tag:theconversation.com,2011:/uk/topics/diversite-23117/articlesdiversité – The Conversation2024-03-14T18:59:25Ztag:theconversation.com,2011:article/2237752024-03-14T18:59:25Z2024-03-14T18:59:25ZL’e-sport, facteur d’inclusion et d’ascension sociale ?<p>Le jeu vidéo est la plus jeune industrie culturelle, mais aussi la plus importante, avec un marché <a href="https://www.leparisien.fr/economie/le-jeu-video-un-marche-plus-important-que-ceux-du-cinema-et-la-musique-reunis-22-10-2023-O544EA2EZ5AVTCHNL5IJOKY4FM.php">supérieur à ceux de la musique et du cinéma réunis</a>. La professionnalisation de ce divertissement a donné lieu à une nouvelle activité économique : l’e-sport.</p>
<p>Les compétitions internationales de jeux vidéo attirent une audience considérable, que ce soit via le streaming online ou lors d’événements physiques. En France, <a href="https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2023-05-19/plus-de-10-millions-de-personnes-pratiquent-ou-regardent-l-e-sport-mais-est-ce-vraiment-un-sport-a12f0d93-5b15-45ff-892e-366b10faa39d">10,8 millions de personnes pratiquent ou regardent l’e-sport</a>, en faisant un <a href="https://theconversation.com/le-jeu-video-counter-strike-un-eldorado-pour-investisseur-193885">secteur prometteur pour les investisseurs</a> et les annonceurs. <a href="https://www.sports.gouv.fr/faire-de-la-france-une-grande-nation-de-l-esport-et-donner-une-nouvelle-impulsion-la-strategie-1639">La France souhaite renforcer sa présence</a> en soutenant l’écosystème national et en créant de nouvelles grandes compétitions.</p>
<p>Cependant, la <a href="https://theconversation.com/le-sport-discipline-populaire-mais-en-crise-214331">pratique de l’e-sport</a> garde une image élitiste et excluante. Le coût et la qualité du matériel nécessaire en font une discipline réservée aux classes sociales les plus élevées – un PC de gamer coûte plusieurs milliers d’euros, sans parler du clavier, du micro, de la caméra… Mais depuis 2020, l’e-sport sur mobile, bien plus accessible, <a href="https://www.weforum.org/agenda/2020/11/gaming-games-consels-xbox-play-station-fun/">a atteint plus de 51 % du marché mondial</a>, dépassant à lui seul tous les autres supports réunis : PC, console, arcade, cloud et réalité virtuelle. Bien qu’<a href="https://afjv.com/news/11292_etude-mediametrie-2023-francais-jeux-video.htm">elles représentent 53 % des pratiquants réguliers de jeux vidéo en France</a>, seulement 10 % des joueurs professionnels sont des femmes, dans un <a href="https://www.lefigaro.fr/sports/autres-sports/e-sport-malgre-le-sexisme-les-femmes-plus-que-jamais-pretes-a-s-imposer-20230704">environnement qui peut parfois s’avérer sexiste</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">CS :GO, LoL, Fortnite : pourquoi il y a si peu de femmes dans l’e-sport ?</span></figcaption>
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<p>Pourtant, dans certains pays en développement, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0148296323007415">l’e-sport est un moyen de favoriser la diversité</a>, de valoriser les communautés, et de permettre l’ascension sociale. Bien que les ressources et les infrastructures y soient moins importantes, <a href="https://www.esportsearnings.com/countries">neuf des vingt pays qui dominent l’e-sport en termes de revenus sont des pays émergents</a> : la Chine, la Russie, le Brésil, l’Ukraine, la Thaïlande, la Pologne, Taïwan, les Philippines, et la Malaisie. Près de la moitié des revenus mondiaux de l’e-sport proviennent de ces pays émergents. Cet article se focalise sur les pratiques au Brésil et en Inde.</p>
<h2>L’e-sport mobile dans les favelas du Brésil</h2>
<p>Au Brésil, l’accès à Internet est à la fois coûteux et très rudimentaire en périphérie des grandes villes et le matériel informatique coûte plus cher que dans les pays occidentaux avec un salaire minimum proche de 200 euros. Grâce au jeu mobile, le Brésil est le deuxième pays au monde juste après les États-Unis qui a le <a href="https://worldpopulationreview.com/country-rankings/twitch-users-by-country">plus de spectateurs uniques mensuels sur Twitch avec 16,9 millions</a>. Les adolescents des favelas et des quartiers populaires voient dans l’e-sport un moyen de sortir de la pauvreté. Ils forment des communautés de joueurs où ils s’entraident pour progresser et s’efforcent de créer un écosystème favorable dans lequel ils pourront générer des revenus.</p>
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<p>Le <a href="https://ff.garena.com/en/">jeu <em>Free Fire</em></a> qui rassemble 71 % des joueurs brésiliens est le <a href="https://sambadigital.com/free-fire-brazils-hottest-video-game/">plus populaire car son fonctionnement ne nécessite qu’un smartphone ordinaire</a> et une connexion Internet stable. Ce jeu de <em>battle royale</em> qui mêle survie et tir selon la mécanique du <em>last man standing</em> (dernier survivant) et qui <a href="https://theconversation.com/fortnite-un-phenomene-economique-social-sportif-et-culturel-124543">ressemble beaucoup à <em>Fortnite</em></a> s’appuie sur une base de <a href="https://afkgaming.com/mobileesports/guide/how-many-fans-does-free-fire-have-in-the-world">plus de 196 millions de joueurs actifs mensuels</a> et 13 millions quotidiens pour concurrencer des jeux puissants sur mobile comme <em>Call of Duty</em> et <em>PUBG</em> (anciennement <em>PlayerUnknown’s Battlegrounds</em>).</p>
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<figcaption><span class="caption">Trailer des championnats du monde de <em>Free Fire</em> 2023.</span></figcaption>
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<p><a href="https://liquipedia.net/freefire/Liga_Brasileira_de_Free_Fire">La ligue professionnelle brésilienne de <em>Free Fire</em></a> est très active et produit de nombreux champions, dont le <a href="https://liquipedia.net/freefire/Nobru">streamer Nobru</a>, vainqueur du championnat du monde en 2019, qui compte <a href="https://www.instagram.com/nobru/">15 millions de followers sur Instagram</a> et <a href="https://www.youtube.com/@NobruTV">autant sur YouTube</a>. Cerol, autre célèbre joueur de <em>Free Fire</em>, a été élu meilleur streamer du pays en 2019. Mais les nouveaux rois de <em>Free Fire</em> sont les membres de <a href="https://loud.gg/">l’équipe brésilienne Loud</a>, qui en plus d’être leader sur Twitch, est le premier collectif e-sport au monde à atteindre le milliard de vues sur YouTube. Cette entreprise qui a connu une croissance fulgurante a été créée par le champion <a href="https://www.linkedin.com/in/brunobcoliveira/">Bruno « PlayHard » Bittencourt</a>, <a href="https://www.linkedin.com/in/jean-ortega-296303118/">Jean Ortega</a>, et <a href="https://www.linkedin.com/in/matthew-h-130990185/">Matthew Ho</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1735314056746013103"}"></div></p>
<p>PlayHard a recruté les meilleurs jeunes joueurs de <em>Free Fire</em> et convaincu les parents et les marques du potentiel de l’e-sport pour développer Loud. PlayHard souhaite favoriser une meilleure visibilité de la population noire sous-représentée parmi les streamers et créateurs de contenus. Il a particulièrement <a href="https://ge.globo.com/esports/valorant/noticia/2023/01/04/c-valorant-loud-entrara-no-cenario-feminino-com-quarteto-ex-b4.ghtml">encouragé les jeunes femmes à devenir pro-gameuses</a>, ayant perçu le fort potentiel commercial de l’e-sport féminin. En 2023, Loud a annoncé la <a href="https://www.meioemensagem.com.br/marketing/organizacoes-esports-inclusao">formation d’une équipe inclusive</a> composée de femmes cisgenres et transgenres, et de personnes non binaires. Loud est aussi à l’initiative de nombreuses actions humanitaires dans les favelas pour fournir du matériel informatique aux enfants et aux jeunes et leur proposer des formations aux nouvelles technologies numériques.</p>
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<figcaption><span class="caption">Au Brésil, l’e-sport détrône le football dans les favelas.</span></figcaption>
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<p>Avec la même vision, <a href="https://www.dazeddigital.com/life-culture/article/60998/1/afrogames-the-worlds-first-favela-e-sports-organisation-brazil">AfroGames est le premier centre d’entraînement pour athlètes e-sport au monde à être basé dans une favela</a>. Dans la zone nord de Rio de Janeiro, des centaines de jeunes vont se former pour devenir streamers et pro-gamers. Exclus de la société et immergés dans un environnement où la criminalité est la norme, ils voient dans l’e-sport un <a href="https://www.dazeddigital.com/life-culture/article/60998/1/afrogames-the-worlds-first-favela-e-sports-organisation-brazil">moyen de gagner leur vie honnêtement et de retrouver espoir dans l’avenir</a>. <a href="https://forbes.com.br/forbes-tech/2023/05/com-foco-em-integrar-jovens-da-periferia-aos-games-afrogames-expande-alem-do-rio/">AfroGames est soutenue par plusieurs marques</a> comme la compagnie aérienne GOL, la boutique de jeux en ligne Nuuvem et le fabriquant de mémoire informatique Kingston. Plusieurs autres associations et académies d’e-sport se sont développées pour détecter et accompagner les meilleurs talents de l’e-sport brésiliens comme <a href="https://loja.fluxo.gg/">Fluxo</a>, <a href="https://neverest.gg/">Neverest</a>, et <a href="https://intz.com.br/">INTZ</a>.</p>
<h2>Le défi de l’inclusion par le jeu vidéo en Inde</h2>
<p>L’Inde est aujourd’hui le <a href="https://economictimes.indiatimes.com/news/economy/indicators/india-becomes-the-most-populated-a-dividend-or-a-damper/articleshow/99619028.cms">pays le plus peuplé du monde</a>, ayant dépassé la Chine en 2022, avec 1,4 milliard d’habitants, dont plus de 370 millions de jeunes entre 10 et 25 ans. L’Inde souffre d’un niveau élevé de pauvreté et d’analphabétisme. <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/08/31/c-est-une-perte-de-temps-desillusionnes-et-frustres-nombre-d-indiens-quittent-le-marche-du-travail_6139659_3234.html">Le taux de chômage des jeunes dépasse 40 %</a>. Même les titulaires d’un master ont du mal à trouver un emploi et, lorsqu’ils y parviennent, le salaire est très bas, ce qui les empêche de subvenir à leurs besoins. Les taux d’équipement en ordinateurs et consoles sont très faible, mais il y a <a href="https://tech.hindustantimes.com/tech/news/india-to-have-over-800-million-smartphone-users-by-2022-cisco-study-story-nnYnDOiY6nulyiKRaZRsDP.html">800 millions d’utilisateurs de smartphones</a>, ce qui explique que l’e-sport soit essentiellement mobile.</p>
<p>Comme au Brésil, les <a href="https://esportsinsider.com/2023/06/esports-around-the-world-india">jeux de battle royale tels que <em>Free Fire</em>, <em>Fortnite</em> et <em>PUBG Mobile</em>, sont les plus populaires</a>, ainsi que <em>Call of Duty</em>, <em>Valorant</em>, <em>DOTA 2</em> et <em>League of Legends</em>. La pandémie de Covid-19 a stimulé l’usage des smartphones et le recours aux jeux vidéo comme passe-temps. De nombreux jeunes ayant perdu leur job étudiant ont transformé cette épreuve en opportunité en devenant entrepreneurs ou champions d’e-sport. Ainsi, en Inde les <a href="https://www.statista.com/statistics/1263250/india-esports-revenue-by-category/">revenus de l’e-sport ont plus que doublé entre 2021 et 2023</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Free Fire India, la version spécialement conçue pour l’Inde.</span></figcaption>
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<p>L’un des avantages de l’Inde dans le domaine de l’e-sport est que le coût de l’accès à Internet est l’un des plus bas au monde. YouTube y est très puissant avec environ 450 millions d’utilisateurs actifs. En plus des <a href="https://fr.babbel.com/fr/magazine/guide-des-langues-parlees-en-inde">22 langues officielles, plus de 200 langues autochtones</a> et des milliers de dialectes y sont parlés. Les marques souhaitent accéder à des ambassadeurs capables de promouvoir leurs produits dans les principales langues et à travers différentes communautés. Cela rend les streamers et les champions d’e-sports particulièrement intéressants d’un point de vue marketing, car ils peuvent <a href="https://www.game-insiders.com/blog/diversite-et-inclusion-dans-le-marketing-de-jeux-video-quelles-strategies-pour-un-marche-plus-inclusif">générer un taux d’engagement très élevé de manière inclusive</a> en termes de genre, de caste, de religion, et d’origine sociale.</p>
<p>C’est ce que propose <a href="https://www.youtube.com/watch?v=7R4rzPBvlYU">Tushaar Garg, le fondateur et PDG de StreamO</a> et Irony Esports. Expert en marketing sportif, il a travaillé pour plusieurs institutions, dont l’<em>Indian Premier League Cricket</em>, la plus grande ligue sportive d’Inde. En août 2020, il crée StreamO, une entreprise visant à développer de <a href="https://timesofindia.indiatimes.com/blogs/voices/gender-inclusivity-in-the-gaming-sector-for-a-healthy-workplace-culture/">nouveaux espaces de rencontre inclusifs</a> centrés sur le jeu vidéo, à faciliter la formation de communautés de super fans de champions d’e-sport, à aider à monétiser le contenu des créateurs dédiés au jeu vidéo et à connecter les marques avec des publics jeunes ayant un haut niveau d’engagement.</p>
<p><a href="https://www.streamo.media/brands">Ces marques incluent</a> Amazon Prime, Netflix, Hyudai, Intel, Sony, Spotify et Puma. Plus de 5200 youtubeurs travaillent avec StreamO, ce qui représente plus de 100 millions d’abonnés. Grâce à StreamO, les streamers peuvent multiplier leur monétisation entre 10 et 20, selon la taille de leur communauté, ce qui leur permet de devenir eux-mêmes entrepreneurs, de développer leur structure, et d’avoir un impact positif sur la société et l’économie.</p>
<h2>Des modèles à suivre</h2>
<p>Bien que l’e-sport ne soit pas un exemple d’inclusivité en France et plus généralement dans les pays occidentaux, il est remarquable de constater que dans des pays comme le Brésil et l’Inde, des entrepreneurs audacieux utilisent le jeu vidéo comme un levier pour favoriser le développement social et la diversité. Malgré un manque de moyens et une maturité moins élevée, les efforts qui sont menés pour mettre en œuvre ces bonnes pratiques favorisent une société plus juste et plus inclusive dans ce secteur en plein essor.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223775/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Oihab Allal-Chérif ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La pratique de l’e-sport peut paraître élitiste et excluante. Pourtant, les initiatives inclusives en faveur de la diversité se multiplient, surtout dans les pays émergents.Oihab Allal-Chérif, Business Professor, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2238922024-03-11T10:59:46Z2024-03-11T10:59:46ZDoit-on être gentil au travail ?<p>Au fil des dernières années, l’importance de la gentillesse au sein du milieu professionnel s’est accrue, devenant un élément central de la gestion des organisations. Cet « <a href="https://www.oxfordlearnersdictionaries.com/definition/american_english/kindness">acte de bonté</a> », comme défini par l’Oxford Learner’s Dictionaries, met en outre en relief le choix actif et délibéré de manifester compassion et empathie envers les autres.</p>
<p>Cela sous-entend que la gentillesse n’est pas simplement une caractéristique passive, mais une manière proactive d’interagir avec les autres. L’<em>American Psychology Association (APA)</em> décrit la gentillesse comme :</p>
<blockquote>
<p>« une <a href="https://dictionary.apa.org/kindness">action bienveillante et utile</a> dirigée intentionnellement vers une autre personne. On considère souvent que la gentillesse est motivée par le désir d’aider autrui et non par le désir d’obtenir une récompense explicite ou d’éviter une punition explicite. »</p>
</blockquote>
<p>L’accent est mis ici sur les motivations sous-jacentes des actes de gentillesse, en soulignant qu’ils sont ancrés dans une véritable intention altruiste plutôt que dans la recherche d’un gain personnel ou d’évitement de conséquences négatives.</p>
<p>Les recherches existantes sur la gentillesse au travail mettent en avant ses <a href="https://psycnet.apa.org/record/2018-12418-001">effets positifs</a>, notamment l’amélioration de la satisfaction au travail, la réduction du stress et le renforcement du bien-être mental et de la productivité. Les actes de gentillesse génèrent un effet d’entraînement, favorisant un environnement propice à la coopération. Ils renforcent aussi la confiance mutuelle.</p>
<p>Malgré ces résultats encourageants, il faut noter que certains aspects de la gentillesse au travail demeurent peu explorés, notamment en ce qui a trait au lien avec le leadership ou encore à ses limites pour le bon fonctionnement des organisations.</p>
<h2>« Chercher la connexion avec l’autre »</h2>
<p>Pour approfondir notre compréhension de ce phénomène, nous avons réalisé des recherches afin d’élaborer et de valider une <a href="https://www.cairn.info/revue-de-gestion-des-ressources-humaines-2023-4-page-51.html">échelle mesurant la gentillesse au travail</a>, allant au-delà de la simple quantification d’actions aléatoires, c’est-à-dire de gestes que nous faisons tous quotidiennement et à notre gré.</p>
<p>Nous avons initialement sollicité les retours d’un large éventail diversifié de professionnels afin de créer cet instrument multidimensionnel de mesure (un questionnaire). Certains commentaires ont apporté un éclairage concret sur cette réalité organisationnelle. Pour l’un des gestionnaires rencontrés, la gentillesse, c’est :</p>
<blockquote>
<p>« chercher à comprendre l’autre et à lui faire une place chez nous le [lieu de travail], ça nous rapproche et nous permet d’aller finalement ensuite plus loin sur notre propre liberté de parole envers l’équipe. »</p>
</blockquote>
<p>Un autre souligne :</p>
<blockquote>
<p>« Il est très important pour nous d’avoir un manager capable d’écouter et d’aider en cas de besoin. Notre performance passe par la disponibilité du manager à son équipe… surtout à distance. »</p>
</blockquote>
<p>Enfin, un troisième gestionnaire s’exprime ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Pour ma part, dans notre petite entreprise, je mets un point d’honneur à aider personnellement mes collaborateurs dans leur vie privée quand je le peux. Généralement, cela crée une espèce de reconnaissance et je pense que cela explique pourquoi je ne galère pas à recruter et que les gens restent assez longtemps chez nous. »</p>
</blockquote>
<p>Les autres participants ont mentionné les aspects positifs de la gentillesse tels qu’une ambiance de travail mettant en valeur le respect, l’effort et la réussite. Une culture organisationnelle favorable et des initiatives visant à renforcer la diversité et l’inclusion ont également été fortement appréciées.</p>
<hr>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Certains répondants ont émis des inquiétudes quant à une approche potentiellement superficielle de la diversité, suggérant un manque de reconnaissance envers les idées et opinions divergentes. D’autres ont critiqué ce qu’ils considéraient comme des stratégies d’évitement adoptées par certaines entreprises confrontées à des conflits ou des défis.</p>
<h2>Et vous, comment ça se passe au travail ?</h2>
<p>À la suite de ces témoignages et de nos recherches, notamment dans les écrits scientifiques, nous avons identifié plusieurs composantes de la gentillesse au travail. Nous nous sommes concentrés sur trois d’entre elles dans un récent <a href="https://www.cairn.info/revue-de-gestion-des-ressources-humaines-2023-4-page-51.htm">article</a> : (1) l’empathie ; (2) l’inclusion ; et (3) la reconnaissance des efforts.</p>
<p>Une fois notre échelle de mesure temporaire établie (le questionnaire), nous l’avons testé sur un groupe de 160 individus puis sur un groupe de 241 participants. L’analyse des résultats montre que l’intention de quitter son emploi diminue de manière significative dans un environnement où la gentillesse est de mise. Nous avons également constaté un consensus sur le fait que la gentillesse a un impact positif sur la stabilité des organisations.</p>
<p>Le lien suivant vous dirige vers notre <a href="https://sphinx.icn-artem.com/SurveyServer/s/pedagogie/Kindness_5/questionnaire.htm">questionnaire</a> mis à jour. Après l’avoir rempli, vous obtiendrez un compte-rendu de la gentillesse dans votre milieu de travail de votre point de vue, y compris selon les trois dimensions susmentionnées.</p>
<p><strong>Votre cadre de travail se caractérise-t-il par la gentillesse ?</strong></p>
<p><em><strong>Faîtes le test en cliquant <a href="https://sphinx.icn-artem.com/SurveyServer/s/pedagogie/Kindness_5/questionnaire.htm">ici</a>.</strong></em></p>
<p>Il faut préciser ici que la gentillesse peut être une arme à double tranchant. En dose excessive, elle pourrait générer des comportements de travail aliénants (« <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0149206313503019"><em>counterproductive work behaviors</em> ou CWB</a> » dans la littérature scientifique) de la part d’employés qui en profiteraient pour <a href="https://www.jstor.org/stable/256693">soutirer indûment des avantages</a>.</p>
<p>Ces derniers incluent prendre des pauses excessives, arriver en retard au travail, se déclarer malade sans raison, faire preuve d’un laisser-aller vestimentaire, faire moins attention aux normes de qualité, passer son temps sur des réseaux sociaux, utiliser les ressources de l’entreprise à des fins personnelles, etc.</p>
<p>Nous supputons, pour l’instant, que la gentillesse au travail favorise la confiance et la collaboration, mais qu’elle doit aussi s’inscrire dans un cadre de productivité afin de limiter les abus possibles. Un très haut niveau gentillesse au travail qui serait accompagné par un manque de productivité dans une organisation pourrait, en effet, aller à l’encontre des intérêts de tout un chacun.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223892/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Selon un travail de recherche, la gentillesse favorise l’ambiance et la stabilité d’une organisation. À condition de ne pas en abuser.Olivier Mesly, Enseignant-chercheur au laboratoire CEREFIGE, université de Lorraine, professeur de marketing, ICN Business SchoolSilvester Ivanaj, Full Professeur, Département Management de la Supply Chain et des Systèmes d'Information, ICN Business SchoolSteve Ordener, Research Project Leader in Organizational Behavior, ICN Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2241112024-03-07T16:13:18Z2024-03-07T16:13:18ZLes inégalités entre les sexes persistent au travail : voici quelques pistes pour les atténuer<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/580009/original/file-20240305-28-od4zyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=98%2C26%2C5892%2C3952&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans les organisations, il est encore difficile de mettre en oeuvre des programmes destinés à atténuer les inégalités entre les hommes et les femmes.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>De nombreuses lois ont été instaurées dans les pays occidentaux pour réduire les inégalités entre les femmes et les hommes sur le marché du travail. Au pays, on peut penser à la <a href="https://www.canada.ca/en/services/jobs/workplace/human-rights/overview-pay-equity-act.html">loi sur l’équité salariale du gouvernement fédéral</a>. De nombreuses entreprises nomment aussi des responsables EDI (équité, diversité et inclusion) afin de promouvoir la place des femmes. Ces mesures ne datent toutefois pas d’hier : les premières actions ont été prises depuis les années 1990. </p>
<p>Pourtant les <a href="https://www.ledevoir.com/societe/742662/l-egalite-femmes-hommes-en-presque-surplace?">inégalités demeurent</a>. Sur le plan de la rémunération <a href="https://data.oecd.org/fr/earnwage/ecart-de-revenus-entre-les-hommes-et-les-femmes.htm">cet écart est de 17 % au Canada selon les dernières données (2022) de l’OCDE</a>. Les <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/14-28-0001/2020001/article/00003-fra.htm">plus récents chiffres de Statistique Canada</a> révèlent de leur côté que les employés de sexe féminin gagnent 11,1 % de moins en taux horaire que les hommes, essentiellement car les métiers traditionnellement masculins payent mieux que ceux traditionnellement féminins. </p>
<p>Quant aux <a href="https://theconversation.com/femmes-et-minorites-a-la-haute-direction-ca-bloque-dans-lantichambre-212925">promotions</a>, avec un plafond de verre persistant, l’accès des femmes à la haute direction demeure limité. </p>
<p>Enfin, en ce qui concerne les conditions de travail, les femmes souffrent plus que les hommes de sexisme et de <a href="https://www.inspq.qc.ca/agression-sexuelle/le-harcelement-sexuel">harcèlement sexuel</a>.</p>
<p>Pourquoi les progrès sont-ils si lents ? À travers une revue de la littérature et de mes propres études sur le terrain, j’ai pu identifier quatre grands facteurs explicatifs. C’est dans le cadre de mon doctorat en ressources humaines à l’UQAM et à titre de conseiller RH spécialisé en EDI que j’ai fait cette analyse. </p>
<h2>1. L’implication limitée des organisations</h2>
<p>Les entreprises adoptent souvent des mesures superficielles, destinées plus à soigner leur image qu’à enrayer réellement les inégalités. Nommer une ou deux femmes au conseil d’administration fait bien paraître l’entreprise — en montrant qu’elle se préoccupe de la diversité — mais cela <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/smj.2461">a un impact assez marginal</a>.</p>
<p>Les pressions internes pour pousser les entreprises à réduire les inégalités entre les femmes et les hommes sont limitées. Il s’agit rarement d’une exigence des syndicats, qui sont eux-mêmes peu <a href="https://www.cairn.info/le-sexe-du-militantisme--9782724610567-page-75.htm?contenu=resume">exemplaires</a> en la matière. Les différences de traitement pouvant être subtiles, les femmes sont souvent elles-mêmes peu conscientes des inégalités dont elles souffrent. Elles forment ainsi rarement un <a href="https://www.annualreviews.org/doi/abs/10.1146/annurev-soc-070308-120014">groupe de pression</a>. Les entreprises n’amorcent alors que quelques actions pour se donner <a href="https://hbr.org/2016/07/why-diversity-programs-fail">bonne conscience</a>. Elles produisent par exemple une formation puis, estimant avoir traité le sujet, passent à autre chose.</p>
<h2>2. Les freins des gestionnaires</h2>
<p>Même quand le projet est porté par la haute direction, il peut être entravé par les résistances managériales. Les gestionnaires, déjà surchargés de travail, peuvent être réticents à la mise en place d’une politique d’égalité par opinion personnelle ou parce qu’il n’en va pas de leur intérêt.</p>
<p>Un gestionnaire (femme ou homme) peut faire face à un <a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/amr.1996.9702100314">« piège social »</a> (<em>social trap</em>), c’est-à-dire un dilemme entre des intérêts divergents. Prenons le cas d’une entreprise qui, dans un souci d’inclusion, prend en charge les frais de garde des enfants d’employés monoparentaux lors des voyages d’affaires. Le budget de déplacement sera ainsi plus élevé. L’intérêt du gestionnaire est donc de discriminer les parents monoparentaux, afin de limiter les frais. </p>
<h2>3. Les craintes d’être stigmatisés</h2>
<p>Même lorsque des mesures sont mises à la disposition des employés, ces derniers peuvent hésiter à les utiliser par crainte d’être stigmatisés. Des femmes refusent de participer à des réseaux internes féminins par peur que leur participation soit perçue comme un signe de faiblesse, ou parce qu’elles refusent d’être traitées différemment des hommes. </p>
<p>De même, des femmes n’osent pas demander ou bénéficier d’horaires flexibles ou réduits par crainte d’envoyer le signal qu’elles attacheraient moins d’importance au travail. </p>
<p>Les femmes appréhendent donc les <a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/amr.2016.0429">répercussions négatives</a> sur leur carrière. Elles croient qu’en revendiquant leurs droits, elle pourraient recevoir moins d’augmentations salariales, avoir un accès plus restreint à la formation et réduire leurs chances de promotions.</p>
<h2>4. Des actions peu efficaces</h2>
<p>Enfin, les entreprises ont tendance à privilégier des actions peu <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/000312240607100404">efficaces</a> mais en vogue et faciles à mettre en place, suggérées par des consultants qui sont à la fois juges et parties. </p>
<p>Les formations à la diversité se sont par exemple multipliées ces dernières années, alors que la recherche scientifique montre qu’elles sont peu <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/19428200.2018.1493182">efficaces</a>. Elles sont généralement rendues obligatoires pour les gestionnaires, voire pour l’ensemble des employés. Elles visent à mettre en lumière les inégalités au travail et à réduire les stéréotypes des participants. Mais ce n’est pas en quelques heures que l’on peut changer des biais, souvent présents depuis longtemps. </p>
<h2>Mobiliser, impliquer, et rendre des comptes</h2>
<p>J’ai mené une étude ethnographique pendant quatre ans au sein d’une entreprise du secteur bancaire et des assurances, regroupant environ 10 000 employés. L’entreprise a connu des progrès remarquables au cours de cette période sur le plan de l’équité entre les femmes et les hommes. La proportion de femmes aux postes clés est ainsi passée de 25 % à 40 % en quatre ans, et les comportements sexistes ont fortement baissé. Les employés ont d’ailleurs reconnu que la culture d’entreprise avait changé.</p>
<p>Il y a eu, en premier lieu, une prise de conscience et une mobilisation de la haute direction, qui a fait de l’égalité entre les sexes une priorité. Un chef de projet a été nommé, ainsi que des moyens financiers alloués à cette politique, de sorte que les gestionnaires ont compris que la motivation de la haute direction n’était plus un simple discours. </p>
<p>Les études démontrent que l’une des clés du succès est de responsabiliser les gestionnaires en leur demandant de rendre des comptes, et de montrer plus de transparence dans les processus d’embauche et de recrutement. Ils sont aussi encouragés à favoriser un bon équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle de leurs employés. Ces actions se sont révélées en effet être particulièrement <a href="https://www.hup.harvard.edu/books/9780674276611">efficaces</a>.</p>
<p>Dans l’entreprise étudiée, les gestionnaires ont été motivés par la prise en compte de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le calcul de leur rémunération variable. Il était donc dans leur intérêt personnel de faire des progrès en la matière. </p>
<h2>Autonomie, bonnes pratiques et implication</h2>
<p>La direction laissait aux gestionnaires une grande autonomie. Plutôt que de leur imposer un plan d’action, chacun devait élaborer le sien en fonction de la situation particulière de son service. </p>
<p>La direction a ensuite préconisé les bonnes pratiques. Si un service mettait en œuvre une action originale, cela encourageait les autres services à agir de même à leur tour. Un service a par exemple réalisé une vidéo humoristique pour partager de bonnes pratiques sur la gestion des congés de maternité. D’autres services ont alors suivi en utilisant la vidéo et l’humour pour sensibiliser les employés. </p>
<p>Une autre stratégie a consisté à impliquer l’ensemble des employés. Des binômes femmes/hommes étaient responsables de sensibiliser leurs collègues et de lutter contre le sexisme niché dans les conversations ou les comportements du quotidien. Ils écoutaient et conseillaient les employés qui se sentaient victimes de sexisme, et ils intervenaient si un employé racontait des blagues à caractère sexuel ou demandait systématiquement à une femme de servir le café.</p>
<p>Cette expérience montre qu’il est possible de remédier aux inégalités entre les femmes et les hommes. </p>
<p>Il est par ailleurs impératif d’éviter d’opposer les femmes et les hommes au cours du processus. Les résultats surviennent lorsque tous les acteurs (haute direction, gestionnaires, employés) comprennent qu’il est dans leur intérêt d’agir en ce sens, et qu’ils s’approprient la cause. Les responsables EDI peuvent jouer, à mon sens, un <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-sociologie-2019-2-page-175.htm">rôle clé</a> pour orchestrer cette mobilisation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224111/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Denis Monneuse a reçu des financements du Fonds de recherche du Québec - Société et Culture (FRQSC). Il est directeur du cabinet "Poil à Gratter". </span></em></p>Les inégalités entre les sexes persistent sur le marché de l’emploi, malgré diverses mesures légales et initiatives managériales. Le problème se situe lors de leur mise en œuvre dans les organisations.Denis Monneuse, Chercheur en RH - chaire RH de l'UCO, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2196722024-01-07T15:39:15Z2024-01-07T15:39:15ZEt si la solitude était le véritable mal du siècle ?<p>Le 15 novembre 2023, <a href="https://www.who.int/fr/news/item/15-11-2023-who-launches-commission-to-foster-social-connection">l’Organisation mondiale de la santé</a> (OMS) a annoncé s’être emparée de « la question de la solitude en tant que menace urgente pour la santé », faisant ainsi écho à de nombreuses études, dont la plus récente a été menée par l’entreprise <a href="https://news.gallup.com/opinion/gallup/512618/almost-quarter-world-feels-lonely.aspx">Gallup</a> de juin 2022 à février 2023 dans 142 pays et a conduit à la mise en lumière d’un chiffre on ne peut plus alarmant : un quart de la population mondiale se sentirait seule.</p>
<p>Dans <a href="https://theconversation.com/a-lere-numerique-renouer-avec-la-solitude-bienfaisante-64784">ce monde hyper connecté</a> qui est le nôtre, la solitude ne semble-t-elle pas un bien curieux paradoxe ? Comme le souligne l’économiste <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-interview-eco/reseaux-sociaux-meme-sils-connectent-les-gens-le-mal-du-si%C3%A8cle-cest-la-solitude-selon-leconomiste-daniel-cohen_5374063.html">Daniel Cohen</a> :</p>
<blockquote>
<p>« alors que les réseaux sociaux sont censés connecter les gens, le mal du siècle, c’est la solitude ».</p>
</blockquote>
<p>Pour tenter de comprendre ce phénomène grandissant dans le monde occidental, s’interroger sur l’évolution du rapport que l’individu entretient avec le collectif semble indispensable et permet d’élargir sur un plan sociétal ce que chacun de nous peut avoir, un jour au moins, ressenti en son for intérieur, dans ce face à face parfois si angoissant avec soi-même.</p>
<h2>Qu’entend-t-on exactement par le terme « solitude » ?</h2>
