tag:theconversation.com,2011:/uk/topics/droit-du-travail-20394/articlesdroit du travail – The Conversation2024-02-28T15:03:18Ztag:theconversation.com,2011:article/2166832024-02-28T15:03:18Z2024-02-28T15:03:18ZSelon l’ONU, les personnes ayant une déficience intellectuelle sont exploitées au Canada<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/563030/original/file-20231201-23-6d3hsp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C0%2C995%2C747&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il est très difficile, voire impossible, de savoir exactement combien de personnes ayant une déficience intellectuelle sont dans des plateaux de travail au Canada.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Le Canada a <a href="https://www.ohchr.org/fr/press-releases/2023/09/canada-anchor-fight-against-contemporary-forms-slavery-human-rights-un">récemment été blâmé par Tomoya Obokata, le Rapporteur spécial des Nations unies sur les formes contemporaines d’esclavage</a>. En cause ? Les manquements de ses programmes d’immigration économique. </p>
<p>Toutefois, cela n’était pas le seul reproche que le Rapporteur spécial avait à formuler : les <a href="https://www.ohchr.org/sites/default/files/documents/issues/slavery/sr/statements/eom-statement-canada-sr-slavery-2023-09-06.pdf">conditions dans lesquelles travaillent des personnes ayant une déficience intellectuelle</a> ont également attiré son attention. </p>
<p>En tant que chercheur sur les questions touchant la sécurité financière et l’emploi des personnes en situation de handicap, et personne travaillant dans le domaine des politiques publiques, je vous propose un éclairage sur une pratique controversée, mais encore répandue au Canada : les plateaux de travail.</p>
<h2>Que sont les plateaux de travail ?</h2>
<p>Relativement inconnus du grand public, les plateaux de travail en déficience intellectuelle sont un <a href="https://link.springer.com/book/10.1057/9781137540317">legs historique de la ségrégation et de l’exploitation qu’ont connues ces personnes</a>, partout en Amérique du Nord. Contrairement à l’institutionnalisation, qui a relativement reculé, les plateaux de travail sont encore bien en vie, malgré les appels répétés à leur fermeture tant <a href="https://inclusioncanada.ca/wp-content/uploads/2020/12/English-Position-Employment.pdf">au Canada</a> <a href="https://www.sqdi.ca/wp-content/uploads/2022/09/Orientations_et_Demandes_SQDI_2022_FR_WEB.pdf">qu’au Québec</a>. </p>
<p>Les plateaux de travail sont <a href="https://irisinstitute.ca/wp-content/uploads/sites/2/2021/09/Help-wanted-Full-Report-FR.pdf">généralement caractérisés</a> comme étant des programmes dans lesquels :</p>
<p>– des personnes ayant un handicap (particulièrement celles ayant une déficience intellectuelle) sont rassemblées, sans être mélangées avec des personnes n’étant pas en situation de handicap ; </p>
<p>– ces personnes fournissent une forme de travail sans être rémunérées ou en recevant un montant forfaitaire (quelques dollars par jour) ;</p>
<p>– les différentes lois et normes du travail ne s’appliquent pas, incluant les normes sur le salaire minimum. </p>
<p>Historiquement, l’objectif de ces programmes était <a href="https://psycnet.apa.org/record/2013-11700-001">avant tout de former des personnes très éloignées du milieu de travail</a> dans un contexte plus propice. Le raisonnement était que si l’on amenait ces personnes à effectuer des tâches répétitives dans un environnement non compétitif et plus « protégé » du reste de la société, elles finiraient par développer des aptitudes de travail pour peut-être éventuellement intégrer le marché régulier de l’emploi. </p>
<p>Toutefois, loin de favoriser l’inclusion en emploi, la participation qui était à la base temporaire devient bien souvent permanente, ce qui soulève des questions éthiques, politiques et sociales sur la pratique. </p>
<h2>Des programmes utilisés partout au Canada</h2>
<p><a href="https://irisinstitute.ca/wp-content/uploads/sites/2/2021/09/Help-wanted-Full-Report-FR.pdf">Dans un rapport de recherche publié en 2022</a>, l’Institut de recherche et de développement sur l’inclusion et la société dressait l’état de la situation entourant les plateaux de travail au Canada. Toutes les provinces étudiées (Ontario, Colombie-Britannique, Nouvelle-Écosse, Québec, Territoires du Nord-Ouest) avaient des plateaux de travail dans lesquels des personnes fournissaient une prestation de travail sans recevoir de juste compensation. </p>
<p>Pire, dans bien des cas, la <a href="https://irisinstitute.ca/wp-content/uploads/sites/2/2021/09/Help-wanted-Appendix-EN.pdf">participation de ces personnes aux plateaux de travail pouvait se compter en années</a>, voire en dizaines d’années. Loin d’une mesure temporaire, les plateaux de travail sont devenus à la fois une source de financement <a href="https://irisinstitute.ca/wp-content/uploads/sites/2/2021/09/Help-wanted-Full-Report-FR.pdf">pour des organismes qui reçoivent des subventions gouvernementales</a>, mais aussi une forme de répit pour des familles qui manquent cruellement de services. </p>
<p>Il est très difficile, voire impossible, de savoir exactement combien de personnes ayant une déficience intellectuelle sont dans des plateaux de travail au Canada (les statistiques étant difficiles à trouver, ou tout simplement inexistantes). Toutefois, comme le Québec publie des données financières et démographiques à jour, il est possible d’étudier le cas de cette province.</p>
<h2>Le cas du Québec</h2>
<p>Le Québec a divisé ses programmes d’employabilité pour les personnes en situation de handicap entre le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MESS) et le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). En théorie, le MSSS s’occupe des personnes en situation de handicap jugées « plus loin du marché du travail », alors que le MESSS s’occupe des personnes étant plus prêtes à l’emploi. </p>
<p>Cependant, dans les faits, ce que les organismes communautaires sur le terrain rapportent, et ce que la recherche en cours semble faire émerger (données préliminaires), est qu’un nombre important de personnes qui devraient se trouver dans les services du MESS finissent dans des plateaux de travail. <a href="https://www.vgq.qc.ca/Fichiers/Publications/rapport-cdd/167/cdd_tome-novembre2020_ch03_web.pdf">Le rapport du Vérificateur général du Québec sur l’employabilité des jeunes en situation de handicap</a> dresse un portrait de la situation.</p>
<p>Ultimement, le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec continue de financer très largement les plateaux de travail dans la province. </p>
<p><iframe id="kMsNn" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/kMsNn/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Entre 2013-2014 et 2020-2021, ce ne sont pas moins de 165M$ de fonds publics qui ont été investis dans ces programmes.</p>
<p>Une autre raison pouvant expliquer la prévalence des plateaux de travail au Québec est le fait que les prestataires du Programme de solidarité sociale <a href="https://theconversation.com/au-quebec-comme-ailleurs-au-canada-les-programmes-dassistance-sociale-sont-des-trappes-a-pauvrete-211968">n’ont pas de droit de travailler pour plus que 200$ par mois</a>. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/au-quebec-comme-ailleurs-au-canada-les-programmes-dassistance-sociale-sont-des-trappes-a-pauvrete-211968">Au Québec, comme ailleurs au Canada, les programmes d’assistance sociale sont des « trappes à pauvreté »</a>
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<p>En effet, le fait que le chèque d’assistance sociale soit coupé dollar pour dollar passé cette limite est souvent évoqué comme justification pour ne pas payer les personnes participant aux plateaux de travail.</p>
<h2>Quelles pistes pour le futur des plateaux de travail au Canada ?</h2>
<p>Quelles sont donc les pistes pour s’assurer que les droits des personnes participant à des plateaux de travail soient respectés ?</p>
<p>Plusieurs organisations plaident pour un meilleur encadrement des plateaux de travail. Un premier pas serait d’avoir des <a href="https://www.sqdi.ca/wp-content/uploads/2022/09/Orientations_et_Demandes_SQDI_2022_FR_WEB.pdf">objectifs clairs de formation et une durée de participation limitée dans le temps</a>, afin de s’assurer que ces programmes répondent réellement à un besoin de développement de compétences professionnelles et sociales.</p>
<p>De plus, les <a href="https://irisinstitute.ca/wp-content/uploads/sites/2/2021/09/Help-wanted-Full-Report-FR.pdf">législations provinciales et territoriales devraient être mises à jour</a> afin de garantir que toutes les personnes en situation de handicap bénéficient des mêmes droits que le reste de la population. </p>
<p>Par ailleurs, à terme, les gouvernements devraient <a href="https://irisinstitute.ca/wp-content/uploads/sites/2/2021/09/Help-wanted-Full-Report-FR.pdf">rediriger les fonds publics</a> utilisés pour les plateaux vers des programmes d’embauche inclusive (<a href="https://www.youtube.com/watch?v=ocSrgOhQPv4">comme cela a été fait au Nouveau-Brunswick, par exemple</a>) et vers des activités stimulantes pour les adultes en situation de handicap partout au Canada. Les organisations communautaires qui donnent du répit aux familles et créent ces espaces de socialisation et d’apprentissage devraient également recevoir un juste financement, afin de ne pas générer davantage de drames humains <a href="https://engagezvousaca.org/accueil/les-revendications/">pour des organismes déjà largement sous-financés</a>.</p>
<p>D’autres mesures sont cruciales, comme s’assurer que les programmes d’assistance sociale autorisent les prestataires à travailler, ne serait-ce qu’à temps partiel. Le nouveau Programme de revenu de base entré en vigueur en 2023 au Québec est un bon exemple de changement positif en la matière, puisqu’il <a href="https://www.quebec.ca/famille-et-soutien-aux-personnes/aide-sociale-et-solidarite-sociale/programme-revenu-base">permet aux prestataires de travailler à temps partiel</a>. D’autres provinces, comme la <a href="https://www2.gov.bc.ca/gov/content/family-social-supports/services-for-people-with-disabilities/disability-assistance/on-disability-assistance/annual-earnings-exemption">Colombie-Britannique</a> et <a href="https://ottawa.ctvnews.ca/odsp-earning-exemption-increases-but-it-s-not-as-beneficial-as-it-seems-advocates-1.6255430">l’Ontario</a>, ont également commencé à rendre les règles de leurs programmes plus flexibles, mais il reste encore beaucoup de chemin à faire.</p>
<p>Autre aspect important : il faut s’assurer de la mise en place d’une réelle transition planifiée entre l’école et la vie active des jeunes adultes en situation de handicap. Les provinces ayant travaillé sur ce dernier point, comme le Nouveau-Brunswick, <a href="https://www.abilitynb.ca/wp-content/uploads/2020/11/Tacit-Elements-Ability-NB-Employment-and-Disability-Final-Copy-UPDATE-CASE-1.pdf">ont démontré qu’une transition bien réalisée peut être grandement bénéfique pour l’ensemble de la population</a>. Et bien que le Québec ait <a href="https://www.education.gouv.qc.ca/references/tx-solrtyperecherchepublicationtx-solrpublicationnouveaute/resultats-de-la-recherche/detail/article/transition-de-lecole-vers-la-vie-active-teva/">son propre programme de transition école-vie active (TEVA)</a>, le programme se limite encore à des « guides » dont la mise en place reste largement laissée à la bonne volonté des directions d’école, notamment <a href="https://www.ophq.gouv.qc.ca/fileadmin/centre_documentaire/Etudes__analyses_et_rapports/Finances_par_l_Office/RAP_Chantal_Desmarais_teva_jeunes-handicapes.pdf">faute d’une « structure interministérielle clairement définie »</a> et d’obligations claires.</p>
<h2>Le Canada doit respecter ses obligations internationales</h2>
<p>La situation est telle que de plus en plus d’organisations au Canada (dont <a href="https://inclusioncanada.ca/">Inclusion Canada</a> et People First of Canada, les deux plus grandes organisations représentant les personnes ayant une déficience intellectuelle au Canada), qualifient la participation de personnes ayant une déficience intellectuelle dans les plateaux de travail comme étant de <a href="http://invisibleinstitutions.com/invisible-institutions-podcast-episode-2">« l’exploitation »</a>.</p>
<p>Si l’on en croit les différentes organisations de défense des droits, le Canada violerait donc ses obligations internationales. En effet, la <a href="https://www.ohchr.org/fr/instruments-mechanisms/instruments/convention-rights-persons-disabilities">Convention relative aux droits des personnes handicapées</a> proscrit explicitement l’exploitation des personnes en situation de handicap (art. 16), et fait plutôt la promotion du droit à l’emploi et au travail sur la base de l’égalité avec les autres travailleurs et travailleuses (art. 27).</p>
<p>Il est plus que temps que le terme « travail » ne soit plus synonyme d’« exploitation » pour les personnes ayant une déficience intellectuelle partout au pays.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216683/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Samuel Ragot est étudiant au doctorat en travail social à l'Université McGill et analyste sénior aux politiques publiques à la Société québécoise de la déficience intellectuelle. </span></em></p>Au Québec et au Canada, les personnes ayant une déficience intellectuelle sont encore souvent exploitées – via les plateaux de travail – selon l’ONU et les organisations de défense des droits.Samuel Ragot, PhD Candidate - Candidat au doctorat, McGill UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2167832023-11-27T11:18:21Z2023-11-27T11:18:21ZÉquilibre vie privée – vie professionnelle : comment faire évoluer le droit ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/559626/original/file-20231115-25-ewnimx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=37%2C17%2C1160%2C776&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Près d'un salarié français sur trois pratique aujourd'hui régulièrement le télétravail, ce qui soulève de nouveaux enjeux pour les ressources humaines.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1451093">Pxhere</a></span></figcaption></figure><p>Presque quatre ans après le début de la pandémie, la population active française dénombre près de <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/teletravail-quels-sont-les-pays-europeens-les-plus-assidus-1454625">30 % de télétravailleurs</a>, contre 4 % en 2019, selon les chiffres de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares).</p>
<p>Même si la <a href="https://www.journaldunet.com/e-rh/1525799-teletravail-les-grandes-entreprises-francaises-pourront-elles-revenir-en-arriere/">perspective d’un retour en arrière n’est pas à exclure</a>, ce mode de travail semble s’être installé durablement parmi les pratiques. En effet, plus de <a href="https://www.bfmtv.com/economie/emploi/vie-de-bureau/teletravail-plus-de-4000-accords-collectifs-signes-en-2021-10-fois-plus-qu-en-2017_AV-202211240426.html">4000 accords d’entreprise</a> concernant la mise en œuvre ont été signés au cours de l’année 2021, ce qui représente 10 fois plus qu’il y a 10 ans.</p>
<p>La France s’oriente donc vers une « hybridation du travail », dont les enjeux, en particulier en termes d’équilibre vie privée – vie professionnelle, font l’objet de notre récente <a href="https://cercle-k2.fr/etudes/groupe-k2-teletravail-et-hybridation-du-travail-une-experience-collaborateur-reinventee">note de synthèse</a> publiée par le Cercle K2, un groupe de réflexion intergénérationnel et interdisciplinaire qui vise à favoriser le dialogue entre professionnels issus de tous horizons.</p>
<p>En effet, pour les directions des ressources humaines (RH), de nouvelles questions se posent en termes d’organisation du temps de travail, en particulier pour des salariés concernés par la parentalité ou qui sont aussi des proches aidants.</p>
<p>Or, sur ces sujets, les réponses juridiques ne posent aujourd’hui qu’un cadre insuffisant, ce qui pousse les entreprises à mener plusieurs expérimentations pour attirer les candidats et favoriser leur fidélité dans un contexte de <a href="https://www.ladepeche.fr/2023/05/30/dossier-emploi-la-france-confrontee-a-la-penurie-de-main-doeuvre-11227685.php">pénurie de main-d’œuvre</a>.</p>
<h2>Un an de congé paternité chez Netflix</h2>
<p>Sur la question de la parentalité par exemple, la durée du congé paternité est passée en 2021 de <a href="https://www.gouvernement.fr/actualite/la-duree-du-conge-paternite-passe-de-14-a-28-jours">14 à 28 jours</a>. Cependant, parmi les pères bénéficiaires de la réforme, les <a href="https://www.aefinfo.fr/depeche/697000-en-2021-deux-tiers-des-peres-beneficiaires-de-l-allongement-du-conge-paternite-ont-pris-la-totalite-des-25-jours-octroyes">deux tiers (65 %)</a> seulement ont pris la totalité de la période. Ce droit pour les pères devrait évoluer rapidement. Après avoir suscité un tollé en proposant d’en <a href="https://www.liberation.fr/societe/familles/conge-parental-pourquoi-la-proposition-daurore-berge-fait-grincer-des-dents-20230727_IPVRPFAZIRCRFFRSVVCIRBG2DE/">raccourcir la durée en échange d’une meilleure indemnisation</a> avant l’été, la ministre des Solidarités, Aurore Bergé, a annoncé la création d’un <a href="https://www.bfmtv.com/politique/gouvernement/un-nouveau-droit-aurore-berge-annonce-la-creation-d-un-conge-familial-en-2025_AD-202311090068.html">« congé familial » en 2025</a> dont les contours font actuellement l’objet d’une concertation avec les organisations syndicales et patronales.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-encourager-les-peres-a-prendre-leur-conge-paternite-198165">Comment encourager les pères à prendre leur congé paternité ?</a>
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<p>Sans attendre la mise en place d’une nouvelle réforme, certaines entreprises proposent déjà un <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/volvo-netflix-spotify-ces-entreprises-qui-proposent-un-conge-paternite-superieur-a-ce-que-prevoit-la-loi-7764570">congé paternité supérieur à ce que prévoit la loi</a> : 52 semaines chez Netflix, 24 semaines chez le constructeur automobile Volvo ou Spotify, 17 semaines pour Facebook… Il faut souligner ici que le secteur de la Tech, où la « guerre des talents » reste vive, reste surreprésenté parmi les entreprises qui se montrent les plus généreuses.</p>
<p>Autre sujet sur lequel les règles sont appelées à évoluer : le cas des « proches aidants » des personnes en perte d’autonomie (parent, conjoint, etc.). Actuellement, une personne qui répond aux <a href="https://www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr/solutions-pour-les-aidants/trouver-du-soutien/aidant-familial-proche-aidant-quelles-definitions-et-quelles-aides">critères définis par la loi</a> peut bénéficier d’une allocation journalière fixée à 62,44 euros. Ce dispositif constitue un revenu de remplacement pour compenser une rédaction ou une cessation d’activité professionnelle.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Or, un <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/leadership-management/salaries-et-aidants-comment-eviter-la-double-peine-1985164">salarié sur 6</a> est concerné par cette situation et le vieillissement de la population va mécaniquement augmenter cette proportion. Là encore, certaines entreprises anticipent d’ores et déjà ces évolutions en allant plus loin que ce que propose la réglementation. Par exemple, Schneider Electric, le numéro 1 mondial de la distribution électrique, propose une <a href="https://www.lesechos.fr/thema/articles/salaries-aidants-trois-entreprises-passees-de-la-reflexion-a-lexperimentation-1985135">indemnisation employeur</a> et un accompagnement dédié. Le groupe La Poste, de son côté, a mis en place une politique de facilitation de l’organisation du travail pour les personnes concernées.</p>
<h2>Un « congé menstruel » en Espagne</h2>
<p>Les initiatives pour aménager le temps et l’espace de travail s’observent également sur d’autres enjeux. L’éditeur de logiciels Goodays accorde ainsi deux jours d’arrêt maladie par mois aux femmes qui souffrent de douleurs menstruelles. De même, les employées de la mairie de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) peuvent bénéficier d’une <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/voici-la-premiere-ville-de-france-a-adopter-un-conge-menstruel-1463150">autorisation spéciale d’absence de deux jours</a>, de télétravail ou d’un aménagement du temps et du poste de travail, depuis mars 2023.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1710964141974782281"}"></div></p>
<p>Un mois auparavant, l’Espagne adoptait une loi créant un « congé menstruel » pour les femmes souffrant de règles douloureuses. <a href="https://www.bfmtv.com/international/europe/espagne/espagne-le-parlement-adopte-une-loi-creant-un-conge-menstruel-inedit-en-europe_AD-202302160393.html">Une première en Europe</a>. En France, une proposition de loi a été formulée en ce sens, mais un rapport sénatorial a émis un avis défavorable concernant une modification de droit du travail dans ce sens.</p>
<p>Toujours en matière d’organisation du temps de travail, le service public français expérimente également depuis début 2023 la semaine de 36 heures en 4 jours. Cependant, le premier test de cette initiative, qui s’inscrit dans une tendance croissante à réduire le nombre de jours travaillés par semaine dans certains pays européens comme le Royaume-Uni, la Belgique ou l’Espagne, s’est soldé par un <a href="https://www.capital.fr/votre-carriere/semaine-de-4-jours-un-fiasco-total-a-lurssaf-de-picardie-1472220">« fiasco total »</a>. Seules trois personnes ont opté pour le dispositif sur les quelque 200 qui y étaient éligibles au sein de l’Union de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) de Picardie, où était expérimenté le dispositif. En effet, sans diminution du temps de travail, l’allongement des journées de présence posait trop de problèmes à l’organisation de la vie personnelle des employés.</p>
<p>Dans le secteur privé, certaines entreprises, telles que les cabinets de conseil Accenture et KPMG, ont néanmoins déjà adopté des modèles de travail <a href="https://www.leparisien.fr/vie-de-bureau/ces-entreprises-francaises-ont-adopte-la-semaine-de-4-jours-17-10-2022-P5NQBD6WQBDDPBYXV3GARIOZEU.php">réduits à quatre jours</a> pour répondre aux besoins des employés, notamment en faveur de l’égalité homme-femme et de la conciliation travail-famille.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1581930339534082048"}"></div></p>
<p>La transition vers une semaine de quatre jours n’est pas sans défis, en particulier en ce qui concerne la culture du travail axée sur la disponibilité permanente. Pour réussir, cela nécessite une adaptation des pratiques managériales, comme l’illustre l’exemple de l’entreprise de distribution de matériel informatique LDLC en France, où la mise en place de la semaine de quatre jours a été accompagnée d’une transformation managériale axée sur la qualité de vie au travail, la productivité collective, et l’équité salariale.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/semaine-de-quatre-jours-autant-de-travail-a-faire-en-moins-de-temps-195656">Semaine de quatre jours : autant de travail à faire en moins de temps ?</a>
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<p>La question du temps de travail doit en effet être abordée en tenant compte des implications tant sociales que managériales. Réduire la semaine à quatre jours, voire offrir des <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/conges-illimites-la-fausse-bonne-idee-1955472">congés illimités</a> comme cela est expérimenté dans certaines entreprises (avec un bilan là encore pour le moment mitigé), apparaît inutile si les missions et les objectifs demeurent les mêmes.</p>
<p>Cependant, une vigilance doit être portée sur la santé mentale des salariés. Sans évolution réglementaire, cela risque simplement de concentrer le volume de travail sur un temps plus court, avec les difficultés que l’on imagine tant sur la vie professionnelle que privée.</p>
<p>Encore une problématique à prendre en compte par les juristes. L’hybridation, avec la flexibilité apportée, dans le cadre d’un dialogue social renforcé pourrait en partie répondre à la demande des salariés et des entreprises en matière de conciliation vie professionnelle – vie privée. Un nouvel équilibre pourrait être trouvé en attendant l’intervention du législateur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216783/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Caroline Diard est membre de AGRH</span></em></p>Paternité, congé menstruel, semaine de quatre jours… De nombreuses entreprises lancent des initiatives qui peuvent inspirer de futures évolutions réglementaires.Caroline Diard, Professeur associé - Département Droit des Affaires et Ressources Humaines, TBS EducationLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2122952023-08-28T16:54:43Z2023-08-28T16:54:43ZEn vue des canicules futures, il semble important de faire évoluer le droit du travail<p>Les <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/08/25/une-canicule-caracteristique-du-rechauffement-climatique-du-xxi-si%C3%A8cle_6186487_3244.html">vagues de chaleur et les périodes de canicule</a> constituent désormais une réalité qui affectera chaque année les personnes au travail. Chaque <a href="https://theconversation.com/topics/salaries-51494">salarié</a> se trouve concerné mais plus particulièrement ceux qui œuvrent à l’extérieur comme les ouvriers agricoles, du bâtiment ou des travaux publics, ceux qui manutentionnent des charges lourdes ou encore ceux qui exercent leurs métiers dans des lieux où la température est déjà élevée comme les cuisines de restaurants, boulangeries, pressings ou ateliers de soudure. </p>
<p>Les hausses du mercure telles qu’on en a connu cet été et tel qu’on en reconnaîtra à l’avenir entraîne de fortes dégradations des conditions de travail et de la santé des salariés pouvant dans les cas extrêmes aller jusqu’à la mort comme Santé publique France a pu le répertorier à l’<a href="https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/climat/fortes-chaleurs-canicule/documents/bulletin-national/systeme-d-alerte-canicule-et-sante.-point-national-au-16-ao%C3%BBt-2022">été 2022</a> et en <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2023/episode-de-canicule-du-7-au-13-juillet-publication-de-la-premiere-estimation-de-l-exces-de-mortalite-toutes-causes">juillet 2023</a>.</p>
<p>Parmi les <a href="https://www.anses.fr/fr/content/effets-du-changement-climatique-en-milieu-de-travail-des-risques-professionnels-augment%C3%A9s-et#:%7E:text=L%E2%80%99exposition%20%C3%A0%20la%20chaleur,risques%20accidentels%20li%C3%A9s%20%C3%A0%20une">risques connus</a>, figurent l’aggravation de la pénibilité, des malaises, la déshydratation, des coups de chaleur, des accidents liés à une altération de la vigilance ou encore des risques psychosociaux dus aux situations de tension.</p>
<p>Pour l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) et la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, la chaleur peut constituer un <a href="http://www.inrs.fr/risques/chaleur/ce-qu-il-faut-retenir.html">risque professionnel</a> ayant de graves effets sur la santé et augmentant les risques d’accidents du travail. Les seuils sont de 30 °C pour une activité sédentaire et de 28 °C pour un travail nécessitant une activité physique. Le travail au-dessus de 33 °C présente des dangers pour la santé des travailleurs.</p>
<p>Certes, le <a href="https://theconversation.com/topics/droit-du-travail-20394">droit du travail</a> prévoit des dispositions de sauvegarde de la santé au travail lors des <a href="https://theconversation.com/topics/canicules-109244">épisodes caniculaires</a>. La protection effective des travailleurs gagnerait cependant à ce que soient adoptés de nouveaux textes plus précis.</p>
<h2>Les principaux généraux applicables</h2>
<p>En application de son <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006072050/LEGISCTA000006160774/#LEGISCTA000006160774">obligation légale de sécurité</a>, tout employeur est « obligé d’assurer la sécurité et la santé des travailleurs dans tous les aspects liés au travail », en mettant en œuvre les principes généraux de prévention. Il doit ainsi procéder à une évaluation des risques professionnels dans l’entreprise avec la contribution des représentants des travailleurs au comité social et économique (CSÉ).</p>
<p>Cette évaluation doit inventorier dans le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000043893923">document unique d’évaluation des risques professionnels</a> (le DUERP) tous les risques identifiés dans chaque unité de travail de l’entreprise y compris ceux liés aux ambiances thermiques, comme les fortes chaleurs, en tenant compte de l’impact différencié de l’exposition au risque en fonction du sexe. Ce document doit être accessible à tous les travailleurs concernés dans l’entreprise.</p>
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<p>Dans le prolongement de cette évaluation, l’employeur doit définir et mettre en œuvre, après consultation des élus du CSÉ, une politique de prévention efficace pour protéger les salariés au regard des risques causés par l’influence des facteurs ambiants comme le niveau thermique. Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le DUERP doit comprendre « un <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000043893919">programme annuel de prévention</a> des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail qui fixe la liste détaillée des mesures devant être prises au cours de l’année à venir au regard de ces risques, précisant pour chaque mesure ses conditions d’exécution, des indicateurs de résultat et l’estimation de son coût, ainsi qu’un calendrier de mise en œuvre ».</p>
<p>Même s’il s’agit en priorité d’un document de prévention, le DUERP de l’entreprise sera examiné en cas de dégradation de la santé causée par le travail, dans tout contentieux, civil ou pénal, et les carences de l’entreprise sanctionnées. Le document doit être conservé pendant 40 ans.</p>
<p>Le droit prévoit que l’employeur mette à la disposition des travailleurs de <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006072050/LEGISCTA000018489041/">l’eau potable et fraîche</a>. Pour le secteur du bâtiment et des travaux publics, les entreprises doivent en fournir à raison de <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000018528987">trois litres au moins par jour</a> et par travailleur.</p>
<h2>Des droits à mobiliser</h2>
<p>En cas de température « élevée », au regard des recommandations de l’INRS, et de carence de l’entreprise en matière de prévention, plusieurs droits peuvent être mobilisés, avec le concours de différents acteurs, pour protéger la santé des travailleurs.</p>
<p>Tout représentant élu du personnel au CSÉ peut déclencher un <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000006178069/">droit d’alerte</a> pour « danger grave et imminent » pouvant aboutir rapidement à l’adoption de mesures de mise en sécurité, notamment par arrêt du travail. Lorsque le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000035653203/">médecin du travail</a> constate, lui, la présence d’un risque pour la santé de travailleurs, ce qui peut relever d’une température élevée, il est prévu qu’« il propose par un écrit motivé et circonstancié des mesures visant à la préserver ». Selon la loi, « l’employeur prend en considération ces propositions et, en cas de refus, fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1694220461154980319"}"></div></p>
<p>Sur le rapport de l’inspection du travail constatant une situation dangereuse liée à la température élevée et résultant d’un non-respect par l’employeur des principes généraux de prévention, le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006072050/LEGISCTA000006178066/">directeur régional du travail</a> peut mettre en demeure l’employeur de prendre toutes mesures utiles pour y remédier. L’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006072050/LEGISCTA000006178115/">inspecteur</a> du travail peut, dans certaines circonstances, saisir le juge judiciaire statuant en référé pour voir « ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque » telles que la fermeture temporaire d’un atelier ou chantier. Le mécanisme intervient lorsqu’il « constate un risque sérieux d’atteinte à l’intégrité physique d’un travailleur » résultant de l’inobservation de certaines dispositions du code du travail.</p>
<p>Le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006903155">salarié</a>, enfin, peut de lui-même se retirer de son poste de travail lorsqu’il a « un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé », ce qui peut être lié à la chaleur. L’appréciation du risque est subjective et dépend de chaque personne, en fonction de différents paramètres (état de santé, âge, etc.). L’employeur ne peut demander au travailleur de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant d’une température élevée.</p>
<h2>Des textes trop peu précis</h2>
<p>De nombreuses imprécisions demeurent néanmoins. Ainsi le droit stipule-t-il que « les postes de travail extérieurs sont aménagés de telle sorte que les travailleurs puissent rapidement quitter leur poste de travail en cas de danger » et « dans la mesure du possible » soient <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000018532177/">protégés contre les conditions atmosphériques</a>. Ce que sont ces « conditions atmosphériques » n’est pas précisé dans le code du travail.</p>
