tag:theconversation.com,2011:/uk/topics/dauphins-37180/articlesdauphins – The Conversation2024-02-22T15:39:42Ztag:theconversation.com,2011:article/2238902024-02-22T15:39:42Z2024-02-22T15:39:42ZQue sait-on sur les captures accidentelles de dauphins dans le golfe de Gascogne, et pourquoi est-il si difficile de les éviter ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/577272/original/file-20240222-26-y4ku3i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2500%2C1328&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les dauphins retrouvés échoués présentent très souvent des signes de capture accidentelle, causée par différents dispositifs de pêche.</span> <span class="attribution"><span class="source">Hélène Peltier/Pelagis/La Rochelle Université/CNRS</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les petits cétacés (marsouins et <a href="https://theconversation.com/fr/topics/dauphins-37180">dauphins</a>) ont longtemps été abattus comme concurrents directs de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/peche-21609">pêche</a>, ou capturés pour la consommation humaine dans le golfe de Gascogne, avant d’être légalement protégés en France à partir de 1970. Leur statut de protection a été renforcé à l’échelle européenne en 1992. Néanmoins, des mortalités importantes de dauphins dues aux activités humaines perdurent.</p>
<p>Ainsi, bien que les pics d’échouages traduisant des surmortalités soient documentés depuis les années 80, le nombre d’échouages de petits cétacés sur les côtes du golfe de Gascogne a fortement augmenté depuis 2016 atteignant des niveaux jamais observés en 40 ans. Ces pics d’échouages surviennent majoritairement en hiver (décembre à mars).</p>
<iframe title="Nombre de dauphins communs échoués en hiver (décembre à mars) sur le littoral de la Manche au Pays Basque, de 2000 à 2023" aria-label="Column Chart" id="datawrapper-chart-FTgio" src="https://datawrapper.dwcdn.net/FTgio/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="border: none;" width="100%" height="400" data-external="1"></iframe>
<p>La plupart des cétacés échoués morts sont des dauphins communs à bec court, <em>Delphinus delphis</em>. Ils présentent des traces de capture (lésions externes et internes causées par les engins de pêche, la manipulation des animaux à bord des bateaux et une mort d’origine traumatique) dans environ <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fmars.2021.617342/full">70 % des échouages et jusqu’à plus de 90 % lors de certains pics hivernaux</a>.</p>
<p>D’après les données récoltées par les observateurs scientifiques à bord des bateaux, les captures accidentelles de petits cétacés ont lieu avec plusieurs types d’engins, incluant des filets fixes calés au fond, mais aussi des chaluts pélagiques, c’est-à-dire tractés en pleine eau, et des chaluts de fond à grande ouverture verticale. Les individus capturés sont remontés morts, et sont rejetés à la mer par l’équipage (ce qui est exigé par la réglementation) ou se décrochent et tombent à l’eau au moment de la remontée de l’engin.</p>
<p>Le dauphin commun est l’espèce de petits cétacés la plus abondante dans l’Atlantique nord-est. Les indices d’abondance issus de campagnes de survols aériens ne concluent pas aujourd’hui à une diminution de la population en nombre d’individus, mais les connaissances sur l’état et la dynamique de cette population restent encore limitées. <a href="https://ices-library.figshare.com/articles/report/EU_request_on_mitigation_measures_to_reduce_bycatches_of_common_dolphin_Delphinus_delphis_in_the_Bay_of_Biscay_ICES_Subarea_8_/23515176">Les récents travaux du Conseil international pour l’exploitation de la mer</a> (CIEM), de la <a href="https://oap.ospar.org/en/ospar-assessments/quality-status-reports/qsr-2023/indicator-assessments/marine-mammal-bycatch/">convention OSPAR</a> et de la directive-cadre stratégie pour le milieu marin ont cependant conclu que le niveau actuel de captures n’est pas soutenable à long terme pour cette population. Ce diagnostic est corroboré par la <a href="https://theses.hal.science/tel-03957142/">baisse de l’âge des animaux échoués</a>, signalant une baisse de l’espérance de vie des dauphins.</p>
<p>Les accords de protection de la biodiversité signés par la France ainsi que plusieurs règlements et directives européennes, dont la politique commune de la pêche, imposent de prendre des mesures. Saisie par 26 ONG en 2019, la Commission européenne a ainsi entamé, dès 2020, une procédure d’infraction contre la France et l’Espagne pour inaction dans la réduction des captures de dauphins communs dans cette zone. Considérant comme insuffisantes les actions mises en œuvre au niveau national depuis, trois ONG françaises ont saisi le Conseil d’État début 2023.</p>
<h2>Des mesures insatisfaisantes</h2>
<p>Le 20 mars 2023, le <a href="https://www.conseil-etat.fr/actualites/captures-accidentelles-de-dauphins-et-marsouins-le-gouvernement-doit-agir-sous-6-mois-pour-garantir-leur-survie-dans-le-golfe-de-gascogne">Conseil a ordonné au gouvernement</a> de prendre des mesures, dans un délai de six mois, pour limiter les captures accidentelles de petits cétacés par les activités de pêche dans le golfe de Gascogne. Cette injonction a abouti à l’interdiction de pêche pour tous les bateaux de plus de 8 mètres équipés d’engins présentant des risques de capture de dauphins du 22 janvier au 20 février 2024, une période où la surmortalité est maximale selon la moyenne des pics d’échouages observés au cours des années récentes. Cette mesure devrait être reconduite en 2025 et 2026.</p>
<p>Le constat de risque de conséquences négatives, tant sociales que psychologiques ou économiques de cette mesure d’urgence pour les pêcheurs et l’ensemble des filières amont et aval (activités portuaires, criées, poissonneries, consommateurs…) est largement partagé, <a href="https://ices-library.figshare.com/articles/report/EU_request_on_mitigation_measures_to_reduce_bycatches_of_common_dolphin_Delphinus_delphis_in_the_Bay_of_Biscay_ICES_Subarea_8_/23515176">y compris par les scientifiques</a>.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>De plus, au vu des connaissances actuelles, <a href="https://ices-library.figshare.com/articles/report/EU_request_on_mitigation_measures_to_reduce_bycatches_of_common_dolphin_Delphinus_delphis_in_the_Bay_of_Biscay_ICES_Subarea_8_/23515176">cette mesure ne peut pas non plus être considérée comme suffisante</a> pour atteindre les objectifs de conservation de l’espèce. Son efficacité dépend notamment de facteurs difficilement prévisibles, tels que la présence effective des dauphins et de leurs proies dans les zones concernées lorsque la pêche est interdite. Cette mesure d’urgence n’apparaît donc pas comme une solution satisfaisante, et impose de réfléchir à la mise en place de mesures alternatives, qui permettraient d’assurer à long terme l’équilibre socio-économique de la pêche et la viabilité des populations de cétacés dans le golfe de Gascogne. Mais l’élaboration de solutions efficaces nécessite de mieux comprendre les circonstances des captures : quelles pratiques de pêche les favorisent ? Quels changements dans le comportement des dauphins ou les processus écologiques et halieutiques ont entraîné l’augmentation des captures accidentelles depuis 2016 ?</p>
<p>Ces questions écologiques et techniques ont motivé le développement de différents projets de recherche, dont le plus vaste est le <a href="https://delmoges.recherche.univ-lr.fr/">projet de recherche Delmoges</a> (2022-2025), porté par La Rochelle Université, le CNRS et l’Ifremer en partenariat avec l’Université de Bretagne occidentale (UBO) et le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM). Les survols aériens confirment que la distribution des dauphins a changé, avec une présence côtière plus importante. Les dauphins communs sont ainsi plus présents dans la partie interne du plateau continental où se concentrent les activités de pêche. Ils seraient alors exposés à une pression de pêche plus importante et à un risque plus élevé de captures accidentelles. Dans Delmoges, une hypothèse étudiée pour expliquer ce changement est un lien possible avec la modification de leur « paysage alimentaire ».</p>
<h2>Comprendre où vivent les proies des dauphins</h2>
<p>Une campagne scientifique a été réalisée en février 2023 dans le cadre de ce projet, afin de cartographier pour la première fois simultanément les dauphins communs et leurs proies préférentielles (petits poissons pélagiques, c’est-à-dire nageant en bancs en pleine eau : anchois, sardines, etc.) en hiver, lors du pic d’échouages. Des survols aériens et une campagne à la mer avec le drone de surface DriX menés dans la zone centrale du golfe de Gascogne ont confirmé que les dauphins et leurs proies étaient distribués majoritairement près des côtes en hiver, au-dessus de fonds inférieurs à 100 m.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/577099/original/file-20240221-16-duvqqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/577099/original/file-20240221-16-duvqqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/577099/original/file-20240221-16-duvqqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=848&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/577099/original/file-20240221-16-duvqqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=848&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/577099/original/file-20240221-16-duvqqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=848&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/577099/original/file-20240221-16-duvqqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/577099/original/file-20240221-16-duvqqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/577099/original/file-20240221-16-duvqqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Carte de l’abondance des dauphins communs (ronds bleus) et de leurs proies (gradient de couleur). Campagne Delmoges février 2023. Crédit .</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ifremer, Mathieu Doray</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les scientifiques ont détecté pour la première fois la présence de bancs très étendus de petits poissons pélagiques, concentrés sous forme de couches denses très près du fond. À cette saison ces fortes concentrations de proies ne sont pas ciblées par les pêcheurs, qui pêchent surtout des espèces de fond telles que la sole et le merlu. Mais elles pourraient inciter les dauphins à plonger pour se nourrir très près du fond, dans la zone d’action des filets. Ces agrégations de proies proches du fond pourraient ainsi augmenter le risque de captures accidentelles de dauphins, mais les processus à fine échelle menant aux captures restent encore à identifier. L’évolution éventuelle du régime alimentaire des dauphins depuis vingt ans est également étudiée afin d’approfondir ces hypothèses.</p>
<p>Le projet Delmoges vise également à étudier l’évolution de la population à long terme, en cherchant en particulier à déterminer si les dauphins communs occupant le plateau continental du golfe de Gascogne constituent une population distincte de celle des dauphins occupant les eaux océaniques plus au large. Si tel était le cas, les captures accidentelles représenteraient alors un risque plus important pour la pérennité de cette population. D’autre part, les scientifiques de Delmoges évaluent l’état de santé des dauphins capturés, en mesurant notamment les contaminants dans leurs tissus.</p>
<p>Concernant les pratiques de pêche, les données disponibles ne permettent pas une compréhension fine des circonstances et engins causant le plus de captures accidentelles. En effet, la déclaration de ces captures, pourtant obligatoire, a été et reste largement insuffisante – une réticence des professionnels qui peut être pour partie liée à une peur de l’exposition publique et nominative de ceux qui déclareraient. Des programmes de caméras embarquées (<a href="https://professionnels.ofb.fr/fr/node/1624">projet OBSCAMe</a>) et d’observation en mer sont déployés à la place, à bord de navires volontaires, pour apporter des éléments de réponse statistique sur de possibles changements dans les pratiques et les efforts de pêche, et identifier l’importance relative de chaque pêcherie dans les mortalités totales. Restaurer la confiance, la coopération et la transparence de tous les acteurs apparaît aujourd’hui indispensable pour partager une compréhension commune des mécanismes conduisant à ces captures accidentelles et progresser vers l’identification de mesures à la fois plus ciblées et plus efficaces.</p>
<p>Parmi elles, les solutions techniques de signaux acoustiques (effaroucheurs, communément appelés « pingers », ou balises) sont privilégiées par les professionnels et explorées avec eux dans divers projets de recherche (projets LICADO, PIFIL, Dolphinfree en particulier, également en collaboration avec l’Université de Montpellier), pour être spécifiquement adaptées à la situation du golfe de Gascogne. Les défis technologiques sont nombreux, car il faut à la fois comprendre et reproduire la gamme des signaux acoustiques émis par les dauphins, limiter les temps d’émission acoustique au strict minimum pour éviter les phénomènes de pollution sonore et d’habituation, et encapsuler tout cela dans des dispositifs performants, à forte autonomie de charge, faciles d’utilisation par les pêcheurs et à coût acceptable. Des progrès importants ont été réalisés autour de tels dispositifs « intelligents », mais les tests en conditions réelles avec des pêcheurs doivent être poursuivis pour mesurer leur efficacité et optimiser leur utilisation.</p>
<p>Au sein du projet Delmoges, les progrès sur la compréhension du phénomène de capture, obtenus grâce à ces différents travaux, alimentent la réflexion sur des alternatives aux mesures d’urgence actuelles. La volonté du monde de la pêche est forte pour trouver des solutions lui permettant de réduire son impact sur les dauphins. La combinaison de diverses options telles que des interdictions de pêche temporaires ciblées, l’utilisation de balises acoustiques spécifiques aux dauphins, et des mesures incitatives expérimentées dans d’autres pêcheries à travers le monde est à l’étude pour élaborer des scénarios théoriques de réduction des captures accidentelles. Une évaluation de l’impact des différents scénarios est en cours, estimant leur effet attendu sur l’écosystème, mais aussi leurs conséquences économiques et sociales. Le but est de rechercher des compromis entre la conservation de la biodiversité et l’exploitation des ressources, acceptables tant par les professionnels de la mer que par la société.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été écrit avec l’aide de Matthieu Authier, Tiphaine Chouvelon, Olivier Van Canneyt, Marion Pillet, et Vincent Ridoux (La Rochelle Université) ; Manuel Bellanger, Germain Boussarie, Thomas Cloâtre, Mathieu Doray, Laurent Dubroca, Robin Faillettaz, Sophie Gourguet, Emilie Leblond, Yves Le Gall, et Sigrid Lehuta (Ifremer), Bastien Merigot (Université de Montpellier) ; Amélia Viricel (Université de Bretagne occidentale).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223890/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Le travail sur lequel se base cet article a été soutenu par le projet Delmoges, cofinancé par le Ministère de l'Ecologie, les Directions DGAMPA (Pêche et Aquaculture) et DEB (Biodiversité Aquatique) et l'Association du Secteur de la Pêche (FFP - France Filière Pêche).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Hélène Peltier a reçu des financements de du Ministère en charge de environnement (Direction de l'Eau et de la Biodiversité, DEB), de l'Office Français de la Biodiversité et de l'Union Européenne. Delmoges est un programme co-financé par la DEB, la DGAMPA (Direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture) et France Filière Pêche.
