tag:theconversation.com,2011:/uk/topics/delocalisation-34291/articlesdélocalisation – The Conversation2023-09-06T17:29:21Ztag:theconversation.com,2011:article/2129272023-09-06T17:29:21Z2023-09-06T17:29:21ZConcilier ambition climatique et concurrence mondiale : quel rôle pour le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ?<p>Que des entreprises fortement émettrices de gaz à effet de serre choisissent de <a href="https://theconversation.com/topics/delocalisation-34291">produire hors</a> de l’<a href="https://theconversation.com/topics/union-europeenne-ue-20281">Union européenne (UE)</a> pour contourner ses <a href="https://theconversation.com/topics/environnement-21017">normes environnementales</a>, tel est le phénomène que veut endiguer un <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=OJ:L:2023:130:FULL">règlement européen</a> paru en mai 2023. Face à ces « fuites de carbone » est établi un <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/mecanisme-dajustement-carbone-aux-frontieres-macf">Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières</a> (MACF) afin de renforcer les ambitions des 27 en matière de transition verte.</p>
<p>Il a vocation à compléter l’EU-ETS (pour <em>European Union Emission Trading System</em>) qui constitue la clé de voute de la politique climatique de l’UE. Est fixé un plafond annuel global d’émissions pour l’ensemble des entreprises, qui bénéficient, elles, de droits à polluer ou « quotas ». À chaque tonne de carbone émise, elles doivent rendre un quota. Ce mécanisme, en effet, présente certaines limites qui s’accentuent dans un contexte où le <a href="https://theconversation.com/topics/marche-du-carbone-23006">prix du carbone</a> croît fortement en Europe.</p>
<h2>Un prix du carbone en pointe au sein de l’UE</h2>
<p>Les quotas étaient initialement distribués gratuitement aux entreprises sur une base historique, puis l’ont été plus récemment selon des critères de performance. Aujourd’hui l’allocation par mise aux enchères est privilégiée. L’idée est que chaque unité de carbone émise ait un prix. Aux enchères il est fixé immédiatement. Cela fonctionne également pour une allocation gratuite car un prix apparaît sur le marché secondaire : si une entreprise émet plus que ce qu’elle a reçu en quotas, elle peut en acquérir auprès d’autres entreprises, qui, en émettant moins, peuvent, elles, revendre un excédent.</p>
<p>La tarification n’est, certes pas homogène au sein de l’Union car chaque pays membre peut compléter le dispositif. C’est le cas en France avec la <a href="https://www.connaissancedesenergies.org/questions-et-reponses-energies/quel-est-le-montant-de-la-taxe-carbone-en-france#:%7E:text=Le%20montant%20de%20la%20%C2%AB%20taxe%20carbone%20%C2%BB,des%20%C3%89nergies%29%20derni%C3%A8re%20modification%20le%2015%20novembre%202019">Contribution Climat Énergie</a> introduite en 2014 et parfois qualifiée de « taxe carbone ». Il n’en reste pas moins que la tarification <em>via</em> l’EU-ETS est la composante majeure et commune du signal prix du carbone pour les pays de l’UE.</p>
<p>Or, ce dernier s’avère bien plus élevé au sein des pays de l’UE qu’en dehors, hormis peut-être au Royaume-Uni avec lequel néanmoins l’écart de prix se creuse.</p>
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<p>Sur le marché national chinois par exemple, en 2023, le prix stagne à environ 7€ la tonne là où il avoisine les 85€ en Europe. Un certain nombre de mesures ou d’annonces de la Commission européenne (<em>Market Stability Reserve</em>, <em>Green Deal</em>) explique une forte hausse de prix depuis quatre ans.</p>
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<p><iframe id="iS7TG" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/iS7TG/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cette hausse n’est pas sans soulever des défis majeurs. En effet, si les 27 vivaient en autarcie, l’accroissement de coût serait commun à toutes les entreprises et serait répercuté en aval sur leurs clients. C’est ce qu’on appelle le « pass through » du coût du carbone. La répercussion tout au long d’une chaîne de valeur, en cumulant les émissions directes et indirectes de chaque maillon, transmet le signal prix au consommateur final et l’incite à changer de comportement.</p>
<p>Dans une économie ouverte néanmoins, il est à craindre que ce <em>pass through</em> ne soit pas fonctionnel, car tout client en aval a la possibilité de se reporter sur des produits importés et donc non soumis à un prix du carbone.</p>
<h2>Des raisons de s’inquiéter</h2>
<p>La menace de délocalisation ou de substitution par des importations pèse ainsi sur les industries concernées par le dispositif. Outre la perte d’activité préjudiciable pour l’UE, le bilan environnemental ne serait pas positif avec des émissions qui ne seraient que déplacées, souvent vers des pays dont l’industrie est plus polluante.</p>
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<p>Il apparaît alors crucial de rétablir les conditions d’une concurrence « juste » entre entreprises de l’UE et hors UE. C’est ce que vise le MACF : pour tout produit importé relevant de secteurs couverts par l’EU-ETS, ce mécanisme impose que chaque tonne de carbone émise fasse l’objet de l’achat d’un certificat à un prix fixé à la moyenne hebdomadaire du prix d’un quota sur l’EU-ETS. La mise en place du MACF se fera progressivement, le temps que les partenaires commerciaux établissent la comptabilité carbone de leurs produits. Le signal prix du carbone sur les importations sera ainsi ajusté à celui envoyé aux entreprises de l’UE, rétablissant les possibilités de <em>pass through</em> et l’efficacité de l’EU-ETS.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/546654/original/file-20230906-19-rq5er9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/546654/original/file-20230906-19-rq5er9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546654/original/file-20230906-19-rq5er9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546654/original/file-20230906-19-rq5er9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546654/original/file-20230906-19-rq5er9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=322&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546654/original/file-20230906-19-rq5er9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546654/original/file-20230906-19-rq5er9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546654/original/file-20230906-19-rq5er9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une mise en place progressive du MACF.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Tout cela présuppose l’existence de fuites de carbone. Pourtant, des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/joes.12356">études empiriques</a> mettent en doute la réalité de ces fuites. Certains <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0140988320302231">travaux</a> montrent même que les industries européennes ont pratiqué un <em>pass through</em> élevé du coût du carbone. Ces recherches se fondent néanmoins sur des données antérieures à la forte remontée du prix du carbone.</p>
<p>Si l’on n’observe pas de fuites de carbone par le passé, ce pourrait être aussi parce que les firmes se sont adaptées en différenciant leur produit. L’existence d’un commerce intrabranche, c’est-à-dire l’échange de produits similaires, ne s’explique qu’en admettant que la concurrence soit imparfaite. Dans cette situation, les entreprises bénéficient d’un pouvoir de marché, qui permet de pratiquer des prix supérieurs à celui que l’on observe théoriquement en situation de concurrence parfaite (leur coût marginal). Ce pouvoir peut provenir d’une différenciation des produits. Cela conditionne le degré de substituabilité avec les produits concurrents, donc les fuites de carbone, mais également la capacité à pratiquer le <em>pass through</em>.</p>
<p>Les gains de pouvoir de marché s’érodent néanmoins et les clients arbitrent plus facilement en faveur de substituts, même imparfaits, quand le prix pratiqué s’élève. Ce phénomène fait référence au « <a href="https://www2.deloitte.com/content/dam/Deloitte/fr/Documents/financial-advisory/economicadvisory/Deloitte_%20Le%20concept%20d%20elasticite%20de%20la%20demande%20en%20economie%20de%20la%20concurrence.pdf#page=3"><em>paradoxe du cellophane</em></a> » (comme l’entreprise Dupont de Nemours en 1956, on peut être en monopole sur le marché du cellophane sans pour autant pouvoir accroître son pouvoir de marché car les consommateurs peuvent y voir un équivalent dans d’autres types d’emballages) et suggère que le <em>pass through</em> devient plus difficile quand le coût du carbone augmente. En ce sens, l’UE a raison de s’inquiéter de fuites de carbone à venir si elle ambitionne de maintenir un signal prix du carbone élevé.</p>
<h2>Vers un déplacement des émissions sur les chaînes de valeur ?</h2>
<p>Même avec le MACF, il reste toutefois possible d’éviter le <em>pass through</em> en important des substituts en aval des secteurs couverts par l’EU-ETS. Le MACF ne ferait alors que déplacer les fuites de carbone de l’amont à l’aval des chaînes de valeur, sauf à l’étendre à ces secteurs aval. C’est peut-être à ce dessein que le considérant 67 du règlement stipule d’étendre le dispositif aux « produits en aval qui contiennent une part importante d’au moins une des marchandises relevant du champ d’application du présent règlement ».</p>
<p>À quel prix néanmoins tarifer le contenu carbone de ces importations ? Le coût carbone pour les entreprises de l’UE dépend du degré de <em>pass through</em>, du degré avec lequel tout cela repose sur le consommateur. Or il ne s’observe pas : au mieux il s’estime avec une marge d’erreur, qui est d’autant plus grande que la chaîne de valeur s’allonge. Cette difficulté reste cependant réduite sur le périmètre actuel du MACF, cantonné à l’amont des chaînes de valeur où les émissions indirectes sont souvent limitées à celles de la consommation de <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/abs/10.1086/688486">l’électricité, dont le coût est relativement bien documenté</a>.</p>
<p>Pour éviter cet écueil, une norme sur l’empreinte carbone peut être mise en place. Ainsi, le <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CONSIL:PE_2_2023_INIT">nouveau règlement relatif aux batteries et aux déchets de batteries</a> prévoit-il à son considérant 27 des seuils maximaux d’empreinte carbone pour la commercialisation, écartant de facto la concurrence d’importations intensives en carbone.</p>
<p>Encore faut-il sélectionner les produits soumis à une telle norme sur des bases objectives et que la norme ne soit pas instrumentalisée. La définition des <a href="https://climate.ec.europa.eu/system/files/2018-03/disaggregated_framework_outline_en.pdf">secteurs « à risque de fuite de carbone » utilisée par la Commission européenne</a> peut servir d’exemple sur le premier point. Quant au second, le calcul de <em>benchmark</em> sur la base des 10 % d’entreprises européennes les plus performantes comme le prévoit le <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32018L0410">considérant 11 de la directive européenne pour l’allocation gratuite de quotas sur l’EU-ETS</a> pourrait constituer une piste à suivre.</p>
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<p><em>La Chaire Économie du Climat de l’université Paris Dauphine-PSL organise, en partenariat avec l’École d’Économie de Toulouse et le Muséum national d’histoire naturelle, la 24<sup>e</sup> Conférence mondiale sur la fiscalité environnementale mondiale (<a href="https://www.gcet24.fr/">24th Global Conference on Environmental Taxation</a>), qui se déroule du 6 au 8 septembre 2023 et qui a pour thème « Climat et biodiversité : une empreinte écologique mondiale » (Climate and Biodiversity : Tackling Global Footprints)</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212927/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>La thèse d'Aliénor Cameron est financée par l'ADEME et la Chaire Economie du Climat. Elle a aussi effectué une visite de recherche de 5 mois à la Commission Européenne en 2023.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anna Creti et Marc Baudry ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Le Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières peut-il faire en sorte que les entreprises ne choisissent pas d’aller polluer ailleurs qu’en Europe où le prix du carbone est en forte hausse ?Anna Creti, Professeur, Directrice de la Chaire Economie du Climat, Université Paris Dauphine – PSLAliénor Cameron, Doctorante en économie à la Chaire Economie du Climat et EconomiX, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresMarc Baudry, Professeur des Universités en Sciences Economiques, Responsable du pôle "tarification du CO2 et innovation bas carbone" à la Chaire Economie du Climat, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2087102023-06-29T19:11:58Z2023-06-29T19:11:58ZStratégie territoriale des entreprises : pourquoi la transition écologique en fait une nécessité<p>Depuis quelques années, le territoire opère un retour en force dans la stratégie des entreprises <a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/industries/emmanuel-macron-vante-sa-politique-de-reindustrialisation_AD-202305130182.html">et les politiques économiques publiques</a>. Le fondateur de Tesla, Elon Musk, a ainsi annoncé il y a quelques jours qu’il était « très probable » que le constructeur fasse « <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/il-est-tres-probable-que-tesla-fera-quelque-chose-de-tres-important-en-france-indique-elon-musk-20230619">quelque chose de très important</a> en France ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1657944795522772995"}"></div></p>
<p>Après avoir été longtemps négligée, la question du choix de l’implantation géographique apparaît en effet de plus en plus présente dans la stratégie des entreprises. Elle est donc suivie de près par les pouvoirs publics, notamment autour du « Made in France ». Non sans résultats, comme en témoigne l’édition 2023, mi-mai, du sommet Choose France où un <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/05/15/au-sommet-choose-france-une-moisson-record-d-investissements-etrangers_6173369_3234.html">record du volume d’investissements étrangers promis à notre pays a été atteint</a>.</p>
<p>Le rapport de l’entreprise au territoire est en effet en train de changer. La polémique autour des peluches Phryges, mascottes des JO de Paris 2024, <a href="https://www.liberation.fr/sports/jeux-olympiques/jo-de-paris-2024-les-peluches-phryges-fabriquees-en-chine-un-probleme-pour-christophe-bechu-20221115_PQSUP5FLFRBQRAMNSKCIC3AV6M/">fabriquées en Chine pour 90 % d’entre elles</a> en est un exemple révélateur. Peut-on encore accepter des délocalisations à outrance, alors que la crise Covid a brutalement rappelé la dépendance de notre pays – et de nombreux autres – en matière de production industrielle ?</p>
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<p>Qu’il s’agisse de <a href="https://www.rtl.fr/actu/sante/paracetamol-ou-en-est-la-relocalisation-de-la-production-en-france-7900219610">médicaments</a> ou de <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/la-penurie-de-composants-electroniques-se-resorbe-sauf-dans-l-automobile.N2134717">composants électroniques dans l’automobile</a>, la globalisation a conduit à des aberrations dans les circuits d’approvisionnement, donnant l’impression que le seul argument du coût pouvait justifier des distances toujours plus longues.</p>
<p>L’échouage de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/ever-given-102132"><em>Ever Given</em></a>, ce porte-conteneurs géant qui a bloqué en mars 2021 le canal de Suez, <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/canal-de-suez-le-sauvetage-extreme-du-cargo-echoue-1301474">l’une des routes maritimes les plus fréquentées au monde</a>, a mis en lumière les limites – chaque jour plus évidentes – d’un système dans lequel « produire loin » voudrait dire « produire mieux » dans le seul sens économique du terme – comprenons donc « produire moins cher ». En effet, dans la conception traditionnelle de la stratégie, héritée des principes du modèle néo-classique de la science économique, le lieu d’implantation constitue au mieux une variable d’ajustement mais est, le plus souvent, complètement ignoré.</p>
<h2>Un élément de plus en plus distinctif</h2>
<p>En s’appuyant sur nos travaux de recherche, menés depuis une quinzaine d’années et déjà partiellement présentés dans The Conversation France, nous avons tenté de montrer que la dimension territoriale peut constituer un facteur de différenciation stratégique. Et ce, pas uniquement dans les clusters ou les grandes métropoles, mais aussi dans des zones en apparence moins attractives.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ici-plutot-quailleurs-une-decision-strategique-pour-lentreprise-et-les-territoires-91272">Ici plutôt qu’ailleurs : une décision stratégique pour l’entreprise et les territoires</a>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/2020-la-revanche-des-territoires-ruraux-131451">2020, la revanche des territoires ruraux ?</a>
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<p>Très concrètement, les entreprises qui développent de façon proactive une stratégie territoriale sont de plus en plus nombreuses, ou, en tout cas, de plus en plus visibles. La <a href="https://theconversation.com/comment-les-acteurs-du-commerce-se-reancrent-sur-le-territoire-199542">dimension marketing et commerciale</a> prime souvent, faisant la part belle aux produits de « terroir ». Si on connaît bien les atouts potentiels des labels de type Appellation d’origine contrôlée (AOC) ou Indication géographique protégée (IGP), l’ancrage du produit sur une aire culturelle ou géographique s’avère être de plus en plus un élément distinctif.</p>
<h2>Une intégration des territoires indispensable</h2>
<p>Cependant, une véritable stratégie ancrée sur un territoire, ce n’est pas seulement un emballage ou une publicité : il s’agit de raisonner de façon cohérente sur l’ensemble de sa chaîne de valeur. Ainsi Mousline, la célèbre marque <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/les-nouvelles-ambitions-de-la-puree-mousline-sous-pavillon-francais-1873933">repassée en 2022 sous pavillon français</a>, achète 85 % des pommes de terre nécessaires à ses purées <a href="https://www.lesechos.fr/partenaires/groupe-caisse-des-depots/mousline-un-ancrage-local-fort-et-une-empreinte-carbone-deja-reduite-1906451">dans un rayon de 25 km</a> autour de son unique site de production situé dans la Somme, affirmant ainsi son attachement local.</p>
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<p>D’autres entreprises vont plus loin et s’inscrivent dans une logique symbiotique avec le territoire. C’est le cas de l’Institut de Tramayes, implanté dans une petite commune de Saône-et-Loire déjà réputée pour son engagement contre le dérèglement climatique ou la santé en milieu rural, qui propose des <a href="https://www.institutdetramayes.fr/qui-sommes-nous/">parcours de formation pensés à partir de projets pédagogiques</a> au service de l’écosystème local.</p>
<p>De même, les 2 Marmottes, qui produit des infusions et des thés en Haute-Savoie : l’entreprise travaille avec les petits producteurs locaux, mais va beaucoup plus loin avec une <a href="https://www.les2marmottes.com/fr/content/24-charte-des-achats-responsables">charte des achats responsables</a> qui s’engage sur les volets social, environnemental et éthique. Le projet d’entreprise repose ici sur une vision stratégique qui dépasse le critère économique pour intégrer pleinement une responsabilité sociale et environnementale à impact potentiellement positif pour le territoire.</p>
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<p>Ces exemples montrent que la transition socio-écologique ne se fera qu’avec une pleine intégration des territoires dans les projets stratégiques des entreprises. Cette intégration nécessite une prise de conscience réelle des entreprises de leur propre responsabilité sociétale, mais aussi de leur intérêt à intégrer au plus vite la dimension territoriale à leurs stratégies, à leur <a href="https://theconversation.com/la-raison-detre-de-lentreprise-rebat-les-cartes-du-jeu-concurrentiel-129923">« raison d’être »</a> et à <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/entreprises/entreprises-limportance-de-creer-du-lien-pour-sassurer-de-lattractivite-des-territoires-b08fdc08-c4a4-11ed-93d7-4c4cd65beb9c">leurs actions effectives</a>, dans une logique de cohérence et de <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2011-4-page-141.htm">pleine collaboration</a> avec les acteurs publics et privés concernés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208710/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La transition écologique impose un retour des questions de l’impact des activités économiques sur les territoires d’implantations. Une rupture impérative dans les stratégies d’entreprises.Anne Albert-Cromarias, Directrice Académique et de la Recherche. Enseignant-chercheur HDR en management stratégique, ESC Clermont Business SchoolAlexandre Asselineau, Professeur associé en Management stratégique, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1789342022-03-13T17:37:21Z2022-03-13T17:37:21ZCommerce de produits pharmaceutiques : l’Europe résiste, la France décline. Que faire ?<p><em>Dans leurs travaux, les économistes Pierre Cotterlaz, Guillaume Gaulier, Aude Sztulman et Deniz Ünal, relèvent que les parts de marché françaises dans l’industrie pharmaceutique déclinent depuis vingt ans. Que faire face à cette situation qui a accentué la dépendance française aux importations, notamment asiatiques, au-delà des seuls produits Covid-19 ? Les économistes répondent aux questions d’Isabelle Bensidoun, économiste et adjointe au directeur du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII).</em></p>
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<p><strong>Dans une <a href="http://www.cepii.fr/CEPII/fr/publications/lettre/abstract.asp?NoDoc=13179">publication récente du CEPII</a>, vous montrez que l’Europe a su conserver ses parts de marché dans le commerce de produits pharmaceutiques ; une place qu’elle n’a pas gardée dans l’ensemble du secteur manufacturier. Quels ont été les ressorts de cette performance ?</strong></p>
<p>Dans cette industrie, l’Europe est en effet parvenue à maintenir ses parts de marché à l’exportation à des niveaux très élevés, proches de 75 % des exportations mondiales depuis 2000, tandis qu’elle en perd pour l’ensemble du secteur manufacturier (graphique 1).</p>
<p>Le Vieux Continent doit cette position de force à sa performance dans les produits situés en aval du processus de production (dans les préparations comme les médicaments ou les vaccins) qui représentent l’essentiel du commerce mondial en valeur de produits pharmaceutiques (plus de 80 % au cours des années 2010) et dans lesquels sa part de marché est considérable (78 % en 2020).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/451538/original/file-20220311-17-19lld5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/451538/original/file-20220311-17-19lld5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/451538/original/file-20220311-17-19lld5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=770&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/451538/original/file-20220311-17-19lld5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=770&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/451538/original/file-20220311-17-19lld5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=770&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/451538/original/file-20220311-17-19lld5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=967&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/451538/original/file-20220311-17-19lld5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=967&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/451538/original/file-20220311-17-19lld5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=967&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Parts de marché à l’exportation de l’Europe dans les produits pharmaceutiques (exportations de l’Europe en % des exportations mondiales de la branche).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Calcul des auteurs à partir de CEPII, base de données BACI</span></span>
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<p>En amont, dans les produits de base tels que les principes actifs, l’Asie émergente a opéré une percée remarquable, principalement au cours de la décennie 2000, en bénéficiant de transferts d’activités des firmes multinationales depuis les pays avancés.</p>
<p>Or les prix des produits pharmaceutiques ont davantage augmenté en aval qu’en amont. La stratégie industrielle des producteurs européens privilégiant les activités en aval des chaînes de production s’est donc avérée financièrement rentable.</p>
<p>Mais elle est source de vulnérabilités pour l’Europe dans l’approvisionnement en produits de base, et ce d’autant plus que la concentration au niveau mondial des pays fournisseurs, déjà élevée en 2000, s’est encore renforcée en amont.</p>
<p><strong>Qu’en est-il pour la France ?</strong></p>
<p>Le tableau est très différent pour la France : ses parts de marché déclinent depuis vingt ans dans l’industrie pharmaceutique (graphique 2). Ce recul est même supérieur à celui enregistré pour l’ensemble du secteur manufacturier.</p>
<p>En aval, dans les préparations pharmaceutiques, les exportations françaises pèsent désormais moins de la moitié de celles de l’Allemagne (6 % contre 15 % des exportations mondiales de la branche), alors qu’elles étaient proches il y a deux décennies.</p>
<p>Le cas des vaccins est emblématique : alors qu’en 2000 la France assurait 23 % des exportations mondiales, sa part n’était plus que de 14 % en 2020, avant même la mise au point des nouveaux vaccins contre le Covid-19 pour lesquels l’Hexagone ne figure pas parmi les pionniers.</p>
<p>Au total, le pays a subi des pertes de part de marché à l’exportation aussi bien dans les médicaments que dans les autres préparations pharmaceutiques, avec une présence faible dans les biomédicaments qui sont les produits d’avenir. Le décrochage français <a href="https://www.cae-eco.fr/innovation-pharmaceutique-comment-combler-le-retard-francais">pourrait notamment s’expliquer</a> par l’insuffisance des financements publics alloués à la recherche fondamentale et plus largement par un écosystème peu propice à l’innovation.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/451539/original/file-20220311-23-1e9b4qy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/451539/original/file-20220311-23-1e9b4qy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/451539/original/file-20220311-23-1e9b4qy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/451539/original/file-20220311-23-1e9b4qy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/451539/original/file-20220311-23-1e9b4qy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/451539/original/file-20220311-23-1e9b4qy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/451539/original/file-20220311-23-1e9b4qy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/451539/original/file-20220311-23-1e9b4qy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=557&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Parts de marché à l’exportation de produits pharmaceutiques : France versus Allemagne (exportations du pays en % des exportations mondiales de la branche).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Calcul des auteurs à partir de CEPII, base de données BACI</span></span>
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<p>En amont, dans les produits de base, la France n’a pas non plus réussi à préserver ses parts de marché à l’exportation. Elle y enregistre même un très important déficit. Mais sa situation est comparable ici à celle de l’Allemagne, dont le déficit arrive au second rang mondial derrière les États-Unis et devant la France.</p>
<p>Malgré tout, l’industrie pharmaceutique dans son ensemble reste l’un des rares secteurs à l’origine d’excédents commerciaux réguliers pour l’Hexagone, et le seul à avoir <a href="https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/278462.pdf">contribué positivement</a> à l’évolution de ses exportations en 2020, première année de la pandémie.</p>
<p><strong>Mais au moment de la crise sanitaire, ce ne sont pas seulement les produits pharmaceutiques qui ont fait défaut !</strong></p>
<p>En effet, au printemps 2020, avec des pénuries dues à l’<a href="https://www.wto.org/french/tratop_f/covid19_f/medical_goods_update_jun21_f.pdf">explosion de la demande mondiale</a>, tous les pays ont réalisé combien l’approvisionnement en masques, écouvillons ou respirateurs était crucial. Si tous ont été pris au dépourvu, tous n’ont pas été confrontés aux mêmes difficultés. À cet égard, pour les produits et équipements de protection médicale, la France s’est avérée <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/pbrief/2020/OFCEpbrief77.pdf">bien moins équipée que l’Allemagne</a>.</p>
<p>Au-delà des seuls « produits Covid-19 », la dépendance française aux importations concerne l’ensemble du petit matériel de santé où, contrairement à l’Allemagne, elle est constamment déficitaire depuis vingt ans (graphique 3)</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/451540/original/file-20220311-26-rrk2y9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/451540/original/file-20220311-26-rrk2y9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/451540/original/file-20220311-26-rrk2y9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/451540/original/file-20220311-26-rrk2y9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/451540/original/file-20220311-26-rrk2y9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/451540/original/file-20220311-26-rrk2y9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=607&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/451540/original/file-20220311-26-rrk2y9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=607&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/451540/original/file-20220311-26-rrk2y9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=607&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Parts de marché dans le petit matériel de santé et l’équipement de technologie médicale : France versus Allemagne (échanges du pays en % du commerce mondial).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Calcul des auteurs à partir de CEPII, base de données BACI</span></span>
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<p>Le choix qu’a fait la France de ne pas maintenir une spécialisation dans le petit matériel de santé n’est pas nécessairement préoccupant pour l’avenir dès lors que l’approvisionnement à l’étranger est sécurisé. En effet, il s’agit surtout de produits à faible valeur ajoutée.</p>
<p>En revanche, les enjeux sont très différents dans une autre branche de santé où le pays n’est pas non plus très bien positionné : celle des équipements de technologie médicale, fortement intensifs en R&D, et dont la fabrication nécessite une main-d’œuvre qualifiée (imagerie médicale, appareils respiratoires, dispositifs implantables…). Pour ces équipements, la France est légèrement déficitaire, avec une part de marché faible et en déclin (3 % des exportations mondiales en 2020).</p>
<p>Par contraste, l’Allemagne se situe parmi les trois leaders mondiaux avec les États-Unis et la Chine, et dégage des excédents conséquents dans cette branche <a href="https://www.snitem.fr/wp-content/uploads/2020/01/Snitem-Panorama-chiffre-des-DM-2019.pdf">à fort potentiel d’avenir</a>. Les difficultés françaises ne relèveraient pas tant ici de la phase de R&D que du passage à la phase de production des dispositifs médicaux : <a href="http://www.ires.fr/index.php/etudes-recherches-ouvrages/eclairages/item/6247-eclairages-20-l-industrie-francaise-des-equipements-medicaux-a-l-heure-du-coronavirus">problèmes de financement et faible densité du tissu industriel</a> seraient les principaux responsables.</p>
<p><strong>Dans les industries de santé, la performance française est donc très éloignée de celle de l’Allemagne. Mais alors que faire ?</strong></p>
<p>Le premier enjeu, qui n’est pas propre à la France, est celui de la sécurité des approvisionnements. Pour cela, une solution naturelle est la constitution de stocks. C’est d’ailleurs l’une des réponses mises en œuvre dans l’Hexagone : depuis septembre 2021, les laboratoires pharmaceutiques sont contraints de <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/281379-penuries-de-medicaments-un-stock-minimal-obligatoire">stocker l’équivalent de deux mois de consommation</a> pour certaines substances cruciales.</p>
<p>La diversification des fournisseurs est une réponse complémentaire. Encore faut-il être capable de tracer les approvisionnements : les chaînes de production des produits pharmaceutiques sont <a href="https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/swd-strategic-dependencies-capacities_en.pdf">tellement complexes</a> qu’on peine parfois à identifier les points de vulnérabilité. Il y a donc un vrai besoin de transparence en la matière.</p>
<p>Enfin, d’importantes économies d’échelle peuvent être réalisées en mutualisant les moyens, et l’Union européenne apparaît comme l’échelon pertinent à cet égard. Elle vient d’ailleurs de se doter d’une nouvelle autorité, l’<a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_21_4672">HERA</a> (Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire), qui doit lui permettre de mieux répondre aux situations d’urgence sanitaire, notamment en maintenant des capacités de production prêtes à monter rapidement en puissance en cas de besoin.</p>
<p>Le deuxième enjeu est celui du maintien sur nos territoires d’activités à forte valeur ajoutée. Cela passe par un ensemble de mesures favorisant les écosystèmes d’innovation et de production. De nombreuses initiatives ont éclot en ce sens.</p>
<p>Par exemple, le <a href="https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2021/12/sante_innov30.pdf">plan Innovation Santé 2030</a>, dans lequel la France prévoit des financements pour inciter les acteurs de la filière à produire davantage sur le territoire, avec une emphase particulière sur les <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/investir-l-avenir-biomedicament-annonce-des-8-laureats-de-l-appel-a-projets">biomédicaments</a>.</p>
<p>Sur ces questions de localisation de l’activité, la coordination entre États européens permettrait d’éviter une coûteuse course aux subventions. Elle semble par ailleurs d’autant plus nécessaire que les chaînes de valeur sont souvent européennes. Mais une telle coopération peine pour l’heure à se concrétiser.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la série du CEPII « L’économie internationale en campagne » un partenariat CEPII – The Conversation</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178934/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Depuis 2021, les laboratoires pharmaceutiques ont l’obligation de stocker des médicaments et des initiatives visant à maintenir une production à forte valeur ajoutée sur le territoire émergent.Deniz Unal, Économiste, rédactrice en chef du Panorama et coordinatrice des Profils du CEPII - Recherche et expertise sur l'économie mondiale, CEPIIAude Sztulman, Chercheur associé au CEPII, Maître de conférences, Université Paris Dauphine – PSLGuillaume Gaulier, Chercheur associé, CEPIIIsabelle Bensidoun, Adjointe au directeur, CEPIIPierre Cotterlaz, Économiste, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1765642022-02-13T19:59:12Z2022-02-13T19:59:12ZHuit ans après, le bilan mitigé de la loi Florange<p>Le 29 mars 2014, la loi visant à reconquérir l’économie réelle, dite <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000028811102/">« loi Florange »</a> était adoptée. Ce texte a été voté à la suite de la fermeture des deux hauts fourneaux du site sidérurgique d’ArcelorMittal et du licenciement de plus de 600 salariés à Florange, en Moselle, en avril 2013. Le court-termisme du marché avait alors été pointé du doigt.</p>