<p>Autre exemple, les jeunes travailleurs de moins de 18 ans ne doivent pas être affectés à des « travaux les exposant à une <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000028058771">température extrême</a> susceptible de nuire à la santé ». La notion n’est, à nouveau, pas définie, de même que lorsque le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000018532340">droit</a> précise que dans les locaux de travail fermés, l’air doit être renouvelé de façon à éviter « les élévations exagérées de température ».</p>
<p>La Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés préconise, de son côté, l’<a href="https://infosdroits.fr/wp-content/uploads/2013/05/Recommandation-R226-CNAMTS.pdf">évacuation des locaux au-delà de 34 °C</a>, en cas d’« arrêt prolongé des installations de conditionnement d’air dans les immeubles à usage de bureaux ». Le code du travail en matière d’ambiance thermique dans les locaux de travail se montre en fait surtout soucieux de <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006072050/LEGISCTA000018488961/#LEGISCTA000018532247">protection contre le froid</a>.</p>
<p>Dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, l’employeur peut décider en cas d’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006072050/LEGISCTA000006189830/#LEGISCTA000006189830">intempéries</a>, après avis du comité social et économique, l’arrêt du travail ; les salariés perçoivent alors une indemnisation. Sont considérées comme intempéries les conditions atmosphériques « lorsqu’elles rendent dangereux ou impossible l’accomplissement du travail eu égard soit à la santé ou à la sécurité des salariés, soit à la nature ou à la technique du travail à accomplir ». Il s’agit du gel, de la neige, du verglas, de la pluie, du vent et des inondations du chantier, selon les lettres ministérielles du 20 janvier et du 15 avril 1947. Les températures élevées ne sont pas visées.</p>
<h2>Un droit à améliorer</h2>
<p>Les bouleversements climatiques impliquent des changements dans les conditions et l’organisation du travail. Dans cette perspective le droit du travail semble à actualiser pour assurer la santé au travail au regard des nouvelles réalités climatiques.</p>
<p>En France, le droit national demeure donc incomplet. Les ministères de la Transition écologique et du Travail ont récemment adopté des <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/08.06.2023_Plan_vagues_de_chaleur.pdf">plans</a> et <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/instruction_ministerielle_vagues_de_chaleur_du_130623.pdf">instructions</a> mais ceux-ci reposent pour l’essentiel sur des actions d’information, avec le rappel du droit applicable et l’incitation à la mise en œuvre de <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/guide_prevention_chaleur_2023.pdf">mesures de prévention</a> comme l’aménagement des locaux et des horaires, du rythme de travail, des durées et fréquence des pauses. Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique a, certes, émis l’idée d’instaurer dans la loi des <a href="https://www.lepoint.fr/societe/canicule-christophe-bechu-evoque-des-journees-de-travail-reduites-en-cas-de-fortes-chaleurs-22-08-2023-2532489_23.php">journées réduites</a>. Aucun projet de loi ne semble cependant pour l’instant dans l’agenda du gouvernement ; du côté des parlementaires de l’opposition, une proposition a été déposée le 20 juillet.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1693977621091000509"}"></div></p>
<p>Au regard de l’insuffisance des législations nationales, la <a href="https://www.etuc.org/fr/pressrelease/la-crise-climatique-appelle-une-legislation-de-lue-sur-les-temperatures-maximales-de">Confédération européenne des syndicats (CES)</a> affirmait ainsi l’an passé :</p>
<blockquote>
<p>« La crise climatique appelle à une législation de l’UE sur les températures maximales de travail. »</p>
</blockquote>
<p>Penser des « valeurs limites d’exposition » à la chaleur, prévues dans une directive européenne comme pour les produits chimiques, pourrait reposer sur différents paramètres tenant aux conditions du travail selon qu’il s’effectue en intérieur ou à l’extérieur, sa nature ou l’environnement dans lequel il est effectué. Des données personnelles comme l’état de santé du salarié ou son âge pourraient également être prises en compte.</p>
<p>Lier la dégradation de la santé causée par le travail à des températures élevées du fait des nouvelles conditions climatiques et l’âge de départ à la retraite ne manquerait sans doute pas de pertinence.</p>
<p>Dans le bâtiment et les travaux publics, le régime d’indemnisation devrait être applicable en cas de température élevée pour raisons climatiques, au-delà du traitement des demandes au cas par cas (alertes « orange » et a fortiori « rouge »). Des règles économiques mériteraient également d’être révisées. Il s’agit d’éviter les pénalités de retard en cas de livraison tardive d’une construction causée par des arrêts de travail liés aux températures élevées. Les maîtres d’ouvrage devraient être tenus d’intégrer cette problématique lors de la fixation des délais, notamment pour les ouvrages relevant de la commande publique par les collectivités territoriales.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212295/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Miné est membre du Réseau académique pour la Charte sociale européenne (RACSE). </span></em></p>S’il est aujourd’hui possible de faire usage de dispositions prévues par le code du travail, la multiplication des épisodes caniculaires exige que le droit gagne en précision.Michel Miné, Professeur du Cnam, titulaire de la chaire Droit du travail et droits de la personne, Lise/Cnam/Cnrs, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2093472023-07-09T15:31:42Z2023-07-09T15:31:42ZAux États-Unis, de moins en moins de restrictions au travail des mineurs<p>Un mouvement visant à affaiblir les <a href="https://theconversation.com/topics/protection-de-lenfance-87265">protections en matière de travail des mineurs</a> émerge depuis l’an passé aux <a href="https://theconversation.com/topics/etats-unis-20443">États-Unis</a> à l’échelle des États. En juin 2023, <a href="https://www.pbs.org/newshour/politics/some-lawmakers-propose-loosening-child-labor-laws-to-fill-worker-shortage">l’Arkansas, l’Iowa, le New Jersey et le New Hampshire</a> ont déjà <a href="https://theconversation.com/topics/droit-du-travail-20394">légiféré</a> en ce sens. Au moins huit autres États avaient introduit des mesures similaires. Ces lois permettent généralement aux jeunes de 14 à 17 ans de <a href="https://theconversation.com/topics/travail-20134">travailler</a> plus longtemps et plus tard, et dans des professions qui étaient auparavant interdites aux mineurs.</p>
<p>Lorsque Kim Reynolds, gouverneure de l’Iowa, a <a href="https://www.cnn.com/2023/05/26/politics/iowa-child-labor-law-kim-reynolds/index.html">signé la nouvelle loi</a> de son État sur le travail des enfants, plus permissive, le 26 mai 2023, la dirigeante, membre du Parti républicain a déclaré que la mesure « permettrait aux jeunes adultes de développer leurs compétences sur le marché du travail ».</p>
<p><a href="https://www.k-state.edu/polsci/about/faculty-staff/fliter-john.html">Spécialistes</a> du <a href="https://scholar.google.com/citations?user=q7nIrq8AAAAJ&hl=en&oi=ao">travail des enfants</a>, nous remarquons que les arguments utilisés par M. Reynolds et d’autres leaders politiques pour justifier la suppression des protections du travail des enfants renvoient à des justifications plus anciennes, datant de plusieurs dizaines d’années.</p>
<p>Au cours de l’histoire, de nombreux chefs d’entreprise ont longtemps soutenu, sur la base d’une combinaison de motifs idéologiques et économiques, que les règles fédérales en matière de travail des enfants n’étaient pas nécessaires. Certains <a href="https://www.vox.com/policy/2023/5/3/23702464/child-labor-laws-youth-migrants-work-shortage">s’opposent</a> même à ce que le gouvernement détermine qui ne peut pas travailler. </p>
<p>Les plus conservateurs affirment que le travail a une <a href="https://www.press.uillinois.edu/books/?id=p085345">valeur morale</a> pour les jeunes et que c’est <a href="https://www.vox.com/policy-and-politics/2022/11/4/23436470/education-crt-parents-schools-midterms-desantis">aux parents de prendre des décisions</a> pour leurs enfants. De nombreux conservateurs affirment également que les adolescents, <a href="https://www.pewresearch.org/short-reads/2022/06/21/after-dropping-in-2020-teen-summer-employment-may-be-poised-to-continue-its-slow-comeback/">moins nombreux</a> sur le marché du travail aujourd’hui qu’au cours des dernières décennies, pourraient aider à pourvoir les emplois vacants dans des secteurs en tension.</p>
<h2>Un combat de longue haleine</h2>
<p>Les protections du travail des enfants, telles que l’interdiction de nombreux types d’emploi pour les enfants de moins de 14 ans et la limitation du nombre d’heures de travail pour les adolescents de moins de 18 ans, sont garanties par la loi de 1938 sur les normes de travail équitables, le <a href="https://www.dol.gov/agencies/whd/flsa"><em>Fair Labor Standards Act</em></a>. </p>
<p>Jusqu’alors, l’absence de lois <a href="https://theconversation.com/abolishing-child-labor-took-the-specter-of-white-slavery-and-the-job-markets-near-collapse-during-the-great-depression-144454">entravait les progrès</a> réalisés dans les États pour maintenir les enfants à l’école et les éloigner des mines, des usines et d’autres lieux de travail parfois dangereux. Trois ans après que le président Franklin D. Roosevelt a promulgué le texte, la Cour suprême l’a confirmé à l’unanimité dans l’arrêt <a href="https://www.oyez.org/cases/1940-1955/312us100"><em>U.S. v Darby Lumber</em></a>, qui a marqué un <a href="https://www.oyez.org/cases/1900-1940/247us251">renversement de jurisprudence</a>.</p>
<p>Pendant les quatre décennies qui ont suivi, <a href="https://www.jstor.org/stable/j.ctv7h0t22">aucune contestation notable</a> ne s’est fait entendre. C’est en 1982 que le président Ronald Reagan a commencé à chercher à assouplir les protections fédérales pour permettre aux jeunes de 14 et 15 ans de travailler plus longtemps dans les établissements de restauration rapide et de vente au détail, le tout rémunéré moins que le salaire minimum. Une coalition de démocrates, de syndicats, d’enseignants, de parents et de groupes de développement de l’enfant a <a href="https://www.washingtonpost.com/archive/politics/1982/08/04/white-house-retreats-on-teen-hours/cd4cd765-a416-41ac-96c4-3edb51b0f296/">bloqué les changements proposés</a>. </p>
<p>À la fin des années 1980, les <a href="https://kansaspress.ku.edu/9780700626311/">violations de la loi se sont malgré tout multipliées</a>. Certains groupes industriels ont tenté d’assouplir les restrictions dans les années 1990, mais les <a href="https://kansaspress.ku.edu/9780700626311/">changements juridiques ont été minimes</a>. Au début des années 2000, une tentative plus ambitieuse de faire reculer les lois sur le travail des enfants, menée par un groupe militant pour la scolarisation à domicile, a finalement <a href="https://kansaspress.ku.edu/9780700626311/">échoué</a>, mais les conservateurs ont continué à réclamer des changements en la matière.</p>
<p>En 2012, Newt Gingrich, ancien président de la Chambre des représentants, alors en lice pour devenir candidat républicain à la présidence, a fait la une des journaux en qualifiant les lois sur le travail des enfants de <a href="https://www.washingtonpost.com/blogs/election-2012/post/gingrich-calls-child-labor-laws-truly-stupid/2011/11/21/gIQAFYKHiN_blog.html">« vraiment stupides »</a>. Il a par exemple suggéré que les enfants puissent travailler comme concierges dans les écoles.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1676376071501934593"}"></div></p>
<p>Aujourd’hui, le <a href="https://www.washingtonpost.com/business/2023/04/23/child-labor-lobbying-fga/"><em>Washington Post</em></a> rapporte que la <em>Foundation for Government Accountability</em>, un groupe de réflexion basé en Floride, est en train de rédiger une législation d’État visant à supprimer les protections relatives au travail des enfants. Son organe de lobbying, l’<em>Opportunity Solutions Project</em>, a contribué à faire passer ces projets de loi dans les assemblées législatives des États, notamment dans l’Arkansas et le Missouri.</p>
<h2>Machine arrière dans l’Iowa et l’Arkansas</h2>
<p>À nos yeux, c’est l’Iowa qui a mis en place la <a href="https://www.nbcnews.com/news/us-news/new-child-labor-bill-iowa-may-violate-federal-law-rcna85321">loi la plus radicale</a> pour faire reculer les protections du travail des enfants. Elle permet à des enfants de 14 ans de travailler dans des refroidisseurs de viande et des blanchisseries industrielles, et à des adolescents de 15 ans de travailler sur des chaînes de montage à proximité de machines dangereuses. Des adolescents de 16 ans peuvent désormais servir de l’alcool dans les restaurants de l’État, à condition que deux adultes soient présents. </p>
<p>Certes, les fonctionnaires du ministère américain du Travail affirment que plusieurs dispositions de ce nouveau texte sont <a href="https://cbs2iowa.com/news/local/us-dept-of-labor-review-finds-iowas-child-labor-bill-violates-federal-law">contraires aux normes nationales</a>. L’administration centrale n’a toutefois <a href="https://news.bloomberglaw.com/daily-labor-report/dol-hamstrung-in-response-to-state-child-labor-law-rollbacks">pas dévoilé de stratégie claire</a> pour lutter contre ces violations.</p>
<p>Dans l’Arkansas, les permis de travail pour les jeunes de 14 et 15 ans ont été supprimés avec la signature au mois de mars par la gouverneure Sarah Huckabee Sanders du <a href="https://www.arkleg.state.ar.us/Bills/Detail?id=HB1410&ddBienniumSession=2023%2F2023R"><em>Youth Hiring Act</em></a>. Auparavant, les employeurs devaient conserver dans leurs dossiers un certificat de travail exigeant une preuve de l’âge, une description du travail et des horaires, ainsi que le consentement écrit d’un parent ou d’un tuteur. Il peut ici sembler curieux que les partisans du projet de loi le présentent comme un <a href="https://www.npr.org/2023/03/10/1162531885/arkansas-child-labor-law-under-16-years-old-sarah-huckabee-sanders">renforcement des droits parentaux</a> dans la mesure où la loi supprime tout rôle formel des parents dans l’équilibre entre l’éducation et l’emploi de leurs enfants.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1638641485179502592"}"></div></p>
<p>Pourquoi dans ces cas la loi fédérale ne l’emporte-t-elle pas sur les lois des États ? Les lois fédérales fixent un plancher de réglementation en matière d’emploi des jeunes, qui couvre les heures maximales, l’âge minimum, les salaires et la protection contre les emplois dangereux. Si les États adoptent des lois plus strictes, comme beaucoup l’ont fait, les normes les plus strictes régissent les pratiques sur le lieu de travail. La loi fédérale, par exemple, n’exige pas que les mineurs obtiennent des <a href="https://www.nolo.com/legal-encyclopedia/work-permits-for-minors-what-you-need-to-know.html">permis de travail</a> ou des certificats d’emploi, mais la plupart des États rendent ces documents obligatoires.</p>
<h2>Faire fi des normes fédérales ?</h2>
<p>Cela n’empêche pas certains États de vouloir adopter des lois qui <a href="https://www.epi.org/publication/child-labor-laws-under-attack/">entrent directement en conflit</a> avec les normes fédérales. Les <a href="https://www.cleveland.com/open/2023/05/ohio-could-soon-loosen-its-child-labor-laws.html">législateurs de l’Ohio</a> veulent permettre aux jeunes de 14 et 15 ans de travailler jusqu’à 21 heures pendant l’année scolaire avec l’autorisation de leurs parents, alors que la réglementation fédérale interdit aux adolescents de cet âge de travailler au-delà de 19 heures. Un <a href="https://www.revisor.mn.gov/bills/text.php?number=SF0375&session=ls93&version=latest&session_number=0&session_year=2023&keyword_type=all&keyword=construction">projet de loi</a> présenté par le sénateur républicain de l’État du Minnesota, Rich Draheim, autoriserait les jeunes de 16 et 17 ans à travailler sur des chantiers de construction ou à proximité.</p>
<p>La <a href="https://www.yesmagazine.org/economy/2023/04/27/child-labor-laws-protections">forte opposition</a> des politiciens, des groupes de défense des enfants, des associations éducatives, des syndicats et du public a fait échouer certains de ces projets. Les opposants soulignent que lorsque des enfants de moins de 18 ans travaillent de longues heures ou effectuent des tâches pénibles, cela peut perturber leur développement, <a href="https://www.dol.gov/newsroom/releases/whd/whd20220729">mettre leur santé en péril</a>, interférer avec leur scolarité et les <a href="https://theconversation.com/how-much-sleep-do-you-really-need-156819">priver du sommeil</a> dont ils ont besoin.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1489681905465319424"}"></div></p>
<p>Les républicains de Géorgie ont présenté un <a href="https://www.legis.ga.gov/legislation/64613">projet de loi</a> qui aurait supprimé les permis de travail pour les mineurs, mais ils l’ont retiré sans vote. Les législateurs républicains du Dakota du Sud ont parrainé un <a href="https://legiscan.com/SD/drafts/HB1180/2023">projet de loi</a> visant à étendre les heures de travail des enfants de 14 ans et moins de 19 heures à 21 heures. Ce projet a également été retiré. </p>
<p>Dans le Wisconsin, le <a href="https://apnews.com/article/business-wisconsin-labor-unions-afl-cio-33980985bd1dc13d2fb132026c743d23">gouverneur Tony Evers</a> a opposé son veto en 2022 à un projet de loi qui aurait permis aux adolescents de travailler plus longtemps et plus tard. En 2023, certains législateurs du Wisconsin tentent à nouveau leur chance pour autoriser les jeunes de 14 ans à <a href="https://www.wisn.com/article/proposed-bill-would-allow-14-years-olds-wisconsin-serve-alcohol/43762440">servir de l’alcool</a>.</p>
<h2>Des initiatives protectrices au Congrès</h2>
<p>À l’exception du New Jersey, ces efforts visant à affaiblir les lois sur le travail des enfants sont menés par les républicains. Des gouverneurs démocrates tentent, eux, en parallèle, de renforcer les protections contre le travail des enfants. Dans le Colorado, Jared Polis a introduit une loi qui permettrait aux enfants blessés de poursuivre les employeurs pour violation de la législation sur le travail des enfants le 7 juin 2023.</p>
<p>Il existe également des initiatives nationales visant à affaiblir – ou à renforcer – les règles relatives au travail des enfants. Le représentant <a href="https://dustyjohnson.house.gov/media/press-releases/johnson-introduces-teens-act-increase-youth-workforce-participation">Dusty Johnson</a>, un républicain du Dakota du Sud, pousse ainsi pour permettre aux jeunes de 14 et 15 ans de travailler jusqu’à 21 heures les soirs d’école et jusqu’à 24 heures par semaine pendant l’année scolaire. Il semble peu probable que son projet de loi soit adopté par un Congrès, aujourd’hui divisé. </p>
<p>À la Chambre des représentants et au Sénat, on retrouve également des <a href="https://www.nhpr.org/business-and-economy/2023-04-11/kids-at-work-in-new-hampshire-and-other-states-officials-try-to-ease-child-labor-laws-at-behest-of-industry">pressions</a> pour que les jeunes de 16 et 17 ans puissent travailler dans les <a href="https://www.congress.gov/bill/118th-congress/senate-bill/671/text?s=1&r=1&q=%7B%22search%22%3A%5B%22future+logging+careers+act%22%5D%7D">exploitations forestières</a> sous la surveillance de leurs parents.</p>
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<p>Le Congrès semble néanmoins également favorable à l’<a href="https://www.congress.gov/bill/118th-congress/house-bill/2388/cosponsors?s=10&r=1&q=%7B%22search%22%3A%5B%22Justice%22%2C%22for%22%2C%22Exploited%22%2C%22Children%22%5D%7D">augmentation des sanctions</a> en cas de <a href="https://www.congress.gov/bill/118th-congress/senate-bill/637/text?s=1&r=52">violation</a> du droit du travail des enfants. L’adoption de lois sur le travail des enfants ne représente, en effet, qu’une moitié de la bataille. L’<a href="https://www.foxrothschild.com/publications/conflicting-trends-in-child-labor-laws-send-mixed-messages-to-employers">application de ces textes</a> est une autre affaire. </p>
<p>Ces dernières années, de nombreuses infractions ont été commises, mettant en jeu des <a href="https://www.nbcnews.com/politics/immigration/advocates-hhs-questions-unaccompanied-migrants-child-labor-rcna87326">enfants qui ont immigré aux États-Unis sans leurs parents</a> et qui se sont retrouvés à travailler de longues heures, parfois dans des emplois dangereux, alors qu’ils étaient encore très jeunes. Actuellement, l’amende maximale est de 15 138 dollars par enfant. Les projets de loi en cours de discussion porteraient la sanction à près de dix fois ce montant s’ils étaient adoptés. </p>
<p>Par ailleurs, <a href="https://dankildee.house.gov/media/press-releases/kildee-leads-new-bill-crack-down-child-labor-america">plusieurs démocrates</a> ont introduit des mesures visant à <a href="https://www.durbin.senate.gov/newsroom/press-releases/on-world-day-against-child-labor-durbin-delauro-introduce-bill-to-ban-child-labor-on-tobacco-farms">renforcer les restrictions fédérales</a> en matière de travail des enfants, en <a href="https://ruiz.house.gov/media-center/press-releases/dr-ruiz-introduces-legislation-raise-labor-standards-and-protections">particulier dans l’agriculture</a>.</p>
<p>Une épreuve de force entre l’État fédéral et les États fédéraux légiférant en sens inverse sur la question de savoir si les jeunes Américains ont leur place sur le marché du travail paraît ainsi inévitable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209347/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Betsy Wood a reçu des financements de la Andrew Mellon Foundation.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>John A. Fliter ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Aux États-Unis, certains gouverneurs assouplissent depuis quelques mois les textes encadrant le travail des mineurs, allant parfois même à l'encontre des normes fédérales.John A. Fliter, Associate Professor of Political Science, Kansas State UniversityBetsy Wood, Assistant Professor of American History, Bard CollegeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1976652023-01-15T12:53:23Z2023-01-15T12:53:23ZÉtats-Unis, Royaume-Uni, Espagne… Quelles perspectives pour l’action syndicale dans le monde en 2023 ?<p><em>Mardi 10 janvier, la Première ministre Élisabeth Borne a présenté les contours de la future réforme des retraites, qui prévoit notamment l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans. Aussitôt, huit syndicats, <a href="https://theconversation.com/reforme-des-retraites-les-syndicats-peuvent-ils-reprendre-la-main-197468">vent debout contre le projet</a>, ont annoncé une <a href="https://www.latribune.fr/economie/france/reforme-des-retraites-les-syndicats-annoncent-une-premiere-journee-de-greve-le-19-janvier-947440.html">première journée de mobilisation le jeudi 19 janvier</a>.</em></p>
<p><em>Pour les syndicats, l’enjeu dépasse la contestation de la réforme : il s’agit également de retrouver de l’influence. Fin 2022, les grèves des contrôleurs de train ou encore des médecins généralistes ont été initiées par des mouvements nés sur Internet qui les ont court-circuités. En outre, le taux de syndicalisation stagne autour de 10 % en France, l’un des niveaux les plus bas en Europe, depuis près de 30 ans.</em></p>
<p><em>Qu’en est-il de l’action syndicale ailleurs dans le monde ? Cet essoufflement se retrouve-t-il ? Les difficultés économiques donnent-elles, au contraire, un élan nouveau aux syndicats ? En ce début d’année, les experts américains, britanniques, indonésiens ou encore espagnols de The Conversation vous proposent un tour d’horizon mondial.</em></p>
<hr>
<h2>Canada : les syndicats qui s’affirment obtiennent des résultats</h2>
<p><em>Jim Stanford, économiste et directeur du Centre for Future Work, Australia Institute</em></p>
<p>Le mouvement syndical canadien compte parmi les plus <a href="https://stats.oecd.org/Index.aspx?DataSetCode=TUD">solides</a> de l’OCDE, le club des pays développés, une solidité liée aux lois qui protègent contre les phénomènes de « passager clandestin » : les travailleurs ne peuvent pas bénéficier des conventions collectives sans être syndiqués.</p>
<p>Le taux de syndicalisation au Canada se situe autour de 30 % des travailleurs depuis le début du siècle, même s’il est moitié moindre dans le secteur privé et qu’il y diminue lentement. L’indicateur reste en revanche élevé dans les services publics (plus de 75 %) et en progression.</p>
<p>Cette relative stabilité a permis aux travailleurs canadiens d’être mieux préparés à affronter l’impact de l’inflation sur leurs paies. Les syndicats ont formulé des revendications salariales plus élevées qu’au cours des dernières décennies, et ont plus fréquemment fait grève (poursuivant une tendance amorcée en 2021).</p>
<p>De janvier à novembre 2022, <a href="https://www.canada.ca/en/employment-social-development/services/collective-bargaining-data/work-stoppages/work-stoppages-year-sector.html">156 mouvements de grèves</a> ont eu lieu (un mouvement est comptabilisé dès qu’il implique au moins dix personnes sur une journée) tout secteur confondu. Au total, 1,9 million journées de travail ont été perdues, le chiffre le plus élevé depuis 15 ans.</p>
<p>Une vague printanière de grèves dans le secteur de la <a href="https://globalnews.ca/video/8804136/thousands-of-residential-construction-workers-go-on-strike">construction</a> en Ontario, la province la plus peuplée du Canada, a bien symbolisé la montée du militantisme. Au plus fort de la vague, plus de 40 000 travailleurs, dont des charpentiers, des poseurs de placoplâtre et des ingénieurs, ont déposé leurs outils pour obtenir des salaires plus élevés. Des tentatives d’accords lancées par les autorités ont parfois été rejetés par les grévistes, prolongeant le mouvement.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/504192/original/file-20230112-18-oia58b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/504192/original/file-20230112-18-oia58b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/504192/original/file-20230112-18-oia58b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=838&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/504192/original/file-20230112-18-oia58b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=838&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/504192/original/file-20230112-18-oia58b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=838&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/504192/original/file-20230112-18-oia58b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1053&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/504192/original/file-20230112-18-oia58b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1053&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/504192/original/file-20230112-18-oia58b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1053&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Doug Ford, Premier ministre de l’Ontario s’est attiré les foudres des syndicats.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Andrew Scheer/FlickR</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Un autre fait historique est survenu plus tard dans l’année. Le gouvernement de droite de l’Ontario avait voulu faire usage d’une clause constitutionnelle rarement utilisée pour annuler le droit de grève de 55 000 travailleurs, personnel de soutien dans l’éducation. La menace des syndicats, des secteurs public comme privé, de déclencher une grève générale dans la province, a poussé le gouvernement à <a href="https://www.theguardian.com/world/2022/nov/07/ontario-repeal-law-right-to-strike">faire machine arrière</a>.</p>
<p>Pendant ce temps, les blocages opérés par les employeurs (ou <em>lock-out</em>) ont pratiquement disparu. Cette tactique, par laquelle ces derniers suspendent l’activité jusqu’à ce que les travailleurs acceptent les conditions proposées, n’a été utilisée que <a href="https://www.canada.ca/en/employment-social-development/services/collective-bargaining-data/work-stoppages/work-stoppages-year-sector.html">huit fois</a> de janvier à novembre dernier, alors qu’on en observait une soixantaine par an il y a dix ans.</p>
<p>La <a href="https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/en/tv.action?pid=1410006401">croissance annuelle des salaires</a> a légèrement augmenté pour atteindre une moyenne de 5 % à la fin de l’année. Ce taux reste inférieur à celui de l’<a href="https://www.cbc.ca/news/business/inflation-canada-1.6693441">inflation</a> (6,8 %), mais l’écart créé en 2021 se réduit.</p>
<p>Reste à voir si cette pression syndicale pourra être maintenue et faire face à la hausse rapide des taux d’intérêt, à une <a href="https://www6.royalbank.com/en/di/hubs/now-and-noteworthy/article/canada-could-be-in-a-recession-as-soon-as-early-2023/l41dzp8q">récession probable en 2023</a> et à la <a href="https://www.freightwaves.com/news/canadas-largest-union-fights-proposal-to-curb-strikes">suppression continue</a> par les gouvernements des droits syndicaux dans certaines provinces.</p>
<h2>Royaume-Uni : un rameau d’olivier pour le service de santé ?</h2>
<p><em>Phil Tomlinson, professeur de stratégie industrielle, Université de Bath</em></p>
<p>L’<a href="https://www.theguardian.com/uk-news/2022/dec/12/uk-strike-days-calendar-the-public-service-stoppages-planned-for-december">hiver de la colère</a> se prolonge au Royaume-Uni : le pays subit sa <a href="https://qz.com/the-uk-is-expecting-its-largest-wave-of-strikes-in-over-1849865611">plus grande vague de grèves</a> depuis plus de <a href="https://www.theguardian.com/politics/2022/dec/02/strikes-lead-women-frances-ogrady-tuc-unions">30 ans</a>. La plupart ont lieu dans le secteur public, où l’évolution des salaires reste bien inférieure à l’inflation et accuse un <a href="https://www.bbc.co.uk/news/55089900">retard considérable</a> par rapport aux entreprises privées.</p>
<p>Le sentiment d’amertume est prononcé après une vague d’austérité et la <a href="https://www-cdn.oxfam.org/s3fs-public/file_attachments/cs-true-cost-austerity-inequality-uk-120913-en_0.pdf">baisse des salaires réels</a> des années 2010. Les grèves – dont on estime qu’elles ont <a href="https://cebr.com/reports/eight-months-of-strike-action-to-have-cost-the-uk-economy-at-least-1-7bn-adding-to-existing-recessionary-pressures/#:%7E:text=Assuming%20a%20working%20day%20of%20eight%20hours%2C%20our,is%20expected%20to%20have%20stood%20at%20%C2%A3393.0%20million">coûté 1,7 milliard de livres sterling</a> (1,92 milliard d’euros) à l’économie britannique en 2022 – sont <a href="https://uk.news.yahoo.com/unions-discuss-co-ordinating-hundreds-185532640.html?guccounter=1&guce_referrer=aHR0cHM6Ly93d3cuZ29vZ2xlLmNvbS8&guce_referrer_sig=AQAAAMffASnLXnES4huvR6bYrO0Ncj1Z-sZmFlBDChWxD6up578J-wViP93sUD8HiNHKdT7kcyakp_0QMC0EEzVwIeQ4nxcwuC497Ek1YX3xicVxXlKo3f72l1qrsDiuvzahZGrgX5HqTJp5_zQbdQiS6_AapnlAHbDQeqLGzN3wMY3u">coordonnées</a> par différents syndicats, ajoutant des désagréments publics supplémentaires.</p>
<p>Néanmoins, le gouvernement britannique refuse catégoriquement de céder. Il se retranche derrière les recommandations indépendantes des organes de révision des salaires du secteur public, même s’il ne les a <a href="https://www.ft.com/content/0953587e-6a20-40d4-8459-d4d7a2aa4d27">pas toujours suivies</a>. Il a également affirmé que des augmentations salariales du secteur public correspondant à l’inflation coûteraient à chaque ménage britannique 1 000 livres sterling (1 130 euros) de plus par an, bien que ce chiffre ait été <a href="https://fullfact.org/economy/28-billion-public-sector-pay-increase/">démenti</a>.</p>
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<p>Le Trésor de Sa Majesté, le département gouvernemental en charge de la mise en place des politiques économiques, se fait également l’écho des préoccupations de la Banque d’Angleterre concernant le déclenchement d’une <a href="https://www.theguardian.com/business/2022/jun/20/would-a-wageprice-spiral-cause-inflation-to-get-out-of-control?ref=biztoc.com&curator=biztoc.com">spirale salaires-prix</a>. Elle semble pourtant peu probable : l’inflation actuelle est largement due à des <a href="https://www.themintmagazine.com/inflation-is-a-supply-side-problem">chocs d’offre</a> consécutivement à la crise sanitaire et que déclenchement de la guerre en Ukraine, et la croissance moyenne des salaires reste <a href="https://www.bbc.co.uk/news/55089900">bien inférieure</a> à l’inflation.</p>
<p>Il existe des arguments économiques en faveur d’un accord généreux, notamment dans le National Health Service (NHS) (le système de santé publique) : avec plus de <a href="https://lordslibrary.parliament.uk/staff-shortages-in-the-nhs-and-social-care-sectors/&sa=D&source=docs&ust=1672830357836576&usg=AOvVaw3FX0e-g52Wr5BEl0HY83VT">133 000 postes vacants</a> non pourvus, de meilleurs salaires pourraient contribuer à améliorer la rétention et le recrutement du personnel.</p>