Elle a également été co-chair du "Workshop on mitigation measures to reduce bycatch of short-beaked common dolphins in the Bay of Biscay" du CIEM en 2022.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Spitz Jérôme a reçu des financements du Ministère en charge de environnement (Direction de l'Eau et de la Biodiversité, DEB), de l'Office Français de la Biodiversité et de l'Union Européenne. Delmoges est un programme co-financé par la DEB, la DGAMPA (Direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture) et France Filière Pêche.</span></em></p>Le nombre de dauphins retrouvés échoués sur les côtes du Golfe de Gascogne n’a jamais été aussi élevé. Comment éviter la catastrophe ?Clara Ulrich, Coordinatrice des expertises halieutiques, IfremerHélène Peltier, Conservation des prédateurs supérieurs marins, La Rochelle UniversitéJérôme Spitz, Ecologie et conservation des prédateurs marins, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Pierre PETITGAS, Adjoint Director, Marine Biological Resources and Environment, IfremerLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2213372024-01-29T15:49:07Z2024-01-29T15:49:07ZÀ la découverte de l’univers sensoriel des dauphins et de leurs trois « super-sens »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/571941/original/file-20240129-15-onehyv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C12%2C4265%2C2826&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les dauphins peuvent communiquer de manière très efficace.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/photographie-en-accelere-de-deux-dauphins-nageant-dans-la-mer-ZYPQDN_xSqk">Arielle Allouche / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Imaginez que vous êtes dans une pièce confortable avec votre chat. Vous êtes tous deux soumis au même espace, à la même température et au même éclairage. Néanmoins, alors que vous appréciez le décor, probablement le goût du chocolat chaud ou la programmation télévisuelle, le chat semble intrigué par autre chose. Peut-être est-il à la recherche des friandises que vous lui avez promises, ou bien veille-t-il à ce que personne ne s’introduise dans son coin détente, un vieux fauteuil près du chauffage. D’une certaine manière, même si vous évoluez dans le même environnement, vous et votre chat percevez différemment l’univers qui vous entoure.</p>
<p>En 1934, un scientifique allemand nommé Jakob von Uexküll s’est penché sur cette question et l’a définie comme l’« umwelt » (environnement en allemand). L’<a href="https://monoskop.org/images/1/1d/Uexkuell_Jakob_von_A_Stroll_Through_the_Worlds_of_Animals_and_Men_A_Picture_Book_of_Invisible_Worlds.pdf"><em>umwelt</em> est la perception qu’à chaque individu du monde dans lequel il vit</a>.</p>
<p>Mais alors comment les autres animaux perçoivent-ils leur environnement ? Je m’intéresse en particulier à ceux qui vivent au sein d’habitats drastiquement différents de ceux des humains, tels que les dauphins dans l’immensité de l’océan.</p>
<p>Mieux comprendre comment les autres animaux perçoivent leur environnement nous permet de mieux les protéger. Par exemple pour les dauphins, savoir comme ils perçoivent leur environnement permet de connaître l’impact du bruit sous-marin sur leur communication et prendre des mesures dans les aires marines protégées pour contrôler le bruit sous-marin.</p>
<p>Plongeons à la découverte des trois super-sens des dauphins, à savoir : la perception magnétique, la perception électrique et l’écholocalisation.</p>
<h2>La perception magnétique chez les dauphins</h2>
<p>La perception magnétique a été mise en évidence pour la première fois chez les dauphins en 1981 : des chercheurs américains ont trouvé des <a href="http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/7256282">fragments de magnétite étroitement liées à des connexions neuronales extraites du cerveau de quatre dauphins communs</a> échoués. À l’époque, les scientifiques ont été surpris par leur découverte et ont suggéré que cette <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Magn%C3%A9tite">magnétite</a> pouvait avoir une fonction sensorielle ou jouer un rôle dans la navigation.</p>
<p>En 1985, une autre équipe de chercheurs a découvert une <a href="https://journals.biologists.com/jeb/article/120/1/1/4953/Evidence-From-Strandings-for-Geomagnetic">relation entre les positions d’échouage des cétacés et le champ géomagnétique de la Terre</a> : plusieurs espèces de baleines et de dauphins ont en fait tendance à s’échouer dans des endroits où l’intensité magnétique est faible. Une hypothèse pour expliquer ce phénomène est que, si les cétacés utilisent le champ magnétique terrestre pour se repérer, les zones où l’intensité magnétique est plus faible augmenteraient les probabilités d’échouage, faute de repérages.</p>
<p>C’est en 2014, avec une équipe de scientifiques de l’Université de Rennes 1, que j’ai mené une étude comportementale qui nous a permis de montrer que les <a href="https://hal.science/hal-01134557">grands dauphins possèdent un sens magnétique</a>. Dans cette étude, nous avons testé la réponse spontanée de 6 dauphins captifs à la présentation de deux types d’appareils de même forme et densité : le premier dispositif contenait un bloc de néodyme (un métal) magnétiquement chargé tandis que le bloc du second était totalement démagnétisé.</p>
<p>Les dauphins s’approchaient beaucoup plus rapidement du dispositif lorsque celui-ci contenait un bloc de néodyme fortement magnétisé. Cela nous a permis de conclure que les dauphins sont capables de discriminer les deux stimuli sur la base de leurs propriétés magnétiques.</p>
<p>Ces données soutiennent l’hypothèse que les cétacés peuvent se repérer à l’aide du champ magnétique terrestre et que, par conséquent, quand ce champ est plus faible, les tendances à l’échouage sont plus importantes.</p>
<h2>La perception électrique</h2>
<p>Les poissons émettent de faibles champs électriques causés par le mouvement de leurs muscles et de leurs squelettes. Certains prédateurs, notamment dans des zones benthiques (au fond de l’océan) à visibilité réduite, sont capables de percevoir leurs proies via ces champs électriques. Une capacité partagée par diverses espèces aquatiques et semi-aquatiques.</p>
<p>Chez les dauphins, l’électroréception a été mise en évidence en 2012 pour la première fois. Les structures appelées <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rspb.2011.1127">« cryptes vibrissales glabres » du rostre des dauphins de Guyane (l’une des plus petites espèces) servent d’électro-récepteurs</a>. Dans cette étude, les chercheurs ont remarqué que les cryptes vibrissales possèdent une structure ampullaire bien innervée, rappelant les électro-récepteurs ampullaires d’autres espèces comme les elasmobranches (requins et raies), les lamproies, les poissons-spatule, les poissons-chats, certains amphibiens et chez les mammifères protères (par exemple les ornithorynques et les échidnés). Ces cryptes vibrissales marcheraient comme des récepteurs sensoriels capables de capter de petits champs électriques émis par les proies dans des environnements aquatiques.</p>
<p>La même étude a également trouvé des preuves comportementales de l’électroperception. Un dauphin de Guyane mâle a été entraîné à répondre à des stimuli électriques de l’ordre de grandeur de ceux générés par des poissons de taille petite à moyenne. Par exemple, un poisson rouge d’une longueur de 5-6 centimètres produit des champs électriques de 90 microvolts par centimètres, avec un pic d’énergie à 3 hertz. Des champs bioélectriques de 1 000 microvolts par centimètres ont été rapportés chez les limandes – une magnitude qui équivaut à un cent-millième de la charge électrique d’une ampoule électrique.</p>
<p>Le dauphin a été entraîné à placer sa tête dans un cerceau et à toucher une cible avec l’extrémité de son rostre. Il devait quitter le cerceau lorsqu’un stimulus était présenté, et devait rester dans le cerceau pendant au moins 12 secondes lorsqu’aucun stimulus n’était présenté.</p>
<p>Cette expérience a montré que les dauphins perçoivent des champs électriques faibles – une sensibilité comparable à celle des électrorécepteurs des ornithorynques. La première démonstration claire de l’électroréception chez l’ornithorynque a été réalisée à Canberra en 1985 par une équipe germano-australienne, qui a montré que les <a href="https://www.nature.com/articles/319401a0">ornithorynques recherchaient et attaquaient les batteries immergées et invisibles par ailleurs</a>.</p>
<p>En 2023, une équipe de chercheurs a trouvé des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/38035544/">seuils de détection similaires chez le grand dauphin</a>, en utilisant le même test comportemental.</p>
<p>On pense aujourd’hui que l’électroréception peut faciliter la détection des proies à courte distance et l’abattage ciblé des proies dans les fonds marins.</p>
<p>En outre, la capacité de détecter de faibles champs électriques pourrait permettre aux dauphins de percevoir le champ magnétique de la Terre grâce à une magnétoréception, qui leur permettrait peut-être de s’orienter à grande échelle.</p>
<h2>L’écholocalisation</h2>
<p>Le sens le plus étudié chez les dauphins reste l’<a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fevo.2016.00049/full">écholocalisation</a>.</p>
<p>Cette fois-ci, c’est un sens plus actif que pour la détection de champs électriques ou magnétiques. En effet, les dauphins produisent des séquences de clics avec leurs lèvres phoniques (situées dans l’évent, la narine située sur la tête des dauphins). Les clics produits sont très directionnels, vers l’avant. Lorsqu’ils touchent une surface, l’onde sonore revient et est perçue à travers la mâchoire inférieure du dauphin. Ainsi, les dauphins perçoivent extrêmement bien les ondes acoustiques, sans avoir d’oreilles externes et tout en conservant leur hydrodynamisme.</p>
<p>Grâce à ces informations, le dauphin peut non seulement connaître l’emplacement d’une cible, mais aussi déduire sa densité : un <a href="https://pubs.aip.org/asa/jasa/article-abstract/68/4/1077/625152/Long-range-target-detection-in-open-waters-by-an">dauphin peut distinguer à une distance de 75 mètres si une sphère d’un pouce (2,54 cm) de diamètre est faite d’acier solide ou remplie d’eau</a>.</p>
<h2>Les dauphins communiquent par des canaux qui nous sont inaccessibles</h2>
<p>Mais cette impressionnante capacité à « voir avec les oreilles » ne s’arrête pas là. En effet, les <a href="https://link.springer.com/article/10.3758/BF03199007">dauphins peuvent écouter les échos des clics produits par leurs congénères, une capacité appelée « eavesdropping »</a>, que l’on pourrait traduire par « écoute clandestine ». Ils peuvent ainsi « partager » ce qu’ils détectent avec les membres de leur groupe et coordonner leurs mouvements.</p>
<p>Dans le cadre de mes recherches, je me suis intéressée à la <a href="https://go.gale.com/ps/i.do?id=GALE%7CA491087577&sid=googleScholar&v=2.1">manière dont les dauphins utilisent leurs clics pour synchroniser leurs mouvements</a>. Pour ce faire, j’ai exploité une <a href="https://www.aquaticmammalsjournal.org/article/vol-43-iss-2-lopez-marulanda/">méthode d’enregistrement utilisant quatre hydrophones et une caméra à 360°</a>, qui permettent de savoir quel dauphin émet un son – ce qui était jusque là impossible car les dauphins n’ouvrent pas la gueule pour vocaliser.</p>
<p>J’ai pu montrer que <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0376635721000449">lorsque les dauphins sautent de manière synchronisée, dans un delphinarium, l’un des animaux produit les clics et les autres restent silencieux</a>. Dans notre expérience, l’animal qui produisait les clics était toujours la femelle la plus âgée.</p>
<p>La même chose se produira-t-elle dans la nature lorsque les dauphins pêchent en coordination ? Pour le vérifier, il faudrait utiliser la même méthode d’enregistrement audiovisuel à 360° dans l’océan. Cela impliquerait établir une base d’observation dans une zone d’alimentation à bonne visibilité, par exemple lorsque les dauphins pêchent autour des fermes aquicoles. La proximité régulière des dauphins permettrait d’enregistrer leur comportement de pêche en solitaire, et de mieux comprendre comment ils coopèrent et se coordonnent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221337/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Juliana López Marulanda est co-fondatrice de la Fondation Macuaticos Colombia pour la recherche et la conservations des cétacés en Colombie. </span></em></p>Plongeons à la découverte des trois super-sens des dauphins : la perception magnétique, la perception électrique et l’écholocalisation.Juliana López Marulanda, Enseignante chercheuse en éthologie, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2205652024-01-14T16:29:42Z2024-01-14T16:29:42ZLes dauphins ne peuvent pas boire l’eau dans laquelle ils nagent, alors comment s’hydratent-ils ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568916/original/file-20240111-29-z4hwam.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5954%2C3347&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour boire, les dauphins mangent des poissons.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/un-groupe-de-dauphins-nageant-au-dessus-dun-recif-corallien-hKURiUaSGsc">Oleksandr Sushko / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Pour tous les amoureux des animaux, le mois de septembre 2023 restera un mois noir. Sur les berges du lac Tefé, un affluent de l’Amazone au Brésil, 130 dauphins roses (<em>Inia geoffrensis</em>), 23 dauphins tucuxi (<em>Sotalia fluviatilis</em>), mais également des milliers de poissons ont été retrouvés sans vie.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/qvX1NvLDgGI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Brésil : plus de 120 dauphins roses retrouvés morts (France 24).</span></figcaption>
</figure>
<p>Selon les propos des membres de l’Institut Mamirauá, un centre de recherche en partie financé par le ministère brésilien des Sciences, <a href="https://www.leparisien.fr/environnement/rechauffement-climatique-102-dauphins-roses-retrouves-morts-dans-le-fleuve-amazone-trop-chaud-01-10-2023-WDNWGDQWOJDMHCRV7WSDEKHQCM.php">recueillis par le <em>Parisien</em></a> : </p>
<blockquote>
<p>« Il est encore tôt pour déterminer la cause de cet événement extrême, mais selon nos experts, il est certainement lié à la période de sécheresse et aux températures élevées du lac Tefé, dont certains points dépassent les 39 °C. »</p>
</blockquote>
<p>Et si ces dauphins, véritables icônes de la faune brésilienne, étaient morts de soif ? Cela semble improbable, me diriez-vous, puisqu’ils ont accès à de l’eau en abondance. Mais, savez-vous comment les dauphins s’hydratent ? Boivent-ils réellement l’eau dans laquelle ils vivent ? La réponse est non, voyons donc comment ils maintiennent un niveau d’hydratation correcte.</p>
<h2>Les dauphins vivant dans les océans ne boivent pas l’eau de mer</h2>
<p>Pour les dauphins d’eau douce, c’est encore un mystère puisqu’aucune étude scientifique ne s’est, à l’heure actuelle, intéressée à la question. En revanche, nous possédons des informations précieuses sur la manière dont les dauphins vivant dans les océans s’hydratent.</p>
<p>Contrairement à ce que nous pourrions penser, les dauphins ne boivent pas l’eau salée dans laquelle ils vivent puisque pour eux, comme pour nous, un <a href="https://www.actiononsalt.org.uk/salthealth/">excès de sel peut être mortel</a>. <a href="https://doi.org/10.1242/jeb.245648">Dans notre étude récemment publiée</a> dans la revue scientifique <em>Journal of Experimental Biology</em>, nous avons confirmé que les dauphins ne boivent pas de l’eau de mer <a href="https://theconversation.com/torben-quand-les-poissons-ont-soif-est-ce-quils-boivent-de-leau-de-mer-141249">contrairement aux poissons osseux</a> (le thon, le hareng ou encore la sardine), aux tortues marines et aux oiseaux marins. En effet, boire de l’eau de mer nécessite de disposer d’un moyen de se débarrasser de l’excès de sel, et certains animaux marins disposent pour ce faire d’organes appelés <a href="https://doi.org/10.1007/978-3-662-00989-5_25">glandes à sels</a>.</p>
<p>Les dauphins en sont dépourvus, et leurs reins ne sont pas capables d’éliminer une quantité trop importante de sels. Mais alors, comment s’hydratent-ils ? Les dauphins ne boivent pas « volontairement » comme nous pourrions l’imaginer, ils s’hydratent de manière indirecte grâce à l’eau contenue au sein de leurs proies (entre 70 et 85 % de la masse totale chez les poissons) et de l’eau produite au niveau des mitochondries, des organites situés dans les cellules, qui produisent de l’eau, appelée eau métabolique, issue de la dégradation des molécules organiques ingérées par l’animal (glucides, protéines, lipides).</p>