<p>La mot <em>solitude</em>, emprunté du latin <a href="https://dictionnaire-academie.fr/article/A9S2024">« solitudo »</a>, de même sens, lui-même dérivé de <em>solus</em>, « seul, unique » – définit « l’état d’une personne qui, de façon choisie ou non, se trouve seule, sans compagnie, momentanément ou durablement ». Rien de plaisant ni de douloureux dans cette définition. Pas de dimension irrémédiable non plus.</p>
<p>La question en suspens s’ancre donc dans le rapport que l’on entretient avec la solitude : s’agit-il d’un état choisi ou d’un état subi ? Sur un versant que l’on pourrait qualifier de « positif », la solitude peut-être un lieu propice à l’élévation et à la création. De la <a href="https://books.openedition.org/pub/6027">composition littéraire</a>, à la <a href="https://www.la-croix.com/Religion/Pourquoi-faire-retraite-spirituelle-2022-06-22-1201221294">retraite spirituelle</a> en passant par la rédaction lors de <a href="https://journals.openedition.org/socio-logos/2929">ses études</a>, la descente en soi-même peut être vécue, certes, comme une épreuve, mais finalement devenir productive, pour soi-même, d’abord, et pour les autres, ensuite.</p>
<p>Sur l’autre versant, le « mal du siècle » est un phénomène potentiellement dévastateur – réel ou symbolique – qui s’empare de la personne célibataire, endeuillée ou sans amis, dont l’isolement, consécutif à cette absence ou perte, peut entraîner sur la pente dangereuse du <a href="https://museevieromantique.paris.fr/fr/les-mots-du-romantisme-spleen"><em>spleen</em></a>, de la <a href="https://www.rtl.fr/actu/sante/solitude-l-isolement-touche-11-millions-de-francais-les-associations-sonnent-l-alerte-7900228127">dépression</a>, voire du <a href="https://sante.gouv.fr/prevention-en-sante/sante-mentale/la-prevention-du-suicide/article/que-faire-et-a-qui-s-adresser-face-a-une-crise-suicidaire">suicide</a>.</p>
<h2>Le lien social et son délitement</h2>
<p>Mais au-delà de l’individu, c’est bien la notion de « lien social », laquelle, selon le sociologue <a href="http://ses.ens-lyon.fr/articles/le-lien-social-entretien-avec-serge-paugam-158136">Serge Paugam</a> « désigne un désir de vivre ensemble, de relier les individus dispersés, d’une cohésion plus profonde de la société », qui semble se trouver au cœur de cette affaire.</p>
<p>Cependant, ainsi qu’il le précise également :</p>
<blockquote>
<p>« Dans les sociétés modernes, les modèles institutionnels de la reconnaissance se sont individualisés, ils se fondent davantage sur des traits individuels que sur des traits collectifs. »</p>
</blockquote>
<p>D’où le constat de délitement partagé par de nombreux sociologues, voire la fameuse « crise », expression si répandue qu’elle en est devenue tristement banale, souvent déclinée médiatiquement sous le nom de <a href="https://www.inegalites.fr/Fracture-sociale-le-retour">« fracture sociale »</a>, d’<a href="https://www.samusocial.paris/lutte-contre-lexclusion-sociale">« exclusion sociale »</a> ou encore de <a href="https://www.lesechos.fr/2001/03/quand-lassociation-refonde-le-social-712236">« déliaison sociale »</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Femme ennuyée en isolement, allongée sur le canapé." src="https://images.theconversation.com/files/567941/original/file-20240104-26-ymisq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567941/original/file-20240104-26-ymisq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567941/original/file-20240104-26-ymisq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567941/original/file-20240104-26-ymisq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567941/original/file-20240104-26-ymisq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567941/original/file-20240104-26-ymisq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567941/original/file-20240104-26-ymisq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La solitude semble devenue, en creux, un refuge contre le reste du monde qui peut nous apparaître de plus en plus comme absurde, incompréhensible voire hostile.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Car, si « la solitude créative et insoumise est désir de se libérer », en tentant de se ré-approprier, par la « conquête du “je” », des marges de manœuvre vis-à-vis d’une société perçue comme (trop ?) contraignante, pour reprendre les propos de l’historienne Sabine Melchior-Bonnet dans son récent ouvrage <a href="https://www.puf.com/histoire-de-la-solitude"><em>Histoire de la solitude</em></a>, elle semble plutôt devenue, en creux, un refuge contre le reste du monde. Un monde qui nous apparaît de plus en plus comme absurde, incompréhensible voire hostile, car mettant à la fois tout <a href="https://www.dynamique-mag.com/article/monde-plus-plus-connecte.47854">à la portée d’un simple « clic »</a> mais empêchant aussi d’aller au-delà de ce geste unilatéral de l’homme à la machine, afin de rencontrer <em>réellement</em> un « autre soi-même » pour reprendre le titre d’un ouvrage du philosophe <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/soi-meme-comme-un-autre-paul-ric-ur/9782020114585">Paul Ricœur</a>.</p>
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<p>Ainsi, le sociologue <a href="https://www.cairn.info/revue-vie-sociale-2013-1-page-7.htm">Robert Castel</a> considère que ce délitement du lien social est prioritairement une <a href="http://www.journaldumauss.net/?La-notion-de-desaffiliation-chez-1250">« désafiliation »</a>, c’est-à-dire qu’il découle d’un processus historique d’éloignement de la cohésion sociale qui se traduit concrètement par une vulnérabilité individuelle (perte d’emploi, isolement…).</p>
<h2>Le triomphe (provisoire ?) de l’individualisme</h2>
<p>Car si l’impact de la solitude est, certes, individuel, son explication est peut-être à chercher sur un plan plus global, plus social.</p>
<p>Inversons un instant la perspective et demandons à la société – et non à l’Individu – quel est, pour elle, son « mal du siècle » ? Elle nous répondrait sans doute en nous opposant une autre notion : celle de l’individualisme dans sa version « glorification du moi » (l’opposant en cela à un individualisme plus « positif ») telle qu’elle était déjà dénoncée par le sociologue <a href="https://journals.openedition.org/sociologies/5143">Emile Durkheim</a>… en 1898.</p>
<p>C’est bien, en effet, le triomphe de <a href="https://journals.openedition.org/semen/8960">cet idéal américain</a>, héritier direct du jadis flamboyant <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/entendez-vous-l-eco/le-reve-americain-et-le-mythe-du-self-made-man-8646904"><em>self-made man</em></a>, qui s’incarne de nos jours dans la mise en avant perpétuelle de sa propre singularité. Or cette dernière, par définition, s’établit contre la masse des Autres, engendrant, de fait, une situation auto perçue d’exception et donc de solitude.</p>
<hr>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quand-le-partage-plutot-que-la-consommation-aide-a-surmonter-la-solitude-85057">Quand le partage, plutôt que la consommation, aide à surmonter la solitude</a>
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</em>
</p>
<hr>
<p>Pour reprendre les analyses de l’économiste anglo-saxonne Noreena Hertz dans son livre <a href="https://www.theguardian.com/books/2020/nov/12/the-lonely-century-by-noreena-hertz-review-our-need-for-community"><em>The Lonely Century</em></a>, c’est bien à partir des contrées occidentales que ce mal se propage, là où le modèle véhiculé – le triomphe de l’individu sur le collectif – exacerbe, de fait, cet individualisme, facteur humain de l’isolement. En effet, si, pour moi, ma personne est plus importante que le reste du monde, alors il n’est pas illogique que le reste du monde se détourne de moi. Surtout si chaque individu qui le compose se fait le même raisonnement.</p>
<p>Alors que faire ? Doit-on remettre le collectif en premier ? Impossible. Car nous aspirons tous à être perçus comme « unique ». Ainsi que le souligne le philosophe <a href="https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000117740_fre">Edgar Morin</a>, la dimension individuelle et la dimension collective sont indispensables à chacun pour son accomplissement : « Les humains doivent se reconnaître dans leur humanité commune en même temps que de reconnaître leur diversité tant individuelle que culturelle. »</p>
<p>Déjà, en 1851, le philosophe allemand <a href="https://editions-coda.fr/philosophie/45-arthur-schopenhauer-parerga-paralipomena.html">Schopenhauer</a> décrivait cet état de tension interne avec sa parabole d’attraction-répulsion d’un troupeau de porcs-épics mourant de froid, représentant ainsi de manière plaisante, la manie qu’ont les êtres-humains de se rapprocher, par instinct, les uns des autres, puis de s’éloigner, agacés par les piquants de leurs congénères. Incapables de vivre seuls, ils ne peuvent pas davantage être dans une trop grande promiscuité. La « bonne » distance entre ouverture vers les autres et recentrage sur soi est donc bien difficile à trouver…</p>
<h2>La diversité, organisation de la solitude ?</h2>
<p>Mais, de nos jours, le <a href="https://www.cairn.info/revue-projet-2002-3-page-37.htm">triomphe du « moi »</a> remet en cause ce précaire équilibre, en actant une bascule claire du côté de l’individu qui s’incarne, paradoxalement, dans une autre notion « à la mode » : celle de la <a href="https://www.observatoire-management.org/single-post/2017/08/24/management-de-la-diversit%C3%A9">diversité</a>, qui consiste à mettre au jour les différences individuelles (<a href="https://egalactu.com/bienvenue-au-26eme-critere-de-discrimination-reconnu-par-le-defenseur-des-droits-la-qualite-de-lanceur%C2%B7se-dalerte/">26</a> <a href="https://www.education.gouv.fr/media/98390/download">d’officiellement identifiées à ce jour !</a>) mais d’abord (et exclusivement ?) en tant que source de discrimination.</p>
<p>En effet, celles-ci exacerbent <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-journal-de-la-philo/l-essentialisation-2178459">l’essentialisation individuelle</a>, c’est-à-dire l’acte de réduire un individu à une seule de ses dimensions pour ultérieurement l’appréhender et le gérer sous ce trait unique, définitivement perçu comme saillant – sexe, âge, origine, handicap… – mais dans les faits, regroupé en catégories, donc en systèmes clos et séparés donc isolés les uns des autres. Une sorte de répartition de l’humanité en catégories qui, non seulement omet parfois la pluralité individuelle, mais pourrait en venir à entériner une non-évolution, en contraignant le <em>catégorisé</em>, plus ou moins volontaire, à rester au plus proche des caractéristiques attendues de sa catégorie d’affectation, ne l’autorisant qu’à se conformer, finalement, aux individus de <em>sa</em> catégorie pré-définie sous peine d’ostracisme. Le groupe rassure et libère, mais il exclut également.</p>
<p>Or, en mettant en avant ce qui distingue les gens, on oublie ce qui pourrait, au contraire, les rapprocher. En sacralisant la différence au point de l’ériger en nouvelle norme, « l’humanité commune », si chère à Edgar Morin, perd, par un mouvement de balancier, le terrain gagné par les egos. Cette situation entraîne une bascule dans l’isolement individuel, découlant de la nécessité de trouver un groupe et de s’y conformer sous peine d’exclusion sociale, et avec lui, le mal-être et les risques inhérents à cet état. Et c’est ainsi que l’individu, jadis triomphant, voit sa propre quête de gloire se refermer sur lui comme un carcan oppressant, l’entraînant irrémédiablement à se draper dans le terrible linceul de la solitude.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219672/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cécile Dutriaux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un quart de la population mondiale se sent seule, selon plusieurs études. Un phénomène grandissant dans le monde occidental.Cécile Dutriaux, Docteur en Sciences de Gestion, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2129252023-09-14T17:02:34Z2023-09-14T17:02:34ZFemmes et minorités à la haute direction : ça bloque dans l’antichambre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/548144/original/file-20230913-33750-imqte4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=40%2C0%2C4470%2C2971&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le pourcentage de femmes à la tête des entreprises en Amérique du Nord scille toujours autour de 5%.
</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Depuis quelques années, de nombreuses recherches sont publiées sur la représentation des femmes à la tête des entreprises et le constat demeure désolant. </p>
<p>Que ce soit au Canada ou aux États-Unis, le pourcentage oscille toujours autour de 5 % dans les grandes organisations. </p>
<p>Peut-on espérer une augmentation de ce pourcentage au cours des prochaines années ? Est-ce que le vivier de talents féminins dans l’antichambre d’une nomination à la présidence-direction générale est suffisant pour espérer une augmentation substantielle, ou faut-il d’autres stratégies pour changer la donne ?</p>
<p>Respectivement doyenne de l’École de gestion John Molson, et experte depuis plusieurs décennies de la place des femmes dans les hautes sphères du milieu des affaires, nous nous intéressons aux raisons du surplace actuel.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-entreprises-doivent-viser-des-objectifs-plus-ambitieux-pour-lavancement-des-femmes-161172">Les entreprises doivent viser des objectifs plus ambitieux pour l’avancement des femmes</a>
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<h2>Un vivier homéopathique et anémique</h2>
<p>Une <a href="https://www.semanticscholar.org/paper/Diversity-in-the-C-Suite%3A-The-Dismal-State-of-Among-Larcker-Tayan/192970d4859158281b752be4b76bdf7e8dc0a2c6">étude récente</a> publiée par les professeurs David F. Larcker and Brian Tayan, de l’Université Stanford, nous procure des renseignements intéressants à ce sujet. Elle visait à identifier, parmi les 100 plus importantes entreprises américaines, les possibilités que des femmes et des membres de communautés culturelles puissent être nommés à des fonctions de PDG. Ils ont évalué celles et ceux d’entre eux qui occupent des fonctions relevant directement d’un PDG. Les conclusions de cette analyse sont préoccupantes :</p>
<ul>
<li><p>seulement 25 % de femmes occupent de telles fonctions ;</p></li>
<li><p>peu de femmes se retrouvent dans les fonctions les plus porteuses de nominations, soit celles ayant trait aux opérations (15 %), aux services financiers (14 %) et aux services juridiques (35 %) ;</p></li>
<li><p>quant aux fonctions offrant peu de possibilités de promotion comme premier dirigeant, selon les critères utilisés pour sélectionner d’éventuels PDG, celles-ci sont occupées davantage par des femmes (cheffe des ressources humaines, de la gestion des risques, des communications, etc.).</p></li>
</ul>
<p>Cette présence plus forte des femmes dans ces fonctions d’appui est l’illustration <a href="https://hbr.org/2007/09/women-and-the-labyrinth-of-leadership">du labyrinthe du leadership</a>, soit ces détours complexes et sans issu auxquelles les femmes sont confrontées dans leur carrière en raison des stéréotypes, des biais et des obligations familiales qu’elles continuent à assumer seules, malgré un meilleur partage de ces fonctions avec leurs partenaires masculins.</p>
<p>Pourquoi, après tant de décennies d’efforts pour accroître la représentation féminine dans les instances décisionnelles, si peu de femmes parviennent à prendre leur place ? Nous proposons comme explication ces trois discriminants indirects.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/trop-peu-de-femmes-atteignent-les-plus-hauts-echelons-il-est-temps-dagir-177408">Trop peu de femmes atteignent les plus hauts échelons. Il est temps d’agir</a>
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<h2>Le manque d’expérience, un critère discriminatoire</h2>
<p><a href="https://www.spencerstuart.com/research-and-insight/predicting-ceo-success-when-potential-outperforms-experience">Dans un récent article</a> publié par le cabinet-conseil Spencer Stuart, on faisait le constat que la demande pour des PDG expérimentés avait presque quadruplé depuis de début du siècle, passant de 4 % en 1997 à 16 % en 2019. Selon des dirigeants consultés par ce cabinet, les responsables de processus de sélection posent l’hypothèse que l’expérience préalable de PDG est un prédicteur de l’impact que pourra avoir un candidat sur la valeur pour les actionnaires.</p>
<p><a href="https://www.spencerstuart.com/-/media/2019/hbr-ceo-lifecycle/hbr_ceo_lifecycle_spencerstuart.pdf">Les conclusions d’une autre étude</a> réalisée par ce même cabinet sur le cycle de vie des PDG et de leur performance apportent un éclairage qui fragilise cette hypothèse quant au lien entre expérience préalable et valeur actionnariale. </p>
<p>Après avoir analysé la performance de 855 PDG du S&P sur une période de vingt ans, le cabinet a pu constater que les PDG occupant cette fonction pour la première fois produisaient un taux de rendement pour les actionnaires (TSR) plus élevé que les PDG expérimentés. Ces PDG non expérimentés auraient de plus comme avantage de demeurer en poste plus longtemps et avoir une performance moins volatile. </p>
<p><a href="https://www.researchgate.net/publication/272806955_La_remuneration_des_dirigeants_mythes_et_recommandations">Selon les résultats d’une autre étude</a> réalisée il y a quelques années par les professeurs Michel Magnan, de l’Université Concordia, et Sylvie St-Onge, de HEC Montréal, moins de 10 % des différences dans la performance boursière des grandes banques canadiennes peuvent être expliquées par des facteurs propres à chacune d’elles. Parmi eux, les décisions et les initiatives du PDG en place, mais aussi les employés, la clientèle, la localisation des places d’affaires ou le « mixte » d’affaires.</p>
<p>Ce critère d’expérience préalable de PDG et l’importance qu’on y accorde constituent un facteur de discrimination indirecte qui prive les femmes, les représentants des communautés culturelles et les jeunes talents d’accéder à ces fonctions. Outre d’être discriminatoire, ce critère perpétue de plus le statu quo et limite l’accès à de telles fonctions à un groupe restreint d’individus.</p>
<h2>Embaucher des gens qui nous ressemblent</h2>
<p>L’adéquation culturelle, ou « culture fit », vise à sélectionner des talents qui sont en adéquation avec la culture de l’entreprise, c’est-à-dire ses valeurs, sa vision, sa raison d’être, ses objectifs et autres éléments qui la caractérisent. </p>
<p>Si un tel processus de recrutement a pour avantage de recruter des talents qui sauront s’intégrer et performer rapidement, il cependant comme désavantage de favoriser le statu quo et la règle de la majorité, ainsi que de s’entourer de personnes qui nous ressemblent, soit par le sexe, l’âge, les origines culturelles et autres différences <a href="https://insight.kellogg.northwestern.edu/article/cultural-fit-discrimination">pouvant être considérées comme dérangeantes</a>. </p>
<p>Dans <a href="https://www.talentinnovation.org/_private/assets/IDMG-ExecSummFINAL-CTI.pdf">cette étude</a> du Center for Talent Innovation, on montre bien que l’innovation prospère dans un environnement où les dirigeants acceptent la différence, s’ouvrent aux changements et aux perturbations et encouragent la libre expression.</p>
<h2>La valeur financière sous-estimée de la diversité</h2>
<p>Un groupe de chercheurs de la Bryant University et de l’Université Concordia, <a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/AMPROC.2023.134bp">ont réalisé une étude empirique sur les performances financières</a> de PDG à la tête d’entreprises américaines cotées en bourse. Ils ont totalisé plus de 11 600 observations annuelles, sur une période de 15 ans (1998-2013). </p>
<p>Il en ressort que les femmes de couleur et les femmes blanches ont réalisé des performances financières supérieures à celles enregistrées par les hommes de couleur, qui eux ont mieux fait que les hommes blancs. Selon les auteurs, ces résultats s’expliquent par le fait que dès leur très jeune âge, les personnes issues des minorités se font dire par leur entourage qu’elles doivent développer leur résilience, et que si elles veulent réussir, elles doivent être plus intelligentes et faire mieux que n’importe qui d’autre. </p>
<h2>Un leadership plus humain</h2>
<p>Dans un monde où la volatilité, l’incertitude, la complexité et l’ambiguïté prévalent, ce sont les qualités de leadership appropriées à un pareil contexte qui doivent guider dans un processus de sélection. Ces qualités — agilité, adaptabilité, empathie, humilité — se trouvent tout autant chez les femmes que les hommes. C’est ce qu’on appelle les compétences douces ou « soft skills ». </p>
<p><a href="https://hbr.org/2022/07/the-c-suite-skills-that-matter-most">Selon une étude publiée en août 2022</a>, la quête de ces qualités prend de plus en plus de place dans les descriptions de fonctions pour les postes de haute de direction depuis la dernière décennie. Seul le recours prioritaire à celles-ci pour identifier les meilleures candidatures assurera des règles de jeu équitables tout autant pour les femmes que les hommes. </p>
<p>Il est bénéfique pour les entreprises de prendre conscience de l’importance de la diversité des talents et de styles de leadership. En promouvant les meilleures personnes aux postes de pouvoir, elles deviennent plus performantes et humaines.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212925/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Après des décennies d’efforts pour accroître la représentation féminine dans les instances décisionnelles des entreprises, peu de femmes parviennent à prendre leur place.Louise Champoux-Paillé, Cadre en exercice, John Molson School of Business, Concordia UniversityAnne-Marie Croteau, Dean, John Molson School of Business, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2038072023-05-15T10:18:32Z2023-05-15T10:18:32ZDiversité en entreprise, comment relever le défi ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/521330/original/file-20230417-24-ljfqcb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2995%2C2182&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le mélange des âges et des cultures, une source de richesse.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1433389">rawpixel.com / pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>« Je suis heureux de vous présenter l’Agenda pour la diversité et l’inclusion, en signe de notre engagement et comme source d’inspiration. Nous devrions tous reconnaître que promouvoir l’égalité, la diversité et l’inclusion est affaire de droits humains mais aussi de paix, de sécurité, de justice sociale et de progrès économique ».</p>
</blockquote>
<p>Josep Borrell, haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité introduisait par ces mots, à la mi-février, un nouveau <a href="https://www.eeas.europa.eu/sites/default/files/documents/2023/Diversity%20and%20Inclusion%20Agenda%20in%20the%20EEAS%202023-2025_0.pdf">document</a> des Vingt-Sept, rédigé par le Service européen pour l’action extérieure, le service diplomatique de l’Union européenne chargé de la politique étrangère et de sécurité commune afin de promouvoir « la paix, la prospérité, la sécurité et les intérêts des Européens dans le monde entier ».</p>
<p>Si les objectifs fixés, concernent la politique extérieure, il s’agit bien également de les atteindre en <a href="https://www.eeas.europa.eu/node/426330_fr?s=110">montrant l’exemple</a>. Parmi les engagements pris, on retrouve ainsi celui de développer l’attention portée par les dirigeants des organisations sur la question des inégalités et leur capacité à y faire face. De nouveaux mécanismes comptables tenant compte d’objectifs en matière d’égalité, de diversité et d’inclusion sont également promis (<a href="https://www.eeas.europa.eu/sites/default/files/documents/2023/Diversity%20and%20Inclusion%20Agenda%20in%20the%20EEAS%202023-2025_0.pdf#page=9">points 3.1 et 3.2</a>).</p>
<p>Il ne suffit néanmoins pas toujours que les institutions gouvernementales et les décideurs politiques affichent des priorités pour que les choses se fassent, en d’autres termes. Rien ne se passe si les principales parties concernées, les entreprises et leurs dirigeants notamment, ne les prennent pas en considération et ne les mettent pas en œuvre de manière appropriée.</p>
<p>La diversité, qu’elle ait trait à l’âge, à l’ethnicité, à la nationalité, au sexe, aux capacités physiques, aux préférences amoureuses, au niveau d’éducation, aux revenus, à la situation matrimoniale, aux croyances religieuses, au statut parental ou à l’expérience professionnelle, peut influer sur la réussite des organisations. Les chercheurs ont notamment montré qu’une main-d’œuvre riche de nombreuses différences entre les individus présente un niveau plus élevé de créativité, d’innovation et de capacité à résoudre les problèmes. C’est une source d’avantages pour les entreprises comme pour les pays.</p>
<p>Encore faut-il pour les dirigeants bien comprendre quelles sont les opportunités mais aussi les défis liés, ce pour quoi les universitaires trouvent leur utilité. Les cultures et les âges communiquent et interagissent de manières différentes, appelant des styles de leadership différents. Dans un ouvrage récent, intitulé <a href="https://www.emerald.com/insight/publication/doi/10.1108/9781801172264"><em>Diversity in Action : Managing Diverse Talent in a Global Economy</em></a> et dont nous avons assuré la coordination, des auteurs abordent la question sous différents aspects. Que devons-nous donc savoir sur la diversité pour relever les défis mondiaux et locaux ?</p>
<h2>Sexe et autonomie, âge et technologie</h2>
<p>Les stigmates de <strong>genre</strong> font partie des questions largement débattues par les universitaires, les hommes politiques et les praticiens du monde des affaires. Ils peuvent s’avérer durables et englober tous les domaines de la vie des femmes : de la santé physique et mentale à la qualité de vie, en passant par l’engagement et les performances professionnelles. C’est un premier défi pour les dirigeants que d’en identifier les sources fréquentes.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Chaque lundi, que vous soyez dirigeants en quête de stratégies ou salariés qui s’interrogent sur les choix de leur hiérarchie, recevez dans votre boîte mail les clés de la recherche pour la vie professionnelle et les conseils de nos experts dans notre newsletter thématique « Entreprise(s) ».</em></p>
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<p>L’ouvrage suggère notamment que les femmes se sentent plus autonomes lorsque les discriminations entre sexes sont moindres, lorsqu’elles bénéficient d’un meilleur équilibre entre le travail et la maison, lorsqu’elles se sentent soutenues par leur famille et lorsqu’elles ont d’autres femmes sous leur responsabilité. Il montre aussi que pour attirer, motiver et retenir les femmes, les entreprises devraient mettre en place des pratiques de gestion des ressources humaines individualisées qui répondent aux exigences des différents types de carrières féminines, entre celles qui cherchent à faire carrière et celles dont le travail est surtout un emploi qui sert à apporter des ressources pour d’autres fins.</p>
<p>Pour ce qui est de l’<strong>âge</strong>, les différences de motivation, d’attentes en matière de carrière et d’attitudes à l’égard des processus économiques, politiques et sociaux appellent des modes de gestion différents. Un des thèmes qui suscitent régulièrement un questionnement au sein des organisations concerne l’usage des outils technologiques. Comme l’indique notre ouvrage, l’âge semble bien un déterminant de leur usage. Cela implique notamment d’adapter les types de médias sociaux à la communication avec un groupe générationnel particulier.</p>
<p>En termes de gestion, le défi est souvent de regarder au-delà de son réseau, celui sur lequel on s’appuie pour répondre aux différents objectifs que l’on se donne. Les différentes générations côtoient des cercles différents, de sorte que la manière dont les entreprises modèrent les compétences et les flux de connaissances qui en émanent définit les effets de la présence des différentes générations. Cela appelle des modes de gestion spécifiques.</p>
<p>Ces problématiques liées aux différences d’âge se ressentent en particulier dans les entreprises familiales, transmises de parents à enfants, dans celles où se mêlent aussi plus qu’ailleurs vies professionnelle et privée. Leur équilibre, ainsi que l’engagement, l’enthousiasme et la passion des futurs dirigeants pour leur tâche semblent à ériger en priorités éducatives principales pour une succession efficace.</p>
<h2>Diversité des origines, un potentiel à exploiter</h2>
<p>La <strong>diversité culturelle et ethnique</strong> ne peut pas non plus être ignorée. Les talents sont présents partout dans le monde et dans les flux migratoires. Les diasporas sont ainsi souvent une source de connaissances pour le pays d’accueil. Avec des talents de différentes origines, une entreprise trouve des accès facilités dans différents pays, notamment via la langue, l’anglais n’étant pas le seul moyen de communiquer de la mondialisation. En se constituant un « portefeuille de langue », la firme acquiert un potentiel d’innovation supérieur. Les diasporas créent un effet d’entraînement, assurent le transfert de connaissances. Leur impact positif est largement reconnu.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/521329/original/file-20230417-982-df0kv7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521329/original/file-20230417-982-df0kv7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521329/original/file-20230417-982-df0kv7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=904&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521329/original/file-20230417-982-df0kv7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=904&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521329/original/file-20230417-982-df0kv7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=904&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521329/original/file-20230417-982-df0kv7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1136&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521329/original/file-20230417-982-df0kv7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1136&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521329/original/file-20230417-982-df0kv7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1136&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Cela vaut néanmoins à condition qu’elles soient correctement intégrées dans un contexte organisationnel. L’immersion dans deux cultures peut en effet conduire à des incompréhensions et des formes de distanciation par rapport au personnel non migrant. Une identité fortement centrée sur le pays d’origine peut, en outre, dresser une frontière entre des groupes.</p>
<p>Puisque les entreprises tirent de nombreux avantages du rôle de médiateur des diasporas employées, notre ouvrage insiste ainsi sur l’importance de mettre en place des pratiques de ressources humaines spéciales et réfléchies. Il s’agit par exemple d’être formé aux différentes valeurs culturelles que peut prendre l’éthique du travail.</p>
<p>La gestion des talents pris dans leur diversité constitue ainsi un impératif stratégique, en particulier pour les entreprises opérant à l’échelle mondiale compte tenu des changements démographiques et de l’intensification de la concurrence. C’est à formuler des clefs pour y aider que notre ouvrage s’est attelé : modalités de travail alternatives, mentorat, flexibilité des horaires, initiatives de développement axées sur les caractéristiques de la diversité en font partie. L’idée est de tirer avantage de chaque employé pour que les réussites de la main-d’œuvre excèdent la simple somme du produit de ses membres.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203807/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marina Latukha ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’Union européenne donnait récemment de nouvelles injonctions. Un ouvrage de gestion tente de donner quelques clés pour y répondre.Marina Latukha, Human resource management, talent management, migration, emerging markets, Pôle Léonard de VinciLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1977502023-02-28T18:14:46Z2023-02-28T18:14:46ZAu collège, l’origine sociale influence-t-elle les amitiés ?<p>La <a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-science-m-comme-mixite-sociale-151876">mixité sociale</a> à l’école – c’est-à-dire le fait pour les enfants des classes populaires, moyennes et supérieures de fréquenter les mêmes établissements – est généralement considérée comme un objectif désirable, à même de réduire les inégalités scolaires et de favoriser chez les élèves une forme d’ouverture à l’altérité.</p>
<p>Cependant, on craint fréquemment que les élèves de différentes origines sociales, même quand ils sont dans le même établissement, ne se mélangent pas ou peu, reproduisant des formes de ségrégation sociale dans leurs <a href="https://theconversation.com/comment-les-enfants-choisissent-ils-leurs-amis-142319">amitiés</a>. Ainsi, un récent article du journal <em>Le Monde</em> se demandait si les <a href="https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2023/01/13/nos-enfants-ont-ils-une-conscience-de-classe_6157775_4497916.html">enfants ont déjà une « conscience de classe »</a> qui leur ferait choisir des amis issus des mêmes milieux, annulant donc en partie l’effet de la mixité de l’établissement. On pourrait même redouter que la distance sociale n’engendre entre les élèves des conflits ou du <a href="https://theconversation.com/violences-scolaires-ou-le-harcelement-commence-t-il-107074">harcèlement</a> – une peur notamment <a href="https://www.cairn.info/choisir-son-ecole--9782130558163.htm">évoquée par certains parents</a>d e classes supérieures pour expliquer leur choix de scolariser leurs enfants dans des établissements moins mixtes (souvent du secteur privé).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lamitie-fait-elle-toujours-du-bien-aux-adolescents-183288">L’amitié fait-elle toujours du bien aux adolescents ?</a>
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<p>Qu’en est-il réellement ? À partir d’une enquête menée dans quatre collèges français mixtes, il est possible de voir <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-sociologie-2022-1-page-65.htm">à quel point l’origine sociale des enfants influence leurs relations</a> les uns avec les autres, aussi bien sur le plan des amitiés que des inimitiés et des conflits.</p>
<h2>Une homophilie sociale réelle mais modérée</h2>
<p>Premier constat : les élèves ont effectivement plus de chances d’avoir des amis socialement proches. On parle en sociologie d’homophilie sociale pour qualifier ce phénomène. Par exemple, les enfants de cadres déclarent en moyenne 28 % d’enfants d’employés et d’ouvriers parmi leurs « très bons amis », alors que ce taux devrait s’élever à 35 % si les relations étaient indépendantes de l’origine sociale.</p>