<p>Bien sûr, financer ces mesures en période de <a href="https://uk.finance.yahoo.com/news/uk-recession-until-end-2023-cbi-warns-093737274.html">récession</a> implique des <a href="https://www.newstatesman.com/quickfire/2022/12/run-out-money-pay-strikers-inflation-cost-of-living">choix difficiles</a>. Une augmentation des impôts s’avèrerait politiquement coûteuse, la charge fiscale n’ayant jamais été aussi élevée <a href="https://www.independent.co.uk/money/uk-s-tax-burden-what-do-the-figures-show-b2097564.html&sa=D&source=docs&ust=1672830357839216&usg=AOvVaw3T7sPgwHNZ0_ZEPYz3-F3W">depuis 70 ans</a>. Le recours à des emprunts publics pourrait, lui, aggraver l’inflation si la Banque d’Angleterre <a href="https://www.atb.com/wealth/good-advice/markets/impact-of-government-debt-and-inflation/">augmente la masse monétaire</a> par le biais d’un assouplissement quantitatif.</p>
<p>L’opinion publique semble largement soutenir les grévistes, en <a href="https://www.theguardian.com/uk-news/2022/dec/17/public-support-nurses-strike-pressure-sunak-tories">particulier ceux du NHS</a>. Toutefois, si le gouvernement cède dans un secteur, il crée un précédent pour les autres, avec des conséquences économiques potentiellement plus importantes.</p>
<p>Concernant le NHS, il pourrait plutôt avancer à 2023 les négociations de l’organe de révision des salaires du secteur public, afin de permettre une amélioration de l’accord, éventuellement accompagnée d’une <a href="https://www.theguardian.com/uk-news/2023/jan/08/rishi-sunak-consider-one-off-payment-end-nurses-strikes">prime</a> pour difficultés. Ailleurs, il tiendra probablement bon en espérant que les syndicats perdront leur détermination.</p>
<h2>Australie et Nouvelle-Zélande : les grèves restent rares malgré l’inflation</h2>
<p><em>Jim Stanford, économiste et directeur du Centre for Future Work, Australia Institute</em></p>
<p>Les grèves en Australie sont devenues très rares au cours des dernières décennies en raison des lois restrictives adoptées depuis les années 1990. Malgré un <a href="https://www.abs.gov.au/statistics/labour/employment-and-unemployment/labour-force-australia/latest-release#:%7E:text=25th%20March%202023-,Unemployment,unemployment%20rate%20remained%20at%203.5%25.">taux de chômage historiquement bas</a> et des salaires très en [retard sur l’inflation](https://www.abs.gov.au/statistics/economy/price-indexes-and-inflation/wage-price-index-australia/latest-release#:%7E:text=Seasonally%20adjusted%20private%20sector%20wages,rate%20since%20December%20quarter%202012. Ces lois permettent encore de court-circuiter la plupart des actions syndicales.</p>
<p>En 2022, le taux de syndicalisation est tombé à <a href="https://www.abs.gov.au/statistics/labour/earnings-and-working-conditions/trade-union-membership/latest-release">12,5 % des employés</a>, un niveau historiquement bas. En 1990 encore, il était supérieur à 50 % des travailleurs. Les membres d’un syndicat ne peuvent légalement faire grève qu’après que les négociations, les scrutins et les plans d’action spécifiques ont été rendus publics, révélant ainsi pleinement la stratégie du syndicat à l’employeur. Même lorsqu’il y a des grèves, elles ont tendance à être courtes.</p>
<p>Au total, <a href="https://www.abs.gov.au/statistics/labour/earnings-and-working-conditions/industrial-disputes-australia/latest-release#:%7E:text=Data%20downloads-,Key%20statistics,in%208%20states%20and%20territories.">182 conflits du travail</a> ont eu lieu au cours de l’année qui s’est terminée en septembre. (Les statistiques ne font pas de distinction entre les grèves et les lock-out des employeurs, qui sont devenus courants en Australie). Ce chiffre est similaire à celui des années précédant la pandémie et ne représente qu’une fraction des actions industrielles des années 1970 et 1980.</p>
<p>La seule poussée visible des actions de grève en 2022 reste une série de protestations d’un jour organisées par les enseignants et les personnels de santé en Nouvelle-Galles du Sud, l’État le plus peuplé du pays. Après avoir supporté une décennie de plafonnement austère des salaires par le gouvernement conservateur de l’État, c’en était trop lorsque l’inflation s’est fait sentir.</p>
<p>La plupart des autres travailleurs sont restés passifs, alors même que l’Australie a connu une <a href="https://tradingeconomics.com/country-list/wage-growth">croissance des salaires parmi les plus lentes</a> de tous les grands pays industrialisés. Les <a href="https://tradingeconomics.com/australia/wage-growth">salaires nominaux</a> n’ont augmenté en moyenne que de 2 % par an en 10 ans jusqu’en 2021. Ce taux est passé à 3,1 % à la fin de 2022, mais cela reste moitié moins que le <a href="https://www.rba.gov.au/inflation/measures-cpi.html">taux d’inflation</a> de 7,3 %.</p>
<p>Le gouvernement travailliste nouvellement élu en Australie a adopté une <a href="https://www.dewr.gov.au/newsroom/articles/major-workplace-relations-reform-bill-now-act#:%7E:text=The%20legislation%20received%20Royal%20Assent,and%20better%20support%20vulnerable%20workers">série de réformes importantes</a> du droit du travail à la fin de 2022, visant à renforcer les négociations collectives et la croissance des salaires. Cela pourrait annoncer une amélioration progressive du pouvoir de négociation des travailleurs dans les années à venir.</p>
<p>Les perspectives des relations industrielles en Nouvelle-Zélande sont, de leur côté, un peu plus hospitalières pour les travailleurs et leurs syndicats. Le <a href="https://figure.nz/chart/nvVfvd43iJUbwFXz">taux de syndicalisation</a> a augmenté en 2021, pour atteindre 17 % des salariés (contre 14 % en 2020). Le salaire horaire moyen ordinaire a connu une <a href="https://www.stats.govt.nz/information-releases/labour-market-statistics-income-june-2022-quarter/">croissance impressionnante de 7,4 %</a> au cours de la dernière période de 12 mois, grâce à une augmentation de 6 % du salaire minimum décidée par le gouvernement travailliste.</p>
<p>Les actions industrielles restent rares – peut-être en partie parce que les travailleurs réussissent à augmenter les salaires par d’autres moyens. Aucune donnée officielle sur les grèves n’est disponible pour 2022, mais en 2021, seuls 20 mouvements ont eu lieu, ce qui représente une forte baisse par rapport à une moyenne de 140 par an au cours des trois années précédentes.</p>
<h2>Indonésie : colère contre les réformes du droit du travail</h2>
<p><em>Nabiyla Risfa Izzati, maître de conférences en droit du travail, Universitas Gadjah Mada</em></p>
<p>Il y a quelques semaines, le gouvernement a remplacé sa <a href="http://www.ilo.org/dyn/natlex/natlex4.detail?p_lang=en&p_isn=110587&p_count=1&p_classification=08">« loi Omnibus »</a> controversée par une nouvelle réglementation d’urgence, ce en réponse à la décision de la Cour constitutionnelle indonésienne qui l’avait <a href="https://www.mkri.id/index.php?page=web.Berita&id=17816">jugée inconstitutionnelle</a> en 2021.</p>
<p>Adoptée fin 2020, la loi omnibus incarnait l’ambition du président Joko Widodo d’<a href="https://thediplomat.com/2020/10/protests-strikes-greet-indonesias-controversial-omnibus-bill/">attirer les investisseurs étrangers</a> en réduisant les formalités administratives, mais au détriment des droits des salariés. Elle rendu plus facile les licenciements sans préavis.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/504196/original/file-20230112-27936-kkxytp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/504196/original/file-20230112-27936-kkxytp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/504196/original/file-20230112-27936-kkxytp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=721&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/504196/original/file-20230112-27936-kkxytp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=721&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/504196/original/file-20230112-27936-kkxytp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=721&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/504196/original/file-20230112-27936-kkxytp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=906&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/504196/original/file-20230112-27936-kkxytp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=906&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/504196/original/file-20230112-27936-kkxytp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=906&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le président indonésien Joko Widodo a dû abandonner sa loi Omnibus, du moins officiellement.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://picryl.com/media/joko-widodo-2019-official-portrait-faa9d9">Picryl</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ont aussi été abaissées les indemnités de licenciement légales et la durée maximale des contrats temporaires a, elle, été allongée, tout en ignorant la protection des travailleurs. En 2022, la nouvelle formule de calcul du salaire minimum a également entraîné la <a href="https://bisnis.tempo.co/read/1529672/pakar-ugm-sebut-rata-rata-kenaikan-ump-109-persen-terendah-sepanjang-sejarah">plus faible augmentation annuelle</a> jamais enregistrée. La loi a suscité de <a href="https://theconversation.com/dua-tahun-uu-cipta-kerja-phk-kian-mudah-kenaikan-upah-jadi-paling-rendah-193090">nombreuses critiques</a> de la part des travailleurs, des militants et des organisations de la société civile.</p>
<p>Le nouveau règlement d’urgence est sans doute encore plus problématique. La majorité de ses dispositions ne font que copier la loi omnibus. Plusieurs changements et dispositions supplémentaires prêtent en fait à confusion et font double emploi avec les règlements précédents, tout en laissant de nombreuses failles qui pourraient être exploitées à l’avenir.</p>
<p>Pourtant, malgré les plaintes des travailleurs et des syndicats, arguant que les nouvelles règles ont été adoptées soudainement et sans consultation, il n’est <a href="https://www.hukumonline.com/klinik/a/aturan-mogok-kerja-dan-penutupan-perusahaan-lt62f9fb6c2de77">pas question de faire grève</a>. Le mode d’action reste peu populaire car elles ne peuvent être organisées qu’avec l’autorisation de l’entreprise concernée. Si les travailleurs organisent des grèves officieuses, les employeurs ont le droit de s’en débarrasser.</p>
<p>Les manifestations publiques constituent une alternative évidente, bien que les règles de la pandémie limitant la mobilité et les rassemblements de masse les aient rendues difficiles. Malgré tout, des milliers, voire des millions de travailleurs ont <a href="https://en.antaranews.com/news/248345/four-thousand-officers-deployed-for-handling-fuel-price-hike-protests">organisé des mouvements</a> dans leurs villes respectives au cours du second semestre 2022.</p>
<p>Les travailleurs demandaient à ce que la loi Omnibus soit révoquée et que le gouvernement <a href="https://www.merdeka.com/uang/buruh-protes-upah-tidak-naik-tapi-harga-komoditas-melonjak.html">n’utilise pas les formules de calcul du salaire minimum</a> stipulées dans la loi. Les protestations se sont intensifiées lorsque le gouvernement a augmenté les prix du carburant en septembre, ce qui a fait grimper l’inflation déjà élevée en raison de la hausse du cours des denrées alimentaires.</p>
<p>Les autorités politiques ont depuis publié un règlement distinct pour déterminer le salaire minimum de 2023. Les revendications ont donc abouti d’une certaine façon, mais les <a href="https://www.hukumonline.com/berita/a/substansi-tak-sesuai-harapan--serikat-buruh-tolak-perppu-cipta-kerja-lt63b25fa54f54c/">travailleurs</a> comme les <a href="https://www.metrotvnews.com/play/kqYCE01y-apindo-soroti-2-pasal-kontroversial-di-perppu-cipta-kerja">employeurs</a> restent furieux que les règles relatives au salaire minimum aient à nouveau changé dans le cadre du règlement d’urgence.</p>
<p>Il est clair que les manifestants n’ont pas obtenu la suppression des autres règles issues de la loi omnibus. Certains travailleurs ont protesté sur les médias sociaux. Cela n’incitera peut-être pas le gouvernement à modifier la loi, mais quelques tweets viraux ont poussé plusieurs entreprises à <a href="https://yogyakarta.kompas.com/read/2022/10/29/214612078/viral-surat-edaran-waroeng-ss-potong-gaji-karyawan-rp-300000-bagi-yang?page=all">changer leurs pratiques abusives</a>.</p>
<p>La controverse devrait se poursuivre en 2023 et au cours de l’année électorale de 2024, notamment dans le contexte de possibles licenciements massifs en pleine récession mondiale.</p>
<h2>États-Unis : la protestation des travailleurs montre des signes de vie</h2>
<p><em>Marick Masters, professeur de commerce et professeur auxiliaire de sciences politiques, Wayne State University</em></p>
<p>Les travailleurs américains ont été de plus en plus nombreux à s’organiser et à rejoindre les piquets de grève en 2022 pour réclamer de meilleurs salaires et une amélioration des conditions de travail. Cela a suscité un <a href="https://www.virginiamercury.com/2022/09/05/america-is-in-the-middle-of-a-labor-mobilization-moment/">optimisme</a> certain chez les <a href="https://www.afscme.org/blog/cause-for-optimism-on-labor-day">dirigeants syndicaux</a> et les <a href="https://www.bloomberg.com/opinion/articles/2022-06-30/labor-strikes-in-uk-us-workers-unite-against-inflation-cost-of-living-crisis">défenseurs des droits des travailleurs</a>, pensant assister à un <a href="https://theconversation.com/amazon-starbucks-and-the-sparking-of-a-new-american-union-movement-180293">tournant</a> des rapports de force dans le monde du travail.</p>
<p>Les <a href="https://gothamist.com/news/new-school-teachers-strike-ends-as-nyc-university-agrees-to-first-pay-raises-in-4-years">enseignants</a>, les <a href="https://www.nytimes.com/2022/12/07/business/media/new-york-times-union-walkout.html">journalistes</a> et les <a href="https://www.arlnow.com/2022/11/17/newly-unionized-starbucks-baristas-are-on-strike-in-courthouse/">baristas</a> font partie des dizaines de milliers de travailleurs qui se sont mis en grève. Il a fallu un <a href="https://www.npr.org/2022/12/01/1140123647/rail-strike-bill-senate">vote du Congrès</a> pour empêcher 115 000 employés des chemins de fer de débrayer eux aussi. Au total, il y a eu au moins <a href="https://www.bls.gov/wsp/publications/monthly-details/XLSX/work-stoppages-2022.xlsx">20 arrêts du travail majeurs</a> impliquant chacun plus de 1 000 travailleurs en 2022, contre <a href="https://www.bls.gov/opub/ted/2022/16-major-work-stoppages-in-2021.htm">16 en 2021</a>, en plus de <a href="https://striketracker.ilr.cornell.edu/">centaines</a> d’autres plus petits.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1598442185493549056"}"></div></p>
<p>Les travailleurs de Starbucks, Amazon, Apple et des dizaines d’autres entreprises ont également déposé <a href="https://www.nlrb.gov/reports/nlrb-case-activity-reports/representation-cases/intake/representation-petitions-rc/">plus de 2 000 demandes</a> pour former des syndicats au cours de l’année – un record depuis 2015. Les travailleurs ont remporté 76 % des 1 363 élections qui ont eu lieu.</p>
<p>Historiquement, cependant, ces chiffres restent tièdes. Le nombre d’arrêts de travail majeurs est en chute libre <a href="https://www.bls.gov/opub/ted/2022/16-major-work-stoppages-in-2021.htm">depuis des décennies</a> : il s’élevait à près de 200 en 1980. En 2021, le taux de syndicalisation, <a href="https://www.bls.gov/news.release/union2.nr0.htm">10,3 %</a>, n’était pas loin du plus bas jamais enregistré. Dans les années 1950, plus d’un travailleur sur trois était membre d’un syndicat.</p>
<p>L’environnement reste encore très défavorable aux syndicats, avec un <a href="https://prospect.org/labor/labors-john-l-lewis-moment">droit du travail timide</a> et très <a href="https://www.eventbrite.com/e/what-can-labor-do-to-build-on-this-unusually-promising-moment-tickets-380700223617">peu d’employeurs</a> montrant une réelle réceptivité à l’idée d’avoir une main-d’œuvre syndiquée. Les syndicats se trouvent <a href="https://www.hup.harvard.edu/catalog.php?isbn=9780674725119">limités</a> dans leur capacité à modifier les politiques publiques. La réforme du droit du travail par le biais de la législation reste vague, et les résultats des élections de mi-mandat de 2022 ne devraient pas faciliter les choses.</p>
<p>Néanmoins, le soutien de l’opinion publique aux syndicats est <a href="https://news.gallup.com/poll/354455/approval-labor-unions-highest-point-1965.aspx">à son plus haut niveau</a> depuis 1965, puisque 71 % des citoyens disent approuver l’action syndicale, d’après un sondage Gallup du mois d’août. Et les travailleurs eux-mêmes montrent de plus en plus d’intérêt à les rejoindre. En 2017, <a href="https://www.epi.org/publication/working-people-want-a-voice/">48 % des travailleurs interrogés</a> ont déclaré qu’ils voteraient aux élections syndicales, contre 32 % en 1995, la dernière fois que la question a été posée.</p>
<p>Les succès futurs pourraient dépendre de la capacité des syndicats à tirer parti de leur popularité croissante et à surfer sur la vague des récentes victoires dans l’établissement d’une représentation syndicale chez Starbucks et Amazon, ainsi que sur le succès de la campagne <a href="https://theconversation.com/fight-for-15-le-nouveau-visage-de-laction-syndicale-aux-etats-unis-126123">« Fight for $15 »</a>, qui depuis 2012 a contribué à l’adoption de <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2022/nov/23/fight-for-15-movement-10-years-old">lois portant sur un salaire minimum de 15 dollars</a> dans une douzaine d’États et à Washington DC. Les chances d’y parvenir sont peut-être grandes : il y a en tout cas des opportunités à faire germer.</p>
<p><em>Extrait d’un <a href="https://theconversation.com/worker-strikes-and-union-elections-surged-in-2022-could-it-mark-a-turning-point-for-organized-labor-195995">article</a> publié le 5 janvier 2023</em></p>
<h2>Espagne : les mesures d’aide inégales pourraient causer des problèmes</h2>
<p><em>Rubén Garrido-Yserte, directeur de l’Instituto Universitario de Análisis Económico y Social, Universidad de Alcalá</em></p>
<p>L’inflation mondiale provoque un ralentissement de l’économie mondiale et une hausse des taux d’intérêt à des niveaux <a href="https://www.oecd.org/economic-outlook/november-2022/">jamais vus depuis avant 2008</a>. Les taux d’intérêt continueront d’augmenter en 2023, affectant particulièrement des économies aussi endettées que l’Espagne.</p>
<p>Elle sapera à la fois le revenu disponible des familles et la rentabilité des entreprises (surtout les petites), tout en rendant plus coûteux le remboursement de la dette publique. Parallèlement, on devrait assister à une augmentation durable du coût du panier de la ménagère à moyen terme.</p>
<p>Jusqu’à présent, les actions gouvernementales ont partiellement atténué cette perte de pouvoir d’achat. L’Espagne a <a href="https://theconversation.com/la-excepcion-iberica-sobre-decisiones-de-gobierno-y-declaraciones-de-las-grandes-empresas-183064">plafonné les prix de l’électricité</a>, <a href="https://www.libremercado.com/2022-12-21/bono-se-acaba-la-chequera-de-sanchez-hacienda-recauda-en-el-ano-por-la-gasolina-mas-del-doble-del-coste-de-la-subvencion-6969423/">subventionné le carburant</a> et rendu les transports publics gratuits pour les citadins et les navetteurs.</p>
<p>Des <a href="https://www.lamoncloa.gob.es/consejodeministros/resumenes/Paginas/2022/221122-rp-cministros.aspx">accords</a> ont été passés avec les banques pour refinancer les prêts hypothécaires des familles les plus vulnérables. En outre, les retraites et les salaires du secteur public ont été <a href="https://www.rtve.es/noticias/20221214/subida-pensiones-2023/2410229.shtml">augmentés</a> et il est prévu de <a href="https://www.rtve.es/noticias/20221221/negociacion-subida-salario-minimo-2023-gobierno-sindicatos/2412514.shtml">relever le salaire minimum</a>.</p>
<p>Toutefois, nombre de ces mesures doivent nécessairement être temporaires. Le danger est qu’elles finissent par être considérées comme des droits auxquels il ne faut pas renoncer. Elles faussent également l’économie et créent des problèmes d’équité en excluant ou en soutenant insuffisamment certains groupes. Les salaires privés <a href="https://home.kpmg/es/es/home/tendencias/2022/12/estudio-de-tendencias-retributivas-2023.html">n’augmenteront pas suffisamment</a> pour couvrir l’inflation, par exemple.</p>
<p>L’action a été telle qu’il y a eu très peu d’actions syndicales en réponse à la crise du coût de la vie. Le danger est qu’elles créent un scénario où le calme d’aujourd’hui peut être le signe avant-coureur d’une tempête sociale demain.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/502930/original/file-20230103-20-riy0if.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/502930/original/file-20230103-20-riy0if.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/502930/original/file-20230103-20-riy0if.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/502930/original/file-20230103-20-riy0if.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/502930/original/file-20230103-20-riy0if.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/502930/original/file-20230103-20-riy0if.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/502930/original/file-20230103-20-riy0if.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article, dont la version originale a été publiée en anglais, fait partie de la série <a href="https://theconversation.com/topics/global-economy-2023-132115">Global Economy 2023</a> sur les défis économiques auxquels le monde sera confronté dans l’année à venir. Vous aimerez peut-être aussi notre bulletin d’information sur l’économie mondiale (en anglais), auquel vous pouvez vous abonner <a href="https://theconversation.com/uk/newsletters/global-economy-and-business-115">ici</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197665/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Phil Tomlinson currently receives funding from the Engineering and Physical Sciences Research Council (EPSRC) for Made Smarter Innovation: Centre for People-Led Digitalisation, and the Economic and Social Research Council (ESRC) for an Interact project on UK co-working spaces and manufacturing.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jim Stanford, Marick Masters, Nabiyla Risfa Izzati et Rubén Garrido-Yserte ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>À quelques jours du mouvement des syndicats français contre la réforme des retraites, les experts de The Conversation vous proposent un panorama mondial de la mobilisation sociale.Jim Stanford, Economist and Director, Centre for Future Work, Australia Institute; Honorary Professor of Political Economy, University of SydneyMarick Masters, Professor of Business and Adjunct Professor of Political Science, Wayne State UniversityNabiyla Risfa Izzati, Lecturer of Labour Law, Universitas Gadjah Mada Phil Tomlinson, Professor of Industrial Strategy, Deputy Director Centre for Governance, Regulation and Industrial Strategy (CGR&IS), University of BathRubén Garrido-Yserte, Director del Instituto Universitario de Análisis Económico y Social, Universidad de AlcaláLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1946972022-11-20T16:00:35Z2022-11-20T16:00:35ZA-t-on le droit de s’exprimer contre son entreprise ? La justice semble hésiter<p>Deux affaires très récentes semblent se contredire à première vue. La <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000045940143">première</a>, tranchée par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 15 juin dernier, est venue confirmer le licenciement pour cause réelle et sérieuse d’une employée ayant tenu, hors de l’entreprise et en présence de tiers, des propos dénigrant contre son employeur. La <a href="https://www.courdecassation.fr/decision/632bfcdd6ed81805da0b014f#">seconde</a>, jugée par la même chambre le 21 septembre, invalide celui d’un salarié qui avait remis en cause les directives qui lui étaient données par sa supérieure hiérarchique au cours d’une réunion interne. Quand bien même cela eut des effets sur la santé de cette dernière.</p>
<p>Que cela signifie-t-il en termes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/liberte-dexpression-26784">liberté d’expression</a> du salarié ? Notre analyse en comprend qu’il faut rappeler la distinction qui existe entre le droit d’expression individuel et collectif du salarié dans le cadre d’une réunion et la liberté individuelle d’expression en dehors de l’entreprise. Les juges protègent de manière très étendue le droit d’expression, y compris celui de contestation directe des directives du manager, lorsque le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/salaries-51494">salarié</a> se trouve en réunion ; ils condamnent en revanche l’abus de liberté d’expression, y compris dans un cadre non professionnel.</p>
<p>Il s’en déduit que droit d’expression et liberté d’expression ont des champs d’application différents mais aussi que le principe de loyauté auquel le salarié est tenu envers son employeur, s’en trouve d’autant plus variable. Car ce qui est remarquable est que ces mêmes juges tendent à <a href="https://theconversation.com/jusquou-peut-aller-la-liberte-dexpression-des-salaries-sur-les-reseaux-sociaux-112260">protéger les propos tenus par le salarié sur les réseaux sociaux</a>, objet de nos <a href="https://www.annales.org/gc/2017/gc130/2017-12-06.pdf">travaux</a>, mais ne tolèrent pas des propos équivalents tenus en dehors des réseaux sociaux. Dans les deux cas, on se trouve pourtant hors de l’entreprise. Pour l’entreprise et pour le salarié, l’encadrement de cette liberté, ou la protection de celle-ci semblent ainsi devenir incertaines.</p>
<h2>S’exprimer en réunion, un droit très étendu</h2>
<p>Revenons sur les principes sous-jacents. Légalement, le droit d’expression individuel au sein de l’entreprise émane d’une logique distincte de la liberté d’expression. Le premier a un fondement légal ; la seconde, constitutionnel.</p>
<p>Le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000035653316/">droit d’expression</a> des salariés sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail provient ainsi du code du travail qui dispose que les opinions qu’ils émettent dans l’exercice de ce droit ne peuvent <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006901827/2022-11-15">pas motiver une sanction ou un licenciement</a>. C’est ce qui a été appliqué par la Cour de cassation le 21 septembre.</p>
<p>Dans cette affaire, un salarié a remis en cause les directives de sa supérieure hiérarchique en présence de la direction générale et de plusieurs salariés. Il aurait même tenté d’imposer au directeur général un désaveu public de sa supérieure. Deux jours plus tard, le médecin du travail a constaté l’altération de l’état de santé de celle-ci. L’employeur décide alors de licencier le salarié pour faute simple, licenciement que le salarié a contesté.</p>
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<p>Un acte d’insubordination et un dénigrement de la part du salarié à l’égard de sa manager constitutifs d’un motif réel et sérieux de licenciement ? Pas pour la Cour de cassation qui estime, au contraire, que le droit d’expression directe et collective du salarié doit ici être protégé. Elle considère que le salarié alertait son auditoire sur « la façon dont sa supérieure hiérarchique lui demandait d’effectuer son travail, qui allait à l’encontre du bon sens et surtout lui faisait perdre beaucoup de temps et d’énergie, ce qui entraînait un retard dans ses autres tâches et celles du service comptabilité fournisseurs pour le règlement des factures ».</p>
<p>Par ce droit institué par les lois Auroux de 1982, il s’agit, d’après une <a href="https://blog.osezvosdroits.com/wp-content/uploads/2017/04/circulaire-DRT-n%C2%B0-3-du-4-mars-1986.pdf">circulaire</a> adressée par le ministère du Travail aux directions régionales le 4 mars 1986, de permettre à chacun des salariés de s’exprimer en tant que membre d’une collectivité de travail au-delà du rapport salariat-hiérarchie.</p>
<p>Encadrée par le principe de loyauté auquel le salarié est tenu, l’appréciation de ce droit diffère selon le contexte. L’expression relative aux conditions de travail revêt par exemple une importance capitale dans la recherche de l’équilibre des nécessités de l’entreprise et de la santé des salariés. La dernière jurisprudence montre toutefois que ce droit est en fait très étendu.</p>
<h2>Des obligations à tenir hors de l’entreprise</h2>
<p>Consacrée au sein de l’article 11 de la <a href="https://www.education.gouv.fr/declaration-des-droits-de-l-homme-et-du-citoyen-du-26-ao%C3%BBt-1789-10544#:%7E:text=Art.,Art.">Déclaration des droits de l’homme et du citoyen</a>, la liberté d’expression comprend, elle, la « libre communication des pensées et des opinions » et conduit à consacrer le droit de « parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».</p>
<p>Que dit par conséquent la loi sur les salariés en entreprise ? D’après le Code du travail, il ne peut être apporté aux droits et libertés des personnes « de restrictions qui ne seraient pas <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072050&idArticle=LEGIARTI000006900785">justifiées</a> par la nature de la tâche à accomplir ni <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072050&idArticle=LEGIARTI000006900785">proportionnées</a> au but recherché ». Il précise également que le contrat de travail doit être exécuté de <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006900858">« bonne foi »</a>, d’où les juges ont déduit une <a href="https://www.village-justice.com/articles/obligation-loyaute-salarie,29556.html">obligation de loyauté</a> du salarié : il ne doit pas agir de façon à porter préjudice à son employeur.</p>
<p>L’appréciation des juges semble ici plus restrictive. D’après l’arrêt rendu en juin, cette obligation s’étend jusque dans la sphère non professionnelle et l’exercice de la liberté d’expression peut y déboucher sur un licenciement pour faute.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/jusquou-peut-aller-la-liberte-dexpression-des-salaries-sur-les-reseaux-sociaux-112260">Jusqu’où peut aller la liberté d’expression des salariés sur les réseaux sociaux ?</a>
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<p>Lors d’un évènement qualifié de divertissement familial, une salariée rencontre un de ses collègues, peintre en bâtiment. Ce dernier était accompagné de deux personnes, étrangères à l’entreprise. La salariée aurait critiqué leurs employeurs communs en énonçant qu’ils tenaient à l’égard du salarié peintre des propos, blessants et humiliants. Il serait « le plus mauvais peintre qu’ils avaient pu avoir dans l’entreprise ». En ayant eu vent, la direction a licencié pour cause réelle et sérieuse ladite salariée.</p>
<p>Au tribunal, les employeurs contestaient notamment avoir tenu de tels propos et la salariée n’en a pas rapporté la preuve. Selon les juges, une telle affirmation publique a constitué un dénigrement caractéristique d’une diffamation. La Cour de cassation en déduit un abus par la salariée de sa liberté d’expression et un manquement à son obligation de loyauté. Dès lors, son licenciement pour faute grave a été justifié.</p>
<h2>Contradiction ?</h2>
<p>Il ressort de la comparaison de ces deux récentes affaires que les libertés sont différemment appréciées selon qu’elles consistent à s’exercer en cours de réunion sur les conditions de travail en entreprise ou selon qu’elles concernent les critiques émises en dehors de l’entreprise sur le comportement de l’employeur. Le droit d’expression individuelle ou collective comprend la contestation des méthodes de travail.</p>
<p>Ce droit ne saurait déboucher sur une sanction disciplinaire, le salarié étant considéré comme membre de la collectivité de travail. En revanche, la liberté d’expression individuelle ne peut avoir pour effet de porter atteinte de manière démesurée à la dignité de l’employeur, y compris en dehors du travail, ce qui rend le licenciement justifié.</p>
<p>Par conséquent, le principe de loyauté comporte une variabilité selon les circonstances, en sachant par ailleurs que les propos tenus par les salariés sur les réseaux sociaux font l’objet d’une protection importante. De quoi apporter certaines incertitudes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194697/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Brigitte Pereira ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le droit d’expression du salarié en entreprise se distingue de la liberté individuelle d’expression : le principe de loyauté est ainsi diversement apprécié selon les circonstances.Brigitte Pereira, Professeur de droit du travail, droit pénal des affaires et droit des contrats, HDR, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1914522022-10-03T17:30:01Z2022-10-03T17:30:01ZEn matière de droit, le travail salarié et le travail indépendant convergent de plus en plus<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/486772/original/file-20220927-26-htgx48.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C0%2C1920%2C1270&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les chauffeurs de la plate-forme Uber ont été reconnus comme des salariés, pas ceux de «&nbsp;Le Cab&nbsp;»&nbsp;: que comprendre&nbsp;?