<p>Pour y remédier, cette loi comporte un ensemble de mesures visant à promouvoir l’orientation à long terme des actionnaires dans les entreprises cotées françaises. En particulier, elle instaure un droit de vote double en assemblée générale pour toute action détenue au nominatif par le même actionnaire pour une durée d’au moins deux ans. Une entreprise cotée peut cependant rejeter la mise en place de ces droits de vote doubles en votant une résolution confirmant le principe une action – une voix à la super majorité (au moins deux tiers des votes).</p>
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<figcaption><span class="caption">La « loi Florange » définitivement adoptée (i-Télé, février 2014).</span></figcaption>
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<p>Huit ans plus tard, les effets bénéfiques escomptés de la généralisation des droits de vote doubles sont-ils au rendez-vous, ou bien des effets indésirables se sont-ils manifestés ? Nous avons cherché à répondre à cette question dans notre récent article de recherche intitulé <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3324237">« The Capital Market Consequences of Tenure-Based Voting Rights : Evidence from the Florange Act »</a>, accepté pour publication dans la revue <em>Management Science</em>.</p>
<h2>Effet de substitution</h2>
<p>Notre échantillon se constitue de 342 entreprises françaises cotées. 70,5 % (241) de ces entreprises avaient déjà des droits de vote doubles avant l’introduction de la loi Florange. Sur les 29,5 % (101) restant, 76 %, la grande majorité, ont rejeté l’introduction des droits de vote doubles à la super majorité, ce qui montre qu’un équilibre de marché, auquel les actionnaires essayent de revenir, préexistait. 24 % ont adopté les droits de vote doubles.</p>
<p>Nous trouvons que les entreprises qui ont adopté les droits de vote doubles à la suite de la loi Florange connaissent une baisse de leur actionnariat institutionnel étranger de l’ordre de 4 % par rapport aux entreprises qui les rejettent. Nous observons également une augmentation relative de l’actionnariat des actionnaires majoritaires (familles) et de l’État français. Nous ne notons pas d’augmentation significative de la présence d’investisseurs institutionnels français ou d’investisseurs institutionnels français de long terme.</p>
<p>On peut donc dire qu’il y a eu un effet de substitution, l’actionnariat de long terme étranger étant remplacé par un autre type d’actionnariat de long terme plus familial, concentré, ou étatique. Ce résultat va à l’encontre de l’idée que l’introduction des droits de vote doubles a permis d’encourager l’actionnariat de long terme, notamment l’actionnariat des investisseurs de long terme les plus à même de produire des effets bénéfiques : les investisseurs institutionnels.</p>
<p>Nous regardons ensuite les conséquences de la généralisation des droits de vote doubles sur la valeur des entreprises. Nous étudions, sur la période 2014-2018, la performance d’un portefeuille qui est long sur les entreprises qui rejettent les droits de vote double et court sur celles qui ne les rejettent pas. Un tel portefeuille génère une performance moyenne positive (0,5 % par mois en moyenne) qui ne s’explique pas par les facteurs de risque traditionnels.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/444736/original/file-20220207-1085-n73jqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/444736/original/file-20220207-1085-n73jqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/444736/original/file-20220207-1085-n73jqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/444736/original/file-20220207-1085-n73jqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/444736/original/file-20220207-1085-n73jqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/444736/original/file-20220207-1085-n73jqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/444736/original/file-20220207-1085-n73jqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Moins d’un quart des grandes entreprises françaises ont mis en place le système de droits de vote doubles instauré en 2014 pour les actions détenues depuis au moins deux ans.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Le_quartier_de_la_Défense_vu_de_la_Tour_Saint-Jacques,_Paris_août_2014.jpg">Yann Caradec/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce résultat est contraire à l’idée que l’adoption des droits de vote double permettrait de générer de la valeur sur des horizons longs, mais cohérent avec l’idée que les droits de vote doubles, pour les firmes forcées à les mettre en place, augmente le coût de capital du fait d’un plus grand risque d’expropriation des actionnaires minoritaires.</p>
<p>Finalement, nous regardons si les effets négatifs que nous documentons sont compensés par des effets positifs qui ne transparaîtraient pas dans la performance boursière. Nous ne trouvons pas d’amélioration des mesures d’investissement, d’innovation, ou de responsabilité sociale ou environnementale pour les entreprises ayant adopté les droits de vote doubles par rapport à celles qui les ont rejetées.</p>
<h2>Effets indésirables</h2>
<p>En conclusion, et pour revenir à l’argument central qui sous-tend la généralisation des droits de vote doubles – encourager l’actionnariat de long terme pour combattre le court-termisme du marché action – nos analyses montrent que le résultat n’est pas celui escompté.</p>
<p>Nous mettons en lumière des effets indésirables, notamment sur l’actionnariat étranger. Si, en revanche, le but poursuivi était avant tout de protéger les entreprises françaises des investisseurs étrangers, il se peut que l’objectif ait été atteint, notamment en mettant plus de pouvoir dans les mains des actionnaires français majoritaires ou de références.</p>
<p>Alors que d’autres pays introduisent des mesures similaires (par exemple, en Italie, en Belgique, ou encore Espagne), notre travail met à l’épreuve les arguments mis en avant par les législateurs pour motiver la nécessité d’une généralisation des droits de vote doubles. Dans l’idéal, l’adoption d’une telle mesure devrait être précédée de l’établissement d’un diagnostic qui reflète l’état de la connaissance scientifique et d’une discussion des effets attendus ou potentiellement indésirables. Une fois la mesure en place, des études d’impact indépendantes devraient analyser les effets réels. Tout cela dans le but de s’assurer que les lois corrigent bien des défaillances de marché et n’en génèrent pas de nouvelles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176564/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thomas Bourveau est membre de Droit & Croissance. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Alexandre Garel et François Brochet ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>La réglementation visant à limiter les délocalisations en généralisant les droits de vote doubles n’a pas eu l’effet escompté sur l’actionnariat de long terme.Alexandre Garel, Researcher in Finance, AudenciaFrançois Brochet, Associate professor of accounting , Boston UniversityThomas Bourveau, Assistant Professor of Accounting at Columbia University, Columbia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1756912022-01-30T19:06:49Z2022-01-30T19:06:49ZComment éviter que les politiques climatiques européennes ne favorisent les délocalisations ?<p><em>Le mécanisme d’ajustement carbone à la frontière n’a jamais pris une telle place dans les agendas politiques : il est mentionné dès décembre 2019 dans le <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52019DC0640&from=EN">pacte vert pour l’Europe</a> formulé par la Commission européenne entrante, il a fait l’objet d’une <a href="https://ec.europa.eu/info/publications/delivering-european-green-deal_fr">proposition législative européenne</a> en juillet 2021 et constitue aujourd’hui l’une des <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2021/12/09/presentation-de-la-presidence-francaise-du-conseil-de-lunion-europeenne">priorités</a> annoncée de la présidence française du Conseil de l’Union européenne. Pourtant, on en entend peu parler dans le débat public. L’objet est complexe, technique, mais chargé d’enjeux.</em></p>
<p><em>De quoi s’agit-il concrètement, quels sont ses impacts et ne mérite-t-il pas plus d’attention ? Éclairage avec Cecilia Bellora, économiste en charge du programme scientifique Politiques commerciales au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), qui répond aux questions d’Isabelle Bensidoun, économiste et adjointe au directeur du CEPII.</em></p>
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<p><strong>L’Union européenne a annoncé qu’elle allait mettre en place un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. De quoi s’agit-il ?</strong></p>
<p>Le mécanisme d’ajustement carbone à la frontière (MACF) vise à limiter ce qu’on appelle les fuites de carbone de l’Union européenne (UE). Concrètement, dans l’UE, les industriels des secteurs qui consomment le plus d’énergie – raffineries, acier, aluminium, verre, production de papier, certaines productions de la chimie, etc. – doivent acheter des quotas d’émission. Chaque quota les autorise à émettre une tonne de dioxyde de carbone – ou une quantité équivalente d’autres gaz à effet de serre (GES) comme le méthane, par exemple.</p>
<p>Dans ces conditions, les entreprises européennes pourraient être tentées de produire à l’étranger, là où les normes environnementales sont moins contraignantes, là où elles n’ont pas l’obligation d’acheter ces quotas. Dans ce cas, les émissions seraient déplacées à l’étranger : voici donc les fuites visées par le MACF. Pour dissuader les entreprises de transférer leur production à l’étranger (ou d’avoir recours à des fournisseurs produisant à l’étranger), le MACF fera payer aux importateurs européens le même prix pour les GES émis que celui payé par les producteurs européens.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1470338073632419844"}"></div></p>
<p>Pour y voir plus clair, prenons un exemple concret, celui de l’aluminium. Les trois premiers pays producteurs au monde émettent en moyenne <a href="https://www.strategie.gouv.fr/publications/evaluer-lexternalite-carbone-metaux">17 tonnes de CO₂ pour produire une tonne d’aluminium</a>. L’ajustement carbone imposera aux importateurs d’acheter 17 quotas carbone pour chaque tonne d’aluminium importée, ce qui leur coûtera 1 360 euros au prix du quota d’aujourd’hui (80 euros mi-janvier 2022), mais certainement plus dans quelques années. Ces 1 360 euros correspondent à environ la moitié du prix d’une tonne d’aluminium brut (prix particulièrement élevé au moment où nous faisons le calcul).</p>
<p>En réalité, le nombre de quotas que l’importateur devra acheter sera ajusté aux émissions réelles de chaque usine de production et non calculé comme dans cet exemple simplifié à partir des émissions moyennes. Ainsi, le MACF limitera les importations et, parmi celles qui auront tout de même lieu, il favorisera les importations qui généreront le moins d’émissions soit parce que la technique utilisée pour les produire est plus propre, soit parce que les sources d’énergie utilisées le sont (une part plus importante d’électricité issue de sources renouvelables, par exemple).</p>
<p><strong>Le MACF a donc vocation à limiter les fuites de carbone, mais quelle est leur importance actuellement ?</strong></p>
<p>Les fuites de carbone, on l’a vu, sont dues à une différence dans le niveau d’exigence des politiques climatiques entre partenaires commerciaux, le carbone ayant tendance à « fuir » là où les contraintes sont moins fortes. Les contraintes climatiques sont aujourd’hui assez variables d’un pays à l’autre, pourtant les études font état de fuites faibles.</p>
<p>Il y a deux raisons à cela. Premièrement, le prix du quota d’émission est resté très faible jusqu’en 2020, inférieur à 30 euros, insuffisant pour inciter à une délocalisation massive. Deuxièmement, des quotas d’émission sont alloués gratuitement aux secteurs les plus intensifs en énergie et les plus exposés au commerce pour limiter la hausse des coûts de production et l’incitation, qui en résulte, à délocaliser leur production. De ce fait, certains industriels ne payent pas ou très peu leurs quotas. Les fuites sont ainsi éliminées, mais, avec elles, l’incitation à réduire les émissions l’est aussi.</p>
<p>Le MACF devrait progressivement prendre le relais de cette approche : les quotas carbone gratuits seront éliminés et les importateurs seront soumis au même dispositif que les producteurs européens en matière de quotas. Au lieu d’éliminer une contrainte environnementale qui ne pèse que sur certains, la contrainte s’étend à l’ensemble des industriels, européens et étrangers, au moins en ce qui concerne les produits destinés au marché européen pour ces derniers.</p>
<p><strong>Quelles seront les conséquences économiques de la mise en place de ce mécanisme ?</strong></p>
<p>Tout d’abord, il faut s’attendre à ce que les industriels européens achètent moins de composants et produits à l’étranger puisqu’ils seront plus onéreux avec le MACF.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/442518/original/file-20220125-17-nd2h6v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/442518/original/file-20220125-17-nd2h6v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/442518/original/file-20220125-17-nd2h6v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=700&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/442518/original/file-20220125-17-nd2h6v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=700&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/442518/original/file-20220125-17-nd2h6v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=700&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/442518/original/file-20220125-17-nd2h6v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=879&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/442518/original/file-20220125-17-nd2h6v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=879&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/442518/original/file-20220125-17-nd2h6v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=879&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://cepii.fr/PDF_PUB/lettre/2021/let415.pdf">CEPII (2021)</a></span>
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<p>D’après <a href="http://cepii.fr/CEPII/fr/publications/lettre/abstract.asp?NoDoc=12931">nos estimations</a>, si les entreprises ne bénéficiaient pas d’allocations gratuites, leurs importations pourraient baisser de 8 % en moyenne d’ici à 2040 et de 16 % dans la métallurgie. Les secteurs européens concernés par le MACF seront donc protégés des importations en provenance de pays ayant des politiques climatiques moins ambitieuses.</p>
<p>Ensuite, il faut s’attendre à des hausses de prix dans les secteurs soumis au marché du carbone européen. Mais aussi dans les secteurs qui utilisent les productions des secteurs soumis aux quotas carbone comme intrants ; par exemple, un constructeur automobile parce qu’il payera son aluminium plus cher, répercutera cette hausse dans son prix de vente, sauf s’il est prêt à réduire ses marges. En outre, il devra faire face sur le marché européen à la concurrence de véhicules venus de pays où l’on ne paie pas de taxe carbone. En effet, il est pour l’instant prévu que le MACF s’applique sur l’aluminium, mais pas sur les produits finis qui en contiennent, du fait notamment de la complexité d’application dans ce cas.</p>
<p>Enfin, les producteurs européens qui s’acquittent des quotas carbone pour produire en UE ou qui payent leurs intrants plus cher du fait du MACF, seront moins compétitifs quand ils exporteront hors de l’UE.</p>
<p><strong>Le MACF est avant tout un mécanisme à portée environnementale. Est-il efficace de ce point de vue ?</strong></p>
<p>Ce mécanisme devrait permettre de réduire de moitié les fuites de carbone de l’UE vers le reste du monde à l’horizon 2040, alors que ces fuites seront de plus en plus importantes, au fur et à mesure que les prix du quota d’émission vont augmenter.</p>
<p>Politiquement, il constitue l’instrument qui va rendre acceptables pour les industriels européens les efforts climatiques à venir. Ils paieront les quotas carbone de plus en plus cher, mais ne seront pas les seuls à porter l’effort, ce dernier étant imposé aux produits importés.</p>
<p>Néanmoins, ce mécanisme ne suffira pas à lui seul à faire reculer les émissions globales. Les émissions européennes représentant moins de 10 % des émissions mondiales, le MACF réduira de moins de 1 % les rejets mondiaux à l’horizon 2040. Mais il pourrait être un moyen d’amener nos partenaires commerciaux, notamment la Chine et les États-Unis, à la table des négociations pour les inciter à mettre en place des politiques climatiques plus ambitieuses. Car, sans une approche internationale, la politique européenne, même très ambitieuse, ne sera pas suffisante pour limiter les émissions de GES mondiales.</p>
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la série du CEPII « L’économie internationale en campagne » un partenariat CEPII–The Conversation</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175691/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le projet de mécanisme d’ajustement carbone à la frontière (MACF) pourrait inciter des entreprises européennes à produire là où les normes environnementales sont moins contraignantes.Cecilia Bellora, Économiste en charge du programme « Politiques commerciales », CEPIIIsabelle Bensidoun, Adjointe au directeur, CEPIILicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1719682021-11-16T18:50:21Z2021-11-16T18:50:21ZDébat : L’électricité, ce mensonge « phénoménal »<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la 6<sup>e</sup> édition du <a href="https://u-paris.fr/festival-idees-paris/">Festival des idées</a> qui a pour thème « Réparer le futur ». Organisé par Alliance Sorbonne Paris Cité, le Festival, dont The Conversation est partenaire, se tiendra du 18 au 20 novembre 2021 à Paris. Alain Gras interviendra le vendredi 19 novembre à la Bellevilloise dans le débat <a href="https://u-paris.fr/festival-idees-paris/un-futur-electrique-mauvaise-idee/">« Un futur électrique : mauvaise idée ? »</a>. Retrouvez toutes les infos pratiques <a href="https://u-paris.fr/festival-idees-paris/programme/">ici</a>.</em></p>
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<p>Dans ce titre provocateur, il faut d’abord entendre « phénoménal » au sens de la phénoménologie, cette branche de la philosophie née en Allemagne, dont Maurice Merleau Ponty fut le grand introducteur en France et <a href="https://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_2003_num_101_1_7481">Dominique Janicaud</a> son meilleur interprète sur la question de la technique.</p>
<p>Cette approche part de la réalité première du phénomène, et non de la théorie, pour comprendre son essence. Toutefois, le lecteur pourra aussi imaginer « phénoménal » dans son usage commun, celui de gigantesque, bien qu’ici il faille le lire comme profond malentendu.</p>
<h2>Quelle transition ?</h2>
<p>Le sort de l’électrique est aujourd’hui irrémédiablement lié à celui de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/transition-energetique-23303">transition énergétique</a>, ou inversement.</p>
<p>Dans son dernier rapport, rendu public le 25 octobre 2021, le gestionnaire du réseau de transport électrique français (RTE) propose ainsi <a href="https://www.rte-france.com/analyses-tendances-et-prospectives/bilan-previsionnel-2050-futurs-energetiques">6 scénarios de consommation et de production électriques</a> à l’horizon de 2050 avec pour objectif la « neutralité carbone » (et notamment la fin du recours aux énergies fossiles).</p>
<p>Une première question surgit à la suite de cette publication très attendue et commentée : cela suffit-il pour rendre possible une transition ? Notre salut climatique passe-t-il vraiment par l’électrification du monde ? Il ne s’agit pas ici de critiquer ces divers scénarios, l’essentiel est ailleurs.</p>
<p>Le « messianisme électrique » dans lequel nous évoluons reprend l’adage lampedusien, en nous promettant de tout changer sans que rien ne change dans l’ordre établi.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Upz2x0lV4ns?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Présentation du rapport de RTE, le 25 octobre 2021, sur les futures énergétiques à l’horizon 2050 (RTE, 2021).</span></figcaption>
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<h2>Le mythe de la pureté électrique</h2>
<p>La fée électricité se présente revêtue de probité candide, dirait le poète, puisqu’elle ne provoque aucune nuisance lorsqu’elle délivre sa magie par simple clic sur le bouton interrupteur. Les usagers savent, plus ou moins, que cette force « courante » n’est pas une énergie, qu’elle ne fait que transférer la puissance d’une autre, bien réelle, matière fossile ou éléments naturels ; mais ils l’oublient devant le prodige.</p>
<p>Prenons le phénomène dans sa simplicité biblique : le seul courant que l’on connaisse se trouve dans le ciel, tout simplement la foudre, apanage du premier des dieux dans nombre de religions. Cela ne veut pas dire que le potentiel électrique n’existe pas sur Terre – les ions et les électrons en surnombre le portent – mais sa force ne peut être récupérée que par extraction violente des électrons. Soit chimique dans la batterie (Volta, 1805), soit mécanique par une roue aimantée qui tourne autour d’une bobine fixe en cuivre (générateurs d’Ampère, Faraday, 1830-1840). Rien n’a changé depuis le XIXe siècle sur ce plan.</p>
<p>Nous atteignons ainsi le cœur anthropologique et philosophique, politique, du malentendu.</p>
<h2>Délocaliser les effets nocifs</h2>
<p>La mise en avant de la pureté électrique repose en effet sur l’effacement du second principe de la thermodynamique : « toute transformation du système entraîne une augmentation de l’entropie globale ». Les déchets sont ici relégués au second plan ; la production, les nuisances, rendues invisibles.</p>
<p>Le génial inventeur et entrepreneur avisé, Thomas Edison, fut le premier à avoir trouvé là un argument publicitaire imparable dans les années 1881. Il équipa dans la rue la plus chic de New York, Pearl Street, un millier d’intérieurs avec ses nouvelles ampoules à incandescence sous vide. Le succès fut immédiat : à la place de la lumière du gaz, qui salissait les intérieurs bourgeois, cette innovation gardait frais tableaux et tapisseries. Mais, à quelques kilomètres de là, deux centrales à charbons rejetaient 5 tonnes de scories par jour dans l’Hudson River.</p>
<p>Ce modèle de délocalisation des effets nocifs, inscrit si profondément dans notre mode de vie, nous empêche de voir que bien des vertus électriques relèvent à la catégorie « fake news ».</p>
<h2>À l’heure de la démesure technologique</h2>
<p>L’amplification de ce camouflage du risque accompagne ainsi la démesure technologique. La conversion du politique au « tout électrique » devrait pourtant nous rendre méfiants sur ses véritables intentions écologiques : l’électro-numérique, univers de l’artifice, rend en effet le pouvoir incontestable. En apparence tout propre, rationnel parce qu’ordonné par les algorithmes, il étend sa toile autour du monde, s’adaptant à chaque culture.</p>
<p>Ne serait-il pas temps de s’interroger sur les causes profondes de cette offre constante, sinon délirante, d’objets automates, connectés ou non, affublés souvent d’une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/intelligence-artificielle-ia-22176">intelligence artificielle</a> qui nous rend idiots, tandis que le potentiel d’immondices devient chaque jour un peu plus inquiétant.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-numerique-cet-impense-du-pacte-vert-europeen-143575">Le numérique, cet impensé du pacte vert européen</a>
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<p>Et aussi se rendre compte que les batteries font du mal au sous-sol, que les gentils barrages assèchent et dévastent des régions très fertiles, que nos vertueuses éoliennes et installations solaires ne sont pas neutres pour notre milieu, et que les nouveaux venus issus de l’électrique, tel l’hydrogène, chargent encore la barque.</p>
<p>Pas un jour ne passe sans que nous soyons avertis du danger, mais <em>la nave va</em> : demain, notre vie en 3D <a href="https://theconversation.com/fr/topics/metavers-111662">grâce au « métavers »</a>… Combien de mégawatts pour lui ?</p>
<p>Cette trajectoire qui dépouille l’être pensant de sa faculté de choisir son destin, s’appuie sur ce « modèle Edison » et ces macro-systèmes techniques qui recouvrent la planète. Nous sommes invités à croire au Père Noël nouvelle vague : une énergie propre.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1460557812812161030"}"></div></p>
<h2>Le péril d’un processus autonome</h2>
<p>Quand allons-nous comprendre l’énormité de ce mensonge ? La faute originelle ne repose évidemment pas sur la découverte et l’usage premier de l’électricité, mais sur la manière dont elle se transforme en instrument d’un pouvoir qui se croit hors de toutes limites… divin.</p>
<p>Cette manière de penser l’avenir nous fait craindre le pire, car ce traitement brutal du phénomène originel aboutit à un constat général : sous prétexte que la technoscience va guérir l’humanité de la pollution et du dérèglement climatique qui sont en train de la submerger, la transition devient l’occasion d’entamer un processus autonome par rapport au social, dont les seuls garants sont précisément ceux qui sont à l’origine du mal.</p>
<p>Les scénarios prospectifs et les COP ne pourront rien y changer.</p>
<p>Jose Luis Borges donnait la clé de cette manière qu’a le pouvoir de penser pour nous : « L’avenir est inévitable, mais il peut ne pas arriver ». Si les citoyens ne sont pas impliqués, il n’y aura jamais de transition, elle restera une comédie à la fin tragique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171968/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alain Gras ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le « messianisme électrique » dans lequel nous évoluons nous promet de tout changer sans que rien ne change dans l’ordre établi, compromettant ainsi la possibilité d’une transition écologique.Alain Gras, Professeur émérite, UFR de sociologie, Uté Paris 1, socio-anthropologue, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1589032021-04-19T17:18:59Z2021-04-19T17:18:59ZÀ l’échelle mondiale, aucun découplage à attendre entre PIB et consommation d’énergie<p>Pour évaluer l’empreinte carbone d’un pays, sont prises en compte non seulement les émissions générées localement, mais aussi celles incluses dans les produits importés. Sans quoi, la délocalisation hors du pays d’une partie de ses activités industrielles donnerait l’illusion qu’il a réduit son empreinte carbone. Celle de la France est par exemple de 11 tCO<sub>2</sub>/hab, alors que les émissions liées à la seule production nationale ne sont <a href="https://www.hautconseilclimat.fr/rapport-2019">que de 5 tCO₂/hab</a>.</p>
<p>Il convient de raisonner de façon similaire pour calculer l’empreinte énergétique du PIB, c’est-à-dire la quantité d’énergie primaire nécessaire pour produire les biens et les services consommés, en comptabilisant aussi celle dépensée pour fabriquer les biens et services importés. Là encore, la baisse du contenu énergétique d’un pays sera illusoire si dans le même temps il délocalise ses activités industrielles, et rapatrie ensuite les produits qu’il ne fait plus.</p>
<p>S’il apparaît logique que la hausse du PIB s’accompagne d’une progression de l’énergie utilisée, la corrélation peut se complexifier sur le long terme, en tenant compte de plusieurs facteurs : les économies d’énergie liées à une amélioration des équipements utilisateurs d’énergie, la substitution entre formes d’énergie (certaines sont plus efficaces que d’autres), l’évolution de la structure du PIB (la tertiarisation du PIB tend à réduire le contenu énergétique, toutes choses égales par ailleurs).</p>
<p>Tentons d’y voir plus clair en repartant de la réalité concrète que l’on veut mesurer à travers ces calculs.</p>
<h2>PIB, énergie et transformation de la matière</h2>
<p>Tout bien ou service s’obtient par diverses transformations de la matière, dont l’approche physique permet d’effectuer les bilans énergétiques, et dont la comptabilité monétaire contribue au PIB.</p>
<p>Consommation d’énergie et PIB représentent donc deux façons de comptabiliser les mêmes transformations de la matière. Le passage d’une comptabilité à l’autre est ainsi analogue à un simple changement d’unité, qui doit se traduire par une relation linéaire entre PIB et consommation d’énergie – en considérant ici que les activités non marchandes ne représentent qu’une petite partie de la production de biens et de services. Les données empiriques confirment-elles ce raisonnement ?</p>
<p>Penchons-nous d’abord sur les chiffres nationaux, qui semblent défier cette affirmation. Les cas de l’Allemagne et du Royaume-Uni révèlent ainsi depuis les années 1970 une progression du PIB à énergie à peu près constante, puis une augmentation du PIB associée à une diminution d’énergie.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/394777/original/file-20210413-17-ovp2o8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/394777/original/file-20210413-17-ovp2o8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/394777/original/file-20210413-17-ovp2o8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/394777/original/file-20210413-17-ovp2o8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/394777/original/file-20210413-17-ovp2o8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=380&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/394777/original/file-20210413-17-ovp2o8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=478&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/394777/original/file-20210413-17-ovp2o8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=478&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/394777/original/file-20210413-17-ovp2o8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=478&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">En ordonnée, PIB en milliards de dollars ; en abscisse, consommation d’énergie primaire en milliards de tonnes équivalent pétrole. Les points correspondent aux années 1960-1965-… -2015.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Our World in Data</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des contrastes saisissants entre l’Europe et l’Asie</h2>
<p>Lorsque l’on agrège ces cinq pays représentatifs de l’Europe, on décèle trois régimes, caractérisés par une pente différente de la relation PIB/énergie : le premier avant les chocs pétroliers des années 1970 ; le second, marqué par une brusque rupture de pente, sans doute associée à une nette amélioration de l’efficacité énergétique ; et dans les dernières années, un troisième régime marqué par une progression du PIB associée à une diminution de la consommation d’énergie primaire.</p>
<p>Une partie de cette évolution s’explique par une modification de la structure du PIB mais aussi par les progrès constatés dans l’efficacité énergétique. La variable explicative est bien évidemment le prix de l’énergie : les chocs pétroliers ont rendu l’énergie plus chère, ce qui a conduit à davantage d’efficacité et à des substitutions entre formes d’énergie.</p>
<p>Plus récemment, c’est l’introduction d’un prix du carbone dans les pays industrialisés qui peut expliquer les efforts consentis pour réduire la consommation unitaire des produits. Mais cette mesure a aussi pour conséquence de favoriser les « fuites » de carbone, ce qui revient à délocaliser les industries polluantes.</p>
<p>Ces trois régimes se confirment si l’on ajoute les données relatives à l’Amérique du Nord. Un premier changement de pente en 1975, effet du premier choc pétrolier, et l’amorçage au début des années 2000 dans les pays riches d’un « découplage fort » : un PIB croissant avec moins d’énergie.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/394782/original/file-20210413-23-1z0y4on.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/394782/original/file-20210413-23-1z0y4on.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/394782/original/file-20210413-23-1z0y4on.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=275&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/394782/original/file-20210413-23-1z0y4on.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=275&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/394782/original/file-20210413-23-1z0y4on.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=275&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/394782/original/file-20210413-23-1z0y4on.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=346&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/394782/original/file-20210413-23-1z0y4on.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=346&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/394782/original/file-20210413-23-1z0y4on.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=346&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">En abscisse, la consommation d’énergie primaire en milliard de tonnes équivalent pétrole ; en ordonnée, le PIB en milliards de dollars. Les points correspondent aux années 1960-1965… 2015 à gauche et 1970-1975… 2015 à droite (manque de données avant).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Our World in Data</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le contraste est frappant avec l’Asie de l’Est, où on observe une tendance qui semble confirmer la proposition initiale d’une relation linéaire entre PIB et consommation d’énergie.</p>
<p>Quant aux régions du monde non représentées ici – Asie du Sud, Amérique latine, Afrique – elles suivent la même tendance que l’Asie de l’Est, avec quelques décennies de décalage.</p>
<p>Or ces pays se caractérisent par un poids croissant des activités industrielles – c’est en particulier le cas en Chine.</p>
<h2>Un découplage plus apparent que réel</h2>
<p>Agrégeons à présent l’ensemble des données mondiales. Nous identifions alors deux régimes, avec une légère amélioration de l’efficacité énergétique amorcée à partir de la fin des années 1990, mais pas de « découplage fort ».</p>
<p>Dans la mesure où cette évolution apparaît au moment où la Chine entre massivement sur le marché planétaire, on peut proposer l’interprétation suivante : pour analyser la relation entre PIB et énergie, il faut considérer des entités économiquement autonomes, ou tenir compte des échanges internationaux. C’est uniquement dans ces conditions que l’on comptabilise les mêmes transformations de la matière, à la fois dans le calcul de leurs consommations énergétiques et dans leurs contributions au PIB.</p>
<p>Depuis les années 2000, nombre d’activités indispensables pour le fonctionnement des sociétés et très gourmandes en énergie ont été délocalisées, notamment en Chine. Le « découplage » dans les pays riches est plus apparent que réel, il s’agit surtout des effets de leur « désindustrialisation partielle ».</p>
<p>Une relation linéaire entre PIB et consommation d’énergie semble bien confirmée par les données agrégées à l’échelle mondiale, avec une pente légèrement croissante, correspondant à une amélioration à long terme de l’efficacité énergétique.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/394783/original/file-20210413-17-tfrpi1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/394783/original/file-20210413-17-tfrpi1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/394783/original/file-20210413-17-tfrpi1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/394783/original/file-20210413-17-tfrpi1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/394783/original/file-20210413-17-tfrpi1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/394783/original/file-20210413-17-tfrpi1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=586&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/394783/original/file-20210413-17-tfrpi1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=586&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/394783/original/file-20210413-17-tfrpi1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=586&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Analyse par grandes régions du monde. Monde (1970-2015), Asie de l’Est (1970-2015), Amérique du Nord + France + Allemagne + Royaume-Uni + Italie + Espagne (1960-2015). La fine ligne bleue brisée trace les deux tendances.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Banque mondiale</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À l’échelle mondiale, la croissance économique continuera donc à s’accompagner d’une progression de la consommation d’énergie, à des rythmes variables selon les périodes.</p>