<p>La question de l’hydratation chez les dauphins agitait l’esprit des scientifiques depuis près d’un siècle. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/5452073/">Les premières études physiologiques</a> réalisées au milieu du vingtième siècle avaient montré qu’ils ne buvaient pas, mais les expériences se basaient uniquement sur des dauphins à jeun et donc privé d’une source d’eau : la nourriture.</p>
<p>Aujourd’hui, c’est l’eau des proies et l’eau métabolique qui sont considérées comme les <a href="https://doi.org/10.1007/s00227-019-3567-4">deux principales sources d’eau chez les dauphins</a>, mais leurs contributions respectives restent inconnues, en particulier chez les animaux nourris. Pour déterminer la proportion respective d’eau provenant des proies, de l’eau métabolique et de l’eau salée environnante chez les Odontocètes (les cétacés à dents tels que les dauphins, les orques ou encore les cachalots en opposition aux Mysticètes, les baleines à fanons), nous avons analysé la composition isotopique de l’oxygène (<sup>18</sup>O et <sup>16</sup>O, tous deux des atomes d’oxygène, mais dont la masse diffère par leur nombre de neutrons au sein de leur noyau) de l’eau contenue dans leur corps afin de déterminer son origine.</p>
<h2>Les isotopes de l’oxygène comme traceurs des sources d’eau</h2>
<p>Pour cela nous avons mesuré la composition isotopique de l’oxygène de l’eau contenue dans le plasma sanguin et de l’urine de quatre orques, <em>Orcinus orca</em>, et de neuf grands dauphins, <em>Tursiops truncatus</em>, nés et élevés en structure zoologique. Ces valeurs ont été comparées à celle de l’eau contenue dans leurs proies et celle de l’eau environnante (eau du bassin dans lequel ils vivent) et ceci pendant un an et à intervalles réguliers.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/568904/original/file-20240111-29-3katfh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568904/original/file-20240111-29-3katfh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568904/original/file-20240111-29-3katfh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568904/original/file-20240111-29-3katfh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568904/original/file-20240111-29-3katfh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568904/original/file-20240111-29-3katfh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568904/original/file-20240111-29-3katfh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Prise de sang sur un grand dauphin, Tursiops truncatus.</span>
<span class="attribution"><span class="source">R.Amiot au Zoo Marineland</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Puis dans un second temps, ces données ont servi à alimenter un modèle mathématique permettant de prédire les contributions des différentes sources d’eau des cétacés.</p>
<p>Les résultats isotopiques obtenus et ceux de la modélisation indiquent que l’eau des proies constitue la source principale d’apport d’eau chez les orques et les grands dauphins (61–67 % des apports totaux), suivie par l’eau métabolique (28–35 % des apports totaux). La production d’eau métabolique étant <a href="https://doi.org/10.1139/y71-007">significativement plus élevée</a> chez les orques dont le régime alimentaire est plus riche en lipides. Le reste étant de l’eau de mer environnante ingérée accidentellement et de la vapeur d’eau inhalée lors de la respiration.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/568906/original/file-20240111-19-xc1crt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/568906/original/file-20240111-19-xc1crt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568906/original/file-20240111-19-xc1crt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=294&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568906/original/file-20240111-19-xc1crt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=294&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568906/original/file-20240111-19-xc1crt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=294&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568906/original/file-20240111-19-xc1crt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=369&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568906/original/file-20240111-19-xc1crt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=369&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568906/original/file-20240111-19-xc1crt.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=369&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Contributions relatives de chacune des sources d’eau chez les orques et les grands dauphins.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nicolas Séon</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Nos recherches apportent de nouvelles informations sur la physiologie des cétacés, avec des implications majeures concernant les problématiques de conservation concernant ces organismes. En raison du fait que ces animaux tirent de leur nourriture l’eau permettant de les maintenir hydratés, la surpêche dans certaines régions du monde et le réchauffement climatique actuel qui affecte la distribution des proies des cétacés s’affichent comme des défis majeurs pour la préservation de la biodiversité marine.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été coécrit par Isabelle Brasseur, Responsable Éducation – Recherche et Conservation à Marineland Côte d’Azur</em>.</p>
<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-18-CE31-0020">OXYMORE</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’ANR.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220565/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Séon, Peggy Vincent et Romain Amiot ont reçu des financements du CNRS sous le projet ANR OXYMORE. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Peggy Vincent et Romain Amiot ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Qu’ils vivent dans l’eau douce ou salée, les dauphins ne peuvent pas directement boire pour s’hydrater, mais se servent de leur nourriture.Nicolas Séon, Docteur en paléontologie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Peggy Vincent, Chercheuse CNRS en paléontologie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Romain Amiot, Chargé de Recherche, Université Claude Bernard Lyon 1Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2018442023-03-27T13:52:28Z2023-03-27T13:52:28ZLes drones sont utiles pour les scientifiques, mais dérangent les baleines<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/517699/original/file-20230327-18-9m6ntj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C7111%2C4000&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les drones ont changé la façon dont les scientifiques étudient les baleines et les dauphins. Pour le meilleur et pour le pire.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les drones ont changé la façon dont les scientifiques étudient les baleines et les dauphins. Auparavant limités aux ponts des bateaux et aux plates-formes d’observation, nous ne pouvions qu’apercevoir le dos des animaux qui remontaient à la surface. Le fait d’avoir une vue aérienne des baleines et des dauphins nous en a déjà appris beaucoup sur leur <a href="https://doi.org/10.1002/ecs2.1468">physiologie</a> et leurs <a href="https://doi.org/10.3389/fmars.2018.00319">comportements</a>.</p>
<p>Le recours aux drones dans la recherche marine comprend toutefois un aspect négatif.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><strong>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/fleuve-saint-laurent-116908">Le Saint-Laurent en profondeur</a></strong></p>
<p><br><em>Ne manquez pas les nouveaux articles sur ce fleuve mythique, d’une remarquable beauté. Nos experts se penchent sur sa faune, sa flore, son histoire et les enjeux auxquels il fait face. Cette série vous est proposée par La Conversation.</em></p>
<hr>
<p>Mes recherches doctorales portent sur le comportement des bélugas dans l’estuaire du Saint-Laurent. J’ai des centaines d’heures à mon actif comme pilote de drone, à survoler ces étonnants animaux en voie de disparition. Pour ma recherche doctorale à l’Université de Windsor, j’utilise des images de bélugas prises par des drones pour mieux cerner leurs comportements et leur structure sociale, notamment les différences entre mâles et femelles.</p>
<h2>Observation des comportements</h2>
<p>En menant mes recherches avec des drones, j’ai rapidement remarqué que ceux-ci paraissaient déranger les bélugas. D’autres collègues ont observé qu’il arrivait que la plupart des animaux qui se trouvaient sous un drone plongeaient soudainement, avec beaucoup d’éclaboussures. Ces réactions semblaient particulièrement fréquentes lorsque le drone volait à basse altitude, à environ 20 mètres au-dessus de l’eau.</p>
<p>Nous craignions que cette perturbation n’affecte notre capacité à étudier les baleines et, pire encore, qu’elle n’ait un impact sur ces mammifères.</p>
<p>Nous avons entrepris une étude de nos observations dont les résultats ont été publiés dans la revue <a href="https://doi.org/10.1111/mms.12997"><em>Marine Mammal Science</em></a>. Nous avons examiné si une série de variables relatives au pilotage du drone avait une incidence sur la probabilité que les bélugas réagissent au drone.</p>
<p>Nous avons prédit que les réactions au drone augmenteraient à faible altitude, lorsque la vitesse du drone est élevée (ce qui augmente le bruit des rotors), lorsque le drone s’approche des baleines de face, lorsque la vitesse du vent est faible (ce qui rend le bruit plus audible) et lors du premier vol de la journée.</p>
<p>Nous avons également examiné les variables relatives aux baleines observées et avons prédit que les perturbations causées par les drones augmenteraient lorsque les baleines sont en petits groupes, que des baleineaux sont présents et quand elles se reposent.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/CjA88j-udD7","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<h2>Altitude des drones</h2>
<p>Nous avons constaté que les plongées soudaines sont relativement rares, ne se produisant que pour environ 4 % des observations. Cependant, leur fréquence semble augmenter lorsque le drone vole à basse altitude. Les plongées soudaines sont particulièrement fréquentes lorsque le drone se trouve à moins de 23 mètres d’altitude. Cette observation est logique, le drone étant beaucoup plus visible lorsqu’il vole directement au-dessus de nos têtes que s’il est à 100 mètres d’altitude.</p>
<p>Nous avons également constaté que les plongées soudaines paraissent plus fréquentes lorsque les drones survolent de grands groupes. Nous ne nous y attendions pas, car des études antérieures sur les dauphins avaient indiqué que les <a href="https://doi.org/10.3389/fmars.2018.00316">petits groupes étaient plus facilement dérangés</a>.</p>
<p>Cependant, une <a href="https://doi.org/10.1002/aqc.3440">étude récente sur l’impact des drones sur les dauphins à gros nez</a> a révélé la même tendance à une hausse des perturbations en fonction de la taille du groupe. Les auteurs ont suggéré que c’était dû à l’effet « yeux multiples » (many eyes), les grands groupes étant plus vigilants parce qu’il y a davantage d’animaux à l’affût des menaces.</p>
<p>Nous avons également constaté que les plongées soudaines se produisent souvent lorsque le drone s’approche pour la première fois des baleines. Cela laisse supposer que les baleines sont davantage effrayées par le premier passage d’un drone.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/517698/original/file-20230327-1159-excadb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/517698/original/file-20230327-1159-excadb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/517698/original/file-20230327-1159-excadb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/517698/original/file-20230327-1159-excadb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/517698/original/file-20230327-1159-excadb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/517698/original/file-20230327-1159-excadb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/517698/original/file-20230327-1159-excadb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les drones ont permis aux scientifiques d’en savoir plus sur les mammifères marins.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Jaclyn Aubin / GREMM)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Effet de l’observateur</h2>
<p>Nous avons également effectué une recension de la littérature sur les incidences de l’altitude des drones sur d’autres espèces de baleines et de dauphins. Nous avons constaté que les perturbations causées par les drones se produisaient rarement lorsque celui-ci volait à plus de 30 mètres d’altitude.</p>
<p>Il est intéressant de noter que les effets dérangeants des drones étaient davantage signalés lorsque les auteurs incluaient des <a href="https://doi.org/10.1002/wsb.1240">descriptions détaillées de la manière dont ceux-ci étaient évalués et mesurés</a>, ce qui laisse penser que ces perturbations peuvent passer inaperçues lorsque les scientifiques ne s’y attardent pas.</p>
<p>Nous avons également observé que la plupart des études sur l’incidence des drones sur les baleines et les dauphins avaient eu recours à de petits drones (moins de cinq kilogrammes), beaucoup plus discrets que les grands modèles de drones de plus de 10 kilogrammes dont on se sert souvent dans les programmes de recherche modernes.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/pvLJGl8hkeg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Images prises par drone de bélugas pourchassant un poisson.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Recommandations</h2>
<p>Nos résultats nous ont amenés à formuler sept recommandations pour les études futures menées avec des drones sur les baleines et les dauphins :</p>
<ol>
<li><p>L’observation de bélugas par drone devrait se faire à une altitude d’au moins 25 mètres.</p></li>
<li><p>Les scientifiques qui utilisent des drones pour étudier les baleines et les dauphins devraient évaluer les bienfaits pour l’environnement des vols à basse altitude en comparaison avec les perturbations qu’ils peuvent causer.</p></li>
<li><p>Les pilotes devraient être particulièrement prudents lorsque leur drone survole un grand groupe.</p></li>
<li><p>Les pilotes devraient être particulièrement prudents lors de la première approche d’un groupe.</p></li>
<li><p>Les pilotes qui utilisent des drones de grande taille (plus de 10 kilogrammes) devraient être très attentifs aux perturbations qu’ils peuvent causer et devraient rapporter les effets des drones de grande taille sur les baleines et les dauphins.</p></li>
<li><p>Les futures études sur les drones devraient indiquer clairement les comportements perturbateurs observés.</p></li>
<li><p>Par mesure de précaution, les pilotes de drones devraient éviter les accélérations soudaines, ne pas s’approcher des animaux de face et être particulièrement prudents par vent faible.</p></li>
</ol>
<p>En limitant les perturbations causées par la recherche sur les baleines et les dauphins, nous pouvons contribuer à la protection de ces animaux étonnants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201844/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jaclyn Aubin reçoit des fonds du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.</span></em></p>Les drones sont une nouvelle technologie qui permet aux chercheurs d’observer et d’enregistrer le comportement des baleines à distance. Mais si les drones volent trop bas, ils modifient le comportement des baleines.Jaclyn A. Aubin, PhD candidate, Integrative Biology, University of WindsorLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2009842023-03-02T11:27:01Z2023-03-02T11:27:01ZDe l’étrange à l’intime, comment notre perception des animaux marins s’est transformée<p><em>Nous vous proposons de découvrir un extrait de l’ouvrage de l’anthropologue Hélène Artaud (Muséum national d’histoire naturelle), <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/immersion-9782359252361">« Immersion », paru le 23 février 2023 aux éditions La Découverte</a>. L’autrice y explore les rapports profondément différents que les sociétés de l’Atlantique et du Pacifique ont entretenus avec la mer. Et comment la rencontre de ces deux mondes a bouleversé les représentations occidentales des espaces maritimes. Dans le passage choisi ci-dessous, elle revient sur les changements qui se sont opérés au siècle dernier dans la perception de la faune océanique.</em></p>
<hr>