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/users/jacksondavid-1857643/">Jackson David / Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les distinctions entre le travail salarié et le travail indépendant issues du développement du capitalisme prennent aujourd’hui une dimension nouvelle. Entre autonomisation des salariés, capacité d’initiative individuelle, et rupture de contrat de travail facilitée, l’évolution du salariat intègre de plus en plus de flexibilité. En parallèle, l’autoentrepreneuriat se développe mais parfois sans la liberté censée l’accompagner. Tout ceci a de quoi interroger le juriste. Le cas des chauffeurs VTC a par exemple donné lieu à des décisions en apparence opposées.</p>
<p>Les Ordonnances de septembre 2017, en particulier, ont contribué à remettre en question la nature du lien entre l’employeur et le salarié. Il n’en existe pas de définition légale, mais les juges, historiquement, avaient fait émerger, de jurisprudences en jurisprudences, <a href="https://droits.nvo.fr/droit-du-travail/les-criteres-du-contrat-de-travail/">trois éléments</a> caractérisant un contrat de travail salarié. Le salarié exécute un travail réel, perçoit pour cela une rémunération et est placé sous la subordination d’un employeur. Ce dernier point avait ainsi été défini en 1996 par la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007035180/">Cour de cassation</a>, il s’agit du « pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner le manquement de son subordonné ».</p>
<p>Ces éléments, et en particulier ce dernier, ne correspondent, semble-t-il pas toujours à la réalité actuelle. Si <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Tel/Le-nouvel-esprit-du-capitalisme">dès les années 1990</a>, ces questionnements étaient posés, l’évolution de la norme aujourd’hui participe clairement au brouillage des frontières entre le salariat et le travail indépendant. C’est ce que nous expliquons dans nos <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2018-6-page-37.htm">travaux</a> et en particulier dans un article à paraître dans la Revue Interdisciplinaire, Management, Homme et Entreprise.</p>
<h2>Subordination et autonomie</h2>
<p>L’accent a, de fait, progressivement été mis sur la capacité d’initiative du salarié qui dispose de plus d’autonomie. Le contrôle de ce qu’il accomplit porte ainsi moins sur sa manière de réaliser son travail que sur les objectifs et résultats attendus.</p>
<p>Les nécessités de l’entreprise supposent dorénavant une certaine flexibilité du temps de travail qui a conduit alors à faire émerger une dimension forfaitaire du temps de travail. Le salarié ne travaille plus à l’heure, mais selon un quantum forfaitaire d’heures par mois ou encore, d’heures ou de jours par an (c’est par exemple le « forfait-jours »).</p>
<p>Le développement du télétravail pousse dans la même direction. Il conforte à la fois la flexibilité des entreprises et l’autonomie des salariés, aboutissant dans certains cas à étendre la responsabilisation du salarié en dehors de toute sphère de subordination.</p>
<p>Un passage semble ainsi s’opérer du modèle du « salarié subordonné » vers un « salarié autonome » assujetti au pouvoir de l’employeur. La surveillance y prend une nouvelle forme aux frontières du travailleur indépendant.</p>
<h2>Succès de l’autoentrepreneuriat</h2>
<p>Symétriquement, lorsque l’on s’intéresse au travailleur indépendant, on constate de plus en plus de rapprochement avec des éléments caractéristiques du contrat de travail salarié, en particulier le lien de subordination. C’est par exemple le cas lorsque le client de l’intéressé, ou son donneur d’ordre est unique et impose une organisation de travail.</p>
<p>Le développement de nouvelles formes de travail brouille ainsi les frontières entre les missions subordonnées et les missions indépendantes des travailleurs. La question qui se pose est : s’agit-il réellement d’une subordination ou d’une dépendance économique ?</p>
<p><iframe id="3Kpim" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/3Kpim/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Certes, le salariat demeure la forme d’organisation de travail dominante. En 2018, seuls <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4470764?sommaire=4470890#:%7E:text=Valeurs%20peu%20fiables.-,Lecture%20%3A%20en%202018%2C%20en%20France%2C%2011%2C4%20%25,la%20sylviculture%20et%20la%20p%C3%AAche.">12 % des travailleurs</a> en France étaient des indépendants sachant que la moyenne européenne est de 14 % de travailleurs indépendants. Ce nombre, décroissant pendant plusieurs décennies est <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4470790?sommaire=4470890">reparti à la hausse</a> depuis 2002.</p>
<p>Depuis sa création en 2008, le régime de l’autoentrepreneuriat a, en particulier, connu un succès important : ils étaient déjà plus d’un million fin 2016 et 2,2 millions fin 2021, dont presque <a href="https://www.urssaf.org/accueil/statistiques/nos-etudes-et-analyses/travailleurs-independants/nationale/2022-1/auto-entrepreneurs-Dec2022.html">1,3 million</a> déclarent un chiffre d’affaires positif. Le rythme des créations s’accélère même.</p>
<h2>Requalification ou non ?</h2>
<p>Au-delà de cette dynamique, la pratique des juges et l’évolution de la jurisprudence nous renseignent sur la convergence du salariat et du travail indépendant. Beaucoup de relations ont même été requalifiées en salariat par les juridictions. Les juges se fondent sur l’article <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000031104496/#:%7E:text=%2DL%E2%80%99existence%20d%E2%80%99un,%E2%80%99%C3%A9gard%20de%20celui%2Dci.">L. 8221-6 du Code du travail</a> selon lequel un travailleur indépendant est présumé non-salarié, sauf preuve de l’existence d’un lien de subordination.</p>
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<p>Les indices les plus fréquemment soulevés sont l’absence d’autonomie dans l’exercice de ses missions, l’imposition d’horaires de travail, l’absence de liberté dans l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007043285/">organisation de la prestation de service</a>, l’exigence de comptes rendus, l’absence de savoir-faire distinct de celui de l’ensemble des salariés de l’entreprise, <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000020708141/">l’intégration aux équipes</a> de salariés du donneur d’ordre, la mise à disposition de moyens matériels comme un bureau, voire une carte de visite et l’utilisation de papier à entête identifiant le donneur d’ordre plutôt que le travailleur indépendant.</p>
<p>Des décisions emblématiques ont été rendues en ce sens et montrent à quel point le travailleur indépendant peut être placé dans une situation de totale subordination relevant du salariat. Le travail ubérisé a notamment fait l’objet d’une attention particulière de la part des juges. Après l’affaire <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000037787075/">« Take Eat Easy »</a> jugée le 28 novembre 2018 sur des livreurs à domicile, la Cour de cassation s’est prononcée sur la situation de chauffeurs de VTC en <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000042025162?isSuggest=true">requalifiant leur relation de travail</a> avec la plate-forme Uber en contrats de travail dans un arrêt du 4 mars 2020.</p>
<p>Néanmoins, plus récemment, le 13 avril 2022, une <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000045652580?isSuggest=true">décision inverse</a> a été prise au moment d’étudier la situation des chauffeurs de VTC inscrits sur la plate-forme numérique « Le Cab ». La Cour de cassation a refusé la requalification en contrat de travail, parce qu’aucun des éléments de cette relation ne caractérisait un lien de subordination. La géolocalisation des chauffeurs par la société n’a pas été considérée comme un élément suffisant.</p>
<p>Cette évolution judiciaire qui limite la requalification de la relation commerciale en relation de travail subordonnée rend, selon nous, compte de la prise en compte de la construction de nouvelles formes de travail entre les plates-formes et les travailleurs indépendants. Entre la réalité des situations de nombreux travailleurs indépendants et l’autonomisation du salarié, on note une forme de convergence nécessitant de repenser l’activité professionnelle et les obligations et droits de chacun de ces acteurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191452/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Brigitte Pereira ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les évolutions de la loi et des pratiques mais aussi les hésitations de la jurisprudence semblent devoir conduire à revoir nos conceptions traditionnelles.Brigitte Pereira, Professeur de droit du travail, droit pénal des affaires et droit des contrats, HDR, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1812872022-04-20T09:57:30Z2022-04-20T09:57:30ZIl y a cinq ans, les ordonnances Macron instauraient un droit du travail moins favorable aux salariés<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/458318/original/file-20220415-26-c0ogoc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=62%2C30%2C1126%2C767&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Manifestation de fonctionnaires Paris contre les ordonnances Macron, en octobre 2017.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jmenj/37362377850">Jeanne Menjoulet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000035607388/">ordonnances Macron de 2017</a> ont profondément modifié le droit du travail en renforçant le « dialogue social » à l’échelle de l’entreprise, faisant de celle-ci le lieu central de la production des normes d’emploi.</p>
<p>Ce texte entérinait ainsi un changement inédit de hiérarchie des normes dans le droit du travail, en instaurant la primauté des accords d’entreprise sur les accords collectifs de branche professionnelle. Cette transformation radicale permet de faire de la loi non plus un outil de protection des travailleurs, mais, avant tout, un moyen de sécuriser la compétitivité des entreprises.</p>
<p>Cinq ans plus tard, nous vous proposons de revenir sur l’esprit, les raisons et les répercussions inédites de ces mesures phares qui ont fortement marqué le début du quinquennat du président Emmanuel Macron.</p>
<h2>Portée historique</h2>
<p>Rappelons tout d’abord que si ces trente dernières années ont été marquées en France par la consécration du « dialogue social » comme <a href="https://www.cairn.info/revue-esprit-2009-1-page-125.htm">forme légitime des relations sociales</a> en entreprise, la pratique de la négociation collective à l’échelle des organisations a été, pendant très longtemps, quasi inexistante en France.</p>
<p>En effet, ce sont seulement les <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000504206/">lois Auroux de 1982</a> qui ont, pour la première fois, rendu obligatoires les négociations collectives en entreprise. Depuis, de nombreuses réformes législatives se sont succédé, toutes animées par une volonté d’étendre le périmètre et le contenu de ces négociations décentralisées.</p>
<p>Le développement d’un dialogue local est, depuis lors, présenté par le législateur comme une solution privilégiée pour désamorcer les velléités contestataires des syndicats et des salariés, qui reposeraient avant tout sur une incompréhension des réalités économiques et des contraintes managériales auxquelles sont confrontées leurs directions.</p>
<p>Derrière cette promotion d’un idéal démocratique de coopération entre les salariés et leur management, ces transformations de la législation attestent d’une réalité plus sombre. Notamment, ces mesures ont commencé récemment à remettre en question le « principe de faveur » sur lequel le droit du travail français est fondé afin de mieux protéger les travailleurs.</p>
<p>Selon ce principe historiquement ancré, un accord d’entreprise ne pouvait exister que s’il était plus favorable, pour les salariés, aux règles négociées dans la convention collective ou les accords de branche, afin d’éviter une course au « moins-disant » social.</p>
<p>La succession des <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000613810/">lois Fillon de 2004</a> et <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000019347122/">Bertrand de 2008</a> sont les premières brèches symboliques qui ont ouvert progressivement des possibilités de dérogation aux conventions collectives pour les accords d’entreprise, mais seulement sur certains critères et dans certaines conditions. Plus récemment, les lois <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000031046061/">Rebsamen de 2015</a>, <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000032983213/">El Khomri de 2016</a> puis, surtout, les ordonnances Macron, en 2017, parachèvent cette (r)évolution discrète.</p>
<p>Les ordonnances Macron, tout particulièrement, ont des implications d’une ampleur sans précédent : elles permettent désormais de renégocier complètement les clauses des conventions collectives dans tous les domaines, en actant la primauté aux accords d’entreprise sur les accords collectifs de branche, y compris en cas d’accords moins favorables pour les travailleurs.</p>
<p>En inversant ainsi la hiérarchie des normes, ces décrets ont alors ouvert, pour la première fois, la possibilité d’une individualisation des négociations collectives à l’échelle des entreprises.</p>
<h2>« Tournant entrepreneurial »</h2>
<p>Si les ordonnances Macron ne défendent donc pas des idées nouvelles, elles actent cependant l’aboutissement concret de plus de trente ans de <a href="https://www.cairn.info/revue-l-homme-et-la-societe-2020-1-page-169.htm">« tournant entrepreneurial » du droit du travail</a> : en déconsidérant les notions de classes et de subordination qui en constituaient le fondement, elles interprètent ce droit non plus comme un outil de protection des travailleurs, mais comme un moyen de sécuriser la compétitivité des entreprises.</p>
<p>En ce sens, ces multiples réformes ont surtout permis de relayer les doléances patronales, fidèlement reprises dans les ordonnances Macron, qui, en plus de déplafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciements abusifs (hors cas de harcèlement), facilitent par exemple les procédures de licenciements économiques tout en flexibilisant davantage les accords de maintien dans l’emploi.</p>
<p>C’est également dans cette perspective que ces ordonnances viennent bouleverser les modalités des négociations collectives dans de multiples domaines. En particulier, le fonctionnement des instances de représentation du personnel (IRP) a été profondément remanié.</p>
<p>La fusion des trois instances traditionnelles (CE, CHSCT, DP) en une seule (le Comité social et économique, ou « CSE ») est l’une des mesures les plus emblématiques de ces décrets : présentée comme une manière de simplifier le dialogue dans l’entreprise, cette refonte contraint en réalité fortement les représentants des salariés, en diminuant leurs ressources, et en <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03358079">limitant la portée réelle de leur prérogatives</a>.</p>
<p>Soulignons en ce sens la réduction du nombre de représentants du personnel - <a href="https://www.infocse.fr/actualites/sociales/cse-nombre-representants-heures-de-delegation">jusqu’à 50 %</a> - pour une <a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/rapport_effet_de_la_mise_en_place_des_cse_sur_le_dialogue_social_etude_longitudinale_de_7_grandes_entreprises._universite_paris_est_0.pdf">charge de travail plus importante</a>, ou bien encore le délai raccourci pour les possibilités de recours à des experts extérieurs (dont le financement, jusqu’alors aux frais de l’employeur, doit désormais être pour partie pris en charge sur le budget du CSE).</p>
<p>Notons que la suppression des CHSCT ôte d’ailleurs aux représentants des salariés l’un des dispositifs qui leur était le plus favorable dans le jeu des négociations. Enfin, les modalités même de fonctionnement du CSE peuvent être directement négociées au cas par cas, laissant ainsi toute latitude aux entreprises de <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03358079">définir leurs propres modalités de négociations</a> et faisant dès lors des droits syndicaux eux-mêmes un enjeu (central) de la négociation d’entreprise. C’est ainsi aux représentants des salariés de négocier… leurs propres ressources pour négocier.</p>
<h2>Derrière le dialogue, la domination</h2>
<p>Cette vision contractuelle des relations professionnelles, qui passe complètement sous silence la <a href="https://www.cairn.info/revue-gerer-et-comprendre-2019-2-page-15.htm">nature asymétrique des liens de subordination</a> propre aux relations hiérarchiques, se trouve en décalage complet avec la réalité des rapports de force que les salariés et leurs représentants peuvent aujourd’hui construire face à leur direction.</p>
<p>La fragilisation des protections collectives confère alors au patronat une position particulièrement favorable pour imposer sans contreparties le contenu et l’issue des négociations. Avec le renversement du « principe de faveur » qui fragilise le droit des salariés, les ordonnances Macron offrent en effet aux équipes de direction des outils supplémentaires d’individualisation et de flexibilisation du travail et des rémunérations, comme l’ont récemment illustré <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/enquete-source/relations-professionnelles-et-negociations-dentreprise-2017">plusieurs enquêtes approfondies</a>.</p>
<p>De façon plus subtile que les anciennes pratiques de répression directe, ces outils du dialogue social peuvent aussi être investis comme des moyens habiles de sélectionner les « bons » représentants des salariés et les « bonnes formes » de contestation, en encourageant notamment un syndicalisme de concertation, plus consensuel et conciliant. À ce titre, les ordonnances Macron consacrent les efforts des représentants du patronat et du législateur pour, comme le soulignait le sociologue Étienne Penissat, « institutionnaliser, légitimer et soutenir un syndicalisme “gestionnaire” <a href="https://www.cairn.info/revue-agone-2013-1-page-7.htm">compatible avec les exigences du capitalisme contemporain</a> », tout en marginalisant, de fait, les postures syndicales contestataires.</p>
<p>Alors que l’esprit de ces réformes tend à discréditer toute notion de conflits et de subordination, ces évolutions nous invitent ainsi, au contraire, à réfléchir aux manières dont les représentants des salariés peuvent continuer à bâtir un rapport de force favorable à la défense des travailleurs, dans un contexte où l’asymétrie sociale avec leur employeur se trouve renforcée par les nouvelles règles de négociations collectives d’entreprise.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181287/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Sanson ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les ordonnances votées en début de quinquennat ont ouvert la voie à une individualisation de la négociation, affaiblissant ainsi le rôle des syndicats.David Sanson, Professeur régulier (eq. MCF), Université du Québec à Montréal (UQAM), ENS de LyonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1749072022-01-16T17:18:01Z2022-01-16T17:18:01ZVidéo : « Et si… on arrêtait de travailler »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/440961/original/file-20220116-24-k7qa1c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1917%2C1080&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Capture d'écran de la vidéo « Et si... on arrêtait de travailler »</span> <span class="attribution"><span class="source">Le blob, l’extra-média</span></span></figcaption></figure><p>Perte de sens, bullshit jobs, uberisation… Le plein emploi serait un mythe à déconstruire, selon le sociologue Raphaël Liogier, qui préfèrerait voir l’humain s’épanouir dans l’activité plutôt que dans le productivisme. Mais parmi les organisations humaines, y a-t-il plus fort que le travail pour structurer sa personnalité et son rapport aux autres, interroge Frédérique Debout, psychologue et chercheuse ?</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/UwgYQK5aBZo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Et si… on arrêtait de travailler/Le blob, l’extra-média.</span></figcaption>
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<p><em>Réalisation : Anthony Barthélémy. Coordination éditoriale : Yseult Berger, Benoît Tonson. Production : Universcience, en partenariat avec The Conversation France.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174907/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Dans cette nouvelle vidéo, un sociologue et une psychologue s’interrogent sur la nature même du travail, faut-il l’abolir ou plutôt le changer ?Frédérique Debout, Maîtresse de conférences en psychopathologie et psychodynamique du travail, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Raphaël Liogier, professeur en Sociologie, Sciences Po AixLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1439172020-08-10T21:15:23Z2020-08-10T21:15:23ZRepas gratuits, cours de sport, crèches… Tout ce que les salariés ont à perdre avec le télétravail<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/351070/original/file-20200804-925-wjpmip.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C7%2C4985%2C3323&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les locaux des entreprises offrent de nombreux avantages non compris dans le système de rémunération notamment des espaces de détente dédiés.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://image.shutterstock.com/image-photo/coworkers-playing-foosball-table-office-600w-527843122.jpg">bbernard / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le classement des meilleures entreprises où travailler <a href="https://www.greatplacetowork.me/what-is-great-place-to-work/">« Great place to to work »</a>, évalue depuis 1998 la satisfaction des employés par rapport à leurs employeurs, selon trois critères : la confiance des employés en leurs dirigeants, le sens qu’ils trouvent à leur travail et la camaraderie entre collègues.</p>
<p>Ce type de classement est devenu une norme dans de nombreuses industries lorsque les entreprises tentent de convaincre des candidats de travailler chez eux.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1204789257962999808"}"></div></p>
<p>L’importance d’une bonne « marque employeur » (c’est-à-dire l’image d’une entreprise auprès de ses employés et des candidats potentiels) est devenue encore plus évidente face à la génération <a href="https://www.careerattraction.com/got-millennials-workplace-perks-attract-next-generation-bright-workers/">« millennials »</a> – regroupant les personnes nées entre 1981 et 1996 – sensible aux avantages et aux services qu’un environnement de travail peut leur offrir.</p>
<p>Ainsi, peut-on lire dans une enquête faite aux États-Unis que <a href="https://eu.usatoday.com/story/money/2015/09/16/study-says-snacks-affect-happiness-at-work/72259746/">48 % de ces millennials</a> prennent en considération la disponibilité des snacks à volonté au moment de choisir un employeur. Dans une autre étude, <a href="https://www.peoplekeep.com/blog/what-workplace-perks-do-employees-want-a-top-10-list">26 % des personnes interrogées</a> disent que les services dans les espaces de travail sont un moyen efficace de retenir le personnel. Les services les plus appréciés étant, par ordre d’importance, la salle de sport, les repas, les massages sur place et les salles de repos.</p>
<p>De fait, des études académiques montrent que de bonnes conditions de travail ont un réel impact sur la <a href="https://meridian.allenpress.com/bria/article-abstract/14/1/105/66914">motivation</a>, la <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/17538350810893883/full/html?fullSc=1">santé</a>, la <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/02632770810864970/full/html">productivité</a> et la <a href="https://www.ingentaconnect.com/content/mcb/jfm/2002/00000001/00000002/art00006">performance</a> des salariés.</p>
<h2>Délocalisation complète du lieu de travail</h2>
<p>Depuis de nombreuses années, les possibilités offertes par les outils digitaux ont fait apparaître de nouvelles problématiques et ouvert un débat essentiel lié au télétravail : la réflexion sur la sphère privée et la sphère professionnelle.</p>
<p>Dans le secteur privé, il y a eu une <a href="https://www.business2community.com/infographics/the-history-and-future-of-the-gig-economy-infographic-02260584">première ouverture</a> vers la digitalisation pour des activités indépendantes pouvant être externalisées, comme les services de traduction, de conception ou services clients.</p>
<p>Plus tard, des entreprises ont progressivement mis en place des dispositifs de télétravail permettant aux employés menant des activités dont la présence physique n’était pas indispensable quotidiennement de travailler certains jours à distance.</p>
<p>Cette ouverture a permis de réaliser des gains dans trois domaines : premièrement, des économies financières ; deuxièmement, une <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/le-teletravail-un-levier-pour-reduire-les-emissions-polluantes-1220660">réduction de l’impact écologique</a> des activités de l’entreprise ; et enfin, une satisfaction croissante des employés, qui ont apprécié le surplus d’efficacité personnelle produit par le télétravail.</p>
<p>Afin d’accompagner ce mouvement vers un modèle hybride de travail, des gouvernements successifs ont dû créer des réglementations et législations jusqu’aux <a href="https://www.leparisien.fr/economie/emploi/reforme-du-travail-les-nouvelles-regles-du-jeu-dans-l-entreprise-05-10-2019-8166570.php">ordonnances Macron dès 2017</a>, qui encadrent et facilitent la transition vers le télétravail. Trois ans après son démarrage, ce cadre juridique avait montré son efficacité au niveau du nombre d’employés en télétravail.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/avec-les-ordonnances-macron-le-grand-retour-du-teletravail-85725">Avec les ordonnances Macron, le grand retour du télétravail</a>
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<p>La mise en place dans un grand nombre d’entreprises d’un modèle 100 % virtuel forcé par les mesures de confinement, est venue montrer tant aux acteurs publics qu’aux acteurs privés qu’il existe une possibilité pour un modèle 100 % digital sur la durée : d’une part, les craintes des entreprises, en matière de pannes et perturbations se sont avérées infondées, d’autre part de nombreuses personnes <a href="https://theconversation.com/confinement-des-teletravailleurs-surcharges-mais-globalement-satisfaits-139494">ont apprécié ce nouveau modèle de travail</a> et un grand nombre d’entre elles a montré sa volonté de continuer sur ce même modèle après le confinement.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1268759247136927745"}"></div></p>
<p>Cela s’est révélé très rapidement dans les nouvelles des entreprises. <a href="https://www.cnbc.com/2020/05/21/zuckerberg-50percent-of-facebook-employees-could-be-working-remotely.html">Facebook</a> a été l’un des premiers à annoncer qu’il fallait s’attendre à ce que 50 % des employés travaillent à distance au cours des 5 à 10 prochaines années. Au Japon, <a href="https://www.zdnet.fr/actualites/teletravail-fujitsu-va-fermer-la-moitie-de-ses-bureaux-au-japon-d-ici-2022-39906233.htm">Fujitsu</a> a annoncé la fermeture de la moitié de ses bureaux avant 2022. En France, <a href="https://www.challenges.fr/automobile/actu-auto/psa-veut-faire-basculer-40-000-personnes-en-teletravail_716341">PSA</a> a annoncé son intention d’avoir 40 000 salariés en télétravail.</p>
<h2>Où est le piège ?</h2>
<p>Dans cette nouvelle dynamique, nous pouvons nous attendre à ce qu’à l’enthousiasme associé aux gains de temps de transport, de confort et de la possibilité de passer plus de temps à la maison succède tôt ou tard la prise de conscience de nombreux avantages perdus.</p>
<p>De leur côté, les entreprises risquent, si elles n’y prennent garde, de perdre une certaine capacité de contrôle de leurs employés, la perte d’opportunités pour nourrir la culture d’entreprise ainsi que la perte des nouvelles offres commerciales.</p>
<p>Pour le travailleur, il y a une conséquence plus pertinente, susceptible de passer inaperçue : la perte des services que proposent les entreprises dans leurs locaux. Ces services qui permettent non seulement la création et le maintien d’une culture d’entreprise, mais sont aussi une ressource très appréciée par les employés, sensibles à des avantages concrets, hors d’un système de rémunération et d’avantages sociaux.</p>
<p>Attardons-nous sur quelques-uns de ceux qui sont proposés ces jours-ci par les entreprises françaises et qui encouragent le sentiment de satisfaction et d’engagement : BlaBlaCar propose à ses employés un <a href="https://changethework.com/mobilite-interne-blablacar/">échange de bureau</a> où ils peuvent aller travailler pendant une semaine dans un bureau à l’étranger. Deezer a un <a href="https://photo.capital.fr/vacances-illimitees-studio-de-musique-10-avantages-tres-originaux-offerts-par-des-entreprises-a-leurs-salaries-35153#des-vacances-illimitees-chez-openclassrooms-609205">studio de musique</a> entièrement meublé. ManoMano met à disposition de ses employés un <a href="https://photo.capital.fr/vacances-illimitees-studio-de-musique-10-avantages-tres-originaux-offerts-par-des-entreprises-a-leurs-salaries-35153#des-vacances-illimitees-chez-openclassrooms-609205">atelier</a> où ils peuvent apprendre le bricolage. À Ubisoft, il y a une <a href="https://photo.capital.fr/vacances-illimitees-studio-de-musique-10-avantages-tres-originaux-offerts-par-des-entreprises-a-leurs-salaries-35153#des-vacances-illimitees-chez-openclassrooms-609205">ludothèque</a> alors que Frichti propose un <a href="https://photo.capital.fr/vacances-illimitees-studio-de-musique-10-avantages-tres-originaux-offerts-par-des-entreprises-a-leurs-salaries-35153#des-vacances-illimitees-chez-openclassrooms-609205">délicieux repas et des goûters</a> tous les jours. Tous ces services ne peuvent pas exister dans l’environnement virtuel !</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/351080/original/file-20200804-14-ywl50m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/351080/original/file-20200804-14-ywl50m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/351080/original/file-20200804-14-ywl50m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/351080/original/file-20200804-14-ywl50m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/351080/original/file-20200804-14-ywl50m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/351080/original/file-20200804-14-ywl50m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/351080/original/file-20200804-14-ywl50m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Capture d’écran d’une page du site de l’entreprise ManoMano présentant les différents avantages offerts aux salariés.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://manomano.welcomekit.co/">Site web.</a></span>
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<p>Cela signifie que les entreprises qui ont la volonté de passer en mode entièrement virtuel doivent, dès à présent, faire évoluer leur offre de services pour la « délocaliser ».</p>
<p>Si un employé est à la maison toute la journée, il sera obligé d’arrêter de travailler pour préparer un repas, ce qui peut prendre une partie du temps du travail, s’avérer malsain selon le type de repas choisi, et même coûteux. Cet employé est susceptible d’avoir une vie plus sédentaire et d’éviter de bouger pour aller prendre une tasse de café avec des collègues. De plus, il peut perdre des opportunités d’acquérir des avantages qui vont au-delà d’un salaire ou d’une rémunération et qui pourraient l’aider à mieux s’intégrer dans la dynamique de l’entreprise, par exemple, des moments d’intégration, des cours et formations, du mentorat et de l’accompagnement.</p>
<h2>Reconstruire l’offre de services ?</h2>
<p>Cela pose un nouveau défi aux entreprises. Comment reconfigurer les services dans un environnement de bureau délocalisé et confondu avec le lieu de détente ?</p>
<p>Repas, snacks, salle de gym, fournitures, haut débit, laverie, crèche, concierge, messagerie… la liste des services fournis au sein d’un espace de travail commun peut être longue, il va falloir être créatif pour compenser ces services dans un mode de travail disséminé !</p>
<p>Mais ce nouvel environnement s’avère riche en potentiel service et stimulant pour des structures entrepreneuriales et innovantes souhaitant reconstruire une offre de services qui leur permettrait de devenir ou se maintenir comme l’employeur de rêve pour les générations actuelles et futures.</p>
<p>Le domicile constitue-t-il vraiment le meilleur endroit pour travailler ensemble (ce qui est le fondement d’une entreprise) sans se côtoyer ? Les créateurs de services devraient s’interroger sur ce point et sur les manières d’engager et de motiver les employés.</p>
<p>Vous pensez que travailler à domicile est une bonne chose ? Vous imaginez travailler une semaine par an dans un endroit paradisiaque ? Vous souhaitez vous former pour être professionnellement performant sans renoncer à votre cours de yoga du mardi midi ? Quelque part, une entreprise est peut-être déjà en train de se demander comment rendre tout cela possible pour vous séduire… et certainement aussi car elle soupçonne que cela vous rendrait encore plus performant.</p>
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<p><em>Cet article a été co-rédigé par Stéphane Compain-Tissier, directeur adjoint d’un hôtel</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/143917/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fernanda Arreola ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Face à l’essor d’un mode de travail 100 % digital et délocalisé, les employeurs doivent se montrer créatifs pour compenser la disparition de ces services très appréciés des salariés.Fernanda Arreola, Professor of Entrepreneurship & Innovation @ EMLV, Pôle Léonard de VinciLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1412372020-06-28T16:06:40Z2020-06-28T16:06:40ZLa loi condamne-t-elle le racisme systémique en France ?<p>L’homicide de George Floyd a suscité une onde de choc mondiale, remettant au goût du jour dans plusieurs démocraties occidentales, la question raciale dont on a sous-estimé l’ampleur en Europe. En France, cela s’est traduit par la résurgence du mouvement antiraciste début juin, à la suite des rassemblements organisés par le <a href="https://twitter.com/laveritepradama?lang=en">comité Justice et Vérité</a> pour Adama Traoré.</p>
<p>Les modèles juridiques américain et français diffèrent toutefois en raison de leur histoire et les formes de racisme qu’on y observe.</p>
<p>Au-delà des débats que suscite en France l’emploi du mot « race » dans les textes constitutionnels, une certaine interprétation étroite du concept d’universalisme participe à ignorer les stigmates contemporains liés aux héritages coloniaux (antillais, asiatiques, subsahariens, maghrébins).</p>
<p>Au sein du brouhaha médiatique ambiant, les juristes se font peu entendre. Il faut dire que le sujet du racisme demeure tabou, pour ne pas dire poliment évité tant la charge idéologique qu’il recèle n’est pas négligeable.</p>
<h2>La charge de la preuve</h2>
<p>L’un des verrous du problème « racial » français tient précisément dans la difficulté d’apporter la preuve d’une infraction raciste.</p>
<p>Le racisme systémique ne constitue pas, en droit français, une catégorie juridique. On propose de l’entendre ici comme un agencement d’expériences individuelles et de logiques collectives, articulées de telle manière qu’elles produisent un espace social racialisé.</p>