<p>À l’échelle régionale et a fortiori à l’échelle nationale, il en ira différemment. La croissance économique impliquera une consommation d’énergie moindre, grâce aux améliorations techniques et aux modifications structurelles du PIB.</p>
<p>Mais l’énergie économisée dans certains pays sera utilisée dans d’autres pour le compte des premiers. La forte chute de la consommation d’énergie finale attendue en France d’ici à 2030 selon la PPE, et qui devrait s’accompagner d’une forte réduction des émissions de CO<sub>2</sub>, risque ainsi de masquer des consommations et des émissions délocalisées.</p>
<p>Pour affiner notre connaissance de l’impact énergétique lié au PIB d’un pays, il apparaît donc indispensable de tenir aussi compte du contenu énergétique de ses importations, dans un contexte d’économies nationales mondialisées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/158903/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Comme son impact carbone, le contenu énergétique du PIB des pays riches est largement faussé par la délocalisation de leur industrie.Jacques Treiner, Physicien théoricien, chercheur associé au laboratoire LIED-PIERI, Université Paris CitéJacques Percebois, Professeur émérite à l'Université de Montpellier, chercheur à l'UMR CNRS Art-Dev, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1546002021-02-08T20:14:58Z2021-02-08T20:14:58ZEntreprises offshores : le transfert ponctuel de personnel, une alternative à l’expatriation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/382268/original/file-20210203-23-jtac6g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C6000%2C3988&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’étude révèle que les entreprises devraient envisager un large éventail de types de transfert de personnel pour faciliter le transfert de connaissances depuis et vers le siège.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/kelantan-malaysia-may-05-2019-unidentified-1394568812">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Dans le contexte de délocalisation, les difficultés de transfert de connaissances proviennent non seulement de la distance géographique et des problèmes de communication, mais aussi de ceux reliés à la culture et aux différences de fuseaux horaires qui rendent plus difficiles l’interaction des équipes onshores et offshores.</p>
<p>Il existe de nombreuses façons différentes de gérer et de transférer les connaissances d’une organisation à une autre. Cependant, même avec de bons programmes de formation, des employés hautement qualifiés et expérimentés, les entreprises doivent développer des processus appropriés afin de transférer les connaissances entre les membres des deux partis.</p>
<p>C’est pourquoi les entreprises comptent sur le transfert physique de personnel, consistant soit à envoyer un expatrié vers son centre offshore, soit à envoyer du personnel offshore vers le siège.</p>
<p>Dans ce contexte, nous avons exploré, dans une étude à paraître, comment une grande entreprise du secteur financier transférait ses connaissances, à travers le transfert physique de personnel. Nous avons mené une étude de cas approfondie d’une entreprise basée en Belgique, et ayant une implantation offshore en Pologne. Au total, 51 entretiens ont été menés sur les deux sites.</p>
<p>Dès l’arrivée des nouveaux employés recrutés au sein du centre offshore, ceux-ci sont immédiatement envoyés au siège en Belgique. Ils y suivent un programme de formation intensif leur permettant d’acquérir toutes les connaissances nécessaires afin d’exécuter leurs tâches correctement une fois retournés dans le centre offshore en Pologne.</p>
<h2>« Sous un angle différent »</h2>
<p>Outre le transfert de connaissances sur le poste, le transfert de personnel vers le siège a également aidé ces derniers à développer des relations de travail plus étroites avec les employés du siège. Ce transfert de connaissances relationnelles donne une approche en termes de mentalité : comment faire les choses, comment collaborer, communiquer avec vos collègues en Belgique ?</p>
<p>Comme en témoigne un employé dans notre étude :</p>
<blockquote>
<p>« Désormais, si les employés offshores ont une question, ils appelleront immédiatement quelqu’un en Belgique. Le comportement est différent, car maintenant ils connaissent personnellement les collègues belges. Ils savent aussi qui sait quoi en Belgique ».</p>
</blockquote>
<p>De plus, le fait de passer du temps avec les employés offshores au siège a aidé le personnel en Belgique à comprendre les habitudes et les valeurs de leurs homologues polonais. Un interviewé en témoigne :</p>
<blockquote>
<p>« La culture, les coutumes polonaises, la façon de travailler en Pologne… Je sensibilise mes collègues belges sur ces caractéristiques de façon plus directe ».</p>
</blockquote>
<p>Encore plus pertinent, les personnes interviewées pour cette étude ont également partagé avec nous le fait que :</p>
<blockquote>
<p>« Les employés offshore nous font réaliser des choses. […] Ils sont nouveaux, ils regardent les choses sous un angle différent. Nous (le personnel du siège) faisons les choses comme nous l’avons toujours fait ici en Belgique. […] Après un certain temps, ils (les employés offshores) sont encouragés à générer des idées sur la manière dont le processus peut être amélioré ou à proposer de nouvelles méthodes de travail ».</p>
</blockquote>
<p>Ce programme de transfert des employés offshores vers le siège a donc fortement encouragé les transferts de connaissances dans les deux sens, entre le siège et son centre offshore.</p>
<h2>Processus dynamique</h2>
<p>À la suite du programme, l’entreprise a lancé un autre programme de transfert physique de personnel au cours duquel un certain nombre d’employés du siège ont passé trois mois dans le centre offshore en Pologne en tant qu’expatriés à court terme, juste après le séjour de plusieurs mois des employés offshores au siège.</p>
<p>Ces « expatriés à court terme » ont pu expliquer une fois de plus ce qui n’était pas entièrement compris par les employés offshores à leur retour en Pologne :</p>
<blockquote>
<p>« Nous (les expatriés) questionnons les employés offshores chaque jour. Face à un problème, je peux par exemple demander “peux-tu m’expliquer pourquoi tu fais comme ça”. Certains vont me répondre “parce qu’on m’a dit de le faire”. Et plus vous les poussez, mieux vous définissez les causes profondes du problème qui, une fois identifiées, permettent d’envisager de nouvelles solutions. C’est vraiment notre rôle (de l’expatrié à court terme) ».</p>
</blockquote>
<p>Les données recueillies montrent également que les expatriés à court terme sont essentiels pour transférer les connaissances de la Pologne vers le siège. Un interviewé en témoigne :</p>
<blockquote>
<p>« Il est vrai qu’en Belgique, si les gens sont là depuis plus de 20 ans pour faire la même tâche, ils ne remettront pas en cause le processus, ou très rarement. Maintenant, nous avons des gens (employés offshores) qui parfois détectent des pistes d’amélioration des procédures. Un nouveau venu polonais peut parfaitement contribuer activement à changer les méthodes de travail ».</p>
</blockquote>
<p>Dans cette étude, nous avons souligné que différents types de connaissances nécessitaient différentes pratiques de transfert de connaissances, soutenues par des formes diverses de transfert de personnel, afin que les membres de l’équipe offshore acquièrent les connaissances requises.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1318459116994633728"}"></div></p>
<p>En résumé, les résultats de l’étude soulignent que la création, la distribution et le partage des connaissances étant un processus dynamique, il nécessite une interaction intensive et continue. Il ressort de nos travaux de recherche que les entreprises devraient envisager un large éventail de types de transfert de personnel pour faciliter le transfert de connaissances depuis et vers le siège.</p>
<p>Nous montrons que le recours à des missions internationales bidirectionnelles plus courtes, en plus de l’expatriation à long terme, n’est pas seulement un moyen de compenser les inconvénients bien connus de l’expatriation à long terme (par exemple lié aux coûts de l’opération, et aux difficultés d’adaptation des expatriés à leur nouvel environnement), mais constitue aussi un moyen de faciliter le transfert de différents types de connaissances entre les deux parties, et à des moments différents. De plus, cette étude démontre que diverses formes de transfert de personnel sont utilisées de façon complémentaire pour transférer différents types de connaissances.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/154600/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florence Duvivier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les séjours courts d’employés du siège vers le site à l’étranger et inversement permettent de transférer des connaissances dans les deux sens à moindre coût.Florence Duvivier, Assistant Professor in Strategy and International Management, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1497812020-11-12T21:54:48Z2020-11-12T21:54:48ZAutomobile : l’essor du SUV, un choix avant tout politique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/368347/original/file-20201109-18-3a9a08.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C8%2C977%2C607&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 2019, plus d’un véhicule neuf sur trois vendu dans l’Union européenne était un SUV. </span> <span class="attribution"><span class="source">AnyVidStudio / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’actualité automobile de la rentrée a été marquée en France par un imbroglio entre la ministre de l’Écologie Barbara Pompili et de l’Économie Bruno Le Maire. Le sujet : imposer aux véhicules lourds un malus. D’un côté, la <a href="https://www.conventioncitoyennepourleclimat.fr/">Convention citoyenne pour le climat</a> et de nombreux mouvements écologistes y voient un <a href="https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2020-10/20201005_Etude_L-impact-ecrasant-des-SUV-sur-le-budget-des-menages_WWF-France.pdf">moyen pour enrayer la « SUVisation »</a> du parc automobile français. De l’autre, les <a href="https://ccfa.fr/actualites/restaurer-la-confiance-un-imperatif-pour-les-acteurs-du-secteur-automobile/">industriels français, rejoints par trois syndicats de salariés</a>, craignent en cette période funeste une destruction de la production en France.</p>
<p>En effet, le SUV, ce véhicule aux airs de 4x4 arrivé dans les années 1990 en provenance du Japon, s’est propagé sur le marché européen à grande vitesse (graphique ci-dessous). En empiétant d’abord sur les monospaces (MPV) et les véhicules supérieurs (D), les voici qu’il rogne sur les parts de marché des véhicules plus compacts (A, B et C) qui régnaient en maîtres incontestés sur le marché européen.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/368318/original/file-20201109-16-1rbt3ed.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/368318/original/file-20201109-16-1rbt3ed.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/368318/original/file-20201109-16-1rbt3ed.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/368318/original/file-20201109-16-1rbt3ed.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/368318/original/file-20201109-16-1rbt3ed.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/368318/original/file-20201109-16-1rbt3ed.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/368318/original/file-20201109-16-1rbt3ed.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/368318/original/file-20201109-16-1rbt3ed.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 1 : Nombre de voitures particulières neuves par segment dans l’Union européenne en millions d’unités et la part de marché en % des segments sur la période 2008-2019..</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.acea.be/">ACEA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais si le débat entre écologie et production est si prégnant en France, c’est que le SUV est le résultat d’une triple histoire : celle des réglementations européennes, de la demande et des logiques industrielles de la filière automobile française. <a href="http://gerpisa.org/node/6166">Il ne suffit pas en effet d’écarter le « chantage à l’emploi »</a>, il faut aussi le comprendre pour lui donner des solutions politiques.</p>
<h2>Une construction réglementaire</h2>
<p>Le SUV a pu bénéficier en Europe d’un terrain réglementaire favorable à son développement. Bien qu’embryonnaire sur le marché européen dans les années 2000, le SUV va sortir gagnant à la Pyrrhus des réglementations affectant la sécurité, les polluants et le CO<sub>2</sub>.</p>
<p>Concernant la sécurité, les textes vont largement contribuer à l’accroissement du poids des véhicules dès les années 2000. Notamment, certaines réglementations comme <a href="https://op.europa.eu/fr/publication-detail/-/publication/94ff03fe-2a9f-48e8-9854-f4321b9b39f4/language-fr">celle affectant les chocs piétons</a>, vont transformer le produit véhicule, en rehaussant les pare-chocs avant. Le SUV, haut sur patte, répond alors favorablement à ces nouvelles exigences, si bien qu’il devient quasiment impossible à première vue de distinguer certains « SUV » des véhicules « normaux ».</p>
<p>La réglementation concernant les polluants (NO<sub>x</sub>, particules…) va aussi contribuer à l’essor du SUV. D’une part, les véhicules pesant plus de 2 500 kg bénéficiaient d’une exception jusqu’aux normes Euro 4 (mises en œuvre en 2005), devant émettre des limites de polluants plus souples, au même niveau que les camionnettes, <a href="https://circabc.europa.eu/sd/a/66c4c6c2-2a53-43c5-aedd-0a21f0ae8bb7/euro-5-emission-limits-consultation-contributions_en.pdf">ce qui fera l’objet d’une première bataille politique entre constructeurs et environnementalistes</a> qui en sortiront victorieux.</p>
<p>D’autre part, ces normes de pollutions vont redevenir favorables aux SUV (diesel) avec les nouveaux cycles de tests en conditions réelles dès 2017. Pour répondre efficacement à ces nouvelles exigences, la seule technologie actuellement disponible est le <em>Selective catalytic reduction</em>, qui doit être couplé à un réservoir d’urée (ammoniac liquide). <a href="https://www.inderscience.com/info/inarticle.php?artid=92185">Or, seuls les véhicules les plus spacieux sont capables d’accueillir ce nouveau composant</a>.</p>
<p>Enfin, les <a href="http://www.theses.fr/2018BORD0348">objectifs CO₂ contribuent de manière contre-intuitive à la course au poids</a>. En 2019, après un <a href="https://www.rosalux.eu/en/article/1477.the-european-car-lobby.html">lobbying intense</a>, la solution « allemande » s’impose : les objectifs CO<sub>2</sub> de chaque constructeur (objectifs individuels) sont calculés selon le poids moyen des véhicules vendus. Plus le constructeur vend des véhicules lourds, moins son objectif CO<sub>2</sub> est contraignant, afin de rendre plus équitable les efforts de dépollution entre les constructeurs.</p>
<p>L’effet est immédiat : les gains de CO<sub>2</sub> liés à l’allègement des véhicules sont absorbés par un objectif CO<sub>2</sub> plus strict. Les constructeurs sont donc face à un <a href="https://www.economie.gouv.fr/facileco/john-nash">équilibre de Nash</a> peu souhaitable : la seule stratégie possible est l’alourdissement, et si possible, plus que ses concurrents.</p>
<p>Les années 2000 vont donc voir un essor incroyable des innovations concernant le bloc moteur. L’objectif est d’améliorer à tout prix le rendement de la motorisation. Des progrès considérables ont été réalisés : <em>downsizing</em>, électronique et électrification améliorent notamment la performance. On peut ainsi placer un moteur moins énergivore dans un véhicule plus lourd.</p>
<p>Vu ainsi, le malus au poids permettrait, s’il est bien calculé, d’enrayer cette course à l’alourdissement et ainsi pénaliser les grosses et puissantes berlines allemandes.</p>
<h2>Une construction économique</h2>
<p>Depuis la crise de 2008, le marché automobile européen semble condamné à être un marché de renouvellement. Face à la modération salariale, à l’Ouest, et une classe moyenne qui n’émerge pas, à l’Est, les constructeurs doivent viser les quelques ménages solvables.</p>
<p>Ces derniers sont généralement plus âgés, plus riches, et plus urbains. En Allemagne, les jeunes cadres voient dans la voiture de fonction un élément important du salaire. De l’autre côté du marché, les ménages périurbains et ruraux se tournent vers le marché de l’occasion, <a href="https://metropolitiques.eu/Le-budget-automobile-des-menages-depuis-les-annees-1980.html">préférant investir dans un gros véhicule plus fiable qui pourra donc être amorti plus longtemps</a>, dans un contexte de réduction des transports collectifs dans ces zones.</p>
<p>Une course s’engage vers la <em>premiumisation</em>. L’objectif est d’attirer cette demande exigeante en offrant des véhicules à plus forte valeur ajoutée pour le client, et donc pour le constructeur. Sur le marché des petits véhicules, la forte élasticité-prix de la demande contraint les constructeurs à réduire les coûts.</p>
<p>Dans ce contexte, le SUV va rapidement trouver une demande. Le design va tirer sur le haut de gamme. La conduite haute va être un argument de vente imparable pour les consommateurs plus âgés mais aussi pour les mères de famille, renforçant le contrôle et la sécurité au volant.</p>
<p>Enfin, le volume de coffre va attirer les ménages souhaitant un véhicule routier, remplaçant donc très rapidement les véhicules familiaux. La polyvalence de ce véhicule, renforcée par l’arrivée de gammes « SUV urbains » lui permet ainsi d’inonder le marché.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/368341/original/file-20201109-13-1313yho.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/368341/original/file-20201109-13-1313yho.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/368341/original/file-20201109-13-1313yho.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/368341/original/file-20201109-13-1313yho.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/368341/original/file-20201109-13-1313yho.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/368341/original/file-20201109-13-1313yho.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/368341/original/file-20201109-13-1313yho.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les SUV bénéficient de volumes de coffre importants, attirant les ménages au détriment des véhicules familiaux.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/lens-flare-young-man-picking-last-1122112787">Shutterstock</a></span>
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</figure>
<p>Mais si le SUV est un objet de tension, c’est bien du fait de l’inégale répartition de la demande. Il semble en effet contraire aux enjeux environnementaux et d’urbanisme de voir circuler ces véhicules lourds en ville, alors que les périurbains et ruraux sont poussés par la raréfaction des transports collectifs et la modération salariale d’acquérir un tel véhicule routier fiable.</p>
<p>La politique fiscale peut justement jouer ce rôle de corrections des dysfonctionnements du marché. Le malus au poids prendrait alors tout son sens : guider les consommateurs et les constructeurs vers la production de nouveaux produits, qui répondraient à des enjeux de politique publique, tout comme le bonus-malus sur le CO<sub>2</sub> a pu accompagner les efforts d’innovation des constructeurs.</p>
<h2>Le délaissement du site France</h2>
<p>Les industriels français expriment leurs angoisses face à ce malus au poids <a href="https://ccfa.fr/actualites/restaurer-la-confiance-un-imperatif-pour-les-acteurs-du-secteur-automobile/">qui affecterait 70 % de la production</a> française. Il faut voir dans cet argument le constat ironique de trois décennies de logiques industrielles doctrinales.</p>
<p>On assiste depuis les années 1990 à une mise en concurrence systématique des sites de production en France. Renault a été précoce, en <a href="https://journals.openedition.org/rei/7153">délocalisant – rapidement en semi-périphérie</a>, notamment en Roumanie. Les accords d’élargissement et de libre-échange offrent alors pour les constructeurs français une opportunité pour résoudre le <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/face-a-l-industrie-automobile-le-pouvoir-politique-doit-etre-plus-ferme-selon-bernard-jullien.N1004099">« problème social »</a>.</p>
<p>Depuis la fermeture du site d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) en 2013, une petite doctrine trotte dans la tête du patronat et du gouvernement : la France ne peut plus produire de petits véhicules, et se concentrera sur les véhicules « à forte valeur ajoutée ».</p>
<p>Le procédé de délocalisation est toujours le même : le constructeur commence la production d’un modèle « français » à l’étranger, tout d’abord au motif de répondre à un accroissement de volume. Puis, il transfère de plus en plus les volumes de production vers cette nouvelle usine, jusqu’à annoncer la fermeture de la ligne en France. Pour compenser, elle promet la production d’un véhicule « à forte valeur ajoutée ».</p>
<p>Les syndicats, inquiets pour l’emploi, voient pour la plupart d’un bon œil l’arrivée de ces nouveaux modèles dont les SUV. Or, un véhicule à forte valeur ajoutée, ce sont aussi des volumes de production en moins, d’autant plus quand ces modèles à forte valeur ajoutée se vendent très mal : Scénic, Espace et Talisman produits à Douai (Nord) sont ravagés par les Captur et Kadjar espagnols.</p>
<p>Lors de l’annonce du <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2020/05/26/plus-verte-et-plus-competitive-notre-plan-de-soutien-a-la-filiere-automobile">plan de sauvegarde l’automobile</a>, en mai 2020, le président Emmanuel Macron a réaffirmé vouloir localiser en France la production de modèles à forte valeur ajoutée, notamment électriques. Cette prise de position est surtout un moyen d’accompagner davantage le mouvement de délocalisation, plutôt que d’annoncer un renouveau stratégique. Ni la nouvelle génération de Captur, ni la Peugeot 2008 « SUV urbain » ne remplaceront la Clio et la 208, qui sont pourtant les deux modèles les plus vendus en France !</p>
<p>Sur le front de l’électrique, même constat. L’équation en termes de volume ne sera certainement pas résolue si les chaînes de production du site de Flins (Yvelines) produisent des Nissan Micra plutôt que des Clio. La Twingo électrique est assemblée en Slovénie, la 208 électrique en Slovaquie. La K-Zéro sera produite en Roumanie, alors que <a href="https://www.cgt-renault.com/les-differentes-technologies/c/0/i/43196724/un-vehicule-electrique-accessible-tous-produit-en-france">selon la CGT-Renault</a>, ce véhicule pourrait tout à fait être produit (et rentable) en France.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/368338/original/file-20201109-15-sqayv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/368338/original/file-20201109-15-sqayv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/368338/original/file-20201109-15-sqayv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/368338/original/file-20201109-15-sqayv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/368338/original/file-20201109-15-sqayv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/368338/original/file-20201109-15-sqayv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/368338/original/file-20201109-15-sqayv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/368338/original/file-20201109-15-sqayv1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le site de Flins, situé dans les Yvelines, a été crée en 1952 et accueille l’une des plus anciennes usines Renault.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://flic.kr/p/RXGTzb">Département des Yvelines</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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</figure>
<p>Pourtant, dans l’automobile, l’organisation de la production ne répond pas à un simple <a href="https://www.liberation.fr/debats/2020/06/11/peut-on-faire-confiance-a-renault-et-psa_1790979">calcul coût-bénéfice</a>. L’exemple le plus problématique pour la doctrine française est Toyota France qui produit des Yaris, vendues à un prix tout à fait compétitif.</p>
<p>Si la France est si dépendante des véhicules à forte valeur ajoutée, ce n’est donc absolument pas une contrainte inéluctable guidée par de quelconques calculs économiquement rationnels, mais bien un choix politique qui s’auto-entretient.</p>
<p>Voilà ce que cache la cristallisation du débat autour du malus au poids : des décennies stratégies industrielles, réglementaires et politiques, que la politique industrielle pourrait corriger. On peut rejoindre le patronat et les trois syndicats de salariés sur le fait que pour l’industrie automobile, ce n’est pas le moment au vu de la fragilité de la reprise économique, mais il faudra bien commencer un jour.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149781/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Samuel Klebaner ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le soutien à la filière industrielle mais aussi les règlementations en matière de sécurité et d’environnement ont conduit les ventes de véhicules lourds à dépasser celles des modèles plus compacts.Samuel Klebaner, Maître de conférences en économie, Université Sorbonne Paris NordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1482272020-10-19T19:34:33Z2020-10-19T19:34:33ZDélocalisations : l’expatriation, un levier pour entretenir de bonnes relations avec le partenaire offshore<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/363920/original/file-20201016-17-1obmsz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C1%2C1022%2C577&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les services de centre d’appels font partie des activités que les entreprises françaises ont eu tendance à confier à des prestataires à l’étranger ces dernières années.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:CENTRE_D%27APPEL_B2S_ORANGE_AU_MAROC.jpg">Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En délocalisant à l’étranger certains services (par exemple, des services informatiques, des centres d’appels, des services d’ingénierie), les entreprises bénéficient d’un meilleur accès aux compétences et à du personnel qualifié, aux opportunités d’apprentissage et à d’autres avantages en termes de coûts et de ressources.</p>
<p>Mais cette externalisation offshore comporte également des risques : par exemple, lorsque le travail effectué par un prestataire offshore ne répond pas aux attentes de l’entreprise cliente. Cette dernière peut en conséquence craindre qu’en raison de son manque d’expertise, et au vu de sa dépendance vis-à-vis de son prestataire offshore, ce dernier présente un comportement opportuniste.</p>
<p>Et malheureusement, en règle générale, se fier uniquement à un contrat ne suffit pas pour répondre au besoin de contrôle des entreprises clientes envers leurs prestataires offshores.</p>
<p>Les différences culturelles et linguistiques augmentent le risque de mauvaises communications et de malentendus. De plus, la distance géographique et les différences de fuseaux horaires rendent plus difficiles l’interaction et la coordination des équipes entre les deux parties.</p>
<p>Dans ce contexte, nous avons étudié comment le transfert physique de personnel entre les deux partis pouvait aider les entreprises clientes à garder le contrôle sur leurs activités délocalisées.</p>
<p>Nous avons mené une <a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/ambpp.2017.15894abstract">étude</a> qualitative exploratoire des initiatives d’externalisation offshore de 32 entreprises clientes situées en Belgique, en examinant les pratiques utilisées pour contrôler les accords de délocalisation via le transfert physique de personnel, consistant soit à envoyer un expatrié vers le prestataire offshore, soit à envoyer du personnel offshore vers l’entreprise cliente.</p>
<h2>Informations de première main</h2>
<p>Cette enquête démontre d’abord que, généralement, le rôle des expatriés reste moins formel que la supervision directe de leur prestataire offshore ; à titre d’exemple, nous avons pu constater qu’un expatrié avait pu recueillir de manière informelle des informations de première main sur les tâches, les progrès réalisés, et les problèmes auxquels les équipes locales étaient confrontées.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/363922/original/file-20201016-21-1l55z09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/363922/original/file-20201016-21-1l55z09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/363922/original/file-20201016-21-1l55z09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/363922/original/file-20201016-21-1l55z09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/363922/original/file-20201016-21-1l55z09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/363922/original/file-20201016-21-1l55z09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/363922/original/file-20201016-21-1l55z09.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">D’après les études de l’auteur, le contact informel a permis à un expatrié de recueillir diverses informations..</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/coffee-break-chat-group-attractive-business-365330063">George Rudy</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce type de phénomène facilite donc l’identification et la correction des comportements mal alignés par les employés offshores. Le contrôle exercé par l’expatrié améliore ainsi l’échange d’informations tacite, comme en témoigne un employé dans notre étude :</p>
<blockquote>
<p>« Un expatrié utilisait régulièrement la machine à café pour développer le contact informel en construisant un réseau… Et si vous restez à la machine à café assez longtemps, vous pouvez partager des connaissances inarticulées. Et c’est ce dont les expatriés ont vraiment besoin ».</p>
</blockquote>
<p>Ensuite, la présence d’expatriés a également été signalée comme un moyen important de transmettre les connaissances vers le prestataire à partir de formations, qui peuvent prendre des formes tacites et qui réduisent les problèmes d’asymétrie d’information, comme en témoigne un autre interviewé :</p>
<blockquote>
<p>« Si les expatriés demandent aux membres offshores “L’avez-vous compris ?” et qu’ils répondent oui, ils doivent aussi le démontrer de manière pratique. C’est une étape supplémentaire que nous avons franchie dans le processus de transfert des connaissances d’une manière bonne et efficace ».</p>
</blockquote>
<h2>Connaître chaque employé</h2>
<p>Les personnes interviewées pour cette étude ont également partagé avec nous le fait que les membres offshores appréciaient que les entreprises clientes envoient des expatriés. Ils considèrent cela comme un signe positif de considération et de reconnaissance du travail réalisé par leur entreprise.</p>
<p>La présence de ces expatriés montre l’engagement de l’entreprise cliente à accompagner les équipes locales, et en échange l’entreprise cliente bénéficie d’une plus grande fidélité et d’une motivation supplémentaire chez le personnel offshore ; ce qui, en retour, contribue à favoriser la confiance mutuelle pour aider le client à atteindre ses objectifs, explique un expatrié :</p>
<blockquote>
<p>« Nous gérons les employés offshores exactement comme nos employés, en utilisant leur prénom, en ayant le même type de relation que nous avons avec nos propres employés. Nous voulons passer du temps avec eux et les connaître un par un. Dès qu’il y a plus de relations personnelles, les gens sont plus heureux de travailler et se sentent mieux. De notre côté, nous savons qui peut faire quoi, ce qu’ils préfèrent faire. »</p>
</blockquote>
<p>Cependant, trouver des employés candidats à l’expatriation n’est pas toujours chose aisée. De plus, lorsque ceux-ci sont disponibles, ils s’avèrent généralement coûteux, et souvent ont du mal à s’adapter à leur nouvel environnement.</p>
<p>C’est pourquoi la solution de faire venir un employé de l’entreprise offshore dans l’entreprise, solution souvent proposée, apparaît comme une solution pertinente. D’autant plus que, si ce choix peut parfois être un peu forcé, il reste un bon moyen d’entretenir de bonnes relations entre les deux parties. L’accueil dans l’entreprise cliente des employés offshores crée en effet des liens personnels qui facilitent la communication entre les équipes, non seulement pendant la mission à l’étranger mais aussi après.</p>
<p>Un interviewé, appartenant à une entreprise qui accueille un représentant de son partenaire situé en Roumanie, en témoigne :</p>
<blockquote>
<p>« En Roumanie, les employés savent qu’il y a quelqu’un qui les comprend. Selon nos sources, les problèmes culturels et de communications ont diminué depuis son arrivée. Il reste en contact avec les gens en Roumanie pour connaître leurs problèmes, et les partage ensuite avec le siège social ».</p>
</blockquote>
<p>En résumé, les résultats de l’étude soulignent que les entreprises clientes doivent s’éloigner des mécanismes de contrôle formels et de l’utilisation exclusive d’expatriés, se concentrant plutôt sur la communication informelle, et construire une relation basée sur la confiance, la coopération et la reconnaissance.</p>
<p>Ces mécanismes permettent d’aligner le comportement des prestataires offshore sur le meilleur intérêt des clients, réduisant ainsi l’asymétrie d’information, en augmentant la motivation du personnel offshore et en renforçant la confiance entre les deux parties.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/148227/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florence Duvivier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’envoi d’un représentant de l’entreprise cliente permet généralement de diminuer l’asymétrie d’informations au travers les échanges informels.Florence Duvivier, Assistant Professor in Strategy and International Management, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1408602020-06-17T17:35:53Z2020-06-17T17:35:53ZLe « monde d’après » n’aura pas raison des supply chains mondiales<p>Pour de nombreux analystes, la crise du coronavirus a révélé la fragilité et la <a href="https://theconversation.com/coronavirus-un-revelateur-de-la-fragilite-du-systeme-logistique-mondial-132780?utm_term=Autofeed&utm_medium=Social&utm_source=Twitter#Echobox=1583185670">vulnérabilité</a> de l’organisation actuelle des chaînes d’approvisionnement, ou supply chains, mondiales.</p>
<p>Aujourd’hui éclatées aux quatre coins de la planète, les supply chains de demain devraient à l’avenir être moins étendues. L’enjeu serait de diminuer notre dépendance envers certains pays, notamment la Chine, en relocalisant la production et de mettre fin au <a href="https://theconversation.com/covid-19-quand-leurope-voit-ses-strategies-industrielles-fragilisees-134427">dumping social et écologique</a> induit par ces chaînes.</p>
<p>C’est la thèse soutenue dès le début de la crise par le président de la République Emmanuel Macron, qui <a href="https://www.lefigaro.fr/politique/coronavirus-nous-devons-rebatir-notre-souverainete-nationale-et-europeenne-exhorte-emmanuel-macron-1-20200331">a déclaré fin mars</a> sa volonté de « rebâtir notre souveraineté nationale et européenne » et a particulièrement insisté sur la <a href="https://www.nouvelobs.com/politique/20200615.OBS30074/souverainete-independance-pourquoi-macron-emprunte-a-chevenement.html">notion d’indépendance</a> lors de son allocution dimanche 14 juin.</p>