<p>La reconnaissance d’une sensibilité animale apparaît avec une acuité sans précédent au tournant du XX<sup>e</sup> siècle ; elle se double d’un enjeu éthique, d’une responsabilité à l’égard d’existants désormais perçus comme des sujets. </p>
<p>Si l’urgence à changer en profondeur notre relation aux espèces marines pouvait être signalée dans les récits d’observateurs avant le XX<sup>e</sup> siècle – comme dans cette remarque de Jules Michelet qui s’émeut du traitement infligé à certaines espèces marines et réclame <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782070374700-la-mer-jules-michelet/">« la paix pour la baleine franche ; la paix pour le dugong, le morse, le lamantin »</a> –, l’expression d’une émotion nouvelle se fait plus massive et radicale au tournant des années 1970.</p>
<p>Une forme de <em>biophilie</em> gagne l’espace océanique où un <a href="https://www.hup.harvard.edu/catalog.php?isbn=9780674074422">« profond changement dans la perception des animaux » est à l’œuvre</a>. Avec l’émergence du cinéma documentaire et d’un tourisme maritime orientés vers la faune sauvage, les sentiments d’hostilité <a href="https://www.publish.csiro.au/mf/pdf/MF10142">qu’éveillaient jusqu’alors les espèces marines s’émoussent</a>. La visualisation des profondeurs océaniques n’est pas étrangère à ce bouleversement. </p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/a-plus-de-1-000-metres-sous-leau-des-observatoires-pour-etudier-la-richesse-de-locean-profond-147036">À plus de 1 000 mètres sous l’eau, des observatoires pour étudier la richesse de l’océan profond</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>L’exploration des fonds sous-marins ouvre la possibilité d’une rencontre avec des existants dont les comportements et les aptitudes désormais visibles tranchent <a href="https://www.annualreviews.org/doi/abs/10.1146/annurev.an.10.100181.001423">avec la menace et l’anonymat qu’ils incarnaient jusque-là</a>. Plutôt que l’étrangeté, c’est bien au contraire l’identification avec certains d’entre eux qui semble alors s’imposer. Des caractéristiques morphologiques propres à la mégafaune marine facilitent sans doute un tel basculement. </p>
<p>Par le support de projection anthropomorphique privilégié qu’elles autorisent dans un monde qui continue par ailleurs de présenter une tonalité d’altérité et d’opacité fondamentales, les baleines ou les dauphins apparaissent comme des partenaires privilégiés. Leur regard, « exagérément humain », fait partie des éléments les plus remarquables. L’anecdote que mobilise Lévi-Strauss, qui rapporte <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782259002110-la-pensee-sauvage-claude-levi-strauss/">dans <em>La Pensée sauvage</em></a> le récit de Hediger, directeur des jardins zoologiques de Zurich, en est un bon exemple. Ce dernier décrit « son premier tête-à-tête […] avec un dauphin » en revenant à de nombreuses reprises sur le regard « pétillant » de l’animal dont l’intensité avait troublé le narrateur au point de lui faire « se demander [s’il s’agissait] vraiment [d’]un animal ». </p>
<p>L’importance du regard dans la rencontre interspécifique est souvent mentionnée. Dans l’évènement que le militant écologiste Paul Watson <a href="https://link.springer.com/book/10.1057/9781137473783">qualifie de décisif pour son engagement « combatif » en faveur des baleines</a>, l’intentionnalité qu’il impute à l’animal rencontré lors d’une campagne menée contre les baleiniers soviétiques en 1975 se révèle là encore par ce biais. </p>
<blockquote>
<p>« Alors qu’il se glissait à nouveau dans l’eau, se noyant dans son propre sang, j’ai regardé dans ses yeux et j’ai vu de la reconnaissance. De l’empathie. Ce que j’ai vu dans ses yeux lorsqu’il m’a regardé allait changer ma vie pour toujours. Il a sauvé ma vie et j’ai voulu lui rendre la pareille. »</p>
</blockquote>
<p>Le « tournant affectif » ciblant les espèces marines semble submerger de façon si globale la société civile que les politiques de conservation envisagent sérieusement les conséquences favorables que pourrait avoir sur la biodiversité l’utilisation de ces viviers émotionnels, et élaborent en conséquence des catégories spécifiques, notamment <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S027249440700076X">celles d’espèces « phares ou emblématiques »</a>, supposées capter l’adhésion sensible du public. Ces icônes visibles de la conservation sont « des espèces populaires et charismatiques qui servent comme symboles et points de ralliement pour stimuler la sensibilisation et l’action en matière de conservation ». </p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-voyages-du-tatou-dans-les-sciences-et-par-les-mers-180603">Les voyages du tatou dans les sciences et par les mers</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>L’importance croissante que revêt la dimension affective dans le cadre écologique ne concerne pas seulement un public à sensibiliser et éduquer. <a href="https://www.jstor.org/stable/26380571">Elle cible aussi les scientifiques</a>. Si le récit de la rencontre avec le dauphin se concluait dans les années 1955 – date de l’ouvrage de Hediger dans lequel Lévi-Strauss a puisé cette anecdote – par cette sentence : « Hélas, le cerveau du zoologiste ne pouvait [dépasser] la certitude glacée, presque douloureuse en cette circonstance, qu’en termes scientifiques il n’y avait rien là que <em>Tursiops truncatus</em>… », émotion, affects et régime de scientificité semblent en revanche se rejoindre de <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782259002110-la-pensee-sauvage-claude-levi-strauss/">façon moins problématique quelques années plus tard</a>. </p>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2009-1-page-11.htm">Gérard Collomb en donne un exemple éloquent</a> en indiquant que les mesures toutes particulières de conservation et l’interdiction de prélever des tortues en Guyane ont, en partie, pour origine des principes émotionnels. À la fin des années 1960, alors que l’on ne disposait pas encore de données quantifiées susceptibles de confirmer un déclin des populations de tortues marines, c’est dans ce sillon émotionnel, encore inavouable, que s’inscrivait la démarche du biologiste Peter Pritchard, pionnier de l’étude et de la conservation des tortues marines. Visitant les plages vierges de la Guyane, il écrivait avoir « trouvé […] la plage jonchée des carcasses et des crânes de pas moins de quatre espèces de tortues marines » et il s’exclamait : « J’ai été horrifié par ce massacre et j’ai fait un rapport à plusieurs personnes, y compris à plusieurs fonctionnaires du gouvernement. » </p>
<p>Collomb commente :</p>
<blockquote>
<p>« Cette dimension sensible (<em>I was horrified by the slaughter</em>) représentera jusqu’à aujourd’hui, dans le rapport que l’on entretient avec cet animal hors du commun, une constante que l’on retrouve à l’arrière-plan de nombre de professions de foi conservationnistes. »</p>
</blockquote>
<p>La déferlante affective va profondément renouveler les principes et méthodologies scientifiques dans le sens d’un rapprochement corporel inédit avec l’animal aquatique. Le géographe Jamie Lorimer qualifie d’« épiphanie interspécifique » la façon dont le scientifique va prendre part de façon affective et empathique, mais également corporelle et sensitive, au monde de l’espèce qu’il rencontre, en se « re-territorialisant ». Ce renversement est sans précédent dans « la pratique de l’histoire naturelle […] qui consiste à s’adapter ou à “apprendre à être affecté” (Hinchliffe <em>et al</em>, 2005 ; Latour, 2004) par l’organisme ciblé, ou même à “devenir animal” (Deleuze et Guattari, 1987) ». </p>
<p>L’idée que le scientifique puisse non seulement éprouver de l’empathie pour son objet d’étude, mais être de façon sensorielle et subjective impliqué dans le processus expérimental revient en force dans la littérature scientifique de ces dernières années. C’est sur cette dimension intime de l’histoire scientifique que s’interrogent Véronique Servais, James Latimer et Mara Miele ou Vinciane Despret. Revenant sur l’implication corporelle corrélée à ce principe empathique, cette dernière évoque un aspect souvent négligé de cette dimension sensible qui lie le scientifique à son sujet d’étude. Elle prend à rebours l’idée selon laquelle la démarche scientifique et la qualité de l’expérimentation dépendraient de la capacité de l’observateur à se mettre en retrait, à réduire au mieux les éléments subjectifs susceptibles d’interférer dans les observations. </p>
<p>Elle choisit au contraire de porter la lumière sur les transformations et ajustements constants <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0263276413496852">qu’opère le corps du scientifique pour rencontrer l’animal</a>. Comprendre son environnement sensible, son <em>Umwelt</em>, implique de transformer d’abord son corps. Despret raconte que des éthologues, « pour s’engager avec les animaux qu’ils étudiaient », soumettent « leur corps à un processus qui prend la forme d’une expérience transformatrice ». Elle constate que cette métamorphose est facilitée lorsque le monde sensoriel de l’espèce est proche de celui de l’homme. Plus les <em>affordances</em> sont partagées, plus le basculement d’un monde vers l’autre est aisé. Elle explique « l’attrait largement partagé pour les oiseaux, les papillons et les fleurs au Royaume-Uni » par « les modes de communication intertaxa et intrataxon qu’ils partagent avec les humains. Sur certains “plans de cohérence” (Deleuze et Guattari, 1987), les humains, les oiseaux et les papillons sont organisés de manière similaire […] ceci explique la spontanéité avec laquelle ils ont fait l’objet de surveillance et de recherche de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1068/d71j">la part des historiens de la nature</a> ».</p>
<p>Si l’empathie s’avère donc possible et le rapprochement sensible facilité avec un animal dont les mondes sont apparentés, qu’en est-il des espèces marines ? </p>
<p><a href="https://read.dukeupress.edu/differences/article-abstract/23/3/161/97720/Sensational-Jellyfish-Aquarium-Affects-and-the">C’est la question que pose Eva Hayward</a> qui reconnaît que, « pour la mégafaune charismatique – chiens, chevaux, chats, dauphins – sur laquelle nous pouvons cartographier notre corps », une projection empathique est envisageable, mais s’interroge sur la possibilité de le faire avec « des organismes comme les méduses, le corail ou les poulpes, [dont] les différences corporelles écrasantes font de l’identification une politique d’effacement plutôt que d’empathie ». La tâche s’avère en effet plus complexe lorsque l’étrangeté anatomique déjoue toute analogie, ou lorsque l’éloignement organique et physique entre le monde du chercheur et celui de l’espèce est maximal <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1068/d71j">comme dans le cas</a> de « l’inaccessible écologie benthique ou l’anatomie microscopique et indistincte des nématodes des grands fonds ». </p>
<p>Or, force est de constater que même sur ces espèces <em>a priori</em> lointaines s’engage ces dernières années un renouveau sensible que l’anthropologue Stefan Helmreich a largement souligné en prenant l’exemple des microbes ou celui du corail, passé en l’espace d’un siècle à peine « d’os à chair » (<em>from bones to flesh</em>). </p>
<p>C’est à l’acte d’immersion que l’auteur attribue ce changement et le fait que le corail ait pris consistance et vie : il n’est plus simplement un idéal statique, mais une entité vivante. Il précise et corrèle à la pratique de l’immersion les raisons de ce bouleversement esthésique radical : </p>
<blockquote>
<p>« Là où Darwin et d’autres ont principalement rencontré des fragments de corail mort, et ont imaginé ces formes sculpturales et sépulcrales presque comme des artefacts archéologiques, les naturalistes du XX<sup>e</sup> siècle cherchent à immerger leurs corps et leurs yeux au milieu des communautés coralliennes. » </p>
</blockquote>
<p>Le corail n’est plus une métaphore abstraite, mais un sujet qui <em>prend corps</em> grâce à l’immersion. C’est l’immersion, nécessaire à l’observation et au prélèvement des cellules par les océanographes et biologistes marins, qui fait passer le corps du chercheur de la surface vers les profondeurs, d’un regard éloigné à un corps impliqué. Ce que l’auteur qualifie de « changement de paradigme » tiendrait donc à la possibilité, inédite pour le chercheur, de s’immerger, soit de se relier à des existants dont l’altérité emblématique s’estompe par paliers.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/connaissez-vous-les-coraux-deau-froide-144314">Connaissez-vous les coraux d’eau froide ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Le monde des biologistes marins subit, quoique de façon encore inégale, un bouleversement notable. Le basculement du regard « des mammifères et des poissons vers les microbes » révèle le passage d’une posture ontologique, caractérisée par une perspective de « surplomb de l’homme sur une nature distante » à une <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782070465873-par-dela-nature-et-culture-philippe-descola/">adhérence incarnée de l’homme dans le monde</a>. Cet attrait croissant pour les être immergés, jadis invisibles, indique quelque chose des mutations qui s’opèrent dans la perspective atlantique. </p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/513023/original/file-20230301-24-vlp4c8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/513023/original/file-20230301-24-vlp4c8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/513023/original/file-20230301-24-vlp4c8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=879&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/513023/original/file-20230301-24-vlp4c8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=879&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/513023/original/file-20230301-24-vlp4c8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=879&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/513023/original/file-20230301-24-vlp4c8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1104&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/513023/original/file-20230301-24-vlp4c8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1104&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/513023/original/file-20230301-24-vlp4c8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1104&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Paru le 23 février 2023.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.editionsladecouverte.fr/immersion-9782359252361">Éditions La Découverte</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="https://www.ucpress.edu/book/9780520250628/alien-ocean">C’est ce que relève Helmreich</a> quand il se demande si les baleines qui constituaient « les mascottes marines […] du XIX<sup>e</sup> siècle, [et le] dauphin [celle] du XX<sup>e</sup> siècle » ne seraient pas supplantés au XXI<sup>e</sup> siècle par les microbes et cherche à comprendre « comment la mer microbienne réorganise ou reconfigure les anciennes conceptions de l’océan […] en tant que région sauvage sublime ou en tant que frontière sociale, économique et scientifique ». Même dans ces mondes paradigmatiques de la nature sauvage se loge désormais une partie de l’humain. Même pour ce monde microbien sans visage, sans forme, sans regard, une tendance à l’empathie se manifeste, comme en témoigne le <a href="https://www.arkfrequencies.com/umwelt-microbiana/">travail des artistes Mick Lorusso et Joel Ong</a> qui proposent que, « par l’exposition à ce processus de recherche artistique, [leur] public puisse également adopter une responsabilité écologique/morale par une empathie et un respect partagé avec le monde microbien ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200984/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hélène Artaud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au tournant des années 1970, une forme de biophilie gagne l’espace océanique où un profond changement dans la perception des animaux est à l’œuvre.Hélène Artaud, Maître de conférences, en anthropologie sociale, UMR 208 Paloc, MNHN, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1812202022-05-13T13:29:54Z2022-05-13T13:29:54ZEntendez-vous les écureuils ? Découvrez ce qu'ils se racontent<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/458686/original/file-20220419-22-pjyexx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=35%2C14%2C4613%2C3099&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les cris de crécelle des écureuils peuvent être une façon d’annoncer leur présence.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Je suis une scientifique spécialiste du comportement des écureuils, et la question que l’on me pose le plus souvent est : « Comment les chasser de ma cour ? »</p>