<p>Notre propos est de montrer qu’un racisme systémique est bien ancré dans le droit français contemporain, à travers l’étude de plusieurs exemples.</p>
<p>Au risque de céder à la caricature, l’objet n’est certainement pas ici de dire que <em>tout</em> le droit français reposerait sur un racisme systémique.</p>
<p>En revanche, l’évocation de quelques affaires significatives rendues par nos juridictions permet de mesurer l’intérêt d’une lecture en matière de racisme systémique.</p>
<h2>L’affaire des « mamadous » et « chibanis »</h2>
<p>Entre 2016 et 2019, l’inspection du travail a révélé, à la suite d’un accident, une vaste entreprise de travail dissimulé.</p>
<p>Ce travail était organisé par un consortium d’entreprises du bâtiment (donneurs d’ordre et sous-traitants) qui employait plusieurs travailleurs <a href="http://www.gisti.org/spip.php?article6326">sans-papiers subsahariens et maghrébins</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"958998381141086208"}"></div></p>
<p>Selon les termes du Défenseur des droits repris par le jugement du Conseil des prud’hommes de Paris du 17 décembre 2019, un système pyramidal s’était instauré entre travailleurs subsahariens (au bas de l’échelle), maghrébins (à un niveau intermédiaire) et blancs, s’agissant des fonctions de contrôle et de direction de l’ensemble.</p>
<p>Le système était perfectionné, car il reposait sur une division des tâches en fonction des nationalités des travailleurs subsahariens et ouest-africains pour la plupart. L’échelle la plus basse étant constituée des « mamadous », terme raciste servant à désigner les travailleurs maliens considérés uniquement pour leur force de travail comme interchangeables.</p>
<p>Pour la première fois, le Conseil des prud’hommes a employé la catégorie de discrimination raciale systémique. La structure pyramidale organisée correspondait à une division du travail strictement répartie en fonction d’assignations raciales différentes (maliens et subsahariens au bas de la pyramide, maghrébins en intermédiaires et blancs aux fonctions d’organisation).</p>
<p>De son côté, le 31 janvier 2019, la Cour d’appel de Paris a rendu un arrêt dans lequel elle a octroyé une indemnité aux « chibanis », terme utilisé pour désigner les <a href="https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2018/04/27/les-chibanis-discrimines-l-emportent-definitivement-face-a-la-sncf_5291683_1653578.html">travailleurs d’origine marocaine recrutés par la SNCF</a> dans les années 1970. Il aura fallu près de 30 années de luttes et déplorer la mort de beaucoup d’entre eux, du fait de leurs conditions précaires de travail, pour que la Cour condamne enfin la SNCF, à l’époque établissement public industriel et commercial (EPIC).</p>
<p>Le régime juridique de ces travailleurs relevait pourtant d’une <a href="https://www.gisti.org/IMG/pdf/decr_1963-07-27_FranceMaroc.pdf">convention franco-marocaine du 1ᵉʳ juin 1963</a> signée par la France, dont l’article 8 garantit d’égales conditions de travail entre travailleurs français et marocains.</p>
<p>Dès 1950, un décret (modifié en 1970) instaure de facto une clause nationale qui aboutira à la constitution de <a href="https://juridique.defenseurdesdroits.fr/index.php?lvl=notice_display&id=24074">plusieurs statuts « dérogatoires »</a>. Contrairement à ce que l’on enseigne traditionnellement dans les facultés de droit, le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/Aide/A-propos-de-l-ordre-juridique-francais">décret a primé</a> sur la convention franco-marocaine.</p>
<p>Cela s’est concrètement traduit, à travail égal, par des différences notables de salaires, de protection sociale et de conditions de travail. La Cour d’appel a pudiquement qualifié ce dispositif, de « discriminatoire ».</p>
<p>Force est de reconnaître qu’il s’agit bien de sanctionner un dispositif instaurant de facto une discrimination raciale systémique fondée sur l’instauration d’une clause de nationalité.</p>
<h2>Les anciens combattants sénégalais : le cas pionnier du « racisme systémique »</h2>
<p>La Cour d’appel n’a d’ailleurs pas manqué de faire référence à une autre affaire, <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000008029234">l’arrêt d’assemblée Diop</a> du 30 novembre 2001, que tous les juristes publicistes connaissent bien puisqu’il figure aux « Grands » arrêts de la jurisprudence administrative.</p>
<p>Cet arrêt ne fait qu’acter la fin d’une discrimination raciale instituée par l’État français entre le montant des pensions versées aux anciens tirailleurs « sénégalais » et leurs frères d’armes français. Le montant des pensions perçues n’était pas calculé sur des bases identiques selon qu’il s’agissait d’anciens combattants originaires d’Afrique subsaharienne ou de métropole.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/59Q_z-DQ1cQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Yoro Diao, tirailleur sénégalais naturalisé après 57 ans d’attente.</span></figcaption>
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<p>Les recours, portés par plus d’une centaine d’anciens combattants avaient été introduits dès 1985. Il aura là encore fallu attendre le décès de monsieur Diop (l’action contentieuse ayant été reprise par ses héritiers) et que soient épuisées l’ensemble des nombreuses voies contentieuses – l’affaire ayant été portée devant le Comité des droits de l’homme – pour qu’enfin, le Conseil d’État reconnaisse pudiquement en 2001 l’existence d’une « discrimination ».</p>
<p>Il ressort de ces affaires, une multiplicité des formes de racisme systémique certes non reconnues par les juges (hormis le jugement du Conseil des prud’hommes). Elles vont de dispositifs économiques et sociaux générant les discriminations, aux difficultés de la justice ordinaire à répondre et sanctionner efficacement ces mêmes discriminations (lenteur, problèmes de preuve ou de caractérisation des comportements comme racistes).</p>
<p>Les raisons qui empêchent une telle reconnaissance viennent, sans doute, de la crainte d’écorner le sacro-saint dogme de la proclamation de l’égalité de tous les citoyens devant la loi.</p>
<h2>Introduire un recours, un privilège que tout le monde ne peut pas s’offrir</h2>
<p>Ces affaires ont toutes été jugées dans notre démocratie libérale contemporaine. Et ce, alors même que la France a adhéré à nombre d’instruments internationaux et européens de <a href="https://www.gouvernement.fr/planantiracisme-eveiller-les-consciences-agir-ne-plus-rien-laisser-passer?55pushSuggestion=Teaser">lutte contre le racisme</a>. Il est toujours possible d’affirmer qu’elles ne seraient, après tout, qu’anecdotiques. Mais c’est oublier par la même occasion qu’en matière de racisme, la norme juridique ne constitue souvent que l’artefact de faits sociaux plus denses.</p>
<p>Que peuvent juridiquement de potentiels requérants placés dans une situation de domination structurelle : ici des ouvriers sans-papiers à bout, victimes d’un accident du travail, là des Chibanis ou leurs enfants ayant attendu l’âge de la retraite pour enfin se décider à introduire des recours ? Il est tout simplement impossible, dans ce type de configuration sociale, de prendre le risque financier d’un recours juridictionnel individuel.</p>
<p>Les exemples sont nombreux pour autant qu’on prenne la peine de les voir, comme l’illustre le récent dossier juridiquement explosif de la <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2018/chlordecone-et-autres-pesticides-sante-publique-france-presente-aux-antilles-de-nouveaux-resultats">contamination au chlordécone</a> qui rappelle avec force que les anciens héritages liés à esclavage dans les îles à sucre sont loin d’avoir disparu. Utilisé dans l’agriculture intensive, ce pesticide, interdit très tardivement pour sa toxicité dès 1990, a continué d’être utilisé jusqu’en 1993. Il a massivement contaminé les <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01861800/document">catégories sociales défavorisées de Martinique et Guadeloupe</a> employées dans le secteur de la banane.</p>
<h2>Les dispositifs de lutte contre le racisme : sont-ils vraiment efficaces ?</h2>
<p>Tout ceci interroge l’efficacité des dispositifs de lutte contre le racisme. Les affaires évoquées ont toutes mobilisé un dispositif probatoire très lourd : syndicats, Défenseur des droits, inspection du travail, reconstitution des dossiers de carrière, etc. De fait, toute réflexion sur le racisme ne peut faire l’économie des dispositifs institutionnels et juridiques mis en œuvre pour y remédier.</p>
<p>Ainsi, le Défenseur des droits et l’institution de protection et de promotion des droits humains (<a href="https://www.cncdh.fr/">CNCDH</a>) ne rendent que de simples avis : ne serait-il pas judicieux de doter le premier de véritables pouvoirs décisionnels ? La délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT(<a href="https://www.gouvernement.fr/dilcrah">DILCRAH</a>), sous l’autorité du Premier ministre, s’en tient à un rôle de sensibilisation et de coordination des politiques publiques en matière de discrimination ; les effectifs des inspecteurs du travail n’ont cessé de décroître ces dernières années : on compte environ 2500 fonctionnaires, <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-bilan-de-la-transformation-de-linspection-du-travail">ce qui apparaît dérisoire</a>.</p>
<p>Conviendrait-il d’élargir leurs compétences et leurs effectifs en matière de discrimination raciale plutôt que s’en remettre aux actions introduites par les associations traditionnelles ?</p>
<p>De plus, on ne sait pas exactement quels sont les moyens alloués à la sensibilisation des magistrats dans ce domaine. Ne faudrait-il pas enfin que soit reconnu plus largement par les juges non seulement les discriminations directes, mais aussi indirectes ?</p>
<p>Le temps est venu de prendre bras le corps la singularité des formes contemporaines de racismes générés par notre histoire commune et étudiée par de nombreux travaux académiques.</p>
<p>Utiliser les États-Unis comme repoussoir ou anti-modèle permettant de faire l’impasse sur ce qui se déroule en France d’un point de vue social n’est pas soutenable d’un point de vue intellectuel.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/141237/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lionel Zevounou a reçu des financements de l'Institut Universitaire de France</span></em></p>La discrimination raciale est au coeur de plusieurs décisions juridiques en France.Lionel Zevounou, Maître de conférences en droit public, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1414882020-06-25T18:12:26Z2020-06-25T18:12:26ZVictoire historique : la Cour suprême américaine vote en faveur des droits LGBTQ+<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/344087/original/file-20200625-33519-1p6xey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=19%2C1%2C997%2C679&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un homme brandit un drapeau arc-en-ciel devant le bâtiment de la Cour suprême, le 15 juin 2020 à Washington, DC. </span> <span class="attribution"><span class="source">Chip Somodevilla/Getty Images North America/Getty Images via AFP</span></span></figcaption></figure><p>La Cour suprême des États-Unis, plus haute instance judiciaire du pays, vient d’infliger un sérieux camouflet à Donald Trump, un président déterminé à lutter contre la reconnaissance des droits des Américains transgenres.</p>
<p>Dans l’affaire <a href="https://www.supremecourt.gov/opinions/19pdf/17-1618_hfci.pdf"><em>Bostock v. Clayton County</em></a>, six juges (dont deux conservateurs) contre trois ont voté pour l’extension aux personnes homosexuelles et transgenres du dispositif antidiscriminatoire garanti par le titre VII de la <a href="https://www.govinfo.gov/content/pkg/STATUTE-78/pdf/STATUTE-78-Pg241.pdf">loi sur les droits civiques de 1964</a>. Cette décision est sans appel : le droit fédéral proscrit désormais la discrimination au travail fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre.</p>
<h2>L’égalité des Américains transgenres : un contexte politique dégradé depuis 2017</h2>
<p>Cette victoire judiciaire est d’autant plus notable que depuis son accession à la Maison-Blanche, <a href="http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1587292-donald-trump-et-les-lgbt-sa-position-est-ambigue-mais-peut-etre-plus-pour-longtemps.html">Donald Trump s’est évertué à abolir</a> méthodiquement les victoires décisives du mouvement LGBTQ+, en annulant une série de réglementations passées sous Obama et en nommant deux juges conservateurs : Neil Gorsuch et Brett Kavanaugh.</p>
<p>En février 2017, le président tout juste entré en fonctions abroge une directive permettant aux jeunes scolarisés <a href="https://apnews.com/ab7e4c13b98a4f4f881254c60e01472d?utm_campaign=SocialFlow&utm_source=Twitter&utm_medium=AP_Politics">d’utiliser les toilettes et les vestiaires</a> selon le genre auquel ils s’identifient. Le 27 juillet 2017, Trump annonce dans une série de tweets vouloir rétablir l’interdiction faite aux Américains transgenres de servir dans l’armée, alors qu’Obama l’avait suspendue le 30 juin 2016. Trump prétend qu’à quelques exceptions près, les soldats transgenres représentent un fardeau substantiel pour la sécurité nationale et le budget alloué à la défense en raison de coûts médicaux exorbitants liés à une chirurgie de réassignation sexuelle. En janvier 2019, alors que cette décision est en cours d’instruction par la justice fédérale américaine, la <a href="https://edition.cnn.com/2019/01/22/politics/scotus-transgender-ban/index.html">Cour suprême</a> autorise l’exécutif à poursuivre la mise en œuvre de son projet régressif.</p>
<p>Le 12 juin 2020, mois des fiertés LGBTQ+ et jour du quatrième anniversaire de l’attentat contre la boîte de nuit LGBTQ+ <a href="https://www.vox.com/2016/6/14/11920208/pulse-shooting-victims-orlando">Pulse</a> à Orlando, Trump – fasciné par le pouvoir des symboles – met fin à une <a href="https://www.vox.com/identities/2020/4/24/21234532/trump-administration-health-care-discriminate-lgbtq">réglementation</a> – actée sous Obama – qui protégeait les Américains transgenres contre la discrimination fondée sur le sexe exercée par certains hôpitaux, médecins et compagnies d’assurance maladie.</p>
<p>En pleine pandémie, cette humiliation supplémentaire intervient alors que la plupart des 49 victimes du Pulse sont des <a href="https://www.vox.com/2016/6/16/11954668/whitewashing-orlando-victims-lgbt-violence">Américains LGBTQ+ non blancs</a> et que le pays est secoué par des manifestations d’une ampleur inédite contre les brutalités policières et le racisme.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1274137474235858945"}"></div></p>
<p>La communauté transgenre est particulièrement exposée à cette culture de la violence. En 2019, <a href="https://www.hrc.org/resources/violence-against-the-trans-and-gender-non-conforming-community-in-2020">27 personnes transgenres</a> ont été assassinées aux États-Unis, la plupart des victimes sont non blanches (d’où l’émergence du mot d’ordre <a href="https://www.bbc.co.uk/bbcthree/article/33ab8fbd-792f-44ee-85de-5dd3894f60bf">Black Trans Lives Matter</a>). Malheureusement, ce constat accablant peine à se traduire par des actions politiques de grande envergure.</p>
<h2>L’affaire Bostock : qui sont les plaignants ?</h2>
<p>Gerald Bostock, travailleur social pour le comté de Clayton (Géorgie) depuis dix ans, est un employé modèle. Il est pourtant licencié en 2013 pour « comportement indécent » après avoir rejoint une <a href="https://www.hotlantasoftball.org/page/show/1533142-about-hotlanta-softball-league">équipe sportive gay de softball</a>.</p>
<p>Donald Zarda est moniteur de parachutisme pour Altitude Express à New York. En 2010, dans un souci de transparence, comme à l’accoutumée, il informe l’une de ses clientes de <a href="https://time.com/5617310/zarda-supreme-court-lgbtq/">son homosexualité avant un saut en parachute</a>. Vraisemblablement choquée, la cliente se plaint à son petit ami d’avoir subi des « attouchements inappropriés » pendant le saut. Donald Zarda, rapidement congédié, décédera après un accident de parachute en 2014.</p>
<p><a href="https://www.npr.org/2020/05/12/854946825/aimee-stephens-transgender-woman-at-center-of-major-civil-rights-case-dies-at-59">Aimee Stephens</a> travaille pendant six ans en tant qu’homme dans un funérarium (Harris Funeral Home) du Michigan. En 2013, elle rédige un courrier à son employeur l’informant de sa décision de « vivre et travailler à plein temps en tant que femme » dès son retour de congés. Alors que sa transition reçoit l’approbation des médecins, elle est immédiatement renvoyée. Elle décède le 12 mai 2020 à la suite d’une grave insuffisance rénale.</p>
<p>Ces trois récits authentiques ont tous pour dénominateur commun un licenciement abusif caractérisé, en lien avec l’orientation sexuelle et l’identité de genre des plaignants, sans qu’il soit démontré que ces salariés aient commis la moindre faute professionnelle dans l’exercice de leurs fonctions. Le <a href="https://www.nytimes.com/2019/04/22/us/politics/supreme-court-gay-transgender-employees.html">22 avril 2019</a>, la Cour suprême a accepté une ordonnance de recevabilité de ces trois affaires afin de remédier à des jugements divergents rendus par deux cours d’appel (<em>circuit split</em>).</p>
<h2>Une discrimination contre les LGBTQ+ fondée en partie sur le sexe</h2>
<p>D’après <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/amerique-nord/gorsuch-a-la-cour-supreme-un-juge-plus-jeune-plus-dur-et-plus-conservateur_1874896.html">Neil Gorsuch</a>, auteur de l’opinion majoritaire dans <em>Bostock</em>, l’objectif principal n’est pas tant de déterminer ce que recouvre le critère du sexe contenu dans le titre VII de la loi de 1964, mais de démontrer, en des termes pragmatiques, que la discrimination sur la base de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre est consubstantielle à une discrimination fondée sur le sexe du salarié :</p>
<blockquote>
<p>« Ou bien, prenez un employeur qui licencie une personne transgenre identifiée comme homme à la naissance, mais qui s’identifie maintenant comme femme. Si l’employeur maintient en poste un employé, par ailleurs identique, qui a été identifié comme femme à la naissance, il pénalise intentionnellement une personne identifiée comme homme à la naissance pour des traits ou des actes qu’il tolère chez un employé identifié comme femme à la naissance. Là encore, le sexe de l’employé joue un rôle indéniable et inadmissible dans la décision de licenciement »</p>
</blockquote>
<p>Le juge rejette en bloc l’idée selon laquelle une femme cisgenre et une femme transgenre ne seraient pas situées au même niveau. Elles devraient, au contraire, être soumises au même règlement en entreprise. Une femme transgenre est une femme : aucun traitement défavorable fondé sur des stéréotypes de genre ne saurait lui être opposé comme motif de licenciement.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/XsT1lecNzQg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">États-Unis : la Cour suprême accorde une victoire historique aux salariés homosexuels et transgenres. Il est légalement interdit de licencier un salarié en raison de ses orientations sexuelles.</span></figcaption>
</figure>
<p>Dans le cas de l’orientation sexuelle, la discrimination porte également sur le sexe de la personne pour lequel l’employé ressent une attirance homosexuelle. À l’inverse, le lien affectif entre deux sexes opposés n’aurait en tout état de cause pas provoqué le licenciement de Gerald Bostock et de Donald Zarda. En l’espèce, ce critère du sexe l’emporte sur tout autre motif discriminant. En outre, il constitue un facteur déterminant, faisant jaillir un lien de causalité évident entre la discrimination invoquée et le critère du sexe sur lequel l’employeur s’est appuyé pour licencier ses collaborateurs :</p>
<blockquote>
<p>« Lorsqu’un employeur licencie un employé parce qu’il est homosexuel ou transgenre, deux facteurs de causalité peuvent entrer en jeu : le sexe de l’individu et quelque chose d’autre (le sexe vers lequel l’individu est attiré ou celui auquel il s’identifie). Mais le titre VII ne s’en soucie pas. Si en l’absence de toute considération du sexe de l’individu, l’employeur n’aurait pas renvoyé son employé, le critère de causalité de la loi est respecté et la responsabilité peut être engagée (p.11). »</p>
</blockquote>
<p>Gorsuch fait également valoir une <a href="https://www.law.cornell.edu/supct/html/96-568.ZO.html">jurisprudence solide</a> qui va dans le sens de son raisonnement et de l’histoire du mouvement pour les droits civiques, quelles que fussent les intentions des élus du Congrès au moment du débat sur l’adoption de la loi de 1964 : « Ce sont les dispositions de nos lois plutôt que les principales préoccupations de nos législateurs qui nous régissent. » Ainsi, le juge conservateur prône une lecture textualiste (basée uniquement sur le texte comme dispositif légitime) et dynamique du texte de loi. À cet effet, il s’attache à isoler certains mots clés (discriminer, à cause de, sexe) afin de créer une mise en réseau opérante avec la ferme volonté de contrecarrer l’approche originaliste de ses collègues conservateurs, qui s’intéressent à l’intention du législateur au moment de l’adoption du projet de loi.</p>
<p>Outre l’interprétation large qu’il confère au critère du sexe, Gorsuch rejette la responsabilité sur les législateurs à qui il revenait d’établir les catégories d’individus ou les situations pour lesquelles le dispositif était inopérant, d’autant plus que le gouvernement fédéral de l’époque était ouvertement hostile aux personnes homosexuelles (la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=isU81OjYLwc">Peur violette</a>). <a href="https://www.youtube.com/watch?v=zbU_lcVzJ0I">Frank Kameny</a>, fer de lance du mouvement pour les droits des personnes LGBTQ+, avait d’ailleurs fait les frais de la politique discriminatoire de l’État fédéral. « Mais les limites de l’imagination des rédacteurs ne justifient pas que l’on ignore les exigences de la loi », tance Gorsuch.</p>
<p>En effet, après l’adoption de la loi, deux décisions jurisprudentielles ont confirmé que le harcèlement sexuel des hommes (<em>Oncale</em>) ainsi que la discrimination fondée sur la maternité (<em>Phillips</em>) tombaient sous le coup du titre VII, ce qui tend à prouver que la justice a œuvré à une application large de la mention du sexe. D’ailleurs, Gorsuch précise à juste titre que le critère du sexe avait été amendé, à la dernière minute, par Howard Smith, un démocrate ségrégationniste de Géorgie, qui misait sur l’échec de l’adoption de la loi en y associant les discriminations fondées sur la race et le sexe par pure manœuvre politicienne. La stratégie de Gorsuch est claire : le contexte importe peu, seul le mot compte (« seul l’écrit fait loi, et toutes les personnes ont droit à son bénéfice »).</p>
<h2>Trahison des juges conservateurs ou textualisme progressif ?</h2>
<p>La Cour réaffirme son indépendance en se « désolidarisant » du <a href="https://www.justice.gov/sites/default/files/briefs/2019/08/23/17-1618bsacunitedstates.pdf">gouvernement Trump</a> qui avait plaidé en faveur d’une lecture originaliste du concept de sexe contenu dans le titre VII de la loi de 1964. En d’autres termes, le département de la justice, par la voix de son ministre William Barr, soutenait une construction binaire du sexe, assigné à la naissance (homme ou femme) et issu de la biologie humaine, par opposition à une conception du genre en tant que construit social (<a href="https://supreme.justia.com/cases/federal/us/490/228/"><em>Price Waterhouse v. Hopkins</em></a>, 1989, p.9), ajoutant que les législateurs n’avaient nulle intention d’inclure les personnes homosexuelles et transgenres à l’époque.</p>
<p>Cette hypothèse, quoique recevable, supposerait que le Congrès ait toute latitude pour décider d’inclure les statuts d’orientation sexuelle et de genre au concept de sexe, sans que la Cour suprême – incubatrice d’idées – interfère dans ce processus. Gorsuch en appelle au bon sens de ses collègues conservateurs dont le rôle est d’interpréter et de veiller au respect de l’application stricte de « termes simples » contenus dans la loi. Ce jugement s’inscrit dans un conservatisme sociétal, compatible avec la protection du droit fédéral pour les Américains LGBTQ+ dans une démarche non partisane. Gorsuch, nommé par Trump en 2017, est un juge fondamentalement attaché à la signification et à la portée du concept de sexe dans les interactions professionnelles des Américains. Au moment de sa confirmation par le Sénat, certains commentateurs de la vie politique affirmaient même que l’approche originaliste de Gorsuch n’avait pas systématiquement comme corollaire le textualisme.</p>
<h2>Portée et répercussion de la décision</h2>
<p>Bien que l’arrêt, ne s’appliquant pas aux petites entreprises de <a href="https://www.aljazeera.com/ajimpact/supreme-court-lgbt-worker-ruling-giant-loophole-200616153010789.html">moins de 15 salariés</a>, n’ait aucun impact pour 1 employé sur 6, il y a fort à parier que le jugement de lundi provoquera un effet domino (approche de la percolation) : de multiples recours seront formulés dans les tribunaux des États fédérés (27) qui n’ont à ce jour proposé aucun arsenal législatif pour protéger les Américains LGBTQ+ contre la discrimination dans les domaines de l’emploi, du logement et de l’accès aux lieux publics. Deux États (Wisconsin et Utah) proposent une interdiction encore partielle.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1274415218500616193"}"></div></p>
<p>Aucune mention n’est faite de l’obstruction de Mitch McConnell (chef de la majorité républicaine au Sénat) qui refuse de mettre au vote <a href="https://www.hrw.org/news/2019/03/16/why-us-needs-equality-act">l’<em>Equality Act</em></a> (adopté à la Chambre avec le soutien de huit républicains). Ce projet de loi prévoit justement d’amender le titre VII de la loi sur les droits civiques de 1964 afin de garantir que soient protégées l’orientation sexuelle et l’identité de genre contre la discrimination dans les domaines précédemment cités y compris l’accès au crédit bancaire, à l’éducation et à la fonction de juré. Trump avait étrillé les démocrates de la Chambre, jugeant ce projet de loi <a href="https://www.nbcnews.com/feature/nbc-out/trump-opposes-federal-lgbtq-nondiscrimination-bill-citing-poison-pills-n1005551">« truffé de pilules empoisonnées</a> ». On peut logiquement en déduire sur le plan politique que :</p>
<ol>
<li><p>sans remettre en cause la séparation des pouvoirs, l’arrêt <em>Bostock</em> apporte sa contribution à l’interminable débat législatif autour de l’<em>Equality Act</em>, puisque la Cour suprême confirme l’illégalité de la discrimination des minorités sexuelles dans le seul domaine de l’emploi.</p></li>
<li><p>Bostock_ servirait alors de tremplin afin d’accélérer l’adoption de l’<em>Equality Act</em> dont la légitimité est désormais incontestable, puisqu’elle est soutenue par le tribunal de l’opinion publique à <a href="https://www.advocate.com/news/2020/4/14/americans-arent-polarized-lgbtq-equality-survey-finds">72 %</a>.</p></li>
</ol>
<p>Néanmoins, il semblerait que les regards soient déjà tournés vers la prochaine affaire (<a href="https://www.lambdalegal.org/in-court/cases/fulton-v-city-of-philadelphia"><em>Fulton v. City of Philadelphia</em></a>, 2021) dont la Cour suprême s’est saisie. Les juges devront déterminer si les familles homoparentales peuvent être exclues de l’adoption au nom de la liberté religieuse. Nouvelle bataille en perspective…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/141488/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anthony Castet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La Cour suprême vient de voter une loi qui proscrit la discrimination au travail des personnes LGBTQ+, au grand dam de Donald Trump.Anthony Castet, Maître de Conférences civilisation nord-américaine, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1411382020-06-24T21:18:17Z2020-06-24T21:18:17ZL’entrepreneuriat, source d’émancipation pour les minorités sexuelles et de genre ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/343684/original/file-20200624-133013-n9tnx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C32%2C1183%2C910&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Selon une étude, les personnes LGB ont davantage confiance dans leurs capacités à créer une activité que les non LGB.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Sebastien Durand / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le « <a href="https://www.strategies.fr/actualites//4014068W/mais-ou-est-passe-le-mois-des-fiertes-.html">mois des fiertés</a> » (<em>pride month</em> outre-Atlantique), en grande partie éclipsé par l’actualité de la crise sanitaire, a été ponctué par une série d’évènements tragiques. Le 14 juin dernier, <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/06/16/amnesty-international-denonce-l-oppression-du-pouvoir-egyptien-apres-le-suicide-d-une-militante-lgbt_6043020_3212.html">Sara Hegazy</a>, une militante LGBT égyptienne, mettait fin à ses jours après une période d’emprisonnement. La veille, le <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/selon-le-president-polonais-l-ideologie-lgbt-c-est-du-neo-bolchevisme-20200613">président polonais</a> attaquait lors d’un meeting électoral l’« idéologie LGBT » qu’il considère comme du « néo-bolchevisme ».</p>
<p>Mais, en parallèle, le mois de juin a été marqué par un arrêt de la Cour suprême des États-Unis <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/06/15/la-cour-supreme-des-etats-unis-interdit-les-discriminations-fondees-sur-l-orientation-sexuelle_6042928_3210.html">interdisant les discriminations au travail</a> fondées sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.</p>
<p>Ces discriminations restent monnaie courante pour les minorités sexuelles en 2020. D’après la dernière <a href="https://fra.europa.eu/en/publication/2020/eu-lgbti-survey-results">étude</a> de l’Agence européenne des droits fondamentaux, « A long way to go for LGBTI equality », une personne LGBTI (lesbienne, gay, bisexuelle, transgenre, intersexuée) sur cinq s’estime discriminée sur son lieu de travail et une sur trois déclare avoir des difficultés à subvenir à ses besoins et à trouver un emploi en lien avec sa qualification.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/342955/original/file-20200619-43209-h2d476.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/342955/original/file-20200619-43209-h2d476.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=258&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/342955/original/file-20200619-43209-h2d476.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=258&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/342955/original/file-20200619-43209-h2d476.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=258&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/342955/original/file-20200619-43209-h2d476.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=324&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/342955/original/file-20200619-43209-h2d476.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=324&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/342955/original/file-20200619-43209-h2d476.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=324&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pourcentage des répondants qui se sont sentis discriminés au travail durant les 12 derniers mois du fait de leur appartenance à la communauté LGBT (comparaison entre 2012 et 2019).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fra.europa.eu/sites/default/files/fra_uploads/fra-2020-lgbti-equality_en.pdf">étude « A long way to go for LGBTI equality »</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ainsi, nous avons voulu comprendre si l’entrepreneuriat pouvait constituer une solution pour les minorités sexuelles, victimes ou particulièrement exposées à des discriminations sur le lieu de travail.</p>
<p>Notre <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/JOCM-12-2018-0365/full/html">étude</a>, publiée en septembre 2019, s’est focalisée sur la population lesbiennes, gays, bisexuels (LGB) parisienne. Elle tend à montrer que la création d’entreprise reste un recours privilégié pour cette communauté.</p>
<h2>Les LGB favorables à la création d’entreprise</h2>
<p>Dans un souci d’échapper à des pratiques discriminantes, et plus globalement de pouvoir affirmer son identité sereinement, la <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/j.2161-0045.2003.tb00630.x">création d’entreprise</a> a souvent été présentée comme une solution pour les personnes LGBT depuis les années 2000. C’était du moins le cas dans les zones géographiques où émergeait l’économie des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) et où pullulaient les créations d’entreprises. Deux décennies plus tard, cette affirmation reste pertinente.</p>
<p>Sur les 654 Parisiens que nous avons eu l’occasion d’interroger (266 LGB et 388 non LGB) au sujet de leur intention de créer une entreprise (dans l’absolu et dans un avenir proche), les LGB se révèlent majoritairement favorables au lancement de leur propre activité.</p>
<p>À noter que la capitale française s’avère relativement agréable à vivre pour la population LGB : 14 % de la population parisienne <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/JOCM-12-2018-0365/full/html">se déclare gaie ou lesbienne</a>, contre 7 % dans le reste de la population française.</p>
<p>Par ailleurs, les personnes LBG interrogées estiment que créer une entreprise représente une action positive. Elles accordent de l’importance à ce que pensent les personnes importantes de leur entourage concernant leur projet.</p>
<p>Enfin, les personnes LGB s’estiment majoritairement capables de relever le défi de l’entrepreneuriat alors que les réponses chez les non LGB restent plus nuancées. Comment analyser ces résultats ?</p>
<h2>Le rôle de la communauté</h2>
<p>Le protocole de recherche choisi ne nous permet pas de formuler des explications formelles. Par contre, il reste possible de les interpréter au regard de la notion de « capital social » dont bénéficient les personnes LGB, en particulier à Paris. Le capital social se définit comme l’ensemble des réseaux et relations sociales relatifs à une personne ou une entité.</p>
<p>L’appartenance à une communauté forte offrirait aux personnes LGB le capital social nécessaire pour susciter l’envie de créer son entreprise et générerait un cercle vertueux : une envie de créer son entreprise, les liens sociaux qui soutiennent la création, l’émancipation financière et personnelle qui en découle, les échanges avec les nouveaux venus dans la communauté, etc.</p>
<p>Par ailleurs, une communauté offre généralement la possibilité de rentrer en contact plus facilement avec ce qu’on appelle un « rôle modèle » (<em>role model</em> en anglais) c’est-à-dire une personne dont le comportement, l’exemple ou les succès peuvent inspirer d’autres individus.</p>
