par rapport à l’accomplissement de soi dans le monde subjectif ».</p>
</blockquote>
<p>Reprenons ces trois dimensions l’une après l’autre. La personne au travail ressent un « jugement d’utilité » quand elle voit que le produit concret de son travail permet de satisfaire les besoins de ses destinataires. Ce sentiment d’utilité sociale ne se confond pas avec la reconnaissance. Ainsi, beaucoup de salariés qu’on a pu qualifier d’« invisibles » (comme les assistantes maternelles, coiffeurs, aides à domicile, personnels de nettoyage) estiment faire un travail utile, tout en souffrant d’une faible reconnaissance symbolique et salariale.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/540796/original/file-20230802-17-78fvm6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/540796/original/file-20230802-17-78fvm6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/540796/original/file-20230802-17-78fvm6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=880&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/540796/original/file-20230802-17-78fvm6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=880&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/540796/original/file-20230802-17-78fvm6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=880&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/540796/original/file-20230802-17-78fvm6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1106&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/540796/original/file-20230802-17-78fvm6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1106&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/540796/original/file-20230802-17-78fvm6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1106&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le sentiment d’utilité ne suffit pas : il doit être complété par la fierté du travail bien fait, la reconnaissance de la qualité du travail, le « jugement de beauté » porté par les collègues ou les supérieurs, qui connaissent le métier. Nous parlerons alors de « cohérence éthique ». Cette cohérence n’est jamais assurée à l’avance : de façon très générale, dans le rapport de subordination salariale, « les mobiles du salarié et le but de la tâche qui lui est assignée ne correspondent pas » [selon le l’enseignant-chercheur en médecine de santé et travail Philippe Davezies], les salarié·e·s ont une conception de ce qu’est un « travail bien fait » <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/le_travail_a_coeur-9782707164834">qui ne correspond jamais complètement</a> aux critères de qualité du travail définis par les managers.</p>
<p>Enfin, le travail doit transformer positivement la personne elle-même. Chaque épreuve rencontrée peut être l’occasion d’apprendre des choses nouvelles, de mettre en œuvre ses compétences et d’accroître son expérience. À condition que l’organisation du travaille permette, le déploiement du travail vivant est un facteur d’épanouissement.</p>
<h2>Bien plus qu’une question de rémunération</h2>
<p>Il y a deux manières de mesurer statistiquement le sens du travail. La première consiste à demander aux personnes si elles trouvent du sens à leur travail. En général, de 80 % à 90 % des gens répondent « oui » : la question est vague et il y a bien des raisons de trouver du sens à son travail, à commencer par la rémunération.</p>
<p>La deuxième façon s’appuie sur une théorie des raisons qui font qu’un travail peut avoir du sens. Selon notre cadre d’analyse, c’est se sentir utile aux autres, respecter ses valeurs éthiques et professionnelles, et développer ses capacités : telles seront donc les trois dimensions du sens du travail que nous allons analyser sur le plan statistique en mobilisant les <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/enquete-source/conditions-de-travail-2019">enquêtes Conditions de travail</a> de 2013 et 2016.</p>
<p>Le sentiment d’utilité sociale est décrit grâce à deux questions : « je fais quelque chose d’utile aux autres » et « Je suis fier(ère) de travailler dans cette entreprise (ou organisation) ». On peut supposer que la fierté revendiquée par les salariés repose sur la réputation dont bénéficie leur entreprise eu égard à la qualité de ses produits ou services.</p>
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<p>La cohérence éthique est appréhendée par trois questions : l’une en positif, « j’éprouve le sentiment du travail bien fait » ; deux en négatif, « je dois faire des choses que je désapprouve » et « je dois faire trop vite une opération qui demanderait davantage de soin ».</p>
<p>Quatre questions permettent d’évaluer la capacité de développement. Les deux premières portent directement sur ce sujet : « dans mon travail, j’ai l’occasion de développer mes compétences professionnelles » et « Je peux organiser mon travail de la manière qui me convient le mieux ». Les deux autres concernent le fait de (ne pas) « ressentir de l’ennui dans mon travail » et « la possibilité de faire des choses qui me plaisent ». […]</p>
<p>Globalement […], seule une minorité coche toutes les cases du sens : 1 % donnent la note maximale (« toujours ») et 32 % une note positive (« toujours » ou « souvent ») pour chacune des neuf questions évoquées. C’est ce que montre la figure ci‑dessous.</p>
<p><iframe id="FSsOa" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/FSsOa/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Si l’on attribue des notes allant de 0 pour une réponse très négative à 3 pour une réponse très positive, on peut construire trois sous‑scores en additionnant les notes de chaque question (2 pour l’utilité sociale, 3 pour la cohérence éthique et 4 pour la capacité de développement). Le score global de sens du travail s’obtient en additionnant les trois sous‑scores.</p>
<p>Par leurs variations, ces scores font apparaître des situations contrastées selon les caractéristiques des personnes et de leur environnement professionnel.</p>
<h2>Le palmarès du sens</h2>
<p>Ainsi, les ouvrier·ères de l’industrie (particulièrement des industries de process, de la mécanique et de la manutention) ainsi que les employé·e·s du commerce et de la vente, trouvent particulièrement peu de sens à leur travail en 2016 ; c’est aussi le cas des employé·e·s de la banque et des assurances, et des agent·e·s de gardiennage et de sécurité (figure 2). Autant de professions relativement peu qualifiées.</p>
<p><iframe id="OEjWZ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/OEjWZ/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le sens du travail serait‑il l’apanage du haut de la hiérarchie sociale ? En fait, c’est plus compliqué : les professions ayant les plus hauts scores de sens du travail sont les assistantes maternelles et, plus généralement, des professions du <a href="https://theconversation.com/manager-par-le-car%E2%80%A6"><em>care</em></a> (aides à domicile, agent·e·s d’entretien, médecins), auxquelles on peut adjoindre les enseignant·e·s, les formateur·trices et les professionnel·le·s de l’action sociale et de l’orientation.</p>
<p><iframe id="LsFx1" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/LsFx1/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ainsi, les professions qui trouvent le plus de sens à leur travail présentent souvent la particularité, quel que soit le niveau de qualification, de placer leurs occupant·e·s en relation avec le public ou les client·e·s.</p>
<p>Cela est confirmé par une analyse écono‑ métrique permettant de raisonner « toutes choses égales par ailleurs » : le fait de travailler en contact avec le public accroît le sens du travail, en renforçant à la fois le sentiment d’utilité sociale et la capacité de développement, même si, en moyenne, cela favorise aussi les conflits éthiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210914/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Découvrez un extrait de l’essai « Redonner du sens au travail » (Éditions du Seuil) qui peut vous guider dans votre réflexion.Coralie Perez, Economiste, Ingénieure de recherche au Centre d'économie de la Sorbonne, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneThomas Coutrot, Chercheur associé à l’Ires (Institut de recherches économiques et sociales)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2042262023-05-01T17:14:40Z2023-05-01T17:14:40ZUne économie de guerre sera-t-elle nécessaire pour respecter l’Accord de Paris sur le climat ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/522173/original/file-20230420-1738-jeeu7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1995%2C1315&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quels impacts macroéconomiques peut-on anticiper dans la mise en œuvre des objectifs de l’accord de Paris&nbsp;?