<p>On voit néanmoins que cet écart n’est pas écrasant : les relations entre milieux sociaux différents, si elles sont moins probables, restent tout à fait possibles – même dans le plus homophile de nos quatre collèges, on trouve encore 22 % d’enfants des classes populaires parmi les très bons amis des catégories supérieures (contre 39 % attendus). À titre de comparaison, l’effet du genre est beaucoup plus fort : les garçons ne déclarent que 21 % de filles parmi leurs très bons amis, contre 50 % attendus si les relations étaient distribuées au hasard.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/mixite-scolaire-que-peuvent-apporter-les-cours-de-recreation-non-genrees-183502">Mixité scolaire : que peuvent apporter les cours de récréation « non genrées » ?</a>
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<p>Deuxième constat : cette homophilie sociale est plus ou moins prononcée selon le type de relations. Au niveau des amitiés « faibles » (copains, potes, camarades, etc.), elle est très réduite, parfois quasiment inexistante. Elle devient plus marquée parmi les très bons amis, et plus encore parmi les amis du collège qui sont aussi vus en dehors de l’établissement (invitations à la maison, sorties au parc, etc.).</p>
<p>Ce résultat est intéressant en ce qu’il peut s’interpréter de deux façons. D’un côté, l’homophilie sociale semble augmenter avec le degré d’intimité entre élèves ; de l’autre, les relations apparaissent plus mixtes au sein du collège qu’à l’extérieur de celui-ci. Or, ce que cette seconde interprétation implique, c’est que la fréquentation du collège augmente la mixité sociale des amitiés par rapport à ce que connaissent les élèves dans le reste de leur vie.</p>
<p>La sociabilité des collégiens comprend bien sûr des dimensions conflictuelles et hiérarchiques. Certains élèves ont de nombreux amis, tandis que d’autres sont isolés, avec toutes les asymétries de pouvoir que cela peut impliquer. On trouve aussi des inimitiés, des moqueries – réciproques ou non – voire, dans le pire des cas, du harcèlement.</p>
<p>Or, sur tous ces aspects, la distance sociale ne fait guère de différence. À la question « est-ce qu’il y a des élèves que tu n’aimes pas ? », les collégiens ne répondent pas plus souvent en désignant des camarades d’un milieu social différent du leur – dans certains collèges, ils ont même moins de chances de les nommer que ceux de leur propre milieu. De la même façon, les réponses à la question « est-ce qu’il y a des élèves qui se moquent de toi ou qui t’embêtent ? » ne sont pas liées à la distance sociale. Enfin, les élèves des différents milieux sociaux ont à peu près le même nombre d’amis en moyenne ; un seul des quatre collèges étudiés présente un déséquilibre notable de ce point de vue, au profit des enfants des classes supérieures (ils émettent et reçoivent un peu plus de nominations d’amitié en moyenne).</p>
<h2>Une discrimination dans le choix des amis ?</h2>
<p>On l’a dit, les élèves ont plus de chances d’avoir des amis issus des mêmes milieux sociaux. Doit-on pour autant y voir la marque d’une « conscience de classe » dans le choix des amis, qui se manifesterait par des goûts, des centres d’intérêt ou des styles relationnels incompatibles ?</p>
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<p>En fait, une partie importante de l’homophilie sociale s’explique par les opportunités de contact entre élèves. Les enfants d’un même milieu social ont plus de chances d’habiter dans le même quartier ou la même rue, ils font plus souvent les mêmes activités hors de l’école et leurs parents ont plus de chances de se connaître et de s’apprécier. Tout cela contribue mécaniquement à faciliter les amitiés homophiles. Une fois ces éléments pris en compte, la tendance « nette » à choisir des amis socialement similaires, si elle existe bien, s’avère faible.</p>
<p>De ce point de vue, les établissements scolaires disposent d’un levier essentiel : la répartition des élèves entre les classes. Dès lors que les enfants des mêmes milieux tendent à être concentrés dans les mêmes classes – en raison notamment d’options socialement connotées, comme le latin, les programmes internationaux ou les <a href="https://theconversation.com/college-comment-promouvoir-lenseignement-adapte-sans-le-stigmatiser-175700">classes SEGPA</a>, alors la mixité sociale des amitiés baisse sensiblement.</p>
<p>En effet, non seulement ces séparations jouent sur les opportunités de contact, mais elles peuvent aussi donner lieu à des formes d’étiquetage ou de stigmate qui renforcent les frontières sociales : certains élèves parlent ainsi « des latinistes » ou « des SEGPA » comme d’un groupe bien identifié et étranger au leur. Répartir les groupes d’option entre plusieurs classes et ne les rassembler que pour les cours dédiés constitue ainsi une mesure simple pour favoriser la diversité sociale des amitiés.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/au-college-et-au-lycee-les-cours-de-latin-sont-ils-en-voie-de-disparition-197354">Au collège et au lycée, les cours de latin sont-ils en voie de disparition ?</a>
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<p>Au final, peut-on dire de la mixité sociale qu’elle « fonctionne » ? Tout dépend des attentes qu’on formule à son égard. Si l’on espère une disparition soudaine et totale de toute différenciation sociale entre élèves, alors non : les relations, surtout les plus fortes, restent marquées par de l’homophilie sociale. Au demeurant, l’orientation scolaire qui survient en fin de collège opère un tri social important, les enfants des classes populaires étant <a href="https://journals.openedition.org/sdt/7454">massivement dirigés vers les voies professionnelles</a> ; la parenthèse de mixité du collège se referme ainsi rapidement, et il y a fort à parier que les amitiés entre jeunes socialement distants auront plus de difficultés à survivre dans le temps.</p>
<p>En revanche, si l’on forme l’espoir plus raisonnable d’une bonne entente entre enfants, d’un contexte scolaire globalement apaisé, et, malgré tout, de l’apparition et de la persistance d’au moins quelques amitiés fortes entre classes sociales, alors tout indique que la mixité sociale des établissements fait déjà beaucoup. Il est vrai que les situations locales varient fortement : selon les politiques d’établissement, la configuration urbaine ou encore l’implication des parents d’élèves, le degré de ségrégation des amitiés pourra beaucoup varier.</p>
<p>Mais dans tous les cas, il convient de comparer la situation des établissements mixtes à celle des collèges les plus ségrégés : dans ceux-ci, les relations entre enfants de différents milieux sociaux sont, par définition, pratiquement inexistantes. Les politiques de mixité sociale à l’école permettent donc bel et bien de favoriser une certaine diversité amicale que les élèves n’expérimenteraient tout simplement pas autrement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197750/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Timothée Chabot a reçu des financements de l'Institut Universitaire Européen de Florence pour mener l'enquête décrite dans cet article.</span></em></p>Les politiques de mixité sociale amènent-elles vraiment les élèves à diversifier leurs fréquentations et à nouer des amitiés hors de leur milieu d’origine ? Retour sur une enquête au collège.Timothée Chabot, Post-doctorant, Institut National d'Études Démographiques (INED)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1931932023-02-13T14:27:32Z2023-02-13T14:27:32ZLe tirage au sort pour favoriser la diversité en milieu académique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/498534/original/file-20221201-6191-5xi2n0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C2%2C992%2C640&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En plus de réduire l’impact des préjugés inconscients, le tirage au sort permet de rendre le processus d’évaluation des candidatures moins exigeant en temps et en ressources. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Initialement une idée un peu loufoque, le tirage au sort commence à être pris au sérieux par de nombreuses agences de financement de la recherche. En effet, il s’agit d’une solution prometteuse pour accroître l’équité, la diversité et l’inclusion (EDI) dans le milieu académique.</p>
<p>Plusieurs <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-019-03572-7#ref-CR1">membres de la communauté de recherche</a> estiment que l’évaluation par les pairs ne permet pas de comparer équitablement des dossiers jugés similaires, rendant la sélection entre ces dossiers plus sensibles aux <a href="https://www.usherbrooke.ca/edi/fileadmin/sites/edi/Feuillet_final.pdf">préjugés inconscients</a> et autres biais d’évaluation. Il importe de rappeler que l’évaluation par les pairs, bien qu’elle se veuille aussi objective que possible, comporte toujours une part de subjectivité.</p>
<p>Mes recherches portent sur les enjeux d’équité, de diversité et d’inclusion dans les milieux de la recherche et de l’enseignement postsecondaire. Ainsi, je suis constamment en quête d’idées et de pratiques qui favorisent une participation en recherche juste, équitable et représentative de l’ensemble de la population. Sachant que le tirage au sort est peu connu à l’échelle canadienne, je présente ici certains cas provenant de l’international et récemment présentés dans <a href="https://rqedi.com/wp-content/uploads/2022/11/Pratiques-innovantes-en-EDI-par-les-organismes-subventionnaires-VF-C.pdf">un rapport produit pour les Fonds de recherche du Québec</a>.</p>
<h2>L’anonymisation des dossiers pour accroître la diversité</h2>
<p>Pour favoriser le soutien à des projets de recherche innovateurs, le Conseil de recherche en santé de Nouvelle-Zélande (Health Research Council of New Zealand ; HRC) a implanté en 2013 un processus d’anonymisation et de tirage au sort des candidatures de la <a href="https://gateway.hrc.govt.nz/funding/researcher-initiated-proposals/2021-explorer-grants">subvention Explorer</a>. La subvention Explorer soutient des propositions de recherche ayant le potentiel de faire un changement révolutionnaire dans le secteur de la santé néo-zélandais.</p>
<p>Dans ce programme, les dossiers à évaluer sont d’abord anonymisés. Le comité évalue les dossiers pour déterminer si le projet proposé répond aux deux critères de sélection : le potentiel de progrès scientifique et la viabilité du projet. Les dossiers qui satisfont aux deux critères sont tous également susceptibles d’être financés. Un générateur de nombres aléatoires ordonne ensuite les dossiers.</p>
<p>En 2020, une <a href="https://doi.org/10.1038/d41586-019-03572-7">étude</a> sonde l’acceptabilité du tirage au sort dans l’allocation de la subvention Explorer. Parmi les 126 personnes sondées, 63 % ont affirmé que le tirage au sort est une méthode satisfaisante pour sélectionner les projets à financer dans le cadre de ce programme, cet appui étant plus élevé chez les personnes ayant bénéficié d’une subvention Explorer. De façon plus informelle, en entretien, l’équipe du HRC nous a partagés que le processus d’anonymisation est lié à une augmentation de la diversité des parcours des personnes candidates.</p>
<p>Dans la même veine, en 2019, le Fonds de recherche autrichien (FWF) a lancé un projet pilote pour son <a href="https://scilog.fwf.ac.at/en/article/10632/support-risk-takers">programme « 1 000 idées »</a>. Ce programme vise à financer des projets audacieux dans toutes disciplines, ayant un potentiel de découverte révolutionnaire et le processus de sélection inclut là aussi un projet anonymisé et un tirage au sort.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/-sKTaa85nno?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Que sont les biais inconscients ?</span></figcaption>
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<h2>Réduire les biais et départager les dossiers équivalents</h2>
<p>En 2018, <a href="https://www.revue-horizons.ch/2018/06/05/pourquoi-ne-pas-tirer-au-sort-les-projets-de-recherche-a-financer/">Matthias Egger</a> – président du Conseil de la recherche du Fonds national suisse (FNS) – lance l’idée du tirage au sort dans la communauté de recherche suisse. Peu de temps après, le Fonds national suisse de la recherche scientifique a mis en place une procédure de tirage au sort pour un programme de bourses postdoctorales. En plus de réduire l’impact des préjugés inconscients, cette mesure permet également de rendre le processus d’évaluation des candidatures moins exigeant en temps et en ressources.</p>
<p>À la suite de cette expérience positive ayant fait l’objet d’une <a href="https://bmjopen.bmj.com/content/11/5/e047386">publication scientifique</a>, le tirage au sort a été inclus dans les <a href="https://www.snf.ch/fr/JyifP2I9SUo8CPxI/news/news-210331-les-decisions-peuvent-etre-prises-par-tirage-au-sort">règlements d’organisation</a> de la façon qui suit :</p>
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<p>Les décisions de financement peuvent s’appuyer de manière prépondérante sur l’évaluation réalisée par des expertes externes ou, en cas de fonds d’encouragement insuffisants, on peut sélectionner par tirage au sort des requêtes impossibles à différencier d’un point de vue objectif.</p>
</blockquote>
<p>Le FNS informe les requérant·e·s dont le financement a été accepté ou non par tirage au sort. En mars 2021, le tirage au sort a été utilisé sur seulement 9 propositions sur 278, <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-021-01232-3">soit 3,2 %</a>.</p>
<p>Plus récemment, en septembre 2022, la <a href="https://www.thebritishacademy.ac.uk/comment/comment-the-british-academy-is-trialling-a-new-fairer-method-of-selecting-its-small-research-grants-heres-why/">British Academy</a>, l’académie nationale des sciences humaines et sociales du Royaume-Uni a annoncé la mise en place du tirage au sort pour attribuer le financement à deux dossiers équivalents. En effet, les membres du comité d’évaluation affirment qu’il y a deux fois plus de propositions qui atteignent le seuil d’excellence, mais qu’il est impossible toutes les accepter. Le tirage au sort permet donc de « choisir » sans biais les dossiers financés.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/498538/original/file-20221201-16851-syova6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="personnes de toutes origines ethniques joignent leur main" src="https://images.theconversation.com/files/498538/original/file-20221201-16851-syova6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/498538/original/file-20221201-16851-syova6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/498538/original/file-20221201-16851-syova6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/498538/original/file-20221201-16851-syova6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/498538/original/file-20221201-16851-syova6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/498538/original/file-20221201-16851-syova6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/498538/original/file-20221201-16851-syova6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’évaluation par les pairs, bien qu’elle se veuille aussi objective que possible, comporte toujours une part de subjectivité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Pourquoi adopter le tirage au sort ?</h2>
<p>Les arguments avancés ci-haut par le HRC et le FNS dans l’adoption du tirage au sort se reflètent dans une <a href="https://rori.figshare.com/articles/report/Why_draw_lots_Funder_motivations_for_using_partial_randomisation_to_allocate_research_grants_RoRI_Working_Paper_No_7_/17102495">étude</a> sur les facteurs facilitant ou limitant l’implantation de méthodes de tirage au sort dans les organismes subventionnaires.</p>
<p>Les résultats tirés d’entretiens avec des personnes influentes dans des organismes subventionnaires montrent deux motivations à adopter le tirage au sort, soit :</p>
<ul>
<li><p>des visées d’équité, dont différencier des propositions équivalentes lorsque le financement est limité ; et</p></li>
<li><p>favoriser un plus grand éventail de sujets et types de recherches, notamment les recherches potentiellement révolutionnaires.</p></li>
</ul>
<p>L’étude note aussi que les requérant·e·s montrent moins d’hostilité dans la réception d’un refus de financement qu’attendu par les organismes subventionnaires.</p>
<h2>Pour la suite</h2>
<p>Cette discussion, qui semblait impossible il y a cinq ou dix ans, prend de plus en plus <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-022-02959-3">d’ampleur</a>. Au Canada, les agences subventionnaires se questionnent sur les pratiques à adopter afin d’accroître la représentativité des personnes et projets financés.</p>
<p>À mon avis, le tirage au sort est une solution simple et avantageuse qui permet notamment d’alléger la tâche considérable d’évaluation. Mais surtout, face au tirage au sort, chaque individu ou projet est complètement égal !</p>
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<p><em>Les exemples de mise en place de tirage au sort pour le Conseil de recherche en santé de Nouvelle-Zélande et du Fonds national suisse sont tirés du rapport <a href="https://rqedi.com/wp-content/uploads/2022/11/Pratiques-innovantes-en-EDI-par-les-organismes-subventionnaires-VF-C.pdf">Pratiques innovantes en EDI par les organismes subventionnaires</a> publié en novembre 2022 par le Réseau interuniversitaire québécois pour l’équité, la diversité et l’inclusion pour les Fonds de recherche du Québec.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193193/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mirjam Fines-Neuschild reçoit un financement de l'Université Concordia pour son stage post-doctoral. </span></em></p>Adopter le tirage au sort dans l’octroi de financement de recherche maintient et même, augmente la qualité des projets financés.Mirjam Fines-Neuschild, Chercheure post-doctorale, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1887752023-01-11T15:30:42Z2023-01-11T15:30:42ZPrincipes EDI : les équipes de travail doivent être inclusives et la collaboration, transdisciplinaire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/484136/original/file-20220912-12-4uwcf0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C0%2C989%2C561&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les équipes de travail inclusives composées de personnes d’origines, d'expériences et d’identités diverses, aux savoirs théoriques et expérientiels complémentaires, sont essentielles pour résoudre les problèmes contemporains d’une manière plus représentative de nos sociétés.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Les principes d’équité, diversité et inclusion (EDI) occupent une place de plus en plus importante dans les milieux politiques, de santé, d’enseignement et de <a href="https://www.nserc-crsng.gc.ca/InterAgency-Interorganismes/EDI-EDI/index_fra.asp">recherche</a>. Les équipes de travail inclusives composées de personnes d’origines, d’expériences et d’identités diverses, aux savoirs théoriques et expérientiels complémentaires, sont essentielles pour résoudre les problèmes contemporains d’une manière <a href="https://cfsg.espaceweb.usherbrooke.ca/formation-en-equite-diversite-et-inclusion/">plus représentative de nos sociétés</a>.</p>
<p>Or, la mise en place de mesures d’EDI se limite trop souvent à ajouter des personnes issues de groupes sous-représentés au sein d’équipes de travail déjà existantes, <a href="https://www.oxfordreference.com/view/10.1093/oi/authority.20110803104818992">sans toutefois revoir leur fonctionnement, leurs pratiques et leurs valeurs</a>. Pour tirer avantage de l’inclusion d’une diversité identitaire, disciplinaire et expérientielle dans nos institutions et ainsi les rendre plus équitables, nous estimons que les équipes de travail devraient mettre en place une collaboration transdisciplinaire.</p>
<p>Même si la transdisciplinarité est souhaitable pour permettre la convergence et le respect de différents points de vue à l’intérieur de ces équipes, ce modèle collaboratif demeure mal compris. À titre de chercheuses spécialisées en éthique, nous proposons d’apporter un éclairage sur le concept de transdisciplinarité.</p>
<h2>Qu’est-ce que la transdisciplinarité ?</h2>
<p>La transdisciplinarité vise à résoudre un <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/npss/2011-v7-n1-npss1827471/1007083ar/">problème d’intérêt concret et complexe</a> en réunissant trois caractéristiques distinctives. Afin de les illustrer, prenons l’exemple d’une équipe mandatée d’augmenter l’accessibilité d’un réseau municipal de transport en commun.</p>
<p>Premièrement, la transdisciplinarité implique de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13561820500082529">transcender les frontières disciplinaires</a>, c’est-à-dire d’intégrer et de dépasser les différentes perspectives représentées au sein de l’équipe. En lien avec notre exemple, les membres de l’équipe (experts en transport, gestionnaires, personnes vivant une expérience de handicap et représentants de différents groupes sociaux) partagent leurs connaissances, expériences et compétences. Ce faisant, leurs rôles deviennent indifférenciés, au lieu d’être compartimentés en fonction de leur champ d’expertise initial.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/484137/original/file-20220912-18-3dj5cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="personnes diverses travaillent dans un bureau" src="https://images.theconversation.com/files/484137/original/file-20220912-18-3dj5cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484137/original/file-20220912-18-3dj5cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484137/original/file-20220912-18-3dj5cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484137/original/file-20220912-18-3dj5cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484137/original/file-20220912-18-3dj5cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484137/original/file-20220912-18-3dj5cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484137/original/file-20220912-18-3dj5cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La transdisciplinarité implique de transcender les frontières disciplinaires.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Deuxièmement, ce modèle collaboratif requiert de mettre en commun des concepts, des approches et des valeurs issues de plusieurs perspectives disciplinaires et expérientielles afin de créer un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/027795369290038R">cadre conceptuel transdisciplinaire</a>. Concernant notre exemple, les membres de l’équipe construisent une représentation schématique intégrant leur compréhension commune des causes (barrières physiques, discrimination) et des conséquences (isolement social) du manque d’accessibilité des transports en commun. De plus, ils définissent des valeurs partagées, telles que l’inclusion sociale et la justice, qui orienteront les actions de l’équipe.</p>
<p>Troisièmement, la transdisciplinarité nécessite une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/nuf.12200">prise de décision partagée</a> par l’ensemble des membres de l’équipe selon une approche non hiérarchique. Relativement à notre exemple, ce mode de fonctionnement horizontal permet de générer des pistes de solutions signifiantes pour tous, au lieu de refléter l’opinion des membres traditionnellement en position de pouvoir. Pour soutenir leurs échanges, les membres de l’équipe ont avantage à s’appuyer sur les valeurs et principes d’une <a href="https://www.pulaval.com/livres/la-communaute-de-recherche-philosophique-applications-et-enjeux">communauté de recherche philosophique</a>.</p>
<p>En somme, les trois caractéristiques de la transdisciplinarité sollicitent de l’ouverture et de l’humilité de la part des membres de l’équipe.</p>
<h2>Une métaphore alimentaire à la rescousse</h2>
<p>La transdisciplinarité est fréquemment confondue avec d’autres pratiques liées à la collaboration ou à l’EDI. Pour clarifier ce modèle collaboratif, il importe de le différencier de trois autres concepts apparentés, soit la multidisciplinarité, l’interdisciplinarité et l’intersectionnalité. Pour ce faire, une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/17330451/">métaphore alimentaire</a> est utilisée.</p>
<p>La <a href="https://gdt.oqlf.gouv.qc.ca/ficheOqlf.aspx?Id_Fiche=8462755">multidisciplinarité</a> est une pratique de collaboration qui consiste à additionner plusieurs perspectives disciplinaires ou expérientielles au sein d’une équipe afin que chacune d’entre elles réponde à un objectif distinct. En d’autres termes, chaque membre de l’équipe accomplit un rôle spécifique à son champ d’expertise en parallèle aux autres. La multidisciplinarité peut donc être comparée à une salade, puisque les ingrédients qui la composent, à l’instar de l’expertise des membres de l’équipe, sont clairement distinguables les uns des autres.</p>
<p>L’<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/17330451/">interdisciplinarité</a>, pour sa part, est un modèle collaboratif où différents types de savoirs sont mis en relation au sein d’une équipe, c’est-à-dire qu’ils sont coordonnés vers l’atteinte d’objectifs communs. Précisément, les membres d’équipes interdisciplinaires maintiennent leur champ d’expertise, mais leurs rôles peuvent se rejoindre puisqu’ils travaillent conjointement. En conséquence, l’interdisciplinarité peut être comparée à un mijoté, puisqu’à l’image des ingrédients qui sont reliés entre eux, les contributions des membres de l’équipe sont liées par des objectifs communs.</p>
<h2>Distinguer la transdisciplinarité de l’intersectionnalité</h2>
<p>La transdisciplinarité, comme nous l’avons vu, est une pratique collaborative qui se distingue des deux précédentes du fait que les différents champs disciplinaires et expérientiels sont intégrés et transcendés par le cadre conceptuel transdisciplinaire. Autrement dit, les membres de l’équipe agissent selon une approche unifiée, de sorte qu’il n’est pas possible de reconnaître leur expertise individuelle. La transdisciplinarité peut ainsi être comparée à un gâteau, car ses ingrédients sont homogénéisés et forment un résultat final différent de leur état d’origine.</p>
<p>L’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=LY_39mLmqDw">intersectionnalité</a>, quant à elle, est un concept qui permet de comprendre l’expérience de discrimination de personnes qui se situent au croisement de plusieurs catégories identitaires (capacité, classe sociale, origine ethnique, sexe).</p>
<p>De fait, l’intersectionnalité peut servir de cadre pour analyser la manière dont plusieurs systèmes d’oppression (<a href="https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/capacitisme">capacitisme</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Classisme#:%7E:text=Le%20classisme%20est%20une%20discrimination,bas%C3%A9e%20sur%20des%20crit%C3%A8res%20%C3%A9conomiques.">classisme</a>, racisme, sexisme) s’articulent et se renforcent mutuellement pour maintenir l’inégalité de représentation de certains groupes de personnes au sein de nos institutions. En lien avec la métaphore, une analyse intersectionnelle pourrait mettre en lumière comment le croisement des caractéristiques de certains ingrédients (apparence, groupe alimentaire, valeur nutritionnelle) contribue à leur exclusion des recettes susmentionnées.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/LY_39mLmqDw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Qu’est-ce que l’intersectionnalité ?</span></figcaption>
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<h2>Bonnes pratiques transdisciplinaires</h2>
<p>Pour assurer la mise en place d’équipes transdisciplinaires équitables, diversifiées et inclusives, <a href="https://depot-e.uqtr.ca/id/eprint/9154/">notre recherche</a> a permis d’identifier trois bonnes pratiques à adopter.</p>
<p>En premier lieu, il est nécessaire d’impliquer tous les membres de l’équipe dans l’élaboration et la révision du cadre conceptuel transdisciplinaire afin qu’aucune perspective ne soit indûment mise de côté. En deuxième lieu, il importe que l’équipe transdisciplinaire instaure des temps de discussion spécifiques à la réflexion éthique sur les valeurs qui guident leurs décisions. Enfin, il est essentiel que l’équipe transdisciplinaire ait des ressources suffisantes et des opportunités d’échanges fréquentes pour entrecroiser et transformer leurs perspectives.</p>
<p>Du fait qu’elle permet d’intégrer une pluralité de perspectives disciplinaires et expérientielles selon une approche non hiérarchique, la transdisciplinarité est une avenue prometteuse pour instaurer des pratiques de collaboration cohérentes avec les principes d’EDI au sein de nos institutions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/188775/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sandrine Renaud est membre de l'Ordre de ergothérapeutes du Québec et de l'Association canadienne des ergothérapeutes. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marie-Josée Drolet a reçu des financements de divers organismes subventionnaires pour soutenir des recherches depuis 2011, dont le FRQS, le CRSH, le FRQSC, le RQRV, l'UQTR et la Fondation de l'UQTR, pour nommer les principaux.. </span></em></p>Au-delà de ces efforts symboliques d’inclusion, la mise en place d’une véritable collaboration transdisciplinaire est nécessaire pour tirer avantage de la pluralité des perspectives.Sandrine Renaud, Candidate au doctorat en philosophie (concentration éthique appliquée), Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)Marie-Josée Drolet, Professeure titulaire en éthique, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1959842022-12-11T16:55:58Z2022-12-11T16:55:58ZLa pluridisciplinarité, un frein pour les chercheurs dans leur avancement de carrière<p>La <a href="https://theconversation.com/fr/topics/diversite-23117">diversité</a> est la bienvenue dans le monde de l’entreprise, à tel point que les plus grandes d’entre elles ont aujourd’hui des « Chief Diversity Officers » dont la mission est de permettre que des parcours variés et une fertilisation croisée entre différents domaines donnent naissance à de nouvelles idées. Une <a href="https://www.bcg.com/fr-fr/publications/2018/how-diverse-leadership-teams-boost-innovation">étude</a> réalisée par le Boston Consulting Group révèle en effet qu’avec des équipes plus diverses, l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/innovation-21577">innovation</a> génère une part plus importante du chiffre d’affaires de l’entreprise, avec à la clé 19 % d’avantage concurrentiel et d’amélioration des performances financières.</p>
<p>Pourtant, les attitudes territoriales restent omniprésentes, tout particulièrement dans le milieu universitaire. Notre récente <a href="https://pubsonline.informs.org/doi/10.1287/orsc.2022.1610">étude</a> suggère que les scientifiques qui affichent d’excellents résultats dans plus d’un domaine tendent à être pénalisés en termes d’avancement de carrière. Ceci est vrai dans le monde académique, mais probablement dans d’autres professions, avec pour conséquence un impact potentiellement négatif sur l’innovation et la créativité.</p>
<h2>Considéré comme « peu qualifié »</h2>
<p>L’état de l’art dans ce domaine suggère que les scientifiques avec une carrière pluridisciplinaire sont victimes de discrimination. Dans un contexte d’évaluation, leur travail est en effet perçu comme confus. Ils sont généralement considérés comme moins compétents et moins fiables que les scientifiques dont le profil correspond strictement à une seule discipline. L’idée générale est que si vous touchez à tout, vous êtes forcément moins capable qu’un spécialiste et plus difficile à classer. Vous êtes donc considéré comme « peu qualifié ».</p>
<p>Nous avions postulé que lorsqu’un grand nombre d’informations étaient disponibles à propos d’un candidat pluridisciplinaire prouvant qu’il était un bon scientifique, ce candidat serait considéré comme bon et ne serait pas pénalisé de la sorte. Nous pensions qu’un excellent CV pallierait le problème et nous avons entrepris de mettre ce concept à l’épreuve.</p>
<p>En analysant un ensemble de données provenant du système d’accréditation pour les candidats au professorat, nous avons été surpris de constater que ce n’est pas parce qu’ils étaient moins compétents que les candidats pluridisciplinaires étaient pénalisés. Bien au contraire.</p>
<p>Notre étude révèle que les candidats pluridisciplinaires sont plus susceptibles d’être désavantagés si leurs résultats académiques sont meilleurs que ceux de leurs pairs. Les pénalités appliquées aux candidats pluridisciplinaires très performants sont supérieures de 50 % à celles attribuées à leurs homologues peu performants. Les scientifiques qui affichent le plus grand nombre de citations et de publications sont donc ceux qui rencontrent le plus de difficultés lors des évaluations, malgré leur excellent CV.</p>
<h2>« Maintien des frontières »</h2>
<p>Ces observations vont à l’encontre des recherches menées jusqu’à présent. Ce n’est pas parce qu’un candidat pluridisciplinaire est peu performant qu’il est pénalisé : c’est même tout le contraire. Nous pensons que ceci est dû à un effet de « maintien des frontières ». En cherchant à éviter une érosion des frontières et ce qui est perçu comme une dégradation de la discipline, les évaluateurs la protègent en tenant à l’écart les candidats pluridisciplinaires.</p>
<p>Cette attitude paraît logique pour un certain nombre de raisons. Les scientifiques performants qui possèdent une expérience transversale peuvent plus facilement remettre en question le statu quo. Ils peuvent avoir davantage de ressources à leur disposition ou même des fonctions éditoriales dans des revues importantes. Ces personnes peuvent être perçues comme présentant un risque majeur de vouloir apporter des changements à la discipline, qui ne seront pas forcément du goût de tous. A contrario, les candidats pluridisciplinaires peu ou moyennement performants ne représentent pas le même degré de menace, et risquent moins d’être confrontés à de telles pénalités ou discriminations.</p>
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<p>Nos résultats suggèrent que les recherches pluridisciplinaires dans le milieu académique, qui seraient considérées comme bénéfiques pour générer de nouvelles manières de penser, sont difficiles à mettre en œuvre en raison de cet obstacle important de « maintien des frontières ». Ces résultats sont plus marqués dans les « petites » disciplines, et dans celles qui sont très exclusives en matière de revues scientifiques.</p>
<p>Une autre hypothèse est que les personnes décisionnaires choisissent d’éliminer les personnes talentueuses car elles sont des concurrents directs de leurs évaluateurs. Même si nous contrôlons cette variable dans notre étude, il est très difficile de la séparer de toutes les autres variables, aussi cette hypothèse de concurrence n’est pas à écarter.</p>
<h2>Le risque de « pensée de groupe »</h2>