<p>La vie d’un écureuil n’est pas aussi facile qu’on pourrait le croire. Ces animaux <a href="https://doi.org/10.1139/z95-133">sont relativement solitaires</a> et doivent surveiller leurs réserves de nourriture durement acquises pour survivre aux hivers rigoureux du Canada. Le comportement qui nous intéresse le plus, mes étudiants et moi, c’est la façon dont les écureuils utilisent les sons, ou ce que nous appelons la communication vocale, pour survivre à une réalité difficile.</p>
<h2>Des bêtes solitaires</h2>
<p>L’écureuil roux d’Amérique du Nord mène une vie plutôt solitaire. Il passe la plupart de ses journées dans un territoire de 50 à 100 mètres carrés, à la recherche de pommes de pin et d’autres aliments comme des baies et des champignons.</p>
<p>Les écureuils ramassent des pommes de pin tout au long de l’été et de l’automne, et les stockent dans un endroit appelé « cache ». Ils doivent travailler à protéger leur cache, car ce sont des animaux qui <a href="https://doi.org/10.1644/1545-1542(2005)086%3C0108:FPILRS%3E2.0.CO;2">se volent beaucoup entre eux</a>. En fait, un écureuil peut dérober jusqu’à 90 % de ses réserves à des individus du voisinage.</p>
<p>Ces petites bêtes font des allers-retours en transportant et en volant des pommes de pin qui leur permettront de survivre aux rudes hivers canadiens. Pendant qu’ils se déplacent, ils <a href="https://www.jstor.org/stable/4534898">émettent souvent un cri fort</a>, appelé cri de crécelle, auquel je m’intéresse. Mes étudiants et moi observons et enregistrons les écureuils pour comprendre le rôle de ces cris.</p>
<p>Par le passé, on présumait que ce cri servait à avertir les autres écureuils de ne pas entrer dans un territoire – que cela signifiait, en quelque sorte : si vous entrez, vous risquez de vous faire agresser par l’individu qui vit ici. Mes recherches ont permis de proposer une <a href="https://shannonmdigweed.weebly.com/squirrel-speak-and-pika-puns">vision légèrement différente de ce cri</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/IMOQv1QHxSQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Enregistrements de divers sons de l’écureuil roux.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Voisins et étrangers</h2>
<p>Il est possible que le cri avertisse effectivement les autres écureuils de rester à l’écart, mais <a href="https://doi.org/10.1093/czoolo/58.5.758">sa fonction première est d’identifier son auteur</a> auprès de ceux qui l’entendent. Lorsqu’un écureuil se déplace sur son territoire ou celui de ses voisins, il émet des cris de crécelle de façon intermittente. Ces appels annoncent <a href="https://www.jstor.org/stable/20799540">qui il est et où il se trouve</a>. Les écureuils connaissent ainsi la position de leurs voisins tout au long de la journée. Cette information peut contribuer à limiter les interactions agressives, les poursuites et les bagarres.</p>
<p>Ce cri peut également signaler aux voisins qui est plus susceptible de les voler et qui <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0003347217302828?via%3Dihub">constitue une menace</a>. Certains individus sont plus à risque de commettre des vols que d’autres.</p>
<p>En écologie comportementale, ce phénomène est appelé <a href="https://doi.org/10.1006/anbe.1994.1047">l’effet « cher ennemi »</a>. Il implique que pour conserver un territoire, il est utile de connaître la menace relative que représentent les voisins par rapport à celle que représentent les étrangers. En général, un voisin que l’animal connaît constitue une moins grande menace qu’un étranger.</p>
<p>Dans le cas de l’écureuil roux, il a été démontré que des voisins ne représentent <a href="https://doi.org/10.1016/j.anbehav.2017.08.024">pas tous le même degré de menace</a>. Par conséquent, reconnaître son voisin par son cri permet de savoir le risque qu’on court et de réagir de la bonne façon.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/457043/original/file-20220408-11-ggugy7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4684%2C3113&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="un jeune écureuil rouge porte une pomme de pin" src="https://images.theconversation.com/files/457043/original/file-20220408-11-ggugy7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4684%2C3113&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/457043/original/file-20220408-11-ggugy7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/457043/original/file-20220408-11-ggugy7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/457043/original/file-20220408-11-ggugy7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/457043/original/file-20220408-11-ggugy7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/457043/original/file-20220408-11-ggugy7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/457043/original/file-20220408-11-ggugy7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les écureuils mènent une vie solitaire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Cris sociaux</h2>
<p>Le fait de s’annoncer ou de s’identifier est un comportement vocal commun à de nombreux animaux. Plusieurs espèces de mammifères marins, comme les <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.0509918103">dauphins et les phoques</a>, émettent des cris qui contiennent des informations sur l’individu qui les lance. Ils permettent de reconnaître les compagnons sociaux et la progéniture.</p>
<p>Plusieurs espèces de primates fournissent aussi des informations sur leur identité par leurs cris. Là encore, cela sert souvent dans le cadre d’interactions sociales afin d’atténuer l’agressivité pendant la recherche de nourriture. C’est le cas entre autres chez les <a href="https://doi.org/10.1006/anbe.1998.1031">babouins</a> et les <a href="https://doi.org/10.1002/ajp.20398">capucins</a>. Il n’est donc pas surprenant qu’un animal comme l’écureuil roux utilise également des informations sur l’identité d’un voisin pour gérer les interactions complexes liées au territoire.</p>
<p>Mes étudiants et moi-même avons constaté que les écureuils produisent ces cris sur l’ensemble de leur territoire ainsi que sur celui de leurs proches voisins. En observant le moment et l’endroit où les écureuils émettent leur cri de crécelle, nous espérons pouvoir démontrer que ce signal sert à annoncer leur identité et le lieu où ils se trouvent, et pas seulement à chasser les autres de leur territoire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181220/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Shannon M. Digweed ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’écureuil roux d’Amérique du Nord émet toute une série de sons, mais son cri de crécelle distinctif sert peut-être davantage à s’identifier qu’à mettre en garde les autres écureuils.Shannon M. Digweed, Associate professor, Psychology and Biological Sciences, MacEwan UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1193452019-06-24T21:04:25Z2019-06-24T21:04:25ZLes femelles dauphins peuvent-elles avoir des orgasmes ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/280951/original/file-20190624-97772-g7qo6d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C10%2C3637%2C2408&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dauphin, la gueule ouverte.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/fbYOwksnZak">Darin Ashby / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’orgasme, une explosion, un spasme de plaisir qui envahit le corps. Nous savons déjà que, comme les humains, certains animaux peuvent ressentir du plaisir sexuel. D’ailleurs il existe des pratiques insoupçonnées chez ces derniers ! Par exemple, les chauves-souris roussettes s’adonnent fréquemment à la fellation. De même, les <a href="https://www.liberation.fr/futurs/2018/12/23/chez-les-singes-tous-les-coups-sont-dans-la-nature_1699504">bonobos ont une vie sexuelle intense</a>, ils adoptent toutes les positions, pratiquent la fellation, la masturbation, le baiser sur la bouche avec la langue.</p>
<p>Alors que le plaisir masculin chez les mammifères est largement étudié, le plaisir féminin, lui, a été souvent ignoré. Or, nous savons depuis longtemps que le <a href="https://www.fayard.fr/pluriel/le-singe-en-nous-9782818501191">plaisir féminin chez les mammifères existe</a> ! C’est le cas chez les bonobos : les femelles retroussent les lèvres dans un large sourire, poussant des cris aigus et excités tandis qu’elles frottent leurs clitoris l’un contre l’autre avec ardeur. La masturbation représente aussi chez les femelles bonobos une activité courante qui n’aurait aucun sens si elles n’en tiraient aucun avantage ou plaisir.</p>
<h2>Le clitoris n’existe pas que chez les femmes</h2>
<p><a href="https://odilefillod.wixsite.com/clitoris/anatomie">Le clitoris</a> est à l’origine du plaisir féminin et comme la verge, il subit des phénomènes d’érection et de durcissement lors de l’excitation sexuelle. Cet organe, similaire anatomiquement au sexe masculin, possède des corps caverneux avec une forte densité de vaisseaux sanguins permettant son érection, et est riche en terminaisons nerveuses responsables du plaisir.</p>
<p>Une <a href="https://plan.core-apps.com/eb2019/abstract/fc3c5a76-2dab-4997-af46-25f331877a19">équipe de chercheuses</a> s’est alors intéressée au plaisir féminin chez un mammifère marin : la femelle dauphin.</p>
<p>Les dauphins mâles sont déjà connus pour leurs <a href="https://www.sciencemag.org/news/2017/04/everything-you-always-wanted-know-about-dolphin-sex-were-afraid-ask">comportements sexuels débridés</a>. Ils ont été notamment aperçus pratiquant la masturbation sur des objets échoués au fond de l’eau ou ayant des relations homosexuelles. Certains vont jusqu’à violer leurs congénères. Qu’en est-il chez la femelle dauphin ? Peut-elle aussi prendre du plaisir sexuel ?</p>
<h2>L’anatomie intime du dauphin femelle passée aux rayons X</h2>
<p>Pour répondre à cette question, les deux chercheuses ont regardé pour la première fois l’appareil génital des femelles dauphins. Pour cela, elles ont étudié onze femelles retrouvées mortes sur des plages. Elles ont ensuite disséqué leur appareil génital et examiné la nature des tissus et leur morphologie grâce à un microscope avec des rayons X en 3D.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/280968/original/file-20190624-97762-xmro2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/280968/original/file-20190624-97762-xmro2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=599&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/280968/original/file-20190624-97762-xmro2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=599&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/280968/original/file-20190624-97762-xmro2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=599&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/280968/original/file-20190624-97762-xmro2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=752&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/280968/original/file-20190624-97762-xmro2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=752&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/280968/original/file-20190624-97762-xmro2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=752&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Reconstruction par ordinateur du clitoris du grand dauphin, dont la structure et la forme sont remarquablement similaires à celles du clitoris humain.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Dara Orbach, Mount Holyoke College</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les scientifiques ont montré que les femelles dauphins ont un clitoris large et développé, avec un réseau de nerfs dense qui suggère qu’une sensation de plaisir pourrait être ressentie lorsqu’il est stimulé. On y apprend, entre autres choses, que le clitoris du dauphin a une structure similaire à celui des femmes : il est composé de tissus érectiles avec une forte densité de vaisseaux sanguins.</p>
<p>Une différence existe néanmoins entre le clitoris des femelles dauphins et celui des femmes : alors que chez les femmes, le clitoris est en position externe de l’ouverture vaginale, chez les dauphins, le clitoris est placé à son entrée et donc en contact direct avec le pénis pendant la copulation. Le placement du clitoris près de l’ouverture vaginale indique qu’il est potentiellement facilement stimulé pendant la copulation, ce qui n’est pas le cas pour les femmes. Ainsi, les dauphins auraient un clitoris mieux placé que les femmes pour la copulation puisque directement stimulé par le pénis !</p>
<p>Restons tout de même prudents dans les conclusions. Alors que ces chercheuses ont montré que les dauphins possèdent un clitoris, aucune preuve n’a mis en évidence pour l’instant qu’il était impliqué dans le plaisir sexuel et l’orgasme. Pour cela, des études physiologiques de dauphins femelles restent nécessaires.</p>
<p>Pour conclure, cette étude suggère que le plaisir féminin n’est pas uniquement réservé à l’espèce humaine et à ses proches cousins (Bonobo par exemple et primates) et que d’autres mammifères possèdent un clitoris.</p>
<p>En termes d’évolution, cette étude pose plusieurs questions très intéressantes : quand le clitoris et/ou le plaisir féminin sont-ils apparus au cours de l’évolution ? Par exemple, les espèces pratiquant la pénétration pour la fécondation ont-elles un clitoris ou un organe similaire ? peuvent-ils avoir un orgasme ou ressentir du plaisir ? Certes, le rapport en lui-même n’a pas pour but de conduire à la jouissance, cependant, le plaisir a contribué au cours de l’évolution à maintenir l’acte sexuel. Ainsi qu’en est-il par exemple pour les oiseaux ou bien les requins qui tous ont un acte sexuel avec pénétration ?</p>
<p>Enfin, certaines espèces ont un clitoris plus ou moins proche du conduit vaginal ? Les scientifiques ont observé chez les mammifères à ovulation induite (ou provoquée) que le clitoris est positionné directement ou à proximité du vagin, ce qui permet à tout accouplement de déclencher un orgasme et donc une ovulation. Au contraire, chez les mammifères à ovulation spontanée c’est-à-dire que
l'orgasme n'est pas nécessaire pour le provoquer (comme chez la femme ou le bonobo), le clitoris s’est éloigné du vagin !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119345/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pauline Salis ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si le plaisir masculin a souvent été étudié chez les animaux mâles, ça n’a pas beaucoup été le cas chez les femelles. Pourtant, l’espèce humaine n’est pas la seule à ressentir du plaisir sexuel.Pauline Salis, Chercheur postdoctoral, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/817302017-09-14T20:42:19Z2017-09-14T20:42:19ZLes animaux sacrés, une espèce en voie de disparition ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/185130/original/file-20170907-9570-jl5pog.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Ours et hyène de la Grotte Chauvet. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Grotte_Chauvet#/media/File:20,000_Year_Old_Cave_Paintings_Hyena.png">Wikipedia</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Nuit Sciences et Lettres : « Les Origines », qui se tiendra le 7 juin 2019 à l’ENS, et dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez le programme complet <a href="http://www.nuit.ens.fr/">sur le site de l’événement</a>.</em></p>
<hr>
<p>Si l’on cherchait à dresser la liste des animaux sacrés, le présent article ne parviendrait pas à contenir la myriade de créatures qui peuplent depuis des siècles l’histoire de l’humanité. Et, plus on remonte dans le temps, plus les figures animales associées à une divinité semblent abonder. Chat, ibis ou chacal égyptiens ; ours, loup et aigle des contrées scandinaves et sibériennes ; chien, jaguar ou <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/pas-si-betes-la-chronique-du-monde-sonore-animal/la-blatte-de-madagascar">quetzal</a> méso-américains ; vache, éléphant ou cobra des civilisations hindouistes ; cerf, <a href="http://www.liberation.fr/ecrans/2009/06/24/zoom-testicules-de-tanuki_949298">tanuki</a>, macaque japonais, etc.</p>
<p>Si l’on définit les animaux sacrés comme des êtres qui participent à une vision magico-religieuse du monde et qui sont l’objet de vénération, de craintes et de superstitions, ils sont plus nombreux dans les religions polythéistes ou dans les <a href="https://www.scienceshumaines.com/l-animisme-est-il-une-religion-entretien-avec-philippe-descola_fr_15096.html">systèmes animistes</a> que dans les monothéismes qui ont façonné les sociétés occidentales et orientales. Le judaïsme, le christianisme et l’islam n’ont guère laissé de place à l’animal (même si des exceptions existent). Le dieu, unique et tout puissant, ne pouvait guère s’accommoder de la présence vaine d’un être vivant.</p>