<p>Son homologue américain Donald Trump campe sur la même ligne. Dans une interview accordée à Fox News, il a ainsi déclaré mi-mai : « These stupid supply chains that are all over the world […] We should have them all in the United States » (« Ces stupides chaînes d’approvisionnement sont partout dans le monde […] Elles devraient toutes être aux États-Unis »).</p>
<h2>Absence locale de ressources clefs</h2>
<p>Si cette relocalisation paraît souhaitable sur le plan social, stratégique ou environnemental, elle parait hélas peu probable à moyen terme. En effet, le Covid-19 ne remet en cause aucun des « fondamentaux » qui expliquent l’éclatement des supply chains.</p>
<p>Le premier de ces fondamentaux relève de l’inégale répartition entre les pays des ressources et matières premières requises au fonctionnement de ces chaînes. L’absence « locale » de ressources clés (terres rares, pétrole, gaz, etc.) conduit alors à devoir de fait nous approvisionner en dehors du sol national.</p>
<p>Si certaines stratégies peuvent être mises en place pour réduire une trop forte dépendance envers certains pays (comme celle à la Chine concernant les <a href="https://theconversation.com/terres-rares-notre-ultra-dependance-a-la-chine-et-comment-en-sortir-125855">terres rares</a>), le Covid-19 ne va certainement pas faire jaillir du pétrole brut sous le sol français.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1260958498743074816"}"></div></p>
<p>Le second de ces fondamentaux reste la division du travail à l’œuvre dans ces chaînes. Alors qu’il est difficile de maîtriser tous les aspects d’une chaîne de valeur, et que la pression sur les coûts s’avère forte, les entreprises confient une partie toujours plus grande de tâches à des acteurs externes. Les sous-traitants sont choisis sur des critères économiques, notamment dans les pays où le coût du travail reste faible.</p>
<p>Or, le Covid-19 n’a pas plus touché les zones de sous-traitance à bas coût. Faisant fi des frontières, il a mis à l’arrêt partout sur la planète moins certains lieux, que certaines unités de production de biens et de services : celles fondées sur une forte proximité sociale (des usines, les cinémas, le transport en commun, etc.).</p>
<p>Cette mise à l’arrêt s’est faite, quelle que soit la localisation de ces lieux de production. Que le sous-traitant ait été localisé dans le Grand Est plutôt qu’en Chine n’aurait rien changé sur le plan de la vulnérabilité.</p>
<h2>L’extraordinaire résistance du système logistique</h2>
<p>Le dernier de ces fondamentaux s’avère être l’extraordinaire efficacité du système logistique mondial, qui contrairement aux idées reçues, a très bien résisté à la crise.</p>
<p>Le Covid-19 n’a ainsi que peu affecté directement les prestataires logistiques qui permettent la circulation mondiale des flux au sein des supply chains globales. Le transport international de marchandises ne nécessite en effet que peu de ressources humaines par tonnes transportées. Il a donc pu appliquer la distanciation sociale et fonctionner (presque) comme avant.</p>
<p>Par exemple, le Saint-Exupéry, actuel plus gros porte-conteneurs français, avec sa capacité de plus de 20 000 conteneurs, n’a besoin que d’une <a href="https://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/dans-les-entrailles-du-nouveau-geant-francais-des-mers_2033028.html">trentaine de membres</a> pour naviguer… De la même manière, les entrepôts, s’ils ont connu des <a href="https://www.usine-digitale.fr/article/multiplication-des-cas-de-covid-19-dans-des-entrepots-d-amazon-aux-etats-unis.N945956">cas de Covid-19</a>, ont grâce à leur surface pu appliquer la distanciation sociale. Dans la distribution, certains ont d’ailleurs tourné à plein régime.</p>
<p>Les prestataires logistiques n’ont au fond été affectés qu’indirectement : par l’arrêt de certains secteurs (baisse d’offre) ; par la diminution de la consommation de certains produits (baisse de demande).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/342104/original/file-20200616-23227-7tt6fd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/342104/original/file-20200616-23227-7tt6fd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/342104/original/file-20200616-23227-7tt6fd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/342104/original/file-20200616-23227-7tt6fd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/342104/original/file-20200616-23227-7tt6fd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/342104/original/file-20200616-23227-7tt6fd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/342104/original/file-20200616-23227-7tt6fd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le porte-conteneurs Antoine de Saint-Exupéry de la société CMA CGM, dans le port de Southampton au Royaume-Uni.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:CMA_CGM_Antoine_de_Saint_Exupery_southampton_docks.JPG?uselang=fr">Geni/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Vers une mondialisation plus forte des supply chains ?</h2>
<p>Au vu de ces tendances, et à l’opposé de la plupart des analystes, le scénario probable pour les prochaines années semble ainsi être une intensification de la mondialisation des supply chains. Avec la dépression économique qui vient, la pression sur les prix risque de s’accroître et de conduire les firmes à localiser toujours plus d’activités de leurs chaînes dans les zones à bas coûts.</p>
<p>Une telle tendance s’avère d’autant plus probable que les entreprises devraient bénéficier dans les prochaines années d’un système logistique encore moins coûteux qu’il ne l’est aujourd’hui.</p>
<p>Avec la baisse de la demande, le prix du pétrole devrait rester bas, et permettre une forte diminution des coûts de transports. Cette baisse de la demande risque également de conduire les acteurs logistiques, notamment les armateurs, à être en surcapacité, ce qui devrait là encore pousser à la baisse ces coûts.</p>
<p>Si l’on voulait une autre preuve que les supply chains mondiales ont encore de beaux jours devant elles, il n’y a d’ailleurs qu’à constater que durant la crise, il n’y a eu au fond que très peu de pénuries.</p>
<p>Hormis la farine, qui a parfois manqué quelques jours dans les rayons des hypermarchés parce que les Français ont accru durant le confinement leur production de pain et de gâteau, les seules pénuries véritables ont en fait concerné le matériel médical : les fameux <a href="https://theconversation.com/la-tragedie-industrielle-et-logistique-des-masques-recit-en-cinq-actes-137819">masques</a> bien sûr, mais aussi les respirateurs, les réactifs pour les tests, les blouses, etc.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1257769209486065666"}"></div></p>
<p>Moins qu’une faillite des chaînes mondiales, ces pénuries dénotent bien plus un cruel manque de préparation logistique des États. En cas de pandémie mondiale, il était en effet évident que des tensions apparaîtraient sur ces matériels qui seraient demandés partout dans le monde, et que le seul moyen pour s’y préparer était de constituer des stocks stratégiques.</p>
<h2>La logistique est aussi une affaire (géo)politique</h2>
<p>Si je suis désolé de ne pas être porteur d’une vision « heureuse » pour l’avenir faite de « made in France » et de circuit court, il y a cependant quelques enseignements logistiques à tirer de la crise du Covid-19.</p>
<p>Le premier relève de la remise en cause d’une gestion logistique en « juste-à-temps », qui domine le pilotage des flux depuis des années. La crise a mis en évidence le bien fondé de détenir certains stocks pour faire face aux aléas.</p>
<p>On peut ainsi s’attendre à ce que les firmes analysent plus finement leurs supply chains, et s’assurent de la maîtrise des éléments qui peuvent les rendre vulnérables.</p>
<p>Plus largement, on peut penser qu’à l’inverse des principes du <a href="http://www.qualiteperformance.org/comprendre-la-qualite/principes-et-fondamentaux/les-principes-du-lean-management">lean management</a>, les firmes choisissent de <a href="https://theconversation.com/linertie-des-organisations-obstacle-au-monde-dapres-139886">mettre du « slack »</a> et de la redondance dans leurs supply chains, en adoptant pour certains éléments les principes du multisourcing, c’est-à-dire le fait d’acheter les matières premières ou composants nécessaires à la production auprès de plusieurs producteurs.</p>
<p>Le second enseignement est que la logistique va de moins en moins rester l’affaire uniquement des entreprises, mais être de plus en plus aussi une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=C_JWgUyCti4">affaire d’État</a>.</p>
<p>La crise a mis la logistique sur le devant de la scène, et montré que les États devaient se préparer logistiquement, en s’inspirant des principes des <a href="https://theconversation.com/nous-aurions-pu-eliminer-les-faiblesses-de-notre-logistique-avant-larrivee-du-covid-19-137317">logisticiens humanitaires</a>. Mais au-delà de cet aspect central, les questions logistiques vont à l’avenir être à l’agenda des dirigeants politiques.</p>
<p>Parce que la Chine et son projet de « nouvelles routes de la soie » reste en grande partie un projet logistique, qui appelle donc des réponses logistiques. Parce qu’elle utilise pour mouvoir les marchandises 10 % de l’énergie de la planète, et qu’un monde décarboné passera nécessairement par une refonte des logiques actuelles de pilotage des flux. Parce que la logistique constitue une industrie puissante, faite de mastodontes (DHL, Fedex, UPS, etc.), qui ne peut être négligée.</p>
<p>Une note plus optimiste pour conclure. Ce que la crise nous a aussi enseigné sur le plan logistique, c’est qu’aucun principe de gestion des flux n’était gravé dans le marbre. Le besoin de respecter la distanciation sociale a ainsi conduit les commerçants, directeurs d’école, à inventer en un rien de temps une gestion des flux respectant un principe du <a href="https://management-datascience.org/articles/13270/">« juste écart »</a>.</p>
<p>Cela nous montre que d’autres formes de logistiques restent possibles, et peuvent très bien être inventées en réponse à de nouvelles contraintes. Mais pour que cela advienne, il faudra nécessairement que les politiques fassent évoluer le cadre qui entoure le développement des supply chains mondiales, et imposent d’autres règles du jeu logistiques, qui incitent les entreprises à être plus vertueuses sur le plan social et environnemental. On en est loin.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/140860/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurélien Rouquet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’absence locale de ressources clés et les enjeux géopolitiques freinent notamment le raccourcissement des chaînes d’approvisionnement.Aurélien Rouquet, Professeur de logistique et supply chain, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1371242020-04-28T19:32:19Z2020-04-28T19:32:19ZMédicaments : une pénurie si prévisible…<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/330359/original/file-20200424-163083-mzr56g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=58%2C126%2C6445%2C4202&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Axyntis n'a pas attendu la crise pour jouer la carte de la souveraineté nationale. </span> <span class="attribution"><span class="source">Axyntis</span></span></figcaption></figure><p><em><strong>Les politiques de délocalisations ont conduit la France dans une situation de pénurie, y compris de médicaments. Alors que certains s’en étonnent, d’autres comme David Simonnet, l’ont anticipé et en ont profité pour développer des stratégies alternatives et un modèle managérial plus responsable qui pourrait désormais faire des émules.</strong></em></p>
<hr>
<p>PDG du groupe Axyntis, une ETI française du secteur de la chimie, David Simonnet défend un modèle alternatif qui prend le contrepied ses principaux dogmes à la mode dans cette industrie. Répondant en 2017 à l’invitation de l’École de Paris du management qui l’avait convié à venir débattre de sa démarche entrepreneuriale, il expliquait alors :</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/330348/original/file-20200424-163067-1yevwhe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/330348/original/file-20200424-163067-1yevwhe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/330348/original/file-20200424-163067-1yevwhe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/330348/original/file-20200424-163067-1yevwhe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/330348/original/file-20200424-163067-1yevwhe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/330348/original/file-20200424-163067-1yevwhe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/330348/original/file-20200424-163067-1yevwhe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">David Simmonet.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Axyntis</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>« Chaque année des dizaines de médicaments connaissent des ruptures d’approvisionnement. Pour des molécules complexes, utilisées notamment en milieu hospitalier, cela peut conduire à des situations dramatiques. Sachant que 80 % des médicaments vendus en Europe contiennent des principes actifs importés d’Inde ou de Chine, cela pose la question de la souveraineté nationale en termes d’accès aux médicaments. Lors de la crise de la grippe aviaire, le gouvernement a souhaité disposer de grandes quantités de Tamiflu. Découvrant qu’il n’existait pas de capacités industrielles en France, il n’a pas eu d’autre solution que de négocier avec le groupe suisse Roche. »</em></p>
<p>La pénurie actuelle n’est donc pas une surprise puisque David Simonnet a pu la théoriser et saisir ce désengagement généralisé des industriels comme une opportunité stratégique : celle de reprendre des sites industriels et le personnel compétent laissés de côté pour constituer un groupe au modèle stratégique et managérial radicalement différent : ce sera le groupe Axyntis.</p>
<h2>Un stratège et un financier créatif</h2>
<p>Rien pourtant dans le pedigree de David Simonnet ne le prédestinait à diriger une ETI dans la chimie. Après un diplôme de l’Essec et un passage dans un cabinet de conseil en stratégie, il rejoint la Société nationale des poudres et explosifs (SNPE) où il reste 10 ans. Il s’y prend de passion pour la chimie, secteur souvent mal considéré en France, mais dans lequel il voit de belles perspectives quand on sait saisir les opportunités. Il crée alors à 37 ans sa propre entreprise dans le secteur.</p>
<p>Financier créatif, il monte une opération originale d’acquisition par emprunt (LBO) en syndiquant sa dette auprès de plusieurs banques, puis convainc un fonds d’appuyer la démarche. Cela lui permet d’acheter cinq PME en 2007 pour créer le groupe Axyntis. Lors de la crise de 2008-2009, le carnet de commande s’effondre, et le groupe aurait été emporté s’il n’avait convaincu dès 2007 les fonds et les banques du bien-fondé d’une stratégie alternative à moyen terme.</p>
<p>Passé l’obstacle de la crise de 2008, le groupe reprend en effet la croissance grâce à une diversification vers des produits à plus haute valeur ajoutée, un développement international au Japon et aux États-Unis, ainsi que par une politique d’acquisitions d’entreprises facilitée par le désengagement massif des groupes chimiques et pharmaceutiques. Il rachète par exemple en 2016 l’activité chimie fine de 3M, ce qui permet doter son groupe de nouveaux moyens d’innovation.</p>
<p>Se positionnant sur des marchés de niche, avec cinq usines et quatre centres de R&D implantés dans cinq régions françaises – là encore une hérésie pour les tenants des effets d’échelle – le groupe passe rapidement de 50 à 90 millions d’euros et de 310 à 460 salariés. Le groupe exporte aujourd’hui plus de 70 % de sa production.</p>
<p>Soucieux de garder son autonomie stratégique, il met un terme au LBO en 2015 en faisant appel à un partenaire japonais, Fuji Silysia, groupe familial qui cherche à dupliquer ses activités dans une autre partie du monde afin de diversifier ses sources de production. Le montage est une fois encore original : chaque partenaire possède 50 % du capital.</p>
<p>Le pacte d’actionnaire accorde à David Simonnet le contrôle sur les choix stratégiques et opérationnels du groupe. Il peut ainsi continuer dans une voie que le journal Chimie Pharma Hebdo présentait dès 2012 comme « témoignant de la résistance des entreprises de taille intermédiaire face à l’érosion de l’emploi industriel ».</p>
<h2>La souveraineté nationale comme axe stratégique</h2>
<p>Les groupes pharmaceutiques qui délocalisent leurs sites industriels ont découvert, mais un peu tard, la face cachée des délocalisations. Ils voulaient alléger la partie la plus capitalistique de leur bilan, externaliser le risque industriel, voire le risque social, et réduire les coûts d’achat. Ils ont constaté les difficultés les bénéfices moindres que prévus et les coûts cachés : délais de livraison, risque sur leur réputation en cas de rupture de fourniture, défaut de qualité, et perte de marge sur le produit fini.</p>
<p>Le groupe Axyntis a mis en place une veille sur les ruptures de médicaments et fabrique en France les matières actives à usage pharmaceutique en situation de pénurie. Lorsqu’un de ses clients souhaite relocaliser un produit, il privilégie les relations de long terme ce qui lui évite de ne servir que de « roue de secours » en phase de pénurie. La volonté de servir une cause n’exclut pas la prudence…</p>
<p>Pour David Simonnet les entreprises françaises et européennes ont une carte importante à jouer, d’autant qu’on assiste, en Chine et en Inde, à l’émergence d’une classe moyenne ayant les mêmes exigences que la population occidentale en termes de qualité des médicaments.</p>
<h2>Un autre modèle managérial</h2>
<p>L’implantation du groupe dans plusieurs territoires résulte d’une politique sociale ambitieuse. Pour David Simonnet, la stabilité des collaborateurs est indispensable dans une entreprise dont les usines exigent des savoir-faire et une expérience qui s’acquièrent dans la durée. La quasi-totalité des salariés d’Axyntis (97 %) bénéficient ainsi d’un CDI. Même s’il a dû adapter l’organisation d’un service ou d’une usine, il n’a jamais recouru à un plan de sauvegarde de l’emploi.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/330355/original/file-20200424-163122-1jpny33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/330355/original/file-20200424-163122-1jpny33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/330355/original/file-20200424-163122-1jpny33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/330355/original/file-20200424-163122-1jpny33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=303&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/330355/original/file-20200424-163122-1jpny33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=381&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/330355/original/file-20200424-163122-1jpny33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=381&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/330355/original/file-20200424-163122-1jpny33.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=381&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Chez Axyntis, presque tous les salariés sont en CDI.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Axyntis</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En prenant la tête du groupe, il constaté qu’il n’y avait pas une seule femme dans les fonctions de direction. Il a ainsi décidé d’aller vers la parité. Chaque année, il propose à au moins deux collaboratrices des formations en MBA à l’ESSEC, à HEC ou à Sciences Po. Comme le souligne David Simonnet :</p>
<blockquote>
<p>« Cela représente un coût non négligeable, mais, d’une part, le résultat est extraordinaire en termes de management, et, d’autre part, c’était indispensable vis-à-vis de nos clients qui, comme L’Oréal, exigent la mise en œuvre de politiques RSE innovantes. »</p>
</blockquote>
<p>Mais comment attirer dans des villes petites ou moyennes des talents courtisés par les entreprises ? À cette question, David Simonnet apporte plusieurs éléments de réponse :</p>
<blockquote>
<p>« Quelqu’un qui se passionne pour la chimie sait qu’il ne pourra pas exercer son métier à Paris, ni même en Île-de-France. Il est donc préparé à une certaine mobilité, et les rémunérations du secteur de la chimie sont très attractives lorsqu’on s’installe dans une ville de taille moyenne. Et nous acceptons une part de plus en plus importante de télétravail. »</p>
</blockquote>
<p>David Simonnet a été récemment interrogé par les médias sur la façon dont il a su développer des fabrications en France quand les chimistes désertaient notre territoire. Gageons que la crise du coronavirus va susciter un intérêt renouvelé pour ses choix stratégiques et la manière de les mettre en œuvre.</p>
<p>À moins que la crise économique n’engendre une guerre des prix et accentue encore davantage les différences entre les deux modèles…</p>
<hr>
<p><em>Pour en savoir plus : <a href="https://www.ecole.org/fr/seance/1244-axyntis-batir-un-leader-de-la-chimie-fine-en-voyant-loin">Axyntis : bâtir un leader de la chimie fine en voyant loin</a>. Retrouvez toutes les initiatives de la série « Le Jardin des entreprenants » en cliquant <a href="https://theconversation.com/fr/topics/le-jardin-des-entreprenants-79569">ici</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137124/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Berry est fondateur et animateur du Jardin des entreprenants</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christophe Deshayes ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le groupe Axyntis, une ETI de la pharmacie, a mis en place une veille sur les ruptures d'approvisionnement et a opté pour une stratégie à rebours du mouvement de délocalisation dans son secteur.Michel Berry, Fondateur de l'école de Paris du Management, Mines ParisChristophe Deshayes, Chercheur en résidence, L'École de Paris du ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1355892020-04-06T18:31:46Z2020-04-06T18:31:46ZAprès le choc : relocalisations dans l’industrie, délocalisations dans les services<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/325327/original/file-20200403-74255-5ygfji.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C59%2C3991%2C2359&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La crise économique et sanitaire actuelle nous invite à repenser les processus de production mondialisés.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/eqwFWHfQipg">Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Assistera-t-on à une « démondialisation complète » sur des bases nationales, comme on l’entend parfois depuis l’avènement du Covid-19 ? Aucune certitude. Si les relocalisations sont amenées à s’accélérer dans l’industrie, un boom des délocalisations pourrait bien advenir dans les activités de services qui concentrent pourtant la plus grande majorité des emplois.</p>
<p>Au sens strict, la relocalisation, phénomène qui n’est <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3325607c.texteImage">pas nouveau</a>, est le retour dans le pays d’origine d’unités de production, d’assemblage, ou de montage, antérieurement délocalisées dans les pays à faibles coûts salariaux. La production dans les pays d’origine se substitue aussi à l’approvisionnement à l’étranger en composants intermédiaires ou pièces détachées (<em>outsourcing</em>). Au sens large, la relocalisation peut se définir comme le ralentissement du processus de délocalisation ou la relocalisation à proximité des marchés régionaux.</p>
<p>En réalité, l’<a href="http://www.cepii.fr/CEPII/fr/publications/em/abstract.asp?NoDoc=9255">hypermondialisation</a> de la fragmentation des chaînes de valeur mondiales s’essoufflait déjà dès la fin des années 2000 en raison du retournement des mêmes facteurs qui l’avaient stimulée dans les années 1990-2000. Les coûts d’approvisionnement et coûts salariaux unitaires dans les pays émergents sont partis à la hausse dès le milieu des années 2000 et les relocalisations se sont alors accélérées aux États-Unis, au Japon et en Europe.</p>
<p>D’autres facteurs expliquent la tendance à la relocalisation observée : l’accélération de la robotisation des chaînes d’assemblage, la hausse des coûts de transport et de transaction dans certains secteurs, ou encore les problèmes de délais de livraison, de qualité ou de sécurité des produits délocalisés.</p>
<p>Les ruptures d’approvisionnement liées au choc du Covid-19 n’ont fait que révéler au grand jour ces risques des délocalisations.</p>
<h2>Sécuriser les approvisionnements</h2>
<p>Tout d’abord, dans l’hypothèse d’une reprise économique mondiale, après ce choc, les <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Mondialisation_et_d__localisation_des_entreprises-9782707194572.html">tendances déjà visibles de la relocalisation</a> devraient s’accélérer dans les secteurs à matières solides, qui ne rencontrent pas d’obstacles à l’automatisation des chaînes d’assemblage (automobile, électronique, mécanique, etc.), en particulier dans un contexte d’accès aux financements bancaires à coûts très bas.</p>
<p>La relocalisation est déjà une réalité dans les secteurs pondéreux ou volumineux sensibles aux coûts de transport et aux barrières commerciales.</p>
<p>De leur côté, les entreprises des secteurs stratégiques (pharmacie, biotechnologies) dominés par la concurrence par l’innovation, qui sont dépendantes d’un petit nombre de fournisseurs en Chine ou en Inde par exemple, vont probablement relocaliser ou freiner les délocalisations de leurs approvisionnements.</p>
<p>Dans l’industrie pharmaceutique par exemple, dont on parle beaucoup depuis la crise sanitaire, les firmes investissent beaucoup dans le domaine de la recherche et développement (R&D) car l’innovation de produits est le mode de concurrence dominant dans le secteur.</p>
<p>Ces firmes délocalisent la fabrication des molécules de base (relativement standardisées) et se concentrent sur les activités de R&D et de marketing en Europe ou aux États-Unis.</p>
<p>Mais, en faisant produire leurs molécules standards dans des pays à plus bas coûts (en Chine ou en Inde), elles prennent le risque de rencontrer des problèmes d’approvisionnement en cas de crise comme celle du coronavirus.</p>
<p>Or, ces secteurs pharmaceutiques, biotechnologiques, ou informatiques à fortes dépenses en R&D sont aussi des secteurs où le nombre de fournisseurs est relativement faible. Le secteur fait alors face à deux enjeux : la dépendance avant et après l’échange et un potentiel opportunisme des fournisseurs.</p>
<p>Les gains procurés par ces opérations sont importants puisque les prix sont très élevés lorsque le produit est breveté, plus faibles mais à marges élevées pour les produits génériques.</p>
<p>Ces comportements de marge qui consistent à ne pas répercuter les prix des biens sur les coûts de production dans les pays de délocalisation mais à les aligner sur les coûts de production en France se retrouvent dans plusieurs secteurs comme le textile et l’habillement, les chaussures de sport, par exemple. Les risques d’approvisionnement sont alors peu pris en compte. La recherche de ces comportements de marge est aussi favorisée par <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Le_savoir___la_finance-9782707158475.html">l’impatience des actionnaires</a>, ainsi que l’illustre la délocalisation de l’entreprise bretonne Plaintel qui fabriquaient les masques FFP2.</p>
<p>Cela laisse penser que les relocalisations en Europe (mais pas forcément en France) augmenteront dans ce type de secteurs. La relocalisation continuera également à se développer dans l’agroalimentaire avec le développement des circuits courts qui sont déjà une réalité.</p>
<h2>Vers une délocalisation massive des services ?</h2>
<p>Mais ce ne sera pas forcément le cas dans les secteurs manufacturiers à matières souples, dont les activités d’assemblage ne sont pas robotisables (textile, habillement, cuir, chaussures…).</p>
<p>Les effets de rupture dans les chaînes d’approvisionnement seront compensés par des délocalisations itinérantes, de la Chine au Vietnam, à l’Éthiopie ou dans le bassin méditerranéen. Les avantages des entreprises nomades de ces secteurs résident surtout dans leur maîtrise logistique.</p>
<p>Ensuite, et surtout, il convient de ne pas avoir les yeux rivés seulement sur les biens matériels, mais d’analyser aussi ce qui va se passer dans les activités de services aux entreprises et aux ménages (qui représentent 76 % des emplois en France).</p>
<p>Un boom dans les délocalisations, en <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Mondialisation_et_d__localisation_des_entreprises-9782707194572.html">l’absence de mesures de régulation</a>, pourrait bien advenir après ce choc. Les services sont devenus potentiellement délocalisables malgré leur spécificité intrinsèque : la simultanéité des activités de consommation et de production.</p>
<p>Plusieurs facteurs expliquent cela :</p>
<ul>
<li><p>Dans les banques ou les assurances, des centaines d’emplois de relation client, de comptabilité, d’informatique, de service juridique, voire même de recherche et développement (R&D), partent déjà chaque année dans des pays à plus faibles coûts.</p></li>
<li><p>En outre, sous-traiter des tâches de services à distance n’est pas sensible au protectionnisme commercial ni au coûts de transports.</p></li>
<li><p>Enfin, les acteurs du secteur de la distribution comme de la production de services (banques, assurances, etc.) mais aussi les consommateurs (entreprises ou ménages) vont bénéficier d’un effet d’apprentissage et de réseau du confinement mondial dans l’usage des technologies numériques sans précédent.</p></li>
</ul>
<h2>Les aides d’État à la relocalisation peu efficaces</h2>
<p>En l’absence de nouvelles régulations, cet effet d’apprentissage dans l’outsourcing ou la sous-traitance de services immatériels à distance touchera aussi les services de la connaissance à forte valeur ajoutée, y compris, paradoxalement dans le secteur de la santé et du soin.</p>
<p>Cependant deux facteurs peuvent contrecarrer ce scénario.</p>
<p>Tout d’abord, les risques de ruptures numériques, de coûts de coordination et énergétiques croissants liés à l’usage de masse des technologies numériques, peuvent perturber la logistique de l’offre de services à distance. La fracture numérique continuera à exclure (une déconnexion forcée) des personnes, des territoires et des pays de la participation à la <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k3325607c.texteImage">division internationale du travail</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/325338/original/file-20200403-74220-1q6eetl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/325338/original/file-20200403-74220-1q6eetl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/325338/original/file-20200403-74220-1q6eetl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/325338/original/file-20200403-74220-1q6eetl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/325338/original/file-20200403-74220-1q6eetl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/325338/original/file-20200403-74220-1q6eetl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/325338/original/file-20200403-74220-1q6eetl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La télémédecine se développe grâce au progrès des nouveaux moyens de communication.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.afpforum.com/AFPForum/Search/Results.aspx?pn=1&smd=8&mui=3&q=14622605534307205321_1&fst=%c3%a9tats+g%c3%a9n%c3%a9raux+de+l%27industrie&fto=3&t=2#pn=1&smd=8&mui=3&q=14622605534307205321_1&fst=%c3%a9tats+g%c3%a9n%c3%a9raux+de+l%27industrie&fto=3&t=2">Vince Little</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Enfin, la mondialisation se traduit surtout par des stratégies d’accès aux marchés par les investissements directs étrangers (IDE), (c’est-à-dire des mouvements internationaux de capitaux réalisés pour créer, développer ou maintenir une filiale à l’étranger ou pour exercer le contrôle ou une influence significative sur la gestion d’une entreprise étrangère). Ce phénomène devrait s’accroître, dans l’hypothèse d’une reprise de la croissance mondiale, dans un contexte d’élévation des coûts de transport et de protectionnisme commercial qui rendent les exportations plus coûteuses.</p>
<p>Pour conclure, les relocalisations ne se décrètent pas verbalement. Mais il ne faut pas refaire les erreurs du passé en distribuant des aides financières aux entreprises sous diverses formes pour les aider à relocaliser. En effet, entre 2005 et 2013, sur environ 200 cas de relocalisations, seulement 7 % des entreprises ont recouru aux aides de l’État pour relocaliser.</p>
<p>Il est nécessaire de réfléchir, en incluant le plus grand nombre d’acteurs, à de véritables stratégies industrielles et de services. Une politique de <a href="https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/etudes-et-statistiques/etudes/industrie/2013-12-relocalisation-synthese.pdf?fbclid=IwAR1rF6vwlbK8Npkj3Z5I7I6Hg26DxlJwWPqszWKQTJcN8my-S1ghenKyR1c">filière</a> aux niveaux national et européen pour stimuler les relocalisations fondées sur l’innovation doit s’accompagner de la mise en place d’un observatoire d’anticipation des <a href="https://theconversation.com/reveler-les-risques-de-delocalisation-industrielle-92405">chocs territoriaux</a> des délocalisations. Sans quoi, la mondialisation reprendra son cours, comme après la crise de 2007-2008, en particulier pour les biens immatériels.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135589/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>El Mouhoub Mouhoud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si la crise d’approvisionnement liée au Covid-19 peut favoriser les relocalisations dans les secteurs de l’industrie manufacturière, un boom des délocalisations des services doit être anticipé.El Mouhoub Mouhoud, Professeur d'Economie, Vice-Président de l'Université Paris-Dauphine, PSL Research University, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1356432020-04-06T18:31:42Z2020-04-06T18:31:42ZMédicaments : à quelles conditions pourra‑t‑on relocaliser la production des principes actifs ?<p>Pénurie de masques, de gel, défaut de réactifs pour réaliser des tests de dépistage à grande échelle… La situation actuelle ne fait qu’exacerber un constat qui n’est pas d’aujourd’hui : en matière de médicaments, nous sommes devenus dépendants.</p>
<p>Ce n’est pas la crise que nous affrontons qui a déclenché l’alerte. Dès le mois d’août 2019, un collectif de médecins hospitaliers appelait au rapatriement des principes actifs en Europe dans une <a href="https://www.lejdd.fr/Societe/tribune-penurie-de-medicaments-il-faut-relocaliser-la-production-en-europe-3914648">tribune</a> parue dans le Journal du dimanche à la suite de l’annonce du <a href="https://www.ars.sante.fr/system/files/2019-07/2019-07-10-Masante2022-adoption-PJL.pdf">plan santé</a> par le gouvernement.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1162982460696735745"}"></div></p>
<p>Certes, en tant de crise, l’importance de relocaliser la production des principes actifs semble acté par nos dirigeants. Mais est-ce aussi simple à faire qu’à dire ?</p>
<h2>Une relocalisation nécessaire</h2>
<p>Le constat est repris partout : 80 % des principes actifs tombés dans le domaine public sont <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/22/relocaliser-n-est-plus-une-option-mais-une-condition-de-survie-de-nos-systemes-economiques-et-sociaux_6034010_3232.html">produits hors de l’Europe</a> (principalement en Inde et en Chine), contre 20 % il y a 30 ans.</p>
<p>Le problème ? Le risque de dépendance que cela crée dans une économie mondialisée caractérisée par l’allongement continu des chaînes de production, l’accroissement de la division du travail et le fonctionnement de l’économie à flux tendus.</p>
<p>Il suffit d’un problème dans une usine pour que le marché français soit immédiatement impacté. En l’état, notre mondialisation ne permet pas de garantir les chaînes d’approvisionnement.</p>
<p>Les alertes sur les pénuries passées, présentes et à venir conduisent à la formulation de plusieurs pistes d’action pour les gérer – ou mieux, les éviter –, depuis la simple plate-forme de signalement (proposée dans le plan santé de l’été 2019) ou la constitution de stocks des MITM (les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur), jusqu’à la relocalisation de la production de leurs principes actifs. Cette dernière est le meilleur garant d’une indépendance en la matière.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/penuries-de-medicaments-les-antibiotiques-aussi-sont-concernes-81204">Pénuries de médicaments : les antibiotiques aussi sont concernés</a>