<p>L’innovation et la créativité naissent indéniablement du conflit et de la différence. Si tout le monde a le même profil et partage les mêmes idées et points de vue, il sera difficile d’amener de nouvelles manières de penser dans un domaine. Une absence de diversité pourrait être un vrai obstacle au développement de disciplines ou professions académiques, avec un risque élevé de « pensée de groupe ».</p>
<p>Nos résultats suggèrent que de meilleurs processus de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/recrutement-33086">recrutement</a> et d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/evaluation-43771">évaluation</a> pourraient désamorcer l’effet de maintien des frontières. Les départements ou équipes avec une forte identité ont de fortes chances selon nous de pénaliser les candidats les plus performants, ce qui peut être problématique du point de vue des dirigeants. L’évaluation de la capacité et l’expérience doit donc être améliorée afin de garantir que les candidats pluridisciplinaires ne seront pas éliminés pour cette raison.</p>
<p>Notre étude démontre que les candidats brillants sont recalés parce qu’ils ne correspondent pas à un profil défini. Ceci pourrait nuire considérablement à l’avenir des recherches académiques et cet effet peut également s’appliquer à certaines professions. Les départements à forte identité, qu’ils appartiennent au monde universitaire ou à l’entreprise, peuvent mettre de la mauvaise volonté à accueillir des candidats aux profils différents.</p>
<p>Ces résultats peuvent s’appliquer à tout type de décision où des personnes sont recrutées à l’extérieur et des décisionnaires sont impliqués dans l’entité. Nos résultats suggèrent enfin qu’une profession ayant le sentiment d’être une minorité menacée sera d’autant plus sensible à cet effet de maintien des frontières. Les professions et groupes organisationnels relativement petits et avec une forte identité ont les plus fortes chances d’être victimes de cet effet.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195984/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Jourdan ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une recherche récente démontre que les scientifiques spécialisés ont tendance à écarter leurs pairs pluridisciplinaires – notamment les plus brillants. Une situation qui pénalise l’innovation.Julien Jourdan, Professeur Associé, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1959482022-12-08T19:25:07Z2022-12-08T19:25:07ZL’inclusion, un impératif de droit et d’esprit<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/498945/original/file-20221205-17-1hln9a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=150%2C0%2C1045%2C662&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les notions d’inclusion ou de diversité comportent des soubassements politiques moins visibles.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixnio.com/fr/art-fr/sculptures-fr/statue-bronze-art-sculpture-justice-equilibre-droit#">Pixel2013/Pixnio </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Lorsque l’on parle actuellement d’inclusion, on a en vue l’intégration de toutes les diversités, sur le fond des différences de sexes, âges, origines ethniques, obédiences religieuses, etc. Intégration <a href="https://nondiscrimination.toulouse.fr/victime-aide-et-recours/ce-que-dit-la-loi">défendue par la loi</a>. C’est en particulier ce qui se passe dans la vie économique : les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/entreprises-20563">entreprises</a> qui se veulent « inclusives » suivent les courants actuels – et les règles. Ceci, parfois de façon superficielle ou exclusivement pour se conformer aux normes émergentes, sans mesurer en quoi la notion d’inclusion est tout à fait fondamentale.</p>
<p>Ce que l’on demande de nos jours, bien sûr à juste titre mais de manière insuffisante, sont les inclusions des personnes handicapées, des femmes, des jeunes, des personnes âgées, etc. Et cette manière dont l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/inclusion-67041">inclusion</a> et la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/diversite-23117">diversité</a> sont abordées revient à oublier que l’inclusion est sur le principe celle de chacune et chacun, <em>indépendamment de quelque caractéristique que ce soit, physique ou psychologique</em> (sexe, âge, couleur de peau, religion, orientation sexuelle, etc.).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/qualite-de-vie-au-travail-bienvenue-dans-lere-du-greatwashing-115241">Qualité de vie au travail : bienvenue dans l’ère du « greatwashing »</a>
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<p>Autrement dit, la véritable inclusion consiste en la reconnaissance universelle de l’irréductible individualité de chaque personne. Sans que l’inclusion ait à voir avec tel sexe, tel âge, telles origines ethniques, telle obédience religieuse, etc.</p>
<p>Bien comprendre l’inclusion demande de comprendre comment on <em>s’écoute</em> les uns les autres. Or, il suffit de constater que lorsqu’on fréquente quelqu’un depuis longtemps on croit connaître la personne, pour s’apercevoir du problème. Car lorsqu’on <em>croit</em> connaître quelqu’un, qu’on apprécie ou pas la personne, le plus souvent on ne s’adresse plus à la personne lors des échanges qu’on a avec elle, mais à <em>l’idée</em> qu’on en a acquise lors des expériences passées qu’on a eues avec elle.</p>
<p>De là viennent la plupart des malentendus, car alors on ne s’écoute pas. On <em>pré-juge</em> de ce que l’autre est ou veut ou fera en fonction du passé. Et on est enfermé dans l’idée qu’on a de l’autre. On ne s’écoute plus les uns les autres <em>au présent</em>.</p>
<p>Ce qui précède présente certains points communs avec la vie <em>politique</em>.</p>
<h2>Inclusion et la politique</h2>
<p>Lorsque l’on <em>pré-juge</em> de l’autre – de son identité, de ses intentions, de ses projets, etc. – on l’enferme dans les projections qu’on a et fait de lui ou elle qui dépendent du <em>passé</em>. L’on est soi-même phagocyté par le passé. On entraîne alors l’autre dans le trou noir de nos remords, de nos ressentiments, de nos haines, de nos habitudes de considérer l’autre « comme ceci ou cela ».</p>
<p>L’exemple de la <a href="https://www.leparisien.fr/international/crise-en-ukraine-face-a-vladimir-poutine-les-limites-du-droit-international-23-02-2022-HV5MD4JEDVGIHE24DT5PFDTL6E.php">guerre menée par la Russie contre l’Ukraine</a> montre éminemment que ce qui est en question ici vaut malheureusement tout autant, si ce n’est encore plus, en politique que sur le plan du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/droit-21145">droit</a> et de la morale individuelle. Pour bien comprendre ce qui se joue à propos de l’idée d’inclusion, il est indispensable de comprendre ce qu’on peut appeler la « tension » entre Droit et Politique.</p>
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<p>La vie <a href="https://theconversation.com/fr/topics/politique-21233">politique</a> est tôt ou tard conditionnée par <a href="https://calmann-levy.fr/livre/la-notion-de-politique-9782702109427">deux couples</a> de catégories : le couple ami/ennemi d’un côté, et le couple gouvernant/gouverné de l’autre. L’un des penseurs les plus complets est à ce propos le juriste allemand Carl Schmitt. C’est regrettable à dire, car il a fait le choix du nazisme pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais il reste l’un des plus importants penseurs sur la question (voir à ce sujet la correspondance entre Alexandre Kojève et Leo Strauss, <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-de-Philosophie/De-la-tyrannie-precede-de-Hieron-de-Xenophon-suivi-de-Tyrannie-et-sagesse-d-Alexandre-Kojeve-Mise-au-point-de-Leo-Strauss-et-de-Correspondance-Leo-Strauss-Alexandre-Kojeve-1932-1965"><em>De la tyrannie</em></a>)</p>
<p>Or si, dans nos démocraties, l’on sait en principe faire jouer le couple gouvernant/gouverné sur la base de <em>l’écoute</em> des uns par les autres, et notamment au travers du droit de vote, il en va tout autrement du couple ami/ennemi. Car si une solution diplomatique à un conflit n’est pas trouvée, ce qui compte alors n’est plus d’« écouter » l’autre. Ce qui compte, c’est de lutter et de gagner la lutte.</p>
<p>Or, lutter pour gagner présente exactement la même caractéristique que ce que l’on vient de voir au sujet des relations entre personnes, ou entre communautés en fonction d’un passé qui – dans le cas de conflits politiques – compromet toute écoute : <em>on connaît l’« autre » à l’avance, ce qu’il fera, ce qu’il dira, et l’on n’envisage aucun autre possible</em>.</p>
<p>La plupart du temps, non seulement les conflits ne trouvent alors pas de solution diplomatique parce qu’ils résultent d’une absence d’écoute, mais ils la radicalisent, en renforçant la conviction que l’on connaît « à l’avance » l’autre, et en particulier ses intentions, ses perversions, ses désirs de pouvoir, etc.</p>
<p>On peut aller jusqu’à dire que <em>la vie politique passe par l’institution d’ennemis publics comme tels</em> – de <a href="https://www.grasset.fr/livres/des-choses-cachees-depuis-la-fondation-du-monde-9782246618416">boucs émissaires</a>. Guerres ou individus en conflit, se joue la même logique délétère. Du point de vue de Schmitt, le politique tient même de l’institution de l’ennemi public comme tel par quoi se structure une communauté d’amis. La question de l’inclusion devient dès lors celle du rapport entre Droit (à l’inclusion) et (vie) Politique.</p>
<h2>Irréductible individualité</h2>
<p>Cette inséparabilité entre tensions et <em>pré-jugés</em> fait que le deuxième couple de la vie politique, le couple gouvernant/gouverné, se trouve plus que fréquemment pris dans ce même mouvement vers une absence d’écoute, et du coup une montée structurelle des tensions. Quel est l’enjeu de cette remarque ?</p>
<p>Si l’« Occident » est pour le moins problématique – il suffit pour s’en convaincre de penser aux événements majeurs du XX<sup>e</sup> siècle –, il recèle tout autant des merveilles. Il est en effet à l’origine de la notion de « reconnaissance universelle de l’irréductible individualité » de chacune et chacun, comme le soulignait le philosophe Alexandre Kojève en 1947 dans son <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Bibliotheque-des-Idees/Introduction-a-la-lecture-de-Hegel"><em>Introduction à la lecture de Hegel</em></a>.</p>
<p>Autrement dit, qu’on le veuille ou non, l’« Occident » est <em>à l’origine</em> de la notion contemporaine <em>d’inclusion</em>.</p>
<p>Il a fallu des siècles de prises de conscience et de luttes politiques <em>pour la reconnaissance</em>, pour que devienne possible la notion d’État de droit, qui est la seule forme d’État susceptible de défendre et protéger légalement le respect et la dignité de chacune et chacun, c’est-à-dire l’inclusion de toutes et tous.</p>
<p>L’État de droit est la seule forme de gouvernement à avoir pour mission la reconnaissance universelle de l’irréductible individualité de chacune et chacun – donc <em>l’inclusion de toutes les diversités</em>, celles déjà connues et celles à venir. Il est capital, si l’on veut défendre l’inclusion des diversités, de défendre et protéger en retour la notion d’État de droit – c’est-à-dire la démocratie.</p>
<p>Il est par conséquent décisif, sur le plan politique, de défendre la réalité des États de droit existant dans le monde, et de <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782373440690-kojeve-l-homme-qui-voulait-tout-savoir-laurent-bibard/">tout faire pour les multiplier</a>. Cela veut dire, par-delà les modes et leurs appropriations par les mondes social et économique, d’avoir conscience du <em>soubassement politique des notions d’inclusion et de diversité</em>.</p>
<p>Il est indispensable, si l’on veut préserver la possibilité de vraies inclusions des diversités, d’avoir une conscience sans cesse aiguisée des conditions <em>politiques</em> de leur possibilité. Et s’impose ceci : défendre la possibilité des inclusions des diversités demande une <em>politique</em> – c’est-à-dire une lutte.</p>
<p>La politique ou la <em>lutte</em> pour la reconnaissance de chacune et chacun est le moyen. L’inclusion de chacune et chacun en son irréductible individualité protégée par l’éducation de tous et le Droit est le résultat. Il faut être prêts et prêtes à défendre l’inclusion donc le Droit – y compris, si les circonstances l’exigent, les armes à la main comme l’a par exemple fait la <a href="https://theconversation.com/la-preuve-par-trois-trop-humains-pour-se-passer-dethique-132367">Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale</a>.</p>
<h2>Le Droit, c’est nous</h2>
<p>Par-delà les armes et par-delà le Droit, la première arme, la plus fondamentale et la plus efficace, est faite de nos cœurs. Elle est que nous <em>croyions</em> toutes et tous à l’inclusion de toutes et tous. Autrement dit, que l’inclusion ne soit pas un vœu pieux : 1) qu’elle ne reste pas lettre morte (comme peuvent l’être certains effets d’annonce de toutes sortes d’organisations, des entreprises privées aux organismes publics) ; 2) ni ne doive être le seul fait de la puissance publique armée. Mais qu’elle soit le fait de toutes et tous.</p>
<p>Si nous voulons que perdure en France la possibilité insigne du respect de chacune et chacun par toutes et tous, nous devons non seulement respecter le <em>Droit</em>, mais <em>l’esprit</em> du régime démocratique pour lequel des générations entières se sont battues. Et ceci, au jour le jour, dans la vie la plus quotidienne.</p>
<p>Il est du devoir de tout un chacun dans la société civile d’œuvrer à la sauvegarde du droit de chacun dans les familles, dans les quartiers, les entreprises, et le pays.</p>
<p>Dans la vie.</p>
<p>Le Droit, c’est nous, au jour le jour.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195948/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Bibard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L'Etat de droit est là pour faire respecter l’inclusion de toutes et tous. Il faut donc le défendre.Laurent Bibard, Professeur en management, titulaire de la chaire Edgar Morin de la complexité, ESSEC Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1902612022-09-13T19:18:14Z2022-09-13T19:18:14ZRishi Sunak premier ministre : la « diversité » toute relative du gouvernement britannique<p>Pour de nombreux britanniques d'origine sud-asiatique et particulièrement indienne, l'annonce de Rishi Sunak comme successeur à Liz Truss à Downing Street<a href="https://www.theguardian.com/politics/2022/oct/24/rishi-sunak-becomes-first-british-pm-of-colour-and-also-first-hindu-at-no-10"> est une occasion de se réjouir</a>. Premier <a href="https://www.hindustantimes.com/world-news/rishi-sunak-uk-new-prime-minister-rishi-sunak-news-liz-truss-boris-johnson-akshata-murty-rishi-sunak-becomes-uk-s-first-indian-origin-prime-minister-101666604703595.html">«Premier ministre» d'origine indienne</a> comme le souligne le <em>Hindustan Times</em> en Inde, la trajectoire de cet homme politique (parti conservateur) s'inscrit dans une nouvelle génération politique issue de l'immigration, mais aussi aisée financièrement et bien connectée. </p>
<p>Aux quatre postes clés de <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/09/07/liz-truss-la-premiere-ministre-britannique-nomme-un-gouvernement-de-fideles_6140473_3210.html">l'éphémère gouvernement Truss</a>, on ne trouvait déjà aucun homme blanc. </p>
<p><a href="https://www.france24.com/fr/europe/20220807-course-%C3%A0-downing-street-rishi-sunak-peut-il-rattraper-son-retard-sur-liz-truss">Rishi Sunak</a> est issu d’une famille aisée originaire de la communauté indienne jadis installée au Kenya. Il est par ailleurs <a href="https://www.journaldequebec.com/2022/10/24/lepouse-de-rishi-sunak--femme-daffaires-ultrafortunee-qui-nest-pas-domiciliee-au-royaume-uni-1">l'époux d'Akshata Murthy</a>, fille du fondateur d'Infosys, géant indien des technologies dont la valeur est aujourd'hui estimée à 100 milliards de dollars. </p>
<p>Autre membre important du gouvernement Truss: <a href="https://www.gov.uk/government/people/kwasi-kwarteng">Kwasi Kwarteng</a>, originaire du Ghana et chargé de l’Économie et les Finances. Les Affaires étrangères avaient été confiées à <a href="https://www.gov.uk/government/people/james-cleverly">James Cleverly</a>, d’origine sierra-léonaise, et l’Intérieur à <a href="https://www.gov.uk/government/people/braverman">Suella Braverman</a>, d’origine indienne et mauricienne.</p>
<p>Ces personnalités ne ressemblent donc guère à la majorité des quelque 160 000 adhérents au parti conservateur. Ce dernier dont la base militante est essentiellement <a href="https://www.sudouest.fr/international/europe/royaume-uni/ages-blancs-et-males-qui-sont-les-electeurs-conservateurs-qui-choisissent-le-premier-ministre-britannique-11832788.php">blanche, masculine et issue de la classe moyenne</a>, serait-il devenu le nouveau symbole de la diversité ?</p>
<p>Rien n’est moins sûr. Derrière cette vitrine, qui permet au parti d’afficher l’image d’une modernité représentative de la société britannique (14 % de la population est issue des minorités ethniques d’après le <a href="https://www.ons.gov.uk/census/2011census/2011censusdata">recensement de 2011</a>), transparaît une classe politique beaucoup plus uniforme qu’il n’y parait et unie par des convictions similaires et un profil socio-démographique homogène.</p>
<h2>« Less stale, pale and male »</h2>
<p>Depuis plusieurs années, les élections législatives sont l’occasion de voir émerger une nouvelle classe politique plus jeune, plus féminine et plus diverse – ou, pour reprendre la formule anglaise consacrée, « moins mûre, moins pâle et moins masculine » (« less stale, pale and male »).</p>
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<p>Aux <a href="https://www.robert-schuman.eu/fr/doc/oee/oee-1586-fr.pdf">élections législatives de 2015</a>, 41 députés dits « BAME » (ou « Black and Asian Minority Ethnic ») (sur un total de 650) ont fait leur entrée au Parlement, dont 23 conservateurs. <a href="https://journals.openedition.org/rfcb/2079">En 2017</a>, ils étaient 52, dont 19 conservateurs ; et depuis les dernières élections de décembre 2019, qui ont <a href="https://theconversation.com/large-victoire-electorale-de-boris-johnson-quelles-consequences-pour-le-royaume-uni-et-pour-le-brexit-128866">permis au parti de Boris Johnson de remporter une forte majorité</a>, ils sont 65, dont 22 conservateurs.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1220117531031109633"}"></div></p>
<p>Au sein des Tories, ce résultat est le fruit d’un dispositif mis en place en 2006 par le nouveau dirigeant du parti, David Cameron, baptisé la <a href="https://www.independent.co.uk/news/uk/politics/tories-quietly-drop-david-cameron-s-alist-for-minority-candidates-8199985.html">« A-list »</a> et favorisant les candidatures parlementaires de femmes et de personnes issues de minorités ethniques dans des circonscriptions acquises aux conservateurs.</p>
<p>Liz Truss elle-même avait <a href="https://www.politics.co.uk/reference/elizabeth-truss/">bénéficié de ce dispositif</a>. Mais qui sont aujourd’hui vraiment ces élus conservateurs d’origine immigrée ?</p>
<h2>Des personnalités au profil très libéral</h2>
<p>Sur le plan idéologique, ils présentent un profil assez homogène : la majorité d’entre eux a défendu le Brexit avec passion et affiche des positions ultra-libérales sur les questions économiques et sociales. Une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/14782804.2020.1745161">étude</a> que j’ai réalisée auprès des nouveaux élus de 2015 montrait que les minorités ethniques étaient surreprésentées parmi les « Brexiters » du parti. Sur un total de 17 députés issus de l’immigration, 11 avaient fait campagne en faveur du retrait du pays de l’UE, soit 64,7 %, alors que sur l’ensemble du groupe parlementaire (330), ils n’étaient que 144 (43,6 %).</p>
<p>Mais cette proportion était encore plus forte chez les nouveaux élus conservateurs issus de l’immigration, car sur les 7 députés concernés, 5 avaient fait campagne pour le Leave, soit 71,4 %. Plusieurs explications pouvaient être avancées, notamment leur sélection par le parti dans des circonscriptions notoirement favorables au Brexit… ou leurs origines.</p>
<p>On peut en effet comprendre l’intérêt accru de ces députés, originaires pour la plupart des pays du Commonwealth, pour une diplomatie du « grand large » et non limitée à l’UE. Très critiques par ailleurs du principe de libre circulation qui aurait favorisé une <a href="https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2006-4-page-373.htm">immigration est-européenne</a> au détriment de l’immigration historique issue notamment de l’Inde, du Pakistan et du Bangladesh, ces députés ont souvent été de fervents défenseurs d’une <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-europeenne-2020-4-page-166.htm">« Global Britain »</a> post-impériale, hyperglobale, ouverte au reste du monde mais surtout aux anciennes colonies et dominions de l’Empire britannique comme l’Inde ou l’Australie.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1075814977305481216"}"></div></p>
<p>Dans ce contexte précis, la politique inclusive mise en œuvre par le parti conservateur pour sélectionner ses futurs députés s’est avérée particulièrement efficace, la diversité apparaissant comme une stratégie judicieuse permettant à ces députés de parler sans complexe d’immigration et de Brexit sans craindre d’être taxé de xénophobie.</p>
<p>Autre point de convergence idéologique entre ces députés : une conception libertarienne qui plaide pour un désengagement massif de l’État. En 2012, Kwasi Kwarteng, ex-Chancelier de l’Échiquier <a href="https://www.liberation.fr/international/europe/royaume-uni-kwasi-kwarteng-le-tres-critique-ministre-des-finances-prend-la-porte-20221014_KIJOZMUNENEGDP4ACWZV3DWO5A/">démis de ses fonctions le 14 octobre</a>, et Priti Patel, l’ancienne ministre de l’Intérieur (2019-2022), avaient cosigné avec Liz Truss et d’autres collègues un pamphlet intitulé <a href="https://www.theguardian.com/books/2012/sep/27/britannia-unchained-global-lessons-review"><em>Britannia Unchained: Global Lessons for Growth and Prosperity</em></a>, qui préconisait une libéralisation complète de l’économie britannique, l’extension de zones franches et déréglementées, une fiscalité minimale et dénonçait l’oisiveté des salariés britanniques.</p>
<p>Les partisans de cette tendance qu’on pourrait presque appeler néo-thatchérienne se retrouvent donc aujourd’hui proches d'un parti qui a pourtant été réélu en décembre 2019 sur la base d’un programme interventionniste destiné à aider significativement les régions les plus défavorisées du nord-est de l’Angleterre, en promettant de « rehausser » (« level-up ») le niveau de vie de leurs habitants.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/boris-johnson-et-la-bataille-du-nord-de-langleterre-152330">Boris Johnson et la bataille du nord de l’Angleterre</a>
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<h2>L’effacement de l’ethnicité au profit d’une idéologie conservatrice</h2>
<p>La plupart des députés issus des minorités ethniques déclarent représenter leur parti avant tout. À l’inverse de leurs homologues travaillistes, souvent élus dans des circonscriptions à forte population immigrée pour défendre les intérêts des catégories sociales qu’ils représentent, leurs collègues conservateurs <a href="https://trueafrica.co/article/british-politician-kwasi-kwarteng-on-why-identity-politics-are-undemocratic/">réfutent</a> l’idée de servir les intérêts de ces seuls groupes.</p>
<p>Ils veillent même à s’en éloigner, agissant parfois contre leurs intérêts : Priti Patel s’est illustrée comme une ministre de l’Intérieur <a href="https://www.bbc.com/news/uk-61808120">intransigeante sur l’immigration</a> et particulièrement sévère envers l’immigration clandestine ; lorsqu’elle était procureure générale, Suella Braverman a œuvré pour <a href="https://news.sky.com/story/government-diversity-training-riddled-with-left-wing-views-says-suella-braverman-12665204">supprimer la formation à la diversité et à l’inclusion</a> au sein de son administration, jugeant qu’il s’agissait d’un gaspillage d’argent public.</p>
<p>Au-delà de leurs convictions communes, les élus conservateurs issus de l’immigration affichent aussi un profil social homogène. Les sept personnalités nommées par Liz Truss étaient issues de classes moyennes, souvent aisées. Kwasi Kwarteng est le fils d’un diplomate et d’une avocate. Le ministre des Relations intergouvernementales et de l’Égalité des chances Nadhim Zahawi est le fils d’un homme d’affaires d’origine kurde vivant en Irak. Kemi Badenoch, <a href="https://www.telegraph.co.uk/politics/2022/10/22/tory-leadership-race-boris-johnson-rishi-sunak-penny-mordaunt/">qui a soutenu Sunak </a> et a été secrétaire d’État au Commerce international sous Truss, est fille de médecin . Tous, sauf deux d’entre eux, ont étudié dans des écoles privées onéreuses ; et deux ministres, Suella Braverman et Kwasi Kwarteng, ont étudié à l’université de Cambridge.</p>
<p>Ce dernier, passé par le prestigieux pensionnat privé pour garçons d’Eton et par <a href="https://www.cairn.info/l-apprentissage-du-savoir-vivant--9782130474821-page-117.htm">« Oxbridge »</a> (formule indiquant les deux universités les plus sélectives du pays, Oxford et Cambridge), est un pur produit de l’éducation élitiste à l’anglaise. Tous les sept, à l’exception de Nadhim Zahawi, forment des couples mixtes avec des conjoints qui ne sont pas issus de minorités ethniques.</p>
<p>Si ces ministres n’hésitent pas à mettre leurs origines en avant pour assainir et moderniser l’image de leur parti, ils n’en sont pas moins des conservateurs radicaux qui rejettent le concept même de « minorité » et ce qu’il implique. Comme l’expliquait Suella Braverman pour justifier la fin de la formation à la diversité dans son ancien ministère :</p>
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<p>« (Cette réforme) a été source de division et non d’inclusion […] fondée sur l’hypothèse qu’en tant que femme d’origine asiatique, issue des classes populaires, je suis forcément une victime, opprimée. C’est une hypothèse erronée, source de division. »</p>
</blockquote>
<p>Cette diversité tant vantée dans les médias ressemble donc à une jolie vitrine qui lui permet de nommer des ministres appartenant à la ligne « dure » du parti sur les sujets les plus sensibles comme le rôle de l’État ou l’identité nationale. On pourrait même craindre qu’elle ne soit finalement qu’un alibi les autorisant à mener des réformes douloureuses au motif que leur parcours personnel les exonère d’emblée des critiques éventuelles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190261/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Agnès Alexandre-Collier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Plusieurs ministres de premier plan nommés par Liz Truss dénotent avec le profil des électeurs traditionnels du parti conservateur. Cela aura-t-il un impact sur la politique du nouveau gouvernement ?Agnès Alexandre-Collier, Professeur de civilisation britannique, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1809172022-07-07T12:25:34Z2022-07-07T12:25:34ZProtéger la diversité génétique pour mieux faire face à l’adversité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/467279/original/file-20220606-14-l9xwus.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C1%2C992%2C682&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une érosion sans précédent de la diversité génétique s’observe actuellement chez les espèces rares comme les espèces les plus communes. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Face à la <a href="https://www.sciencepresse.qc.ca/actualite/detecteur-rumeurs/2021/12/14/3-choses-savoir-crise-biodiversite">crise de biodiversité</a> qui s’opère actuellement, il est plus que jamais crucial d’adopter une transformation du rapport de la société à la nature, pour conserver et soutenir des écosystèmes résilients. Cette transformation exige un suivi permanent impliquant des mesures de progrès pertinentes et fiables, pour tous les niveaux de biodiversité. Quels sont ces niveaux ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/utiliser-ladn-pour-suivre-avec-precision-la-trace-des-animaux-dans-leur-milieu-naturel-167934">Utiliser l’ADN pour suivre avec précision la trace des animaux dans leur milieu naturel</a>
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<p>En biologie, on en reconnaît <a href="https://canadianbiodiversity.mcgill.ca/francais/theory/threelevels.htm">généralement trois</a> : la diversité génétique, la diversité des espèces et la diversité des écosystèmes. Depuis 1992, la Convention sur la diversité biologique (<a href="https://www.cbd.int/doc/legal/cbd-fr.pdf">CBD</a>) des Nations unies – traité international dont le but général est d’encourager des mesures qui conduiront à un avenir durable – s’est engagée à les conserver.</p>
<p>Alors que la CBD s’affaire à <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.aba6592">protéger les espèces de l’extinction</a> et à <a href="https://www.globalcitizen.org/en/content/30x30-land-and-ocean-by-2030-explainer/">préserver les écosystèmes terrestres et aquatiques</a>, des objectifs ambitieux et quantitatifs sont encore manquants pour la diversité génétique. Or, une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/eva.12810">érosion sans précédent de cette dernière</a> s’observe actuellement chez les espèces rares comme les espèces les plus communes.</p>
<p>Cette perte est sérieuse ; la diversité génétique est nécessaire aux espèces pour s’adapter à l’intensité et au rythme actuel des changements environnementaux, incluant le changement climatique et les maladies émergentes.</p>
<p>Je cumule plus de 10 ans d’expérience de recherches appliquées dans la conservation d’espèces en péril et la gestion d’espèces exploitées. Au cours des dernières années, j’ai élaboré des avis et recommandations éclairés en termes de gestion des populations pour surveiller et protéger la diversité génétique.</p>
<h2>Papillon blanc, papillon noir</h2>
<p>Quand on parle de diversité génétique, à quoi réfère-t-on ? À de la variation entre des invididus d’une espèce qui existe au niveau des gènes – encodés dans l’ADN – et qui est transmissible d’une génération à l’autre. L’ADN est un code unique à chaque être vivant sur la Terre. L’ADN est organisé en gènes, qui contiennent les instructions pour faire fonctionner les organismes, de la même façon que plusieurs lettres sont assemblées pour faire des mots qui eux-mêmes permettent de raconter une histoire.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/c3Oj1I_gX80?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Qu’est-ce que la diversité génétique ?</span></figcaption>
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<p>Ainsi, de petites différences dans l’ADN (mutations) peuvent être responsables de changer la couleur des yeux d’un individu, au même titre qu’une lettre peut changer la signification d’un mot. Les différences au niveau de l’ADN parmi tous les individus d’une espèce constituent la diversité génétique de cette espèce.</p>
<p>De ce fait, chez les espèces à forte diversité génétique, il y a beaucoup de modifications au niveau de l’ADN des individus qui sont responsables des <a href="https://www.futura-sciences.com/sante/questions-reponses/corps-humain-genetique-sont-caracteres-hereditaires-2621/">différences notables</a> au niveau de certains traits importants qui ne sont <a href="https://www.techno-science.net/glossaire-definition/Groupe-sanguin-page-3.html">pas nécessairement visibles</a>. Ces espèces sont davantage susceptibles de faire face aux changements environnementaux. C’est ce qu’on appelle l’adaptation.</p>
<p>Le cas du <a href="https://planet-vie.ens.fr/thematiques/genetique/mutation-reparation/la-mutation-a-l-origine-du-melanisme-industriel-de-la">papillon poivré</a> en est un parfait exemple : la diversité génétique naturelle chez les papillons poivrés produit différentes couleurs au niveau des ailes, du blanc au noir. Avant la révolution industrielle, les papillons avec des ailes claires étaient les plus communs étant donné leur meilleur camouflage sur des écorces de bouleaux que celui des papillons à ailes foncées. La révolution industrielle a engendré une forte pollution de l’air, allant jusqu’à couvrir les troncs d’arbres et les ternir. Le camouflage des papillons à ailes claires est donc devenu plus difficile, et ils sont rapidement devenus des proies faciles pour les oiseaux. De l’autre côté, les papillons à ailes foncées ont pu commencer à se camoufler aisément sur ces troncs d’arbres noirs. Les papillons à ailes foncées sont devenus donc plus susceptibles de vivre assez longtemps pour se reproduire et avoir une progéniture.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/467257/original/file-20220606-12-qptfum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="papillons de nuit blancs et noirs sur écorce d’arbre" src="https://images.theconversation.com/files/467257/original/file-20220606-12-qptfum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/467257/original/file-20220606-12-qptfum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/467257/original/file-20220606-12-qptfum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/467257/original/file-20220606-12-qptfum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/467257/original/file-20220606-12-qptfum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/467257/original/file-20220606-12-qptfum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/467257/original/file-20220606-12-qptfum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La diversité génétique naturelle chez les papillons poivrés produit différentes couleurs au niveau des ailes, du blanc au noir.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<h2>Qui dit faible diversité dit faible survie</h2>
<p>À l’inverse, chez une espèce présentant une faible diversité génétique, on retrouve une variété limitée d’allèles (différents états d’un gène), et donc une faible différence observée entre les individus de cette espèce. Cela se traduit simplement par de moins bonnes opportunités de s’adapter à un changement environnemental. Dans l’exemple du papillon poivré, on peut imaginer que si les allèles responsables de coder pour des ailes noires n’avaient pas été présents dans l’espèce (en raison d’une diversité génétique amoindrie), ces derniers auraient probablement succombé à la révolution industrielle.</p>
<p>Les petites populations isolées finissent par perdre de leur diversité génétique, car peu d’individus survivent, se reproduisent et transmettent leurs gènes. Dans ces populations, le choix de partenaires sexuels est également amoindri, forçant les individus à se reproduire avec des individus apparentés ; on parle alors de consanguinité. Les individus consanguins sont connus pour être plus affaiblis et présenter des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/ajp.20445">taux de mortalité de 30 à 40 % plus élevés</a> que des individus issus de croisement d’individus non apparentés. <a href="https://conbio.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/conl.12412">Si la diversité génétique est trop basse, les espèces sont ainsi menées à l’extinction et peuvent être perdues à jamais</a>.</p>