<p>La longue durée, soit l’étude d’un phénomène culturel sur plusieurs siècles, est à l’historien ce que la longue vue est au marin. <a href="http://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1958_num_13_4_2781">Chère à Fernand Braudel</a>, elle a surtout été utilisée par les historiens médiévistes, notamment <a href="http://www.persee.fr/doc/hom_0439-4216_1988_num_28_108_369059">Robert Delort</a> et <a href="https://www.franceculture.fr/histoire/les-animaux-ont-aussi-leur-histoire">Michel Pastoureau</a>, deux pionniers de l’histoire animale, un domaine de recherche en pleine effervescence depuis quelques années. La longue durée permettra de poser ici quelques jalons de compréhension sur les relations anthropozoologiques.</p>
<p>Précisons d’emblée deux choses. D’une part, il y a souvent un écart entre les fonctions symboliques attribuées à un animal et les relations pratiques que l’homme entretient avec telle ou telle espèce. D’autre part, ce n’est pas parce qu’un animal est considéré comme sacré qu’il est pour autant protégé – à l’instar du chat dans l’Égypte des pharaons. Les animaux sacrés furent aussi sacrifiés et consommés. Pour éviter les écueils dus au maniement de catégories trop englobantes, on se limitera ici à trois cas : le poisson dans le monde chrétien, l’ours dans le monde germanique et le chien chez les Aztèques.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/185134/original/file-20170907-9585-11hgz2p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/185134/original/file-20170907-9585-11hgz2p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=365&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/185134/original/file-20170907-9585-11hgz2p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=365&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/185134/original/file-20170907-9585-11hgz2p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=365&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/185134/original/file-20170907-9585-11hgz2p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=459&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/185134/original/file-20170907-9585-11hgz2p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=459&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/185134/original/file-20170907-9585-11hgz2p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=459&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Poisson gravé sur une stèle dans les catacombes de la basilique de Domitille à Rome.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Le poisson, cette exception monothéiste</h2>
<p>Le poisson, exemple <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/faut-il-y-croire/faut-il-y-croire-01-avril-2017">bien connu</a>, fait figure d’exception au sein des monothéismes. Il était l’emblème de ralliement des premiers chrétiens à l’époque des persécutions, du I<sup>er</sup> au IV<sup>e</sup> siècle de notre ère. Représenté sous une forme extrêmement stylisée, on en trouve de nombreux graffitis dans les catacombes.</p>
<p>Selon saint Augustin, le mot grec <em>ichtus/ikhthús</em> est l’acronyme des initiales de « Jésus-Christ fils de Dieu, le Sauveur » (<em>Ιêsoûs Khristòs Theoû Uiòs Sôtếr</em>). Au début de notre ère, le symbole du poisson renvoyait en réalité à une grande variété d’espèces aquatiques, des petits pélagiques aux mammifères marins, tels les dauphins reproduits sur les mosaïques de la basilique de Saint-Vital à Ravenne.</p>
<p>Plus concrètement, le poisson est alors un aliment essentiel d’un régime méditerranéen peu carné. Chez les chrétiens, il est consommé au cours des repas sacrés, à commencer par la <a href="https://fr.Wikimedia.org/wiki/C%C3%A8ne#Institution_et_comm.C3.A9moration_de_l.27Eucharistie">Cène</a>. Le poisson est l’animal pur, qui évolue dans des eaux translucides, celles qui servent à baptiser les nouveaux fidèles. C’est l’animal dont la reproduction, mystérieuse, se fait sans coït, et donc sans péché. Dans la Bible, leur abondance permit à Pierre, Jacques et Jean, les futurs apôtres, de se livrer à des <a href="https://www.biblegateway.com/passage/?search=LUKE%205:1-11&version=LSG;BDS">« pêches miraculeuses »</a>, et finalement de se convertir.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/185135/original/file-20170907-9570-1rqswd3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/185135/original/file-20170907-9570-1rqswd3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=485&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/185135/original/file-20170907-9570-1rqswd3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=485&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/185135/original/file-20170907-9570-1rqswd3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=485&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/185135/original/file-20170907-9570-1rqswd3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=610&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/185135/original/file-20170907-9570-1rqswd3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=610&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/185135/original/file-20170907-9570-1rqswd3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=610&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">« La Pêche miraculeuse » peinte par Raphaël au XVIᵉ siècle.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File%3AV%26A_-_Raphael%2C_The_Miraculous_Draught_of_Fishes_(1515).jpg">Wikimédia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Sacré et consommé</h2>
<p>Sur le plan alimentaire, la consommation de poisson est autorisée par les pères de l’Église pendant les périodes de jeûne – les cent jours du carême – car la digestion de sa chair, aisée, n’entrave pas l’ascèse. Au Moyen Âge, les communautés monastiques constituent des stocks grâce à la création de viviers, inventant la pisciculture. Une première gestion de la ressource halieutique est alors en place.</p>
<p>Plus tard, la pêche massive de harengs fait la fortune des Hollandais qui en contrôlent la salaison, le conditionnement et le commerce. C’est grâce à sa commercialisation dans toute l’Europe qu’Amsterdam devient, au XVII<sup>e</sup> siècle, une ville-monde. Au XX<sup>e</sup> siècle, la pêche industrielle prend le relais avec une telle intensité que les réserves ne parviennent plus à se reconstituer.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/185137/original/file-20170907-9573-bnom0j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/185137/original/file-20170907-9573-bnom0j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=468&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/185137/original/file-20170907-9573-bnom0j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=468&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/185137/original/file-20170907-9573-bnom0j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=468&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/185137/original/file-20170907-9573-bnom0j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=588&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/185137/original/file-20170907-9573-bnom0j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=588&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/185137/original/file-20170907-9573-bnom0j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=588&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Flipper le dauphin, objet de sacralisation profane.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le poisson, vecteur de commerce avec le divin, devient, au fil du temps, un objet de commerce entre les hommes. L’emblème chrétien s’efface progressivement des mentalités : on a glissé du sacré au profane. Les poissons en chocolat de Pâques seraient les ultimes avatars de cette évolution. D’une certaine façon, l’amour actuel pour les dauphins et les baleines, popularisé à la télévision et au cinéma par <em>Flipper le dauphin</em> et <em>Sauvez Willy</em>, relève d’une nouvelle forme de sacralisation – profane et non plus divine – alors même que jusqu’au XX<sup>e</sup> siècle, les mammifères marins étaient considérés comme des monstres ou des « nuisibles » à exterminer.</p>
<h2>L’ours brun, ancien roi des animaux</h2>
<p>À l’opposé du poisson, l’ours brun, animal sacré pour de nombreuses populations païennes en Europe, a lui été la cible du christianisme triomphant. L’ours fut l’objet de cultes très anciens. Que l’on songe à l’art pariétal et à la place qu’occupe l’ours dans les peintures rupestres étudiées par le préhistorien <a href="http://archeologie.culture.fr/chauvet/fr/auteur/jean-clottes">Jean Clottes</a>, notamment à la <a href="http://archeologie.culture.fr/chauvet/fr/">grotte Chauvet</a>, où l’ours est le seul animal à être représenté de face. Très tôt, il fut associé à des rituels magico-religieux, comme en témoigne la statue de l’ours du site de Montespan (-20 000 ans), sans doute la plus ancienne représentation polymorphe de l’humanité.</p>
<p>Omniprésent chez les Celtes et les Grecs, dans les cosmogonies et les récits mythologiques, l’ours brillait jusque dans le ciel : les constellations de la Grande et de la Petite Ourse seraient le produit, par Zeus, des <a href="https://fr.Wikimedia.org/wiki/Callisto_(mythologie)">métamorphoses de Callisto et de son fils Arcas</a>. Dans les mondes germaniques et scandinaves, l’ours était divinisé. C’était le roi des animaux. Comme l’a bien montré <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/les-animaux-ont-aussi-leur-histoire">Michel Pastoureau</a> dans <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/l-ours-michel-pastoureau/9782020215428"><em>L’ours. Histoire d’un roi déchu</em></a>, il était célébré pour sa force, son courage et sa capacité de résistance au froid et à la faim.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"619786984978976768"}"></div></p>
<p>Les hommes cherchèrent alors à en capter les forces ou à attirer sa protection. Des griffes et des canines, mises au jour par l’archéologie, étaient portées en talisman par les guerriers. Les représentations ursines abondent dans le haut Moyen Âge sur les casques, les épées ou les armures, et l’[onomastique] en est alors toute emprunte (Bern-, Bero-, Born-, Björn). En français, l’ours est à l’origine du mot <em>baron</em> : il était l’emblème du chef et du seigneur.</p>
<h2>Un concurrent pour l’accès au divin</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/185139/original/file-20170907-9570-1514p5o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/185139/original/file-20170907-9570-1514p5o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1119&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/185139/original/file-20170907-9570-1514p5o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1119&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/185139/original/file-20170907-9570-1514p5o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1119&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/185139/original/file-20170907-9570-1514p5o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1406&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/185139/original/file-20170907-9570-1514p5o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1406&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/185139/original/file-20170907-9570-1514p5o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1406&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Saint Gall et son ours.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Wetti_de_Reichenau#/media/File:St_Gallen_Wandgem%C3%A4lde_St_Gallus_bei_der_Steinach_crop.jpg">Andreas Praefcke/Wikimédia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dès le IX<sup>e</sup> siècle, la sacralisation de l’ours se heurta aux coups de boutoir portés par les hommes d’Église, qui voyaient dans le plantigrade un concurrent pour l’accès au divin. Ils lui livrèrent une guerre sans merci dans l’objectif du déchoir de son trône. L’histoire commence en Germanie avec les grands massacres d’ours orchestrés par Charlemagne dès les années 780. Fait révélateur, les battues accompagnèrent les campagnes d’évangélisation des populations païennes dans les marges de l’Europe occidentale. La lutte fut aussi portée, sur le plan symbolique, dans les récits hagiographiques, qui s’évertuèrent à faire de l’ours un être inférieur, obéissant et soumis : il devint le compagnon du saint-ermite, par exemple <a href="http://www.diocesedegeneve.net/index.php?option=com_content&task=view&id=134">saint Gall</a>, toujours célébré en Allemagne.</p>
<p>Parallèlement, avec l’invention des bestiaires médiévaux, l’ours fut assimilé, comme le loup, le serpent et le dragon, à un nuisible. Michel Pastoureau nous raconte l’histoire de cette longue désacralisation de l’ours comme un « levier symbolique pour marquer la séparation entre l’homme et l’animal ».</p>
<p>À partir du XII<sup>e</sup> siècle, il est significatif que l’ours ait disparu des armoiries : il y a progressivement été remplacé par le lion, moins dangereux sur le plan symbolique – car plus éloigné morphologiquement de l’homme – et, surtout, absent du continent européen. Dans les villes, l’ours au naseau percé, enchaîné, humilié, accompagnait les bateleurs. Le roi des animaux fut transformé en une bête de foire. Au XX<sup>e</sup> siècle, il devint la peluche préférée des enfants.</p>
<h2>Chez les Aztèques, l’animal au centre de la conception du monde</h2>
<p>Traversons l’Atlantique, cap sur le Mexique ancien. Dans les civilisations préhispaniques, en <a href="http://www.archam.cnrs.fr/aires-culturelles/la-mesoamerique/">Méso-Amérique</a>, les animaux étaient pleinement associés aux conceptions du monde des Mayas et des Aztèques. À Tenochtitlan, capitale de l’empire aztèque, les élites guerrières étaient formées de deux ordres : les Aigles et les Jaguars, deux animaux situés au sommet de la chaîne alimentaire de cette région. Les soldats parvenant à capturer vivants des ennemis avaient alors le privilège de revêtir leurs attributs, panaches de plumes et costumes en peau.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/181571/original/file-20170809-32163-8ffg5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/181571/original/file-20170809-32163-8ffg5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=534&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/181571/original/file-20170809-32163-8ffg5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=534&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/181571/original/file-20170809-32163-8ffg5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=534&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/181571/original/file-20170809-32163-8ffg5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=671&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/181571/original/file-20170809-32163-8ffg5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=671&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/181571/original/file-20170809-32163-8ffg5t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=671&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La page 3 du Tonalamatl Aubin.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Tonal%C3%A1matl_de_Aubin_(folio_3).jpg">FAMSI/Wikimédia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces deux animaux sacrés se retrouvent par ailleurs dans les calendriers divinatoires. Le <em>tonalamatl</em> est un calendrier de 260 jours qui combine vingt signes et treize jours. Les prêtres en tiraient des présages et les signes du calendrier marquaient la naissance des individus pour la vie. Parmi les 20 idéogrammes, la moitié était constituée d’animaux : crocodile, lézard, serpent, chevreuil, lapin, chien, singe, jaguar, aigle et vautour.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/181573/original/file-20170809-32211-8c9fqe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/181573/original/file-20170809-32211-8c9fqe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/181573/original/file-20170809-32211-8c9fqe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/181573/original/file-20170809-32211-8c9fqe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/181573/original/file-20170809-32211-8c9fqe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/181573/original/file-20170809-32211-8c9fqe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/181573/original/file-20170809-32211-8c9fqe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/181573/original/file-20170809-32211-8c9fqe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Sculpture aztèque d’une tête de Xolotl, exposée au Musée national d’anthropologie de Mexico.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Adamt/Wikimédia Commons</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le chien jouait un rôle particulier dans la société aztèque, et avait une place fort différente que celle qui lui était assignée dans la culture chrétienne. Dixième signe du <em>tonalamatl</em>, il était également une divinité, <a href="http://www.persee.fr/doc/rhr_0035-1423_1996_num_213_3_1204">Xolotl</a>, jumeau du serpent à plumes <a href="http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/Quetzalc%C3%B3atl_ou_Serpent_%C3%A0_plumes/180529">Quetzalcóatl</a>, dont on trouve de multiples représentations dans la statuaire monumentale, ainsi qu’au musée d’anthropologie de Mexico.</p>