</span> <span class="attribution"><span class="source">COP Paris / Flickr</span></span></figcaption></figure><p>Voilà maintenant 3 ans que la pandémie liée au coronavirus est venue bouleverser le monde. Depuis, nous avons connu en Occident des conditions macroéconomiques qui n’avaient plus été observées en plusieurs décennies. La reprise économique post-Covid et la désorganisation des chaînes de valeur ont engendré un déséquilibre entre offre et demande et une <a href="https://theconversation.com/topics/inflation-28219">inflation</a> importante. À cela se sont ajoutées les conséquences de la guerre en Ukraine et l’augmentation des prix de l’énergie et de l’alimentation. À ainsi été atteint un <a href="https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/le-taux-d-inflation-en-europe/">taux d’inflation jamais vu en zone euro</a> depuis la création de la monnaie unique. En parallèle, de nombreux pays, à la tête desquels les États-Unis et le Royaume-Uni, ont connu une <a href="https://www.theguardian.com/business/2022/dec/04/why-are-so-many-people-leaving-the-workforce-amid-a-uk-cost-of-living-crisis">pénurie de travailleurs</a>, et on observe dans de nombreux pays européens une <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/christian-chavagneux/totalenergies-maillon-faible/00104762">réémergence du conflit social</a> lié à la répartition des richesses entre travail et capital.</p>
<p>Et la <a href="https://theconversation.com/topics/transition-energetique-23303">transition énergétique</a> dans tout cela ? Et si au lieu de contribuer à apaiser ces tensions, celle-ci venait rajouter de l’huile sur le feu et renforçait les différentes dynamiques inflationnistes ? C’est ce qu’a étudié en détail notre collectif d’ingénieurs et d’économistes de l’UCLouvain, de l’Agence française de développement, du <em>Shift Project</em>, de l’Université Grenoble Alpes et de l’Inria. Dans un <a href="https://authors.elsevier.com/sd/article/S0921-8009(23)00095-2">article</a> récemment publié dans la revue <em>Ecological Economics</em>, nous tentons de répondre à la question suivante : « quelles dynamiques macroéconomiques seraient engendrées par une transition énergétique mondiale rapide, compatible avec l’accord de Paris ? »</p>
<p>Alors que nombre d’économistes abordent cette question en parlant d’un « capital brun » qu’il faudrait remplacer par du « capital vert », notions relativement abstraites, nous avons pris soin de fonder notre modèle sur les caractéristiques techniques des énergies <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0306261919316551?via%3Dihub">solaire</a> et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0306261917313673">éolienne</a> au niveau mondial pour déterminer de manière précise leur potentiel global.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Ces deux types d’énergie seront vraisemblablement <a href="https://www.mdpi.com/1996-1073/13/21/5543">largement majoritaires</a> à l’avenir, quel que soit le mix énergétique décarboné envisagé. Le modèle que nous avons développé, baptisé Temple, représente de manière unifiée les interactions entre système énergétique, économie réelle et sphère financière. La nouveauté réside notamment dans l’utilisation de projections détaillées de l’évolution de différentes caractéristiques du système énergie-économie au cours de la transition. Sont ainsi incluses l’évolution des besoins en capital du secteur énergétique, fondée sur des calculs de Taux de Retour Énergétique (abrégé <a href="https://reporterre.net/La-dure-loi-de-l-Eroi-l-energie-va-devenir-plus-rare-et-plus-chere">EROI</a> en anglais), l’évolution de l’intensité énergétique des différents secteurs économiques et les changements démographiques globaux.</p>
<p>Temple permet donc de modéliser une économie mondiale qui, tout en continuant à croître, réaliserait une transition énergétique à marche forcée jusqu’à 2050. Il nous amène à six conclusions essentielles.</p>
<h2>Des besoins, de la croissance mais un effet d’éviction</h2>
<ul>
<li><p>La transition énergétique implique une multiplication par 10 des <strong>besoins en capitaux</strong> du secteur énergétique. Autrement dit, répondre à une demande énergétique mondiale donnée à l’aide de panneaux solaires et d’éoliennes, en prenant en compte les moyens de stockage d’énergie et le renforcement des réseaux associés, demande 10 fois plus de machines et d’équipement que leur équivalent en puits de pétrole, gaz, mines de charbon, centrales thermiques et réseaux actuels.</p></li>
<li><p>Du fait des investissements massifs dans le secteur énergétique, la transition induit un <strong>rebond de croissance économique</strong>.</p></li>
</ul>
<p><iframe id="ezlAX" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ezlAX/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<ul>
<li>Contrairement à l’intuition keynésienne, les contraintes d’offre s’avèrent déterminantes dans la transition. Ce n’est pas la disponibilité physique en énergie renouvelable qui fait défaut, mais plutôt la capacité productive de l’économie. En d’autres termes, la demande en investissements dans le secteur énergétique est telle que l’appareil productif ne peut pas répondre à la fois à cette nouvelle demande et à la demande en biens de consommation des ménages. Un phénomène de <strong><em>crowding-out</em> de la production industrielle</strong> apparaît dès le début de la transition (en français, on parle d’effet d’éviction). Notons que Temple modélise aussi bien la sphère réelle que financière de l’économie : la contrainte soulignée ci-dessus concerne bien l’économie réelle, la transition ne semblant pas rencontrer d’obstacle majeur d’un point de vue financier.</li>
</ul>
<h2>Épargne, pénurie de travailleurs et inflation</h2>
<ul>
<li>Selon notre modèle, le <strong>taux d’investissement</strong> de l’économie mondiale (c’est-à-dire la fraction du PIB non dédiée à la consommation des ménages et du gouvernement) devrait augmenter de 26 % aujourd’hui à plus de 40 % au pic de la transition.</li>
</ul>
<p><iframe id="1K0Vo" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/1K0Vo/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Une telle situation n’a plus été observée dans un pays occidental depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale aux États-Unis. C’est dire que les simulations du modèle correspondent à une économie de guerre où la production de tanks, obus et bombardiers serait remplacée par celle de panneaux solaires, éoliennes et réseaux électriques. Tout comme pendant la Seconde Guerre mondiale, les ménages seraient forcés d’épargner une partie significative de leur revenu, afin de contribuer au financement de ces investissements.</p>
<ul>
<li>Le dynamisme économique provoqué par la transition ne vient pas seulement saturer le capital productif, il cause aussi d’importantes <strong>tensions sur le marché du travail</strong>. Dans le scénario principal étudié avec Temple, le taux d’emploi augmente ainsi de 20 % entre aujourd’hui et 2050.</li>
</ul>
<p><iframe id="3Gh25" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/3Gh25/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Comme <a href="https://jwmason.org/slackwire/climate-policy-from-a-keynesian-perspective/">envisagé par J. W. Mason</a>, professeur d’économie au John Jay College de New York, cela induit une pénurie de travailleurs et augmente par-là considérablement leur pouvoir de négociation salariale. Un effet indirect d’une telle transition serait de faire ré-augmenter la part des salaires dans le PIB, de l’ordre de 10 points, alors que celle-ci <a href="https://academic.oup.com/cje/article-abstract/40/6/1517/2875714?redirectedFrom=fulltext">n’a cessé de diminuer depuis 40 ans</a> dans l’ensemble des économies occidentales.</p>
<ul>
<li>Enfin, la démultiplication des coûts en capitaux des entreprises énergétiques, le déséquilibre persistant entre demande en capital et biens de consommation d’une part, et production industrielle de l’autre, ainsi que l’augmentation des salaires, rendent la transition énergétique <strong>fortement inflationniste</strong>. Dans le scénario étudié avec Temple, on observe une inflation soutenue de 10 % en moyenne pour l’économie mondiale.</li>
</ul>
<p><iframe id="Mrld4" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Mrld4/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Un tel niveau d’inflation est similaire à ce qu’ont connu les pays de l’Union européenne dans les mois qui ont suivi l’invasion russe de l’Ukraine.</p>
<h2>Une nécessaire restructuration de l’économie en profondeur</h2>