<p>C’est en ce sens que depuis des décennies, les recherches à la fois <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0169534714002511">théoriques</a> et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0169534714002286">empiriques</a> s’accordent pour dire que la conservation de la diversité génétique améliore nettement la viabilité des espèces. La diversité génétique constitue ainsi le fondement de la résilience en nature, particulièrement pour la survie aux températures et aux évènements climatiques extrêmes qui sévissent.</p>
<h2>Nous sommes responsables de l’extinction des espèces</h2>
<p>Un triste constat s’ajoute cependant à l’ensemble de ces connaissances : les activités anthropiques sont responsables de la perte de diversité génétique, et ce, à un rythme accablant. La composition génétique d’une espèce est en effet très nettement impactée par la fragmentation d’habitat, qui elle est fortement associée à l’urbanisation ou l’utilisation des terres agricoles. Une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/eva.12810">récente méta analyse</a> révèle notamment une perte de 6 % de diversité génétique dans les populations sauvages d’une centaine d’espèces depuis la révolution industrielle.</p>
<p>L’impact de l’exploitation des populations sauvages est tout aussi consternant : on observe une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/mec.12509">diversité génétique des poissons exploités qui est 12 % plus faible que celles de leurs homologues non exploités</a>. Si aucune action de protection n’est prise, on prévoit un <a href="https://www.zsl.org/sites/default/files/LPR%202020%20Full%20report.pdf">déclin de 68 % dans la taille des populations de vertébrés</a>, ce qui se traduirait par une perte de plus de 50 % de diversité génétique pour de <a href="https://academic.oup.com/bioscience/article/71/9/964/6278470">nombreuses espèces</a>.</p>
<h2>Surveiller et protéger la diversité génétique</h2>
<p>Jusqu’à présent, la faible priorité donnée à la protection de la diversité génétique était en partie liée à (i) des lacunes de connaissances dans des domaines clés, notamment l’importance de la diversité génétique, (ii) à la faible disponibilité des données génétiques, ainsi (iii) qu’à l’inaccessibilité des concepts et informations pertinentes par les décideurs. Cependant, de nombreuses avancées pavent désormais la voie à une meilleure intégration de la diversité génétique dans les instruments politiques et les efforts de conservation.</p>
<p>Par exemple, <a href="https://reader.elsevier.com/reader/sd/pii/S016953472100313X?token=3310C526CACD2B42411E3E1F257346D42EB11593D37D989B617F0B69A62A6D312DEEE0988A176C7F65DC3903A7E4884D&originRegion=us-east-1&originCreation=20220607004328">l’essor des nouvelles technologies génétiques</a> a permis de faire exploser la diversité des sources d’échantillons pouvant procurer de l’ADN. Ainsi, l’ADN issu de fossiles, de musées, d’herbiers ou de spécimens archivés peut nous servir à documenter des niveaux de diversité génétique de référence dans le temps.</p>
<p>La variation d’ADN peut aussi désormais être caractérisée à partir de cheveux, de fèces et autres sources non invasives, incluant les méthodes d’échantillonnage de l’<a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/edn3.176">ADN environnemental</a>. Tout ceci rend le suivi génétique possible, routinier et abordable, même pour des espèces rares, dangereuses ou insaisissables. Des actions fondées sur des politiques peuvent donc être mises en place pour améliorer le statut de la diversité génétique.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/467565/original/file-20220607-15930-4twrx5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="schéma d’une molécule d’ADN" src="https://images.theconversation.com/files/467565/original/file-20220607-15930-4twrx5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/467565/original/file-20220607-15930-4twrx5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/467565/original/file-20220607-15930-4twrx5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/467565/original/file-20220607-15930-4twrx5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/467565/original/file-20220607-15930-4twrx5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/467565/original/file-20220607-15930-4twrx5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/467565/original/file-20220607-15930-4twrx5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">De nouvelles technologies génétiques rendent la récolte d’ADN possible, routinière et abordable.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Une lueur d’espoir pour la conservation de la diversité génétique</h2>
<p>Enfin, de nouvelles initiatives relient les décideurs à l’expertise, favorisant l’application des données génétiques. Des réseaux tels que le Groupe sur les observations de la Terre de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (<a href="https://www.iucn.org/fr">UICN</a>)contribuent à la surveillance de la diversité génétique. Ces organisations ont permis de produire des notes d’orientations, des rapports techniques et des tutoriels sur les concepts clés en conservation et les technologies de la génétique. <a href="https://academic.oup.com/bioscience/article/71/9/964/6278470">Un article récemment publié dans la revue scientifique Biosciences</a> résume ces développements et invite les nations à élaborer des programmes solides de surveillance de la diversité génétique, ainsi qu’à prendre des engagements formels avant qu’il ne soit trop tard.</p>
<p>La diversité génétique doit être conservée avec la même urgence que la diversité des espèces, pour soutenir la sécurité alimentaire, le bien-être, la culture et l’adaptation.</p>
<p>Chercheurs et professionnels de la conservation doivent travailler avec les décideurs pour un avenir résilient.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180917/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne-Laure Ferchaud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La diversité génétique est capitale pour la survie des écosystèmes. Des engagements internationaux sont plus que jamais nécessaires et maintenant réalisables pour optimiser sa protection.Anne-Laure Ferchaud, Postdoctorante en génomique de la conservation, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1831772022-06-21T14:13:07Z2022-06-21T14:13:07ZQuelles solutions pour prolonger la vie professionnelle des travailleurs plus âgés ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/467523/original/file-20220607-22-7kjn49.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C1000%2C663&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La pénurie de main-d'oeuvre pourrait être en partie combler si les professionnels plus âgés étaient incités à demeurer sur le marché du travail.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le Québec <a href="https://www.revuegestion.ca/penurie-de-main-douvre-la-catastrophe-annoncee">vit une grave pénurie de main-d’œuvre</a>, dont les effets se font sentir dans tous les secteurs de la vie économique. Certaines entreprises, notamment en restauration, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1886852/travail-enfant-quebec-loi-convention-normes-adolescence">n’hésitent pas à embaucher des enfants de 11 ans</a>, pour combler le manque de personnel.</p>
<p>Parmi les solutions figurent une <a href="https://www.lesoleil.com/2022/03/11/penurie-de-main-duvre-des-incitatifs-pour-favoriser-le-retour-au-travail-des-aines-f3e6c09cbd4b943cc30786447869db53">meilleure rétention sur le marché du travail des travailleurs plus âgés</a>, notamment avec des incitatifs financiers. Au Québec, la cohorte des 55 ans et plus <a href="https://www.desjardins.com/ressources/pdf/pv090721f.pdf">est parmi la moins nombreuse au pays à être encore sur le marché du travail</a>.</p>
<p>Comme chercheurs en management, les incidences du vieillissement de la population sur les pratiques de gestion des ressources humaines s’avèrent cruciales à investiguer. Notre équipe de recherche, composée de Marie-Ève Beauchamp-Legault, Félix Ballesteros, Victor Haines, Tania Saba et moi-même, <a href="https://doi.org/10.1017/S0714980821000362">avons mené une étude</a> visant à explorer les pratiques de gestion des professionnels âgés dans le secteur des services financiers. Celui-ci fait face à d’énormes pressions avec l’émergence de l’intelligence artificielle, des services numériques, etc.</p>
<p>Nous avons mené des entrevues d’environ une heure avec des dirigeants de 16 grandes organisations du secteur des services financiers du Québec, situées dans les régions de Montréal et de Québec (Banque Nationale, Desjardins, Financière Sun Life, Alliance industrielle, Intact Assurance, etc.).</p>
<p>Le Québec représente 20 % de la part canadienne du PIB du secteur de l’assurance. Quatre sièges sociaux d’institutions financières sont à Montréal, et des banques internationales y ont centralisé leurs activités de back-office. Les participants interrogés étaient des directeurs (ressources humaines, acquisition de talents, gestion des talents), des vice-présidents, un cadre supérieur de succursale et un consultant en ressources humaines stratégiques.</p>
<p>Nous nous sommes appuyés sur le <a href="https://www.oxfordhandbooks.com/view/10.1093/oxfordhb/9780199207268.001.0001/oxfordhb-9780199207268-e-2">modèle de la boîte noire de la gestion des ressources humaines</a>.</p>
<p>Ce modèle illustre les liens entre des processus et les intentions des dirigeants lorsqu’il est question d’adopter des politiques de gestion particulières à divers égards (RH, marketing, finance, opérations), à prendre des décisions (budgets, politiques RH) qui sont interprétées individuellement et collectivement par l’ensemble du personnel, à influencer le climat organisationnel et les résultats de l’organisation (productivité, flexibilité, performance, diversité).</p>
<p>Globalement, nos résultats confirment l’importance de l’appui des dirigeants lorsqu’il est question de culture organisationnelle et l’adoption de pratiques RH pour retenir plus longtemps en emploi les professionnels de la finance plus âgés.</p>
<h2>Une ouverture aux aînés très variable</h2>
<p>L’ouverture des dirigeants rencontrés au maintien en emploi des professionnels plus âgés est variable et peut se situer sur un continuum allant d’une absence de volonté à un climat d’ouverture à la diversité.</p>
<p>À une extrémité du continuum, des employeurs ne voient pas la valeur ajoutée de les garder plus longtemps au travail et s’inquiètent même des perceptions d’iniquité au sein du personnel s’ils leur accordaient un traitement particulier. Ces organisations adoptent peu ou pas de pratiques encourageant les travailleurs âgés à continuer de travailler plus longtemps. Au contraire, ils peuvent même adopter des programmes pour les inciter à prendre leur retraite.</p>
<p>Au centre du continuum, de nombreux employeurs gèrent les demandes de leurs professionnels plus âgés au cas par cas, en fonction de leur poste ou du contexte de leur travail et de leurs caractéristiques individuelles (expertise ou expérience).</p>
<p>Â l’autre extrémité, se trouvent les employeurs les plus favorables avec une culture organisationnelle inclusive et de nombreuses pratiques RH destinées aux professionnels plus âgés et, souvent, à l’ensemble du personnel. Ces employeurs veillent à développer une culture ouverte à la diversité définie de manière large en incluant tous les employés quelles que soient leurs caractéristiques (âge, genre, handicap, etc.) Comme le dit un participant :</p>
<blockquote>
<p>Quoique les conditions de travail que nous offrons se distinguent de celles offertes par nos concurrents, elles restent similaires. Notre entreprise mise plus sur le climat de travail et les valeurs.</p>
</blockquote>
<p>Certains employeurs estiment que l’attraction et le maintien en poste des jeunes professionnels représentent un défi crucial et expriment un malaise à se concentrer sur les professionnels plus âgés :</p>
<blockquote>
<p>Pour les banques, le défi est de changer nos structures traditionnelles et d’aller vers quelque chose de plus flexible. Ce ne sont pas les employés plus âgés qui vont nous mettre au défi, mais les plus jeunes. Je crois fermement que nous ne serons plus en mesure de recruter à l’avenir si nous ne changeons pas notre façon de fonctionner. Un autre participant exprime :</p>
<p>Nous n’avons pas plus besoin de nous adapter aux baby-boomers qu’à la nouvelle génération qui entre sur le marché du travail.</p>
</blockquote>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une femme assise devant son ordinateur, prenant des notes" src="https://images.theconversation.com/files/467525/original/file-20220607-16-nbgu3q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/467525/original/file-20220607-16-nbgu3q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/467525/original/file-20220607-16-nbgu3q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/467525/original/file-20220607-16-nbgu3q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/467525/original/file-20220607-16-nbgu3q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/467525/original/file-20220607-16-nbgu3q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/467525/original/file-20220607-16-nbgu3q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’ouverture des gestionnaires au maintien en emploi des professionnels plus âgés est variable et peut se situer sur un continuum allant d’une absence de volonté à un climat d’ouverture à la diversité..</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des pratiques RH clés</h2>
<p>Le climat d’ouverture et l’appui de la direction sont des préalables cruciaux à la rétention en emploi des professionnels âgés. Ils mènent à l’adoption des pratiques RH clés suivantes :</p>
<p>1) La flexibilité du temps et du lieu de travail (horaire flexible, temps partiel, travail à distance) qui permettent aux professionnels plus âgés de faire une transition graduelle vers la retraite. Cela permet à l’entreprise de ne pas les perdre complètement, eux et leurs connaissances :</p>
<blockquote>
<p>Nous devons soutenir les gens dans leur désir d’atteindre un équilibre entre leur vie privée et leur vie professionnelle, de répondre à leurs demandes de travailler à temps partiel, de commencer à travailler plus tôt ou de partir plus tard. Nous devons être plus flexibles si nous voulons garder les professionnels plus âgés impliqués et les garder au travail.</p>
</blockquote>
<p>2) L’embauche et la promotion des professionnels âgés et des retraités afin de bénéficier de leurs expertises, leurs expériences, leur fiabilité et leur engagement au travail. Des employeurs observent que les candidats âgés sont plus portés à rester plus longtemps à leur emploi que les recrues plus jeunes qui les quittent souvent très vite :</p>
<blockquote>
<p>Nous avons récemment embauché une personne de plus de 55 ans. Dans l’interview, il a dit qu’il voulait travailler encore dix ans. Pour nous, ce 10 ans peut s’avérer aussi précieux sinon plus que d’embaucher un jeune de 30 ans qui pourrait quitter l’entreprise après deux ans parce qu’il cherche d’autres défis.</p>
</blockquote>
<p>Certains employeurs réembauchent leurs retraités sur une base occasionnelle et temporaire en raison de leurs expertises et expériences :</p>
<blockquote>
<p>J’ai un employé à la retraite qui m’aide avec des projets. Nous lui fournissons un téléphone et un ordinateur portable, ce qui lui donne un accès complet.</p>
</blockquote>
<p>3) L’ajustement des rôles et des responsabilités des employés plus âgés en les encourageant, par exemple, à agir comme mentors ou en réduisant leur charge de travail peut aussi les motiver à continuer à travailler plus longtemps :</p>
<blockquote>
<p>Nous devons valoriser l’expérience qu’ils ont acquise et respecter leur besoin d’autonomie et de flexibilité. Comme ils aiment partager leurs connaissances, nous devons créer des occasions pour qu’ils puissent le faire.</p>
</blockquote>
<p>4) L’ajustement de la rémunération directe, des avantages sociaux et de la reconnaissance. Certains employeurs payent des primes de rétention à des professionnels clés plus âgés, tandis que d’autres soulignent l’importance d’offrir une rémunération concurrentielle. Les retraités qui veulent travailler à temps partiel ou pendant des périodes de pointes ne devraient pas voir leurs conditions de retraite affectées négativement.</p>
<p>5) La planification de la relève. La rareté de cette pratique s’avère problématique, car les professionnels de la finance qui prennent leur retraite peuvent laisser derrière eux des clients fidèles à leurs services et à l’entreprise depuis des années :</p>
<blockquote>
<p>Ce qui m’inquiète, c’est comment nous allons pouvoir transmettre l’intelligence, les compétences et la capacité d’adaptation des 25 dernières années aux générations futures.</p>
</blockquote>
<h2>Le défi du transfert des connaissances</h2>
<p>Les changements technologiques et structurels importants dans le secteur des services financiers font en sorte que les employeurs rivalisent pour attirer des candidats ayant une formation récente en analyse prédictive, en intelligence artificielle, en programmation et en maintenance des systèmes.</p>
<p>Les professionnels plus âgés n’ont pas toujours ces compétences. Toutefois, il y aura toujours des départements, comme ceux des ventes, du service et du suivi des réclamations, <a href="https://www.e-elgar.com/shop/gbp/handbook-of-banking-and-finance-in-emerging-markets-9781800880894.html">qui resteront prioritaires et nécessiteront leurs expertises</a>. Comme nous l’exprime un participant :</p>
<blockquote>
<p>Leur force est leur expérience pratique. Ils ont des réseaux incroyables. Ce sont des choses que vous n’apprenez pas à l’école. C’est une richesse énorme.</p>
</blockquote>
<p>L’intelligence artificielle ne remplacera pas la valeur du jugement humain fondé sur la connaissance de l’histoire et de la culture organisationnelles, ainsi que l’empathie et l’éthique. Il s’avère donc particulièrement important d’informer, de sensibiliser et de former le personnel sur les biais de l’âgisme.</p>
<p>Il importe aussi que les professionnels des RH promulguent l’adoption de <a href="https://doi.org/10.3390/su14010484">pratiques RH qui répondent aux besoins d’autonomie, de relation et de développement des travailleurs âgés</a>. Qui sait ? La pandémie de Covid-19 aura peut-être été bénéfique à la rétention en emploi des professionnels plus âgés en imposant le travail à distance au sein d’organisations. Celles du secteur financier se montraient jusqu’alors frileuses à cet aménagement de travail pour des raisons de confidentialité, de protection des données ou autres. Ce n’est plus le cas.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183177/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs tiennent à remercier le Conseil de la recherche en sciences humaines (CRSH) du Canada pour avoir financé le programme de recherche dans lequel s'insère leur étude, ainsi que Finance Montréal et MITACS pour leurs appuis à cette étude.</span></em></p>L’appui des dirigeants et l’adoption de bonnes pratiques permettent de retenir plus longtemps en emploi les professionnels de la finance plus âgés.Sylvie St-Onge, Professeur titulaire de Management et GRH/ Full professor of Management and HRM, HEC MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1841292022-06-06T13:55:46Z2022-06-06T13:55:46ZCe que l’épilepsie nous enseigne sur la diversité et la résilience<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/466382/original/file-20220531-26-x3evvv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C992%2C666&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’épilepsie se caractéristique principalement par la présence apparemment spontanée et récurrente de crises, souvent déclenchées par le stress ou un stimuli visuel.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>De nos jours, on reconnaît de plus en plus l’importance de l’équité, de la diversité et de l’inclusion au sein de la société et de ses institutions. Les organisations de pointe les plus progressistes considèrent que la diversité des personnes est essentielle au <a href="https://www.canada.ca/en/treasury-board-secretariat/corporate/reports/building-diverse-inclusive-public-service-final-report-joint-union-management-task-force-diversity-inclusion.html">succès, à la croissance, à la capacité d’innovation et au développement d’une société</a>.</p>
<p>Les avantages liés à la diversité sont toutefois bien loin d’être exclusifs aux organisations humaines ; l’hétérogénéité et la variabilité sont les principes de conception centraux à tous les systèmes naturels complexes, qu’il s’agisse de <a href="https://doi.org/10.1155/2018/3421529">réseaux écologiques, cellulaires ou génétiques</a>.</p>
<p>Qu’on parle d’un écosystème, de la société ou du cerveau, quel est le lien qui relie cette diversité au fonctionnement et à la stabilité d’un système complexe ?</p>
<p>En tant que chercheurs en neurosciences, nos recherches interdisciplinaires et nos travaux cliniques nous ont poussés vers l’incroyable complexité et la richesse du cerveau humain et des systèmes naturels. Nous cherchons non seulement à mieux comprendre le fonctionnement des circuits du cerveau, mais aussi à développer de nouveaux traitements pour les maladies neurologiques telles que l’épilepsie.</p>
<h2>Diversité rime avec résilience</h2>
<p>Ayant d’abord été élaboré <a href="https://tile.loc.gov/storage-services/service/rbc/rbctos/2017gen17473/2017gen17473.pdf">par Darwin</a>, le concept à l’effet que la diversité engendre la stabilité et la survie a été débattu par des scientifiques issus de nombreuses disciplines <a href="https://doi.org/10.1155/2018/3421529">depuis plus d’un siècle</a>. La capacité des systèmes naturels à résister face aux changements est une caractéristique que l’on appelle la résilience. Cette caractéristique fondamentale émerge des interactions entre les membres d’un même système (par exemple, les espèces d’un écosystème, les individus d’un groupe, les cellules d’un organisme) et lui permet de maintenir ses fonctions au fil du temps.</p>
<p>Le changement met à l’épreuve la résilience. Certains écosystèmes peuvent s’adapter à l’extinction d’espèces spécifiques ou à la sécheresse. Certaines communautés virtuelles ou réseaux sociaux peuvent résister à des cyberattaques. Certaines organisations peuvent poursuivre leurs activités à la suite de conflits, guerres, révolutions politiques ou… pandémies. À la lumière de ces exemples courants et de nombreux autres liés aux sciences sociales ou naturelles, il est aujourd’hui plus important que jamais de comprendre le rôle joué par la diversité dans le maintien de la résilience des systèmes complexes.</p>
<p>Et si des pistes de réponse se trouvaient dans les circuits du cerveau, plus spécifiquement dans un cerveau atteint d’épilepsie ?</p>
<h2>Basculer dans une tempête électrique</h2>
<p>Afin de mieux comprendre, remontons un peu en arrière… Depuis plusieurs années, notre équipe interdisciplinaire étudie l’épilepsie, le <a href="https://doi.org/10.1046/j.1528-1157.43.s.6.1.x">désordre neurologique grave le plus fréquent</a>. L’épilepsie se caractéristique principalement par la présence apparemment spontanée et récurrente de crises, souvent déclenchées par le stress ou un stimulus visuel (comme des <a href="https://doi.org/10.1016/j.cub.2017.03.067">lumières clignotantes ou des images spécifiques</a>). Des recherches récentes ont aussi démontré que la fréquence de ces crises pouvait varier avec le <a href="https://doi.org/10.1038/s41467-017-02577-y">moment du jour ou du mois</a>, en fonction du rythme circadien (cycle éveil-sommeil), par exemple.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/466391/original/file-20220531-22-o8z5oe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="femme se tient contre un mur d’une main et se tient la tête de l’autre alors qu’elle semble avoir un malaise" src="https://images.theconversation.com/files/466391/original/file-20220531-22-o8z5oe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466391/original/file-20220531-22-o8z5oe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466391/original/file-20220531-22-o8z5oe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466391/original/file-20220531-22-o8z5oe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466391/original/file-20220531-22-o8z5oe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466391/original/file-20220531-22-o8z5oe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466391/original/file-20220531-22-o8z5oe.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’épilepsie représente le désordre neurologique grave le plus fréquent.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Sous cet angle, un cerveau atteint d’épilepsie peut être vu comme fragile et peu résilient, basculant régulièrement dans une tempête électrique. Ainsi, plutôt que de s’adapter normalement aux changements, les neurones deviennent disproportionnellement actifs et synchrones, et l’activité électrique intense qui en résulte se propage en perturbant les fonctions cérébrales.</p>
<h2>Des neurones moins diversifiés</h2>
<p>En raison des conséquences importantes de ces crises sur les patients et leurs familles, notre équipe a étudié sans relâche les circuits responsables de leur déclenchement et explore des moyens susceptibles de les prévenir.</p>
<p>Quel rapport y a-t-il entre la diversité et l’épilepsie ? Notre équipe a récemment mesuré l’activité des neurones chez des personnes souffrant d’épilepsie. Nous avons alors remarqué que les neurones situés dans les régions du cerveau responsables du déclenchement des crises d’épilepsie étaient <a href="https://doi.org/10.1016/j.celrep.2022.110863">beaucoup moins diversifiés que ceux des régions non responsables de celles-ci</a>. Ces neurones étaient étrangement similaires les uns aux autres, présentant des caractéristiques et des réponses hautement semblables.</p>
<p>Cette absence de diversité pourrait-elle expliquer pourquoi les cerveaux sujets aux crises sont moins résilients ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1529117822298775553"}"></div></p>
<h2>Des modèles mathématiques à la rescousse</h2>
<p>Afin de répondre à cette question complexe, nous nous sommes tournés vers les mathématiques. Et si, par l’entremise de modèles mathématiques des circuits cérébraux, nous pouvions comprendre comment la diversité des neurones (ou l’absence de celle-ci) prédispose le cerveau aux crises ? Pourrions-nous déterminer si la diversité neuronale accroît la résilience dans le cerveau ? Ces modèles de réseaux de neurones nous permettent non seulement de simuler des crises et étudier leur fonctionnement, mais aussi de varier le niveau de diversité exprimé par nos neurones simulés. Ces équations représentent donc un outil irremplaçable pour mieux comprendre le rôle le la diversité cellulaire dans le fonctionnement du cerveau.</p>
<p>Ces équations ont révélé que lorsque la diversité est <a href="https://doi.org/10.1016/j.celrep.2022.110863">trop faible ou absente</a>, une forme d’activité rappelant des crises d’épilepsie apparaît spontanément, sujette à des changements soudains de synchronisation, rappelant ce que l’on observe lors de crises. Ces résultats sont sans équivoque : un niveau réduit de diversité fragilise ces circuits neuronaux, les rendant peu résilients et incapables de maintenir le type d’activité nécessaire au maintien des fonctions cérébrales.</p>
<p>Que peut-on conclure de ces résultats ? Ils aident à clarifier le rôle joué par la diversité et les différents types de neurones dans le maintien des fonctions cérébrales. Ils nous apportent un regard nouveau sur les maladies neurologiques telles que l’épilepsie, pavant potentiellement la voie à de nouvelles avenues de traitement de ces maladies.</p>
<p>L’utilisation des mathématiques nous permet aussi d’approfondir certaines questions demeurant sans réponse : y a-t-il un niveau optimal de diversité ? Quels sont les différents types de diversité (types de neurones, pluralité d’agencements parmi les connexions qui les relient) et quel est leur rôle dans l’activité du cerveau ? Pourrions-nous augmenter la résilience du cerveau en promouvant la diversité cellulaire, au moyen de la neurostimulation, par exemple ?</p>
<p>Avant tout, nos résultats constituent un rappel frappant du rôle primordial que joue la diversité dans la solidité des systèmes naturels face au changement ; cette vérité ne s’applique pas qu’aux neurones et aux circuits neuronaux, mais aussi aux humains et aux collectivités.</p>
<p>Comme quoi, la diversité est le sel de la vie.</p>
<hr>
<p><em>Nous remercions Catherine Barrette pour la traduction de l’article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184129/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérémie Lefebvre a reçu des financements du Conseil de Recherche en Sciences Naturelles et Genie du Canada (CRNSG) ainsi que des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Taufik A. Valiante a reçu des financements de Krembil Brain Institute, et Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (NSERC)</span></em></p>Les neurones situés dans les régions du cerveau responsables du déclenchement des crises d’épilepsie sont beaucoup moins diversifiés que les neurones des régions non responsables de celles-ci.Jérémie Lefebvre, Professeur agrégé de neurosciences computationnelles et neurophysiologie, L’Université d’Ottawa/University of OttawaTaufik A. Valiante, Neurosurgeon/neuroscientist, University of TorontoLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1805382022-04-05T17:17:49Z2022-04-05T17:17:49ZDiversité dans les universités : l’application de critères homogènes à toutes les facultés s’avère contre-productive<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/456393/original/file-20220405-14259-uixpvi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1000%2C667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Favoriser l’équité, l’inclusion et la diversité des groupes de personnes sous-représentées dans les universités est une bonne chose, mais les critères peuvent favoriser certaines facultés au détriment de d'autres.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Depuis quelques jours, une controverse touche l’Université Laval. Pour viser ou s’approcher des critères ÉDI (équité, diversité, inclusion) imposés par le programme de chaires de recherche du Canada (CRC), les candidat·e·s à de nouvelles chaires doivent obligatoirement se qualifier à l’un des critères ÉDI, à savoir appartenir à une minorité visible, être une femme, autochtone ou en situation de handicap.</p>
<p>Les candidats ne s’inscrivant pas dans ces critères — les hommes blancs en situation de non-handicap — <a href="https://www.ledevoir.com/societe/693216/les-elus-denoncent-l-exclusion-des-hommes-blancs-sans-handicap-d-un-poste-a-l-universite-laval">sont donc <em>de facto</em> exclus de l’appel à candidatures des programmes de chaire</a>.</p>
<p>Si tout le monde semble d’accord sur le fait de favoriser l’équité, l’inclusion et la diversité des groupes de personnes sous-représentées, la chose n’est pas simple à réaliser. D’abord, il faut noter que des cibles à atteindre sont imposées par le programme des chaires de recherche du Canada aux universités sous peine de ne plus se faire financer. Et l’Université Laval n’atteint pas ses cibles.</p>
<p>Je vais appliquer dans cet article les critères ÉDI dans la répartition entre les hommes et les femmes : il s’agit du plus exigeant en termes de proportion (50 % à atteindre pour respecter la répartition dans la population) et les autres données n’étaient pas accessibles. Cet article s’inscrit dans des travaux menés au sein de mon axe de recherche portant sur les enjeux de l’innovation sociale et du design — et notamment ici du design de politique. Les sciences du design sont souvent mal comprises sur ce qu’elles peuvent apporter, étant majoritairement considérées comme un <a href="http://www.contact.ulaval.ca/article_blogue/ce-bel-objet-jaime/">« art du beau »</a>, là où l’on devrait les considérer comme des <a href="http://www.contact.ulaval.ca/article_blogue/design-service-citoyens/">sciences sociales appliquées, au service de la société</a>.</p>
<h2>Une approche stricte</h2>
<p>Si l’objectif fait consensus, c’est la méthode utilisée qui est sujette à débat.</p>
<p>Dans ce cas, elle peut se situer dans un continuum dont voici les deux extrémités :</p>
<ul>
<li><p>Une approche où à compétence égale, on privilégie un·e candidat·e s’inscrivant dans les critères ÉDI ;</p></li>
<li><p>Une approche stricte où l’on n’accepte que les candidatures de personnes remplissant au moins l’un des critères ÉDI.</p></li>
</ul>
<p>Entre ces deux pôles, on peut envisager d’autres approches, par exemple un critère statistique visant à ce que trois chaires sur quatre puissent satisfaire les critères susmentionnés. La méthode choisie ici à l’Université Laval correspond à la version la plus extrême pour satisfaire les critères, l’approche « stricte ».</p>
<p>Il faut dire que l’Université Laval part avec un certain retard sur le sujet. Ainsi, sur le critère du genre, 70 % des titulaires de chaires sont des hommes, 30 % des femmes. On paye l’inaction, ou l’inefficacité d’actions menées pendant trop longtemps. Et on peut ici critiquer le critère « fictif » des compétences égales, qui a retardé l’atteinte de cet objectif. En effet, les CV des hommes progressent plus vite que ceux des femmes pour plusieurs raisons, dont le fait que ces dernières prennent des congés de maternité, et donc qu’elles publient moins « à compétence égale ». <a href="https://doi.org/10.1016/j.respol.2016.05.009">Elles sont aussi moins citées</a>, notamment car elles <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/international-organization/article/gender-citation-gap-in-international-relations/3A769C5CFA7E24C32641CDB2FD03126A">s’autocitent moins que les hommes</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-femmes-universitaires-font-davantage-de-taches-de-soin-mais-elles-ne-sont-pas-reconnues-179047">Les femmes universitaires font davantage de tâches de soin, mais elles ne sont pas reconnues</a>
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<p>Ainsi, ce critère de la préférence pour le candidat ÉDI à compétence égale a tendance à ne pas donner de bons résultats. On trouve généralement un homme qui, à compétence égale, aura davantage publié, été plus cité, etc. Sur papier, il disposera d’un meilleur dossier.</p>
<p>Pour autant, est-il juste d’appliquer un critère aussi strict à l’ensemble de l’Université ? Au-delà de la segmentation entre la satisfaction des critères ÉDI et leur non-satisfaction, n’y a-t-il pas une segmentation plus fine à réaliser pour avoir plus d’impact tout en restant juste ?</p>
<h2>Deux constats</h2>