<h2>Le chien psychopompe</h2>
<p>Dans les <a href="http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/codex/34872">codex</a>, le chien est souvent peint comme un truchement entre le ciel et la terre. Il est l’animal porteur du feu et de la civilisation. Il est, enfin, un être psychopompe, c’est-à-dire un intermédiaire entre le monde des morts et celui des vivants. Il conduit le défunt sur son dos pour lui faire passer le fleuve de l’inframonde et lui faire rejoindre le Mictlan, le royaume des morts.</p>
<p>Le chien de la tradition méso-américaine n’avait donc pas la même importance symbolique que dans la tradition chrétienne où, au mieux, il était associé à la fidélité, un trait davantage loué par la noblesse que par les prélats. « Chien » n’est-il pas d’abord une <a href="https://lhomme.revues.org/25104">insulte</a> dans l’ère méditerranéenne ?</p>
<p>Les choses se compliquent avec la conquête espagnole (1521) et la colonisation. Celle-ci, comme ailleurs, s’employa à désacraliser les éléments de la culture autochtone, et en particulier la figure du chien. Dans le même temps, les vrais chiens se reproduisaient avec une vitalité étonnante dans la capitale de la Nouvelle-Espagne. Le premier métis du continent américain fut d’ailleurs probablement un chiot, croisé d’un chien espagnol et d’un chien méso-américain !</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/185140/original/file-20170907-9538-4iitf5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/185140/original/file-20170907-9538-4iitf5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=485&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/185140/original/file-20170907-9538-4iitf5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=485&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/185140/original/file-20170907-9538-4iitf5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=485&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/185140/original/file-20170907-9538-4iitf5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=610&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/185140/original/file-20170907-9538-4iitf5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=610&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/185140/original/file-20170907-9538-4iitf5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=610&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Planche tirée du Codex Laud où l’on voit un chien conduire le défunt à Mictlantecuhtli, dieu de la mort. Le codex est conservé à la Bodleian Library d’Oxford.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un canicide à Mexico</h2>
<p>Les canidés vaquaient en liberté et proliféraient, au point de poser des problèmes de sécurité (attaques, morsures, épidémies). Comme dans les villes européennes à la même époque, les autorités de la ville de Mexico, le vice-roi en tête, décidèrent d’éradiquer tous les chiens errants. Durant les années 1790, près de 35 000 chiens furent ainsi éliminés, assommés ou empoisonnés, une opération que nous avons qualifiée, dans une étude récente, de <a href="http://www.cairn.info/revue-histoire-urbaine-2015-3-p-107.htm">canicide</a>.</p>
<p>Les réactions du voisinage ont été violentes, en particulier dans les faubourgs indigènes de la ville. Les résistances aux tueurs de chiens dégénérèrent parfois en émeutes. Faisant fi de la dimension sacrée du chien aztèque, qui perdura bien au-delà de la conquête, les autorités coloniales avaient réduit le canidé à un simple nuisible, alors qu’il était beaucoup plus qu’un animal vagabond ou de compagnie.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/185141/original/file-20170907-9603-18mqtrf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/185141/original/file-20170907-9603-18mqtrf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/185141/original/file-20170907-9603-18mqtrf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=542&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/185141/original/file-20170907-9603-18mqtrf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=542&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/185141/original/file-20170907-9603-18mqtrf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=542&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/185141/original/file-20170907-9603-18mqtrf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=681&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/185141/original/file-20170907-9603-18mqtrf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=681&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/185141/original/file-20170907-9603-18mqtrf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=681&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le chien roi dans son enclos avec jeux, Parque, México, juin 2017.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Aujourd’hui, les chiens errants ont quasiment disparu de la mégapole mexicaine, le port de la laisse et l’enfermement des chiens s’étant finalement imposés. En revanche, les chiens de compagnie font l’objet d’un engouement inégalé. Dans le parc México, situé au sein de la Colonia Condesa – un quartier chic fréquenté par de nombreux Européens –, le chien est l’objet de tous les soins. Des entraîneurs canins les promènent, les dressent et les gardent à la journée. Des salons de toilettage et des cliniques canines ont fleuri aux abords du parc.</p>
<h2>Une re-sacralisation ?</h2>
<p>Finalement, le poisson, l’ours et le chien nous enseignent que la désacralisation de certains animaux fut, dans le monde occidental, un processus de fond, pluriséculaire. La revendication de droits pour les animaux, la prise de conscience qu’ils sont des êtres sensibles et le développement récent d’un courant <a href="http://lhomme.revues.org/23292">« animalitariste »</a> sont sans doute des effets de ce long processus. Les religions monothéistes, dont le fondement repose sur une séparation entre l’homme perfectible et l’animal mû par son instinct, ont très certainement joué dans ce déclassement.</p>
<p>D’autres phénomènes ont également contribué à détacher les animaux du divin :</p>
<ul>
<li><p>L’éloignement progressif des hommes de leur milieu naturel, des forêts aux champs, puis des champs aux villes, et enfin à l’intérieur même des villes, où la présence animale fut de plus en plus réglementée par la législation policière.</p></li>
<li><p>Les progrès des sciences naturelles, qui, au XVIII<sup>e</sup> siècle, de <a href="http://www.lefigaro.fr/sciences/2007/05/26/01008-20070526ARTFIG91008-buffon_contre_linne_au_museum_national_d_histoire_naturelle.php">Linné à Buffon</a>, ont généré de nouvelles classifications du vivant et placé l’homme tout en haut de la pyramide.</p></li>
<li><p>Enfin, les progrès technologiques de la domestication animale, qui ont donné naissance à des zootechnologies propices à une <a href="http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/r%C3%A9ification/67739">réification</a> des bêtes.</p></li>
</ul>
<p>Cependant, au terme de ces siècles parcourus au galop, il serait un peu hâtif de conclure à une totale disparition des animaux sacrés. Plus exactement, la sacralisation – envisagée ici comme une forme de respect absolu qui serait déconnectée du divin – de certains animaux de compagnie aurait pris des formes nouvelles : attention portée à l’éducation et à la qualité de la nourriture, soins donnés au pelage et aux accessoires, surinvestissement sentimental des maîtres. Certains animaux sauvages tendent également à être re-sacralisés, notamment par des urbains en quête d’une nature à la virginité improbable mais fantasmée : le <a href="http://www.projetsdepaysage.fr/editpdf.php?texte=842">castor</a> ou le <a href="http://www.unicaen.fr/homme_et_loup/">loup</a> en sont d’excellents exemples.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/81730/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arnaud Exbalin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La fin des religions polythéistes a contribué à désacraliser les animaux. Retour sur trois cas emblématiques : le poisson chrétien, l’ours germanique et le chien aztèque.Arnaud Exbalin, Maître de conférence, histoire, Labex Tepsis – Mondes Américains (EHESS), Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/808192017-08-29T19:50:23Z2017-08-29T19:50:23ZSanté mentale : quand les animaux soignent<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/180040/original/file-20170727-29132-1j00g8z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La personne diminuée par la maladie retrouve dans l'animal (ici un chien) une utilité sociale qu'elle pensait avoir perdue.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Langley_therapy_dog.jpg">U.S. Air Force/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Des animaux en renfort, à l’hôpital psychiatrique ? Cela existe depuis 2010 à l’hôpital Philippe Pinel d’Amiens, où 259 patients <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cerveau-et-psy/cynotherapie-a-l-hopital-des-chiens-soignent-des-malades-sur-prescription_114622">ont déjà bénéficié du soutien d’un chien</a>. Le but est de les aider à s’ouvrir sur l’extérieur, et donc à guérir plus rapidement. L’établissement picard est le seul en France, pour le moment, à utiliser ce qui se nomme la cynothérapie. Mais l’idée de mettre des animaux au contact de malades psychiatriques à des fins thérapeutiques s’avère prometteuse.</p>
<p>En réalité ancienne, cette pratique remonte, précisément, à 1792, lorsque des protestants quakers anglais décidèrent de placer des patients en compagnie de lapins ou de poules, dont ils devaient s’occuper. Le but était d’induire chez eux un plus grand contrôle émotionnel. Après cette première expérimentation, les animaux font progressivement leur entrée dans les hôpitaux psychiatriques. Certains établissements commencent à adopter des chiens pour favoriser la socialisation entre les résidents.</p>
<p>Aujourd’hui, en plus des chiens, on utilise des <a href="http://www.psychologies.com/Planete/Les-animaux-et-nous/Articles-et-Dossiers/Le-chat-un-therapeute-au-poil">chats</a>, des <a href="https://fr.sputniknews.com/societe/201604281024612397-lapine-maux-ame-guerisseur/">lapins</a>, des canaris, des chevaux, des <a href="http://france3-regions.francetvinfo.fr/provence-alpes-cote-d-azur/var/six-fours-les-plages/lama-therapie-six-fours-traiter-troubles-du-comportement-grace-mediation-animale-1220495.html">lamas</a> ou même des <a href="https://blog.surf-prevention.com/2012/03/02/delphinotherapie-la-therapie-assistee-par-les-dauphins/">dauphins</a>, dans le cadre de ce qu’on appelle la <a href="http://www.bnf.fr/documents/biblio_zootherapie.pdf">zoothérapie ou la médiation animale</a>. Ces animaux sont mobilisés dans les troubles mentaux, mais aussi chez les personnes ayant subi un accident vasculaire cérébral (AVC) ou les personnes autistes.</p>
<h2>Chats, hamsters, perruches…</h2>
<p>C’est aux États-Unis que les premières études scientifiques sont conduites. Dans les années 1960, le pédopsychiatre <a href="http://www.nytimes.com/1984/04/03/obituaries/dr-boris-m-levinson-dead-aided-disturbed-youngsters.html">Boris M. Levinson</a> obtient des résultats bénéfiques en utilisant le chien comme « co-thérapeute » de l’enfant présentant des troubles psychiatriques. Il fait figure de pionnier et inspire d’autres expérimentations.</p>
<p><a href="http://www.nytimes.com/1998/03/02/us/dr-samuel-corson-88-dies-father-of-pet-assisted-therapy.html">Samuel et Elizabeth Corson</a>, eux aussi psychiatres, testent les thérapies assistées par l’animal en individuel (un animal pour un patient). Sur un groupe de 50 patients, seuls trois restent indifférents, tandis que tous les autres améliorent leur capacité à communiquer avec d’autres personnes. D’autres formules seront testées avec succès : un chat par service dans un hôpital, des oiseaux dans les salles de groupes de parole, des séances hebdomadaires de soin prodigués par les patients à des hamsters ou même à des perruches…</p>
<p>Il faut cependant attendre les années 1980 pour que les travaux sur l’interaction homme-animal se systématisent. Des chercheurs américains observent l’<a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/6563527">effet positif des chiens sur le niveau de stress des personnes</a>, qu’elles soient malades ou bien-portantes, à partir d’indicateurs tels que la tension artérielle ou le pouls. Une diminution de la pression sanguine est observée lorsque la personne « papouille » l’animal, et d’autant plus quand elle a un lien préexistant avec lui.</p>
<h2>L’habileté sociale améliorée</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/180042/original/file-20170727-8525-1rtmd9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/180042/original/file-20170727-8525-1rtmd9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/180042/original/file-20170727-8525-1rtmd9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/180042/original/file-20170727-8525-1rtmd9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=413&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/180042/original/file-20170727-8525-1rtmd9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=519&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/180042/original/file-20170727-8525-1rtmd9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=519&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/180042/original/file-20170727-8525-1rtmd9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=519&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les chevaux permettent une thérapie en milieu ouvert.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/anoldent/846549885">anoldent/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="http://pepite-depot.univ-lille2.fr/nuxeo/site/esupversions/6715e403-c6db-4f7b-a85d-c6ea259b9398">L’équinothérapie</a> (<em>therapeutic riding</em> ou <em>hippotherapy</em> en anglais), elle, est différente des exemples cités précédemment, en ce que la fréquentation des chevaux permet une thérapeutique ludique, hors des institutions de soins. On peut la diviser en deux pratiques distinctes : l’équitation en elle-même, qui permet de travailler la tonicité musculaire et la posture, et le soin de l’animal, qui concerne davantage l’émotionnel et le relationnel. Les types de patient pouvant bénéficier du contact des chevaux sont nombreux. On peut citer, parmi d’autres, les personnes atteintes d’une <a href="https://informations.handicap.fr/art-handicap-moteur-70-3136.php">infirmité motrice cérébrale</a>, de la maladie de Parkinson, de la trisomie 21, les victimes d’un AVC ou les personnes <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Prise_en_charge_de_l%27autisme_par_l%27%C3%A9quith%C3%A9rapie">autistes</a>.</p>
<p>Chez les enfants autistes <a href="http://www.mira.ca/fr/nos-services/7/chien-d-assistance-pour-enfant-presentant-un-tsa_142.html">mis au contact de chiens</a>, les résultats sont positifs voire spectaculaires sur les trois grandes catégories de symptômes : troubles de la communication, difficultés dans les interactions sociales, comportements restrictifs ou répétitifs. Le lien exclusif avec l’animal crée les conditions d’un soin sans les mots, qui paradoxalement peut amener l’enfant à acquérir ou à renforcer ses compétences verbales.</p>
<p>Les patients atteints de dépression ou de troubles psychiatriques, les personnes âgées touchées par la maladie d’Alzheimer ou par une perte d’autonomie voient également leurs habiletés sociales améliorées avec la présence d’un canari auprès d’eux.</p>