<p>Ce phénomène d’identification s’avère particulièrement présent dans le monde de l’entrepreneuriat. Un entrepreneur qui a réussi va influencer et donner envie aux personnes qui le côtoient de se lancer dans une aventure de création d’entreprise, surtout s’il fait partie de l’entourage proche (mère, père, meilleur ami). C’est ce que révèle une <a href="http://renouveau-economique-entrepreneuriat-feminin.fr/wp-content/uploads/2020/02/Liflet-EIT-Health-Role-Models-v1-SLL.pdf">étude</a> sur une population d’étudiantes dans le secteur de la santé.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/342957/original/file-20200619-43196-14r2jxj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/342957/original/file-20200619-43196-14r2jxj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/342957/original/file-20200619-43196-14r2jxj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/342957/original/file-20200619-43196-14r2jxj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=368&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/342957/original/file-20200619-43196-14r2jxj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/342957/original/file-20200619-43196-14r2jxj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/342957/original/file-20200619-43196-14r2jxj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=463&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pour les étudiantes dans le secteur de la santé, le rôle modèle le plus impactant est un entrepreneur parent et/ou ami proche.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://renouveau-economique-entrepreneuriat-feminin.fr/wp-content/uploads/2020/02/Liflet-EIT-Health-Role-Models-v1-SLL.pdf">GEM LAB Studies</a></span>
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<p>Mais, pour les personnes LGB, l’identification à des rôles modèles se produit rarement dans le cercle familial, les personnes LGB déclarant souvent sortir de ce cadre. En revanche, les amis entrepreneurs issus de la communauté LGB peuvent très bien jouer ce rôle. En les côtoyant, en les entendant parler, voire en parlant avec eux de leur entreprise, les personnes LGB sont plus disposées à développer une attitude positive envers la création d’entreprise.</p>
<p>En ce sens, la démarche communautaire et la possibilité de s’identifier permettraient aux personnes LGB de constituer le capital social nécessaire à toute aventure entrepreneuriale.</p>
<h2>Qu’en est-il des autres communautés ?</h2>
<p>Est-ce à dire que la communauté LGB, et en particulier de Paris, pourrait servir d’exemple aux autres communautés et minorités en mal d’émancipation (femmes, transgenres ou non binaires, minorités ethniques, etc.) ?</p>
<p>Selon une <a href="http://renouveau-economique-entrepreneuriat-feminin.fr/wp-content/uploads/2020/02/Liflet-EIT-Health-Role-Models-v1-SLL.pdf">étude</a> sur les rôles modèles et l’intention entrepreneuriale des étudiantes dans le secteur de la santé, trois critères essentiels doivent être réunis : le fait de côtoyer régulièrement l’entrepreneur, que ce dernier encourage et échange très régulièrement avec l’individu et qu’un certain degré de ressemblance s’établisse avec l’éventuel entrepreneur et la réussite entrepreneuriale de l’individu.</p>
<p>Ainsi, cela implique que les minorités puissent intégrer des réseaux et côtoyer des personnes qui leur « ressemblent » et ont réussi professionnellement. Or ces réseaux permettant la reconnaissance, la valorisation et l’émancipation des minorités restent encore peu nombreux et peu visibles. C’est uniquement au travers du développement de communautés de partage et d’entraide fortes que les minorités pourront non seulement être inspirées, mais aussi réellement incitées à créer leur entreprise.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/141138/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>À Paris, les personnes LGB se révèlent en majorité favorables à la création d’entreprise. La volonté de s’affranchir des discriminations et l’accès à une communauté pourraient expliquer ce résultat.Séverine Le Loarne-Lemaire, Professeur Management de l'Innovation & Management Stratégique, Grenoble École de Management (GEM)Rony Germon, Professeur Associé entrepreneuriat & innovation, IPAG Business SchoolSafraou Imen, Professeur Associé-Responsable du Département Marketing, PSB Paris School of BusinessLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1405892020-06-16T20:50:20Z2020-06-16T20:50:20ZTravailler au temps du Covid-19 : les inégalités femmes-hommes en chiffres<p>Les femmes occupent majoritairement les métiers en contact avec le public et ont de fait été davantage exposées aux risques de contamination depuis le début de la crise sanitaire. De plus, elles ont aussi subi une hausse de la charge de travail pendant le confinement, tandis que la fermeture des écoles s’est traduite pour 43 % d’entre elles par plus de 4 heures de tâches domestiques supplémentaires.</p>
<p>Les femmes ont donc été particulièrement exposées aux risques face à la crise sanitaire, comme le montre les <a href="https://nvo.fr/lugict-cgt-publie-une-etude-inedite-sur-les-conditions-de-travail-en-confinement/">conclusions de l’enquête</a> de l’Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens de la CGT publiée le 5 mai dernier sur les conditions de travail et l’exercice de la responsabilité professionnelle durant le confinement (34 000 réponses, tous statuts et secteurs professionnels y compris 60 % d’individus non syndiqués).</p>
<h2>Dégradation des conditions de travail</h2>
<p>Si les femmes n’ont pas été plus nombreuses que les hommes à travailler en présentiel, elles sont bien plus nombreuses à y déclarer exercer des activités « essentielles » dans les secteurs en première ligne face au Covid-19 : santé, commerces, agroalimentaire et services à la personne notamment. En effet, elles déclarent à 70 % que leur activité habituelle est essentielle pour le pays contre 60 % des hommes.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/341214/original/file-20200611-80742-1b7fhb1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/341214/original/file-20200611-80742-1b7fhb1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/341214/original/file-20200611-80742-1b7fhb1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=220&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/341214/original/file-20200611-80742-1b7fhb1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=220&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/341214/original/file-20200611-80742-1b7fhb1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=220&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/341214/original/file-20200611-80742-1b7fhb1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=277&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/341214/original/file-20200611-80742-1b7fhb1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=277&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/341214/original/file-20200611-80742-1b7fhb1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=277&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Répartition des réponses selon le genre et pour les salariés en présentiel, à la question « Quelle est la part de votre activité habituelle que vous estimez essentielle pour le pays en période de crise sanitaire ? ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">données enquête</span></span>
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<p>Au sein de ces secteurs à prédominance féminine, le travail s’est intensifié, ce qui explique que les femmes ont été davantage concernées par la hausse de la charge de travail (36 % contre 29 % pour les hommes). De même, 55 % des femmes ont constaté le changement du contenu de leur travail avec la crise (contre 43 % chez les hommes) et 24 % d’entre elles ont vu leur temps de travail augmenter (contre 20 % chez les hommes).</p>
<p>Le changement de contenu du travail est bien plus marqué en présentiel, quand il s’agit d’une activité essentielle ou liée à la demande : il a fallu revoir davantage les procédures (respect des consignes liées au Covid-19 comme la désinfection, etc.) dans les fonctions du commerce, du soin ou des services à la personne notamment.</p>
<p>Par ailleurs, les femmes qui occupent des postes d’ouvrières, employées et agentes de la fonction publique ont été majoritairement concernées par l’activité professionnelle sur site permettant d’assurer la continuité des activités de service public et privées.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1265734737387233286"}"></div></p>
<p>Or, dans ces contextes, des facteurs de risque ont été constatés, comme le fait de manipuler des équipements potentiellement contaminés ou de côtoyer de nombreux collègues. Ainsi, les risques de contamination directe ont concerné tout particulièrement les femmes en présentiel.</p>
<p>En effet, elles restent particulièrement présentes dans le secteur de la santé, au contact avec du public (59 % des femmes et 53 % des hommes) et se sont plus souvent rendues sur des lieux en présence de personnes atteintes du Covid-19 (43 % contre 35 % des hommes). Elles ont aussi plus souvent l’obligation d’utiliser les transports en commun pour aller travailler (14 % contre 11 % des hommes).</p>
<p>Face à ces risques, les mesures de protection et de prévention de l’employeur ont été jugées insuffisantes. Cela se traduit par une anxiété : 45 % des femmes (contre 41 % des hommes) ont déclaré partir au travail « la boule au ventre » par crainte de contracter ou de transmettre le virus.</p>
<p>De fait, les femmes en présentiel subissent une forte charge émotionnelle liée au Covid-19 : elles sont 18 % (14 % pour les hommes) à subir des agressions verbales en lien avec la crise et surtout 42 % (26 % chez les hommes) à devoir gérer des conflits ou des personnes en détresse.</p>
<h2>Une charge mentale accrue pour les femmes</h2>
<p>Selon <a href="https://www.strategie.gouv.fr/publications/metiers-temps-corona">France Stratégie</a>, 3,9 millions d’emplois sont exposés à un risque d’hyperconnectivité avec la crise du Covid-19. D’après notre enquête, près d’un quart des répondant·e·s dit qu’aucune mesure n’a été mise en place par l’employeur : pas d’équipement informatique, de téléphone, ou de logiciel (fait souligné surtout pour les enseignant·e·s, métier majoritairement occupé par les femmes).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-bureau-a-encore-de-beaux-jours-devant-lui-139676">Le bureau a encore de beaux jours devant lui…</a>
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<p>Mais, notre enquête indique que les hommes ont été plus nombreux à bénéficier de prise en charge financière des frais de connexion, de téléphone et des logiciels (17 % des hommes contre 13 % des femmes). Ils ont déclaré aussi plus souvent avoir un droit à la déconnexion (23 % des hommes contre 20 % des femmes) et ils ont été moins confrontés à un manque d’accompagnement régulier par la hiérarchie (34 % des hommes contre 37 % des femmes).</p>
<p>Le télétravail a donc provoqué la dégradation des conditions de travail : les femmes sont plus nombreuses à déclarer ne pas disposer d’un endroit au calme pour télétravailler (26 % pour les femmes et 20 % pour les hommes). On distingue une corrélation avec la garde d’enfants puisque 44 % des femmes ayant des enfants de moins de 16 ans indiquent ne pas pouvoir travailler au calme, chiffre qui atteint seulement 31 % chez les hommes.</p>
<p>Pour 82 % des parents de jeunes enfants, il n’y a pas eu de réduction de charge de travail du fait de la présence d’enfants. Mais les femmes font plus souvent face à la double contrainte de télétravailler tout en devant s’occuper de leurs enfants durant le confinement (87 % contre 76 %). Cela s’explique notamment par le fait qu’elles vivent plus fréquemment seules avec des enfants, et qu’en couple, leur conjoint travaille lui davantage sur site.</p>
<p>De plus, d’après l’<a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/dares-etudes-et-statistiques/enquetes/article/activite-et-conditions-d-emploi-de-la-main-d-oeuvre-pendant-la-crise-sanitaire">enquête</a> Acemo-Covid de la Dares d’avril 2020, pendant le confinement, à situation égale d’accès au télétravail, ce sont en majorité les femmes (70 %) qui ont pris un congé maladie pour garde d’enfant.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/341211/original/file-20200611-80754-rh4lb4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/341211/original/file-20200611-80754-rh4lb4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/341211/original/file-20200611-80754-rh4lb4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/341211/original/file-20200611-80754-rh4lb4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/341211/original/file-20200611-80754-rh4lb4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/341211/original/file-20200611-80754-rh4lb4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=453&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/341211/original/file-20200611-80754-rh4lb4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=453&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/341211/original/file-20200611-80754-rh4lb4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=453&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Situation de travail principale selon le genre des répondants.</span>
<span class="attribution"><span class="source">enquête Acemo-Covid de la DARES</span></span>
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<p>Faute de moyens techniques et ergonomiques mis à leur disposition par l’employeur, 55 % des femmes et 35 % des hommes ont déclaré l’apparition de douleurs musculo-squelettiques. Les risques pour la santé mentale augmentent également. Si en moyenne les salarié·e·s disent percevoir un sentiment d’autonomie et de liberté (42 % d’entre eux), c’est moins le cas des femmes (38 % pour elles et 47 % des hommes, surtout dans les grandes entreprises du privé).</p>
<p>Enfin, 38 % des télétravailleuses (et 29 % des télétravailleurs) se plaignent d’une anxiété inhabituelle. Les parents devant garder leurs enfants tout en télétravaillant sont plus fréquemment anxieux (38 %), un chiffre aggravé pour les femmes (44 % contre 34 % pour les hommes), qui s’explique sans doute par une charge mentale plus forte.</p>
<p>Cette donnée confirme un <a href="https://empreintehumaine.com/wp-content/uploads/2020/04/SONDAGE-OPINIONWAY-POUR-EMPREINET-HUMAINE-de%CC%81tresse-psychologique-des-salarie%CC%81s-franc%CC%A7ais-lurgence-dagir-Communique%CC%81-de-Presse-20-avril-2020-1.pdf">sondage</a> mené du 31 mars au 8 avril 2020 auprès d’environ 2 000 salariés : les femmes en télétravail sont plus nombreuses en détresse élevée : 22 % sont dans ce cas pour 14 % chez les hommes. Une différence que l’enquête explique par une charge mentale alourdie et un cumul des rôles plus important chez les femmes salariées.</p>
<h2>Une vie familiale sous tension</h2>
<p>Parmi les parents d’enfants de moins de 16 ans qui continuent à travailler, 43 % des femmes et 26 % des hommes disent passer plus de 4 heures supplémentaires par jour à s’occuper de leurs enfants. Cette situation affecte davantage les femmes en télétravail (47 % alors que le chiffre se maintient à 26 % pour les hommes) qui, dès lors que leur emploi était télétravaillable, n’avaient pas droit à un arrêt « garde d’enfants ».</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/341215/original/file-20200611-80758-1oksnp8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/341215/original/file-20200611-80758-1oksnp8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/341215/original/file-20200611-80758-1oksnp8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=272&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/341215/original/file-20200611-80758-1oksnp8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=272&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/341215/original/file-20200611-80758-1oksnp8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=272&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/341215/original/file-20200611-80758-1oksnp8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=342&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/341215/original/file-20200611-80758-1oksnp8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=342&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/341215/original/file-20200611-80758-1oksnp8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=342&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Temps supplémentaire consacré par jour aux enfants selon le genre et la situation professionnelle durant le confinement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">données enquête</span></span>
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<p>De plus, le confinement a généré des tensions et des violences dans le couple : 20 % des répondants disent que le confinement a généré des tensions dans leur couple. Ce chiffre est encore plus élevé pour les couples dont les deux conjoints sont à la maison, en inactivité ou en télétravail (23 %).</p>
<p>Le fait d’avoir des enfants de moins de 16 ans est un facteur aggravant, probablement du fait de la tension quotidienne liée à la répartition des tâches ménagères supplémentaires afférentes. Ainsi quand les deux conjoints sont au domicile et qu’ils ont au moins un enfant de moins de 16 ans, 28 % déclarent des tensions contre 18 % pour les couples sans enfant de moins de 16 ans.</p>
<p>Pire, 14 % des répondant·e·s ayant signalé des tensions parlent également de violences (physiques et/ou verbales). Quand les deux conjoints sont en inactivité confinés à la maison, ce taux atteint 18 %.</p>
<p>Au global, ce sont 2 % des répondant·e·s qui nous ont signalé que le confinement avait généré des violences (physiques ou verbales) de la part de leur conjoint·e.</p>
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<p><em>Sophie Binet, co-secrétaire générale de l’UGICT-CGT, a participé à la rédaction de cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/140589/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Louis Erb est chargé d'étude à la Dares.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Rachel Silvera ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Selon une enquête récente de l'UGICT-CGT, les femmes, en première ligne pendant le confinement, ont été particulièrement exposées aux risques sanitaires et psychosociaux.Rachel Silvera, Économiste, maîtresse de conférences, co-directrice du réseau MAGE, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLouis-Alexandre Erb, Doctorant en économie des inégalités, Université Gustave EiffelLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1401782020-06-08T18:13:15Z2020-06-08T18:13:15ZWilliamson, une vie de recherche dédiée à la nature et aux frontières de l’entreprise<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/340028/original/file-20200605-176542-ztgoaa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C8%2C1118%2C789&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les travaux de l’économiste américain ont servi à démontrer la supériorité de la firme sur le marché en matière de création de valeur compte tenu de l’existence de coûts de transaction.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Oliver_E._Williamson.jpg">Siivetjasilmat / Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Oliver E. Williamson est un économiste américain, né le 27 septembre 1932 à Superior, une ville du Wisconsin et décédé le 21 mai 2020 à Oakland, près de Berkeley (sa ville de cœur où il était professeur), en Californie.</p>
<p>Il obtint aux côtés d’Elinor Ostrom le prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel en 2009 pour « son analyse de la gouvernance économique, et notamment des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13501780902940729">frontières de l’entreprise</a> ».</p>
<p>Il fut un auteur prolifique de 1963 à 2016, bénéficiant d’une grande influence en économie, et tout particulièrement dans ces deux sous-champs disciplinaires que constituent l’<a href="https://www.cambridge.org/core/journals/journal-of-institutional-economics/article/close-relation-between-organization-theory-and-oliver-williamsons-transaction-cost-economics-a-theory-of-the-firm-perspective/3E1944A19555DA0C019CEA24DB9D816F">économie des institutions et l’économie des organisations</a>, mais aussi en management, et dans une moindre mesure en science politique, en droit et en sociologie.</p>
<h2>De l’intérêt de l’entreprise</h2>
<p>La contribution majeure de Williamson consiste à proposer une analyse heuristique (qui s’intéresse à la manière de découvrir les faits) des structures de gouvernance que sont l’entreprise, le marché, et ce qu’il nommera plus tard les « <a href="https://www.jstor.org/stable/2393356?seq=1#metadata_info_tab_contents">formes hybrides</a> ».</p>
<p>Ces organisations hybrides ne sont ni des entreprises ni des marchés, mais une sorte de <a href="https://books.google.fr/books/about/Markets_and_Hierarchies.html?id=JFi3AAAAIAAJ&redir_esc=y">synthèse des deux</a>, à l’image des réseaux de coopération interfirmes.</p>
<p>Pour développer son analyse économique, il s’appuie sur le droit et notamment sur le courant américain dit du « pluralisme industriel » (avec l’idée qu’il existe plusieurs sources de droit dans la régulation des relations professionnelles) ainsi que sur la <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/theorie-des-organisations/">théorie des organisations</a>, qui s’étend des travaux d’Herbert Simon, prix Nobel d’économie en 1978 fondée sur la psychologie cognitive à l’analyse stratégique du Français Michel Crozier.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/340039/original/file-20200605-176564-1rotk9z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/340039/original/file-20200605-176564-1rotk9z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=921&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/340039/original/file-20200605-176564-1rotk9z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=921&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/340039/original/file-20200605-176564-1rotk9z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=921&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/340039/original/file-20200605-176564-1rotk9z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1157&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/340039/original/file-20200605-176564-1rotk9z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1157&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/340039/original/file-20200605-176564-1rotk9z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1157&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dans cet ouvrage, Williamson étudie la notion de coût de transaction et son impact sur l’existence et l’organisation de la firme.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Free Press (1987)</span></span>
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</figure>
<p>D’une certaine manière, l’approche williamsonienne cultive ce que l’on recherche de plus en plus en sciences sociales : la <a href="https://classiques-garnier.com/la-theorie-de-la-firme-comme-entite-fondee-sur-le-pouvoir-tfep.html">pluridisciplinarité</a>.</p>
<p>Ces travaux, qui ont fait l’objet de nombreuses études empiriques (c’est-à-dire s’appuyant sur l’expérience et les données) au niveau international, ont eu le grand mérite d’éclairer une question centrale en économie industrielle, celle des frontières de l’entreprise : quand un agent économique doit-il décider de ne plus utiliser le marché pour réaliser une transaction, mais recourir à l’intégration, c’est-à-dire à l’entreprise ?</p>
<p>Cette question cardinale des débats modernes en économie de l’entreprise a permis de proposer des <a href="https://books.google.fr/books/about/The_Economic_Institutions_of_Capitalism.html?id=lj-6AAAAIAAJ&redir_esc=y">outils d’arbitrage rigoureux</a> entre la sous-traitance et la réalisation en interne d’une activité économique dans des économies développées fondées sur la spécificité des actifs (qu’ils soient physiques, humains ou immatériels).</p>
<p>Williamson s’est attaché à comprendre la supériorité de l’entreprise vis-à-vis du marché dans ces situations économiques où l’allocation optimale des ressources spécifiques n’est plus garantie en raison de la <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/jep.5.2.25">rationalité limitée</a> (une multitude de facteurs cognitifs, organisationnels et environnementaux affectant la prise de décision) et du comportement potentiellement opportuniste des agents économiques.</p>
<p>L’entreprise émerge alors comme l’institution du capitalisme la plus efficace pour générer la création de valeur économique et minimiser ce que Williamson nomme « les <a href="https://creation-entreprise.ooreka.fr/astuce/voir/644129/couts-de-transaction">coûts de transaction</a> » (à savoir, dans ce cas précis, les coûts associés à l’internalisation des aléas contractuels comme les retards ou reports de délais, des dépenses supplémentaires ou les manques à gagner).</p>
<p>Ainsi Williamson élabore les bases constitutives d’une théorie de l’entreprise en tant que hiérarchie fondée sur le <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00213624.2019.1573094">contrat de travail</a>.</p>
<h2>L’entreprise comme institution hiérarchique</h2>
<p>Ainsi « la subordination » justifie la supériorité de l’entreprise vis-à-vis du marché, notamment en matière juridique, car elle permet aux employeurs de bénéficier d’une autorité hiérarchique (en somme de pouvoir donner des directives légitimes aux employés avec une probabilité très forte d’acceptation et sans coûts supplémentaires) permettant d’allouer les ressources sans recourir au mécanisme des prix.</p>
<p>Pour Williamson, c’est la firme qui constitue la <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Les_theories_economiques_de_l_entreprise-9782707176790.html">meilleure structure de gouvernance</a> pour assurer le bon déroulement de la transaction, lorsque les actifs sont générateurs de valeur, à travers la relation d’emploi.</p>
<p>Force est de constater que le rapport salarial est au cœur du capitalisme et que le contrat de travail, qui fait émerger le rapport formel de subordination, est une propriété invariante des entreprises modernes que l’on retrouve au cœur des régulations sociales des pays développés.</p>
<p>C’est ce qu’évoquent par exemple en France l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007035180">arrêt</a> de la Chambre sociale du 13 novembre 1996 et les interprétations jurisprudentielles associées ainsi que les débats récents suscités par les <a href="https://lentreprise.lexpress.fr/rh-management/droit-travail/les-ordonnances-macron-une-revolution-ou-une-regression_1945612.html">ordonnances Macron</a> de 2017 sur la notion de subordination.</p>
<p>Ainsi la théorie de l’entreprise de Williamson dévoile une approche réaliste qui complète les travaux initiaux du prix « Nobel » d’économie 1991, Ronald Coase, lequel constitue aux côtés de John R. Commons l’un des économistes ayant le plus influencé l’œuvre williamsonienne.</p>
<p>L’analyse des structures de gouvernance ne doit pas être déconnectée de celle de l’environnement institutionnel – c’est-à-dire de l’ensemble des règles influant sur la production d’une nation –, car ces règles structurent les attributs des transactions qui, eux-mêmes, déterminent le type de contrat à mettre en œuvre.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/340030/original/file-20200605-176575-iby0nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/340030/original/file-20200605-176575-iby0nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/340030/original/file-20200605-176575-iby0nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/340030/original/file-20200605-176575-iby0nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/340030/original/file-20200605-176575-iby0nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/340030/original/file-20200605-176575-iby0nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/340030/original/file-20200605-176575-iby0nr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pour Williamson, l’entreprise est une institution où s’opère une régulation hiérarchique. Markets and Hierarchies : A Study in the Internal Organizations, 1975.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Editeur : Free Press</span></span>
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</figure>
<p>Williamson propose alors une théorie de la firme en tant qu’institution hiérarchique fondée sur un ordre privé interne, propre à l’entreprise. À la régulation marchande se substitue une régulation autoritaire.</p>
<p>L’autorité est source de valeur dans l’organisation. Elle permet de diviser et de diriger le travail de l’employé, mais aussi de régler les différends à moindres coûts. L’autorité fixe les règles du jeu à l’intérieur de la firme. Mais l’organisation ne s’arrête pas aux règles formelles.</p>
<p>La logique collective privée relève du domaine de la gouvernance, c’est-à-dire, pour Williamson, des moyens par lesquels la firme « transmet les ordres, remédie aux conflits et réalise des gains collectifs mutuels ».</p>
<p>Williamson est un penseur majeur de l’entreprise qui a influencé un grand nombre de chercheurs contemporains en économie des organisations, à l’image des <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2016/10/19/nobel-d-economie-la-reconnaissance-d-un-nouveau-champ-disciplinaire_5016429_3232.html">travaux</a> des prix « Nobel » 2016 Oliver Hart et Bengt Holmström, qui développeront l’œuvre williamsonienne à travers ce que l’on appellera la formalisation des contrats incomplets et l’analyse des contrats incitatifs.</p>
<hr>
<p><em><a href="https://virgilechassagnonblog.wordpress.com/2020/05/25/nomination-pour-le-prix-2020-du-meilleur-jeune-economiste/">Virgile Chassagnon</a> a été nominé au « Prix 2020 du Meilleur Jeune Economiste ».</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/140178/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Virgile Chassagnon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le prix « Nobel » d’économie 2009, décédé en mai dernier, a notamment proposé des outils d’arbitrage entre la sous-traitance des activités (le marché) et leur réalisation en interne (l’entreprise).Virgile Chassagnon, Professeur des Universités en Economie (FEG-CREG), Directeur de l'Institut de Recherche pour l'Economie Politique de l'Entreprise, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1396882020-06-01T17:21:05Z2020-06-01T17:21:05Z« Travailler comme un chien » : de la ménagerie au management<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/338520/original/file-20200529-96736-m9p1yv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C5%2C3708%2C2085&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les analogies animalières nous renseignent sur les dérives et excès possibles de certains systèmes de gestion.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/britishvets/44319423511">BVA / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Lorsque les philosophes se penchent sur la question de savoir ce qui distingue l’homme de l’animal, certains soulignent le rôle cardinal de la main et de son pouce opposable, d’autres comme <a href="https://www.livredepoche.com/livre/les-parties-des-animaux-9782253089261">Aristote</a> présentent le rire comme le symbole distinctif du genre humain.</p>
<p>Dans son <a href="https://gallica.bnf.fr/essentiels/rousseau/discours-origine-inegalite/difference-homme-animal"><em>Discours sur l’origine de l’inégalité</em></a>, Jean‑Jacques Rousseau préfère quant à lui insister sur le libre arbitre et donc sur la capacité de l’homme à s’écarter de la règle qui lui est prescrite. Dès lors, « la nature commande à tout animal et la bête obéit. L’homme éprouve la même impression, mais il se reconnaît libre d’acquiescer, ou de résister ».</p>
<p>Plus près de nous, les théoriciens allemands Karl Marx et Friedrich Engels ont fait du travail l’élément le plus distinctif du genre humain. Voici ce qu’ils écrivent dans l’<a href="https://www.babelio.com/livres/Marx-Lideologie-allemande/939783"><em>Idéologie allemande</em></a> :</p>
<blockquote>
<p>« On peut distinguer les hommes des animaux par la conscience, par la religion et par tout ce que l’on voudra. Eux-mêmes commencent à se distinguer des animaux dès qu’ils commencent à produire leurs moyens d’existence, pas en avant qui est la conséquence même de leur organisation corporelle. En produisant leurs moyens d’existence, les hommes produisent indirectement leur vie matérielle elle-même. »</p>
</blockquote>
<p>C’est donc par son travail, en produisant ses propres moyens d’existence que l’homme se transforme lui-même et s’arrache aux conditions naturelles. Par conséquent, le travail serait le meilleur moyen pour l’homme de rompre avec le règne animal.</p>
<h2>Des analogies lourdes de sens</h2>
<p>Cependant, ce processus n’est pas irrévocable. En effet, lorsque le travail perd de son humanité en devenant aliénant, la sémantique animalière fait son grand retour.</p>
<p>Dans le cadre d’un travail de recherche en cours sur la façon dont les jeunes diplômés font face aux situations absurdes en entreprise, le champ lexical du monde animal a émergé au cours des entretiens.</p>
<p>Complètement désemparés, certains jeunes diplômés ont multiplié les références animalières pour exprimer leur expérience vécue du travail. Pour Jules, il fallait toujours « travailler avec des <em>deadlines</em> (échéances) comme un bœuf » tandis que la boss de Mélanie « considérait les stagiaires soit comme inexistants, soit comme ses chiens ». De son point de vue, elle était devenue « le chien de toute la boîte ».</p>
<p>En faisant appel à un réservoir d’images familières, ces références parlent d’elles-mêmes. En effet, il est facile de saisir l’analogie entre la besogne harassante et la bête de somme qu’est le bœuf et le rapport qu’il y a entre l’absence de considération et le chien recroquevillé, invisible et tapi dans un coin.</p>
<p>Bref, que nous disent toutes ces analogies sur les rapports qu’entretiennent l’humanité et l’animalité autour de la question du travail ?</p>
<h2>Faut-il voir l’entreprise comme une ménagerie ?</h2>
<p>Dans sa <a href="https://www.puf.com/content/Critique_de_la_condition_manag%C3%A9riale"><em>Critique de la condition managériale</em></a>, le philosophe <a href="https://theconversation.com/profiles/ghislain-deslandes-244034">Ghislain Deslandes</a> propose de revenir sur les différentes filiations du mot « management ».</p>
<blockquote>
<p>« Une première recherche étymologique autour du management nous conduit aux mots français <em>mesnagement</em> et manège, qui proviennent eux-mêmes du terme italien <em>maneggiare</em> (conduire), lié quant à lui au terme latin <em>manus</em> (main) ».</p>
</blockquote>
<p>Si on en croit l’étymologie, le bon manager, c’est donc celui qui a une bonne main, qui est apte à conduire et à piloter avec agilité. Invité en 2015 dans l’émission <a href="https://www.arte.tv/fr/videos/RC-014080/philosophie/"><em>Philosophie</em> sur Arte</a>, Ghislain Deslandes est revenu sur les évolutions du mot « management » en rappelant que le terme apparaît dans la langue française avec le vocable de « ménagerie ».</p>
<p>En effet, l’<em>oikonomía</em> des philosophes <a href="https://www.lesbelleslettres.com/livre/580-economique">Xénophon</a> et <a href="https://www.lesbelleslettres.com/livre/581-economique">Aristote</a>, cette loi du foyer est traduite par l’écrivain Étienne de La Boétie par la « ménagerie » avec une préface de Montaigne. Ce lien de parenté entre management et ménagerie est aussi étrange qu’intrigant.</p>
<p>La ménagerie, c’est ce lieu où sont rassemblés des animaux rares, soit pour l’étude, soit pour la présentation au public. Est-ce à dire que l’entreprise serait une ménagerie dans laquelle les salariés seraient semblables à des troupeaux d’animaux ?</p>
<p>C’est en tout cas ce que laisse penser Charlie Chaplin dans son film <a href="http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=1832.html"><em>Les Temps Modernes</em></a>. En effet, sa vision du <a href="https://www.henryford.fr/fordisme/taylorisme/">taylorisme</a> passe par une analogie entre humanité et animalité.</p>
<h2>Quand déshumanisation rime avec animalisation</h2>