<p>La comparaison par faculté de l’attribution des chaires de recherche du Canada — financées par les trois conseils de recherche du Canada (CRSH en sciences humaines, CRSNG en sciences naturelles et en génie, IRSC en santé) —, est de ce point de vue fort pertinente et permet de mieux comprendre la dynamique à l’œuvre.</p>
<p>L’Université Laval possède 16 facultés si l’on exclut celle des études supérieures et postdoctorales qui n’a aucun·e professeur·e dans ses effectifs. Le tableau suivant agrège la répartition des chaires de recherche du Canada par faculté et la distribution entre les titulaires hommes et femmes au sein de chacune d’entre elles.</p>
<p>Les données — publiques — proviennent du site Internet de l’Université.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/455885/original/file-20220401-23-ov461h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/455885/original/file-20220401-23-ov461h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/455885/original/file-20220401-23-ov461h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=110&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/455885/original/file-20220401-23-ov461h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=110&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/455885/original/file-20220401-23-ov461h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=110&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/455885/original/file-20220401-23-ov461h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=138&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/455885/original/file-20220401-23-ov461h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=138&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/455885/original/file-20220401-23-ov461h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=138&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Source des données : https://www.ulaval.ca/la-recherche/unites-de-recherche.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les facultés disposant de trois chaires de recherches ou moins ont été agrégées, car cela n’avait que peu de sens de calculer la répartition entre hommes et femmes sur des petits groupes. Par exemple, la Faculté des lettres et sciences humaines dispose d’une seule CRC dont la titulaire est une femme, sans que l’on puisse en conclure grand-chose.</p>
<p><strong>Premier constat : une forte iniquité dans la distribution des CRC</strong></p>
<p>Les quatre premières facultés — à savoir la Faculté de médecine, la Faculté des sciences et de génie, la Faculté des sciences sociales et la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation — représentent 77 % du total. À elles deux, la Faculté de médecine et la Faculté de sciences et de génie comptent pour 52 % du total. Douze facultés disposent de trois CRC ou moins. Cette distribution pose déjà quelques questions. Non pas qu’il faille diminuer le nombre de chaires dans ces facultés bien financées, mais cela souligne le peu de CRC disponibles pour ce qui constitue le reste — la majorité — de l’Université. Un triste effet du sous-financement.</p>
<p><strong>Deuxième constat : la distribution entre hommes et femmes varie beaucoup d’une faculté à l’autre</strong></p>
<p>La distribution en faveur des hommes touche principalement les facultés de médecine, de sciences et de génie et celle des sciences sociales qui regroupent</p>
<p>77 % d’hommes pour 23 % de femmes. À l’inverse, si l’on prend l’ensemble des autres facultés, la répartition est assez équitable (52 % d’hommes pour 48 % de femmes).</p>
<h2>Quelques facultés tirent l’Université vers le bas et contraignent les autres</h2>
<p>Ainsi, quelques facultés (médecine, sciences et génie, sciences sociales), qui regroupent la grande majorité des CRC, sont fortement inéquitables entre la représentation des hommes et des femmes.</p>
<p>Leur poids dans le total des CRC (72 %) et leurs répartitions ÉDI (77 % d’hommes) tirent l’ensemble de l’Université dans le rouge, malgré des critères d’équité atteints dans le reste des facultés. Celles-ci souffrent donc d’une « double » peine : non seulement, elles se voient attribuer un nombre plus limité de chaires et se font donc moins financer, limitant leurs capacités en recherche, mais elles doivent par ailleurs attribuer au faible nombre de nouvelles chaires qu’elles peuvent espérer des critères ÉDI stricts, alors qu’elles les respectent déjà.</p>
<p>La conséquence est contre-productive : les trois principales facultés ne respectant pas les critères ÉDI pourront atteindre des critères moins performants en matière d’ÉDI puisque l’ensemble des autres facultés ne recrutera que des personnes satisfaisant ces critères, alors qu’elles les respectent déjà. Ainsi, elles « sur-performeront ».</p>
<h2>Pour une approche plus équitable</h2>
<p>À la vue de la forte variation des performances ÉDI selon les facultés, je proposerai de réfléchir à une voie alternative, qui vise à mieux segmenter l’application des critères par faculté : il s’agira d’appliquer des critères plus stricts à celles qui n’atteignent pas les cibles, et plus souples pour celles qui les respectent déjà.</p>
<p>À titre d’exemple, je proposerai le modèle suivant :</p>
<ul>
<li><p>Les facultés ne disposant d’aucune CRC ne sont pas tenues d’appliquer de critères ÉDI pour leur première chaire.</p></li>
<li><p>Les facultés disposant d’une à trois CRC appliquent l’approche « à compétence égale ».</p></li>
<li><p>Les facultés disposant de plus de trois CRC appliquent un critère d’équilibre, suivant l’approche « à compétence égale » tant que l’écart n’est pas de plus de deux chaires entre celles dont les titulaires sont des hommes et celles dont les titulaires sont des femmes. Si l’écart est plus grand, une approche « stricte » est alors appliquée.</p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/180538/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Blum a reçu et reçoit des financements du CRSH et travaille pour l'Université Laval.</span></em></p>Si tout le monde semble d’accord sur le fait de favoriser l’équité et la diversité des personnes sous-représentées dans les universités, cela n’est pas simple à réaliser sans créer des injustices.Guillaume Blum, Chercheur au centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie (CIRST), Professeur agrégé à l'École de design, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1715482022-02-15T17:24:36Z2022-02-15T17:24:36ZCe que les séries nous apprennent sur la diversité des profils en entreprise<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/446580/original/file-20220215-23-1c2zdq2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C20%2C1920%2C1417&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans la Quête mythique, la diversité des profils est caricaturée. </span> <span class="attribution"><span class="source">Apple TV</span></span></figcaption></figure><p>Depuis longtemps, les chercheurs en management s’intéressent aux <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/mi/2013-v17-mi0591/1015814ar.pdf">avantages</a> sociopolitiques, financiers et managériaux de la gestion de diversité (sexe, origine ethnique, orientation sexuelle) notamment dans les secteurs ou l’innovation est la clé. Plusieurs études ont montré que l’impact de la diversité sociodémographique peut varier en fonction du <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0018726705053424">secteur</a> concerné, mais aussi de sa capacité de changer la <a href="https://www.cairn.info/revue-rimhe-2016-1-page-68.htm">culture organisationnelle</a> et des mentalités en entreprise.</p>
<p>On ne peut pas sous-estimer le rôle potentiel de la pop culture et notamment de la stratégie des géants Apple TV et Netflix pour faire avancer le débat sur les défis de la diversité et de l’inclusion à travers des séries telles que <em>Ted Lasso</em>, <em>Schitt’s Creek</em>, ou bien <em>Orange is the new black</em>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/repenser-le-recrutement-le-secret-de-team-jolokia-pour-construire-des-organisations-inclusives-111279">Repenser le recrutement : le secret de Team Jolokia pour construire des organisations inclusives</a>
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<p>Pleinement engagé dans la lutte contre les stéréotypes, Netflix a récemment <a href="https://www.lesnumeriques.com/vie-du-net/netflix-signe-un-cheque-de-100-millions-de-dollars-pour-favoriser-la-diversite-dans-ses-productions-n161031.html">annoncé</a> l’investissement de 100 millions d’euros pour promouvoir la diversité à la fois dans ses séries et dans les équipes de tournage. Ted Sarandos, codirecteur général de Netflix a ainsi <a href="https://www.cnbc.com/2021/02/26/netflix-will-spend-100-million-to-improve-diversity-on-film-following-equity-study.html">déclaré</a> :</p>
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<p>« Je pense que si les individus peuvent se connecter au contenu des séries, c’est […] qu’ils peuvent s’identifier à un personnage qui leur ressemble, ou qu’il reflète une expérience personnelle qu’ils ont aussi vécue. »</p>
</blockquote>
<h2>La Quête mythique</h2>
<p>La plate-forme de streaming Apple TV s’est lancée dans l’aventure des séries depuis 2019 et a sorti <a href="https://www.youtube.com/watch?v=2vAQafcBXAI"><em>La Quête Mythique</em></a> en février 2020.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/2vAQafcBXAI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>Cette série offre une représentation exacerbée de la diversité de genre, de la couleur de peau, de la nationalité et de l’orientation sexuelle des employés d’une boîte de jeux vidéo, sur un ton empreint d’humour et d’absurde. Mais ce qu’on ne voit pas au premier regard, ce sont les enjeux de recrutement qui sous-tendent cette diversité et les avantages compétitifs de la diversité dont les impacts positifs ont été prouvés dans l’industrie des jeux vidéo. Dans le monde imaginaire créé par le jeu vidéo, les joueurs peuvent s’identifier avec les personnages qui leur ressemblent.</p>
<p><a href="https://www.bing.com/search?q=Many+diversities+for+many+services%3A+Theorizing+diversity+(management)+in+service+companies&cvid=7cbb2ab5977f4ef6bcb4742885c28cde&aqs=edge.0.69i59l2j69i60j69i61j69i60.1014j0j4&FORM=ANAB01&PC=HCTS">Les chercheurs en management</a> cherchent à comprendre pourquoi la diversité est considérée comme une valeur positive dans les secteurs créatifs de la haute technologie et des services plus généralement, mais souvent difficile à mettre en place dans d’autres <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=924524">secteurs</a> notamment dans le <a href="https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1428">secteur secondaire</a>, à savoir dans les métiers de production.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-quatre-leviers-pour-rendre-lentreprise-plus-inclusive-139980">Les quatre leviers pour rendre l’entreprise plus inclusive</a>
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<h2>L’impact de la diversité dans le secteur créatif</h2>
<p><em>La Quête Mythique</em>, récemment nominé pour les <a href="https://www.emmys.com/shows/mythic-quest">« Emmy Awards »</a> est une illustration caricaturée de la valeur de <a href="https://www.advance-he.ac.uk/knowledge-hub/intersectional-approaches-equality-and-diversity">l’approche intersectionnelle</a> de la diversité visant à construire un meilleur produit, ici un jeu vidéo.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quy-a-t-il-de-discriminant-dans-un-cv-les-enseignements-de-la-recherche-experimentale-151808">Qu’y a-t-il de discriminant dans un CV ? Les enseignements de la recherche expérimentale</a>
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<p>On découvre, entre autres, les aventures professionnelles et amoureuses de deux testeuses de jeux qui sont lesbiennes et de différentes origines ethniques. D’après des <a href="https://www.bing.com/search?q=Janssens%2C+M.%2C+%26+Zanoni%2C+P.+(2005).+Many+diversities+for+many+services %3A+Theorizing+diversity+(management)+in+service+companies.+Human+Relations %2C+58(3) %2C+311 %E2 %80 %93340.&cvid=6d89148a6e1743b3b11661bec6e94424&aqs=edge..69i57.279j0j4&pglt=43&FORM=ANAB01&PC=HCTS">études sectorielles</a>, ces deux employées dans le secteur dit <a href="https://dictionary.cambridge.org/dictionary/english/creative-industry">créatif</a> seraient recrutées surtout pour leur capacité à refléter la diversité des profils des utilisateurs en plus de leurs compétences. En comprenant mieux leurs besoins, il devient possible de les intégrer dans des jeux vidéo plus inclusifs. Cette représentation des sexes, origines et orientations sexuelles peut entraîner une plus grande diversité parmi les joueurs/consommateurs et avoir des effets positifs sur les bénéfices de la société de production.</p>
<h2>Un imaginaire plus riche et plus divers</h2>
<p>L’<a href="https://www.bing.com/search?q=IGDA+survey&cvid=6d95ff3c2cea44908d07eef900d0d862&aqs=edge..69i57l2j69i59l2j69i60l4j69i64.1474j0j1&pglt=43&FORM=ANNAB1&PC=HCTS">IGDA</a> (International Game Developers Association), un réseau mondial de personnes travaillant dans l’industrie des jeux vidéo, a publié les résultats de son enquête de satisfaction des développeurs de 2017 et a dévoilé que 61 % des développeurs de jeux s’identifient comme étant « blancs/caucasiens/européens », 74 % comme « hommes » et 81 % comme « hétérosexuels ».</p>
<p>Les personnes issues de groupes marginalisés en raison de leur genre, de leurs origines et de leur orientation sexuelle ne sont pas représentées de manière adéquate dans le contenu des jeux ou dans les studios de jeux produisant ce contenu, ce qui entraîne un <a href="https://books.google.ie/books/about/Cooperative_Gaming.html?id=si3tDwAAQBAJ&redir_esc=y">manque de diversité dans l’ensemble des jeux</a>. Bien sûr, un homme blanc et hétérosexuel peut tout à fait inventer un personnage de femme noire et queer, mais il est plus susceptible de créer un jeu inédit montrant une expérience réaliste lorsqu’il travaille dans une équipe ou il y a une ou justement des personnes qui connaissent cette expérience de l’intérieur.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/jeu-et-apprentissage-un-couple-indissociable-99646">Jeu et apprentissage, un couple indissociable</a>
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<p>La question fait débat, en particulier aux États-Unis, mais le lien entre la diversité des profils – dans une industrie créative comme le jeu vidéo – et une plus grande empathie envers les utilisateurs, entraînant la création de meilleurs produits et services, a été établi.</p>
<p>L’une des pratiques de gestion de diversité dans les pays anglo-saxons sont les questionnaires de recrutement anonymes qui visent à mesurer les différents critères de diversité en entreprise tels que le genre et l’origine. L’approche anglo-saxonne vise à promouvoir l’image d’une entreprise dans laquelle les employées peuvent s’exprimer ouvertement sur leur orientation sexuelle sur la base du volontariat, par exemple via les <a href="https://www.indeed.com/hire/c/info/what-is-an-affinity-group">groupes d’affinité</a>. Ce qui rend le secteur du jeu vidéo encore plus complexe, c’est qu’il est traditionnellement dominé par les hommes blancs <a href="https://www.bbc.co.uk/news/newsbeat-51364212">reste un problème important</a> notamment aux États-Unis. En France, les statistiques ethniques sont historiquement un sujet tabou et les <a href="https://www.lexpress.fr/emploi/conseils-emploi/les-quotas-ethniques-en-question_1492415.html">politiques RH</a> en faveur de la diversité sont principalement axées sur le handicap ou le genre.</p>
<p><em>La Quête Mythique</em> surligne la diversité, parfois jusqu’à la caricature des personnages. Poppy, développeuse principale du jeu vidéo, a du mal à s’imposer. David, le producteur exécutif et gay, ne cache pas ses problèmes émotionnels et son enfance particulièrement perturbée. A l’aide de l’humour et de l’absurdité, la série montre ce que le <a href="https://fortune.com/2021/03/16/video-game-industry-lacks-diversity/">secteur du jeu vidéo</a> n’est pas prêt, en réalité, à accueillir toute cette diversité – il s’agit bien d’une « quête mythique », pour l’instant.</p>
<h2>Favoriser la créativité</h2>
<p>Dans la série, l’équipe compte des informaticiens, un directeur artistique et un écrivain dont les opinions insolites permettent finalement de développer un meilleur jeu vidéo avec un élément de surprise. C’est une illustration des avantages d’une approche de la <a href="https://www.advance-he.ac.uk/knowledge-hub/intersectional-approaches-equality-and-diversity">diversité intersectionnelle</a> (âge, genre) qui est une source de <a href="https://hbr.org/2017/06/does-diversity-actually-increase-creativity">créativité</a>.</p>
<p>La question du <a href="https://www.erudit.org/en/journals/mi/2013-v17-mi0591/1015807ar/">rapport à l’autre</a> est souvent traitée en termes de vivre ensemble à la française ou sous l’angle de la coopération entre profils différents, mais la série attire notre attention sur le <a href="https://www.mckinsey.com/%7E/media/mckinsey/business%20functions/people%20and%20organizational%20performance/our%20insights/why%20diversity%20matters/diversity%20matters.pdf">pourquoi de la diversité</a>, sur l’importance de comprendre les enjeux et les finalités de la diversité des recrutements, au-delà des effets de mode.</p>
<h2>La culture de la sécurité</h2>
<p>En contraste avec le monde du jeu vidéo, les <a href="https://dauphine.psl.eu/formations/doctorat/soutenances/soutenance/ambivalence-des-reinterpretations-locales-du-management-de-la-diversite-au-sein-des-filiales-polonaises-de-quatre-entreprises-internationales-une-approche-multi-cas">résultats des études</a> menées dans le secteur de la production énergétique ne montrent pas d’intérêt de ce secteur pour la diversification de ses recrutements au nom de la créativité et de l’inclusion. Malgré la pénurie de candidats et les besoins de recrutement, la recherche de candidats issus jugée en général inappropriée.</p>
<p>La recherche montre que l’approche anglo-saxonne de favorisation de la diversité dans le recrutement au nom de la créativité peut être perçue négativement par les employés dans les secteurs ou la créativité n’est pas essentielle dans l’atteinte des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1046496496272003">objectifs organisationnels</a>.</p>
<p>Le principe d’inclusion (<a href="https://hbr.org/2021/05/how-to-measure-inclusion-in-the-workplace#:%7E:text=Employee%20feedback%20is%20also%20the,then%20asking%20the%20right%20questions.">How to Measure Inclusion in the Workplace</a> prévoit un meilleur équilibre entre le sentiment d’appartenance à un groupe et la possibilité de prendre des initiatives. Les employées sont encouragés développer de nouvelles postures managériales et à développer de nouvelles idées pour générer la performance organisationnelle. En d’autres termes, la culture de l’entreprise inclusive favorise le bien-être et la prise d’initiative.</p>
<p>Cette prise d’initiative peut être vue comme dangereuse au regard des standards de sécurité qui appelle à l’inverse le respect des routines et l’adoption des conduites prescrites. Le travail des employés opérationnels (ingénieurs, mécaniciens, électriciens) et le fonctionnement d’une centrale électrique peut être assuré grâce à l’accomplissement des tâches répétitives. La diversité culturelle, ethnique, de genre ou autre, vue comme une valeur ajoutée contribuant à l’innovation et à la créativité tout en permettant de créer des meilleurs produits et services peut être vue par les managers et les employées opérationnels comme un concept inutile pour le fonctionnement de l’organisation.</p>
<p><a href="https://www.researchgate.net/publication/356475175_The_ambivalence_of_Diversity_Management_local_reinterpretations_in_the_Polish_subsidiaries_of_four_international_companies_a_multi-case_study_approach_Aneta_Orlinska_Doctoral_thesis">Selon un manager compliance dans la centrale électrique</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Je peux m’imaginer les départements de l’organisation où la diversité pourrait être mise en œuvre mais ici [site de production] il n’est pas possible de laisser les employés s’exprimer librement […] car ce n’est pas un environnement typiquement créatif […]. Je ne vois pas de possibilité pour la liberté sur le site de production. Il y a des règles et des procédures strictes. […] L’introduction de la liberté et de la créativité pourrait conduire à la catastrophe industrielle ».</p>
</blockquote>
<p>Le secteur d’activité, le type de métier et la culture organisationnelle (de sécurité ou de créativité) doivent être pris en compte si on souhaite établir une véritable politique de diversité et d’inclusion où le recrutement de profils divers est considéré comme une valeur ajoutée à l’organisation. De plus, les attitudes à l’égard de la diversité dépendent beaucoup de la nature de l’activité de l’employé et du secteur d’activité dans lequel il évolue.</p>
<p>La diversité est devenue un « buzzword » dans le monde de travail. Elle reste un défi majeur pour certains secteurs comme celui de la production où l’innovation n’est pas un indicateur clé de la performance organisationnelle et où la perspective d’inclusion ne semble pas prioritaire aux yeux des recruteurs. D’un côté, les séries américaines nous montrent les défis de la diversité dans le contexte anglo-saxon, de l’autre, les chercheurs en management soulignent l’importance de la <a href="https://www.abe.pl/pl/book/9781786355508/management-and-diversity">contextualisation</a> du management de la diversité et de l’inclusion.</p>
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<p><em>Ce texte est tiré de la <a href="https://dauphine.psl.eu/formations/doctorat/soutenances/soutenance/ambivalence-des-reinterpretations-locales-du-management-de-la-diversite-au-sein-des-filiales-polonaises-de-quatre-entreprises-internationales-une-approche-multi-cas">thèse de doctorat</a> en Sciences de Gestion défendue à l’Université Paris Dauphine le 04 décembre 2019 et il s’inspire de la série américaine _La Quête Mythique</em>._</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171548/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aneta Hamza-Orlinska ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Quel rôle joue la pop culture dans la représentation de la diversité en entreprise ? Et que sait-on de son impact dans la vie réelle ?Aneta Hamza-Orlinska, Assistant Professor in Human Resource Management , EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1727972021-11-30T18:57:26Z2021-11-30T18:57:26Z« Dis-moi, pourquoi les racistes ne sont pas racistes entre eux ? »<iframe src="https://embed.acast.com/616d319f6b128c0018f49c05/61a4af6e4caabf0012cc93c0" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-ecouter-les-podcasts-de-the-conversation-157070">Comment écouter les podcasts de The Conversation ?</a>
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<p>Les préjugés racistes supposent qu’un groupe est supérieur à un autre, voire à tous les autres. Rappelons que dans l’espèce humaine, il n’existe pas de race. Le raciste va alors créer des différences imaginaires, et reprocher à l’autre non pas ce qu’il fait, mais ce qu’il est. Pour lutter contre ces préjugés, l’éducation peut être la clé, en apprenant à distinguer l’autre en tant que personne individuelle, et non par un groupe d’appartenance.</p>
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<p><em>Les enfants posent naturellement beaucoup de questions, ce qui correspond à un besoin essentiel de comprendre l’environnement dans lequel ils évoluent. Depuis 2019, notre média propose des articles de vulgarisation scientifique à destination des plus petits et de leurs parents. Réalisés avec des chercheurs, ils répondent à des questions posées par les enfants et apportent des explications claires et ludiques à leurs interrogations. Retrouvez l’ensemble des réponses à ces questions dans « Dis-moi, pourquoi… ? » Le podcast qui répond simplement aux questions des enfants.</em></p>
<p><em>Crédits : Une production Making Noise par Making Waves et The Conversation France. Conception, Benoît Tonson et Fabrice Rousselot. Direction artistique, Alexandre Plank. Coordination, Hervé Marchon. Réalisation, Romain Masson assisté de Rodrigue Dibanzila et Momar Fall. Musique, Emma Esdourrubailh. Mixage, Martin Delafosse.</em></p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science, qui a lieu du 1<sup>er</sup> au 11 octobre 2021 en métropole et du 5 au 22 novembre 2021 en outre-mer et à l’international, et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition a pour thème : « Eureka ! L’émotion de la découverte ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172797/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alain Policar ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les racistes ont la phobie du métissage, car ils ont peur de l’autre, généralement parce qu’ils craignent ceux qu’ils ne connaissent pas.Alain Policar, Chercheur associé en science politique (Cevipof), Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1688282021-11-12T14:40:33Z2021-11-12T14:40:33Z« OD dans l’Ouest » : remue-ménage des modèles pour les gars et les filles<p>Chaque automne, la téléréalité <em>Occupation Double</em> accapare l’attention médiatique. Cette année encore, elle figure dans les <a href="https://fr.numeris.ca/media-and-events/tv-weekly-top-30">30 émissions de télévision les plus regardées</a> au Québec. C’est qu’avec sa nouvelle mouture, mise en place en 2017, l’émission s’est considérablement modernisée : nouvelle équipe de production, animation moins protocolaire, montage cynique et décomplexé.</p>
<p>Alors que la grande finale d’<em>OD dans l’Ouest</em> est à nos portes, l’heure est à la rétrospective.</p>
<p>L’édition actuelle a débuté dans le scandale avec le renvoi d’un candidat au comportement problématique. En mettant en dialogue plusieurs événements marquants de la saison, force est de constater que bouillonne à <em>OD</em> une certaine dualité entre des modèles archaïques et renouvelés de féminité et de masculinité.</p>
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<img alt="Vue de la ville de Vancouver, montagnes Rocheuses à l’arrière-plan, avec logo de l’émission Occupation double dans l’Ouest" src="https://images.theconversation.com/files/425960/original/file-20211012-15-1cjb8lu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/425960/original/file-20211012-15-1cjb8lu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/425960/original/file-20211012-15-1cjb8lu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/425960/original/file-20211012-15-1cjb8lu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/425960/original/file-20211012-15-1cjb8lu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/425960/original/file-20211012-15-1cjb8lu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/425960/original/file-20211012-15-1cjb8lu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une saison qui fait couler beaucoup d’encre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bell média</span></span>
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<p>Doctorante en littérature et arts de la scène et de l’écran, mes recherches se situent à l’intersection des études féministes et audiovisuelles.</p>
<h2>Autoreprésentation des filles d’OD lors des auditions</h2>
<p>« Tu me gosses depuis le début », « Tu es tellement belle, c’est cave » : deux formulations employées par des candidats pour signifier leur intérêt amoureux. Comme si l’attachement naissant envers une femme devait être ramené à l’accusation, ou qu’un compliment ne pouvait être exprimé sans s’assortir d’une insulte déguisée.</p>
<p>Le discours envers les filles d’<em>OD</em> a, en début de saison, été empreint d’une certaine dépréciation, et pas uniquement de la part des garçons. Pour se présenter en auditions, plusieurs filles se sont décrites en des termes à connotation négative : « fatiguante », « attachiante », « comme un drink au goût amer ». En ce qui a trait à leur niveau d’intensité, elles se sont dites jalouses et intransigeantes : « Je n’ai aucune zone grise, que du noir et du blanc » ; « Si tu es avec moi, tu ne sors pas avec tes amis. Je suis autoritaire, possessive ».</p>
<p>Puisqu’au fil des épisodes, nous avons plutôt découvert des femmes complexes et nuancées, affirmées, mais pas déraisonnables, il est possible de supposer que les candidates jouent délibérément avec le lexique de l’intensité pour augmenter leurs chances d’être sélectionnées. Une promesse de « faire un bon show ».</p>
<p>Par contre, ce type de discours simpliste qui assimile les femmes à la possessivité, à la radicalité et aux émotions mal contrôlées réactualise une vision archaïque de la féminité que certains <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1149349/celibataires-involontaires-incels-fifth-estate">regroupements masculinistes dangereux</a> récupèrent d’ailleurs à leur compte.</p>
<h2>Dynamiques de séduction paradoxales</h2>
<p>En audition, plusieurs filles expriment ne pas être « chasseuses », préférant plutôt « être chassées ». Cette association entre séduction et prédation rejoint un script sexuel vulgarisé par Lili Boisvert dans <a href="http://www.edvlb.com/principe-cumshot/lili-boisvert/livre/9782896497171">« Le principe du cumshot »</a> : dans les scénarios sexuels dominants, le rôle des filles serait de se rendre attrayantes, offertes au regard des hommes à qui il revient de prendre les devants. Dans cette dynamique, le masculin est associé à l’actif et le féminin au passif.</p>
<p>Paradoxalement, les questions des juges en audition encouragent les filles à se décrire comme des séductrices intempestives, mais, lorsqu’une candidate fait les premiers pas ou démontre un intérêt pour plusieurs partenaires, les reproches du public et des candidats fusent : « Elle est chasseuse » ; « Juste de voir qu’elle passe pour la fille affamée du groupe, ça m’a refroidi beaucoup ». La pétillante Jenny, autoproclamée « la femme fatale du Québec », a d’ailleurs été sacrifiée dès la première élimination parce que son caractère séducteur semblait menacer l’étiquette de gentil garçon de Luca.</p>
<p>L’aventure de Sabrina, éliminée à la mi-saison, aura aussi beaucoup fait couler d’encre. Son parcours a été entaché par un baiser échangé avec un autre candidat que celui avec qui elle s’était initialement liée, Nicolas. Sabrina n’a pas été en mesure de rattraper son jeu, multipliant ensuite sans succès les tentatives de séduction. Une partie du public a alors <a href="https://showbizz.net/tele/od-dans-louest-le-public-a-pris-sabrina-en-grippe">sévèrement critiqué</a> l’attitude de Sabrina, semblant oublier qu’embrasser se pratique à deux, d’autant que Nicolas était lui aussi en « couple <em>OD</em> » avec une autre candidate.</p>
<p>Le jeune homme est pourtant resté dans les bonnes grâces du public, un double standard qui fait sourciller : le <a href="https://csf.gouv.qc.ca/article/publicationsnum/bibliotheque-des-violences-faites-aux-femmes/slutshaming/">slutshaming</a>, qui a teinté plusieurs commentaires, démontre que l’auditoire tend à se montrer assez rétrograde envers les <em>joueuses</em> d’<em>OD</em> qui déploient ce type de stratégie, en dépit du potentiel de séduction valorisé en audition.</p>
<h2>La masculinité en conflit</h2>
<p><a href="https://www.ledevoir.com/culture/ecrans/633924/occupation-double-montre-la-porte-a-un-candidat-trouble">Le cas d’Alexandre</a> dévoile une autre faille dans la stratégie de mise en scène qui consiste à sélectionner des candidats pour leur potentiel à créer la confrontation. Son attitude était plus qu’une simple façade : plusieurs femmes ont par ailleurs témoigné sur les réseaux sociaux de leur expérience négative après l’avoir fréquenté.</p>
<p>Pour décrire la rudesse d’Alexandre, et parce qu’ils semblaient marcher sur des œufs en sa présence, les gars et les filles d’<em>OD</em> ont d’abord employé les termes « sensible » et « proche de ses émotions ». Alexandre manifestait plutôt une franche intolérance au rejet et un besoin irrépressible de contrôle, assortis d’une incapacité à exprimer sainement ses émotions. La sensibilité suppose un degré d’attention aux autres, alors qu’Alexandre, lui, cherche des coupables à son insécurité, au point de se sentir visé même lorsqu’il n’est pas concerné. En sa présence, les autres candidats étaient dès lors privés de célébrer leurs propres victoires, et toutes leurs énergies étaient dédiées à l’apaiser en vain.</p>
<p>Audrey, sa préférée, ayant exprimé sa préférence pour Nicolas, Alexandre a fulminé : « La seule qui me plaît est vendue à Nicolas, <em>vendue</em> ! », sous-entendant que la jeune femme serait dénuée d’esprit critique et de discernement. Pour Alexandre, si une femme ne le choisit pas, c’est forcément qu’elle est corrompue et n’est pas en mesure de reconnaître sa valeur, qu’elle est une « mauvaise fille » (épisode 6). Il s’agit d’un propos violent et dangereux rejoignant la ligne de pensée misogyne des <em>incels</em>.</p>
<h2>Tendresse, tendresse</h2>
<p>En revanche, plusieurs garçons d’<em>OD</em> se sont dévoilés sensibles et empathiques, dévoilant un autre modèle de masculinité. C’est notamment le cas d’Antoine, qui a traversé plusieurs remises en questions. Le <a href="https://showbizz.net/tele/lun-des-fils-de-messmer-a-occupation-double-dans-louest">jeune hypnotiseur</a> a été capable de s’autoanalyser et de mettre des mots sur son insécurité. Sa détresse ne s’est pas tournée vers autrui, et il a accueilli les accolades réconfortantes de ses colocataires : l’insécurité d’Antoine fait la démonstration d’un modèle de masculinité où le sensible n’est pas en opposition avec la force.</p>
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<img alt="Quatre hommes habillés en partisan de football" src="https://images.theconversation.com/files/425958/original/file-20211012-17-tz4f4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/425958/original/file-20211012-17-tz4f4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/425958/original/file-20211012-17-tz4f4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/425958/original/file-20211012-17-tz4f4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/425958/original/file-20211012-17-tz4f4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/425958/original/file-20211012-17-tz4f4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/425958/original/file-20211012-17-tz4f4t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les candidats de la première aventure (Patrice, Frédérick, Luca et Antoine) au party tailgate de l’émission OD dans l’Ouest. Certains garçons ont, heureusement, dévoilé leur côté sensible et empathique, mettant en lumière la dualité des modèles de masculinité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bell média</span></span>