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<p>Il s’agirait donc d’enclencher un mouvement inverse : que les industriels de la pharmacie « ré-internalisent » ce qu’ils n’ont cessé d’externaliser depuis des années, principalement dans les pays « à bas coûts de production » et en particulier pour des questions de coûts justement, bien que ce ne soit pas la seule raison (la volonté de localiser les industries de la chimie « ailleurs » a aussi compté, par exemple).</p>
<p>La relocalisation pose la question du coût de production. Une question délicate dans les règles du jeu de notre mondialisation.</p>
<h2>Le poids de la compétitivité-coût</h2>
<p>La recherche de la compétitivité est au cœur de notre système économique. Elle se perçoit généralement à travers deux aspects. La compétitivité-coût, d’un côté, c’est-à-dire la recherche d’un avantage compétitif basé sur les coûts qui, dans notre cas, va concerner les médicaments dits « matures » et « génériques », ceux dont les principes actifs sont tombés dans le domaine public.</p>
<p>La compétitivité hors-coût, de l’autre, c’est-à-dire la recherche d’un avantage compétitif basé sur des éléments autres que les coûts, comme la qualité et, surtout, l’innovation, qui va, dans notre cas, concerner les médicaments innovants (sur lesquels les industriels peuvent exploiter les droits de propriété portant sur des principes actifs qui ne sont pas encore tombés dans le domaine public).</p>
<p>Il y aurait aussi beaucoup à dire en matière d’innovation, mais limitons-nous ici à la question de la compétitivité-coût qui concerne les médicaments dont il est question.</p>
<p>Le premier impératif d’une relocalisation serait donc de combler les écarts de coûts de production. Pour cela, deux leviers sont mobilisables : augmenter le prix de vente du médicament, en répercutant la hausse du coût de production ; ou alors adopter des mesures fiscales visant à réduire les coûts d’entrée pour inciter à la production.</p>
<p>Toute relocalisation ne peut donc se penser qu’avec une aide de l’État qui chercherait à maintenir la compétitivité-coût des industriels. Il en va de l’industrie pharmaceutique comme de bien d’autres secteurs : on ne pourra pas enclencher le « mouvement inverse » sans changer les règles du jeu.</p>
<p>D’autant plus qu’un second type de piste pourrait être évoqué : celui de la production des principes actifs par une organisation sans but lucratif. Autrement dit, par l’État lui-même. Cette solution n’est pas nécessairement tenable ou souhaitable, car la France n’aurait pas forcément les moyens de produire l’ensemble des principes actifs qui lui sont nécessaires.</p>
<p>Cette proposition a toutefois le mérite de poser une véritable question – propre à certains secteurs (le médicament et celui, plus large, de la santé, mais aussi ceux de l’éducation ou de la défense) : celle du statut du bien dont il est question.</p>
<p>Le médicament doit-il se penser comme un bien privé (ainsi que c’est largement le cas aujourd’hui) ou un <a href="https://www.ouest-france.fr/sante/medicaments/point-de-vue-les-medicaments-sont-ils-des-biens-communs-6310319">bien commun</a> ? Se poser la question invite aussi à repenser les règles du jeu.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1244904827802574850"}"></div></p>
<h2>Agir sur les structures pour changer les règles</h2>
<p>La volonté d’indépendance en matière de médicaments (notamment matures et génériques) nécessite donc de se doter d’une politique. Dans une vision réactive, elle se réduirait à la politique de la gestion de crise, voire de la gestion des pénuries. Dans une vision plus proactive, elle supposerait de se saisir de la question, autrement plus structurelle, de la stratégie industrielle.</p>
<p>L’action sur la réglementation pourrait alors constituer une première option. La réglementation est à la fois perçue comme un facteur de délocalisation de la production (on va là où la réglementation est plus souple) et comme un facteur inverse de relocalisation (les taxes carbone par exemple, ou pourquoi pas, celles sur le travail des enfants).</p>
<p>Ce serait d’ailleurs l’effet conjugué de la réglementation et la baisse relative des écarts de coûts salariaux qui permettrait au laboratoire Sanofi d’envisager de <a href="https://www.challenges.fr/entreprise/sante-et-pharmacie/penurie-de-medicaments-sanofi-veut-creer-un-leader-europeen-des-principes-actifs-pharmaceutiques_700303">relocaliser en Europe</a> une partie de la production des principes actifs.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1232240535412334592"}"></div></p>
<p>L’harmonisation fiscale au niveau européen reste, de son côté, une condition non négociable. On se rappelle, par exemple, du poids de la concurrence fiscale sur les décisions de localisation des entreprises du biomédicament en Irlande. C’est dans l’articulation des échelles et des espaces de régulation – région, pays, Europe – que doit se penser la politique industrielle.</p>
<p>Mais le besoin de régulation va au-delà. Et le volontarisme politique est indépassable : l’État doit nécessairement reprendre la main et ne plus se complaire dans un rôle de gendarme au service d’une concurrence non régulée.</p>
<p>Dans un champ purement économique, profitons-en pour rappeler que la santé est doublement un facteur de croissance : en tant que facteur de production (la santé des individus, et c’est l’un des enseignements des modèles de croissance endogène, enseignement que l’on a tendance à oublier au profit d’une focalisation sur l’innovation) et en tant que secteur de production en tant que tel (où l’on retrouve l’importance de l’innovation).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135643/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie Coris ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Quelle que soit la stratégie envisagée, une intervention de l’État pour maintenir la compétitivité-coût des industriels apparaît incontournable.Marie Coris, Enseignant-chercheur économie de l’innovation, laboratoire GREThA, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1344272020-03-24T19:20:10Z2020-03-24T19:20:10ZCovid-19 : quand l’Europe voit ses stratégies industrielles fragilisées<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/322313/original/file-20200323-112657-jl48y6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=60%2C100%2C6639%2C3781&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La crise met en exergue tous les risques inhérents à la délocalisation de la production, notamment des biens de première nécessité.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-illustration/made-china-cardboard-boxes-text-chinese-1476229919">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>La pandémie de Covid-19 déstabilise les économies européennes, qui prennent conscience de leur grande dépendance à certains pays, où les entreprises européennes ont jugé avantageux de localiser certains maillons de leurs chaînes de valeur. <a href="https://www.researchgate.net/publication/215691201">Celles-ci</a> désignent l’ensemble des activités et des acteurs économiques qui sont impliqués dans la conception, la production, la commercialisation, la livraison et la réparation d’un bien ou d’un service.</p>
<p>Une multitude d’acteurs participe par exemple à la fabrication d’une voiture, d’un ordinateur, d’un vêtement ou d’un plat cuisiné. L’ensemble des entreprises impliquées dans ce processus forme une chaîne qui va de la matière première jusqu’au consommateur final. On parle également d’une filière industrielle pour désigner cette cascade d’acteurs économiques qui travaillent les uns avec les autres.</p>
<p>Une chaîne de valeur est domestique lorsque l’ensemble des acteurs pour produire un bien ou un service sont localisés dans un seul et même pays. Elle est qualifiée de globale lorsque les différentes activités et acteurs nécessaires à la production d’un bien ou d’un service sont répartis dans différents pays.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/oLtZCH-RdVI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les chaînes globales de valeur (Xerfi).</span></figcaption>
</figure>
<p>De nombreux biens et services mis à disposition des consommateurs européens sont issus de chaînes de valeur dispersées dans des pays situés en dehors du marché commun. La stratégie industrielle de nombreuses entreprises a été de sortir du marché commun chaque fois que cela pouvait s’avérer avantageux en matière de réduction des coûts de productions et d’accès à des fournisseurs performants.</p>
<h2>Deux tiers du commerce mondial</h2>
<p>Il y a 60 ans, une entreprise comme Renault s’appuyait sur une chaîne de valeur essentiellement domestique pour produire ses voitures. Comme d’autres constructeurs automobiles, l’entreprise est aujourd’hui à la tête d’une puissante chaîne de valeur globale reliée à une multitude de fournisseurs et revendeurs positionnés dans des dizaines de pays différents.</p>
<p>Ces systèmes structurent aujourd’hui l’ensemble de l’économie mondiale. C’est autour d’elles que s’organisent les processus de production, les transferts de technologies et les flux financiers.</p>
<p>Un <a href="https://www.wto.org/english/res_e/booksp_e/gvc_dev_report_2019_e.pdf">rapport publié en 2019 par l’OMC</a> fait ressortir que les deux tiers du commerce mondial passent désormais par l’intermédiaire de ces chaînes. On les retrouve pour la production de produits de hautes technologies (ordinateurs, semi-conducteurs, smartphones) mais également pour la fourniture de biens de première nécessité comme la nourriture ou les vêtements.</p>
<p>Tous les secteurs d’activités sont concernés et si l’on suit les chiffres fournis par ce document, cette implication s’est nettement accentuée sur la période de 2000 à 2017, en dépit d’un ralentissement lié à la crise financière de 2008.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/322633/original/file-20200324-155666-1wx0u99.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/322633/original/file-20200324-155666-1wx0u99.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/322633/original/file-20200324-155666-1wx0u99.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/322633/original/file-20200324-155666-1wx0u99.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/322633/original/file-20200324-155666-1wx0u99.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/322633/original/file-20200324-155666-1wx0u99.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/322633/original/file-20200324-155666-1wx0u99.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/322633/original/file-20200324-155666-1wx0u99.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Pourcentage des produits finis issus d’une chaîne de valeur globale.</span>
<span class="attribution"><span class="source">OMC</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une dépendance accrue à la Chine</h2>
<p>Il est également important de noter que durant ces dernières années, les chaînes de valeurs intra-européennes ont diminué au profit de chaînes de valeurs directement reliées à la Chine. Les entreprises européennes privilégient désormais des relations commerciales et industrielles avec l’empire du Milieu pour obtenir des matières premières, s’approvisionner en composants de base et obtenir des biens intermédiaires aux meilleurs prix.</p>
<p>Sur la période récente, l’Europe (comme les États-Unis) a accentué sa dépendance commerciale et industrielle à l’égard de la Chine pour fabriquer et importer une multitude de biens et de services dont une partie fait aujourd’hui cruellement défaut dans la crise sanitaire.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/322635/original/file-20200324-155620-4q30kg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/322635/original/file-20200324-155620-4q30kg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/322635/original/file-20200324-155620-4q30kg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=254&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/322635/original/file-20200324-155620-4q30kg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=254&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/322635/original/file-20200324-155620-4q30kg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=254&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/322635/original/file-20200324-155620-4q30kg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=319&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/322635/original/file-20200324-155620-4q30kg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=319&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/322635/original/file-20200324-155620-4q30kg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=319&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Évolution des chaînes de valeur dans le secteur du textile entre 2000 et 2017.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rapport de l’OMC 2019</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une logique qui repose sur la spécialisation</h2>
<p>La mise en place des chaînes de valeur globales s’appuie sur une logique économique ancienne développée par l’économiste <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/David_Ricardo">David Ricardo</a> : l’avantage comparatif des nations. Selon cette théorie, il est souhaitable que certains pays se spécialisent dans la production de certains biens car ils le font mieux et à un prix souvent inférieur. En s’appuyant sur un partenaire spécialisé, les pays importateurs bénéficieront d’une amélioration de la qualité du bien recherché ou d’une diminution de son prix d’acquisition. Le pays producteur quant à lui développe son activité et améliore sa balance commerciale.</p>
<p>C’est dans cet état d’esprit que les Anglais ont sacrifié leurs producteurs de blé au milieu du XIX<sup>e</sup> siècle, jugeant qu’il était beaucoup plus avantageux de s’approvisionner à l’étranger. <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Corn_Laws">La décision de libéraliser le secteur des céréales</a> fut prise en 1846. Elle marqua un tournant dans le développement du commerce international et contribua largement au développement de la première mondialisation.</p>
<h2>Des gains liés à un dumping social et environnemental</h2>
<p>Cette vision ricardienne du commerce international motive le développement des chaînes de valeur globales au XXI<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Mais derrière les bénéfices réciproques et les gains d’ensemble vantés par la théorie, on observe également de <a href="https://www.researchgate.net/publication/281146741_Sharing_the_Shared_Value_A_Transaction_Cost_Perspective_on_Strategic_CSR_Policies_in_Global_Value_Chains?_sg=azY9qJV1VxCg7AmMxBx4vn6nYZpHFqMiz6iW-p--e3d6eRM8A1WvgKB7Q41CBL3I4X7GEReOm93kZ_xtT0vyxDAFL6Y-4BmhKZMYR2ua.m73LWkhCGekdcHw_Lbbruwt7W4f-ij2z2fPc7BsfLfhHhuOJwbGauZN-bRb-d4MTSnWMFLf2OdO9FQvcOiAeNQ">nombreux coûts sociaux et environnementaux</a>.</p>
<p>Dans bien des cas, les gains obtenus à partir de la mise en place des chaînes de valeurs globales trouvent leurs origines dans des pays qui disposent de protections sociales et environnementales beaucoup moins strictes. Leur efficacité économique s’appuie en somme sur des logiques de dumping social et environnemental.</p>
<p>De plus, le transit et les déplacements des biens et des personnes sur des chaînes de valeurs qui couvrent des milliers voire des dizaines de milliers de kilomètres génèrent une empreinte environnementale considérable.</p>
<p>Les images spectaculaires de la NASA sur la disparition des pics de pollution en Chine ainsi que la réduction des trajets aériens montrent bien l’empreinte écologique massive induite par le commerce mondial, en plus des émissions propres aux processus de production.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/322318/original/file-20200323-112712-1nqxyl4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/322318/original/file-20200323-112712-1nqxyl4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/322318/original/file-20200323-112712-1nqxyl4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=593&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/322318/original/file-20200323-112712-1nqxyl4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=593&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/322318/original/file-20200323-112712-1nqxyl4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=593&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/322318/original/file-20200323-112712-1nqxyl4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=746&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/322318/original/file-20200323-112712-1nqxyl4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=746&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/322318/original/file-20200323-112712-1nqxyl4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=746&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Schéma donnant une idée des chaînes de valeur globales impliquées dans la production d’un avion.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rapport de l’OMC 2019</span></span>
</figcaption>
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<h2>Trois leçons de la crise</h2>
<p>La crise sanitaire que nous traversons met en lumière la grande dépendance des pays européens à l’égard d’autres pays et en particulier de la Chine. Depuis plusieurs décennies, les politiques publiques et les stratégies industrielles encouragent le développement de chaînes de valeur globales.</p>
<p>Le surgissement du Covid-19 remet en question trois certitudes :</p>
<ul>
<li><p>Le recours à des chaînes de valeur globales a permis de réduire les coûts d’acquisition de certains biens et services. Cela a contribué à libérer du pouvoir d’achat pour les consommateurs européens. Mais ces choix ont également conduit à perdre des pans entiers de souveraineté sur des enjeux essentiels comme la santé, l’alimentation, l’informatique ou les technologies numériques. Le continent européen n’est plus maître de son destin dans de nombreux domaines.</p></li>
<li><p>La Chine n’est pas seulement un pays où il est possible de produire à moindres coûts des biens de consommation et d’équipement. Elle dispose désormais de savoirs technologiques et scientifiques qui dépassent ceux des pays européens. Ses nombreux avantages comparatifs lui permettent de damer le pion aux Européens dans de très nombreux secteurs. La Chine est aujourd’hui le centre de pilotage de puissantes chaînes de valeurs globales qui renversent les rapports de force et font des Européens des cibles commerciales.</p></li>
<li><p>Les chaînes de valeur globales sont de puissants moteurs du changement climatique. Elles structurent des processus de production, des transferts technologiques et des flux financiers mais génèrent également une empreinte environnementale massive.</p></li>
</ul>
<h2>Tout reconstruire à l’identique ?</h2>
<p>La crise financière de 2008 a marqué un repli dans la dynamique de développement des chaînes de valeur globales. L’impact de la crise du Covid-19 sera plus profond et plus durable. À la crise sanitaire succédera la crise économique et l’Europe est d’ores et déjà sur le pied de guerre afin de relancer la machine économique.</p>
<p>Toute la question est de savoir si nous voulons relancer une machine qui nous fait perdre des pans entiers de souveraineté et alimente dans le même temps une destruction inédite de la planète. Étendre toujours plus les chaînes de valeur pour économiser sur les coûts de production de certains biens nous expose à une grande dépendance que la crise du Covid-19 met en lumière.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1234602101394878467"}"></div></p>
<p>Relancer la machine économique pour réparer le système actuel revient à maintenir un système exposé à des crises toujours plus graves. L’Europe doit accroître sa résilience et développer ses propres forces à travers des chaînes de valeur majoritairement intra-européennes protégées par un marché commun, qui constitue l’horizon d’une souveraineté assumée et défendue.</p>
<p>Il semble important dans cet objectif de se doter d’un observatoire européen des chaînes de valeur dont la raison d’être sera de développer des connaissances sur la fragilité et les risques des stratégies industrielles poursuivies par les entreprises européennes. Il apparaît indispensable de connaître et de documenter les zones de fragilité pour asseoir des politiques publiques et reconstruire des filières industrielles européennes dans les principaux secteurs stratégiques (agriculture, santé et numérique).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/134427/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bertrand Valiorgue ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les chaînes de valeur globales qui caractérisent nos économies mondialisées sont aujourd’hui mises à mal par les dépendances que révèle cruellement la pandémie.Bertrand Valiorgue, Professeur de stratégie et gouvernance des entreprises, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1335582020-03-19T20:19:26Z2020-03-19T20:19:26Z« Démondialisation » ? La crise du coronavirus révèle une tendance de fond<p>La notion de <a href="https://journals.openedition.org/developpementdurable/9198">« démondialisation »</a> est amplement débattue depuis des années. Mais de quoi s’agit-il exactement ? Est-ce un phénomène conjoncturel lié aux incertitudes d’un environnement géopolitique régulièrement électrisé par les tweets de Donald Trump et aujourd’hui accentué par la crise du coronavirus, ou sommes-nous en présence d’une tendance de fond et, en ce cas, pourquoi ? Quelles hypothèses pouvons-nous en tirer à propos de l’évolution de l’économie mondiale, des stratégies des entreprises et des territoires ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1238025401819168769"}"></div></p>
<h2>« Démondialisation » ou « relocalisation » ?</h2>
<p>Alerte à Bercy : « L’épidémie de [coronavirus] change la donne de la mondialisation et montre que dans certaines filières, les difficultés d’approvisionnement peuvent poser un problème stratégique », reconnaît le ministre de l’Économie Bruno Le Maire. Il devient dès lors <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/02/l-epidemie-de-covid-19-demontre-l-inquietante-dependance-des-economies-occidentales-a-la-chine_6031483_3232.html">« impératif de relocaliser un certain nombre d’activités »</a>.</p>
<p>Si avec la crise actuelle, la relocalisation de la fabrication des principes actifs de médicaments et d’autres produits devient un « impératif » pour nos pouvoirs publics, l’<a href="https://agilebuyer.com/etude-les-priorites-des-achats-en-2020/">étude</a> réalisée par la société de conseil spécialisée en achat opérationnel Agilebuyer et le Conseil national des achats (CNA) auprès de 682 professionnels des achats fin 2019 montre que, pour les départements achat des entreprises françaises, comme l’explique Olivier Wajnsztok, fondateur d’Agilebuyer :</p>
<blockquote>
<p>« Acheter français ne semble plus relever de l’anecdote ou d’une simple question d’image. C’est une tendance de fond qui s’impose ; pour 54 % des directions achats, c’est même un critère d’attribution du business. »</p>
</blockquote>
<p>O. Wajnsztok estime qu’il s’agit d’« une relocalisation défensive car il faut sécuriser ses approvisionnements dans un environnement géopolitique plus incertain ». D’autres facteurs entrent en jeu : l’augmentation des coûts salariaux dans les pays émergents ; les frais de transport et l’impact carbone ; les coûts liés aux défauts de qualité des produits et services… Mais 45 % des acheteurs disent buter sur deux obstacles : les capacités de production française et les prix.</p>
<p>Le phénomène décrit ici pour la France – et que la crise du coronavirus a illustré avec la pénurie des <a href="https://www.lci.fr/sante/video-coronavirus-va-t-on-vers-une-penurie-de-masques-de-protection-2148209.html">masques de protection</a> – n’explique qu’en partie l’évolution des échanges mondiaux constatée depuis plusieurs années. El Mouhoub Mouhoud, professeur d’économie à Paris Dauphine, nous <a href="https://prepaecocarnot.files.wordpress.com/2020/02/absence_demondialisation_el_mouhoub_mouhoud_jfevrier2020.pdf">rappelle</a> en effet que, avant 2010, le commerce mondial augmentait deux fois plus vite que la production mondiale. Aujourd’hui, production et commerce mondial évoluent au même rythme. La principale explication réside dans la <a href="https://www.tradingsat.com/actualites/marches-financiers/marche-la-chine-accuse-la-plus-forte-baisse-de-ses-exportations-en-2-ans-843849.html">chute des exportations de produits assemblés en Chine</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Bruno Le Maire évoque la « relocalisation d’un certain nombre d’activités stratégiques » (9 mars 2020).</span></figcaption>
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<h2>« Démondialisation » ou « recomposition des chaînes de valeur » ?</h2>
<p>Le phénomène est particulièrement significatif dans l’industrie électronique où ces 30 dernières années d’échanges ont fait de la Chine « l’atelier du monde ». Mais dans son plan « Made in China 2025 » lancé en 2015, le gouvernement chinois s’est donné pour priorité de détenir 80 % de son marché domestique très convoité par les Occidentaux. Il veut, de plus, « désaméricaniser » les technologies d’Internet.</p>
<p>« Les États-Unis ont peur de perdre leur leadership technologique », <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/01/05/dans-le-high-tech-la-demondialisation-est-lancee_6024849_3234.html">explique</a> Benoît Flamant, de Corraterie Gestion. On assiste ainsi à un « découplage » des industries chinoises et américaines. Il est aujourd’hui <a href="https://www.zdnet.com/article/us-bans-federals-funds-from-being-used-on-huawei-and-zte-equipment/">interdit aux fabricants de composants américains de fournir Huawei et ZTE</a>, qui ont pris de l’avance dans la 5G. Or la fabrication de composants électroniques est le point faible de la Chine. C’est pourquoi elle investit massivement dans ce domaine, comme dans celui des logiciels et des systèmes d’exploitation.</p>
<p>Apple s’engage par ailleurs dans une réorganisation de sa chaîne de valeur, notamment avec les pays de l’Asie du Sud-Est et l’Inde. D’après une <a href="https://www.bcg.com/fr-fr/publications/2019/us-china-tech-trade-war.aspx">étude</a> du Boston Consulting Group (BCG) sur la fabrication d’un iPhone, la Chine s’occupe essentiellement de l’assemblage et ne représenterait déjà qu’environ 20 % de la valeur ajoutée. Pour autant, selon El M. Mouhoud, il n’y a pas aujourd’hui de « démondialisation » mais « une recomposition des chaînes de valeur » avec des problématiques très différentes d’un secteur d’activité à un autre.</p>
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<h2>« Démondialisation » ou « multi-localisation » ?</h2>
<p>El M. Mouhoud relève aussi que « lorsque les coûts de transaction du commerce (droits de douane, transport, etc.) augmentent, les firmes multinationales ont tendance à sauter ces barrières pour produire sur place ». La promesse de Huawei d’<a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/02/27/5g-le-chinois-huawei-annonce-vouloir-installer-un-site-de-production-en-france_6031086_3234.html">investir en France pour produire des équipements 4G et 5G</a> s’inscrit dans cette logique. Les multinationales sont d’autant plus incitées à se rapprocher du client que celui-ci est de plus en plus en attente de disponibilité, de qualité et de traçabilité, cela dans le respect de l’environnement.</p>
<p>Michael Mc Adoo, directeur associé du bureau de Montréal du BCG, suggère à cet égard que « dans ce nouvel âge de la globalisation, le multilocal est le nouveau multinational. Il faut produire en Chine pour vendre en Chine, et produire ailleurs pour vendre ailleurs ». La question est de savoir alors où on va produire sur le territoire. Cette problématique est illustrée par les stratégies de production des constructeurs automobiles en Europe. Toyota <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/01/15/toyota-va-fabriquer-un-nouveau-vehicule-en-france-dans-son-usine-nordiste-d-onnaing_6025920_3234.html">investit 400 millions d’euros à Valenciennes</a> plutôt que dans son usine tchèque pour produire la nouvelle Yaris et un nouveau SUV. En Espagne, Renault investit à Valladolid pour le nouveau Captur et Peugeot à Vigo pour la 2008 : la préférence française est dépassée par la logique de compétitivité.</p>
<h2>Conclusions</h2>
<p>Le concept de « démondialisation » renvoie à d’autres phénomènes observés dans les stratégies internationales des entreprises : la recomposition des chaînes de valeur développée par El M. Mouhoud ; la multilocalisation proposée par Michael Mc Adoo ; voire la relocalisation qu’Arnaud Montebourg appelle de ses vœux depuis 2011.</p>
<p>Ce qui est sûr, c’est qu’un phénomène de fond est en marche. Il a été révélé par la politique des États-Unis confrontés à la remise en question par la Chine de leur leadership technologique et économique. Il va être accéléré avec la crise du coronavirus, spécialement dans les industries ayant des liens étroits avec Wuhan, comme l’automobile et l’électronique, ainsi que dans le domaine de la santé – cela sous la pression des États qui vont faire leur retour dans la gouvernance économique mondiale. Il est urgent que l’Europe trouve sa place dans ces nouveaux rapports de force où les pays producteurs de matières premières et d’énergies fossiles – Russie, pays du Moyen-Orient, d’Afrique et d’Amérique latine – cherchent également à avancer leurs pions.</p>
<p>Les phénomènes décrits ici conduisent à s’interroger sur la manière dont les multinationales vont s’adapter. Une hypothèse repose sur une réorganisation en entreprises « multilocales » avec des chaînes de valeur dédiées à des marchés géographiques. Elle est renforcée par les observations que fait El M. Mouhoud sur l’augmentation des investissements directs à l’étranger (IDE) depuis 2012, l’objectif étant d’innover et de produire où l’on vend.</p>
<p>Enfin, la « démondialisation » est-elle une bonne nouvelle pour nos territoires ? Nos usines seraient moins en concurrence avec celles des pays asiatiques. Mais la concurrence s’intensifie déjà avec celles des pays d’Europe et du bassin méditerranéen, du Maroc notamment… Au plan local, autour des usines, les fournisseurs et prestataires de services deviennent des partenaires plus « attendus sur l’innovation (prix, qualité, réactivité) et les enjeux de développement durable » (selon J.-L. Darras, le président du CNA). Une meilleure prise en compte de la protection de l’environnement sur les territoires serait ainsi une autre retombée de la « démondialisation ».</p>
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<p><em>Cet article est republié dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/133558/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thierry Gonard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Voilà des années que, notamment dans le cadre de la guerre commerciale sino-américaine, on parle beaucoup de « démondialisation « . Un phénomène que la crise du coronavirus contribue à accélérer.Thierry Gonard, Enseignant Méthodologie, Entrepreneuriat et Innovation, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1323242020-03-10T18:44:48Z2020-03-10T18:44:48ZComment la crise sanitaire remet en cause la puissance chinoise<p>La Chine n’a jamais été aussi puissante qu’aujourd’hui. Même sous les Tang (618-907), le rayonnement de l’Empire et son influence n’avaient pas l’aura actuelle. Pourtant, l’émergence de la RPC induit une succession de crises et de tensions dans ses périphéries et à son centre. La crise du coronavirus (ci-après Covid-19) a provoqué une perturbation très importante et durable de l’économie en Chine puis, du fait de la forte dépendance économique et industrielle du reste de la planète envers Pékin, une possible récession mondiale. Cet article propose de dégager quelques réalités politiques et stratégiques de la Chine aujourd’hui.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/coronavirus-le-point-sur-la-couverture-internationale-de-the-conversation-133375">Coronavirus : le point sur la couverture internationale de The Conversation</a>
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<h2>Une crise qui s’ajoute à d’autres</h2>
<p>Partie de Wuhan fin décembre 2019, l’épidémie du Covid-19 a rapidement gagné l’ensemble du pays, de l’Asie et du monde, sans pour autant être qualifiée à ce jour de pandémie par l’OMS. Cette crise vient s’ajouter à une série de <a href="https://www.fdbda.org/2020/02/pekin-face-aux-crises-peripheriques-et-du-centre-le-tournant-conjoncturel-et-structurel-de-la-decennie-2020/">difficultés au pourtour du pouvoir central, qui ont revigoré le sentiment d’être assiégé que ressent la RPC</a> : Hongkong, Taïwan, Xinjiang, Tibet et frontière avec l’Inde, mer de Chine méridionale… sans oublier, bien sûr, la guerre commerciale et technologique avec les États-Unis. Alors que Pékin promeut les « Nouvelles routes de la soie » (ou « Belt and Road Initiative »), moteur d’une meilleure connectivité et d’une stimulation accrue du commerce international, ces différentes zones sont au contraire structurées par leur militarisation accrue. En ce sens, les formules mises en avant par le régime de « guerre contre le virus », « guerre du peuple contre le diable » ou « Wuhan, ville des héros » procèdent de la même politique de soft power interne, destinée à galvaniser le « peuple » en promouvant une rhétorique martiale pour protéger la Chine d’une possible désunion.</p>
<p>Conséquence des mesures drastiques de confinement et de quarantaine : les flux humains et de marchandises sont encore très réduits, affectant durablement les chaînes de production et d’approvisionnement. La reprise n’est encore que très limitée. Avec environ 20 % du PIB mondial et un quart des échanges mondiaux de conteneurs, l’intégration de la Chine dans la mondialisation s’est accélérée depuis son adhésion à l’OMC en 2001. Dans le même temps, la dépendance des économies internationales à la Chine a changé la donne. En 2018, la Chine représentait <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/l-economie-mondiale-sous-le-choc-du-coronavirus-20200227">2 632 milliards de dollars d’exportation pour 2 134 milliards d’importations</a> avec dans les deux sens une empreinte internationale hétérogène mais globale. Le commerce avec Pékin représente une part non négligeable de la plupart des économies nationales. C’est en <a href="https://www.lopinion.fr/edition/wsj/l-economie-mondiale-tremble-alors-que-coronavirus-menace-chaines-d-212525">Asie que cette part pèse le plus (plus de 40 %)</a>. L’interdépendance économique et commerciale forge comme jamais la géopolitique et les rapports de force stratégiques. Alors que le <a href="https://www.imf.org/fr/News/Articles/2020/02/20/blog-finding-solid-footing-for-the-global-economy">FMI suit méticuleusement</a> les effets de la crise du Covid-19, une récession majeure pourrait paradoxalement venir du moteur de la croissance mondiale.</p>
<p>En interne, la situation économique chinoise reste assez opaque. <a href="https://www.lopinion.fr/edition/international/coronavirus-l-activite-secteur-manufacturier-chinois-a-plus-bas-niveau-213051">L’activité manufacturière est à son plus bas niveau</a> malgré la reprise partielle du travail. Le coup porté par cette crise va encore ralentir une croissance déjà en situation de tassement, affecter plusieurs secteurs de la consommation intérieure (le secteur des services est particulièrement impacté) et <a href="https://www.lesechos.fr/monde/chine/en-chine-le-coronavirus-plus-brutal-que-la-crise-financiere-de-2008-1180999">conforter la place de l’État dans l’économie nationale</a> (grands plans de relance à l’instar de la crise de 2008). Les <a href="http://french.china.org.cn/business/txt/2019-12/13/content_75510065.htm">objectifs 2020</a> fixés par le pouvoir autour de Xi Jinping peineront à être atteints (petite et moyenne prospérité, environnement, réforme et assainissement des finances, éradication de l’extrême pauvreté). Le Parti-État devra faire face pour contenter son immense population une fois la crise sanitaire disparue.</p>