<p>Bien sûr, un tel scénario de transition énergétique a peu de chances de se matérialiser en pratique, tant il implique de sacrifices. Les résultats présentés ci-dessus tranchent avec ce qui peut être observé aujourd’hui dans certains pays européens à la pointe de la transition énergétique tels que le Danemark, où celle-ci semble se dérouler comme un processus relativement fluide. Ces quelques pays ne sont cependant, dans l’absolu, encore qu’au début de la décarbonisation de leur système énergétique. De plus, les panneaux solaires et les éoliennes qui y sont installés sont principalement manufacturés dans d’autres pays, qui eux reposent sur un mix énergétique fossile : les contraintes de capacité productive sont donc invisibilisées.</p>
<p>Grâce à la combinaison des points de vue d’ingénieurs et d’économistes sur la transition, les simulations réalisées avec Temple permettent ainsi de mettre en lumière les fortes perturbations économiques qui seraient engendrées par une transition énergétique ambitieuse. Nous n’en concluons pas pour autant qu’un système énergétique 100 % renouvelable soit inatteignable. En effet, le scénario proposé ci-dessus peut être nuancé de diverses manières, notamment en questionnant la croissance de l’économie mondiale.</p>
<p>Notre but est plutôt de souligner la restructuration profonde de l’économie qu’implique une transition vers un système énergétique décarboné. Une telle transition est fortement inflationniste et fait réémerger au premier plan la question de la répartition de la richesse entre capital et travail. Elle requiert l’adoption de nouvelles formes de gouvernance écologique, à la fois pour gérer cette conflictualité sociale et pour assurer une bonne allocation du capital productif vers les secteurs clés de la transition.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204226/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Louis Delannoy a reçu des financements de l'INRIA Grenoble. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Baptiste Andrieu est financé par le think tank The Shift Project. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Hervé Jeanmart a reçu des financements de l'UCLouvain pour travailler sur cette thématique. Il a également reçu le prix Bauchau permettant de financer la suite des travaux. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Le doctorat de Pierre Jacques est financé par Hervé Jeanmart grâce au prix Bauchau. Pierre Jacques est par ailleurs membre du think tank l'Institut Rousseau.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Antoine Godin et Sakir Devrim Yilmaz ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Besoin en investissement, en travailleurs, conséquences sur la croissance et l’inflation : une équipe pluridisciplinaire a modélisé les conséquences sur l’économie réelle de la transition énergétique.Louis Delannoy, Doctorant en mathématiques appliquées, InriaAntoine Godin, Économiste-modélisateur, Agence française de développement (AFD)Baptiste Andrieu, Doctorant en sciences de la terre et de l'environnement, Université Grenoble Alpes (UGA)Hervé Jeanmart, Professor, Université catholique de Louvain (UCLouvain)Pierre Jacques, PhD Student & Researcher in Ecological Economics, Université catholique de Louvain (UCLouvain)Sakir Devrim Yilmaz, Modélisateur macroeconomique, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1995452023-02-20T17:16:46Z2023-02-20T17:16:46ZDans les pays développés, des inégalités moindres mais plus localisées<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/508953/original/file-20230208-25-332kit.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1107%2C0%2C2874%2C1634&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Et si les mouvements contestataires, comme ici les « gilets jaunes » à Belfort, avaient plus à voir avec une logique de polarisation que d'inégalités entre régions ?</span> <span class="attribution"><span class="source">Thomas Bresson/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La construction et l’exploration d’ensembles de <a href="https://data.europa.eu/elearning/fr/module1/#/id/co-01">données de plus en plus vastes</a> qui couvrent désormais presque tous les pays du monde ont permis d’améliorer de manière significative la compréhension des inégalités. Des institutions telles que le <a href="https://www.imf.org/en/Publications/fandd/issues/2022/03/Global-inequalities-Stanley">Fonds monétaire international</a> ou encore l’<a href="https://www.oecd.org/social/inequality-and-poverty.htm">OCDE</a> produisent des rapports toujours plus complets sur la répartition des richesses dans le monde.</p>
<p>Ces études abordent très souvent les disparités <a href="https://wir2022.wid.world/www-site/uploads/2021/12/Summary_WorldInequalityReport2022_French.pdf">entre individus</a> ou entre États. Elles restent peut-être moins fréquentes à s’intéresser à l’<a href="https://theconversation.com/les-inegalites-de-developpement-economique-dans-lunion-europeenne-76637">échelon régional</a>. Or, c’est à ce niveau de focale que transparaît souvent la montée des populismes et de mouvements contestataires tels que les <a href="https://theconversation.com/les-gilets-jaunes-quest-ce-que-cest-108213">« gilets jaunes »</a> en France, le trumpisme aux États-Unis ou <a href="https://theconversation.com/en-espagne-podemos-se-prepare-a-lapres-pablo-iglesias-163598">Podemos</a> en Espagne, en particulier dans les <a href="https://theconversation.com/les-territoires-oublies-de-lelection-presidentielle-174817">« territoires oubliés »</a>. Dans ces derniers, on observe un déclin de l’offre de services publics, des difficultés à se développer économiquement, et un sentiment général d’avoir été abandonné par les politiques publiques.</p>
<p>Plus encore que les inégalités interpersonnelles, les inégalités régionales sont présumées avoir un ascendant sur les <a href="https://theconversation.com/elections-presidentielles-labstention-revelatrice-de-territoires-negliges-par-les-politiques-publiques-163520">résultats des élections</a>. Elles reposent sur des dotations inégales en termes de ressources matérielles (infrastructures, services publics) comme immatérielles (connaissances et innovation).</p>
<p>Elles restent pourtant souvent ignorées par les politiques publiques. La réforme de l’assurance chômage mise en place récemment par le gouvernement a ainsi pu être <a href="https://theconversation.com/la-reforme-de-lassurance-chomage-pourrait-creuser-les-inegalites-et-accelerer-la-polarisation-de-lemploi-195713">critiquée</a> dans la mesure où elle ne considérait pas les différences entre régions, ne faisant varier les paramètres des allocations que selon une moyenne nationale.</p>
<p>Notre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0143622822000091">étude</a> montre pourtant l’importance des dynamiques territoriales en amenant des éléments de compréhension nouveaux. Notre panel met notamment en évidence que, dans les pays développés, les inégalités régionales demeurent relativement faibles mais que la polarisation spatiale reste très marquée, tout l’inverse des pays en développement.</p>
<h2>Divergence/convergence ou centres/périphéries ?</h2>
<p>Dans la sphère académique, deux oppositions semblent schématiquement se distinguer : entre logiques de convergence ou de divergence ; entre polarisation territoriale et développement autonome des régions.</p>
<p>Un premier courant propose une approche en termes de <a href="https://hal.science/hal-02424898/document">convergence</a> dans la lignée du « Nobel » Simon Kuznets : les premiers stades de développement d’une économie vont être caractérisés par de fortes inégalités régionales mais ces dernières finissent par diminuer lorsque la nation atteint un certain seuil de développement. Le capital se déplace rationnellement, selon l’approche néoclassique, vers des régions moins développées, où les salaires sont plus bas et le foncier moins cher. La mobilité et la diffusion des facteurs tendent à égaliser les différences régionales sur le long terme.</p>
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<p>L’autre courant, héritier, lui, d’une perspective néomarxiste, suppose que le mouvement s’oriente plus spontanément vers des <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-avenir-2017-1-page-17.htm">divergences</a>, condition préalable à l’accumulation de capital dans les régions riches.</p>
<p>Perpendiculairement, on recense également des approches que l’on peut qualifier de « structuralistes » qui articulent leur raisonnement sur des inégalités nées de systèmes de type <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/centres-et-peripheries-en-europe-de-leurope">centre-périphérie</a>. Le niveau de développement d’une région y dépend des relations qu’elle développe avec le reste des régions. Viennent à l’opposé des approches « régionalistes » considérant que les régions disposent par elles-mêmes des <a href="https://journals.openedition.org/geocarrefour/15572?lang=fr">ressources nécessaires</a> pour projeter et suivre la voie de développement qu’elles ont choisie.</p>