<p>Le film <em>Les Temps Modernes</em> s’ouvre sur l’image d’un troupeau de moutons qui est ensuite transformé en horde de chapeaux qui sortent d’une bouche de métro, c’est-à-dire en ouvriers affublés de couvre-chefs qui se rendent à l’usine. La métaphore est d’une clarté évidente : les ouvriers sont assimilés à du bétail.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ksoq50iYzc8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Générique du film <em>Les Temps Modernes</em> réalisé par Charlie Chaplin (United Artists, 1936).</span></figcaption>
</figure>
<p>Dès lors, le film devient un pamphlet féroce contre le taylorisme et la déshumanisation du travail. Chaplin s’oppose frontalement à l’idée qu’un individu puisse être réduit au geste répétitif qu’il accomplit toute la journée. Ces ouvriers qui convergent vers l’usine ne s’interrogent plus sur leur propre destinée.</p>
<p>Ainsi, le retour au stade animal passe par la négation de tout libre arbitre qui caractérise l’humanité selon Rousseau. Les ouvriers deviennent prisonniers de leur condition, incapables de prendre la moindre distance avec leur activité professionnelle.</p>
<p>Par conséquent, le management peut chercher à libérer du temps pour assurer aux ouvriers des temps de loisir, mais il peut également être un asservissement dans la mesure où le temps gagné sur l’activité productive est réinvesti dans une autre activité productive sans fin, dans une sorte de cercle vicieux.</p>
<p>Le film de Chaplin illustre à merveille cette deuxième option : le management de l’usine n’est rien d’autre qu’un art d’augmenter les cadences.</p>
<p>Plus récemment, le sociologue <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Cw8YMrs-6KI&t=255s">David Courpasson</a> a relancé l’analogie animalière en présentant les rapports sociaux au travail comme des <a href="https://www.bourin-editeur.fr/fr/books/cannibales-en-costume">actes de cannibalisme</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1184913584704442368"}"></div></p>
<p>Sous la <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-lentreprise-au-xxi-siecle-un-monde-de-cannibales-en-costume-124903">plume</a> de Courpasson, les salariés deviennent des cannibales en costume qui n’attendent qu’une seule chose : pouvoir se dévorer entre eux comme des animaux.</p>
<h2>Reconquérir son humanité</h2>
<p>Si on revient aux premières images des <em>Temps Modernes</em>, il faut d’emblée remarquer la présence d’un mouton noir au milieu de tous les moutons blancs qui se ruent les uns contre les autres. Ce mouton noir qui détonne dans le paysage uniforme, c’est Charlot au milieu des autres ouvriers.</p>
<p>Ce héros, noirci par les saletés de l’usine, est différent des autres : un peu rêveur, pas très travailleur, il n’arrive pas à s’insérer dans cette entreprise qui mise sur l’accélération des cadences pour accroître sa productivité.</p>
<p>En somme, cet élément perturbateur qu’incarne Charlot est déjà contenu en germe dans les premières images du film avec ce mouton noir, symbole d’une différence assumée et d’un destin d’ilote déjà tout tracé.</p>
<p>On retrouve cette attitude à contre-courant de la société utilitariste chez Sébastien, l’anti-héros du film <a href="http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=221488.html"><em>Libre et assoupi</em></a> qui n’a qu’une seule ambition dans la vie : ne rien faire.</p>
<p>Collectionnant les diplômes sans vraiment vouloir rentrer dans la vie professionnelle, il est à rebours des jeunes actifs de son âge qui enchaînent les stages et les petits boulots.</p>
<p>Son attitude est mise en scène à plusieurs reprises lorsqu’il se distingue en marchant à contre-courant de la masse grouillante des cadres en costumes gris qui partent travailler. Sébastien, c’est le petit mouton noir du début des <em>Temps Modernes</em> qui ne suit pas la meute et en appelle à une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=lnvA3PNHQAo">« éthique du déraillement »</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/338529/original/file-20200529-96723-tz523j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/338529/original/file-20200529-96723-tz523j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=247&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/338529/original/file-20200529-96723-tz523j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=247&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/338529/original/file-20200529-96723-tz523j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=247&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/338529/original/file-20200529-96723-tz523j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=311&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/338529/original/file-20200529-96723-tz523j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=311&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/338529/original/file-20200529-96723-tz523j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=311&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Sébastien marche à contre-courant dans le film <em>Libre et assoupi</em> réalisé par Benjamin Guedj.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.lecinemaestpolitique.fr/wp-content/uploads/2014/11/libreetassoupi12.jpg">Gaumont, 2014</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La stratégie de Charlot et de Sébastien pour ne pas vivre à genoux ou à quatre pattes passe par une reconquête de leur subjectivité et par l’affirmation de leur volonté individuelle.</p>
<p>Ils tentent alors de réintroduire leur propre désir dans la mécanique organisationnelle. Soit la mécanique se grippe et c’est l’emballement ou la catastrophe, c’est Charlot qui finit par avaler les boulons de l’usine. Soit la mécanique rejette et c’est la mise au rebut, c’est Sébastien qui est exclu du monde professionnel et qui vit comme un excentrique.</p>
<p>Qu’il s’agisse de Charlot ou de Sébastien, ils souhaitent tous les deux cultiver leur différence afin d’exercer leur réflexivité. En quête d’autonomie, les deux protagonistes cherchent à remettre en cause leurs propres conditions d’existence.</p>
<p>Par leurs attitudes extravagantes, ils sortent du cadre, dérangent et déstabilisent les organisations. On voit ici à quel point les exemples littéraires, philosophiques ou cinématographiques permettent de prendre du recul et de questionner les pratiques en vigueur.</p>
<p>Et si finalement la reconquête de sa propre humanité passait par les humanités ? C’est en tout cas ce que propose l’économiste et professeur émérite à Stanford, <a href="https://www.gsb.stanford.edu/newsroom/school-news/james-g-march-professor-business-education-humanities-dies-90">James March</a>.</p>
<p>En effet, ce professeur a marqué des générations d’étudiants en délaissant les classiques « études de cas » pour travailler à partir d’<a href="https://www.gsb.stanford.edu/insights/james-march-what-don-quixote-teaches-us-about-leadership">œuvres littéraires</a> comme <em>Guerre et Paix</em> ou <em>Don Quichotte</em>. Penser le monde du travail sur <a href="https://www.youtube.com/watch?v=zYwOqXD3lY4&t=48s">d’autres modèles</a> que les schémas gestionnaires est une façon parmi d’autres d’ouvrir des possibles. Ce sont les conditions d’une éthique professionnelle qui sont en jeu.</p>
<hr>
<p><em>Article réalisé sous la supervision de Ghislain Deslandes, philosophe et professeur à ESCP Business School.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/139688/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thomas Simon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le travail serait le meilleur moyen pour l’homme de se distinguer du monde animal… à condition qu’il ne mène pas à son aliénation.Thomas Simon, PhD Scholar, chargé de cours en RH, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1369022020-04-26T18:52:46Z2020-04-26T18:52:46ZNucléaire : pendant le confinement, un recours massif et illégal à la sous-traitance<p>Depuis les années 2000, EDF a un dispositif pour faire face aux pandémies. Ce « plan de continuité d’activité » a été réactualisé en 2003 et 2011, lors des épisodes de H1N1 puis de SARS. Il permet à l’électricien de faire face, sur chacun de ses sites de production électronucléaire et hydraulique (17 sites nucléaires et 433 centrales hydrauliques), à des pandémies de type grippe ; jusqu’à douze semaines avec 25 % des effectifs en moins, et deux à trois semaines avec 40 % de personnes en moins.</p>
<p>Mais aujourd’hui, avec le Covid-19, c’est avec 75 % d’effectifs en moins que les centrales nucléaires doivent fonctionner ! Sachant que la plupart des salariés présents sur les sites sont des intérimaires embauchés par les sous-traitants d’EDF ; des personnels rarement formés pour gérer l’ensemble des procédures en cas de crises de fonctionnement.</p>
<p>Une des choses – parmi tant d’autres – avec le recours massif du droit de retrait et des arrêts maladie que le plan n’avait pas prévu, c’est la fermeture générale des crèches et écoles entraînant la mise à l’arrêt des parents, contraints de garder leurs enfants (de moins de 16 ans).</p>
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<figcaption><span class="caption">Présentation du du plan de continuité d’activité d’EDF dans le cadre du Covid-19. (EDF, 2020).</span></figcaption>
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<h2>De Gravelines à Flamanville</h2>
<p>À la mi-mars, le groupe a dû modifier ses procédures de contrôle de radioactivité au sein de ses centrales après l’exercice par quelques salariés – en très grande majorité des prestataires – de <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/coronavirus-droits-de-retrait-et-procedures-ajustees-dans-les-centrales-nucleaires-20200320">leur droit de retrait</a> pour cause de crainte de contamination virale.</p>
<p>La centrale nucléaire de Gravelines (Hauts de France), par exemple, fonctionne avec seulement 25 % de ses effectifs. Comme pour les autres centrales françaises, EDF a placé en télétravail tous les agents relevant des fonctions supports et tous les ingénieurs. Sont présents sur le site les salariés qui se consacrent au pilotage des réacteurs et à leur surveillance, les agents chargés de la protection de la centrale, ainsi que ceux dévolus à la maintenance et aux analyses environnementales.</p>
<p>En attendant, avec des cas de coronavirus détectés dans plusieurs installations nucléaires, des mesures ont été prises pour limiter les risques de nouvelles contaminations. Les effectifs sont réduits au minimum dans l’ensemble des sites de production nucléaires, hydrauliques et thermiques.</p>
<p>À Flamanville (Normandie), où les deux réacteurs sont actuellement arrêtés, EDF est même allé plus loin en raison de plusieurs cas potentiels de nouveau coronavirus et n’admet sur le site qu’une <a href="https://reporterre.net/Dans-les-centrales-nucleaires-le-coronavirus-inquiete-les-sous-traitants">centaine de personnes</a>, contre environ 800 habituellement.</p>
<h2>Sous-traitance et travaux dangereux</h2>
<p>Pour maintenir la continuité de la production d’électricité, EDF s’appuie donc <a href="https://www.irp.fnme-cgt.fr/media/fiche7_sous_traitance.pdf">largement sur un réseau de sous-traitants, souvent peu reconnus et mal payés</a>. Selon un agent EDF – que nous avons consulté le 26 mars 2020 et qui souhaite conserver l’anonymat –, ils sont « abandonnés à leur sort ». La situation au sein des centrales arrêtées pour maintenance les inquiète tout particulièrement.</p>
<p>Les sous-traitants gèrent aujourd’hui <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/nucleaire/nucleaire-trop-de-sous-traitants_2836467.html">80 % de la maintenance</a> du parc nucléaire français. Cela représente pas moins de <a href="http://www.ma-zone-controlee.com/sous-traitance/">160 000 salariés</a> qui participent au maintien, à la production, à la distribution et aussi au traitement et au conditionnement des déchets.</p>
<p>Si l’on se réfère à la législation de la sous-traitance en France, ce taux de 80 % semble totalement illégal ; dans le cadre d’une ICPE nucléaire, en effet, les contraintes de sécurité interdisent le recours massif aux intérimaires embauchés par les sous-traitants.</p>
<p>Cette situation est en totale contradiction avec <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006901260&cidTexte=LEGITEXT000006072050&dateTexte=20080501">l’article L.1251-10 du code du travail</a>, interdisant le recours aux contrats à durée déterminée pour des travaux particulièrement dangereux. Dans une période où les mesures de sécurité doivent être renforcées – du fait d’un nombre d’agents moins important et d’un confinement nécessitant des mesures de protection plus important – c’est, hélas, tout l’inverse qui se produit. Cette situation est la conséquence d’une volonté de réduction des coûts qui s’est traduite depuis plus de vingt ans par la précarisation des salariés.</p>
<h2>Ce que dit la loi</h2>
<p>Mais revenons à l’illégalité des 80 % de main-d’œuvre sous-traitée. Il nous faut ici rappeler la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000819043">loi n° 2006-686 du 13 juin 2006</a> relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire (dite « loi TSN »).</p>
<p>Celle-ci a étendu aux établissements comprenant une installation nucléaire de base civile les règles particulières du droit des CHSCT des établissements comprenant une installation classée pour la protection de l’environnement soumise à autorisation assortie de servitudes d’utilité publique (ICPE AS).</p>
<p>Le fil directeur de ces mesures repose sur le constat partagé que le recours à la sous-traitance, surtout en cascade, crée une organisation du travail souvent génératrice d’interférences entre les activités, les matériels ou les installations des différents établissements concernés :</p>
<blockquote>
<p>« Ce phénomène constitue donc un facteur aggravant des risques professionnels et environnementaux qui accroît leur probabilité de réalisation (réponse à une QE publiée dans le JO Sénat du 14/04/2011 – page 964), ce qui dans le cadre d’une centrale nucléaire n’est pas acceptable vu les conséquences dramatiques d’un accident nucléaire. »</p>
</blockquote>
<p>Le contrat de sous-traitance est soumis à des conditions de formes et de fonds importantes, encadrées par <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000030442435&cidTexte=LEGITEXT000006072050&dateTexte=20150404">l’article L.8241-1 du code du travail</a> – article qui condamne le prêt illicite de main-d’œuvre, à savoir les contrats de travail temporaire, de portage salarial, d’entreprises de travail à temps partagé et à l’exploitation d’une agence de mannequins, lorsque celle-ci est exercée par une personne titulaire de la licence d’agence de mannequin, ainsi que d’autres situations très spécifiques.</p>
<p>En dehors de ces contrats, toute opération à but lucratif de mise à disposition doit être interprétée comme constitutif du délit de marchandage et de prêt de main-d’œuvre.</p>
<h2>La définition juridique du contrat de sous-traitance</h2>
<p>La sous-traitance, au sens de la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000889241">loi du 31 décembre 1975</a>, ne concerne précisément qu’un certain type de tâches dès lors que leur exécution est confiée à un tiers dans des conditions particulières.</p>
<p>Cette loi la définit dans son article 1 comme :</p>
<blockquote>
<p>« L’opération par laquelle une entreprise confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant tout ou partie de l’exécution du contrat d’entreprise ou du marché public conclu avec le maître de l’ouvrage. »</p>
</blockquote>
<p>La loi de 1975 sur la sous-traitance donne trois conditions pour définir ce type de contrat. Il est d’abord nécessaire d’avoir l’accord préalable du maître d’ouvrage qui accepte les sous-traitants ; il faut ensuite que les sommes dues aux sous-traitants soient garanties par un cautionnement ; enfin, que les tâches effectuées par le sous-traitant soient spécifiques, c’est-à-dire ne pouvant être exécutées techniquement par le donneur d’ordre.</p>
<p>À ce titre, la position de la Cour de cassation a évolué. En effet, si en 2005, la Cour rappelait que la spécificité des tâches ne suffisait pas à établir à elle seule l’existence d’un contrat de sous-traitance, un arrêt du 18 novembre 2009 vient préciser la manière dont il faut distinguer le contrat de sous-traitance d’autres contrats – en espèce, un contrat de vente.</p>
<p>Le contrat de sous-traitance ne consiste pas dans la vente d’une simple prestation, mais d’une prestation accompagnée d’un suivi, de compétences particulières qui, sans elles, rendent d’une part inutilisable la prestation de service et, d’autre part, que cela se fasse dans le cadre de conditions de formes et de fonds définies par la loi de 1975.</p>
<p>Ces compétences particulières ne sont autres que la spécificité des tâches, c’est-à-dire le pourquoi du contrat de sous-traitance, donc la cause de la prestation. Tout cela pour préciser que les 80 % des sous-traitants d’EDF doivent maîtriser des techniques que ne possède pas EDF en interne et qui justifient le recours à la sous-traitance.</p>
<p>Mais, ici, c’est bien <a href="https://www.edf.fr/sites/default/files/contrib/groupe-edf/producteur-industriel/nucleaire/Notes%20d%27information/les_prestataires_nucleaires_-_2018.pdf">EDF qui détient la maîtrise totale des techniques</a> mises en place dans les centrales nucléaires : il apparaît donc que le recours aux sous-traitants n’est pas effectué en fonction d’un défaut de maîtrise interne, mais bien comme une technique de management des travailleurs afin d’exclure ces derniers des garanties de la convention collective d’EDF. Le recours massif à la sous-traitance peut donc être qualifié ici de totalement illégal.</p>
<h2>Des conditions de travail dégradées</h2>
<p>Des témoignages récents nous permettent d’avoir des informations sur les conditions de travail des travailleurs du nucléaire en cette période de confinement.</p>
<p>Dans un article de <em>Politis</em>, <a href="https://www.politis.fr/articles/2020/04/dans-les-centrales-nucleaires-les-sous-traitants-en-premiere-ligne-41613/">daté de début avril 2020</a>, <a href="https://www.sortirdunucleaire.org/coronavirus-quel-impact-pour-les-personnes">Gilles Reynaud</a>, président de l’Association de défense des sous-traitants de l’industrie nucléaire, s’inquiète du fait que les salariés n’ont pas de masques, pas de gel hydroalcoolique et ne peuvent pas respecter les distances de sécurité qui permettent de prévenir la propagation du Covid-19.</p>
<blockquote>
<p>« Dans les vestiaires, les gars sont à touche-touche. Ils passent par des portiques que tout le monde a touchés, attrapent des dosimètres qui ne sont pas désinfectés, ouvrent des portes jamais nettoyées. »</p>
</blockquote>
<p>Dans le même article, un agent EDF du secteur nucléaire poursuit :</p>
<blockquote>
<p>« On s’aperçoit, en période de crise, que des sous-traitants assurent la continuité du service public. Sauf que, contrairement à nous, ils n’ont pas les primes qui vont avec, ni les salaires, ni les congés, etc. Ils ont raison de s’insurger. C’est une honte. Quant à nous, on se fait féliciter pour notre dévouement, mais il y a quelques mois, ils voulaient défoncer notre statut avec le projet Hercule. Sans parler de la réforme des retraites… »</p>
</blockquote>
<p>Le 26 mars dernier, l’Autorité de sûreté nucléaire a <a href="https://www.asn.fr/Informer/Actualites/Covid-19-l-ASN-adapte-son-mode-de-fonctionnement-tout-en-maintenant-son-niveau-d-exigence">alerté la direction d’EDF sur la situation de ces salariés sous-traitants</a> « en lui demandant de définir clairement quelles sont les activités de maintenance ou de logistique pour lesquelles une continuité est indispensable » et « de veiller à ce que les conditions de santé et sécurité soient communiquées et mises correctement en place ».</p>
<p>Pour l’instant, la situation ne semble pas avoir évolué ; les conditions de travail semblent même se dégrader au fil du confinement et de l’absence grandissante de personnel encadrant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136902/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Soria ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La période de confinement renforce encore le recours aux sous-traitants dans le secteur du nucléaire civil.Olivier Soria, Enseignant-chercheur en droit de l'environnement , Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1359602020-04-15T17:08:19Z2020-04-15T17:08:19ZTravailleurs non-confinés : quand et comment peut s'exercer le droit de retrait ?<p>De nombreuses personnes, <a href="https://theconversation.com/travailleur-e-s-a-domicile-envisager-une-vraie-protection-au-dela-de-la-crise-134833">souvent des femmes</a>, sont tenues de continuer à travailler physiquement dans les entreprises de différents secteurs pour préserver la vie et assurer un minimum de continuité de la vie sociale : santé, aide à domicile, alimentation, agro-alimentaire, livraison, propreté, traitement des déchets, transport, etc. Et des salariés continuent de travailler dans d’autres secteurs commerciaux et industriels.</p>
<p>Dans ces situations, « l’employeur est <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:31989L0391">obligé</a> d’assurer la sécurité et la santé des travailleurs dans tous les aspects liés au travail ». Ce principe doit être effectif face au risque de contamination par le virus Covid-19. En cas de carence de prévention de la part de l’employeur, le travailleur salarié peut exercer son droit de retrait.</p>
<h2>L’employeur doit prendre les mesures nécessaires</h2>
<p>En vertu de son obligation légale de sécurité, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs :</p>
<ul>
<li><p>des actions de prévention des risques professionnels ;</p></li>
<li><p>des actions d’information et de formation (sur les moyens de prévention mis en place dans l’entreprise notamment sur les mesures d’hygiène « gestes barrières » et la distanciation sociale, conformément aux <a href="https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus">recommandations gouvernementales</a>, avec la mise à disposition des produits nécessaires en quantité suffisante, etc.)</p></li>
<li><p>la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés (en tenant compte des spécificités de chaque secteur <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/covid-19-mise-en-ligne-des-premiers-guides-sectoriels-de-bonnes-pratiques">professionnel et métiers</a>.</p></li>
</ul>
<p>L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000035640828&cidTexte=LEGITEXT000006072050&dateTexte=20171001">Code du travail, art. L. 4121-1</a>.</p>
<p>Sur le fondement de principes généraux de prévention (Code du travail, art. L. 4121-2), l’employeur doit évaluer les risques qui ne peuvent être évités.</p>
<h2>Évaluer et prévenir les risques</h2>
<p>L’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072050&idArticle=LEGIARTI000006903149&dateTexte=&categorieLien=cid">évaluation</a> dans toute entreprise (employant au moins un salarié) recense les situations d’exposition aux risques, sur tous les lieux de travail. Elle est retranscrite dans le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000023795562&cidTexte=LEGITEXT000006072050&dateTexte=20110401">document unique d’évaluation des risques</a>, support de la politique de prévention de l’entreprise.</p>
<p>Cette évaluation est à actualiser en raison de l’épidémie pour réduire au maximum les risques de contagion sur le lieu de travail ou à l’occasion du travail et en fonction de l’évolution de l’organisation du travail dans l’entreprise.</p>
<p>L’employeur doit organiser la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000033019913&cidTexte=LEGITEXT000006072050&dateTexte=20160810">prévention</a> en y intégrant la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des <a href="https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_protect/---protrav/---safework/documents/normativeinstrument/wcms_112583.pdf">facteurs ambiants</a>. Il doit notamment :</p>
<ul>
<li><p>« adapter le travail à l’homme », concernant la conception des postes de travail, le choix des équipements de travail (notamment les équipements de protection individuelle : gants, masques, etc.), le choix des méthodes de travail et de production ;</p></li>
<li><p>prendre des mesures de protection collective en priorité sur les mesures de protection individuelle (écran d’isolement des clients, zone de courtoisie d’un mètre, nettoyage des surfaces, limitation du nombre de clients simultanément présents dans un magasin, etc.).</p></li>
</ul>
<p>L’employeur doit justifier avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par la loi (<a href="https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/1068_1er_34378.html">Cassation sociale</a> 1<sup>er</sup> juin 2016) au regard du risque de contamination.</p>
<p>Et, conformément aux instructions qui lui sont données par l’employeur, chaque travailleur doit prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail (Code du travail, art. L. 4122-1).</p>
<h2>Un droit fondamental à la sauvegarde de la santé du travailleur</h2>
<p>Prévu par la Convention n° 155, de l’Organisation internationale du travail, <a href="https://www.ilo.org/dyn/normlex/fr/f?p=NORMLEXPUB:12100:0::NO::P12100_ILO_CODE:C155">sur la sécurité et la santé des travailleurs</a>, de 1981, le droit de retrait figure dans le code du travail depuis la « loi Auroux » du 23 décembre 1982. Cette loi vise à renforcer les droits des salariés pour la protection de leur santé au travail, dans le cadre d’une réforme d’envergure du code du travail destinée à introduire la « citoyenneté dans l’entreprise ».</p>
<p>Le salarié peut se retirer de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006903155&cidTexte=LEGITEXT000006072050&dateTexte=20080501">Code du travail, art. L. 4131-1)</a>.</p>
<p>Le salarié apprécie le danger et l’opportunité de se retirer. Il s’agit d’une appréciation subjective du risque par le salarié, disposant ainsi d’un certain droit à l’erreur. Le danger pouvant justifier l’exercice du droit de retrait est un danger :</p>
<ul>
<li><p>grave : susceptible de provoquer un dommage à l’intégrité physique ou à la santé de la personne (maladie paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée, voire la mort)</p></li>
<li><p>imminent : susceptible de se réaliser dans un bref délai.</p></li>
</ul>
<p>Le risque de contamination par le virus peut dans certains contextes professionnels remplir ces conditions.</p>
<h2>Comment s’exerce ce droit ?</h2>
<p>Le salarié constate la situation de travail en cause et il en alerte immédiatement l’employeur par tout moyen (un écrit ne peut lui être imposé).</p>
<p>Il exerce son droit individuel de retrait de telle manière qu’il ne puisse créer pour autrui (collègues, salariés d’autres entreprises, clients, usagers…) une nouvelle situation de danger grave et imminent. Le salarié prend l’initiative de suspendre l’exécution de sa prestation de travail (il ne suspend pas son contrat de travail).</p>
<p>L’employeur peut l’affecter à un autre poste où n’existe pas de danger grave et imminent, mais il ne peut lui demander de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un tel danger. En cas de danger grave et imminent, l’employeur prend les mesures de prévention précitées et donne les instructions nécessaires pour permettre aux travailleurs d’arrêter leur activité et de se mettre en sécurité en quittant immédiatement le lieu de travail.</p>
<p>En cas de réquisition (notamment dans les établissements médico-sociaux), l’employeur doit mettre en œuvre les dispositions requises pour protéger la santé et assurer la sécurité du personnel. À défaut, le droit de retrait peut être exercé.</p>
<h2>Garanties</h2>
<p>Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un travailleur ou d’un groupe de travailleurs qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d’eux.</p>
<p>Ainsi, si le salarié s’est retiré et qu’il avait un motif raisonnable pour le faire, même s’il s’avère qu’un tel danger n’existait pas, toute sanction, y compris le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000020187826">licenciement</a>, est nulle. En revanche, lorsque les conditions du droit de retrait ne sont pas réunies, le salarié s’expose à une retenue sur salaire, voire à une sanction.</p>
<p>Le danger grave et imminent ne doit pas être confondu avec le risque inévitable et raisonnablement maîtrisé du poste de travail. Ce « risque inévitable » concerne par exemple la situation d’un salarié convoyeur de fonds, fonction à risques en soi, en l’absence de menace particulière et de carence de l’employeur dans le respect des mesures de sécurité.</p>
<p>En cas de contestation, c’est au juge du contrat (en premier lieu, le conseil de prud’hommes) qu’il appartient d’apprécier <em>in concreto</em> si le salarié avait « un motif raisonnable de penser que la situation présentait un danger grave et imminent », au regard de ses paramètres professionnels (qualification, expérience…) et personnels (état de santé, âge…).</p>
<h2>Procédures d’alerte des élus du personnel</h2>
<p>Un délégué élu du comité social et économique (CSÉ) peut déclencher auprès de l’employeur une procédure d’alerte. À défaut de solution satisfaisante trouvée dans l’entreprise :</p>
<ul>
<li><p>en cas d’atteinte aux droits des personnes, notamment à leur <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000038791189&cidTexte=LEGITEXT000006072050&dateTexte=20200101">santé physique et mentale</a>, le délégué peut saisir le conseil de prud’hommes selon une procédure accélérée ; le juge peut ordonner toutes mesures propres à <a href="http://ledroitouvrier.cgt.fr/IMG/pdf/201605_juris_mess.pdf">faire cesser cette atteinte</a>.</p></li>
<li><p>en cas de danger <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000035653288&cidTexte=LEGITEXT000006072050&dateTexte=20180101">grave et imminent</a>, l’inspecteur du travail, saisi par l’employeur (ou à défaut par un délégué), peut mettre en demeure l’employeur de <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072050&idArticle=LEGIARTI000006903390&dateTexte=&categorieLien=cid">prendre toutes mesures utiles</a> pour remédier à la situation dangereuse.</p></li>
</ul>
<p>L’inspecteur du travail peut également saisir le juge judiciaire statuant en référés pour voir ordonner à l’employeur toutes mesures propres à faire cesser le risque sérieux d’atteinte à l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072050&idArticle=LEGIARTI000006903412&dateTexte=&categorieLien=cid">intégrité physique d’un travailleur</a>. Le juge peut par ordonnance, sous astreinte, imposer à l’employeur des obligations pour la mise œuvre effective, dans un délai court, des mesures de prévention prévues par le <a href="https://www.actuel-rh.fr/sites/default/files/article-files/ordonnance_de_refere_du_03_avril_2020-tribunal-lille.pdf">Code du travail</a>, notamment, le cas échéant, au regard du <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=3E5AF0293EDA3C84C076D96ADED10E46.tplgfr35s_1?idSectionTA=LEGISCTA000018530514&cidTexte=LEGITEXT000006072050&dateTexte=20080501">risque biologique</a>.</p>
<h2>Travailleurs précaires</h2>
<p>L’intervention des élus du personnel est particulièrement nécessaire pour les travailleurs vulnérables du fait de leur situation précaire, notamment pour les travailleurs mis à disposition d’une entreprise utilisatrice par une entreprise extérieure, et en particulier pour les travailleurs intérimaires. Il incombe en premier lieu à l’employeur de l’entreprise utilisatrice de prendre toutes les dispositions nécessaires pour assurer leur protection.</p>
<p>Les élus du personnel au CSÉ exercent leurs attributions en matière de santé, sécurité et conditions de travail pour tous les travailleurs, y compris les travailleurs d’entreprises extérieures (intérimaires, etc.). Ainsi, c’est au comité social et économique de l’entreprise utilisatrice qu’il appartient d’exercer une mission de vigilance à l’égard de l’ensemble des salariés de l’établissement placés sous l’autorité de l’employeur, à défaut au CSÉ de l’entreprise de <a href="https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/245_26_44484.html">travail temporaire</a>.</p>
<p>L’action de l’inspection du travail, qui peut s’autosaisir, est indispensable pour la sauvegarde de la santé des salariés précaires, ceux-ci pouvant difficilement exercer leur droit de retrait au regard des risques encourus en matière d’emploi. Ce droit de retrait pourrait avoir à s’exercer prochainement dans des entreprises dont l’activité reprend pour des raisons économiques sans que toutes les règles de sécurité ne soient respectées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135960/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Miné est membre du Réseau académique européen pour la Charte sociale (RACSE). </span></em></p>En cas de carence de prévention de la part de l’employeur dans le contexte de crise sanitaire actuel, le travailleur salarié peut exercer son droit de retrait.Michel Miné, Professeur du Cnam, titulaire de la chaire Droit du travail et droits de la personne, Lise/Cnam/Cnrs, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1348332020-03-31T18:20:38Z2020-03-31T18:20:38ZTravailleur·e·s à domicile : envisager une vraie protection au-delà de la crise<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/324225/original/file-20200331-65499-8qp8bz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=64%2C49%2C1979%2C1305&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les employé-es de ménage sont particulièrement vulnérables en temps de crise sur le plan sanitaire mais aussi économique. Ici en Italie.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/pinodema/41068236752/">Pinodema/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Ces derniers jours, nous sommes plusieurs chercheur·e·s à avoir pris la plume pour interroger les conditions de travail présentes et futures des travailleur·e·s les plus <a href="https://www.liberation.fr/debats/2020/03/18/ces-femmes-qui-travaillent-chez-les-autres_1782184">invisibles de la société</a>. Ils sont aujourd’hui parmi les <a href="https://www.liberation.fr/france/2020/03/24/cette-crise-rend-visibles-ceux-qui-sont-d-ordinaire-invisibles_1782955">seul·e·s à poursuivre une activité professionnelle</a> ; particulièrement <a href="https://blogs.mediapart.fr/ebiland/blog/200320/teletravail-et-travail-domestique-nos-vies-confinees-sont-inegalitaires">exposée</a>.</p>
<p>On imagine aisément que le télétravail n’est pas possible pour tout le monde, mais peut-être un peu moins l’impact concret de la pandémie et des mesures prises par le gouvernement sur le quotidien de celles et ceux qui doivent continuer à se rendre au travail, ou qui ne peuvent pas s’y rendre.</p>
<p>Il s’agit ici d’interroger plus frontalement ce que la crise fait en ce moment aux travailleur·e·s des services à la personne à domicile, et de mettre en lumière ce qui est ou peut être concrètement fait pour les protéger – sur le plan sanitaire comme sur le plan matériel.</p>
<h2>La réaction bénéfique des entreprises et associations du secteur</h2>