<h2>Diplomatie chinoise et isolement</h2>
<p>Puissance économique et diplomatique, la Chine est mise à l’épreuve par la crise. Plutôt critiqué pour son manque de réactivité, de transparence et d’acceptation du soutien et de l’aide de pays étrangers, le régime a rapidement renforcé le contrôle d’Internet et des réseaux sociaux chinois ; élaboré un discours calibré, diffusé dans les chancelleries à travers le monde ; et consolidé son influence à l’OMS. Paradoxalement, ces réactions du Parti-État attestent de <a href="https://thediplomat.com/2020/03/friends-and-enemies-china-is-grading-the-worlds-coronavirus-reactions/">l’isolement diplomatique de la Chine</a>. Rappelons, à cet égard, que ses plus proches « alliés » ou partenaires stratégiques ont rapidement fermé leurs frontières (Russie, Corée du Nord, Népal, etc.).</p>
<p>La crise, désormais mondiale, relance le débat politique sur l’efficacité comparée des réponses apportées par les <a href="https://www.lefigaro.fr/vox/monde/coronavirus-la-democratie-plus-efficace-que-les-regimes-autoritaires-20200302">régimes autoritaires et des régimes démocratiques</a>. Les fréquentes <a href="https://www.lopinion.fr/edition/international/coronavirus-provoque-incident-diplomatique-entre-chine-l-italie-211275">joutes verbales</a> dans lesquelles s’engage la diplomatie chinoise visent à convaincre une opinion mondiale qui s’interroge davantage sur la durabilité de la crise sanitaire (partie de Chine) et sur ses effets économiques et humains que sur la supposée efficacité d’un régime autoritaire.</p>
<p>Au contraire, la gestion par Pékin de la crise provoque une série de questionnements d’ordre éthique. L’amplification de l’utilisation des <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/medias/coronavirus-les-chinois-ont-massivement-migre-sur-les-plateformes-numeriques-1181126">outils numériques pour tracer et identifier</a> les malades, ainsi que le développement de l’e-commerce, du télétravail et de l’enseignement à distance ont certes permis, en quelques semaines, une ascension de l’économie numérique ; mais tout cela a également favorisé l’expansion des moyens de contrôle cybernétiques du régime sur la société, succédant immédiatement à un contrôle strict de l’espace numérique (après les revendications d’internautes pour plus de transparence et rendre des comptes à propos de la mort du médecin Li).</p>
<p>La responsabilité internationale d’une grande puissance comme la Chine interroge. Le régime présente des <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/02/28/la-diplomatie-chinoise-lutte-contre-l-isolement_6031156_3244.html">difficultés à répondre aux demandes et aux critiques</a> de son voisinage proche et du reste du monde. Pour autant, sur le plan intérieur, le pouvoir central n’est pas ébranlé. À l’opposé, l’image générale du pays ne s’améliore pas, malgré un fort volontarisme diplomatique et médiatique (prise en charge et guérison de malades, construction d’hôpitaux en un temps record, messages rassurants…). </p>
<p>Le contraste avec la gestion de crise à Taïwan ou en Corée du Sud est <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Asie-et-Oceanie/Taiwan-gere-coronavirus-facon-exemplaire-2020-03-06-1201082441">très éloquente</a> (contrôle préventif, transparence de l’information, etc.). Dans le même temps, les autorités chinoises ont initié une <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Asie-et-Oceanie/Chine-reecrit-deja-lhistoire-coronavirus-Wuhan-2020-03-09-1201082887">réécriture de l’histoire</a> et mettent en doute l’origine chinoise du Covid-19 par la voix officielle du porte-parole du Ministère des Affaires étrangères de Pékin. Le régime tentera de démontrer la supériorité de son modèle de gouvernance en spéculant sur la durée de la crise, en particulier dans les pays démocratiques. Une sortie de crise utile pour le Parti-État craignant la perte de confiance du peuple et la perte de légitimité pour gérer le pays.</p>
<h2>Du ralentissement à la relocalisation ?</h2>
<p>Il est encore difficile d’évaluer l’impact de la crise du coronavirus sur l’économie mondiale. <a href="https://theconversation.com/the-impact-of-coronavirus-on-the-financial-markets-133183">Les marchés boursiers accusent le coup</a> et les effets sur l’économie réelle ont commencé à se faire sentir. Si quatre grands secteurs sont touchés en bourse (transports aérien et maritime, tourisme, luxe et textile et la tech), l’ensemble du commerce mondial est affecté. Les grands groupes, et plus encore les PME, attendent la fin du mois de mars pour dresser le bilan à l’issue du premier trimestre. La dispersion planétaire du coronavirus se superpose parfaitement avec la mondialisation chinoise tant du point de vue industriel que sanitaire (pas un pays, pas un secteur économique n’est potentiellement à l’abri). La très grande concentration de la production manufacturière (environ 30 %) mondiale se situe en Chine.</p>
<p>Progressivement, l’ensemble des pays du globe réalisent leur <a href="https://www.challenges.fr/entreprise/sante-et-pharmacie/coronavirus-l-europe-depend-de-la-chine-pour-les-medicaments-vitaux_701452">grande dépendance à la Chine</a> (industrie pharmaceutique : 90 % de l’insuline et 80 à 85 % des principes actifs pour les médicaments ; chaussures : 60 % ; téléphonie mobile : 70 % ; transport maritime…). Le modèle qui a prévalu depuis l’entrée de Pékin à l’OMC est remis en cause, conduisant potentiellement vers une récession. Si l’économie digitale va connaître un essor certain en Chine avec la crise du Covid-19, il n’en demeure pas moins que les chaînes de transport international sont désorganisées en profondeur.</p>
<p>Les deux décennies passées ont donné à la Chine les clés géo-économiques d’une stratégie mondiale marquée par une interdépendance généralisée. Aujourd’hui, au début d’une crise dont on ne connaît encore ni l’issue ni l’ampleur, une logique de réduction de la dépendance envers la Chine serait nécessaire à l’Europe. <a href="https://www.lefigaro.fr/vox/economie/le-coronavirus-opportunite-pour-corriger-la-dependance-des-occidentaux-a-la-chine-20200227">Relocaliser une partie des productions manufacturières</a> au sein de l’UE ou dans son environnement régional lui permettrait de répondre économiquement, politiquement et sociologiquement à plusieurs de ses problématiques par une stratégie de moyen et long terme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/132324/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est délégué général du Fonds de dotation Brousse dell'Aquila.</span></em></p>L’épidémie de coronavirus affecte profondément la Chine, du point de vue social, politique et économique. Le reste de la planète va-t-il réduire son degré de dépendance envers la RPC ?Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/924052018-06-25T20:51:08Z2018-06-25T20:51:08ZRévèler les risques de délocalisation industrielle<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/224529/original/file-20180623-26546-lab31w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2973%2C1922&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">À Jiangxi, en Chine, un ouvrier produit des fibres de verre qui seront exportées vers l'Union Européenne</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/jiangxichina-january1-2014-company-workers-operating-472989235?src=XKlo2phZO-HXVy6H-udPdw-1-21">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Les délocalisations engendrent des chocs territoriaux sur l’emploi et le tissu productif qui sont rarement compensés. Pour mieux identifier les risques, voire les anticiper, nous avons élaboré un indicateur original de vulnérabilité des zones d’emploi françaises aux risques de délocalisation industrielle.</p>
<h2>Un hiatus entre impact des délocalisations et politiques publiques</h2>
<p>Longtemps, les économistes se sont contentés d’observer la délocalisation et ses effets sur l’emploi du point de vue macroéconomique. Leurs études en concluaient très souvent un faible impact sur les destructions d’emplois, en particulier dans le cas français.</p>
<p>Ainsi, selon l’enquête <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1281310"><em>Chaînes d’activité mondiales</em></a>, réalisée par l’Insee en 2012, ces délocalisations, motivées principalement par la recherche de plus faibles coûts de production, n’ont concerné, entre 2009 et 2011, que 4,2 % des 28 000 sociétés marchandes non financières de 50 salariés ou plus implantées en France. En effet, comme le montre la <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/aer.103.5.1553">littérature récente</a> sur le sujet, les pertes d’emploi dans l’industrie s’expliquent principalement par des gains de productivité globalement plus élevés dans la production de biens manufacturés que dans celle de services.</p>
<p>S’ajoute un autre phénomène : la hausse du revenu des ménages, en partie liée à cette croissance de la productivité dans l’industrie. Elle a contribué à la modification structurelle de la consommation, en faveur des services et au détriment des besoins primaires et des produits industriels. Pourtant, les perceptions publiques continuent à donner une très grande importance aux effets des délocalisations sur l’emploi. Comment expliquer ce hiatus ?</p>
<h2>Inégalité des territoires</h2>
<p><a href="https://www.insee.fr/en/statistiques/3318011?sommaire=3318021">Dans un article récent</a> publié dans la revue Économie et Statistiques avec Hugues Jennequin et Luis Miotti, nous apportons une réponse à cette question.</p>
<p>Si les études économiques concluent à un faible impact des délocalisations au niveau macroéconomique, on oublie souvent que celles-ci peuvent avoir des effets très importants sur certains territoires, ce qui ne se voit pas nécessairement quand on raisonne en moyenne nationale. En effet, certains d’entre eux sont plus exposés aux délocalisations lorsqu’ils sont spécialisés dans des activités vulnérables à la mondialisation. Il n’y aurait pas de graves problèmes si, dans un territoire donné, les destructions d’emplois par les délocalisations étaient compensées par des créations dans d’autres secteurs ou par la mobilité des travailleurs vers des zones d’emplois qui se trouvent en difficulté de recrutement de main-d’œuvre.</p>
<p>Or, on s’aperçoit que ces chocs territoriaux sont très peu compensés par des mécanismes d’ajustement tels que la mobilité du travail. L’enjeu de cette étude est de mieux identifier, voire anticiper ces chocs, grâce à une observation des caractéristiques des territoires et des activités qu’ils abritent.</p>
<h2>Un indicateur pour identifier le risque de délocalisation</h2>
<p>Pour observer les délocalisations, nous avons proposé de chausser d’autres lunettes, en construisant, pour les 300 zones d’emploi de l’Insee (les territoires où habitent et travaillent les gens), un indicateur de vulnérabilité aux risques de délocalisation à partir d’une typologie des activités manufacturières.</p>
<p>La première étape est de classer les activités économiques selon leur potentiel de délocalisation. Quatre types de secteurs de l’industrie manufacturière sont ainsi déterminés, en fonction des facteurs favorables à la délocalisation (caractéristiques de leurs emplois, contenu en tâches routinières d’exécution, caractéristiques des produits). En suivant la démarche d’<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1371891?sommaire=1371896">Aubert et Sillard</a> menée sur données d’établissement, nous avons proposé un indice de délocalisation effective au niveau sectoriel. Celui-ci est mesuré en reliant l’évolution des importations avec celle des emplois des différents secteurs manufacturiers, selon leur classe d’appartenance, durant la période 2008-2010. Certains secteurs présentent un indice élevé de « présomption de délocalisation » et d’autres affichent une « présomption de non-délocalisation ».</p>
<p>Dans un second temps, nous avons construit un indicateur original de vulnérabilité des territoires (zones d’emplois – ZE) à la délocalisation. Celui-ci est basé sur l’indice de délocalisation sectoriel, pondéré par la part de chaque secteur dans l’emploi total des 321 zones d’emplois françaises.</p>
<p>Enfin, les spécialisations des territoires, selon la typologie des activités manufacturières plus ou moins délocalisables, sont cartographiées.</p>
<h2>Chocs de délocalisation : un caractère localisé, voire dispersé</h2>
<p>La classe 1, qui représente 24 % des emplois manufacturiers, regroupe les « secteurs domestiques peu délocalisables » dominés par des activités moyennement capitalistiques, faiblement intensives en emplois cognitifs et davantage tournées vers le marché domestique. Il s’agit par exemple de la fabrication industrielle de pain et de pâtisseries, de la mise en bouteille d’eau minérale, de la fabrication de matelas, des activités de minoterie, etc.</p>
<p>La classe 2 (14 % des emplois manufacturiers) englobe les « secteurs exportateurs peu délocalisables » dont les activités sont plus capitalistiques, plus intensives en fonctions cognitives et exportatrices. On trouve dans cette catégorie des activités telles que la construction de véhicules à moteur, la fabrication de fibre de verre, de pâte à papier, de produits phytosanitaires, de produits pharmaceutiques basiques…</p>
<p>La classe 3 (42 % des emplois manufacturiers) rassemble les « secteurs à délocalisations défensives » dont les activités sont intensives en travail et en fonctions routinières, et largement plus importatrices : bonneterie, manufacture d’emballages plastiques, de tapis…</p>
<p>Enfin, la classe 4 (19 % des emplois manufacturiers) agrège les « secteurs à délocalisations offensives », dont les activités sont intensives en travail et en fonctions cognitives et largement exportatrices : fabrication de composants électroniques, d’instruments scientifiques, industrie aéronautique, production de parfum, etc.</p>
<p>L’indice de vulnérabilité, cartographié, confirme le caractère localisé, voire dispersé, des chocs de la délocalisation : peu de ZE sont réellement concernées mais leur exposition aux chocs est d’une forte intensité. Parmi les ZE les plus vulnérables, apparaissent des territoires esseulés au milieu de ZE moins exposées et des zones périphériques autour de grandes métropoles. Autour de la région parisienne, les zones plus vulnérables se situent au-delà de la Grande Couronne, notamment au sud la région Île-de-France.</p>
<p>Les « secteurs exportateurs peu délocalisables » (classe 2) et les activités à « délocalisations offensives » (classe 4) sont davantage présents dans les grandes agglomérations et dans les ZE situées à proximité des villes moyennes. Les activités présentant des niveaux de productivité plus bas, faiblement exportatrices et requérant davantage de fonctions routinières de production dans la structure des emplois, qu’elles soient peu délocalisables (classe 1) ou à « délocalisations défensives » (classe 3) marquent surtout les territoires industriels du Nord de la France et les territoires ruraux de l’Ouest et du Nord-Est.</p>
<h2>Quelles leçons pour les politiques publiques ?</h2>
<p>Les politiques publiques qui interviennent après coup pour tenter de sauver les territoires une fois la délocalisation ou la restructuration effectuée devraient plutôt chercher à anticiper ces chocs par une meilleure connaissance des effets territoriaux des délocalisations.</p>
<p>Il est préférable de concentrer les aides publiques sur les territoires les plus vulnérables en favorisant la formation professionnelle, la recherche et l’innovation, sources de reconquête d’avantages comparatifs. L’objectif des politiques doit aussi être d’encourager la mobilité souhaitée des travailleurs, qui se trouvent trop souvent « verrouillés » dans les zones fortement vulnérables.</p>
<p>Enfin, il serait opportun de mettre en place un véritable observatoire d’anticipation des chocs territoriaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/92405/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>El Mouhoub Mouhoud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les délocalisations ont des conséquences plus ou moins graves sur l'emploi selon les territoires concernés. Un indicateur permet désormais d'identifier les plus vulnérables d'entre eux. Explications.El Mouhoub Mouhoud, Professeur d'Economie, Vice-Président de l'Université Paris-Dauphine, PSL Research University, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/984472018-06-24T21:51:36Z2018-06-24T21:51:36ZEuro fort et excédents commerciaux : le paradoxe italien<p>Un Européen peu familier de la chose économique y verrait forcément un paradoxe : les Italiens – du moins les électeurs du Mouvement 5 étoiles et de La Ligue – se plaignent de l’euro fort, qu’ils rendent responsables de la désindustrialisation du pays. Pourtant, leur économie parvient à dégager des excédents commerciaux de pratiquement 50 milliards d’euros. Leurs voisins français, espagnols, portugais et grecs, qui se situent du « mauvais côté » de la balance commerciale, ne peuvent pas en dire autant. Comment expliquer cette bizarrerie monétaire, commerciale et politique ?</p>
<h2>Une économie basée sur des districts industriels</h2>
<p>Ces excédents italiens sont le reflet de certaines caractéristiques structurelles du système industriel et économique transalpin. En effet, une partie importante de l’industrie (et de l’agro-industrie) italienne est encore fortement dans une logique de compétition internationale fondée non sur le prix, mais plutôt sur la qualité et l’innovation. Cette partie de l’économie italienne repose sur des espaces organisés selon le modèle du « district industriel », constitué par des entreprises de taille moyenne autonomes, indépendantes des grandes entreprises nationales ou internationales.</p>
<p>Cette élite peut très bien réussir à exporter, même avec une monnaie fondamentalement trop forte pour l’ensemble du pays. En particulier lorsqu’elle bénéficie de l’aide de tout un écosystème pour pousser ses pions commerciaux : puisqu’une partie du système productif italien (y compris les services à la production, soit industrielle soit agro-alimentaire) est soutenu par des organisations publiques et privées (formation, recherche, institutions intermédiaires) qui accompagnent les entreprises à l’internationalisation et les aident à développer des stratégies appropriées.</p>
<p>Cet ensemble fonctionne assurément de manière quelque peu hétérodoxe. Surtout si on a en tête un capitalisme pur, composé uniquement d’entreprises privées coordonnées par le marché : il existe encore en Italie des entreprises qui ne rivalisent pas sur les marchés internationaux par les prix ou le coût du travail et les « charges » sociales.</p>
<p>Cette situation n’est pas nouvelle. Elle date au moins des années 1980, et la phase de développement des districts industriels a coïncidé avec (ou du moins n’a pas été obérée par) la réévaluation réelle de la monnaie italienne.</p>
<h2>La recherche de la qualité</h2>
<p>Les « beaux produits, bien faits » ne peuvent être conçus et fabriqués que dans les districts industriels, là où prévaut un travail de qualité. C’est que reconnaît le groupe français LVMH qui, encore récemment, a engagé des <a href="http://fr.fashionnetwork.com/news/LVMH-fait-de-l-Italie-sa-fabrique-de-luxe,896212.html#.Wy9v0qczYUE">investissements productifs importants dans des usines à Valenza et en Toscane</a> de manière à pouvoir assurer une production de biens de haute qualité.</p>
<p>En outre, ces entreprises, qui rivalisent sur la très haute qualité des produits, leur forte différentiation, l’introduction de nouveaux biens et composants, ont d’autres atouts pour les régions qui les accueillent. Elles font converger innovation et qualité, promeuvent leurs travailleurs et sont jouent un rôle important en terme d’intérêt sociétal.</p>
<p>Elles travaillent certes au sein de marchés instables, changeants et de niche, où la compétition est imparfaite. Elles y trouvent toutefois un avantage : les prix ne sont pas décidés par les acheteurs (surtout dans la production de biens intermédiaires et de biens d’investissement), mais via un équilibre des forces en présence.</p>
<h2>Deux modèles économiques</h2>
<p>En dépit des politiques économiques européennes et nationales qui, ces dernières années, ont cherché à jouer sur la réduction des coûts, les Italiens défendent bien leur « Made in Italy ». Actuellement, il n’est pas exagéré de penser qu’il existe en Italie, comme sans doute dans d’autres pays européens, deux façons d’appréhender l’avenir économique.</p>
<p>La première repose sur des entreprises visant la qualité et l’innovation, le plus souvent ancrées territorialement. La seconde, bien plus effrayante que la première, repose sur un processus de standardisation organisée via une compétition myope ou de court terme, s’appuyant sur des produits de moyenne gamme et des travailleurs pauvres. Cette solution-là a malheureusement attiré l’attention de la plus grande partie des <em>policy makers</em> et de quelques entreprises effectivement fondées, elles, à pester contre l’euro fort.</p>
<p>La première façon d’appréhender l’avenir économique, qui peut être considérée comme la voie haute du développement, est évidemment nettement plus civique et convenable pour les citoyens européens…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/98447/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gioacchino Garofoli ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’organisation du tissu industriel italien permet à l’économie transalpine de déroger en partie à la course à la réduction des coûts typique du capitalisme actuel. Ou quand qualité rime avec succès.Gioacchino Garofoli, Professeur d’économie, Università degli Studi dell’InsubriaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/912722018-03-11T20:32:57Z2018-03-11T20:32:57ZIci plutôt qu’ailleurs : une décision stratégique pour l’entreprise et les territoires<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/209798/original/file-20180311-30969-19d6eip.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C12%2C8512%2C4421&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'installation des entreprises à un endroit plutôt qu'un autre engendre une concurrence entre les territoires.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/aerial-view-over-city-87894592?src=_XTj1GpdN2HQkPNZ6pWwYA-1-54">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>La localisation d’une entreprise (ou de l’un de ses établissements) est une décision stratégique dont les conséquences ne s’arrêtent pas à ses murs, puisqu’elle entraîne une concurrence réelle entre territoires. L’actualité récente souligne à quel point cette question peut être sensible. L’Italie a ainsi intenté un recours à l’encontre des Pays-Bas au sujet de la <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2018/01/31/97002-20180131FILWWW00153-agence-du-medicament-l-italie-a-saisi-la-justice-europeenne.php">relocalisation de l’Agence européenne du Médicament suite au Brexit</a>. Moins polémique, l’<a href="https://www.latribune.fr/economie/france/intelligence-artificielle-apres-Facebook-google-mise-sur-la-france-765724.html">implantation par Google de son deuxième centre européen de recherche sur l’intelligence artificielle à Paris</a> devrait s’accompagner de la création de plusieurs centaines d’emplois, et de l’ouverture de centres de formation, les « ateliers numériques », dans certaines régions.</p>
<p>Du point de vue des entreprises, quels sont les arguments pour s’installer ici plutôt qu’ailleurs ?</p>
<h2>Un facteur trop longtemps ignoré</h2>
<p>En économie, la question de la localisation a pendant longtemps été passée sous silence. Comme le note Bernard Pecqueur, <a href="https://www.cairn.info/revue-geographie-economie-societe-2009-1-page-55.htm#pa21">« la littérature économique depuis Adam Smith n’a eu de cesse d’écarter la question spatiale »</a>. Une exception notable toutefois : Alfred Marshall, qui s’est intéressé dès la fin du XIX<sup>e</sup> siècle à la <a href="http://data.bnf.fr/12511041/alfred_marshall_principles_of_economics/">localisation optimale des ressources</a>. Celui-ci a montré que la concentration industrielle peut constituer une condition nécessaire à la réalisation de la <a href="https://education.francetv.fr/matiere/economie/terminale/article/la-division-du-travail-est-creatrice-de-richesses-selon-smith">division du travail</a>, facteur principal de la loi de productivité croissante.</p>
<p>Alfred Marshall met en évidence <a href="https://books.google.fr/books?id=JbXdX2L1INoC&pg=PT29&lpg=PT29&dq=%22loi+de+productivit%C3%A9+croissante%22+%22l%27analyse+d%27Alfred+Marshall%22&source=bl&ots=gWhDECLLsV&sig=JNi_-z_kRjL4bRIfn0o8RqJTUBE&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjS3_DgneTZAhWFhSwKHd4lDUQQ6AEIJzAA#v=onepage&q=%22loi%20de%20productivit%C3%A9%20croissante%22%20%22l%E2%80%99analyse%20d%E2%80%99Alfred%20Marshall%22&f=false">trois avantages majeurs à cette concentration</a>. Tout d’abord, l’émergence d’une « atmosphère industrielle », liée au rassemblement de ressources humaines spécifiques. Ensuite, la mise en place d’une « filière productive », qui résulte de la création, en amont et en aval de l’industrie principale, d’industries auxiliaires techniquement interdépendantes. Enfin, l’effet des économies externes d’agglomération, qui sont des services gratuits qui découlent de l’action des entreprises proches sur leur environnement (formation de la main-d’œuvre, circulation de l’innovation, etc.). Grâce à ceux-ci, les économies d’échelle réalisées ne sont pas seulement internes à la firme mais aussi « collectives ».</p>
<h2>Où s’implanter, une décision stratégique</h2>
<p>Trop souvent ignorée, la décision de l’implantation géographique d’une entreprise tient une réelle place dans sa stratégie. En effet, le choix de localisation permet de réduire les coûts et (ou) de maximiser les revenus.</p>
<p>Si l’on considère, d’une façon simple et nécessairement réductrice, que l’entreprise propose un bien ou un service (« proposition de valeur »), elle s’adresse pour cela à des clients sur un ou plusieurs marchés et s’installe donc là où ils se trouvent. L’industrie automobile, qui lorgne sur les marchés indiens et chinois (les plus prometteurs en termes de croissance et de débouchés), en est une parfaite illustration.</p>
<p>Toutefois, pour produire ce bien ou ce service, l’entreprise doit effectuer un certain nombre d’activités. Il lui faut pour cela disposer de ressources diverses et variées, lesquelles conditionnent également sa décision de localisation.</p>
<h2>Main d’œuvre, matières premières et avantages fiscaux : des ressources décisives</h2>
<p>L’image d’Épinal veut que l’entreprise cherche systématiquement à maximiser ses profits et cherche pour cela à comprimer drastiquement ses coûts, au premier rang desquels les coûts de main-d’œuvre.</p>
<p>Les délocalisations constituent effectivement une réalité du monde de l’entreprise, qui cherche à produire le moins cher possible en localisant les activités à faible valeur ajoutée dans des pays à bas coûts de main-d’œuvre. Ainsi, dans le secteur textile, le drame du Rana Plaza en 2013 a révélé au monde entier le prix payé par le Bangladesh pour devenir le <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/asie/drame-de-dacca-au-bangladesh-les-forcats-du-textile_1248230.html">deuxième atelier de confection textile au monde</a>. Il est évidemment tentant, pour une entreprise du secteur, de se laisser séduire par un salaire mensuel d’environ 68 dollars…</p>
<p>Toutefois, à l’inverse, la main-d’œuvre qualifiée peut aussi attirer les entreprises. Si Hyperloop TT, l’une des sociétés ayant pour ambition de développer le train du futur qui nous propulsera à plus de 1 000 km/h, <a href="https://toulouse.latribune.fr/entreprises/soutien-et-financement/2017-10-20/a-toulouse-hyperloop-tt-commence-enfin-a-s-installer-sur-la-base-de-francazal-754954.html">s’est installée à Toulouse</a>, c’est pour mieux bénéficier des techniciens et ingénieurs hautement qualifiés ainsi que d’un écosystème favorable.</p>
<p>De façon très prosaïque, l’entreprise va s’installer à l’endroit où se trouvent les matières premières dont elle a besoin. Ainsi les industries minières s’installent à proximité des minerais à exploiter. De la même façon, l’hydroélectricité nécessitant des rivières au débit important, les <a href="https://www.edf.fr/groupe-edf/espaces-dedies/l-energie-de-a-a-z/tout-sur-l-energie/produire-de-l-electricite/l-hydraulique-en-chiffres">Alpes constituent pour EDF une région de premier plan</a>.</p>
<p>Enfin, l’actualité nous rappelle que les grandes entreprises internationales sont particulièrement sensibles aux sirènes fiscales. Elles cherchent en effet à optimiser, parfois à la limite de la légalité, leurs bénéfices. Les affaires récurrentes entre les <a href="http://www.lemonde.fr/europe/article/2017/10/04/la-commission-europeenne-sanctionne-amazon-au-luxembourg-et-apple-en-irlande_5196039_3214.html">GAFA et l’Union européenne</a> ou les agissements révélés par les <a href="http://www.lemonde.fr/paradise-papers/article/2017/11/10/paradise-papers-une-semaine-de-revelations-et-deja-des-consequences_5213254_5209585.html">Paradise Papers</a> en sont des exemples troublants.</p>
<h2>Vous avez dit « attractivité » ?</h2>
<p>Dans ce contexte, la question de l’attractivité et de la valorisation des territoires se pose. Si, en Europe, l’Irlande est actuellement attractive, avec son <a href="http://www.lemonde.fr/entreprises/article/2017/12/04/l-irlande-va-collecter-les-arrieres-d-impots-exiges-a-apple-par-bruxelles_5224408_1656994.html">taux d’imposition officiel sur les sociétés de 12,5 %</a> (contre 33,33 % pour la France), l’administration Trump entend bien surfer elle aussi la vague du moins disant fiscal, comme le montre la <a href="http://www.rfi.fr/ameriques/20180225-warren-buffet-gagnant-reforme-fiscale-trump-etats-unis">réforme fiscale américaine en cours</a>. Néanmoins, d’autres arguments méritent d’être pris en compte.</p>
<p>Lorsque 140 dirigeants de multinationales s’engagent à investir en France <a href="http://www.gouvernement.fr/argumentaire/sommet-choose-france-trois-milliards-d-investissements-etrangers-pour-les-5-ans-a-venir">3 milliards d’euros dans des projets variés</a>, ce n’est pas uniquement parce que le président Emmanuel Macron les a exhortés à « choisir la France » (« Choose France »). Comme le montre le <a href="http://www.ey.com/fr/fr/issues/business-environment/ey-barometre-de-l-attractivite-france-2017">baromètre de l’attractivité de la France</a>, édité chaque année par le cabinet EY, notre pays possède des atouts pour gagner la compétition internationale, même s’ils sont trop souvent méconnus. L’édition 2017 s’intitule d’ailleurs « Les cartes en main ». Au nombre des atouts français figurent notamment le dynamisme des grandes métropoles, et les start-up. <a href="http://www.lemonde.fr/economie/article/2018/01/26/a-davos-les-francais-savourent-la-fin-du-french-bashing_5247562_3234.html">Serait-ce la fin du « French bashing »</a>, voire même l’avènement d’un écosystème « à la française », dont la <a href="http://www.lafrenchtech.com/la-french-tech/quest-ce-que-la-french-tech">French Tech</a> constituerait la vitrine ? L’enjeu : attirer toujours plus d’activité, pour gagner la perpétuelle course aux annonces dont le vainqueur est celui qui pourra se prévaloir des plus belles implantations, mesurées selon la notoriété de l’entreprise et (ou) les montants investis.</p>
<iframe src="https://players.brightcove.net/1066292269001/BJmSlObm_default/index.html?videoId=5439244288001" allowfullscreen="" frameborder="0" width="100%" height="400"></iframe>
<p><em>Une France plus attractive, Jean‑Pierre Letartre, président d’EY, y croit</em>.</p>
<h2>Rivalités internes</h2>
<p>Au sein d’un même pays également, les territoires rivalisent d’imagination (et de subventions) pour attirer des investisseurs et faire bon figure dans les <a href="https://www.lexpress.fr/emploi/palmares-des-villes-les-plus-attractives-l-ouest-a-le-vent-en-poupe_1949416.html">divers classements des villes les plus attractives</a>. Revers de la médaille, certaines installations pas forcément désirées peuvent induire, à moyen ou long terme, des mutations profondes. Ainsi, depuis quelques années, la Chine investit massivement, en argent et en superficie, dans des <a href="http://www.lepoint.fr/monde/la-chine-a-la-conquete-des-terres-agricoles-23-02-2018-2197309_24.php">terres agricoles françaises</a>…</p>
<p>En définitive, si certains en doutaient, la concurrence entre territoires existe bel et bien. Et elle est aussi féroce qu’entre entreprises. Pour gagner cette compétition territoriale, tout l’enjeu consiste à réussir à valoriser les atouts disponibles, ce qui passe par une démarche collective. Il s’agit en effet d’associer les différents acteurs, publics comme privés, individuels et collectifs. En avoir conscience est une chose, y parvenir est une autre histoire…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/91272/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne Albert-Cromarias ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’actualité nous montre à quel point la question de la localisation d’une entreprise tient une place réelle dans la stratégie des entreprises, entraînant une véritable concurrence entre territoires.Anne Albert-Cromarias, Enseignant-chercheur HDR, management stratégique, ESC Clermont Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/907852018-02-05T19:43:39Z2018-02-05T19:43:39ZComment l’écoconception s’est imposée dans les entreprises<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/204898/original/file-20180205-14072-tf97d7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le principe de base de l’écoconception est la notion de cycle de vie, qui vise à prendre en compte des considérations relatives à la fin de vie du produit.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/cut-paper-logo-recycling-547233937">paulaphoto/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Dans les années 1970, des réglementations émergent pour contraindre les entreprises à prévenir la pollution industrielle. On peut citer le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Clean_Air_Act">Clean Air Act</a> (1970) aux États-Unis ou la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement en <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000684771&categorieLien=cid">France</a> (1976).</p>
<p>Depuis, la prise de conscience des impacts environnementaux générés par l’industrie, mais aussi de l’intérêt stratégique, pour les entreprises, de les réduire, progresse. Certaines compagnies ont mis en place, dès le milieu des années 1990, des démarches pour maîtriser ces impacts. La première norme <a href="https://www.iso.org/fr/standard/23142.html">ISO 14001</a>, sur les systèmes de management environnemental, est ainsi publiée en 1996.</p>
<p>À la même époque, des enjeux écologiques « planétaires » (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/changement-climatique-21171">changement climatique</a>, érosion de la couche d’ozone et de la biodiversité) suscitent une attention grandissante. On comprend, par exemple, que les émissions de gaz à effet de serre générées en un temps et un lieu donnés auront des effets dans plusieurs dizaines d’années… et ne respectent pas les frontières ! Préserver le cadre de vie local ne suffit plus : ces problèmes globaux nécessitent l’organisation de négociations internationales entre les États, à l’image de la Convention Cadre des Nations unies sur les changements climatiques, dans le cadre duquel la COP21 a été organisée fin 2015 à Paris.</p>
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<h2>Considérer les impacts amont et aval</h2>
<p>Simultanément, cette mondialisation des enjeux écologiques s’accompagne d’une autre mondialisation, celle des chaînes logistiques. Les activités productives, générant les impacts environnementaux les plus importants, sont souvent <a href="http://theconversation.com/fr/topics/delocalisation-34291">délocalisées</a> dans les pays du Sud.</p>