<p>Au milieu de ce panorama académique, notre étude articule différentes perspectives.</p>
<h2>Polarisation et trappes de développement</h2>
<p>Nos travaux sur les pays de l’OCDE entre 2000 et 2018 confirment bien que les inégalités régionales restent en moyenne plus faibles dans les pays développés que dans les pays en développement. Nous montrons néanmoins que, lorsque l’on analyse la concentration géographique de la richesse, une polarisation reste plus marquée dans les pays très industrialisés.</p>
<p>Pour appréhender les inégalités, nous avons considéré le coefficient de Gini, un indicateur qui compare la répartition des revenus à une répartition parfaitement équitable. Il s’approche de 1 dans la situation la plus inéquitable (un individu a tout et les autres n’ont rien), et de 0 quand chacun dispose des mêmes ressources.</p>
<p>La mesure de la polarisation géographique repose sur des indicateurs moins connus par le grand public mais très utilisés chez les économistes et géographes. Il s’agit de mesurer la concentration spatiale d’un indicateur donné, de voir si les données sont dispersées dans l’espace ou au contraire concentrées dans un ou quelques lieux. La méthode, développée par le statisticien australien Patrick Moran, conduit à calculer un score que varie entre -1 pour une dispersion parfaite, à 1 pour une polarisation totale.</p>
<p><iframe id="HI7vj" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/HI7vj/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Lorsque l’on se place dans une perspective dynamique, on observe par ailleurs que la polarisation spatiale de la richesse régionale n’obéit pas nécessairement aux mêmes trajectoires que les inégalités régionales. La Belgique et le Mexique ont par exemple suivi des trajectoires perpendiculaires ces dernières années. Le niveau des inégalités est resté au même niveau en Belgique mais la polarisation s’est accrue. Quant au Mexique, le niveau de polarisation n’a pas évolué quand les inégalités se sont quelque peu résorbées. Autres cas, la Russie a vu ces deux paramètres s’accroître, les Pays-Bas diminuer.</p>
<p><iframe id="rwskl" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/rwskl/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le constat nous conduit à émettre l’hypothèse que c’est la polarisation géographique, et pas seulement la différence entre les régions les plus pauvres et les plus riches, qui cause du tort aux trajectoires de développement régional. Le regroupement géographique peut conduire à quelque chose de similaire au manque de mobilité sociale des familles pauvres qui sont regroupées spatialement dans les mêmes quartiers pauvres. C’est s’enfermer dans des trappes de développement, auxquelles seules des politiques véritablement territorialisées peuvent répondre pour accroître la cohésion territoriale et construire un monde plus équitable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199545/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sebastien Bourdin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si les inégalités entre les régions tendent à diminuer, les inégalités au sein même d'une même zone semblent se creuser.Sebastien Bourdin, Enseignant-chercheur en géographie-économie, Laboratoire Métis, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1993322023-02-07T19:34:10Z2023-02-07T19:34:10ZLa BCE poursuit son resserrement monétaire mais doit composer avec de fortes incertitudes<p>Ce 8 février 2023, les taux directeurs de la zone euro sont une <a href="https://www.ecb.europa.eu/press/pr/date/2023/html/ecb.mp230202%7E08a972ac76.fr.html">nouvelle fois relevés</a> par la Banque centrale européenne (BCE) pour atteindre 3 %. La décision était attendue : lors du forum économique de Davos le 19 janvier 2023, sa présidente, Christine Lagarde, avait annoncé que l’institution poursuivrait sur la voie dans laquelle elle s’est engagée au cours de l’année 2022, celle du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/politique-monetaire-39994">resserrement monétaire</a> pour contrer l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">inflation</a> et lutter contre le danger d’une spirale prix-salaires, la hausse des premiers nourrissant celle des seconds et réciproquement.</p>
<p>En mars 2022, Francfort annonçait <a href="https://www.ecb.europa.eu/press/pr/date/2022/html/ecb.mp220310%7E2d19f8ba60.fr.html">réduire la voilure</a> de son interventionnisme sur les marchés financiers et de sa politique de <a href="https://abc-economie.banque-france.fr/quantitative-easing"><em>quantitative easing</em></a> : finis les achats massifs de titres, en particulier de <a href="https://blocnotesdeleco.banque-france.fr/billet-de-blog/deux-ans-apres-son-lancement-quel-bilan-pour-le-pepp">dettes souveraines</a>. Par la suite, <a href="https://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/inflation-la-bce-releve-ses-taux-pour-la-quatrieme-fois-depuis-juillet-944779.html">cinq hausses</a> de taux directeurs ont été décidées entre juillet et février 2023 faisant évoluer son principal taux de 0 à 3 %. Le mouvement, affirme Mme Lagarde, se poursuivra en 2023.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1621214076025053185"}"></div></p>
<p>Augmenter les taux d’intérêt vise à freiner la création de monnaie des banques en <a href="https://www.lexpress.fr/economie/hausse-des-taux-de-la-bce-quelles-consequences-pour-les-emprunteurs_2177438.html">rendant plus cher le crédit</a> : moins de crédits distribués, c’est moins de monnaie disponible à dépenser, une demande de biens et services qui s’en trouve freinée et, dans ce contexte, une tentation moindre pour les producteurs d’augmenter leur prix. Avec le risque, on le comprend, de freiner l’activité et la croissance économique.</p>
<p>Si en théorie, cette relation entre hausse des taux directeurs et baisse de l’inflation existe, la réalité de la zone euro rend incertaine l’efficacité de cette politique monétaire restrictive.</p>
<h2>Le défi de l’hétérogénéité</h2>
<p>D’abord parce que la stratégie de la BCE qui vise à réduire la masse monétaire aura peu d’effets sur la principale composante de l’inflation de la zone, celle des prix énergétiques et des matières premières agricoles : celle-ci est davantage imputable à des facteurs géopolitiques et à des problèmes d’approvisionnement qu’à un excès de monnaie, même si à terme, le <a href="https://podcast.ausha.co/afpaudio-surlefil/augmenter-les-taux-d-interet-recette-miracle-contre-l-inflation">ralentissement de l’économie</a> induit par le resserrement monétaire devrait alléger la tension sur les prix des matières premières.</p>
<p>Ensuite, parce que la BCE est confrontée à une difficulté majeure : l’hétérogénéité des situations inflationnistes en zone euro.</p>
<p>Fin 2022, les taux d’inflation s’étalent dans une fourchette allant de 6,6 % pour l’Espagne à plus de 21 % pour la Lettonie et la Lituanie. Or la BCE ne dispose que d’une série de taux directeurs, identiques pour l’ensemble des pays membres. Les gouverneurs prennent alors leur décision selon une situation moyenne, ce qui conduit parfois à des politiques inadéquates pour les pays qui en sont le plus éloignés. Ainsi, les États baltes sont soumis à un taux directeur de 3 % quand, à titre de comparaison, la Hongrie, hors zone euro, a fixé pour une inflation du même ordre de grandeur un taux à 13 %. Augmenter fortement les taux pour les aider à contrer leur forte inflation pénaliserait les pays où elle est jusqu’à trois fois plus faible, comme la France, le Luxembourg ou l’Espagne.</p>
<p><iframe id="zFc3I" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/zFc3I/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Enfin, l’efficacité de la politique de la BCE reste soumise à des contraintes extérieures qu’elle ne maîtrise pas : la politique plus restrictive de la banque centrale américaine et les anticipations des investisseurs.</p>
<p>Outre que, pour ces raisons, son efficacité semble limitée, le resserrement monétaire de la BCE risque de faire entrer la zone euro en récession et de conduire à sa fragmentation, faisant craindre une résurgence de la crise des dettes souveraines.</p>
<p>Ce sont ces questions que nous étudions dans un article à paraître dans la <em>Revue de l’Union européenne</em>.</p>
<h2>Importe-t-on de l’inflation ou des solutions ?</h2>