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<p>Par ailleurs, la tendresse des candidats les uns pour les autres s’est exprimée ouvertement tout au long de la saison : les nombreux « je t’aime », « t’es cute » et les accolades ont contribué à présenter des jeunes hommes souvent attendris et émotifs. Soulignons l’un des moments forts de la saison, où l’athlète Stevens a fondu en larmes après avoir verbalisé sa déception de ne pas avoir été choisi pour les Olympiques. Pendant plusieurs minutes, les garçons l’ont écouté, ont pleuré avec lui, se sont étreints longuement.</p>
<p>Notons également la demande des garçons de recevoir, comme les filles, l’équipement nécessaire pour se faire des manucures. Jay Du Temple est lui-même, par ailleurs, connu pour <a href="https://www.mondedestars.net/nouvelles/jay-du-temple-inspire-de-jeunes-garcons-a-porter-du-vernis-a-ongles">son style flamboyant</a> qui inclut bijoux et ongles multicolores. Même si les représentations vestimentaires sont loin d’être toujours subversives à <em>OD</em> (les déguisements des soirées thématiques incarnent fréquemment des fantasmes stéréotypés), l’adhésion des gars d’<em>OD</em> à la mode du vernis à ongles au masculin dévoile les prémisses d’un encourageant brouillage des normes sexuées.</p>
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<img alt="Jay Du Temple, animateur de l’émission Occupation double dans l’Ouest, pose pour la caméra dans un costume coloré" src="https://images.theconversation.com/files/425957/original/file-20211012-23-1yotpo9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/425957/original/file-20211012-23-1yotpo9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/425957/original/file-20211012-23-1yotpo9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/425957/original/file-20211012-23-1yotpo9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/425957/original/file-20211012-23-1yotpo9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/425957/original/file-20211012-23-1yotpo9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/425957/original/file-20211012-23-1yotpo9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Jay Du Temple offre, depuis 2017, une animation moins protocolaire et davantage décomplexée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bell média</span></span>
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<h2>L’agente double, arroseuse arrosée</h2>
<p>On se désole cependant que la production ait si peu mis à profit son concept « d’agente double ». Ce rôle laissait présager que la candidate choisie, Alexandra, recevrait des avantages lui permettant d’ajuster sa stratégie. Outre son premier voyage et un récent sursis de quelques jours, elle n’a reçu que quelques missions et une vidéo de ses proches (un maigre privilège si l’on considère que Clodelle a reçu la visite en chair et en os de son ex-conjoint et de son chihuahua !).</p>
<p>Alors qu’Alexandra a été impliquée dans un déchirant triangle amoureux dont elle est ressortie blessée, la production a raté l’occasion de lui permettre un degré supplémentaire d’agentivité. En manquant de l’informer plus tôt des remises en question de Robin (on lui a pourtant montré d’autres extraits inédits de discussions entre les garçons), la production l’a privée de modifier sa stratégie à son avantage.</p>
<p>On a plutôt multiplié les occasions d’assister à la déconfiture de la jeune femme : on a même imposé à Robin d’élire devant tout le monde laquelle de ses deux conquêtes embrassait le mieux. Robin, qui a avoué ouvertement avoir tenté de préserver sa relation avec Alexandra uniquement pour rester dans l’aventure, semble par contre toujours avoir une option sur la victoire. Alors qu’il use de manigances avant de choisir Marilou, il se victimise et fustige la présence d’Alexandra : « Mais qu’est-ce que tu fais encore là ? », s’écrie-t-il devant une vidéo de la résiliente agente-double, comme si c’était elle qui nuisait à son parcours.</p>
<p>Néanmoins, le soutien apporté à Alexandra de la part des filles aura contribué à mettre de l’avant une touchante représentation télévisuelle de <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/04/la-sororite-n-est-elle-qu-une-fraternite-au-feminin_6031727_3232.html">sororité</a>. Alexandra, qui se défendait en audition de ne pas être une « fifille » et disait préférer la compagnie soi-disant plus naturelle des garçons, aura été servie en termes d’amitiés féminines positives.</p>
<h2>Pas un simple jeu</h2>
<p>Si la téléréalité est un divertissement sensationnaliste, c’est néanmoins au spectacle de notre société auquel on assiste, <a href="https://www.ledevoir.com/culture/ecrans/644649/television-occupation-double-comme-prisme-de-notre-societe">pouvait-on lire dans une analyse publiée récemment</a>. La brutalité sous-latente à certains éléments de cette saison d’<em>OD</em> est le triste reflet de plusieurs enjeux de société, notamment les violences faites aux femmes.</p>
<p>Par contre, plusieurs éléments prometteurs annoncent qu’un certain renouvellement des représentations est amorcé. Souhaitons qu’<em>Occupation Double</em> redouble d’efforts lors d’une prochaine édition qui pourrait proposer une plus grande diversité sexuelle et corporelle, et s’assurer d’offrir davantage de temps d’antenne aux personnes racisées. Le racisme dans les représentations à <em>OD</em> est en effet <a href="https://podcasts.apple.com/ca/podcast/s4-%C3%A9pisode-6-robin-boyhood/id1481297366?i=1000540915465">pointé du doigt</a> par plusieurs personnalités publiques militant pour davantage de diversité au petit écran.</p>
<p><em>Pour des analyses féministes d’Occupation Double, voir le balado hebdomadaire <a href="https://podcasts.apple.com/ca/podcast/les-ficelles/id1481297366?l=fr">Les Ficelles</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/168828/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne-Sophie Gravel est membre de Réalisatrices Équitables. Sa recherche doctorale est financée par le Conseil de recherches en sciences humaines.</span></em></p>Alors qu’elle a débuté sous le signe de la violence, l’édition actuelle d’« Occupation Double » met en lumière une certaine dichotomie prévalant au sein des modèles de féminité et de masculinité.Anne-Sophie Gravel, Doctorante en littérature et arts de la scène et de l'écran (concentration cinéma), Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1647232021-07-26T17:35:48Z2021-07-26T17:35:48ZLes dirigeants issus de minorités bénéficient-ils d’une plus grande clémence en cas de fraude ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/412094/original/file-20210720-25-xrfar3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C8%2C1067%2C709&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les membres du conseil d’administration du groupe pétrolier Enron ont vu leur réputation partir en fumée lors du scandale de 2001.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Enron#/media/Fichier:Enron_Complex.jpg">Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’entreprise Enron figure certainement en tête de toutes les listes des plus grands scandales comptables des deux dernières décennies. Cette compagnie de services énergétiques avait dissimulé des milliards de dollars de dettes à la fin des années 1990. Les conséquences en ont été une perte de 74 milliards de dollars pour les actionnaires, <a href="https://www.cairn.info/revue-flux1-2003-1-page-75.htm">l’implosion de la société comptable Arthur Andersen</a>, qui faisait pourtant partie du puissant « Big Five » des compagnies d’audit (avec EY, KPMG, PwC et Deloitte), et le <a href="https://www.investopedia.com/updates/enron-scandal-summary/">dépôt de bilan d’Enron</a> en 2001. Le fondateur, Kenneth Lay, et le PDG, Jeffrey Skilling, ont été inculpés pour fraude et association de malfaiteurs, entre autres chefs d’accusation.</p>
<p>Il serait logique de penser que les membres du conseil d’administration d’une firme aussi corrompue qu’Enron, des personnes censées diriger l’entreprise et protéger les intérêts des actionnaires, aient vu leur réputation partir en fumée. Ce, même s’il est vrai qu’Enron reste un cas extrême : dans de nombreuses autres situations de fraude des entreprises, il n’est pas toujours aussi simple de désigner un responsable.</p>
<p>Dans nos <a href="https://journals.aom.org/doi/10.5465/amj.2018.0193">travaux</a>, nous avons décidé de nous pencher plus particulièrement sur les répercussions pour les directeurs issus de minorités ethniques et les directrices. Nous montrons que les sanctions n’étaient toujours pas appliquées de façon équitable parmi ces groupes.</p>
<h2>Entre discrimination et valeur accrue</h2>
<p>De nombreux travaux ont mis en exergue l’<a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/AMBPP.2017.17366abstract">impact négatif sur la réputation des directeurs de leur association à des méfaits financiers</a>. Ceux-ci sont souvent utilisés pour étayer l’idée qu’il existe un marché du travail des dirigeants d’entreprise qui s’avère bien huilé et réactif : lorsque des problèmes d’organisation surviennent, les individus qui travaillent dans la société en faute se trouvent pénalisés, généralement en perdant leur poste au conseil d’administration ou en échouant à retrouver ce type d’emploi.</p>
<p>Nous avons émis l’hypothèse que les directeurs issus de minorités, bien qu’il existe encore des discriminations, bénéficieraient d’une certaine clémence quant à leur réputation. Une demande plus élevée existe en effet pour ces professionnels en raison des exigences sociales et institutionnelles en faveur de la diversité dans les conseils d’administration et de l’apparente rareté de ce genre de profil.</p>
<p>Nous insistons sur le fait qu’en étudiant les sanctions appliquées aux directeurs issus de minorités et aux directrices, nous ne remettons pas en cause la discrimination historique dont sont encore victimes ces professionnels. Nous émettons simplement l’idée que l’évolution des normes sociales poussant à encourager la diversité au sein des conseils d’administration a accru la valeur perçue des directeurs issus de minorités.</p>
<p>Notre étude, outre le cas Enron, a analysé <a href="https://www.accounting-degree.org/scandals">d’autres cas de fraude comptable des entreprises</a>, dont AIG, Halliburton, WorldCom, Morgan Stanley et bien d’autres, publiés entre 1996 et 2012.</p>
<h2>Moins de risques à frauder</h2>
<p>Les entreprises mentionnent souvent un manque de candidats qualifiés pour justifier des progrès lents dans l’accroissement de la diversité de leur conseil d’administration. Elles restent souvent réticentes à l’idée de choisir des candidats qui ne sont pas déjà membres d’un conseil d’administration ou qui n’ont pas d’expérience en direction.</p>
<p>Étant donné la sous-représentation des directeurs issus de minorités dans les conseils d’administration et les équipes de direction, peu de personnes issues de minorités peuvent donc remplir cette condition.</p>
<p>Dans notre échantillon de 2 030 directeurs frauduleux, dans les trois années suivant la révélation du méfait financier, nous avons comparé combien de sièges de conseil d’administration étaient gagnés et perdus. Les personnes issues de minorités avaient 21,65 % de risques en moins de perdre leur poste de direction par rapport à leurs collègues hommes et blancs.</p>
<p>Il apparaît aussi que d’autres facteurs affectaient le sort des directeurs issus de minorités membres de conseils d’administration et adeptes de la falsification de livres de comptes. Nos données suggèrent que ceux-ci avaient moins de risques de perdre leur poste de direction lorsque les médias parlaient davantage de la diversité du conseil. Pour l’observer, nous avons pris en compte le nombre d’articles sur la diversité dans les conseils d’administration parus dans les principaux médias économiques dans les 12 mois précédents et les 36 mois suivants la révélation publique de la fraude.</p>
<h2>Plus de diversité pour homogénéiser les sanctions</h2>
<p>Par ailleurs, la probabilité qu’une entreprise non frauduleuse conserve un directeur frauduleux issu d’une minorité dépendait du niveau de diversité de son conseil d’administration. En d’autres termes, plus la diversité du conseil était importante, moins la société était encline à maintenir en poste un directeur frauduleux issu d’une minorité.</p>
<p>Un directeur frauduleux qui était le seul directeur issu d’une minorité en poste au conseil d’administration d’une entreprise non frauduleuse avait 20,02 % de risques d’être évincé. Ce risque augmentait de 22,54 % lorsqu’un autre directeur issu d’une minorité siégeait également au conseil et de 48,28 % lorsqu’il y en avait deux.</p>
<p>En résumé, la pression institutionnelle pour favoriser la diversité des conseils d’administration peut avoir des conséquences imprévues. Combinée à une apparente paucité des candidats issus de minorités, cette pression peut engendrer une immunité en matière d’emploi et de réputation pour les femmes et les minorités ethniques.</p>
<p>Il ne fait aucun doute qu’à mesure que les personnes issues de minorités continueront de se faire une place sur le marché des directeurs, l’augmentation du nombre de profils féminins ou issus de minorités ethniques finira par aboutir à une meilleure homogénéisation des sanctions contre les directeurs frauduleux.</p>
<hr>
<p><em>Cette contribution, publiée en anglais sur le site <a href="https://www.hec.edu/en/knowledge/articles/unintended-consequences-when-minority-directors-get-pass-cases-fraud">Knowledge@HEC</a>, s’appuie sur l’article de recherche « <a href="https://journals.aom.org/doi/abs/10.5465/amj.2018.0193?af=R">Last to Come and Last to Go ? On the Complex Role of Gender and Ethnicity in the Reputational Penalties for Directors Linked to Corporate Fraud</a> » de Ivana Naumovska (INSEAD), Georg Wernicke et Edward J. Zajac (Northwestern University) publié dans la revue Academy of Management Journal en 2020</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/164723/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Georg Wernicke ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une étude montre que la rareté des profils et la pression institutionnelle en faveur de la diversité au sein des instances dirigeantes conduit à une plus grande indulgence dans les sanctions.Georg Wernicke, Professeur assistant, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1628692021-06-17T16:58:31Z2021-06-17T16:58:31ZLes femmes avec une expérience RH de plus en plus nombreuses dans les conseils d’administration<p>Dix ans après la promulgation de la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000023487662/">loi Copé-Zimmermann</a> sur la diversité de genre dans les conseils d’administration, celle-ci est devenue naturelle dans la sélection des administrateurs des grandes sociétés. Selon la dernière étude publiée par notre <a href="https://barometre.bsb-education.com/uploads/pdf/BAROMETRE%20DE%20LA%20DIVERSITE%20-%20AG%202021.pdf.pdf">Baromètre de la diversité</a> dans les conseils d’administration, menée après les assemblées générales 2021, la féminisation des conseils se stabilise ainsi à 45,5 % pour les sociétés du SBF 120, les plus grandes entreprises françaises cotées, et même à 46,4 % chez les sociétés de droit français de l’indice soumises à la loi.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/406693/original/file-20210616-3582-1ccwkfq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/406693/original/file-20210616-3582-1ccwkfq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/406693/original/file-20210616-3582-1ccwkfq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=329&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/406693/original/file-20210616-3582-1ccwkfq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=329&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/406693/original/file-20210616-3582-1ccwkfq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=329&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/406693/original/file-20210616-3582-1ccwkfq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/406693/original/file-20210616-3582-1ccwkfq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/406693/original/file-20210616-3582-1ccwkfq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://barometre.bsb-education.com/uploads/pdf/BAROMETRE%20DE%20LA%20DIVERSITE%20-%20AG%202021.pdf.pdf">Baromètre BSB de la diversité dans les conseils d’administration 2021.</a></span>
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<p>Plus de 8 entreprises sur 10 comptent aujourd’hui au moins quatre femmes dans leur conseil d’administration (sachant que la taille moyenne des conseils d’administration est de 12,5, sans compter les administrateurs représentant les salariés). Nous sommes donc au-dessus du <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10551-011-0815-z">seuil critique</a> évoqué par la littérature académique pour permettre l’expression de ces administratrices. Autrement dit, les femmes sont désormais assez nombreuses dans les conseils pour avoir de l’influence.</p>
<h2>Plus de profils RH</h2>
<p>La diversité de genre apporte aussi d’autres sources de diversité. Certes, parmi les critères de sélection des administrateurs les plus forts pour les hommes comme pour les femmes, l’expérience de direction générale est toujours très valorisée : 47 % des nouveaux administrateurs ont eu une telle expérience (43 % en 2020). Cette proportion est stable chez les hommes (58 % en 2021, 55 % en 2020), et en progression chez les nouvelles administratrices après une année 2020 en baisse (27 %), pour revenir au niveau des années antérieures (36 % en 2021).</p>
<p>De même, l’expérience en finance et celle en ministère sont souvent requises, avec une proportion d’élus ayant une expérience en ministère en légère hausse (23 %), confirmant l’importance des réseaux soulignée dans <a href="https://theconversation.com/conseils-dadministration-plus-de-femmes-mais-toujours-aussi-peu-de-jeunes-140452">l’étude de l’année passée</a>. Cette hausse est due aux femmes recrutées (25 % contre 17 % en 2020), alors qu’elle baisse chez hommes (22 % contre 25 %).</p>
<p>Cependant, l’arrivée des femmes dans les conseils d’administration permet aussi celle de nouveaux profils. Nous observons par exemple que l’expérience en ressources humaines (RH), jusqu’alors peu fréquente chez les administrateurs, prend progressivement de l’importance grâce aux administratrices recrutées, qui ont cette expertise pour 16 % d’entre elles en 2021 (contre 10 % en 2018 et 3 % en 2015).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1271294384710070272"}"></div></p>
<p>Effet de la loi Copé-Zimmermann ou évolution des conseils d’administration ? Les expertises apportées par les administrateurs ayant une influence sur les sujets traités et les décisions stratégiques prises, dans un contexte de prise en compte croissante des parties prenantes et de l’importance du capital humain des entreprises, nommer des profils RH au sein du conseil d’administration prend en effet tout son sens.</p>
<p>Ces nouveaux administrateurs(trices) pourraient ainsi favoriser l’implication du conseil d’administration dans le management de la diversité et celui des talents, dans l’adoption de pratiques RH pouvant augmenter la compétitivité de la firme, mais aussi apporter leur expertise en matière de rémunération, de succession ou encore d’innovations managériales, sujets au cœur des missions du conseil.</p>
<h2>La fin du « Old boys’ club »</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/406695/original/file-20210616-15-1sgo400.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/406695/original/file-20210616-15-1sgo400.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/406695/original/file-20210616-15-1sgo400.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/406695/original/file-20210616-15-1sgo400.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/406695/original/file-20210616-15-1sgo400.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/406695/original/file-20210616-15-1sgo400.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=464&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/406695/original/file-20210616-15-1sgo400.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=464&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/406695/original/file-20210616-15-1sgo400.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=464&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://barometre.bsb-education.com/uploads/pdf/BAROMETRE%20DE%20LA%20DIVERSITE%20-%20AG%202021.pdf.pdf">Baromètre BSB de la diversité dans les conseils d’administration 2021.</a></span>
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<p>D’autres constats ressortent de la dernière étude du baromètre. D’abord, le rajeunissement des conseils d’administration n’est toujours pas engagé, avec seulement 4 % de nouveaux administrateurs de moins de 40 ans. En outre, les critères de recrutement liés à la formation restent stables : la formation en gestion, bien qu’en baisse (57 % en 2021 contre 65 % en 2020), et la formation internationale (44 %, stable) demeurent des critères forts pour le recrutement des nouveaux administrateurs, quel que soit le genre.</p>
<p>De même, les candidats issus de formations dans des écoles d’élite sont toujours privilégiés (39 %), avec une légère baisse par rapport à 2020 (44 %), mais leur proportion est stable chez les hommes (47 %), c’est pour les femmes recrutées que la baisse est observée (28 % contre 39 % en 2020).</p>
<p>Enfin, pour la deuxième année consécutive, parmi les nouveaux administrateurs, les femmes sont plus nombreuses que les hommes en proportion (61 % contre 58 %) à avoir déjà une expérience en conseil d’administration. Dix ans après la promulgation de la loi, le phénomène de genre s’est donc inversé. La baisse de la part de mandats disponible pour les hommes explique également qu’ils soient moins nombreux aujourd’hui à avoir cette expérience. Autrement dit, le puissant réseau des administrateurs, le « Old boys’ club », n’est donc plus réservé aux hommes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162869/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Allemand est Présidente du conseil d'administration de l'AAIG, Association Académique Internationale de Gouvernance. Elle a reçu des financements du CRBFC, Conseil Régional de Bourgogne Franche Comté. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Bénédicte Brullebaut est membre de l’AAIG, Association Académique Internationale de Gouvernance. Elle a reçu des financements du Conseil Régional de Bourgogne Franche Comté (CRBFC).</span></em></p>Selon le dernier baromètre de BSB, les objectifs de parité de la loi Copé-Zimmermann ont entraîné une diversité des profils dans la gouvernance des grandes entreprises françaises.Isabelle Allemand, Enseignant chercheur en finance et gouvernance, Burgundy School of Business Bénédicte Brullebaut, Enseignant - Chercheur en gouvernance d'entreprises, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1613652021-05-21T11:03:57Z2021-05-21T11:03:57ZCorps à corps à l’Eurovision<p>Le Concours Eurovision de la Chanson (<em>Eurovision Song Contest</em>) est de retour ! </p>
<p>Finie la post-Eurovision depression, qui affecte les fans les plus assidus au lendemain de la finale du concours. La déprime aura duré près de vingt-quatre mois. </p>
<p>Cette année, en effet, l’Union européenne de Radio-Télévision avait anticipé les dernières restrictions sanitaires à travers plusieurs scénarios d’organisation (notamment en enregistrant au préalable chacune des prestations concurrentes, les live-on-tape) afin de maintenir l’événement à Rotterdam.</p>
<h2>Piqûre de rappel</h2>
<p>L’ESC est l’un des plus anciens produits culturels d’ambition internationale de l’ère des radio-télécommunications. Il a été <a href="http://www.eurovision-fr.net/histoire/histoire.php">lancé en 1956</a> par une poignée de pays désireux de jouer du <em>soft power</em> pour redonner aux populations meurtries par les guerres la curiosité de l’autre et retrouver du même coup le goût du respect des traditions de chaque zone, pays ou région euro-occidentaux. Le concours a survécu aux différentes révolutions techniques et politiques de l’espace européen, entendu dans une acception à la fois large et fluctuante.</p>
<p>Événement à la fois musical et linguistique dans les attentes qu’il suscite, radiophonique et télévisuel – et largement amplifié par le moyen du web – dans sa médiatisation et sa réception, politique et pop-culturel dans sa singularisation, l’ESC est également de plus en plus théâtralisé. En tant que « spectacle vivant », il est désormais un moment attendu par des milliers de fans qui se font l’écho de centaines de millions de radio et téléspectateurs et qui, par leur présence en chair et en os pendant que d’autres suivent les performances à distance, ancrent l’onde d’activités sur les réseaux sociaux dans une réalité indispensable.</p>
<p>De fait, le concours était autrefois traversé par la puissance du folklore, et pour cela fut considéré comme ringard après quelques décennies. Mais ces mêmes archaïsmes esthétiques ont été assumés et ont procuré une nouvelle force au programme, porté aujourd’hui tout autant par le goût assumé du kitsch que les excès de <a href="https://www.lemonde.fr/m-styles/article/2019/07/19/mode-le-style-camp-emerge-la-ou-la-droite-conservatrice-domine_5491212_4497319.html"><em>camp style</em></a>. Désormais, cet espace de choix, qui profite d’un nouveau souffle boosté par un marketing calibré depuis une quinzaine d’années, constitue un écrin incomparable pour l’expression des diversités (sociales, de genre, communautaires…).</p>
<h2>La voix du corps</h2>
<p>Que ces jeux eurolympiques de la chanson suscitent, en fonction des pays ou des années, la moquerie ou l’encensement importe peu à ceux qui s’y intéressent de près. Pour comprendre le phénomène, les apports des <a href="https://journals.openedition.org/volume/7457"><em>cultural studies</em></a> et des <a href="https://journals.openedition.org/cybergeo/23451">études statistiques ou linguistiques</a> restent, au même titre que les approches théâtrales ou musicales, fort utiles. Mais on peut aussi se focaliser simplement sur la place conférée à un élément pendant le concours pour y voir plus clair : le corps. Le sujet, parcouru par les <a href="https://hull-repository.worktribe.com/output/377834/introduction-gender-and-geopolitics-in-the-eurovision-song-contest"><em>gender studies</em></a>, permet d’une part de sonder le pouvoir d’identification que comporte un tel produit médiatique à dimension globale, et d’autre part de percevoir les enjeux politiques qui se scellent derrière certains choix techniques, artistiques ou performatifs.</p>
<p>En l’occurrence, le corps a été l’un des grands perdants de la période pandémique, confiné comme il est/fut dans son petit pré carré d’intimité, c’est-à-dire aux antipodes de l’écho planétaire du programme ESC. Dans ce qu’il dit d’une identité, le corps se révèle comme l’un des objets principaux du concours Eurovision, au même titre que la voix des artistes. Fièrement costumé, savamment dénudé, canonisé ou justement altéré jusqu’à la monstruosité, le corps se présente comme un support d’engagement politique de première importance et se voit chargé d’incarner des thèmes brûlants : droits de chacun, acceptation de soi, lutte pour l’égalité entre les sexes, les âges…</p>
<h2>« Mix & Switch »</h2>
<p>Au cours de l’ESC 2019 (la dernière version « régulière », qui se tint à Tel-Aviv), une nouvelle séquence s’est définitivement installée dans le spectacle final : le « Mix & Switch », ou <a href="https://eurovision.tv/video/switch-song-with-conchita-wurst-maans-zelmerloew-eleni-foureira-verka-serduchka-eurovision-2019">« Switch Song »</a>.</p>
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<p>Ce moment doit être considéré comme fondateur dans la construction du mythe <em>in progress</em> du concours, au même titre que les cartes postales de présentation des pays ou que les présélections nationales, justement parce qu’il mélange sujets politiques et monstration des différences, à travers la variété des corps et des styles, tout en étant détaché de la compétition qui a lieu.</p>
<p>Placé au moment de l’<em>Interval act</em>, c’est-à-dire après l’ensemble des prestations chantées des concurrents de la finale, et juste avant le lancement de la longue et mythique session de vote, le « Switch Song » a vu cinq artistes interpréter des chansons désormais considérées comme des tubes dans le domaine ESC – ce qui au passage a enfoncé le clou d’un répertoire propre à l’Eurovision : l’autrichienne Conchita Wurst, qui triompha au concours à Copenhague en 2014 ; le suédois Måns Zelmerlöw, vainqueur l’année suivante à Vienne avec <a href="https://www.youtube.com/watch?v=5sGOwFVUU0I"><em>Heroes</em></a> ; Eleni Foureira, favorite des bookmakers pour l’édition 2017 (finalement remportée par la représentante israélienne, Netta), lors de laquelle elle représenta Chypre avec <a href="https://www.youtube.com/watch?v=vyDTbJ4wenY"><em>Fuego</em></a> ; Verka Serduchka, autre incontournable de la galaxie eurovision, interprète de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=hfjHJneVonE"><em>Dancing Lasha Tumbai</em></a> qu’il présenta pour l’Ukraine en 2007 ; et Gali Atari, qui avait remporté le concours en 1979 avec <a href="https://www.youtube.com/watch?v=W75kmzHkm8o"><em>Hallelujah</em></a>.</p>
<p>Le choix des cinq artistes répondait à une double nécessité : représenter un panel des pays concourant à l’Eurovision (du nord au sud, d’est en ouest) ; promouvoir l’ouverture à la différence et au respect, thèmes dont les artistes qui font délégation se font les chantres.</p>
<p>Par ailleurs, le Switch Song de 2019 a instauré un système d’échange qui voyait un chanteur réinterpréter stylistiquement le tube de son acolyte, comme un hommage autocentré où le travestissement musical faisait écho à la transgression corporelle devenue norme. Ce système du mélange mettait en branle un subtil jeu de liens nouveaux, un tuilage des formes et des combats, qui renforce l’ESC dans son rôle d’espace apolitique-politisé. </p>
<p>La question du corps a été déterminante dans le choix des interprètes. Par exemple, C. Wurst et V. Serduchka sont deux personnages symboliques : la première est incarnée par le chanteur et drag queen Thomas Neuwirth, la seconde est un travesti qui prend les traits d’une femme forte vêtue de lumière et d’acier. Dans le Switch Song de 2019, Conchita était justement recouverte d’un tulle transparent, offrant ainsi sa masculinité féminisée au public qui l’avait découverte en madone barbue dans <a href="https://www.youtube.com/watch?v=SaolVEJEjV4">« Rise Like a Phoenix »</a>, tandis que Verka conservait l’accoutrement cosmique et les formes généreuses qui font sa renommée.</p>
<p>Ces caractéristiques étaient contrebalancées par les variations corporelles bien plus conformistes des trois autres artistes participant au Switch Song. Zelmerlöw est un parfait bellâtre venu du nord, qui fait la une des magazines et envahit les médias nordiques depuis des années. La Gréco-Albanaise Foureira exposait une peau et une chorégraphie parfaitement huilées, alternant mouvements endiablés et déhanchés propres à réunifier un pays. Le tout exécuté dans un costume réduit au minimum, fait de trois étoiles érotiquement et stratégiquement placées.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/402117/original/file-20210521-19-o0t42b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/402117/original/file-20210521-19-o0t42b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=354&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/402117/original/file-20210521-19-o0t42b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=354&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/402117/original/file-20210521-19-o0t42b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=354&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/402117/original/file-20210521-19-o0t42b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=445&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/402117/original/file-20210521-19-o0t42b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=445&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/402117/original/file-20210521-19-o0t42b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=445&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La séquence Switch Song, en 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Capture d’écran</span></span>
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<p>Enfin, Gali Atari (née en 1953) donna au public un bel exemple de longévité à toute une génération de fans et participants de l’Eurovision : au milieu des quatre artistes précédemment cités, elle semblait la plus jeune du lot : miracle de l’esthétique en terre promise !</p>
<p>Le corps fut donc célébré dans tous ses retranchements, d’autant que les rondeurs revendiquées de Netta (gagnante du concours en 2018), puis l’intemporalité ostentatoire de l’indétrônable icône de la pop music Madonna, complétèrent le tableau de ce (trop) long entracte. </p>
<p>L’Eurovision est définitivement passée de la période post-Abba – qui a traîné jusqu’à la fin du siècle dernier – à l’ère de la corpo-choralité.</p>
<h2>Voilà 2021</h2>
<p>De l’hymne aux corps de Tel-Aviv, nous avons sauté à pieds joints dans le corps des hymnes de Rotterdam. Le slogan (un autre aspect marketing hautement significatif du concours) de cette édition était « open up » : un appel à l’ouverture, des oreilles, des yeux, des portes et des bras. En somme, une invitation à la différence qui devait, une nouvelle fois, ravir les communautés qui au cours des dernières décennies ont trouvé dans l’ESC un espace d’exhibition et d’expression, à l’échelle mondiale, et à leur mesure.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/VJuD7AnV-uw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Occasion rêvée pour les artistes qui, plutôt que de porter un message autre (bien que tout message politique soit interdit au concours, toute thématique engagée obtient souvent les faveurs du public et du jury) ont été invités à parler d’eux-mêmes. Oui, les artistes aussi ont vécu leur diaspora cette année à travers la crise du Covid. Pire, parmi eux, les chanteurs ont fait particulièrement les frais des restrictions anti-gouttelettes. Que d'hommages à la profession du spectacle au moment où chacun des représentants des jurys nationaux a annoncé ses préférences, au terme de la soirée !</p>
<p>Il y avait de quoi donner des ailes à la délégation française qui, portée par la jeune Barbara Pravi, entendait bien, dans son hymne piafesque, embrasser le corporatisme du <a href="https://www.eurovision-france.fr/eurovision-2021-le-turquoise-carpet-ouvre-le-concours/">« Turquoise Carpet »</a>, et dire bravo et merci à tous les artistes qui manquent à nos quotidiens et ne demandent qu’une chose : se mettre à nu.</p>
<p>La chanson <a href="https://www.youtube.com/watch?v=kTaOHpWz3og"><em>Voilà</em></a> a été plébiscitée, mais elle a été devancée d'un cheveu par l'envie de pogo incarnée par Zitti e buoni (littéralement « Chut ! Couchés ! ») des Italiens Måneskin.