<p>La plupart des produits mis en vente aujourd’hui font intervenir des entreprises situées dans le monde entier. Si les émissions directes (de gaz à effet de serre, par exemple) générées sur le territoire de certains pays comme la France se stabilisent, leur <a href="http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/energie-climat/s/climat-effet-serre-empreinte-carbone.html">empreinte écologique ou carbone</a> – indicateur qui prend en compte les émissions associées aux consommations finales des habitants d’un pays – tend à augmenter.</p>
<p>Cela implique que l’entreprise qui souhaite réduire ses impacts sur l’environnement ne peut plus le faire en maîtrisant seulement les impacts environnementaux directs générés sur son site industriel. Elle doit considérer à la fois les effets amont (chaîne logistique) et aval (fin de vie) de ses produits.</p>
<p>La réglementation européenne encourage cette démarche dans le cadre de sa <a href="http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=LEGISSUM%3Al28011">politique intégrée des produits</a> (PIP) qui vise à « promouvoir le développement d’un marché propice à la commercialisation de produits plus écologiques et susciter un débat public sur ce thème ».</p>
<p>Ainsi, la directive européenne <a href="http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32009L0125">2009/125/CE</a> fixe des exigences en matière d’écoconception pour les produits, liées à l’énergie (en matière de consommation maximale d’énergie ou de quantités minimales de matériaux recyclés à mettre en œuvre dans la fabrication, par exemple).</p>
<p>Par ailleurs, la directive européenne <a href="http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32008L0098">2008/98/CE</a> relative aux déchets introduit le principe de la <a href="http://www.ademe.fr/expertises/dechets/elements-contexte/filieres-a-responsabilite-elargie-producteurs-rep">responsabilité élargie du producteur</a> (REP) qui vise à « faire obligation aux producteurs, importateurs et distributeurs de ces produits ou des éléments et matériaux entrant dans leur fabrication de pourvoir ou de contribuer à l’élimination des déchets qui en proviennent ».</p>
<p>Ce principe vise à soutenir la conception et la fabrication de produits selon des procédés qui facilitent leurs réparation, réemploi, démontage ou recyclage, dans l’optique d’une plus grande efficacité de l’utilisation des ressources naturelles. Il s’applique aux équipements électriques et électroniques dans le cadre de la directive <a href="http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv:OJ.L_.2012.197.01.0038.01.FRA">2012/19/UE</a>, qui rend les producteurs de ces appareils responsables du recyclage et de l’élimination des déchets qui en sont issus.</p>
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<h2>Envisager la fin de vie du produit</h2>
<p>L’<a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/leco-conception-des-produits">écoconception</a> constitue une réponse concrète que peut mettre en place l’entreprise afin d’éviter les transferts d’impacts entre les phases du cycle de vie ou entre les différents impacts environnementaux.</p>
<p>Elle est basée sur une démarche multicritère (prise en compte des différentes catégories d’impacts environnementaux) et multi-acteurs (prise en compte des différentes phases du cycle de vie du produit).</p>
<p>L’écoconception est définie par la norme <a href="https://www.eco-conception.fr/static/definition-de-leco-conception.html">NF X 30-264</a> comme l’« intégration systématique des aspects environnementaux dès la conception et le développement de produits (biens et services, systèmes) avec pour objectif la réduction des impacts environnementaux négatifs tout au long de leur cycle de vie à service rendu équivalent ou supérieur. Cette approche dès l’amont d’un processus de conception vise à trouver le meilleur équilibre entre les exigences environnementales, sociales, techniques et économiques dans la conception et le développement de produits ».</p>
<p>Son principe de base est la notion de cycle de vie, qui vise à prendre en compte, au-delà des phases de fabrication et d’usage envisagées en conception traditionnelle, des considérations relatives à la fin de vie du produit : facilitation des phases de désassemblage, broyage, tri, valorisation, etc.</p>
<p>Une démarche d’écoconception peut aller jusqu’à la mise en œuvre de nouveaux modèles économiques : par exemple, envisager un modèle d’économie de fonctionnalité afin d’étendre la durée de vie du produit.</p>
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<h2>Des pratiques différentes</h2>
<p>Ces dix dernières années, l’écoconception a fait sa mutation. Elle est passée de l’époque des précurseurs et de l’expertise environnementale à celle de l’éco-innovation et des changements de modèles économiques.</p>
<p>La performance est au centre des approches, comme on le voit avec l’évolution des normes. La <a href="https://www.iso.org/fr/standard/60857.html">version 2015</a> de l’ISO 14001 demande ainsi aux entreprises davantage de leadership, de performance et aussi d’intégrer la perspective du cycle de vie.</p>
<p>Aujourd’hui, cette demande se met en place différemment d’une entreprise à l’autre ; et les outils, méthodes ainsi que le management associé varient beaucoup selon le niveau de maturité de la firme et de son positionnement stratégique initial.</p>
<hr>
<p><em><a href="https://www.eco-conception.fr/member/10/">Samuel Mayer</a>, directeur du Pôle Éco-conception et management du cycle de vie, a contribué à la rédaction de cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/90785/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Natacha Gondran ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour réduire l’impact de son activité sur l’environnement, une entreprise doit prendre en compte non seulement les effets générés par sa production, mais aussi la fin de vie de ses produits.Natacha Gondran, Enseignante-chercheuse en évaluation environnementale, Mines Saint-Etienne – Institut Mines-TélécomLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/894722018-01-09T20:27:04Z2018-01-09T20:27:04ZLa relocalisation industrielle en France : un retour vers le futur ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/200593/original/file-20180102-26163-69j84w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=106%2C46%2C1136%2C613&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Oeuvre de Fernand Léger (_Le Transport des forces_) sur les murs du Palais de la Découverte à Paris
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/dalbera/14791183751/in/photolist-ox3FBv-5D8MmG-r96GRy-7VuTvx-6HykPf-deyWAj-bw6kW4-cc146m-6HugSc-FZf5XH-8mtEj5-877nkY-9QrrY9-anTz24-6JuPxV-qRKWHn-dStYcp-wcgD1F-P4GqDv-i6LEp6-jMmY8x-FNn6Lb-6zWEq8-a9ZeVZ-aa9egt-6HEzKG-FZf4fp-4Q6woh-cC9kfh-e5m8Yn-cF97jW-fGNSdc-5CRAQa-deyVAc-5pgdzS-bw6ksD-eQkey2-n4mXue-fGPjLM-5puxkP-fGNmTD-nTvs5v-gXKTzv-amPrQX-fH6ufN-n4mijt-deyFab-eQwLtb-9uLZE2-eR4mAC">Jean-Pierre Dalbéra/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Depuis quelques années, on constate un retour en France de plusieurs industries qui s’étaient délocalisées dans des pays où le coût de la main-d’œuvre est (beaucoup) plus faible. Même si cette tendance reste timide (d’ailleurs très peu de chiffres sont disponibles sur le sujet), plusieurs entreprises de renom ont fait le choix de relocaliser en totalité ou en partie leurs sites de production en France. C’est le cas par exemple du fabricant de skis <em>Rossignol</em> depuis 2010 ou plus récemment du fabricant de thés et infusions <em>Kusmi Tea</em>.</p>
<p>Pourquoi certaines industries décident de relocaliser leurs activités en France ? Quels sont les facteurs favorables et qui conduisent à cette tendance ? Voici quelques clés de compréhension.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/dKOwTYilyNY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La colère des ouvrières de Lejaby face à la délocalisation de leur usine en Tunisie (L’Obs/Youtube).</span></figcaption>
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<h2>L’industrie française face à la concurrence étrangère</h2>
<p>Alors qu’au milieu des années 1980, le poids du secteur industriel représentait encore 20 % du PIB français, celui-ci ne représente désormais plus que 12 % aujourd’hui. Ce <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2014/11/04/alerte-l-industrie-francaise-est-en-train-de-couler_4517794_3232.html">« décrochage industriel »</a> (pour reprendre le titre du livre d’Elie Cohen et de Pierre-André Buigues sorti en 2014) semblerait être un mouvement inéluctable, <a href="http://www.lemonde.fr/economie-francaise/article/2016/11/11/competitivite-le-decrochage-francais-est-il-irreversible_5029377_1656968.html">voire irréversible si l’État ne décidait pas de rendre le pays beaucoup plus compétitif</a>. En effet, après les deux chocs pétroliers des années 1973 et 1979, la baisse du PIB français a coïncidé avec sa désindustrialisation, touchée de plein fouet par la hausse des frais de production (due à l’augmentation sensible du prix du pétrole). Parallèlement, l’économie française s’est sensiblement tertiarisée par une part de plus en plus importante des services marchands, une création massive d’emplois publics ou encore l’émergence d’une économie numérique (en lien avec l’avènement d’Internet).</p>
<p>Par ailleurs, l’émergence de pays en voie de développement a précipité le déclin de l’industrie française par le fait de nombreuses délocalisations dans ces « pays-ateliers » (Asie du Sud-Est, Maghreb, Europe de l’Est…). Le principal coupable désigné reste avant tout leur faible coût de la main-d’œuvre bien sûr, mais aussi – ironiquement – la stabilisation politique et/ou la pacification de ces pays qui ont créé des signaux favorables à l’accueil d’industries étrangères et aux investisseurs. La mondialisation a donc redessiné la géographie mondiale du travail et des innovations à partir des années 1980. Par conséquent, pour la France, l’impression est qu’elle semble avoir regardé venir et n’a pas su investir au moment voulu avec d’importants moyens dans des secteurs-clés, laissant donc filer certains de ses centres de productions à l’étranger.</p>
<p>Ne tirons pas à boulets rouges sur les délocalisations car elles sont parfois le seul moyen pour l’entreprise de pouvoir garder l’activité, d’exister sur le marché et de, pourquoi pas, ensuite revenir sur le territoire national.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/200224/original/file-20171220-4985-9vnro7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/200224/original/file-20171220-4985-9vnro7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/200224/original/file-20171220-4985-9vnro7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/200224/original/file-20171220-4985-9vnro7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/200224/original/file-20171220-4985-9vnro7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/200224/original/file-20171220-4985-9vnro7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/200224/original/file-20171220-4985-9vnro7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/200224/original/file-20171220-4985-9vnro7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La richesse des nations et leur insertion dans la mondialisation : l’un des classements possibles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">JP Bouron/geotheque.org</span></span>
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<h2>Pourquoi certaines industries décident de se relocaliser en France ?</h2>
<p>Plusieurs facteurs expliquent ces mouvements de relocalisation industrielle et des <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-00517566/file/Grasland_Van_Hamme.pdf">études socio-économiques sur le sujet</a> montrent que ce n’est pas un simple schéma qui détermine la localisation de l’entreprise.</p>
<p>Nous avons parlé des coûts de la main-d’œuvre, mais ils sont désormais à relativiser et n’apparaissent pas comme le facteur numéro un d’une localisation. En effet, la main d’œuvre et son coût sont aujourd’hui englobés dans un format plus vaste qui inclue la formation, la qualification des salariés ou encore l’accessibilité de ceux-ci au bassin d’emplois. Et de ce point de vue, les atouts français en la matière sont intéressants et concourent à repositionner les stratégies d’entreprise qui peuvent bénéficier de l’arsenal de dispositifs pour une main d’œuvre, certes plus chères, mais plus qualifiée et pouvant répondre aux exigences sur les marchés. Par ailleurs, les <a href="https://www.lesechos.fr/03/11/2016/lesechos.fr/0211455369438_cette-nuit-en-asie---l-inexorable-ascension-de-la-classe-moyenne-chinoise.htm">revendications sociales et la récente montée d’une classe moyenne dans certains pays-ateliers comme la Chine</a> ont augmenté leurs coûts salariaux.</p>
<p>L’autre facteur explicatif concerne l’augmentation des coûts de transport due en partie à des prix du pétrole plus volatiles depuis la fin des années 2000. Produire loin de son marché privilégié de distribution et de vente n’est plus aussi rentable pour l’entreprise qui doit faire face à une diminution des gains et marges réalisés sur le coût de la main-d’œuvre. De plus, les crises financières et assurancielles qui ont touché l’ensemble de la planète depuis 2007 ont également entraîné des zones d’incertitudes sur certains marchés (comme en Asie) et sur les investissements à réaliser loin de ses bases.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/200227/original/file-20171220-4997-16e9hrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/200227/original/file-20171220-4997-16e9hrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/200227/original/file-20171220-4997-16e9hrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/200227/original/file-20171220-4997-16e9hrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/200227/original/file-20171220-4997-16e9hrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/200227/original/file-20171220-4997-16e9hrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/200227/original/file-20171220-4997-16e9hrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Arnaud Montebourg chez Renault Cléon en 2012.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Parti socialiste/Flickr</span></span>
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<h2>Et le « Made in France » dans tout ça ?</h2>
<p>Ce sujet des relocalisations a été remis sur le devant de la scène en France lors de la mise en place en 2012 du Ministère du Redressement productif piloté par Arnaud Montebourg sous l’égide du gouvernement Ayrault. On a assisté alors à une communication offensive sur les avantages et les bienfaits du « Made in France », notamment par le <a href="http://lelab.europe1.fr/arnaud-montebourg-s-habille-en-mariniere-pour-louer-le-made-in-france-5283">ministre en question qui n’a pas hésité à faire la une du journal Le Parisien en marinière pour exprimer son soutien en faveur de ce label qui fabrique et conçoit en France</a>. Cette forme de patriotisme économique induit donc qu’il existe des dispositifs et mécanismes pour favoriser la production sur le territoire national et/ou son retour.</p>
<p>Le cas de l’entreprise Paraboot est intéressant de ce point de vue. Principale marque d’un groupe de fabrication de chaussures et de textile, Paraboot décide en 2014 de relocaliser une partie de sa production en Isère alors réalisée au Portugal (le reste est en Espagne et Italie). Dès lors, cette entreprise aspire à profiter un maximum de ce que le « Made in France » peut lui offrir en terme d’image, mais aussi pour reconcentrer du savoir-faire <a href="http://www.paysvoironnais.com/documents/Documents/ECONOMIE/Centr_Alp2.pdf">sur le territoire isérois et dans les ateliers de 11 000 m² flambants neufs du Centr’Alp’2</a>, tout proche des sites historiques de l’entreprise familiale. Cette dernière remarque n’est pas anodine car les industries ayant une longue tradition familiale sur un territoire particulier peuvent être tentées de repositionner leur production ou leur activité près de leur origine géographique.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/200230/original/file-20171220-4948-1hcg4lx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/200230/original/file-20171220-4948-1hcg4lx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/200230/original/file-20171220-4948-1hcg4lx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=313&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/200230/original/file-20171220-4948-1hcg4lx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=313&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/200230/original/file-20171220-4948-1hcg4lx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=313&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/200230/original/file-20171220-4948-1hcg4lx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=393&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/200230/original/file-20171220-4948-1hcg4lx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=393&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/200230/original/file-20171220-4948-1hcg4lx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=393&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte de la répartition des pays d’origine des entreprises relocalisées en France.</span>
<span class="attribution"><span class="source">France Culture</span></span>
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<h2>La relocalisation ou la revanche des territoires ?</h2>
<p>La question territoriale et plus particulièrement les aménités au développement (cadre de vie, activités culturelles et sportives…) sont souvent sous-estimées dans les facteurs explicatifs des choix de (-re) localisation des entreprises. Dans le cas de <em>Rossignol</em>, nul doute que ce qui a conduit au retour de la marque à Sallanches en Haute-Savoie correspond à des préoccupations d’image, de main-d’œuvre qualifiée pour de tels produits, voire d’accès plus direct au marché limitant les coûts de transports (l’entreprise avait délocalisé sa production à Taïwan). Aux yeux des consommateurs, un ski fabriqué dans les vallées des Alpes est gage de savoir-faire et de qualité, renvoyant à la culture locale de fabrication disposant d’un fort ancrage historique. En effet, le passé industriel des entreprises est un facteur important, surtout lors d’un repositionnement de marché ou des produits fabriqués en fonction des compétences recherchées.</p>
<p>En plus des aspects productifs et organisationnels, l’environnement économique de l’entreprise joue aussi beaucoup désormais. La politique française de soutien aux filières industrielles s’est renforcée depuis le milieu des années 2000 autour de dispositifs et structures tels que les clusters, grappes, pôle de compétitivité, ou encore les clubs d’entreprise, dans le but d’améliorer les liens entre entreprises ou bien l’accès aux financements. Cet environnement d’affaires et les proximités créées entre les entreprises permettent à celles-ci d’envisager des collaborations et des partenariats qui peuvent les conforter, voire les rassurer, dans leur « aventure » productive.</p>
<p>À l’heure actuelle, le phénomène de relocalisation reste très marginal et ne concerne finalement que très peu d’entreprises (92 entreprises relocalisées en France depuis 2008). En revanche, malgré ces signaux faibles, ce mouvement de relocalisation exprime sans aucun doute les recompositions de ce qu’appelle El Mouhoub Mouhoud <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/mondialisation-cartes-rebattues/00060358">« l’hyper-mondialisation »</a>. En effet, les chocs et crises combinés à des ralentissements dans le secteur du commerce mondial ont forcé certaines entreprises à se redéployer, à revoir leurs stratégies et à reconsidérer leur marché et leur périmètre d’action. Dans ce vaste mouvement, si certaines décident de se relocaliser en France, alors encourageons-les à revenir car ce ne sont pas les atouts qui manquent pour les recevoir à bras ouverts… L’emploi français en a besoin !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/89472/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Pourquoi certaines industries décident de relocaliser leurs activités en France ? Quels sont les facteurs favorables et qui conduisent à cette tendance ?François Raulin, Ingénieur de recherche, Laboratoire Métis EM Normandie, EM NormandieFabien Nadou, Enseignant-chercheur en Développement Territorial et Economie régionale, EM Normandie,Laboratoire Métis, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/863752017-11-01T22:54:09Z2017-11-01T22:54:09ZAprès les paradis fiscaux, les « paradis » des essais cliniques ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/192705/original/file-20171031-18725-x4wntr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C464%2C4013%2C2275&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le phénomène de délocalisation des expérimentations de futurs médicaments dans les pays à plus bas coûts va croissant. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/defocused-blur-donation-blood-room-blurred-745249921?src=iwkY1NFED19VU2t0grnE_Q-1-41">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le cœur artificiel mis au point par <a href="https://www.carmatsa.com/fr/">Carmat</a> vient d’être implanté chez un patient au Kazakhstan. Selon le communiqué de l’entreprise française diffusé le 23 octobre, l’essai commencé en France s’est en effet poursuivi dans une <a href="https://www.lequotidiendumedecin.fr/actualites/breve/2017/10/24/carmat-annonce-une-premiere-implantation-de-son-coeur-artificiel-au-kazakhstan_851669">clinique de la capitale de l’ancienne république soviétique</a>, Astana.</p>
<p>Carmat a ensuite annoncé, le 30 octobre, avoir obtenu le feu vert pour implanter son dispositif à la place de l’organe déficient chez des patients dans une clinique de Prague, en République tchèque, et avoir fait des demandes similaires <a href="http://lexpansion.lexpress.fr/actualites/1/actualite-economique/coeur-artificiel-carmat-implante-son-etude-a-prague_1956210.html">« dans quatre autres pays »</a>, sans préciser lesquels.</p>
<p>Dans sa communication, Carmat n’a pas précisé les raisons pour lesquelles elle s’est tournée vers l’étranger, et vers le Kazakhstan en particulier. Interrogée <a href="http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/chimie-pharmacie/pourquoi-carmat-internationalise-ses-essais-cliniques-756154.html">par le quotidien économique La Tribune</a>, la société cotée en bourse reconnaît que les essais cliniques pourraient ainsi être « potentiellement » terminés plus vite en étant moins coûteux, tout en assurant que « ce n’est pas le but ». De son côté, le site médical <a href="https://www.pourquoidocteur.fr/Articles/Question-d-actu/23257-Kazakhstan-choix-surprenant-coeur-artificiel-Carmat">Pourquoi Docteur</a> indique : « Carmat n’a pas souhaité répondre à nos questions sur le choix spécifique du Kazakhstan ». Et la journaliste de partager ses réflexions : « Pourquoi ne pas faire ces essais en France ? Est-ce lié à une contrainte réglementaire trop forte ? »</p>
<p>Si les modalités d’expérimentation du cœur artificiel interrogent, c’est que, à l’échelle mondiale, une dynamique de délocalisation des essais cliniques vers des pays dits à moindre coût est actuellement à l’œuvre. Initié depuis plusieurs années maintenant, ce mouvement concerne particulièrement la Chine, l’Inde, la Russie et les pays de l’ex-Union soviétique. J’analyse ce phénomène et ses implications dans un chapitre de mon livre <a href="http://www.editionsliber.com/catalogue.php?p=812"><em>La nanosanté, la médecine à l’heure des nanotechnologies</em></a> qui vient d’être publié aux Éditions Liber.</p>
<h2>Un essai clinique commencé aux États-Unis, poursuivi en Russie et en Ukraine</h2>
<p>Désormais, un même essai clinique se déroule bien souvent dans plusieurs zones géographiques. Le cas du Crlx101, une nouvelle approche pour combattre le cancer mise au point par la compagnie américaine de nanopharmaceutique Cerulean, en témoigne. L’étude de phase 1 a été réalisée aux États-Unis, et l’étude de phase 2, en Russie et en Ukraine, comme indiqué <a href="https://clinicaltrials.gov/">sur le site du gouvernement américain consacré aux essais cliniques</a>. Il n’est plus rare de voir une phase d’essai réalisée dans plus de cinq pays à la fois, sur différents continents.</p>
<p>À date, c’est encore dans les pays occidentaux que l’on mène le plus d’essais cliniques. Selon un <a href="http://web.mit.edu/biology/sinskey/www/Thiers08.pdf">article publié dans la revue <em>Nature</em></a> portant sur l’année 2007, les pays qui en effectuaient alors le plus étaient les États-Unis, suivis – de loin – par l’Allemagne, la France et le Canada. Cependant, comme le montrait le même article, le nombre des sites <em>offshore</em> suivait une courbe exponentielle. La Chine et la Russie étaient les pays qui connaissaient le développement le plus fort, suivis de l’Argentine, de la République tchèque, de la Hongrie et du Mexique.</p>
<p>En raison de la souplesse de sa législation sur les cellules souches, la Chine est particulièrement engagée dans des essais en médecine régénératrice. C’est également le cas de plusieurs autres pays comme l’Inde, Taïwan ou la Pologne.</p>
<h2>Souvent le seul moyen d’avoir accès à des soins</h2>
<p>Outre l’importante population et la diversité ethnique de ces pays, qui permettent une généralisation plus grande des résultats cliniques, d’autres facteurs d’ordre sociologique expliquent ce mouvement de délocalisation. Dans ces pays, les essais cliniques sont souvent le seul moyen d’avoir accès à des soins de santé pour les couches sociales les plus pauvres. Les essais sont considérés comme faisant partie intégrante des soins de santé depuis que, dans les années 1990, les États ont massivement adopté des politiques réformatrices d’inspiration néolibérale et privatisé le système de santé, en réduisant considérablement l’accès.</p>
<p>C’est le cas de presque tous les pays de l’ex-Union soviétique, dont le mode de développement économique a suivi les modèles prescrits par l’OCDE et le FMI. La Pologne et l’Ukraine, par exemple, ont adopté des politiques avantageuses pour les entreprises biomédicales.</p>
<p>En Chine, la politique de type maoïste a été entièrement dissoute lors du démembrement du système de santé national à la suite des réformes de 1978. Les réformes qui visaient à ouvrir la Chine à l’économie de marché ont eu pour conséquence de réduire l’accès aux soins pour les populations les plus pauvres, issues surtout des campagnes. Les réformes ont aussi permis aux hôpitaux chinois de réaliser des profits en légalisant des actes non cliniques comme le test et le développement de nouveaux médicaments ou technologies biomédicaux. À cela s’ajoute la fin du régime de salaire standardisé pour les médecins hospitaliers, remplacé par une prime calculée selon la rentabilité du professionnel. Plus ses actes non cliniques sont lucratifs, plus son salaire sera élevé. Il s’en est ensuivi qu’un certain nombre de médecins chinois a délaissé une part des traitements traditionnels pour se consacrer à des projets privés, particulièrement des essais cliniques.</p>
<h2>Moins de risques d’interférences entre médicaments chez ces patients</h2>
<p>Un autre facteur expliquant l’attractivité de ces pays est la sous-médicalisation des patients qui y sont recrutés. N’ayant pas eu ou ayant peu d’accès à d’autres formes de traitements, ces sujets ne présentent pas de risques d’interférences entre médicaments lors des essais. Cela augmente les chances d’obtenir des résultats démontrant une efficacité positive du produit et de voir les autorités sanitaires américaines, canadiennes ou françaises en valider la mise sur le marché.</p>
<p>L’anthropologue américaine Adriana Petryna souligne, <a href="https://press.princeton.edu/titles/8916.html">dans son livre <em>When Experiments Travel</em></a> (en français <em>Quand les expérimentations voyagent</em>, non traduit), que les compagnies trouvent dans cette non-accessibilité initiale aux soins une justification « éthique » à leur activité dans ces pays. Or, un tel argument doit être fortement nuancé car si le traitement a un quelconque effet positif sur l’état du patient, celui-ci n’aura plus accès au produit qu’il a contribué à développer une fois les tests cliniques terminés. Même si le produit en question devient disponible dans son pays, le patient sera le plus souvent dans l’incapacité financière d’y accéder.</p>
<h2>Les 15 pays les plus attractifs pour un essai clinique</h2>
<p>Le cabinet de conseil en stratégie A.T. Kearney a créé à l’intention de ses clients du secteur de la santé un index de 15 pays permettant d’évaluer les plus attractifs pour la réalisation d’un essai clinique. Dans <a href="https://www.atkearney.com/health/article?/a/make-your-move-taking-clinical-trials-to-the-best-location">son analyse non datée</a>, consultée le 25 octobre, le cabinet affirme que les entreprises ont tout intérêt à délocaliser leurs activités cliniques dans les pays dits à faibles coûts – en Asie, Europe de l’Est et Amérique latine. D’une part, parce qu’elles peuvent économiser de 30 % à 65 % de l’investissement en phase de tests par rapport à des essais réalisés sur leur territoire et, d’autre part, parce qu’elles peuvent mener des tests de phase 3 en six ou sept mois de moins.</p>
<p>Parmi les facteurs d’attractivité pris en compte dans cet index, les conditions de régulation occupent une place centrale. Ici, il n’est pas simplement question de la protection de la propriété intellectuelle, mais également des mesures juridiques encadrant les essais. L’un des facteurs importants de l’attractivité d’un site <em>offshore</em> est sa permissivité à cet égard. Plusieurs chercheurs que j’ai interrogés pour mon livre ont confirmé ce point, sous couvert d’anonymat. Un bio-ingénieur canadien m’a ainsi affirmé que </p>
<p>« beaucoup de sociétés font déjà leurs essais en Chine car l’aspect normatif y est beaucoup plus souple. L’absence de réelle politique de déontologie de la recherche en Chine fait que c’est plus facile de faire de la recherche là-bas, et aussi à moindre coût ».</p>
<h2>« On y fait la recherche que d’autres ne veulent pas faire »</h2>
<p>Un certain nombre de pays apparaissent ainsi comme de véritables « paradis » de la recherche, pour reprendre l’expression d’un chercheur en génie biochimique : </p>
<blockquote>
<p>« Il y a beaucoup d’interdits qui n’existent pas dans certaines zones géographiques. On y fait la recherche que d’autres ne veulent pas faire. Comme avec les paradis fiscaux, il y a des “paradis” de la recherche où les gens peuvent faire à peu près ce qu’ils veulent. Il y a plusieurs pays comme ça. » </p>
</blockquote>
<p>Avec la Chine, l’Europe de l’Est est également une région où on peut contourner certaines normes. Une chercheuse canadienne évoque le cas d’un collègue qui réalise des tests en Pologne, où il est plus facile d’obtenir des cellules souches.</p>
<p>Les conditions de cette délocalisation comportent un risque important de faire des populations de ces pays des cobayes humains. L’anthropologue Adriana Petryna évoque dans son livre un cas ne respectant pas les règles éthiques. Il concernait des tests précliniques où l’injection de nanoparticules expérimentales aurait été réalisée sur plusieurs groupes recrutés dans le sud de l’Inde pour en tester la toxicité initiale, avant les essais de phase 1.</p>
<p>À ce sujet, les témoignages de deux chercheurs canadiens interrogés au cours de mon enquête s’avèrent particulièrement troublants. Un scientifique spécialisé dans la vectorisation nanoparticulaire a ainsi été contacté par des chercheurs de l’armée chinoise pour tester sa nouvelle méthode d’administration de vaccin utilisant un virus pour convoyer des nanoparticules. Il n’en était qu’à un stade très expérimental de ses recherches : </p>
<blockquote>
<p>« Ils étaient prêts à faire des essais cliniques immédiatement sur leurs soldats. Je ne sais pas si cela se serait vraiment fait, mais au téléphone on me disait qu’ils étaient prêts à tester les échantillons. Du point de vue éthique, c’est inacceptable. [Ici] c’est un laboratoire universitaire. J’ai des collègues qui travaillent sur d’autres pathogènes. Je ne peux pas garantir un niveau de qualité GMP [<em>good manufacturing practice</em>, une bonne pratique de fabrication concernant les médicaments à usage humain], c’est absolument impossible. On ne peut injecter à des humains des produits comme ceux-là. On fait des essais sur les souris dans notre laboratoire, mais pas sur l’humain. »</p>
</blockquote>
<h2>En Chine, « un fonctionnement beaucoup plus souple »</h2>
<p>Le directeur d’un important laboratoire québécois a connu une expérience similaire. Des chercheurs d’un hôpital chinois l’ont contacté à la suite de la publication d’un article pour lui proposer de tester sa technologie de délivrance de médicaments utilisant les nanotechnologies : </p>
<blockquote>
<p>« À l’époque, il y a plusieurs années, on n’était pas prêt à faire des tests <em>in vivo</em> sur les humains. On avait fait quelques expériences sur un porc. Je leur ai expliqué que la technologie n’était pas au point. Mais cela ne semblait pas poser problème. Ils étaient prêts à tester notre technologie sur des patients en phase terminale. Ça donne une idée du fonctionnement là-bas, c’est beaucoup plus souple. »</p>
</blockquote>
<p>Les différentes sources citées plus haut rendent compte d’une dynamique de délocalisation des essais cliniques très active à l’échelle mondiale. Ce phénomène pose, <em>a minima</em>, la question du respect des normes scientifiques, juridiques et éthiques des essais cliniques et des règles encadrant la recherche biomédicale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/86375/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mathieu Noury a reçu un financement du Fonds de recherche du Québec - Société et Culture. </span></em></p>Alors que le cœur artificiel de Carmat a été implanté chez un patient au Kazakhstan, la réalisation d’essais cliniques à l’étranger suscite des interrogations. Analyse de ces délocalisations.Mathieu Noury, Sociologue, conseiller à la recherche, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/844922017-10-18T21:26:09Z2017-10-18T21:26:09ZRéintroduire de la confiance dans l’économie : bienveillance et pacification des relations inter‑organisationnelles<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/190610/original/file-20171017-30417-un1hyq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Changer les relations entre les organisations.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/photo/177164/"> Visual Hunt</a></span></figcaption></figure><p>Dans ce quatrième et dernier article, nous développons l’idée selon laquelle une part essentielle des difficultés rencontrées au sein des entreprises, difficultés de nature à entretenir le pessimisme, prennent naissance dans les relations que les entreprises entretiennent entre elles.</p>
<h2>Le pessimisme lié aux relations inter‑entreprises et inter‑organisationnelles</h2>
<p>Les <a href="http://bit.ly/2yPvfb5">vagues successives d’externalisation</a> ont rendu les entreprises de plus en plus dépendantes de leurs fournisseurs et sous-traitants.</p>
<p>Ces derniers assurent désormais des tâches <a href="http://bit.ly/2yo6nGI">autrefois réalisées par leurs clients</a> et il n’est pas rare de constater qu’une même chaîne de valeur, il y a peu portée par une seule ou deux entreprises, se trouve désormais éclatée entre dix entreprises ou plus ; une majorité de ces dernières se trouvant à l’étranger.</p>
<p>Cet <a href="http://bit.ly/2zsE87v">éclatement des chaînes de valeur</a> est, au sein des entreprises, synonyme de tensions nouvelles. Les fournisseurs sont mis sous pression de temps, de marge et de trésorerie et les clients risquent gros à être livrés en retard ou à des conditions moins favorables que leurs concurrents. La tension s’est donc généralisée tout le long de la chaîne de valeur, à mesure que celle-ci s’éclatait.</p>