<p>Francfort doit composer avec le reste du monde. Sa politique joue en effet sur une variable qui lie les économies et les marchés financiers de la zone euro avec l’extérieur : le taux de change (combien l’euro vaut-il de dollars par exemple).</p>
<p>En théorie, la remontée des taux directeurs est de nature à <a href="https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/marches-financiers/fonctionnement-du-marche/marche-des-changes-forex/#:%7E:text=Le%20march%C3%A9%20des%20changes%20est,des%20termes%20anglais%20FOReign%20EXchange.">attirer les investisseurs internationaux</a> : des taux plus élevés, c’est la promesse de rendements meilleurs à court terme. Ils vont donc se procurer des euros pour investir sur ces marchés devenus plus attractifs. Plus l’euro est demandé, plus son prix augmente : il faudra donner davantage de dollars pour s’en procurer. On dit que la monnaie européenne s’apprécie.</p>
<p>La hausse de l’euro a pour conséquence de réduire le coût des biens et services que la zone euro achète au reste du monde. Si le prix d’un produit facturé en dollar ne change pas, cela reviendra moins cher qu’avant de l’importer en zone euro. En d’autres termes, la hausse de l’euro permettrait d’importer de la désinflation, facilitant ainsi la tâche de la BCE sans sa lutte contre l’inflation.</p>
<p>Là encore, la théorie n’est pas réalité : si l’on échange avec une zone où les taux grimpent vers des cibles plus élevées, c’est l’inverse qui peut se produire. Et c’est précisément le cas avec les États-Unis depuis 2022. La Fed s’est engagée dans une lutte contre l’inflation plus agressive que la BCE : ses taux ont été relevés jusque <a href="https://investir.lesechos.fr/marches-indices/devises-taux/la-fed-releve-ses-taux-directeurs-de-25-points-de-base-dans-la-fourchette-de-45-475-1902789">4,75 % en février 2023</a>, bien au-dessus des 3 % de la BCE, rendant les rendements sur les marchés financiers américains plus attractifs pour les investisseurs.</p>
<p><iframe id="C2ApY" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/C2ApY/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Et pour y investir, ces derniers doivent se procurer des dollars. Davantage demandé, le dollar augmente et avec lui le prix des importations facturées en dollar, en particulier les hydrocarbures et une grande partie des matières premières. Pour la zone euro, cela pèse sur la croissance et dégrade le commerce extérieur qui a connu un déficit record en août 2022 (<a href="https://ec.europa.eu/eurostat/documents/2995521/15131943/6-14102022-AP-FR.pdf/86a0971f-0fa2-64ff-f5a6-ae2a495d6d6d#:%7E:text=En%20cons%C3%A9quence%2C%20la%20zone%20euro,par%20rapport%20%C3%A0%20ao%C3%BBt%202021.">50 milliards d’euros</a>). En mai, l’Allemagne, principale puissance industrielle de la zone, enregistrait même une <a href="https://www.courrierinternational.com/article/le-chiffre-du-jour-l-allemagne-enregistre-un-deficit-commercial-historique">balance commerciale négative</a> pour la première fois depuis sa réunification en 1989.</p>
<p>Le canal du taux de change joue ainsi contre la BCE : la baisse de l’euro accélère l’inflation. Si au dernier trimestre 2022, l’euro a regagné du terrain, annulant une partie de sa baisse sur les premiers mois de l’année, l’interrogation demeure quant à son évolution début 2023. Celle-ci dépendra de facteurs que la BCE ne maîtrise pas : la poursuite et l’ampleur du resserrement monétaire de la FED, la fin possible de la guerre en Ukraine et avec elle la réduction – ou non – des tensions sur les matières premières ou encore la potentielle rupture totale par la Russie des approvisionnements en gaz de l’UE. L’incertitude reste entière.</p>
<h2>Les risques de fragmentation alimentent les peurs</h2>
<p>Ce mécanisme se trouve renforcé par la résilience de l’économie américaine. Nous l’avons dit, augmenter les taux freinera l’activité économique. Or les États-Unis semblent bien résister au resserrement monétaire de la FED : fin 2022, le taux de chômage y est resté stable à <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/etats-unis-le-chomage-au-plus-bas-depuis-cinquante-ans-947072.html">3,5 %</a>, le marché du travail a enregistré davantage de créations d’emplois que prévu et le salaire horaire a continué à progresser (+ <a href="https://www.lesechos.fr/monde/etats-unis/aux-etats-unis-lere-de-labondance-touche-a-sa-fin-pour-les-consommateurs-1900904#:%7E:text=Durant%20les%20trois%20derniers%20mois,%2C1%25%20pour%20les%20prix.">7,4 % sur un an</a>) tandis que l’inflation poursuit son ralentissement (<a href="https://investir.lesechos.fr/marches-indices/economie-politique/linflation-revient-a-65-sur-un-an-aux-etats-unis-en-decembre-comme-attendu-1896503">6,5 % sur un an en décembre</a> contre <a href="https://www.courrierinternational.com/article/consommation-a-8-5-en-mars-l-inflation-aux-etats-unis-a-t-elle-atteint-un-pic">8,5 % en mars 2022</a>). Ces indicateurs <a href="https://forex.tradingsat.com/cours-euro-dollar-FX0000EURUSD/actualites/euro-dollar-apres-les-excellents-chiffres-de-l-emploi-americain-l-euro-chute-face-au-dollar-1055405.html">restent favorables fin janvier 2023</a> et pèsent sur l’euro.</p>
<p>En comparaison, l’incertitude demeure quant à la résistance de la zone euro au resserrement monétaire et à la crise énergétique. La crainte d’une politique plus dure de la BCE en 2023 pour juguler l’inflation inquiète les investisseurs ; leurs craintes de récession pèsent sur les bourses européennes comme on a pu le voir au <a href="https://www.tradingsat.com/cac-40-FR0003500008/actualites/cac-40-les-craintes-de-recession-et-la-bce-penalisent-le-cac-40-qui-retourne-sous-les-7000-points-1053053.html">lendemain</a> de la prise de parole de Christine Lagarde à Davos.</p>
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<p>A ces inquiétudes qui pèsent sur l’euro, s’ajoute le risque d’une fragmentation de la zone du point de vue des conditions de financement des États – les dettes souveraines. Du fait de l’hétérogénéité des situations au regard des fondamentaux macroéconomiques et des finances publiques, certains résisteront mieux que d’autres à la politique monétaire restrictive et les écarts risquent de se creuser.</p>
<p>Les achats massifs de titres mis en œuvre par la BCE entre 2015 et 2022 avaient permis de rapprocher les rendements entre les dettes souveraines des États membres, notamment avec l’étalon de référence allemand. En acquérant massivement des obligations publiques, la BCE avait fait grimper leurs cours et chuter leurs taux, à des niveaux proches de zéro pour les économies les mieux notées de la zone.</p>
<p><iframe id="QF1ZX" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/QF1ZX/4/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>L’arrêt de cette politique en mars 2022 a fait <a href="https://data.oecd.org/fr/interest/taux-d-interet-a-long-terme.htm">remonter les taux souverains</a>, en particulier pour les pays les plus fragiles. La difficulté pour la BCE consistera alors à éviter une fragmentation de l’Union monétaire, comme celle qu’elle a connue au début des années 2010 : il s’agira d’éviter que les pays qui connaissent déjà le plus de difficultés, comme l’Italie, soient davantage pénalisés que les autres et peinent à se financer.</p>
<p>C’est pour limiter ce risque qu’elle a annoncé en juillet 2022 la création d’un <a href="https://www.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/293tf22_final.pdf">Instrument de protection de la transmission</a> de la politique monétaire. Sa mise en œuvre visera à la fois à dissuader la spéculation contre les dettes souveraines les plus fragiles et à éviter que le resserrement monétaire ne détériore davantage la situation des pays les plus endettés de la zone euro. La mesure consiste à « acheter des titres émis spécifiquement par des pays souffrant d’une détérioration de leurs conditions de financement qui ne serait pas justifiée par leurs fondamentaux économiques ». Six mois plus tard, la BCE n’a cependant annoncé aucun montant ni calendrier sur la mise en œuvre du programme, laissant là encore les marchés dans l’incertitude.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199332/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie Lelièvre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Face à l’inflation, la Banque centrale européenne poursuit les mesures entamées en 2022 mais fait face à la politique agressive de la Fed et à une menace de crise des dettes souveraines.Valérie Lelièvre, Maître de conférences en Sciences économiques, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1972182023-01-10T20:42:06Z2023-01-10T20:42:06ZUn ajustement carbone aux frontières de l’UE n’est pas sans risque pour les pays les plus pauvres<p>La mise en œuvre du système européen d’échange de quotas d’émission à partir de 2005 a conduit à une réduction importante des émissions de gaz à effet de serre (GES) en Europe, de <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/qanda_21_3542">plus de 40 %</a> entre cette date et l’été 2021 dans les secteurs couverts. </p>