Enfin, on s'attendait à un nouveau Switch Song en 2021 : hélas, il n'en fut rien, même si cette édition nous a réservé son lot de surprises (profusion des plumes, retour de l'esthétique des années 80, effets vidéos à couper le souffle). Probablement les conditions spéciales de réalisation du concours (l'ancien lauréat, Duncan Laurence, par exemple, a dû renoncer au prime au tout dernier moment) ont freiné les ambitions de mise en scène. Néanmoins, même si les prestations en live, et en groupe, ont visiblement été entravées, le répertoire ESC a été célébré comme il se doit. Nul doute que le format du Switch Song reviendra à Rome l'année prochaine, d'autant que les vainqueurs auront à cœur de remettre leur corps à rude épreuve en dialogant avec deux autres figures légendaires : Toto Cutugno et Gigliola Cinquetti.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161365/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphane Resche ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le concours de la chanson est devenu au fil du temps un écrin incomparable pour l’expression des diversités.Stéphane Resche, PRAG (PhD) / Associate researcher, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1551892021-02-26T12:50:02Z2021-02-26T12:50:02ZQuand le racisme est devenu une question politique dans le cinéma français<p>Lorsque la comédienne et réalisatrice Aïssa Maïga entre sur la scène de la salle Pleyel, à l’occasion de la remise du prix du meilleur espoir féminin de la cérémonie des César de février 2020, elle lance : « Bonsoir la famille ! Bien ou bien ? », puis livre à la salle un aveu étrange.</p>
<p>Après avoir salué de loin quelques « têtes » reconnues, les actrices Eye Haïdara, Karidja Touré, le réalisateur Ladj Ly, elle avoue, dans un éclat de rire :</p>
<blockquote>
<p>« Ça fait plus de deux décennies que, à chaque fois que je me retrouve comme ça dans une grande réunion du métier, je peux pas m’empêcher, c’est plus fort que moi… Je peux pas m’empêcher de compter le nombre de noirs dans la salle. »</p>
</blockquote>
<p>Avec une ironie assumée, qui rencontre un silence pesant et quelques rires parsemés, Aïssa Maïga concède le caractère peu convenable de ce comptage mental – elle l’avoue volontiers : « je peux pas m’en empêcher ».</p>
<p>Pourtant, la mise en scène d’autocensure et de culpabilité est très vite dépassée, puisque sa pratique se répète, dit-elle, à chaque fois, dans chaque grande réunion, malgré tout (« c’est plus fort que moi ») : elle se met à compter.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/5GbA0cWii80?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Aïssa Maïga, réalisatrice et actrice, cérémonie des César, février 2020.</span></figcaption>
</figure>
<p>L’actrice poursuit ses questionnements sur l’invisibilité de celles et ceux qu’elle finit par nommer, après quelques hésitations, « les non-blancs » :</p>
<blockquote>
<p>« Et puis bon c’est la fête parce que 12… Ben 12 c’est quand même pas mal ! Hein ? 12… comment on dit ? Beurs ? Black ? Noich’ ? Chinois, beurettes ? Bon, appelez-nous comme vous pouvez. »</p>
</blockquote>
<p>Elle insiste, en fin de discours, sur la nécessité pour la majorité de la salle, trop nombreuse pour qu’elle puisse la compter, à agir sur les plateaux de tournage, dans les instances de décision, dans les équipes, à changer leurs pratiques, à penser « inclusion ».</p>
<h2>Un sentiment de malaise</h2>
<p>Dans les médias, sur les réseaux sociaux, et dans le milieu de l’audiovisuel français sur lequel je mène <a href="http://www.theses.fr/s197615">mon travail de thèse</a>, le discours de l’actrice et son geste de visibilisation du nombre de noirs dans la salle ont reçu des réponses parfois radicalement opposées.</p>
<p>De <a href="http://www.slate.fr/story/188070/cinema-francais-ceremonie-cesar-discours-aissa-maiga-racisme-representations">l’hommage</a> au soutien, de la dénonciation à la <a href="https://www.valeursactuelles.com/clubvaleurs/societe/qui-est-aissa-maiga-la-militante-tapie-derriere-lactrice-116619">stigmatisation</a>, les réactions et les comptes rendus suivant la cérémonie se sont aussi parfois soldés par de simples non-mentions ou la <a href="https://www.lemonde.fr/cinema/article/2020/02/29/cesars-2020-la-soiree-chahutee-de-la-grande-famille-du-cinema-francais_6031323_3476.html">minimisation de ses enjeux</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1234460628322070530"}"></div></p>
<p>Qu’elles l’acclament, le fustigent ou le discréditent, ces réponses au discours d’Aïssa Maïga semblent converger sur un point au moins : le sentiment de « malaise » qu’il a suscité.</p>
<p>Malaise de la salle Pleyel, silencieuse et gênée, malaise des internautes et du « grand public », malaise jusqu’au sein du groupe dans lequel je me trouvais pour visionner la cérémonie, réunissant des professionnel·le·s du cinéma engagé·e·s pour la parité et la diversité.</p>
<p>Quelles que soient ces réceptions, la prise de parole de la comédienne et réalisatrice a jeté un trouble, en brouillant les frontières du langage autorisé au sein de l’arène symbolique et médiatique que sont les César du cinéma français.</p>
<h2>« Compter les Noirs » ?</h2>
<p>Si « compter les Noirs » est un réflexe peu avouable pour Aïssa Maïga qui, par ce stratagème rappelle que la « visibilité » de l’ensemble des populations minoritaires au cinéma demeure tabou, c’est bien parce qu’il y a des normes implicites, des codes, des règles intériorisées qui limitent <a href="https://www.cairn.info/de-la-question-sociale-a-la-question-raciale--9782707158512-page-17.htm">l’horizon du dicible</a> en matière de « race » et de racisme en contexte français.</p>
<p>La <a href="https://mouvements.info/sur-les-ruses-de-la-raison-nationale/">raison nationale</a>, républicaine et universaliste, pose en effet les citoyens français comme des sujets de droit, égaux et abstraits, interdisant ainsi toute forme de différenciation par la religion, la culture, l’ethnie, qui serait susceptible de troubler l’homogénéité construite du corps national.</p>
<p>C’est cet idéal universaliste que l’on retrouve dans l’interdiction des statistiques ethniques dont <a href="https://www.cairn.info/migrations-et-mutations-de-la-societe-francaise--9782707177117-page-297.htm">Patrick Simon</a> retrace la genèse.</p>
<p>C’est ce même idéal que donne à voir <a href="https://laviedesidees.fr/Les-marges-coloniales-de-la-citoyennete.html">Silyane Larcher</a>, dans son travail sur l’histoire des citoyennetés d’exception mises en place dans les Antilles après l’abolition de l’esclavage.</p>
<p>C’est enfin et toujours cette conception homogénéisante de la citoyenneté et de la nation qui se perçoit dans la définition de la discrimination par le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070719/LEGISCTA000006165298/#LEGIARTI000033461473">droit français</a>. Ce dernier la conçoit en lien étroit avec l’égalité, comme un traitement inégal entre deux individus égaux en droit.</p>
<p>Or pour <a href="https://www.cairn.info/l-inegalite-raciste--9782130508861-page-5.htm">Véronique de Rudder, Christian Poiret et François Vourc’h</a>, c’est cette définition individualiste de la discrimination qui empêche toute prise en compte, politique ou juridique, de la dimension collective de l’expérience minoritaire, et de l’expérience discriminatoire en France, et ce faisant, crée de la discrimination. </p>
<p>Dans ce contexte national qui ne reconnaît pas de différence entre des citoyens abstraits, et tandis que le racisme est défini en France en termes individualisants et euphémisés, on comprend mieux le « malaise » suscité par l’intervention d’Aïssa Maïga lors des César.</p>
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<figcaption><span class="caption">Bande annonce du film « Tout Simplement Noir » de Jean‑Pascal Zadi.</span></figcaption>
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<p>La visibilisation d’une discrimination invisible et non nommée provoque, pour celles et ceux (majoritaires) qui n’y sont pas sensibilisé·e·s, une forme de rupture nette, entre une existence vécue sur le mode abstrait et évident, et une désignation concrète de différences entre individus supposés égaux.</p>
<p>Quoi de plus « naturel », dès lors, que de se sentir gêné·e, dans le désalignement soudain, entre des modes de pensée communs non questionnés, et une contestation sociale de l’ordre des œuvres et des artistes les plus reconnus ?</p>
<h2>Une discrimination cinématographique ?</h2>
<p>Car « compter les Noirs », c’est par ailleurs troubler, au-delà de l’ordre national établi, les définitions de ce qu’on compte et de ce qu’on ne compte pas au sein des espaces de reconnaissance artistique du cinéma français.</p>
<p>Les César, rappelle le sociologue <a href="https://www.cairn.info/revue-actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales-2006-1-page-96.htm">Julien Duval</a>, sont parmi les principales instances de consécration des œuvres et des professionnel·le·s du cinéma en France. Créés en 1976 comme un équivalent aux Oscars américains, ces récompenses distinguent chaque année les œuvres et les artistes les plus appréciés par son collège de plus de 4000 membres votant·e·s, représentant les diverses professions du secteur.</p>
<p>Comme dans les festivals ou chez la critique, le langage qui y prime est donc celui de la reconnaissance et du prestige, de la réussite et de l’art cinématographique. « Talent », « qualité », « création », « innovation » y forment des catégories de classement presque « naturelles » des œuvres, qui permettent d’entretenir l’idée d’une institution récompensant avant tout les « meilleurs » films, et les créateurs et créatrices de « talent ».</p>
<p>Dans ces hiérarchies et ces rituels de reconnaissance, les catégories étrangères au seul langage artistique sont frappées de suspicion. C’est d’abord l’histoire du cinéma et de la <a href="https://www.fayard.fr/sciences-humaines/la-cinephilie-9782213615073">cinéphilie</a> qui détermine les codes permettant au public et aux professionnel·le·s d’apprécier la grandeur des films et le prestige des cinéastes.</p>
<p>Pensé sous un mode abstrait et universel, les figures de l’œuvre et de l’artiste légitimes sont donc bien aux antipodes de toute considération de « genre », d’« ethnie » ou d’« origine ».</p>
<p>Ainsi, dans le cinéma comme dans les autres arts, la dénonciation d’une discrimination se heurte aux principes de liberté de création et de qualité artistique, qui garantissent <a href="https://www.biens-symboliques.net/326?lang=en">l’autonomie de la production cinématographique</a>.</p>
<p>Par son décompte, Aïssa Maïga introduit au contraire une nouvelle division parmi les professionnel·le·s du cinéma français. En distinguant les « non-blancs » (réalisateur, actrices) de la majorité de la salle, elle rend visible le faible nombre d’entre elles et eux qui sont parvenu·e·s à se glisser jusqu’à l’intérieur du « sérail », jusqu’à l’endroit où se reconnaissent et se consacrent les grands « noms ».</p>
<p>En rendant ainsi visible l’enjeu du racisme en pleine cérémonie de remise des César, le discours de l’actrice interroge en somme la manière dont le cinéma écrit sa propre histoire. S’adressant au public de la salle Pleyel comme à « la grande famille du cinéma », il fait de cette salle la représentante de l’industrie entière, lui posant la question de ceux et celles qu’elle exclut ou ne représente pas.</p>
<p>Loin des conceptions abstraites et individualisantes de la citoyenneté et de <a href="http://www.theses.fr/2018PSLEH084">« l’auteur »</a> de cinéma, son geste introduit donc l’idée d’une possible discrimination cinématographique. Pour y remédier, elle incite la salle à agir, lorsqu’elle est face à « des équipes de tournage, des équipes techniques, des castings monochromes […] des instances de décision […] de financement ». Elle les incite, en deux mots, à « penser inclusion ».</p>
<h2>Une question politique</h2>
<p>La double rupture opérée par le discours d’Aïssa Maïga, sur cette scène, à ce moment et en ces mots, n’est pas le fruit d’un hasard. Elle résulte au moins de l’effet combiné d’une conjoncture politique particulière, sur laquelle on reviendra, et de la position artistique et sociale spécifique de l’actrice, suffisamment reconnue pour être appelée à présenter un trophée et endosser les risques d’une prise de parole publique sur ces questions.</p>
<p>De la même façon, les ruptures opérées par le discours d’Aïssa Maïga n’existeraient pas sans les conceptualisations antérieures de l’enjeu du racisme dans le cinéma – et cette définition nouvelle de l’« inclusion » (« c’est comme ça qu’on dit maintenant », dit-elle) succède ou concurrence d’autres définitions de la lutte contre les discriminations, centrée jusqu’à récemment autour de la notion de « diversité ».</p>
<p>Les manières de dire, d’analyser, de penser le racisme et les possibilités ouvertes pour le contester sont en effet toujours à l’aboutissement de processus conjoints de cadrage et de définition, de politisation et de médiatisation de ses enjeux.</p>
<p>En l’occurrence, la succession des crises liées aux enjeux de représentation et touchant plus ou moins directement le secteur du cinéma a permis à des professionnel·le·s, mobilisé·e·s depuis la fin des années 1990 jusqu’à la période actuelle, de porter la question du racisme devant les instances professionnelles et les pouvoirs publics.</p>
<h2>En 2005, la représentation comme miroir donné à voir sur les écrans</h2>
<p>En 2005, d’abord, <a href="http://www.editionsamsterdam.fr/dans-le-blanc-des-yeux/">Maxime Cervulle</a> le rappelle, c’est la crise des révoltes urbaines qui offre une première « fenêtre d’opportunité » aux associations mobilisées.</p>
<p>Plusieurs réunions avaient déjà été organisées par les pouvoirs publics pour poser la question de la présence de ceux qu’on appelait alors les « minorités visibles » sur les écrans.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le comédien et dramaturge Luc Saint-Eloy et l’écrivaine Calixthe Beyala interviennent lors des César de 2000.</span></figcaption>
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<p>Lors des César de 2000, l’écrivaine Calixthe Beyala et l’acteur et dramaturge Luc Saint-Eloy, membres du Collectif Egalité, étaient intervenus pour dénoncer une marginalisation des noirs dans les représentations cinématographiques et télévisuelles.</p>
<p>Durant les émeutes de 2005, le président Jacques Chirac s’était saisi lui-même de la question des discriminations « sur les écrans ». Dans une allocution télévisée, qui a fait figure de discours « sortie de crise », le 14 novembre, il fustigeait le « poison » que sont les discriminations, en appelant à des mesures d’action publique en guise de solutions.</p>
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<figcaption><span class="caption">Allocution de Jacques Chirac, 2005.</span></figcaption>
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<p>Parmi les mesures proposées, la création de l’<a href="https://www.csa.fr/Informer/Collections-du-CSA/Observatoire-de-la-diversite">Observatoire de la diversité</a> du CSA, de la <a href="https://www.cnc.fr/professionnels/aides-et-financements/multi-sectoriel/ecriture-et-developpement/fonds-images-de-la-diversite_191484">commission Images de la diversité</a> du CNC et de <a href="https://www.data.gouv.fr/fr/organizations/agence-nationale-pour-la-cohesion-sociale-et-l-egalite-des-chances/">l’Acsé</a> et l’inscription de nouvelles missions au cahier des charges des chaînes de télévision publiques marquent des étapes importantes dans l’institutionnalisation de la lutte contre les discriminations dans le domaine audiovisuel.</p>
<p>Traduisant dans le domaine cinématographique le vocable de la « promotion de la diversité », ces dispositifs portent par ailleurs une conception particulière de la discrimination. Celle-ci est essentiellement axée sur le principe de la <a href="https://www.cairn.info/revue-droit-et-societe1-2001-1-page-237.htm">représentation comme miroir</a> donné à voir sur les écrans, et est sous-tendue par une conception ambiguë de la différence, <a href="https://www.cairn.info/revue-raisons-politiques-2009-3-page-87.htm">tantôt définie comme une « richesse »</a> et pensée en termes de ce que l’individu apporte de plus au groupe, tantôt définie comme horizon de fin des discriminations.</p>
<p>En allouant des financements à des œuvres dont les récits représentent cette « diversité », et en s’attachant à mesurer la représentation des personnes perçues comme en étant issues, la commission Images de la diversité et l’Observatoire de la diversité du CSA donnent donc une existence institutionnelle durable à cette conception.</p>
<p>Ni la question de la composition des équipes, ni celle de l’accès aux instances de décision et de financement, évoquées dans le discours d’Aïssa Maïga, ne paraissent alors intégrées aux dispositifs.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/385784/original/file-20210223-22-1a0b0j1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/385784/original/file-20210223-22-1a0b0j1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/385784/original/file-20210223-22-1a0b0j1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/385784/original/file-20210223-22-1a0b0j1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/385784/original/file-20210223-22-1a0b0j1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/385784/original/file-20210223-22-1a0b0j1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/385784/original/file-20210223-22-1a0b0j1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Image extraite d’Indigènes, film de Rachid Bouchareb, dont la diffusion a motivé la création du fonds Images de la diversité.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.canalplus.com/cinema/indigenes/h/1722041_40099">Canal Plus</a></span>
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<h2>En 2018, #MeToo et la requalification professionnelle des discriminations</h2>
<p>Ce n’est qu’en 2018 que ce deuxième cadrage émerge, à la suite des différentes affaires #MeToo qui politisent sous un angle nouveau les questions de harcèlement et de violences sexuelles dans le cinéma mondial.</p>
<p>En France, cette conception professionnelle de la discrimination est portée par le Collectif 50/50, association de professionnel·le·s dotée des ressources culturelles, économiques et médiatiques nécessaires pour investir la fenêtre médiatique ouverte par la crise. Le Collectif agit très vite, en concertation avec les institutions du cinéma (CNC, festival de Cannes, ministère de la Culture) pour promouvoir des mesures paritaires au sein des principales institutions.</p>
<p>Cette fois, ce ne sont plus seulement les enjeux de représentation et de « diversité », qui sont mis en avant, mais ceux des inégalités de genre, et de leurs effets sur la moindre sélection et consécration des femmes réalisatrices. En usant de leur notoriété au sein de l’espace très chargé symboliquement du Festival de Cannes, les professionnel·le·s du Collectif 50/50 organisent la mise en scène de 82 femmes montant les marches du palais des festivals, pour symboliser le nombre de réalisatrices jamais sélectionnées en compétition.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/385785/original/file-20210223-13-7tdyrw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/385785/original/file-20210223-13-7tdyrw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/385785/original/file-20210223-13-7tdyrw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/385785/original/file-20210223-13-7tdyrw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/385785/original/file-20210223-13-7tdyrw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/385785/original/file-20210223-13-7tdyrw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/385785/original/file-20210223-13-7tdyrw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La montée des marches exclusivement féminine au festival de Cannes de 2018.</span>
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<h2>Visibiliser la stigmatisation</h2>
<p>Opérant une requalification de la cause des inégalités dans le cinéma, le Collectif 50/50 facilite donc le passage d’une représentation à l’écran, à une représentation dans le travail, dans les équipes, « devant et derrière la caméra ».</p>
<p>Dans le même moment, bien que l’action ne soit pas concertée, le collectif à l’origine du livre <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/noire-n-est-pas-mon-metier-collectif/9782021401196"><em>Noire n’est pas mon métier</em></a>, composé de seize actrices noires ou métisses (dont Aïssa Maïga), organise sa propre montée des marches pour lancer la publication de l’ouvrage.</p>
<p>Ce dernier visibilise les expériences de stigmatisation et d’altérisation vécues par ces actrices, dans une conception se rapprochant de celle du Collectif 50/50. Plutôt que de se concentrer sur les seuls enjeux de représentation, il envisage les histoires racontées comme des productions professionnelles, et dénonce le racisme que continuent à subir de nombreuses actrices dans leur travail quotidien.</p>
<p>Agrégeant les ressources de ce groupe de comédiennes diversement célèbres, et bénéficiant de l’opportunité médiatique offerte par le Festival de Cannes et les affaires #MeToo, le livre contribue à visibiliser les enjeux de « diversité » et de racisme dans le cinéma sous un jour nouveau.</p>
<h2>2020 : De la « diversité » à l’« inclusion »</h2>
<p>En 2020, après deux années de travail connexe de ces deux conglomérats d’acteurs et actrices (les associations et dispositifs des années 2000, et les collectifs 50/50 et Noire n’est pas mon métier), une nouvelle vague de politisation reconfigure les mobilisations sur les questions de racisme dans le cinéma.</p>
<p>Les mouvements mondiaux contre la racisme, ayant suivi l’assassinat de George Floyd aux États-Unis, la médiatisation accrue des enjeux liés aux violences policières en France, et la repolitisation des affaires #MeToo ouvrent une dernière brèche de politisation.</p>
<p>La 45<sup>e</sup> cérémonie des César se déroule ainsi, on le disait plus tôt, dans un contexte de forte polémique. En interne, les <a href="https://twitter.com/LaSRF1968/status/1216772890353422336?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1216772890353422336%7Ctwgr%5E%7Ctwcon%5Es1_c10&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.lesinrocks.com%2F2020%2F01%2F14%2Fcinema%2Factualite-cinema%2Fclaire-denis-et-virginie-despentes-evincees-de-la-soiree-des-revelations-des-cesar%2F">critiques de professionnel.le.s</a> contre la direction des César abondent, forçant le président Alain Terzian et son conseil d’administration à la démission, à deux semaines de l’événement. À l’extérieur de la profession, les 12 nominations reçues par le film réalisé par Roman Polanski, <em>J’accuse</em>, suscitent également de vives critiques, et préfigurent le traitement médiatique de la cérémonie.</p>
<p>Dans un contexte de forte politisation des inégalités de genre et des violences sexuelles dans le cinéma à la suite des affaires #MeToo, et alors que le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=QFRPci2wK2Y&vl=fr">témoignage de l’actrice Adèle Haenel</a> en novembre 2019 ouvrait une nouvelle étape de médiatisation de ces questions en France, la nomination d’un réalisateur accusé de viol et d’agression sexuelle par douze femmes différentes suscite l’indignation.</p>
<p>C’est dans cette configuration médiatique que l’enjeu du racisme émerge à nouveau la veille de la cérémonie. Le 26 février 2020, une <a href="https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/cinema/blackcesars-une-tribune-denonce-le-manque-de-diversite-dans-le-cinema-francais-26-02-2020-8267550.php">tribune</a> publiée dans <em>Le Parisien</em> à l’initiative de l’acteur Eriq Ebouaney pointe du doigt l’invisibilité des professionel·le·s issu·e·s des DOM-TOM et de l’immigration africaine et asiatique dans le cinéma français. Aïssa Maïga en fait partie, comme d’autres actrices signataires de l’ouvrage <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Noire_n%27est_pas_mon_m%C3%A9tier"><em>Noire n’est pas mon métier</em></a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/383983/original/file-20210212-13-fkwhti.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/383983/original/file-20210212-13-fkwhti.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/383983/original/file-20210212-13-fkwhti.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/383983/original/file-20210212-13-fkwhti.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/383983/original/file-20210212-13-fkwhti.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/383983/original/file-20210212-13-fkwhti.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/383983/original/file-20210212-13-fkwhti.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Collage de rue, Paris 19e, 25 janvier 2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Evelia Mayenga</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Cette dernière période est marquée par la convergence des porte-parole, et la concentration de la mobilisation au sein du Collectif 50/50, qui intègre Aïssa Maïga et d’autres parmi les membres de son conseil d’administration, et stabilise ses définitions de l’« inclusion ». La notion est alors utilisée par les professionnel·le·s pour répondre au racisme d’un point de vue, non plus des représentations, mais des pratiques professionnelles des ceux et celles qui les fabriquent.</p>
<p>Elle est sous-tendue par une conception du monde professionnel comme un espace de pouvoir structuré par des rapports de force, que les acteur.rice.s objectivent par des statistiques et des études sur l’accès différencié aux ressources. Dans cet espace, l’« inclusion » doit équivaloir à une action positive de rééquilibrage, de compensation d’inégalités de représentation (dans les équipes) et de représentativité (dans les instances) professionnelles.</p>
<p>C’est bien cette conception qu’on retrouve dans la tribune du <em>Parisien</em> et dans le discours d’Aïssa Maïga lors des César, qui ne s’arrêtent pas seulement aux rôles stéréotypés attribués aux comédien·ne·s « non-blancs », mais qui enjoignent également la « grande famille du cinéma » à changer ses pratiques pour davantage d’« inclusion ».</p>
<h2>Quand le racisme fait problème</h2>
<p>Le cadrage spécifique de la discrimination raciale dans le cinéma porté par Aïssa Maïga et par d’autres professionnel·le·s mobilisé·e·s sur ces questions, labellisées sous le terme d’« inclusion », est donc finalement relativement récent.</p>
<p>Arrivé dans le langage commun à partir de 2018 et des affaires #MeToo, il semble prendre, pour certain·e·s professionnel·le·s engagé·e·s, une signification proche du terme de « diversité ».</p>
<p>Tous deux employés comme « avatars » de la question raciale (selon le mot de <a href="https://www.cairn.info/revue-le-genre-humain-1981-1-page-55.htm">Colette Guillaumin</a>), les deux mots ne sont cependant pas chargés des mêmes histoires, ni des mêmes connotations, et ne sont donc pas reçus ni utilisés de la même façon par les professionnel·le·s du cinéma que j’ai pu rencontrer.</p>
<p>Tandis que l’« inclusion » est utilisée par certain·e·s professionnel·le·s, et notamment par le <a href="http://collectif5050.com/">Collectif 50/50</a>, pour répondre au racisme d’un point de vue des pratiques de recrutement, de cooptation et de sélection, la « diversité », quant à elle, est plutôt appropriée comme un outil visant à améliorer les représentations sur les écrans, par des acteur.rice.s (associatifs, politiques, institutionnels) ayant œuvré à la mise en place de premiers dispositifs de lutte contre les discriminations dans le domaine audiovisuel.</p>
<p>Ainsi, en historicisant les conceptions de la discrimination portée par les acteur.rice.s mobilisé·e·s sur et contre le racisme dans le cinéma, on se donne les moyens d’envisager les idées de « diversité » et d’« inclusion » comme des construits sociaux produits au fil du temps, des reconfigurations politiques, militantes et institutionnelles.</p>
<p>Une telle démarche permet de comprendre que pour qu’un problème comme le racisme dans le cinéma soit pris en charge, par des professionnel·le·s, une institution, ou par l’État lui-même, il nécessite une construction préalable comme problème digne d’intérêt, et solvable par des solutions rentables, économiquement et symboliquement.</p>
<p>Cette co-construction menée par divers protagonistes nécessite des ressources, médiatiques, sociales, économiques, professionnelles, qui s’agencent avec des contextes de plus ou moins forte politisation. Dans un monde du cinéma résistant aux catégories de classement étrangères au seul domaine artistique, elle demande aussi un langage, et une mise en écho structurée de la question des discriminations professionnelles.</p>
<p>En ce sens, cette brève histoire illustre et explique en partie les raisons pour lesquelles les contestations se rejoignent à certaines intersections. La politisation conjointe des questions d’inégalités de genre, de violences sexuelles et de racisme dans le cinéma, au sein de réseaux ayant fini par se croiser, justifie en partie la structure parallèle de leurs mobilisations.</p>
<p>Si elle n’a pour l’instant pas engendré les mêmes réponses de la part des pouvoirs publics, cette évolution a au moins permis de mettre en avant les effets multiples de ce type de politisation sur le cadrage des problèmes sociaux. En posant la question de sa représentation et de sa composition au cinéma français, ces professionnel·le·s relativement doté·e·s, audibles et médiatisé·e·s ont montré ce qu’un secteur particulier d’action publique et de création pouvait, en retour, questionner dans les manières de nommer le racisme au sein d’une société.</p>
<hr>
<p><em>L'autrice réalise sa thèse sous la direction de Frédérique Matonti.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/155189/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Evélia Mayenga ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La prise de parole d’Aïssa Maïga en 2020, destinée à rendre visible et politiser les « non-Blancs » dans le cinéma français, a jeté le trouble.Evélia Mayenga, Doctorante en science politique, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1411502020-08-25T18:46:40Z2020-08-25T18:46:40ZTémoignage : Le jumelage interculturel, un dispositif pour lutter contre les préjugés<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/350010/original/file-20200728-15-1h3uvta.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=94%2C35%2C3093%2C1950&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">A l'Université du Québec à Montréal, plus de 12000 étudiants ont déjà bénéficié d'un dispositif de jumelage.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-vector/dialogue-group-many-multiethnic-multicultural-people-1623406720">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>L’ouverture sur le monde et le dialogue interculturel sont essentiels à la formation des jeunes. Mais en ces temps de pandémie, où les déplacements internationaux sont fortement réduits, et où certaines universités refusent même l’accueil des étudiant·e·s participant au programme Erasmus, comment maintenir des échanges ? <a href="https://jumelagesinterculturels.uqam.ca">Le jumelage interculturel</a>, dispositif de formation initié à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) dans les années 2000, offre des réponses à ce défi.</p>
<p>Parti du constat que les étudiant·e·s de diverses origines ne se rencontrent pas sur le campus universitaire, le jumelage interculturel a d’abord proposé des échanges entre des étudiant·e·s immigrant·e·s apprenant le français à l’École de langues de l’UQAM pour s’intégrer au Québec et des étudiant·e·s participant à une sensibilisation <a href="https://www.youtube.com/watch?v=iDyZf5xOLVY">aux préjugés, à la discrimination et au racisme dans leur formation</a>.</p>
<p>Plus de 12 000 étudiant·e·s ont ainsi bénéficié de ce dispositif et réalisé ensemble une activité en lien avec leur formation. Le jumelage interculturel est soutenu par l’institution à travers le personnel qui l’organise, l’anime et l’évalue. C’est <a href="https://www.journal.psy.ulaval.ca/ojs/index.php/ARIRI/article/view/Guillot_Alterstice8%281%29">ce leadership transformateur</a> qui est vecteur de changement social et qui garantit une bonne gestion des échanges.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ctZ_pScTIGU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Jumelage interculturel, bande-annonce.</span></figcaption>
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<p>Au fil des ans, le jumelage interculturel a été adapté aux besoins d’étudiant·e·s de divers programmes universitaires (travail social, sociologie, communication, psychologie, orientation de carrière, apprentissage des langues), de différentes institutions (scolaires et post-secondaires, centres communautaires), mais aussi de formations professionnelles comme celles des futurs policiers et policières. Ces échanges personnalisés peuvent se faire en présentiel ou à distance.</p>
<h2>Un dispositif adapté à des publics variés</h2>
<p>Parmi les <a href="https://www.puq.ca/catalogue/livres/jumelages-interculturels-2614.html">nombreuses expériences de jumelage interculturel</a>, celle concernant la formation des policiers et policières nous paraît pouvoir apporter des réponses aux <a href="https://www.ledevoir.com/opinion/libre-opinion/580494/opinion-le-racisme-est-un-virus">problèmes de racisme</a> et de violences policières qui ont suscité de multiples manifestations à travers le monde ces derniers mois.</p>
<p>Inspiré du travail de l’UQAM, le Cegep de Maisonneuve (collège d’études post-secondaires situé à Montréal) a organisé un jumelage interculturel dans le cadre d’un cours de sociologie donné à de futurs policiers et policières. Cela leur a permis de rencontrer des étudiant·e·s en francisation du Centre Yves-Thériault de la Commission scolaire de Montréal. Les enseignant·e·s, responsables en travail social, conseillers et conseillères pédagogiques des deux institutions ont découpé leur jumelage interculturel en trois séances avec l’objectif de sensibiliser leurs étudiant·e·s aux problèmes de communication dus aux préjugés que les personnes de la police ont à l’égard des immigrant·e·s et réciproquement. De quoi nouer de vrais échanges, au-delà des chiffres sur les violences policières et le racisme.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/qF6e70Axz98?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Projet de JI des étudiants en Techniques policières avec de nouveaux arrivants (Collège de Maisonneuve).</span></figcaption>
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<p>En 2019, la formule du jumelage interculturel a été retenue pour des étudiant·e·s de psychologie de Côte d’Ivoire et de France. Bien que les universités incitent leurs étudiant·e·s à s’inscrire dans des programmes de mobilité internationale en lien avec leur curriculum de formation, elles sont cependant moins nombreuses à proposer des dispositifs visant à réduire les préjugés nationaux et ethno-raciaux.</p>
<p>Deux promotions d’étudiant·e·s ayant peu d’expérience internationale, inscrites en master de psychologie du travail, l’une à l’Université Félix Houphouët-Boigny à Abidjan, l’autre à l’Université de Lorraine à Metz, ont ainsi pu travailler ensemble. Les enseignants des deux pays se sont coordonnés pour leur permettre de réaliser en commun des entretiens de professionnels issus de leurs formations respectives.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/350008/original/file-20200728-25-5y39kc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/350008/original/file-20200728-25-5y39kc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/350008/original/file-20200728-25-5y39kc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/350008/original/file-20200728-25-5y39kc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/350008/original/file-20200728-25-5y39kc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/350008/original/file-20200728-25-5y39kc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/350008/original/file-20200728-25-5y39kc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les étudiant·e·s d’Abidjan à l’écran face aux étudiant·e·s de Metz, à l’occasion des présentations par visioconférence.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Ce jumelage interculturel a fait prendre conscience des préjugés respectifs. La communication à distance ne semble pas avoir altéré les émotions. Provoquant de la surprise au début, elle a souvent contribué au plaisir et au désir de transformer cette relation virtuelle en véritable rencontre.</p>
<p>Une réflexion est en cours à l’Université de Lorraine pour étendre le dispositif à un plus grand nombre d’étudiant·e·s. Les restrictions en termes de mobilité internationale liées aux conditions sanitaires actuelles pourraient accélérer sa mise en œuvre dès cette rentrée.</p>
<h2>Un dispositif prometteur</h2>
<p>En présentiel, comme à distance, le jumelage interculturel constitue un des outils que les <a href="https://www.cped-egalite.fr/">chargé·e·s de mission égalité-diversité</a> en France et les <a href="https://rqedi.com/">référent·e·s EDI</a> au Québec peuvent facilement mobiliser pour combattre les préjugés et les discriminations.</p>
<p>À distance, le jumelage interculturel invite à la rencontre et permet de s’y préparer tout en conservant les atouts du présentiel. Il permet aussi de se faire une meilleure idée des réalités du pays vers lequel l’étudiant·e pourrait voyager et poursuivre ses études. Le dispositif peut contribuer d’une part au développement d’une mobilité internationale des étudiant·e·s des pays du Nord vers ceux du Sud et d’autre part à la réduction de la fuite des cerveaux du Sud, inversant ou rééquilibrant les flux actuels.</p>
<p>Notons que le jumelage interculturel peut s’adapter à des situations hybrides. Par exemple, récemment à cause du confinement, des jumelages débutés en présentiel se sont poursuivis et achevés à distance. Et cette réorganisation entre rencontres directes et dialogue à distance permet aussi de répondre aux besoins de mieux réguler les déplacements pour réduire l’empreinte carbone et protéger l’environnement.</p>
<p>Le jumelage interculturel est un dispositif prometteur qui répond aux enjeux de la responsabilité sociétale des universités à un moment où nos sociétés doivent relever d’importants défis, celui d’une nouvelle géographie des mobilités liée à la pandémie, comme celui du racisme qui, <a href="https://www.ledevoir.com/opinion/libre-opinion/580494/opinion-le-racisme-est-un-virus">pour l’académicien Dany Laferrière, n’est rien d’autre qu’un virus</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/141150/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>En ces temps de pandémie, où les programmes d’échanges universitaires sont fortement réduits, comment sensibiliser les jeunes au dialogue interculturel ? Le jumelage est une réponse possible.Pascal Tisserant, maître de conférences en psychologie sociale ; vice-président délégué à l'égalité et à la diversité, Université de LorraineNarcisse Achi, Chercheur en psychologie sociale du travail et des organisations au CIERPA (Centre Ivorien d’Etude et de Recherche en Psychologie Appliquée), Université Félix Houphouët-Boigny. Cocody, Côte-d'IvoireNicole Carignan, professeure à l'Université du Québec à Montréal (UQAM) et membre fondateur du Groupe de recherche sur les jumelages interculturels (GReJI)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1404522020-06-11T17:19:51Z2020-06-11T17:19:51ZConseils d’administration : plus de femmes, mais toujours aussi peu de jeunes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/340888/original/file-20200610-34670-jhmnhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=21%2C140%2C3573%2C2252&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La diversité d’âge s’avère pourtant bénéfique, notamment pour accompagner les transformations numériques au sein des entreprises.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Bizi88 / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><em>À l'occasion du 10e anniversaire de la loi Copé-Zimmermann, nous vous proposons de revenir sur les derniers résultats du baromètre de la diversité dans les conseils d’administration, publié chaque année depuis 2014 Burgundy School of Business.</em></p>
<hr>
<p>La diversité de genre est devenue naturelle dans les conseils d’administration du SBF 120, mais la diversité en matière d’âge reste limitée et l’ouverture des conseils d’administration aux 40 ans et moins demeure une exception (10 % des élus).</p>
<p>C’est ce qui ressort des statistiques établies après les assemblées générales 2020 du baromètre de la diversité dans les conseils d’administration publié chaque année depuis 2014 par Burgundy School of Business (BSB).</p>
<h2>Une diversité de genre entrée dans les pratiques</h2>
<p>Trois ans après la mise en place du quota de 40 % prévu par la <a href="https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/dossiers/egalite-professionnelle/la-mixite-dans-les-conseils-dadministration/vous-etes-une-entreprise-a-la-recherche-dadministratrices/loi-de-2011-votre-entreprise-est-elle-concernee/">loi Copé-Zimmermann</a>, pratiquement la moitié des administrateurs nommés dans les sociétés françaises du SBF 120 aux AG 2020 sont en effet des femmes. Le SBF 120 est composé des 40 valeurs du CAC 40 et de 80 valeurs parmi les 200 premières capitalisations boursières françaises. Même si la proportion est moindre, les recrutements ont également été féminins pour 36 % dans les sociétés étrangères du SBF 120.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/340835/original/file-20200610-34710-z65x2e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/340835/original/file-20200610-34710-z65x2e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/340835/original/file-20200610-34710-z65x2e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/340835/original/file-20200610-34710-z65x2e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/340835/original/file-20200610-34710-z65x2e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=360&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/340835/original/file-20200610-34710-z65x2e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=452&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/340835/original/file-20200610-34710-z65x2e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=452&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/340835/original/file-20200610-34710-z65x2e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=452&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Évolution du % de femmes dans les conseils d’administration depuis la promulgation de la loi Copé-Zimmermann.</span>
<span class="attribution"><span class="source">baromètre BSB</span></span>
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</figure>
<p>La part des femmes dans les conseils d’administration se stabilise à 45,2 %.</p>
<figure class="align-right zoomable">
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<figcaption>
<span class="caption">Profils des femmes et hommes nommés en 2020 au sein des conseils d’administration.</span>
<span class="attribution"><span class="source">baromètre BSB</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les résultats confirment en outre la convergence des profils entre hommes et femmes que nous avions relevée en 2019. Les caractéristiques dominantes sont les mêmes chez les hommes et chez les femmes nouvellement nommés : formation en gestion (65 %), expérience de direction (directeurs, membres du comité exécutif : 66 %), expérience internationale (66 %), expérience en finance (53 %) et expérience comme administrateur(trice) d’autres sociétés cotées (60 %).</p>
<p>Par ailleurs, l’influence des réseaux sur le recrutement se renforce. Les administrateurs nommés aux assemblées générales de 2020 sont pour 44 % d’entre eux diplômés d’une école d’élite (contre 40 % en 2019), et 21 % ont une expérience en ministère (18 % en 2019). Après avoir connu une baisse de 2014 à 2017, les statistiques sont en augmentation pour les femmes comme pour les hommes. Les réseaux d’administrateurs sont également très influents avec 60 % des nouveaux nommés ayant ou ayant eu au moins un mandat dans une autre société cotée.</p>
<figure class="align-right zoomable">
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<figcaption>
<span class="caption">Évolution de la part des administrateurs et administratrices nouvellement nommés dont le recrutement est lié à l’influence des réseaux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">baromètre BSB</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Alors que les réseaux d’administrateurs étaient très masculins, ils se sont ouverts aux femmes avec la loi Copé-Zimmermann et les nouvelles administratrices sont même plus nombreuses en proportion à avoir cette expérience : 63 % contre 58 % pour les hommes.</p>
<h2>Un âge moyen qui reste à 54 ans</h2>
<p>En revanche, la diversité en matière d’âge reste limitée et l’ouverture des conseils d’administration aux 40 ans et moins reste une exception (10 % des élus).</p>
<p>Le code de gouvernement des entreprises cotées de l’Afep-Medef, actualisé en janvier 2020, suggère pourtant aux conseils « de s’interroger sur l’équilibre souhaitable de sa composition en matière de diversité (représentation des femmes et des hommes, nationalités, âge, qualifications et expériences professionnelles, etc.) ».</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/340842/original/file-20200610-34688-1vy8lej.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/340842/original/file-20200610-34688-1vy8lej.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=354&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/340842/original/file-20200610-34688-1vy8lej.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=354&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/340842/original/file-20200610-34688-1vy8lej.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=354&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/340842/original/file-20200610-34688-1vy8lej.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=445&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/340842/original/file-20200610-34688-1vy8lej.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=445&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/340842/original/file-20200610-34688-1vy8lej.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=445&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Répartition des nouveaux administrateurs (hommes et femmes) en fonction de l’âge.</span>
<span class="attribution"><span class="source">BSB</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Plusieurs freins ont été identifiés : influence des réseaux d’administrateurs, les jeunes n’étant pas encore dans ces réseaux, crainte du manque de connaissances et d’expériences des candidats plus jeunes, d’une intégration et d’une cohésion avec le groupe qui seraient plus délicates.</p>
<p>Les <a href="https://www.weforum.org/agenda/2018/12/boards-of-directors-need-youngsters-millennials/">études</a> montrent pourtant que leurs apports pourraient être multiples : représentants d’une partie des consommateurs et au fait des enjeux de la société de demain, notamment ceux liés à la transformation numérique, ils favoriseraient l’innovation grâce à l’élargissement de la gamme des choix et des solutions lors des décisions stratégiques. La mixité d’âge faciliterait en outre la transmission de savoir entre les générations.</p>
<p>Peut-être faudra-t-il légiférer comme au Québec pour que le recrutement des administrateurs évolue en matière d’âge. Avec la <a href="http://m.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-693-41-1.html">loi 693</a> adoptée en 2016, les sociétés d’État québécoises devront, à compter de 2021, avoir une personne âgée de moins de 35 ans au sein de leur conseil d’administration.</p>
<p>D’autres pistes peuvent être suggérées pour plus de mixité d’âge : davantage informer et former aux mandats d’administrateurs dans l’enseignement supérieur, ou encore mettre en place des interfaces entre jeunes cadres et conseils d’administration telles que des plates-formes de recrutement et de candidatures.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/140452/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Isabelle Allemand a reçu des financements du Conseil Régional de Bourgogne Franche Comté. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Bénédicte Brullebaut a reçu des financements de Conseil Régional de Bourgogne Franche-Comté. </span></em></p>Selon le dernier baromètre de Burgundy School of Business, autant de femmes que d’hommes ont été nommées lors des assemblées générales 2020, mais la moyenne d’âge reste élevée.Isabelle Allemand, Enseignant chercheur en finance et gouvernance, Burgundy School of Business Bénédicte Brullebaut, Enseignant - Chercheur en gouvernance d'entreprises, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.