<p>Au-delà, les acheteurs sont de plus en plus vus comme les principaux responsables des <a href="http://www.theses.fr/2009PEST3010">délocalisations</a> et partant, de la <a href="http://www.cae-eco.fr/IMG/pdf/055.pdf">désindustrialisation</a> du pays. Le péril pour l’industrie française viendrait de ces multiples décisions individuelles réalisées par des acheteurs se comportant en <em>Homo œconomicus</em>.</p>
<p>Heureusement, comme l’écrivait le poète allemand Friedrich Hölderlin, « là où croit le péril… croît aussi ce qui sauve ». Et c’est bien des achats que semble émerger les solutions les plus porteuses d’espoir.</p>
<h2>La dégradation des relations inter‑organisationnelles…</h2>
<p>Confrontées à des difficultés en termes d’insuffisance de résultat, mais aussi de trésorerie, nombreuses sont les entreprises qui voient dans la pression mise sur leurs fournisseurs une porte de salut.</p>
<p>Au-delà de la négociation de contrats particulièrement défavorables à leurs fournisseurs en termes de prix, un certain nombre d’abus se sont développés dans les années récentes au détriment des fournisseurs.</p>
<p>Parmi <a href="http://bit.ly/2zgpxLd">ces abus de pouvoir</a>, citons : le non-respect des délais de paiement, la rupture brutale de contrat, le détournement de propriété intellectuelle, les conditions contractuelles imposées, les modifications unilatérales des contrats, le contrat à prix ferme sans prise en compte des fluctuations des matières premières, les activités non rémunérées, l’absence de visibilité sur les commandes, l’autofacturation par le client ou même le racket au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.</p>
<p>Les fournisseurs, à leur tour clients, reportent sur leurs propres fournisseurs et partant sur toute l’économie, des pratiques renforçant les antagonismes alors même que la survie de nos entreprises dépend en grande partie de la capacité à travailler ensemble.</p>
<p>En effet, après plusieurs <a href="http://bit.ly/2kSXzmF">vagues importantes d’externalisation</a>, très rares sont devenues les entreprises capables d’innover et de créer de la valeur seulement par elle-même. Des briques technologiques et savoir-faire importants se trouvent chez les fournisseurs sans lesquels il est devenu tout simplement impossible d’innover.</p>
<p>En oubliant ou en ignorant ce changement fondamental dans le fonctionnement des chaînes de valeur, nos entreprises deviennent moins performantes et créent elles-mêmes un contexte particulièrement difficile pour la reprise de leur activité.</p>
<p>Ceci est particulièrement vrai en France où il a été nécessaire de légiférer (avec la <a href="http://bit.ly/2zgpxLd">loi LME</a> qui avait entre autres pour objectif de réduire les tensions fortes particulièrement dans le contexte des relations clients-fournisseurs)) pour réduire les délais de paiement et contribuer à la pacification des relations client-fournisseur.</p>
<p>Depuis, la <a href="https://www.mieist.bercy.gouv.fr/">Médiation des Relations Inter-Entreprises</a> joue un rôle essentiel dans la prévention des abus de pouvoir des clients sur leurs fournisseurs. Si son action est à saluer, elle est symptomatique des relations « à couteaux tirés » qui caractérisent notre industrie et qui donnent des acheteurs une image de <em>cost killer</em> plutôt que de managers de ressources externes.</p>
<p>À l’inverse, l’un des facteurs des succès allemands, garant de la qualité des produits, comme de la capacité d’innovation, réside à n’en pas douter dans les relations collaboratives développées entre clients et fournisseurs de l’autre côté du Rhin.</p>
<h2>… à l’origine de tensions et de pessimisme au sein des entreprises</h2>
<p>Le <a href="http://bit.ly/2yPtSsG">crédit inter-entreprises</a> représente aujourd’hui 600 milliards d’euros en France. Ces chiffres témoignent de la responsabilité des acheteurs – mais aussi et surtout des directeurs financiers – dans la fragilité de la reprise économique actuelle. En maintenant des relations de concurrence avec leurs partenaires fournisseurs, les acheteurs ne permettent pas que la nécessaire confiance se développe.</p>
<p>Les effets dévastateurs de la défiance qui caractérise les relations entre partenaires économiques sont notamment mesurables au travers des <a href="http://bit.ly/2ysxEW5">frais d’hétéronomie</a> : c’est-à-dire des coûts de dépendance à autrui.</p>
<p>En effet, elle pousse les entreprises comme les salariés qui les composent, à toujours avoir comme référentiel les actions de leurs concurrents avérés ou potentiels – soit pour les imiter, soit pour s’en distinguer.</p>
<p>Cette hétéronomie conduit à la fois à constamment devoir surveiller autrui, s’en protéger ou encore s’en détacher. La surveillance se traduit par l’investissement dans l’intelligence économique, la veille concurrentielle et plus largement dans des coûts de maintenance d’un réseau de relations qui permet de rester informé.</p>
<p>Quant au besoin de protection, il s’illustre particulièrement dans les secteurs de pointe où la course aux brevets, le respect des droits d’auteurs et les frais juridiques liés, constituent une part croissante du budget des entreprises.</p>
<p>La démarcation par rapport aux concurrents demande en outre elle aussi de plus en plus d’efforts : personnalisation des produits et services poussée à l’extrême, politiques de qualité drastiques malgré la réduction permanente des coûts, plans marketing et campagne de communication qui, pour certains produits de grande consommation, représentent l’essentiel des coûts de mise sur le marché.</p>
<p>La concurrence a également d’autres effets inattendus. La mise en concurrence des individus ou des organisations par leur donneur d’ordres les conduit à devoir constamment rendre des comptes sur leurs performances au risque d’être évincés par leurs rivaux, qui, eux, auront su mettre en scène leur efficacité supposée. C’est l’entrée dans <a href="http://bit.ly/2xKrHBV">« la société de l’audit » que décrit bien Michael Power</a>.</p>
<p>Les relations contractuelles de marché y remplacent des liens autrefois fondés sur d’autres critères comme l’histoire commune, la proximité géographique, la famille… La mise en compétition par le marché a ainsi conduit à la fragmentation et à la dispersion progressive des <a href="http://bit.ly/2gLNkvK">chaînes de valeur</a> (<a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2010-2-p-89.htm">Palpacuer et Balas, 2010</a>). Et c’est alors le seul récit sur la performance qui constitue le principal lien entre les acteurs de ces réseaux économiques. La compétition généralisée a donc pour conséquence d’éloigner les donneurs d’ordres de leurs réseaux d’exécutants, fournisseurs, sous-traitants… Les relations historiques sont remplacées par des relations contractuelles où seule l’information sur la performance est systématiquement analysée.</p>
<p>La régulation par la transparence impose également un certain nombre de coûts aux acteurs économiques. C’est particulièrement le cas pour la communication vers les partenaires financiers. Elle s’organise et demande un véritable savoir-faire dans la mise en scène de l’information. La création et la diffusion de ces savoir-faire dans les entreprises correspondent d’ailleurs à la constitution des départements de communication externe.</p>
<p>Et le coût est d’autant plus élevé qu’aujourd’hui s’ajoute à la performance économique une pression à la diffusion d’informations sur les performances sociales et environnementales. Les relations contractuelles s’enrichissent ainsi de toute une palette de nouveaux indicateurs qui complexifient le contrôle à distance.</p>
<p>On aboutit alors au paradoxe selon lequel la mise en concurrence des prestataires et des fournisseurs qui devait aboutir à des gains de productivité conduit en fin de compte à une augmentation des coûts de transaction lorsque la richesse des informations à contrôler ne cesse de croître.</p>
<p>Et cette nécessité de donner à voir ou à lire ses performances vaut aussi bien pour l’organisation que pour les individus qui la composent. Cet impératif de communication des performances individuelles et collectives a pris une telle importance dans la société contemporaine que certains observateurs s’interrogent quant au coût de cette reddition d’information.</p>
<p>Le besoin de transparence exigée par la compétition généralisée pourrait ainsi avoir une face sombre, celle du coût même de sa production (<a href="http://bit.ly/2yQp7iD">Gomez, 2008</a>). Cette thèse prend ainsi le contrepied de la théorie de la diminution tendancielle des coûts de transaction proposée par Williamson, prix Nobel d’économie <a href="http://bit.ly/2ztR1Op">(Williamson, 1979)</a>.</p>
<p>Au-delà du coût de la reddition permanente de comptes sur la performance, nous voulons également souligner ici un de ses effets indirects. Dans un système où la compétition repose sur la mise en transparence des performances, la réputation publique et donc sa préservation prennent une place prépondérante. Par peur du scandale, de la différence qui peut conduire à la stigmatisation, les acteurs sociaux peuvent faire le choix de l’imitation plutôt que celui de la singularité. On arrive donc au paradoxe suivant : alors que, selon la théorie économique, la compétition est sensée engendrer l’innovation maximale, elle peut dans certains cas conduire au mimétisme généralisé <a href="http://bit.ly/2xLwOli">(DiMaggio et Powell, 1983)</a>.</p>
<p>Et dans un tel contexte favorisant le mimétisme, on peut s’attendre à l’apparition d’un cercle vicieux : la compétition conduit à l’imitation, qui renforce à son tour la compétition ; chacun luttant pour les mêmes positions. Cette intensification de la concurrence conduit in fine à l’augmentation du niveau général de violence contenue dans le système économique. Certains auteurs ne voient alors qu’une seule échappatoire pour sortir de l’engrenage : le sacrifice d’un bouc-émissaire. Inutile de préciser l’inefficacité d’un tel système.</p>
<h2>Cultiver des relations inter-organisationnelles bienveillantes</h2>
<p>S’il est possible de constater aujourd’hui un développement des collaborations, tant au sein des relations verticales (entre clients et fournisseurs) que dans les relations horizontales (entre entreprises concurrentes ou de même rang dans la chaîne globale de valeur), force est de reconnaître qu’en la matière de nombreuses entreprises partent de loin. Le potentiel de création de valeur par la collaboration n’en est que renforcé.</p>
<p>C’est bien ce potentiel qui justifie un <a href="http://www.jstor.org/stable/43150207?seq=1#page_scan_tab_contents">recours accru à la collaboration</a>. A l’heure où les achats représentent fréquemment jusqu’à 80 % du chiffre d’affaires suite aux vagues d’externalisation de ces dernières années, une part essentielle de la valeur proposée aux clients finaux est créée chez les fournisseurs. Ce sont ces derniers qui, bien souvent, détiennent les clés de l’innovation qui contribuera au succès des produits à moyen, voire à court terme.</p>
<p>Forts de ce constat, nombreux sont aujourd’hui les dirigeants et directeurs achats qui ont compris que les achats étaient devenus une fonction stratégique. Cette reconnaissance nouvelle ne découle pas uniquement du potentiel de réduction des coûts des achats mais également de leur capacité à créer de la valeur.</p>
<p>En achetant ou produisant grâce aux achats des produits plus innovants et de meilleure qualité technique mais aussi sociale et environnementale, il est possible d’augmenter la marge par le haut, c’est-à-dire en augmentant ce que les Américains appellent le <a href="http://bit.ly/2yvrbLW"><em>pricing power</em></a>, et donc le prix de vente.</p>
<p>Le recours à ce levier bien plus créateur de marge que le trop traditionnel levier de la baisse des coûts (qui vise plutôt l’augmentation de la marge par le bas) permet de passer de la logique des achats <em>low cost</em> à celle des achats <em>high value</em>. Au-delà de la pertinence économique, les conséquences sociales de ces stratégies et pratiques seraient sans doute de nature à redonner confiance et optimisme au sein des entreprises françaises.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/84492/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une source de difficulté ignorée dans les entreprises vient des relations inter-entreprises empreintes de rivalité. Souvent, davantage de bienveillance permettrait un fonctionnement plus optimal.Hugues Poissonnier, Professeur d'économie et de management, Directeur de la Recherche de l’IRIMA, Membre de la Chaire Mindfulness, Bien-Etre au travail et Paix Economique, Grenoble École de Management (GEM)Pierre-Yves Sanséau, Professeur de Gestion des Ressources Humaines, Membre de la Chaire Mindfulness, Bien-être au travail et Paix Economique à Grenoble Ecole de Management, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/742862017-03-12T20:25:41Z2017-03-12T20:25:41ZPrésidentielle 2017 : pourquoi il faut une stratégie logistique pour la France<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/160040/original/image-20170308-24226-10cj9pt.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=47%2C0%2C1076%2C499&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Logistique.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/techinasia/18726537498/in/photolist-5PMcxg-6pyt4-9f1fj4-2m98ec-b1wdd2-uwNpbb-6WasBA-9tNqA9-qpKuGy-hhsxs7-cqJZES-bAKsNH-bDChGw-nyYVej-eHuctg-eHAenf-5Uj8tC-du8N4B-eHudak-eHAfdA-8NSF9e-eHucFV-ixmA-eHAecC-97g2vy">Tech in Asia/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Quelle drôle d’idée d’interpeller le prochain Président de la République sur les aspects logistiques ! Soyons sérieux, il y a plus urgent pour le futur locataire du Palais de l’Élysée que de s’occuper de camions, entrepôts et palettes ! Réduire le chômage de masse, éviter la surchauffe planétaire, améliorer la compétitivité de nos entreprises dans cette nouvelle économie apparemment collaborative et digitale, réformer une Europe qui apparaît aujourd’hui en panne, ça oui, ce sont des sujets importants ! Il faut sans doute être un chercheur en logistique quelque peu illuminé pour penser que la petite paroisse pour laquelle il prêche doit faire l’objet d’une stratégie nationale…</p>
<p>Et pourtant, c’est justement à cette conclusion qu’a abouti la première conférence nationale de la logistique tenue à Paris le 8 juillet 2015. Prévue par l’article 41 de la <a href="http://bit.ly/2m2DyGe">loi n° 2013-431</a> du 28 mai 2013, ce rassemblement a conduit à la rédaction, sous l’égide du ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer (Ségolène Royal), du ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique (Emmanuel Macron) et enfin du Secrétaire d’État au Transport, à la Mer et à la Pêche (Alain Vidalies), d’un rapport intitulé <a href="http://bit.ly/21KxC1S">« France Logistique 2025 »</a>. Finalisé en mars 2016, celui-ci définit une stratégie nationale pour la logistique autour de cinq grands axes.</p>
<p>Avant dans une prochaine contribution d’analyser de manière critique les propositions incluses dans ce rapport, et de passer au crible logistique les programmes des candidats à la présidentielle (dont des représentants s’exprimeront le 14 mars lors du prochain <a href="http://www.sitl.eu/">Salon International du Transport et de la Logistique</a>), analysons les raisons qui font qu’aujourd’hui, développer une stratégie logistique nationale est crucial pour la France.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/160039/original/image-20170308-24182-zz5i2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/160039/original/image-20170308-24182-zz5i2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/160039/original/image-20170308-24182-zz5i2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/160039/original/image-20170308-24182-zz5i2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/160039/original/image-20170308-24182-zz5i2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/160039/original/image-20170308-24182-zz5i2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/160039/original/image-20170308-24182-zz5i2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/160039/original/image-20170308-24182-zz5i2c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Systèmes de convoyage dans un entrepôt.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/alvarogalve/5564882153/in/album-72157625740679412/">Alvaro Galve/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<h2>La logistique, un atout pour développer la compétitivité des organisations</h2>
<p>La première est que la logistique constitue un facteur clef de la compétitivité des organisations. Par organisations, je veux d’abord parler des entreprises, nombreuses ces dernières années à avoir construit un avantage concurrentiel durable grâce à la maîtrise de leurs flux logistiques.</p>
<p>Parmi les exemples emblématiques, citons Zara, dont la proposition de valeur faite à ses clients d’offrir un renouvellement continu des produits s’appuie sur une logistique ultra intégrée et réactive ; Ikea, qui domine par les coûts l’industrie du meuble en ayant réussi à transformer ses clients en opérateurs logistiques venant chercher les produits dans des magasins-entrepôts ; ou encore Amazon, dont on comprend aujourd’hui qu’elle en train de construire son empire non seulement autour de son site marchand, mais bien surtout autour de ses plateformes de stockage.</p>
<p>Si la maîtrise de la logistique est de plus en plus stratégique pour les entreprises, elle l’est plus largement pour toutes les organisations ! Les armées bien sûr, qui ont vu naître à l’époque napoléonienne la pensée logistique sous la plume du <a href="http://bit.ly/2mjbi30">Suisse Jomini</a>. Les hôpitaux également, qui font face à des enjeux logistiques majeurs pour piloter et gérer leurs flux d’approvisionnement (médicaments, organes) et de patients (optimisation des lits, des plannings d’opérations). Les administrations municipales, qui doivent de toute urgence repenser et encadrer la logistique à l’échelle de leur aire urbaine, sous peine de voir celles-ci s’engorger et pâtir d’une pollution sonore et environnementale. Et même des organisations humanitaires comme Médecins sans frontières ou Les Restaurants du Cœur, qui pour remplir efficacement leur mission doivent s’appuyer sur une logistique la plus performante et la moins coûteuse possible.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/160043/original/image-20170308-24179-1v85zhq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/160043/original/image-20170308-24179-1v85zhq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/160043/original/image-20170308-24179-1v85zhq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/160043/original/image-20170308-24179-1v85zhq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/160043/original/image-20170308-24179-1v85zhq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/160043/original/image-20170308-24179-1v85zhq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=457&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/160043/original/image-20170308-24179-1v85zhq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=457&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/160043/original/image-20170308-24179-1v85zhq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=457&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Camions sur une aire de l’A20 en Limousins.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/cjp24/9564396348/in/photolist-npudwh-n6x4Gy-rs6ykN-pTJ9eZ-nSxJQs-muavUs-pPSANc-tCdDNf-uT7yLi-bMF64-k2nWd-fxTxuS-85ZsiA-fn8jny-fzb2Rh-9H8sYj-71NPHF-fzb2Pj-9S28YN-pau2wV-bAxh2s-k2o7b-k2mPu-5GpWnm">JPC24M/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<h2>La logistique, une industrie méconnue et en plein essor</h2>
<p>La seconde raison est que la logistique recouvre plus largement une industrie : celle de la prestation de services logistiques, qui englobe toutes les entreprises qui réalisent des activités logistiques pour le compte d’autres organisations (industriels et distributeurs). Bien moins médiatisée que les industries automobile, aéronautique ou numérique (les fameuses GAFA), l’industrie de la prestation logistique est pourtant devenue peu à peu un véritable poids lourd de l’économie dans tous les pays ou presque.</p>
<p>Selon <a href="http://www.3plogistics.com/">Armstrong et Associates</a>, le marché mondial de la prestation logistique était en 2015 de plus de 720 milliards de dollars (24 milliards en France). Et les perspectives sont excessivement bonnes pour les spécialistes de la logistique, puisqu’ils ne prennent à ce jour en charge qu’une faible partie des dépenses logistiques des entreprises (environ 8 %). Ces dépenses logistiques, toujours selon Armstrong et Associates, s’élèvent à la somme faramineuse de 8 661,5 milliards de dollars, et représentent 11,7 % du PIB mondial…</p>
<p>De manière générale, les firmes qui composent cette industrie logistique proviennent historiquement d’horizons très différents. Certaines sont issues des Postes (DHL), d’autres du monde ferroviaire (DB Schenker), du transport routier (FM Logistic), de la commission de transport (Kuhne et Naegel), d’autres encore étaient des filiales d’industriels que ceux-ci ont fini par externaliser (GEFCO, issu de PSA).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/160046/original/image-20170308-24226-184eqlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/160046/original/image-20170308-24226-184eqlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/160046/original/image-20170308-24226-184eqlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=118&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/160046/original/image-20170308-24226-184eqlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=118&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/160046/original/image-20170308-24226-184eqlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=118&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/160046/original/image-20170308-24226-184eqlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=149&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/160046/original/image-20170308-24226-184eqlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=149&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/160046/original/image-20170308-24226-184eqlv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=149&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le porte-conteneur Jules Verne de la CMA-CGM.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/bigiof/8940274431/in/photolist-5oujJ4-5Shn7z-aLRP32-b7rJFD-fmyeEm-hczApg-9tNgAW-9tKkBK-eC2f7B-QceYQw-nhPWDC-85E5a-qS96G8-pVJiVG-doJ927-ogkZGn-4Qn8JW-oKWXFQ-52HYU-6zqYAg-A5o72d-9pDcwG-pVn1xH-RfoLG7-8vQaty-czMxiS-bYLbvy-hczEQm-DNTDBk-bycoyQ-hcAVq8-BytfWi-qAA7Gh-CqFA7c-czMxbA-qGEEya-qqdMa8-rfcZPn-qGEmB8-9PBmxm-hcAU76-9PydoM-9nGJd6-E2ojqN-9PycxD-FF9Hxy-pgiFB1-9PBkU9-8vM87T-8vM87g">Fred Bigio/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Pour l’ensemble de ces acteurs, l’objectif est de se positionner comme un spécialiste capable de concevoir et de réaliser tout type d’opérations logistiques (transport national, international, stockage, assemblage, co-packing…) pour le compte d’autrui. Cette ambitieuse finalité les a conduit à procéder à de multiples fusions et acquisitions au cours des dernières années. L’enjeu est d’élargir leurs compétences initiales afin de couvrir toute la gamme des activités logistiques, et surtout de se développer au niveau mondial. Leurs clients distributeurs et industriels se mondialisent, ils sont en effet à la recherche de prestataires capables de gérer mondialement leurs flux. Dans cette industrie en pleine consolidation, la question nationale est bien sûr celle de l’émergence d’un ou plusieurs champions capable d’inscrire dans une féroce compétition mondiale.</p>
<p>C’est pourtant sans émoi qu’en 2015, <a href="http://bit.ly/2mlXG8S">Norbert Dentressangle</a>, fleuron logistique français, qui comptait plus de 42 000 collaborateurs et réalisait plus de 4,7 milliards d’Euros de chiffre d’affaires, a été racheté par l’américain XPO. Norbert Dentressangle n’est pas Alsthom…</p>
<h2>La logistique, un gisement d’emplois variés et non délocalisables</h2>
<p>La troisième raison pour revendiquer une stratégique nationale pour la logistique découle des deux points précédents : derrière la logistique se cachent de très nombreux emplois ! On estime qu’il y a en France environ 1,8 million d’emplois liés à la logistique (un chiffre à comparer avec les 200 000 emplois directs en France qui seraient liés au secteur automobile !). Ceux-ci englobent d’une part divers métiers peu qualifiés (cariste, chauffeur-livreur, etc.) qui sont donc accessibles à toute la population.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/160047/original/image-20170308-24198-mvnugm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/160047/original/image-20170308-24198-mvnugm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/160047/original/image-20170308-24198-mvnugm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/160047/original/image-20170308-24198-mvnugm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/160047/original/image-20170308-24198-mvnugm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/160047/original/image-20170308-24198-mvnugm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/160047/original/image-20170308-24198-mvnugm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/160047/original/image-20170308-24198-mvnugm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Zone logistique avec embranchement (Port-Saint-Louis-du-Rhône, 13).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jeanlouis_zimmermann/4099827719/in/photolist-7fhFWP-k3fAv-rMvxq-hxvMS-hxvMZ-7EFj5u-7S7eJk-hsW1H-7iEU4V-qfutVx-fzb2Pj-npudwh-rMyus-8txX4z-9H8sYj-fzb2Rh-5sZV44-jg3rR-7fmAjL-hhH5K-baNYmB-pivsiG-qfrgA5-pY4adc-5MA1Y5-hhLkE-piJBVa-a8YKtn-9H8sVY-7fhGNB-fADQ1-hhLkF-hhLkG-hhH5L-6TyMzR-pXWEeU-hybQZ-8g57wR-pY5zRM-8pRRch-qfjvJD-pivnXh-7i5PtT-6xuXzP-pY4cHn-boBmC4-piJHpB-qfjzuV-6xzjq1-BTpCxo">Jean-Louis Zimmermann/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Tous ces emplois opérationnels permettent d’accueillir et d’intégrer de façon fluide et œcuménique dans notre « France » tous les travailleurs quelle que soit leur origine. Ils englobent d’autre part des fonctions d’encadrement (<em>responsable logistique, supply chain manager</em>), qui se situent désormais dans l’organigramme des entreprises au niveau des autres fonctions (marketing, finance, ressources humaines, etc.). Manager la logistique et la <em>supply chain</em> d’une entreprise est même désormais une voie pour devenir chef de l’entreprise, comme l’illustre le cas de Tim Cook devenu à la mort de Steve Jobs le PDG d’Apple !</p>
<p>Mais surtout, ce qui caractérise ces emplois logistiques, c’est que contrairement aux emplois industriels, ils ne sont pas réellement délocalisables. Le Smartphone produit en Chine, la voiture assemblée en Pologne ou le jean fabriqué au Maroc, lorsqu’ils sont achetés par un consommateur qui réside en France, doivent par définition transiter dans les mains de plusieurs salariés logistiques qui travaillent sur le territoire !</p>
<p>Ils sont employés dans les ports, les aéroports, les entrepôts, les entreprises de transport, au sein de chacun de ces maillons nécessaires à la distribution de tout produit physique jusqu’au client final (que la distribution se fasse en point de vente ou à domicile). Et quand bien même la robotisation en cours va à terme diminuer la main d’œuvre logistique nécessaire (entrepôts automatisés, véhicules autonomes), ce n’est pas demain que l’on pourra effectivement mettre en place une telle logistique sans employés !</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/160048/original/image-20170308-24222-1or4yr0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/160048/original/image-20170308-24222-1or4yr0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/160048/original/image-20170308-24222-1or4yr0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/160048/original/image-20170308-24222-1or4yr0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/160048/original/image-20170308-24222-1or4yr0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/160048/original/image-20170308-24222-1or4yr0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/160048/original/image-20170308-24222-1or4yr0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/160048/original/image-20170308-24222-1or4yr0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Fret (Avignon).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jeanlouis_zimmermann/3638245333/in/photolist-6xuXzP-pY4cHn-boBmC4-piJHpB-qfjzuV-6xzjq1-BTpCxo-pXVNaJ-hhLkD-pivpFY-pXVPm1-pivqeS-hhMEL-hxYBu-qfjsZF-3KRGgf-piJGhX-CZTVdC-9HMQdb-abTQAd-dzXCU9-CUUSnR-uJE64f-uJEiJd-BVH7pt-asz4s8-8UbjWc-pY4aRM-7EFjsE-asz1z2-pcJM3-5t5iKC-cP1T5m-jfATr-pivnBs-5MvySX-pAqhNP-fADQ7-EHumZx-nkzRE-5sZUYr-nkfng-piJF56-5t5iLq-nkfys-pcJYv-jg3rP-5t5iMf-5t5iN1-nkfRs">Jean-Louis Zimmermann/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<h2>La logistique, un levier clef vers un développement plus durable</h2>
<p>La quatrième raison pour laquelle une stratégie nationale est nécessaire, est que logistique est un levier qui ne peut être négligé si l’on veut mettre en place à l’avenir en France un développement plus durable. Elle est en effet génératrice de très importants effets néfastes pour l’environnement.</p>
<p>Pour le simple transport de marchandises (une partie seulement des activités logistiques !), on estime ainsi que les 230 milliards de tonnes-kilomètres transportés annuellement en France représentent une consommation de 50 millions de tonnes équivalent pétrole et surtout conduisent à une émission de 130 millions de tonnes de CO<sub>2</sub>.</p>
<p>Le transport de marchandises constitue ainsi une part massive de l’empreinte carbone française, qui était estimée pour l’année 2014 à environ 733 millions de tonnes de CO<sub>2</sub> émises. Dans un tel contexte, on comprend qu’il est urgent pour la France de prendre des mesures afin de diminuer cet impact, comme cela avait le cas avec feu la taxe carbone…</p>
<p>Mais si elle est un problème pour l’environnement, la logistique est aussi une solution ! Un développement plus durable passe en effet par la mise en place de nouvelles logistiques. Nous voulons notamment parler des logistiques « inversées », nécessaires afin de mettre en œuvre le recyclage des produits et diminuer la production de déchets. Par exemple, si l’on veut réduire le gaspillage alimentaire dans les grandes surfaces ou chez les individus, il ne suffit pas de décréter une loi obligeant les acteurs de la distribution à confier les produits invendus à des associations.</p>
<p>Encore faut-il imaginer une logistique qui permette à un coût soutenable la redistribution efficace des articles en voie d’être périmés. De la même manière, le développement de circuits de distribution plus courts, nécessite de repenser les schémas logistiques existants, pour imaginer des logistiques qui seraient plus directes des producteurs jusqu’aux consommateurs, ou qui permettraient de faciliter les échanges entre les consommateurs (logique de pair à pair). Au total, c’est bien par la réingénierie des flux (réorganisation des chaînes, massification des flux en provenance de divers fournisseurs, vers différents clients, mutualisation) bien plus que par la mise en œuvre de solutions purement technologiques (nouveaux carburants, motorisations hybrides…) que passera la réduction des trajets (et donc de l’empreinte carbone).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/160049/original/image-20170308-24198-8teoi2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/160049/original/image-20170308-24198-8teoi2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/160049/original/image-20170308-24198-8teoi2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/160049/original/image-20170308-24198-8teoi2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/160049/original/image-20170308-24198-8teoi2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/160049/original/image-20170308-24198-8teoi2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/160049/original/image-20170308-24198-8teoi2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/160049/original/image-20170308-24198-8teoi2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Projet logistique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jeanlouis_zimmermann/260642816/in/photolist-p2S2E-hhH5M-pcJmY-5sCxv1-pY5yCV-jGDFju-9H8sXy-fFrsAV-fFJ5qY-fS8V2j-5DfK6D-hxsU9-7EFiEb-5FYvnu-8g8jbd-hxHtn-dA8HaN-8mrbbZ-pY5Bmv-iCBRG6-5KaDnS-RZjyi-8txYac-59H2P8-hvxKUd-8tAYw3-8tAYN7-7fhvZZ-7fhFM4-7fmpdY-gp2V8N-hxHtk-7fhFWP-k3fAv-rMvxq-hxvMS-hxvMZ-7EFj5u-7S7eJk-hsW1H-7iEU4V-qfutVx-fzb2Pj-npudwh-rMyus-8txX4z-9H8sYj-fzb2Rh-5sZV44-jg3rR">Jean-Louis Zimmermann/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<h2>La logistique, des investissements qui façonnent le territoire</h2>
<p>Enfin, la logistique s’appuie sur des infrastructures qui requièrent des investissements massifs comme les ports, les aéroports, ainsi que toutes les voies de transport (routières, ferroviaires, fluviales). Les choix qui sont faits en la matière ont un impact structurant sur l’aménagement du territoire, et peuvent désenclaver telle région, ou inversement isoler telle autre.</p>
<p>Plus largement, ils contribuent à améliorer (ou non) la compétitivité globale d’un pays sur le plan logistique, et à faire de celui-ci un territoire perçu comme accueillant par les acteurs économiques. Cela est encore loin d’être le cas de la France, puisque selon l’<a href="https://wb-lpi-media.s3.amazonaws.com/LPI_Report_2016.pdf">indice de la Banque Mondiale</a>, la 5<sup>e</sup> économie mondiale n’atteignait en 2016 que le 16<sup>e</sup> rang sur le plan logistique.</p>
<p>Au-delà de ces grandes infrastructures, la logistique repose également sur des entrepôts qui ne doivent pas être négligés. On compte en France environ 60 millions de mètres carrés d’entrepôts répartis notamment sur l’axe Lille-Paris-Lyon-Marseille (le plus grand nombre se situant à proximité de Paris).</p>
<p>Alors qu’ils sont clefs pour optimiser la logistique, les entrepôts sont cependant très peu tolérés par les habitants des centres urbains. Du fait du coût du foncier dans les villes, cela conduit à ce qu’ils soient rejetés à la périphérie, dans des zones intermédiaires entre ville et campagne. Construits sans réelle réflexion architecturale ou urbanistique, profitant d’une réglementation assez peu contraignante, ils dénaturent à long terme le paysage. Leur position en périphérie amène en retour à ce que se multiplient les livraisons par camion vers les centres-ville, et avec eux la congestion, et la pollution sonore et environnementale…</p>
<h2>La logistique, une affaire d’État !</h2>
<p>On l’aura compris, derrière les camions, les palettes, les entrepôts, se joue avec la logistique une partie décisive. Cela justifie donc d’en faire une « affaire d’État », pour reprendre le titre d’un ouvrage publié en début d’année par deux de mes collègues, <a href="http://bit.ly/2mGuryP">Laurent Livolsi et Christelle Camman</a>.</p>
<p>Comment les pouvoirs publics en place et les candidats à la présidentielle appréhendent-ils la logistique ? Prévoient-ils d’utiliser ce levier pour accroître la compétitivité des organisations du pays ? Envisagent-ils de soutenir leurs champions nationaux dans la compétition mondiale ? Perçoivent-ils que le développement des emplois logistiques peut aider à réduire le chômage de masse qui ronge le pays ? Ont-il compris que la logistique était un levier clef pour mettre en œuvre une stratégie écologique et répondre aux objectifs de la COP21 ? Leurs choix d’investissements en infrastructures – et ceux de leurs collectivités territoriales – sont-ils orientés par un schéma logistique national ?</p>
<p>C’est ce que nous verrons dans un prochain article !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/74286/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurélien Rouquet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Analyse, en forme de plaidoyer, des raisons qui font qu’aujourd’hui, développer une stratégie logistique nationale est crucial pour la France.Aurélien Rouquet, Professeur de Logistique et Supply Chain, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.