<p>Le mécanisme s'applique à l'ensemble de l'Union ainsi qu'à l'Islande, au Lichstenstein et à la Norvège, soit près de 10 000 installations industrielles. L'autorité régulatrice fixe un volume total d'émissions, et pour émettre il faut disposer d'un quota, quota qui peut se revendre à qui en aurait besoin. Ce marché est également aligné sur le marché suisse (il y a convertibilité des quotas de l'un vers l'autre) depuis 2020 et a également vocation à l'être avec le mécanisme créé au <a href="https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/environnement-comment-fonctionne-le-marche-du-carbone-europeen/">Royaume-Uni</a> après le Brexit.</p>
<p>Le total diminuant d'année en année, le dispositif a su encourager les industries à décarboner leur processus de production. Il a néanmoins aussi eu quelques effets secondaires. Les industries ont en effet aussi été incitées à externaliser leur production vers des pays qui n’adoptent pas de politiques similaires. Cela peut alors conduire à une augmentation des émissions en dehors de l’Europe, augmentation dépassant même potentiellement les baisses sur le Vieux Continent.</p>
<p>Afin d’éviter cela, la Commission européenne a voté courant décembre 2022 un accord préliminaire visant la mise en œuvre d’un <a href="https://bit.ly/3k6lwWq">mécanisme d’ajustement carbone aux frontières</a> (MACF). Au lieu de facturer les émissions de GES uniquement sur le territoire de l’Union européenne, le MACF taxera les émissions incorporées dans les importations des industries les plus émettrices. Sont en particulier ciblés l’aluminium, l’électricité, le ciment, les engrais, le fer et l’acier.</p>
<p>Cette mesure peut sembler intelligente dans la mesure où elle incitera les partenaires commerciaux de l’UE à décarboner leur production, comme le font les Vingt-Sept. Toutefois, certaines hypothèses sous-jacentes restent très controversées. Promouvoir la substitution de technologies très polluantes par des technologies vertes paraît notamment plus aisé en Europe qu’en Afrique.</p>
<h2>Fortes dépendances</h2>
<p>Les pays européens font partie des économies qui produisent des technologies vertes. Le remplacement des anciennes industries par des industries vertes y crée donc de nouvelles possibilités d’emploi et mène à un cycle positif d’augmentation des revenus et de progrès environnementaux. Ailleurs, à l’inverse, les technologies vertes sont plus souvent importées, ce qui signifie que ce processus nuira à l’économie plutôt que d’ouvrir des possibilités.</p>
<p>Pour ceux qui ne seront pas en mesure de suivre le mouvement, il y aura des dommages supplémentaires, car ils perdront l’accès au marché de l’UE ou seront moins compétitifs et n’exporteront plus. De nombreux emplois, revenus fiscaux et revenus d’exportations seront perdus si le MACF est mis en œuvre sans tenir compte des spécificités des partenaires commerciaux de l’UE.</p>
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<p>Certaines études ont déjà abordé cette question avec des modèles macroéconomiques, mais celles-ci comportent des lacunes dans l’analyse des pays en développement. Elles supposent généralement que tous les pays ont une capacité relativement élevée de migrer d’une industrie à l’autre.</p>
<p>Dans des <a href="https://www.afd.fr/en/ressources/impacts-cbam-eu-trade-partners-consequences-developing-countries">travaux récents</a>, nous tentons d’éviter ces hypothèses parce que nous voulons nous concentrer sur les pays qui ont des économies avec des industries peu matures et donc moins capables de s’adapter. Nous analysons ainsi les conséquences de la mise en œuvre du MACF sur l’emploi, les salaires, les recettes fiscales et de change, en suivant une <a href="https://oecd-development-matters.org/2022/06/07/low-carbon-transition-in-latin-america-what-are-the-risks-and-the-main-constraints/">approche</a> développée par l’Agence française de développement.</p>
<p>Les résultats montrent que certains pays africains, comme le Mozambique et le Zimbabwe, et certains pays d’Europe de l’Est, comme la Bosnie-Herzégovine, l’Ukraine et la Serbie, dépendent énormément des exportations de produits soumis au MACF. Dans le cas du Mozambique, par exemple, près d’un cinquième de ses exportations totales sont de l’aluminium vers l’UE. Le Zimbabwe et l’Ukraine dépendent des exportations de fer et d’acier vers l’UE, tandis que les exportations serbes et bosniennes de produits MACF sont plus hétérogènes, mais représentent plus de 5 % de leurs exportations.</p>
<h2>Jusque 3 % d’emplois menacés par endroit</h2>
<p>Notre méthode permet d’analyser non seulement les industries directement impactées (celles qui produisent les produits MACF), mais aussi celles qui fournissent des ressources à ces industries, plus haut dans la chaîne de production, et qui peuvent être touchées par ricochet. Cela est possible en utilisant ce que l’on appelle les « matrices entrées-sorties inter-pays », qui montrent toutes les relations entre les secteurs au sein des pays et entre eux.</p>
<p>Sur la base de cette approche, nous calculons les pertes potentielles d’emplois et la part du revenu salarial qui est exposée à l’adoption du MACF. Le Mozambique et la Moldavie seraient ainsi les pays au sein desquels le revenu salarial est le plus exposé à l’adoption du MACF, représentant environ 6 % de la masse salariale. La Serbie et la Bosnie-Herzégovine, elles, pourraient connaître des pertes d’emploi de l’ordre de 3 % si le MACF est mis en œuvre sans tenir compte des contraintes spécifiques de ces pays.</p>
<p><iframe id="q5xwP" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/q5xwP/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Si l’on considère, de surcroît, la <a href="https://ilostat.ilo.org/topics/social-protection/">part de la population couverte par la protection sociale</a>, on constate une vulnérabilité socioéconomique supplémentaire. Au Mozambique ou au Zimbabwe, seule une petite partie de sa population est couverte par les mécanismes de protection sociale. Ce n’est pas tout à fait la même situation pour l’Ukraine, Bahreïn ou l’Arménie : même fortement exposée aux conséquences du MACF, leur population est au moins à 50 % couverte par une forme de protection sociale.</p>
<h2>Et si d’autres s’y mettent ?</h2>
<p>L’adoption du MACF par l’UE pourrait conduire à une vague d’adoption de politiques similaires dans d’autres économies développées, comme le Japon et l’Amérique du Nord, ainsi que dans les pays en développement ayant la capacité de décarboner leurs industries, comme la Chine. L’adoption d’une politique semblable permettra à ces pays d’éviter de payer une taxe carbone aux frontières lors de l’exportation de leurs biens et services vers l’UE.</p>
<p><iframe id="hLCSK" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/hLCSK/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cela renforcerait aussi considérablement l’exposition des pays en développement, en particulier en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Dans le cas du Zimbabwe et de la Corée du Nord, par exemple, les exportations vers la Chine de ces industries très émettrices jouent un rôle très important, et dans le cas de Trinité-et-Tobago et de Bahreïn, leurs ventes vers l’Amérique du Nord pèsent lourd en proportion des exportations totales.</p>
<p>Cette nature potentiellement régressive du MACF nécessite donc une attention particulière à son design institutionnel, en particulier si l’objectif est de renforcer les ambitions climatiques mondiales avec la propre stratégie de décarbonation de l’UE. Une façon possible de minimiser ses effets secondaires est d’exempter les pays dits les moins avancés du MACF. Ils devraient plutôt recevoir un soutien ciblé de l’UE.</p>