<p>Mais que se passe-t-il, en réalité, entre une personne autiste et un chien ? Ou entre une personne âgée et un petit canari ? Si nous avons du mal à comprendre l’efficacité de ce lien, c’est parce que nous sommes habitués à une conception biologique de la maladie. Une grille de lecture relationnelle, en revanche, nous permet d’aller plus loin dans la compréhension de l’effet thérapeutique de l’animal.</p>
<h2>La composante relationnelle de la maladie</h2>
<p>La maladie, et donc le soin, ont en effet une composante relationnelle. Être malade, ce n’est pas seulement être atteint d’un dysfonctionnement biologique : c’est se voir attribuer un rôle différent dans la vie sociale. Face aux individus moins « capables » ou moins « productifs », les comportements des autres changent. Le malade chronique ou incurable pourra susciter un surcroît d’attention, ou au contraire de la crainte. Les relations s’en trouvent asymétriques et une forme d’isolement se fait souvent sentir.</p>
<p>Les animaux permettent à l’être humain ainsi frappé d’altérité de développer une communication non verbale. L’animal est une présence, un être vivant auquel on peut parler, même confusément, ou ne pas parler du tout. Son effet bénéfique tient dans le stimulus psycho-affectif et l’échange coordonné qu’il permet (par exemple, une caresse à un chat déclenche un ronronnement). L’<a href="http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/%C3%A9thologie/49750">éthologie</a> a bien fait ressortir le fait que les animaux, et spécifiquement les chiens, ressentent des émotions, dont certaines peuvent être associées à une forme de compassion. La relation avec l’animal crée les conditions d’un soin sans les mots.</p>
<p>La maladie est affaire de positionnement relatif entre les individus. La personne se sent malade parce qu’elle consulte un médecin ou parce qu’on lui prodigue des soins. Si elle se trouve en position de prendre soin à son tour, son rôle change. Entrer en relation avec un être qu’elle considère avoir besoin de secours ou d’attention est un facteur d’amélioration de son état. Dans les expérimentations menées par les Colson, les chiens cabossés, chétifs ou timides attiraient une attention particulière. La personne diminuée par la maladie trouvait dans l’animal à secourir une possibilité de se décentrer et une utilité sociale renouvelée.</p>
<h2>Une minorité de patients hermétiques aux animaux</h2>
<p>Toutefois, si les thérapies assistées par l’animal montrent des résultats significatifs avec une grande variété d’espèces et de pathologies, leur efficacité n’est pas universelle. Les études montrent une minorité de patients pour laquelle l’animal n’est d’aucun secours. Certains malades psychiatriques y restent totalement hermétiques. Des personnes autistes ont une peur insurmontable des chiens ou ne supportent pas leur odeur, du fait d’une hypersensibilité olfactive. D’autres souffrant de polypathologies peuvent être allergiques à certains animaux, ou avoir un système immunitaire trop fragile pour y être exposés.</p>
<p><a href="http://www.rehab.research.va.gov/jour/06/43/3/macauley.html">Une étude</a> menée sur des personnes <a href="http://www.vulgaris-medical.com/encyclopedie-medicale/aphasie">aphasiques</a> – c’est-à-dire présentant des troubles du langage – après un AVC, a montré qu’il n’y avait pas de différence biologique entre une réhabilitation classique et une réhabilitation avec le chien : elles sont toutes les deux efficaces. En revanche, la satisfaction des patients ayant recouvré la parole grâce à un chien était bien meilleure. Ils trouvaient le protocole moins stressant, plus amusant et appréciaient la composante relationnelle.</p>
<p>Dans un autre registre, des critiques de la part de <a href="http://www.animalsandsociety.org/wp-content/uploads/2016/04/zamir.pdf">certains militants défendant les droits des animaux</a> se sont faites entendre. Pour ces « libérationnistes », les animaux employés dans ces thérapies font l’objet d’exploitation. Les arguments mis en avant sont la « limitation du bien-être et de la liberté » de l’animal, ainsi que son « instrumentalisation ». Les thérapies assistées par les animaux seraient, de ce point de vue, moralement condamnables.</p>
<h2>L’animal, un autre semblable</h2>
<p>L’animal occupe, quoi qu’il en soit, une place singulière dans notre imaginaire collectif : le jeune Mowgli élevé par des loups dans <em>Le Livre de la jungle</em>, le Petit prince apprivoisant un renard qui deviendra pour lui « unique au monde », Gulliver conversant avec les intelligents et civilisés <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Houyhnhnm">« Houyhnhnms »</a>, nom donné aux chevaux d’après le son qu’ils font avec leurs naseaux.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/180048/original/file-20170727-8486-1fct5nq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/180048/original/file-20170727-8486-1fct5nq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/180048/original/file-20170727-8486-1fct5nq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/180048/original/file-20170727-8486-1fct5nq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/180048/original/file-20170727-8486-1fct5nq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/180048/original/file-20170727-8486-1fct5nq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/180048/original/file-20170727-8486-1fct5nq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Dans <em>Le Livre de la jungle</em> de Rudyard Kipling (ici son adaptation en film d’animation par les studios Disney), le jeune Mowgli est élevé par des loups avant de rencontrer de nombreux animaux, dont l’ours Baloo.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/91689877@N03/35436547796/in/photolist-VZpz51-CkE4v-VWMg8D-UMivQ2-VRqiLg-VNb9p7-VGmy8t-Wton2U-RXPyrQ-VuUiqg-V7bhZm-ULBd4y-VrLJRS-V7bbEC-URaEED-UsSA28-UpMSUA-VrJQd7-VGnkMz-VuTjqe-UpNt85-UsT3eP-VuUFjg-VCQyrJ-VCND6s-VuUvTx-VrMk5w-VMS95A-VGobGt-URXAyy-UsTiGc-VCQpBj-V7abNW-VuThSp-R68DDq-VZpw6A-W5Quc5-UsSBK8-V79WLh-VuTmJc-VrLmp7-Vy7hjA-VrKHXu-VNbaqq-VrJFC1-UpNyCJ-UsT77Z-UsTyXx-VsLW67-UsU7Ek">Patrick Rich/Flickr</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ainsi, l’animal n’apparaît pas comme cet autre radical qui appartiendrait au domaine séparé de la nature, mais bien comme un semblable avec qui nous partageons des réactions et des émotions. Les <a href="https://fr.wikisource.org/wiki/Fables_d%E2%80%99%C3%89sope">fables d’Ésope</a> ou de <a href="http://www.lesfables.fr/">La Fontaine</a>, comme de nombreux contes pour enfants, mettent en scène des animaux pour mieux parler des hommes… S’ils n’ont pas les mots pour communiquer, les animaux savent établir des liens avec l’homme. La médecine contemporaine ne saurait faire l’économie de cette sagesse ancestrale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/80819/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elisa Chelle ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des études ont montré que la zoothérapie pouvait avoir des effets spectaculaires sur les patients, en les aidant à s’ouvrir sur l’extérieur. Et ce dans le cas de plusieurs troubles psychiatriques.Elisa Chelle, Chercheuse, Université de LyonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/751782017-03-26T19:19:29Z2017-03-26T19:19:29ZComment expliquer les échouages massifs de cétacés ?<p>Environ 600 globicéphales se sont <a href="http://www.telegraph.co.uk/news/2017/02/11/another-pod-whales-stranded-new-zealand-bringing-total-650/">échoués en février dernier</a> sur une plage de Nouvelle-Zélande et 400 d’entre eux ont péri. Ce genre d’échouage massif est observé depuis longtemps et se produit dans le monde de façon régulière.</p>
<p>Fin 2015, 337 rorquals boréaux avaient ainsi trouvé la mort dans un fjord du Chili après l’échouage le plus massif connu <a href="http://news.nationalgeographic.com/2015/11/151120-worlds-largest-whale-stranding-sei-chile-animals/">pour cette espèce</a>. De tels événements peuvent également se produire en Europe du Nord. En février 2017, 29 cachalots ont été retrouvés échoués sur les <a href="http://www.seawatchfoundation.org.uk/largest-sperm-whale-stranding-ever-recorded-in-the-north-sea/">côtes allemandes, néerlandaises, britanniques et françaises</a>, un autre record en mer du Nord pour cette espèce. Et ces dernières semaines, on déplore sur la façade atlantique de l’Hexagone un <a href="http://www.sudouest.fr/2017/03/24/cote-atlantique-800-dauphins-echoues-en-deux-mois-un-record-3306073-739.php">nombre alarmant de dauphins échoués</a>.</p>
<h2>Surtout des causes naturelles</h2>
<p>Comment expliquer que de telles créatures, évoluant dans un environnement 100 % aquatique, s’aventurent dans des zones côtières si inhospitalières où, inévitablement, beaucoup d’entre elles risquent de mourir ?</p>
<p>Ces échouages massifs concernent presque exclusivement des espèces océaniques. Parmi elles, les globicéphales noirs et tropicaux sont les plus touchés. Les autres espèces comprennent les fausses orques, les dauphins d’Électre, les baleines de Cuvier et les cachalots. Toutes ces espèces évoluent normalement dans des eaux à plus de 1 000 mètres de profondeur, sont très sociables, vivant au sein de groupes qui peuvent atteindre plusieurs centaines d’individus.</p>
<p>S’il peut être tentant d’imputer ces échouages massifs aux activités humaines, on s’aperçoit que ces accidents concernent surtout des espèces de baleines évoluant dans les profondeurs et surviennent souvent aux mêmes endroits ; il est ainsi possible dans bien des cas d’expliquer ces échouages par des causes naturelles. Ces accidents ont le plus souvent lieu dans des zones peu profondes dont les fonds de sable sont légèrement pentus. Avec de telles caractéristiques, il n’est pas étonnant que ces animaux habitués à évoluer en eaux profondes rencontrent des difficultés, et qu’elles échouent souvent à nouveau après avoir été remises à l’eau.</p>
<p><a href="http://www.afsc.noaa.gov/nmml/education/cetaceans/cetaceaechol.php">L’écholocalisation</a> qui aide ces espèces à naviguer est d’autre part assez inefficace dans un tel environnement. Il est ainsi tout à fait plausible que la plus grande part de ces échouages soient imputables à des erreurs de navigation ; c’est notamment le cas lorsque les cétacés se retrouvent en territoires dangereux pour avoir poursuivi une proie. Cela pourrait notamment expliquer l’échouage des cachalots mentionnés plus haut en mer du Nord, dans l’estomac desquels on a retrouvé des encornets.</p>
<p>La fréquence des échouages pour les cachalots en mer du Nord est ainsi <a href="http://www.seawatchfoundation.org.uk/largest-sperm-whale-stranding-ever-recorded-in-the-north-sea/">plus importante</a> au sud du Dogger Bank, une zone peu profonde et ensablée. Ces mêmes caractéristiques se retrouvent aux Farewell Spit et Golden Bay, dans la partie sud de la Nouvelle-Zélande, où de récents échouages de globicéphales ont eu lieu ; de <a href="http://www.bbc.co.uk/news/world-asia-16675613">tels accidents</a> s’étaient déjà produits à <a href="http://news.bbc.co.uk/1/mobile/world/asia-pacific/8432260.stm">plusieurs reprises</a> ces dernières années.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"697146710695481348"}"></div></p>
<p>Ces deux zones ont été le théâtre de multiples échouages pour ces espèces dans le passé. Dans la partie sud de la mer du Nord, les premières observations de tels phénomènes <a href="http://www.ecomare.nl/en/encyclopedia/organisms/animals/mammals/cetaceans/whales/sperm-whale/">remontent à 1577</a>.</p>
<p>L’erreur de navigation et la mauvaise évaluation de la profondeur de l’eau ne sont cependant pas les seules causes de ces échouages. Certains individus malades ou affaiblis auront en effet tendance à rechercher des eaux moins profondes, leur permettant de remonter plus aisément à la surface pour respirer. Une fois leur masse ayant reposé sur une surface dure, il y a de fortes chances pour que les parois de leur cage thoracique se trouvent compressées et leurs organes internes abîmées.</p>
<h2>Des activités humaines pas en reste</h2>
<p>On compte depuis février près de 800 dauphins échoués sur la côte atlantique française. <a href="http://www.observatoire-pelagis.cnrs.fr/actualites-240/actualites/Situation-proccupante-dauphins">Un record inquiétant</a> qui s’explique principalement par des captures accidentelles dans des engins de pêche. Dans plus de 90 % des cas, les animaux, ramenés vers les côtes par les vents forts qui ont soufflé en février et mars, se sont échoués à l’état de carcasses, leur mort étant survenue avant l’échouage.</p>
<p>Autres actions humaines en cause, celles qui impliquent le recours à <a href="http://acousticstoday.org/wp-content/uploads/2015/05/Sonars-and-Strandings-Are-Beaked-Whales-the-Aquatic-Acoustic-Canary.pdf">des sonars</a>, comme c’est souvent le cas pour les activités militaires. Cette relation de cause à effet a été mise en avant <a href="http://www.pelagosinstitute.gr/en/pelagos/pdfs/Frantzis%202003%20Active%20Sonar%20Workshop.pdf">pour la première fois</a> en 1996 lors d’un exercice militaire conduit par l’OTAN au large des côtes grecques, et qui vit l’échouage de 12 baleines de Cuvier mâles. Malheureusement, aucune analyse vétérinaire n’a pu être conduite.</p>
<p>Mais en <a href="http://www.nmfs.noaa.gov/pr/pdfs/health/stranding_bahamas2000.pdf">mai 2000</a>, un autre échouage massif se produisit aux Bahamas en marge d’activités navales utilisant des sonars. Certaines baleines furent examinées et l’on découvrit des hémorragies, tout particulièrement à proximité de leur oreille interne, indiquant un traumatisme acoustique.</p>
<p>Après un accident similaire aux îles Canaries en septembre 2002, les services vétérinaires identifièrent des symptômes identiques liés à des <a href="http://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1354/vp.42-4-446">accidents de décompression</a>. Ce qui indique que les animaux ne meurent pas forcément des suites de l’échouage, mais peuvent arriver sur le rivage déjà mortellement atteints. <a href="http://www.seawatchfoundation.org.uk/wp-content/uploads/2012/08/Active_Sonar_Workshop.pdf">De nombreux chercheurs pensent</a> aujourd’hui que les sonars navals perturbent la capacité des baleines à gérer les gaz à l’intérieur de leur organisme, affectant ainsi leur capacité à plonger et remonter à la surface en toute sécurité.</p>
<p>Le bruit marin est devenu un problème majeur, les activités humaines (des technologies aux explosions) ayant introduit toute une gamme de sons d’intensité et de fréquence variées. Les tremblements de terre sous-marins sont une autre source de bruit marin intense, pouvant conduire à des blessures et des échouages, bien que les données manquent encore pour l’affirmer.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"755331569146093568"}"></div></p>
<h2>Le rôle des liens sociaux</h2>
<p>Pour les échouages auxquels on a assisté en Nouvelle-Zélande, impliquant un grand nombre d’individus, on peut également se demander jusqu’à quel point ces animaux peuvent s’entraîner les uns les autres dans des eaux dangereuses.</p>
<p>Il y a quelques années de cela, je suis venu en aide à deux dauphins communs à bec court échoués vivants sur le rivage de l’estuaire Teifi dans l’ouest du Pays de Galles. Un d’eux périt assez rapidement et une analyse post-mortem révéla qu’il souffrait d’une affection pulmonaire parasitaire sévère. L’autre individu resta près de lui, totalement désespéré, sifflant régulièrement.</p>
<p>Nous sommes parvenus à le remettre à la mer et il s’en alla, mais cet épisode me montra à quel point les liens sociaux sont forts entre ces animaux. Et lorsque nous assistons à ce qui peut paraître comme des <a href="https://theconversation.com/do-whales-attempt-suicide-50165">suicides collectifs</a> de baleines ou de dauphins, il se peut bien que cela résulte d’un échange entre eux, soulignant leur <a href="http://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/C/bo12789830.html">caractère profondément sociable</a>.</p>
<p><a href="http://jhered.oxfordjournals.org/content/104/3/301.short">De récentes recherches</a> indiquent d’ailleurs que les individus impliqués dans ces échouages massifs n’ont pas forcément de liens de parenté, soulignant la force des liens sociaux parmi les cétacés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/75178/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Peter Evans ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Erreurs de navigation, perturbations humaines, comportement de groupe… Les causes sont multiples pour rendre compte du mystère de ces échouages de baleines et de dauphins sur les rivages.Peter Evans, Honorary Senior Lecturer, Bangor UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.