<p>La construction d’un MACF respectueux du développement, tel que celui discuté, est la clé du succès de cette partie emblématique du <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/fit-55-nouveau-cycle-politiques-europeennes-climat">« Fit for 55 »</a>, ce vaste ensemble législatif élaboré pour que l’UE puisse atteindre ses objectifs climatiques. L’efficacité de cette mesure devra dès lors s’assortir d’un ensemble plus large de politiques de développement pour accompagner les pays les plus exposés vers leur propre stratégie de neutralité carbone.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197218/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Déjà en manque de moyens pour décarboner leur industrie ou se tourner vers des alternatives plus vertes, ils pourraient en plus être privés des revenus tirés des exportations vers l’Europe.Antoine Godin, Économiste-modélisateur, Agence française de développement (AFD)Guilherme Riccioppo Magacho, Chercheur en économie environnementale, Agence française de développement (AFD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1970782023-01-03T20:09:23Z2023-01-03T20:09:23ZFinance : pourquoi les obligations protégées de l’inflation souffrent quand même de la hausse des prix<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/502677/original/file-20221227-89077-t5j4h9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C5%2C1270%2C896&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'inflation monte en flèche, mais les investisseurs ne semblent pas pour autant demandeurs sur les marchés secondaires des obligations qui la prennent en considération.</span> <span class="attribution"><span class="source">Gerd Altmann / Pixabay</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La chose semble paradoxale. L’inflation a augmenté de manière inédite, à un <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/inflation/l-inflation-va-grimper-a-7-en-debut-d-annee-2023-selon-l-insee_5546121.html">taux annuel de 6,2 %</a> en 2022 en France (l’Insee anticipe même 7 % sur un an en janvier 2023) : on pourrait alors penser que des titres un peu particuliers, les obligations indexées sur cet indicateur, suivent le mouvement. Puisque leur valeur est protégée de la hausse des prix, elles devraient logiquement être plus demandées et voir leur prix augmenter.</p>
<p>Et pourtant c’est le contraire que l’on observe. L’<a href="https://www.aft.gouv.fr/en/oatis-key-figures">indice global</a> des cours des obligations publiques françaises indexées sur l’inflation, a baissé de 8,45 % depuis le début de l’année. Sur la même période, le même indice aux États-Unis a lui baissé de 11,17 %.</p>
<p><iframe id="gcV23" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/gcV23/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Comment l’expliquer ? Pour comprendre, ce qu’il se passe, il est tout d’abord utile d’examiner le cas plus simple des obligations ordinaires.</p>
<p>Une obligation est un titre de dettes, valable un temps donné, distribué lorsqu’un investisseur prête de l’argent. Elle confère à son détenteur le droit de recevoir une somme périodique nommée « coupon » et, à la maturité, le remboursement de ce que l’on appelle le « principal ».</p>
<h2>Des paramètres fixes dans le temps, mais des exigences qui évoluent</h2>
<p>Lorsque les perspectives d’inflation augmentent, l’investisseur exige des taux de rendement plus élevés pour plusieurs raisons.</p>
<p>D’une part, il essaie de préserver le pouvoir d’achat des capitaux qu’il prête. Au moment où la dette lui est remboursée, il ne faut pas qu’il puisse acheter moins avec son argent par rapport au moment où il l’a prêté, ce qui est le cas quand les prix augmentent et que le montant de cet argent reste le même.</p>
<p>D’autre part, en période d’inflation, il s’attend à ce que les banques centrales augmentent les taux courts pour lutter le phénomène. L’estimation de ce qu’il obtiendrait par une succession de placements à court terme augmente, ce qui le conduit à hausser le rendement qu’il exige sur les obligations à long terme.</p>
<p>Une obligation est souvent émise « au pair », c’est-à-dire à un prix initial égal au principal. Dans ce cas, le coupon est calibré pour qu’il représente, en pourcentage du principal, le taux de rendement exigé par l’investisseur lors de l’émission. Ce taux de rendement exigé d’une obligation ordinaire est nominal. Ce rendement est obtenu en additionnant un taux réel exigé et une perspective d’inflation.</p>
<p>Cependant, alors que ces paramètres, les montants du coupon et du principal, sont calibrés une fois pour toutes, les exigences de l’investisseur, elles, vont évoluer au cours de la durée de vie de l’obligation. La solution pour lui est alors de se tourner vers les marchés secondaires, là où les investisseurs se rachètent et revendent des titres entre eux.</p>
<p>La variable qui y permettra un ajustement aux exigences de l’investisseur est le prix de l’obligation. Pour que le coupon et le principal, qui sont tous les deux fixes, produisent le taux de rendement exigé quand celui-ci augmente, alors le cours de l’obligation doit baisser. En effet, si l’on souhaite obtenir une différence relative plus importante entre son investissement au départ et ce que l’on touche à l’arrivée, et si ce que l’on touche à l’arrivée ne peut varier, alors il faut que ce que l’on investit au départ diminue.</p>
<p>On comprend donc pourquoi, lorsque les rendements exigés par les investisseurs augmentent suite à une hausse de l’inflation, les prix des anciennes obligations diminuent sur le marché secondaire.</p>
<h2>Quand l’inflation engendre une baisse des prix</h2>
<p>Revenons maintenant à notre cas plus spécifique, celui d’une obligation indexée. Elle est également émise avec un principal et un coupon décidés à l’avance et inchangés ultérieurement mais son fonctionnement diffère d’une obligation ordinaire de plusieurs manières. D’abord, à la maturité, les détenteurs sont remboursés du principal augmenté de l’inflation cumulée depuis l’émission. Le coupon de chaque période est lui augmenté de l’inflation cumulée jusqu’alors. Un coupon réel en pour cent est en effet appliqué au principal indexé de l’obligation.</p>
<p>Pour le cas simple d’une inflation annuelle constante, cela implique que le taux de rendement nominal d’une obligation indexée est égal à l’addition du coupon réel en pour cent et du taux d’inflation réalisée, quelle qu’elle soit. Le coupon réel en pour cent, décidé à l’émission, est donc un taux de rendement réel garanti, quelle que soit l’inflation ultérieure. Il est choisi pour correspondre au taux de rendement réel exigé par les investisseurs lors de l’émission.</p>
<p>En France, environ <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/budget/pourquoi-l-etat-a-12-de-ses-dettes-indexees-sur-l-inflation-aa83af82-3a71-11ed-b21b-a9a4fa94aa00">12 % de la dette publique</a> est émise sous cette forme, ce qui explique en partie que les intérêts à payer, le « service de la dette », aient significativement augmenté en 2022.</p>
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<p>Aussi longtemps que le taux de rendement réel exigé par les investisseurs se trouve inchangé, et quelles que soient les variations de l’inflation, le prix de l’obligation indexée va donc rester constant sur le marché secondaire. Mais évidemment le taux de rendement réel exigé par les investisseurs évolue de manière continue en fonctions de toute une série de facteurs autres que l’inflation. Et comme le principal à indexer et le coupon réel en pour cent restent inchangés jusqu’à la maturité, c’est une nouvelle fois le prix de l’obligation sur le marché secondaire qui s’ajustera.</p>
<p>Si le taux de rendement réel exigé était resté constant depuis le début de l’année, le cours des obligations indexées serait resté inchangé, alors même que l’inflation a fortement augmenté. Si les obligations indexées ont baissé depuis le début de l’année, c’est parce que le taux de rendement réel exigé par les investisseurs a augmenté.</p>
<p>L’augmentation du taux de rendement réel exigé par les investisseurs peut s’expliquer partiellement par un effet indirect de l’inflation qui a détérioré les perspectives de croissance. Les investisseurs sont devenus plus sensibles au risque, les dettes des États moins solides et les taux à court terme réels attendus à la suite de la réaction des banques centrales plus élevés. Il y a bien sûr d’autres causes que l’inflation, mais cet effet paradoxal, une inflation qui engendre une baisse de prix, méritait d’être signalé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197078/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Dor ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le contexte actuel devrait favoriser les produits financiers censés comporter des protections face à la flambée des prix. Or, leurs cours ne cessent de baisser. Pourquoi ?Eric Dor, Director of Economic Studies, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1946822022-11-21T19:36:05Z2022-11-21T19:36:05ZDécryptage : le pouvoir d’achat, et si l’on se focalisait sur autre chose ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/495718/original/file-20221116-16-kldrtj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C0%2C1276%2C845&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le pouvoir d’achat, est-ce vraiment bien cela qui compte&nbsp;?
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/carte-de-cr%c3%a9dit-paiement-cr%c3%a9dit-1730085/"> Ahmad Ardity / Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Depuis des décennies, c’est lui qui alimente la majeure partie des contenus des journaux télévisés, fait les titres de la presse écrite et vampirise les sujets des campagnes électorales. Sa baisse aurait provoqué le mouvement des « gilets jaunes » et il affole les gouvernants qui adoptent des « primes » successives et ciblées afin de le maintenir. En août dernier, une <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000046186723">loi</a> prévoyant des mesures d’urgence pour le préserver a été votée.</p>
<p>Lui, c’est le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/pouvoir-dachat-33467">pouvoir d’achat</a> bien sûr… Est-il cette notion indépassable et incontournable pour identifier les besoins des individus dans nos sociétés occidentales ? Qu’est-ce que la centralité de ce terme signifie ? Notre pouvoir d’achat étant notre pouvoir d’acheter, sommes-nous réductibles à notre statut de consommateurs ? Serait-il possible d’utiliser d’autres notions équivalentes pour mesure les niveaux de vie des individus ?</p>
<p>Notre hypothèse est que cette référence n’est pas anodine et révèle beaucoup de la structuration de nos rapports sociaux, de nos modèles économiques et de nos démocraties.</p>
<h2>Des sources de controverses</h2>
<p>Une <a href="https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/073.pdf">note</a> du Conseil d’analyse économique (CAE) publiée en 2008 en proposait la définition suivante, une double définition plus précisément, proche de celle de l’<a href="https://www.clesdusocial.com/niveau-de-vie-et-pouvoir-d-achat-entre-realite-et-ressenti">Insee</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Pour l’économiste, le pouvoir d’achat est la quantité de biens et de services que l’on peut acheter avec le revenu disponible. Il suffit donc que la hausse des revenus dépasse celle des prix pour que le pouvoir d’achat progresse. De façon plus empirique, l’homme de la rue raisonne différemment : “son” pouvoir d’achat représente “sa” capacité à acquérir les biens et les services qui forment les standards du moment ».</p>
</blockquote>
<p>Il y a là une notion économique qui a pour objectif de mesurer la <a href="https://www.toupie.org/Dictionnaire/Revenu.htm">quantité de biens et de services qu’un revenu donné permet d’acquérir</a>. Son évolution est liée à celle des prix et des revenus. Si les prix augmentent dans un <a href="https://www.toupie.org/Dictionnaire/Environnement.htm">environnement</a> où les revenus (salaire, rémunération du capital, prestations sociales) sont constants, le pouvoir d’achat diminue ; si la hausse des revenus est supérieure à celle des prix, le pouvoir d’achat pourra augmenter. Lorsque l’on dit « revenus », il s’agit du <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/270008-pouvoir-dachat-et-revenu-disponible-brut">revenu disponible brut</a> (RDB), c’est-à-dire de ce dont dispose un ménage pour consommer, épargner ou investir après avoir réglé ses cotisations sociales et impôts directs et avoir reçu d’éventuelles allocations.</p>
<p>Au-delà de sa définition, le calcul du pouvoir d’achat est également source de nombreux malentendus. Faut-il par exemple employer une méthode qui calcule en agrégeant le revenu de tous les ménages ou par tête ? Dans le premier cas, le pouvoir d’achat aurait <a href="https://www.economie.gouv.fr/facileco/comment-mesurer-pouvoir-achat">progressé en moyenne de 2,1 % par an</a> entre 1974 et 2006 mais que de 1,6 % dans le second qui tient compte de l’évolution de la taille de la population. Et si l’on calcule par unité de consommation, c’est-à-dire en attribuant un poids différent à un enfant et à un adulte, et en s’adaptant au nombre d’adultes dans un ménage, ce chiffre n’est plus que de 1,3 %.</p>
<p><iframe id="nG6W5" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/nG6W5/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les chiffres varient également selon la façon dont on prend en compte l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">inflation</a>. On peut utiliser les prix de l’ensemble des biens de consommation mais aussi, parfois de façon plus pertinente, uniquement ce que l’on appelle les dépenses « non-pré-engagées », celles qui ne sont pas issues de contrats difficilement renégociables à court terme, telles que les dépenses liées au logement (loyer, eau, gaz, électricité), à son assurance ou son forfait téléphonique. On parle alors de « <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2385829">pouvoir d’achat arbitrable</a> ».</p>
<h2>Et pourquoi pas des notions alternatives ?</h2>
<p>Nous avons bien ici les ingrédients d’une instrumentalisation possible de cette notion et de multiples sources de malentendus. Comme le souligne la définition du CAE, une autre difficulté vient du <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/03/25/pourquoi-la-notion-de-pouvoir-d-achat-est-a-manier-avec-precaution_6119177_4355770.html">décalage entre l’évolution objective</a> du pouvoir d’achat et la perception qu’en ont les ménages.</p>
<p>Des notions différentes faisant appel à d’autres représentations sociétales pourraient être utilisées comme le <a href="https://www.economie.gouv.fr/facileco/comment-mesurer-pouvoir-achat">niveau de vie</a>, autrement appelé revenu disponible brut ajusté. On va, en quelque sorte, convertir en revenu dans le calcul une dépense non supportée par le ménage. Bénéficier de l’école gratuite, par exemple, revient à disposer du revenu pour la payer. Ce n’est de fait pas la même chose de disposer d’une somme identique dans le cas où les ménages ont à charge de payer l’école et dans le cas où ils ne l’ont pas. On obtient alors une croissance annuelle moyenne de 1,9 %.</p>
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<p>On pourrait aussi intégrer <a href="https://www.insee.fr/fr/outil%20interactif/5367857/details/30_RPC/31_RNP/31G_Figure7">l’indice de Gini</a> qui rend compte du niveau d’inégalité pour une variable et sur une population donnée. Il varie entre 0 (égalité parfaite) et 1 (inégalité extrême). Mobiliser l’indice mondial du bonheur par pays ne serait pas non plus sans pertinence. Pour 156 pays, un <a href="https://worldhappiness.report/">rapport</a> issu des <a href="https://www.gallup.com/178667/gallup-world-poll-work.aspx">données du Gallup World Poll</a> est publié chaque année par les Nations unies. Les répondants doivent évaluer leur vie de zéro à dix. Zéro représente la pire vie et dix la meilleure vie. <a href="https://fr.countryeconomy.com/demographie/indice-mondial-bonheur">Six facteurs</a> sont pris en compte : le PIB, l’espérance de vie, la générosité, le soutien social, la liberté et la corruption qui sont comparés à un pays imaginaire, appelé Dystopia.</p>
<p>Des niveaux de bien-être, également, sont calculés, y compris par <a href="https://www.oecd.org/fr/sdd/cn/37883038.pdf">l’OCDE</a>, institution pourtant rompue aux indicateurs économiques. En France, des <a href="https://www.cepremap.fr/publications/le-bien-etre-en-france-rapport-2021/%20-%20abstract">rapports annuels</a> tenant compte de différents facteurs sont publiés par des experts universitaires, comme Mathieu Perona et Claudia Senik, chercheurs au Cepremap.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-sentiment-de-bien-etre-des-francais-est-aujourdhui-suspendu-a-linflation-180921">Le sentiment de bien-être des Français est aujourd’hui suspendu à l’inflation</a>
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<p>Étant donné ces alternatives, pourquoi camper sur la notion de pouvoir d’achat ? Sommes-nous sciemment réduits à notre statut de consommateurs, et non à celui de citoyens, d’individus, d’êtres humains ? La société de consommation est si centrale dans les pays occidentaux que la réponse tend à être positive et les <a href="https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/le-pouvoir-d-achat-expression-243080">critiques</a> de la notion restent minoritaires.</p>
<p>Or, l’urgence climatique et écologique nécessite une autre vision du monde pour sortir d’un modèle économique obsolète, fondé sur une production excessive et une surconsommation dont la centralité du pouvoir d’achat est le symbole. Rappelons ici, pour s’en convaincre, les propos de l’écrivain Pier Paolo Pasolini dans ses Écrits corsaires publiés en 1976 :</p>
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<p>« Je suis profondément convaincu que le vrai fascisme est ce que les sociologues ont trop gentiment nommé “la société de consommation”, définition qui paraît inoffensive et purement indicative. Il n’en est rien. Aucun centralisme fasciste n’est parvenu à faire ce qu’a fait le centralisme de la société de consommation. »</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/194682/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuelle Mazuyer a reçu des financements de l'ANR, du CNRS, du GIP justice pour des projets de recherche qui ont toujours été gérés par les universités d'affectation. </span></em></p>La notion de « pouvoir d’achat » peut assez facilement être instrumentalisée car différentes mesures sont possibles. Cependant, peu correspondent au ressenti réel des ménages.Emmanuelle Mazuyer, Directrice de recherche au CNRS en droit, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.