<p>Lorsqu’on ouvre le site web d’<a href="https://www.o2.fr/">O2</a>, l’une des plus grosses entreprises françaises de services à la personne qui emploierait à ce jour plus de 13 500 personnes, avec 4 000 à 5 000 recrutements par an selon leurs données, un encart rouge vif apparaît au milieu de la page : il comporte un ensemble de liens permettant de prendre connaissance des mesures d’hygiène à mettre en place lors d’une intervention à domicile, fondées sur les recommandations du gouvernement.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/323943/original/file-20200330-146712-knammt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/323943/original/file-20200330-146712-knammt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/323943/original/file-20200330-146712-knammt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/323943/original/file-20200330-146712-knammt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/323943/original/file-20200330-146712-knammt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/323943/original/file-20200330-146712-knammt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=534&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/323943/original/file-20200330-146712-knammt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=534&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/323943/original/file-20200330-146712-knammt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=534&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Encart pop-up sur le site d’O2.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.o2.fr/">O2</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans le cadre d’un entretien avec <a href="https://ouicare.com/fr/le-groupe/">Guillaume Richard, PDG du groupe Oui Care</a> auquel appartient l’entreprise, celui-ci affirme que ce sont les premières précautions prises pour sensibiliser tant les bénéficiaires des prestations de service que les salarié·e·s.</p>
<p>À cela s’en ajoute la non-obligation, pour les bénéficiaires et les salarié·e·s, de poursuivre les services pendant le confinement. Cela signifie concrètement que les entreprises du groupe s’engagent à garder les salarié·e·s et les bénéficiaires dans leurs bases de données pour que les mêmes activités puissent reprendre leur cours après le confinement. Par ailleurs, l’entreprise a l’obligation, en revanche, d’interrompre les services si l’une des deux parties est atteinte du virus.</p>
<p>En cas d’interruption du travail, les salarié·e·s sont dans ce cas mis au chômage temporaire. Pour Guillaume Richard, il est clair qu’être salarié·e d’une entreprise de services à la personne est bénéfique en cette période de crise : les salarié·e·s bénéficient de la protection de leur emploi en CDI, et de l’encadrement institutionnel de leurs pratiques.</p>
<p>Même chose du côté des bénéficiaires, dont la responsabilité et le réajustement temporaire des demandes sont délégués aux intermédiaires. Rappelons que les entreprises et les associations de services à la personne salarient elles-mêmes les travailleur·e·s à domicile, sont chargées de les recruter et de les placer chez les bénéficiaires, et de faire toutes les démarches administratives nécessaires pour que relation de travail soit contractualisée et encadrée.</p>
<p>Avec un certain recul, la protection qu’offre le passage par un intermédiaire des services à la personne pour les salarié·e·s semble évidente. Ne pas obliger les salarié·e·s à travailler, leur proposer une protection économique – celle du chômage–, et les prévenir au maximum des mesures sanitaires à prendre sont malheureusement aujourd’hui des avantages dont ne peuvent pas toujours bénéficier les autres travailleur·e·s à domicile.</p>
<h2>« Moi, Pôle emploi, j’y ai pas le droit »</h2>
<p>J’ai été particulièrement attentive aux propos de quelques employées de ménage, gardes d’enfants et aides à domicile rencontrées au cours de recherches précédentes, ou tout juste rencontrées virtuellement sur des groupes Facebook fermés.</p>
<p>Le quotidien de certaines n’a rien de réjouissant. L’une, Malika, a 38 ans et deux enfants en bas âge. Elle vit seule et habituellement, elle « fait des ménages », comme elle dit. Sauf que depuis une semaine, elle ne travaille que pour un foyer, au lieu de huit habituellement.</p>
<p>Pour protéger ses enfants, elle a n’a pas souhaité poursuivre son travail chez sa plus vieille employeuse, « parce que j’avais trop peur de lui transmettre des microbes avec les enfants » dit-elle.</p>
<p>Tou.te.s les autres en revanche ont annulé leurs demandes hebdomadaires, alors que Malika comptait continuer à travailler en confiant ses enfants à sa sœur. Auparavant femme au foyer, et femme de ménage depuis peu, Malika a toujours travaillé au noir : « moi, Pôle emploi, j’y ai pas le droit ».</p>
<p>Il lui reste donc en cette période la maigre pension versée par son ex-mari, et les prestations sociales. Malika s’est déjà renseignée sur les distributions alimentaires associatives maintenues près de son quartier.</p>
<p>Pour les femmes comme Malika, nombreuses dans le travail à domicile, le tableau est donc bien sombre. Ce sont des milliers d’employé·e·s à domicile qui, comme elle, sont non seulement susceptibles de perdre leur travail du jour au lendemain, mais aussi, de ne pas avoir de compensation financière. Jamais protecteur, le travail au noir s’annonce là destructeur.</p>
<h2>Les limites du CESU</h2>
<p>Du côté des salarié·e·s du « particulier-employeur » déclaré·e·s par le dispositif du <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/droit-du-travail/les-contrats-de-travail/article/le-cheque-emploi-service-universel-cesu-declaratif">Chèque emploi service universel</a> (CESU), l’anticipation des risques économiques s’annonce limitée.</p>
<p>Rien n’oblige les particuliers-employeurs à continuer d’employer leur femme de ménage, nounou ou aide à domicile, ni même à mettre en place les mesures de protection hygiénique adéquates pour se protéger et les protéger.</p>
<p>Cependant, le gouvernement a annoncé que des dispositions <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/03/27/coronavirus-chomage-partiel-pour-les-particuliers-employant-a-domicile-cout-de-la-crise-sanitaire-les-dernieres-mesures-economiques_6034680_3234.html">seront prises</a> pour protéger les travailleur·e·s à domicile déclaré·e·s par CESU. Le chômage partiel leur a été ouvert, mais cela n’empêche pas les femmes rencontrées de paniquer, comme Caroline, 45 ans, aide à domicile employée via le CESU auprès de différents ménages de personnes âgées dépendantes.</p>
<p>Elle écrit sur Facebook :</p>
<blockquote>
<p>« Je travaille pour une vieille petite dame, dont le fils est adorable et continue de me payer alors qu’il a pris le relai lui-même pour aider sa mère. Mais ça, personne ne fait ça ! Trois autres personnes m’ont annulée, et je ne sais rien de ce que je vais toucher, si elles vont me déclarer ce mois-ci. »</p>
</blockquote>
<p>Elle explique qu’une famille lui a en revanche demandé de doubler ses visites quotidiennes à leur mère, malade. Elle dit que cela va aider à compenser un peu le manque à gagner, mais à quel prix ? Sans masques, Caroline a peur pour sa santé, et pour celle de cette personne, qui n’en bénéficie pas non plus. Quand elle rentre des courses, elle passe du temps à nettoyer les produits, car elle doit ensuite se charger de la toilette de cette femme.</p>
<h2>Des travailleur·e·s malgré tout bien peu protégé·e·s</h2>
<p>S’il est évident que le travail au noir, et l’emploi direct non contrôlé par l’État ne sont, de base, pas favorables à la protection des travailleur·e·s à domicile, ne surestimons pas celle que peuvent apporter actuellement les entreprises de services à la personne.</p>
<p>D’une part, et le PDG de Oui Care le confie, les travailleuses qui continuent à rendre visite aux personnes âgées dépendantes manquent crûment de matériel, à l’heure où les hôpitaux, les laboratoires, les EPHAD, en manque aussi.</p>
<p>En outre, il affirme que dans le cas du jardinage ou encore du ménage, les mesures sanitaires de distance et de nettoyage permettent de poursuivre sans crainte de contamination ces activités. Peut-être est-ce oublier que pour venir travailler, il y un coût sanitaire à se déplacer, et que respecter la distance entre personnes circulant dans une <a href="https://theconversation.com/les-bonnes-pratiques-pour-eviter-de-contaminer-vos-compagnons-de-confinement-134080">même maison ou appartement</a> n’a rien d’évident à mettre en place – sans parler du fait de nettoyer des surfaces et des vêtements potentiellement infectés.</p>
<p>D’autre part, si les travailleur·e·s ne sont pas dans l’obligation de travailler, ils.elles y sont fortement incité·e·s par les entreprises. Et en sus de ces incitations et des éventuelles autocontraintes morales à poursuivre son activité pour aider les plus vulnérables, les raisons économiques peuvent pousser à prendre des risques sanitaires. Avec des emplois payés au smic, que reste-t-il du salaire au chômage partiel, sachant qu’une proportion considérable de travailleuses à domicile ne parviennent déjà pas à bénéficier d’emplois <a href="https://www.cairn.info/les-services-a-la-personne--9782707156013.html">à temps plein</a>, et donc de <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/le-retour-des-domestiques-clement-carbonnier/9782021399042">salaires décents à la fin du mois</a> ?</p>
<p>Il ne s’agit pas pour autant de pointer du doigt les intermédiaires du secteur, quand, derrière, l’État est bien trop silencieux.</p>
<p>Encore mercredi 25 mars au soir, <a href="https://www.ouest-france.fr/sante/hopital/hopital-le-plan-massif-promis-par-emmanuel-macron-laisse-les-soignants-sceptiques-6792594">Emmanuel Macron assurait</a> que les soignant·e·s de l’hôpital seraient valorisé·e·s pour leur action : on ne peut que s’en réjouir – si on oublie un instant les années de dévastation du secteur public hospitalier –, puis se demander : et les autres ?</p>
<p>Celles et ceux qui ne sont non seulement pas fonctionnaires, et qui œuvrent aussi au soin d’autrui ? Ce que la crise révèle, c’est qu’il manque à ces travailleur·e·s une véritable protection sociale et économique, en sus d’une reconnaissance de leur utilité sociale. Personne ne sait et ne veut savoir, en réalité, ce qu’il se passe à l’intérieur des maisons.</p>
<h2>Des mesures concrètes</h2>
<p>Alors, avant que ne soit proposée une restructuration des métiers des services à domicile, avec de vrais emplois rémunérateurs et stables pour tou.te.s, qui donnent accès aux droits sociaux, des mesures urgentes doivent être trouvées pour palier le gouffre économique dans lequel sont déjà plongées trop de travailleuses.</p>
<p>Au vu des faibles revenus que va générer le chômage partiel sur des salaires déjà très bas, inciter par exemple les entreprises et les particuliers-employeurs qui utilisent le CESU à garder leurs employé·e·s en emploi, via des aides financières plus significatives.</p>
<p>Pour celles qui continuent de prendre soin des personnes âgées dépendantes, une distribution prioritaire de masques et de protections adéquates, et que ce matériel soit une condition d’exercice du travail.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/qiapSPtxNoM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le métier d’aide-soignant à domicile, association Yadlavie.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Faire jouer la solidarité économique</h2>
<p>À l’échelle individuelle, il ne semble pas non plus aberrant de solliciter la solidarité économique des employeur·e·s et des bénéficiaires.</p>
<p>En-dehors des cas de soins pour personnes dites fragiles, il est important de rappeler qu’une certaine proportion des personnes qui délèguent les tâches domestiques appartiennent aux fractions les <a href="https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2009-2-page-31.htm">plus aisées de la population</a>, et bénéficient de déductions fiscales si elles déclarent leurs employé·e·s, sans condition de ressources – près des trois quarts des dépenses fiscales assises sur l’impôt sur le revenu bénéficient <a href="https://www.cairn.info/revue-l-homme-et-la-societe-2012-3-page-197.htm">aux 10 % les plus aisé·e·s des contribuables</a>.</p>
<p>En période de crise, ne serait-ce pas normal que les bénéficiaires les plus doté·e·s, plus susceptibles d’être en CDI ou de bénéficier d’un chômage partiel confortable, protègent celles et ceux qui viennent toutes les semaines entretenir leurs intérieurs ou garder leurs enfants, en continuant à leur verser leurs salaires, par le CESU ou via l’organisme prestataire selon leur mode de recours ?</p>
<p>Cette proposition apparaît la plus concrète et réalisable en situation d’urgence, même si elle a pour grande limite de reposer sur des volontés individuelles. Elle est en tout cas la seule qui puisse sauver les personnes qui travaillent chez les autres, et qui risquent sinon de perdre à la fois de l’argent et leurs employeur·e·s à la fin de la crise, surtout si elles travaillent au noir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/134833/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alizée Delpierre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Interrogeons frontalement ce que la crise fait en ce moment aux travailleur·e·s des services à la personne à domicile, et soulignons ce qui peut être concrètement fait pour les protéger.Alizée Delpierre, Doctorante au CSO, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1350732020-03-31T18:20:35Z2020-03-31T18:20:35ZDérogations au code du travail : donner leur place aux droits fondamentaux des personnes<p>La Loi no 2020-290 du 23 mars 2020 prévoit des dispositions afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de l’épidémie de covid-19 (article 11).</p>
<p>En application, le gouvernement a pris une série d’ordonnances, notamment <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041755940&categorieLien=id">l’ordonnance no 2020-323 du 25 mars</a> prévoyant des dispositions dérogatoires au code du travail et aux accords collectifs en matière de temps de travail et de congés payés. Ces nouvelles règles ne pourront être mises en œuvre dans les entreprises que dans le respect du droit de l’Union européenne et du droit européen du Conseil de l’Europe (la Charte sociale européenne) pour assurer les droits fondamentaux de la personne. Dans chaque entreprise, le dialogue social, nécessaire à la construction de solutions partagées et efficaces, devrait être mis en œuvre en ce temps de crise.</p>
<h2>De nouvelles limites</h2>
<p>Dans les entreprises relevant de « secteurs d’activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale », déterminés par décret (à paraître), de nouvelles limites sont fixées, pour une période longue pouvant s’étendre jusqu’au 31 décembre 2020, soit bien au-delà de la période de crise sanitaire prévisible en France.</p>
<p>L’ordonnance ne prévoit pas de négociation collective de l’employeur avec les organisations syndicales sur la mise en œuvre des dérogations. L’employeur qui recours à une de ces dérogations n’a plus à demander son avis au comité social et économique, simplement il l’en informe.</p>
<p>Le dialogue social est ignoré comme s’il s’agissait d’une contrainte ou d’une démarche superflue en temps de crise alors que ce dialogue entre l’ensemble des parties prenantes est nécessaire pour construire des solutions pertinentes et équilibrées à propos d’importantes modifications du temps de travail susceptibles de durer plusieurs mois. Le dialogue social dans l’entreprise, comme la démocratie dans la Cité, n’est pas un problème mais la voie pour identifier au mieux des solutions.</p>
<h2>Jusqu’à soixante heures hebdomadaires</h2>
<p>Cette durée figure dans le code du travail depuis la [loi n°46-283 du 25 février 1946]. Il s’agissait alors de reconstruire le pays, après la Seconde Guerre mondiale, et de permettre le recours aux heures supplémentaires au-delà de la durée hebdomadaire fixée par le <a href="https://www.liberation.fr/futurs/2002/05/21/1936-l-ephemere-semaine-de-40-heures_404232">Front populaire à 40 heures en 1936</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/323962/original/file-20200330-146712-8rvqb5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/323962/original/file-20200330-146712-8rvqb5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/323962/original/file-20200330-146712-8rvqb5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/323962/original/file-20200330-146712-8rvqb5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/323962/original/file-20200330-146712-8rvqb5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/323962/original/file-20200330-146712-8rvqb5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/323962/original/file-20200330-146712-8rvqb5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Article sur les congés payés dans le magazine <em>Regards</em> du 13 août 1936.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Regards_-_cong%C3%A9s_pay%C3%A9s_1936.jpg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La durée hebdomadaire maximale est de <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000889135&pageCourante=00296">48 heures depuis l’ordonnance du 16 janvier 1982</a>. Cependant, le code du travail prévoit déjà « en cas de circonstances exceptionnelles » des autorisations administratives de dépassement dans la limite de 60 heures, pour des entreprises ou des secteurs (les établissements de crédit pour la réalisation des opérations liées au passage à l’euro de septembre 1998 à mars 1999 ; les exploitations agricoles de la région Hauts-de-France de juin à octobre 2019 ; etc.).</p>
<p>Cette dérogation doit être mise en œuvre dans le respect de la directive européenne du <a href="https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2003:299:0009:0019:fr:PDF">4 novembre 2003</a>, fixant des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière de temps de travail, selon laquelle la durée moyenne de travail pour chaque période de sept jours n’excède pas 48 heures, y compris les heures supplémentaires, sur une période de référence ne dépassant pas 4 mois.</p>
<p>Dans ce cadre, la durée hebdomadaire de travail moyenne calculée sur une période quelconque de 12 semaines consécutives passe de 44 heures à 48 heures.</p>
<p>Par conséquent, si des semaines de travail vont jusqu’à 60 heures, elles devront être compensées par des semaines avec des durées du travail réduites (36 heures) pour que les salariés ne travaillent pas plus de 48 heures en moyenne.</p>
<h2>Quel sera le traitement de ces heures supplémentaires ?</h2>
<p>Le régime des heures supplémentaires, issu en dernier lieu de la « loi Valls-El Khomeri » du <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000032983213&categorieLien=id">8 août 2016</a>, n’étant pas modifié, ce sont les accords d’entreprise ou, à défaut, de branche qui déterminent :</p>
<ul>
<li><p>les majorations pour heures supplémentaires, d’au minimum seulement 10 % (à défaut d’accord collectif, les majorations sont de 25 % pour chacune des 8 premières heures supplémentaires – de la 36<sup>e</sup> à la 43<sup>e</sup> et de 50 % pour les heures suivantes – à partir de la 44<sup>e</sup>, comme en 1946) ;</p></li>
<li><p>Le contingent (volume) d’heures supplémentaires par an et par salarié (à défaut d’accord collectif, le contingent est de 220 heures).</p></li>
</ul>
<p>Par ailleurs, le salarié ayant effectué des heures supplémentaires au-delà du contingent, soit un nombre important d’heures supplémentaires, a droit à une contrepartie obligatoire en repos : 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent pour les entreprises de 20 salariés au plus, soit une demi-heure par heure supplémentaire ; 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de 20 salariés, soit une heure de repos par heure supplémentaire. Dès que la durée de ce repos atteint 7 heures, il peut être pris par journée entière ou par demi-journée à la convenance du salarié.</p>
<p>Selon la jurisprudence, le salarié peut invoquer un motif légitime pour refuser d’effectuer des heures supplémentaires fréquentes : non-respect de son contrat de travail ; défaut d’octroi de contreparties par l’employeur ; atteinte à ses droits fondamentaux en matière de préservation de sa santé ou de sa vie familiale, au regard des durées du travail importantes.</p>
<p>D’autres limites sont modifiées :</p>
<ul>
<li><p>La durée quotidienne maximale de travail fixée à 10 heures peut être portée jusqu’à 12 heures.</p></li>
<li><p>Pour les travailleurs de nuit, la durée quotidienne maximale de travail peut être portée jusqu’à 12 heures (avec en contrepartie un repos compensateur égal au dépassement de la durée de 10 heures) et la durée hebdomadaire moyenne jusqu’à 44 heures.</p></li>
<li><p>La durée du repos quotidien entre deux journées de travail peut être réduite de 11 heures jusqu’à 9 heures consécutives (avec en contrepartie un repos compensateur égal à la durée du repos dont le salarié n’a pu bénéficier).</p></li>
<li><p>Il peut être dérogé à la règle du repos dominical en attribuant le repos hebdomadaire par roulement (Cette dérogation s’applique également aux entreprises qui assurent aux entreprises des secteurs d’activités nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale des prestations nécessaires à l’accomplissement de leur activité principale). Le principe du repos hebdomadaire, garanti par le droit européen, demeure inchangé.</p></li>
</ul>
<p>Pour chacun des secteurs d’activité concerné, un décret (à paraître) doit préciser, les dérogations admises, dans les limites précitées.</p>
<h2>Congés payés</h2>
<p>L’employeur est autorisé, dans la limite de six jours de congés payés (soit une semaine), à décider de la prise de jours de congés acquis par un salarié (y compris avant le 1<sup>er</sup> mai) ou à modifier unilatéralement les dates de congés déjà posés (en respectant un délai de prévenance très court d’au moins un jour franc), à fractionner les congés sans l’accord du salarié et à fixer les dates des congés sans être tenu d’accorder un congé simultané à des conjoints ou des partenaires liés par un PACS travaillant dans l’entreprise.</p>
<p>La période de congés imposée ou modifiée est étendue, pouvant aller jusqu’au 31 décembre 2020.</p>
<p>La mise en œuvre de ces dérogations par l’employeur n’est possible que par la conclusion d’un accord collectif avec les organisations syndicales dans l’entreprise ou, à défaut, d’un accord de branche.</p>
<p>Les congés payés ne sont pas seulement une période où le salarié est dispensé de toute activité professionnelle pour le compte de l’employeur.</p>
<p>Comme l’affirme la Cour de justice de l’UE, en application de la directive précitée,</p>
<blockquote>
<p>« la finalité du droit au congé annuel payé est de permettre au travailleur de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisirs. » (depuis <a href="http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=9C7C9C9CAD1CB8C82C7377430631FC8E?text=&docid=74017&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=2239177">CJCE, grande chambre, 20 janvier 2009</a>.</p>
</blockquote>
<p>Pendant cette période, la personne exerce sa liberté, notamment de se déplacer et de voyager. Par conséquent, un salarié ne saurait être en congés payés pendant une « période de confinement » imposée par les pouvoirs publics.</p>
<p>Pour la Cour, « le droit au congé annuel payé de chaque travailleur doit être considéré comme un principe du droit social communautaire revêtant une importance particulière, auquel il ne saurait être dérogé » ; il a déjà été jugé qu’un salarié ne peut donc être en même temps en congé maternité, en arrêt maladie, etc., et en congés payés.</p>
<p>« Lorsque l’intérêt de l’entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du Covid-19 », des dispositions dérogatoires comparables sont prévues concernant la prise de jours de repos (RTT, conventions de forfait, compte-épargne temps), non prévus par le droit européen. Dans ce cas, l’employeur peut décider seul d’imposer ou de modifier la prise de jours dans la limite de dix jours. Le dialogue social est ignoré au profit d’une gestion unilatérale.</p>
<p>Dans la mise en œuvre de ces nouvelles règles (congés payés, travail le dimanche, etc.), il sera nécessaire d’assurer le respect du droit fondamental de mener une vie familiale normale, prévu aux niveaux international et européen et mis en œuvre en droit interne. Ce droit implique notamment que des couples puissent bénéficier de leurs congés et de leur repos dominical ensemble, en particulier pour exercer leurs responsabilités familiales. Dans les périodes de crise, l’effectivité des droits de l’homme est essentielle pour les êtres humains et pour que la société tienne debout.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135073/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Miné est membre du Réseau académique pour la Charte sociale européenne (RACSE)</span></em></p>Les dérogations modifiant le code du travail devront être mises en œuvre dans le respect des droits fondamentaux des personnes.Michel Miné, Professeur du Cnam, titulaire de la chaire Droit du travail et droits de la personne, Lise/Cnam/Cnrs, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1299312020-01-21T19:06:39Z2020-01-21T19:06:39ZQue risque-t-on à tricher sur son CV ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/310010/original/file-20200114-151839-fhwc38.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=173%2C0%2C4647%2C3209&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Environ deux personnes sur trois mentiraient sur leur CV.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/close-man-back-fingers-crossed-behind-161909432">BlueSkyImage/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Dans le film <em>L’homme qui tua Liberty Valance</em> (titre original, <a href="http://www.dvdclassik.com/critique/l-homme-qui-tua-liberty-valance-ford"><em>The Man Who Shot Liberty Valance</em></a>), sorti en 1962, le réalisateur John Ford fait dire au directeur d’un journal : « dans l’Ouest, quand la légende est plus belle que la réalité, on publie la légende ». De là à vouloir falsifier son CV pour qu’il retienne l’attention des recruteurs sur le marché de l’emploi, il n’y a qu’un pas !</p>
<p>En effet, qui n’a pas été tenté d’enjoliver la réalité de son parcours professionnel ? Changer quelques dates ? S’attribuer quelques résultats ou objectifs atteints par d’autres ?</p>
<p>Une première étude réalisée par le cabinet de recrutement Florian Mantione Institut reprise dans « Le livre noir des CV trompeurs » évalue à <a href="https://www.20minutes.fr/economie/2228971-20180228-65-cv-trompeurs-alarme-florian-mantione-auteur-fondateur-cabinet-recrutement">65 % les CV qui travestissent la réalité</a>. Cette étude a été réalisée en 2018 auprès de 289 chefs d’entreprise, 50 directeurs des ressources humaines et 100 candidats. Dans un article publié la même année, un cabinet spécialisé dans la vérification des CV aboutit exactement aux mêmes chiffre et note que 65 % des CV contrôlés comportent <a href="https://www.challenges.fr/emploi/marche-de-l-emploi/recrutement-les-mensonges-les-plus-frequents-des-candidats-sur-leur-cv_565875">au moins une anomalie</a>.</p>
<p>Mais que risquent les tricheurs ? Notons d’abord que, pour les recruteurs, mentir sur son CV est bien évidemment un critère d’élimination des candidats. D’ailleurs, <a href="https://www.20minutes.fr/economie/2217311-20180208-cinq-mensonges-acceptables-cv">un recruteur sur deux</a> environ déclare avoir recalé un candidat, qui est d’ailleurs tenu de répondre de <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006645884&cidTexte=LEGITEXT000006072050&dateTexte=19930101">bonne foi</a> aux informations nécessaire pour exercer un emploi, après avoir découvert des anomalies dans le CV.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"968945399619903488"}"></div></p>
<p>Si le candidat n’est pas démasqué et qu’il est recruté, le deuxième risque est de se retrouver fort dépourvu au moment d’exercer ses missions. Un interprète qui doit assurer la traduction d’un colloque ou d’une conférence se trouvera en fort mauvaise posture auprès de son auditoire s’il ne maîtrise que très imparfaitement une langue étrangère. De même, le responsable financier qui ne comprendrait pas les notions de liasses fiscales, de clôture de fin d’année, ou encore de budget prévisionnel, sera rapidement confronté au courroux de son employeur. On pourrait multiplier ces exemples qui placent le candidat dans une situation plus qu’inconfortable.</p>
<p>Le troisième risque relève d’un manquement à ce que nous pouvons appeler la déontologie. Même si un contrat de travail ne mentionne aucune clause aux notions de sincérité, de confiance et d’honnêteté, la loyauté et la bonne foi constituent des fondements du droit civil français. Le code du travail dispose ainsi que le contrat de travail doit être <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006900858&cidTexte=LEGITEXT000006072050&dateTexte=20080501">exécuté de bonne foi</a>. Dans ce cas, le candidat retenu risque d’être confronté à la loi. Un menteur patenté s’expose donc à une procédure de licenciement pour faute grave à l’issue incertaine néanmoins.</p>
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<figcaption><span class="caption">Mentir sur son CV, quels sont les risques ? (Le Parisien, 2015).</span></figcaption>
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<h2>Petits arrangements avec la réalité</h2>
<p>Dans les faits, il apparaît toutefois qu’une certaine mansuétude existe sur cette notion de bonne foi de la part des candidats. Il s’agirait d’un « pêché » largement répandu, qui pourrait même constituer une compétence recherchée. Selon la littérature, les estimations varient, mais on estime que <a href="https://www.coachingdecarriere.com/mentir-sur-son-cv-cest-mal-tres-mal/https://www.lci.fr/societe/fraude-au-cv-les-employeurs-verifient-tellement-peu-que-cest-devenu-normal-de-tricher-1502237.html">70 % à 90 % des candidats trouvent normal</a> d’arranger leur CV. Il ne s’agit pas d’un mensonge mais plutôt une manière d’améliorer ses chances en « tordant » quelques éléments du CV pour montrer que l’on est la bonne personne pour la bonne place. En quelque sorte, on peut parler de petits arrangements avec la réalité plutôt que de gros mensonges.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/310021/original/file-20200114-151862-gwgxb9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/310021/original/file-20200114-151862-gwgxb9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/310021/original/file-20200114-151862-gwgxb9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/310021/original/file-20200114-151862-gwgxb9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/310021/original/file-20200114-151862-gwgxb9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/310021/original/file-20200114-151862-gwgxb9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/310021/original/file-20200114-151862-gwgxb9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un recruteur sur deux environ déclare avoir recalé un candidat après avoir découvert des anomalies dans le CV.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/angry-boss-looking-candidate-failed-job-1511804429">Motortion/Shutterstock</a></span>
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<p>Pour résumer, on peut classer les « tricheries » dans deux catégories : celles qui relèvent d’une fraude manifeste et sont éliminatoires, et les autres, ces fameux petits arrangements qui prêtent moins à conséquence.</p>
<p>Dans la première catégorie, on trouve les tromperies portant sur un diplôme, un titre, un permis ou une qualification. Il s’agit « d’erreurs » assez répandues (un <a href="https://etudiant.lefigaro.fr/les-news/palmares/detail/article/fraude-au-diplome-un-candidat-sur-quatre-triche-sur-son-cv-8820/">candidat sur quatre</a>). Attention ! Elles sont assez rédhibitoires pour les recruteurs – et surtout risquées. Les grandes écoles ont souvent des annuaires d’anciens élèves et le candidat peut en effet être rapidement démasqué. Quant à l’usurpation de diplômes professionnels (infirmiers, médecins par exemple), l’usage, sans droit, d’un titre attaché à une profession réglementée expose les contrevenants à des sanctions pénales. Sans parler ici d’un faux permis de conduire poids lourds ou autre. Il s’agit là fort heureusement de cas très marginaux, mais <a href="https://www.europe1.fr/societe/affaire-jean-claude-romand-le-faux-medecin-va-sortir-de-prison-ce-vendredi-3906843">qui existent néanmoins</a>.</p>
<p>Dans une catégorie similaire, on peut évoquer tous les mensonges liés aux compétences, qu’il s’agisse de la maîtrise des langues, d’un logiciel ou d’un savoir-faire particulier. Le risque ici est de ne pas pouvoir assumer les missions attachées à un poste particulier. Si le CV peut faire illusion, il y a fort à parier que le candidat ne se trouve dans une situation inconfortable lors de l’entretien. Sans parler du moment où le candidat finalement retenu sera incapable de réaliser le travail pour lequel il est recruté.</p>
<h2>Attirer l’œil des recruteurs</h2>
<p>Enfin, on trouve dans cette catégorie des « fraudes manifestes », comme les mensonges sur la carrière ou les responsabilités exercées. Le risque, là encore, est que la supercherie soit découverte. Les exemples sont nombreux : s’attribuer des compétences de managers ou de dirigeants sans avoir exercé ses fonctions, travailler dans une entreprise qui n’a jamais existé, exagérer des succès et des objectifs atteints par d’autres.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/310026/original/file-20200114-151848-1r7y22t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/310026/original/file-20200114-151848-1r7y22t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/310026/original/file-20200114-151848-1r7y22t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/310026/original/file-20200114-151848-1r7y22t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/310026/original/file-20200114-151848-1r7y22t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/310026/original/file-20200114-151848-1r7y22t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/310026/original/file-20200114-151848-1r7y22t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">70 % à 90 % des candidats trouvent normal d’arranger leur CV.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/resume-close-concept-false-information-about-1162664680">Goffkein.pro/Shutterstock</a></span>
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</figure>
<p>Alors, c’est la crédibilité du candidat qui est en cause et la relation de confiance qui pourra être rapidement altérée. Bref, à ne tenter qu’avec une extrême modération.</p>
<p>S’agissant des petits arrangements, ils sont également nombreux. On peut ainsi se trouver une adresse à proximité de l’employeur dans le souci de montrer que l’accessibilité sera facilitée. Ou indiquer que l’on est mobile, une notion qui prête à interprétation. Il est ainsi plus facile d’habiter au Mans et travailler à proximité de la gare Montparnasse que de devoir traverser Paris aux heures de pointe.</p>
<p>Le candidat peut également « tirer » sur le temps en ne précisant pas les mois d’arrivée et de départ des entreprises dans lesquelles il a travaillé. Cela est d’autant plus anodin que les expériences ont été longues.</p>
<p>Adapter son CV en fonction des compétences requises reste recommandé. Il ne s’agit pas ici de mentir, mais plutôt d’omettre ou d’insister sur certains éléments particuliers qui attirent l’œil des recruteurs au regard des compétences recherchées.</p>
<p>En bref, le salarié s’expose surtout s’il s’attribue des compétences ou un diplôme (relevant d’une profession réglementée) qu’il n’a pas. Il pourra néanmoins toujours invoquer que, s’il a triché, il appartenait à l’employeur, conformément à la <a href="http://www.recrutons.fr/controle-de-cv-mythe-ou-realite.html">loi du 3 décembre 1992</a>, de vérifier les informations présentes sur les CV avant toute embauche !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/129931/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hubert Jaspard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si le recruteur détecte une anomalie, le candidat a évidemment de grandes chances d’être recalé. Toutefois, certains arrangements avec la réalité restent tolérés.Hubert Jaspard, Enseignant vacataire, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1285692019-12-17T17:40:39Z2019-12-17T17:40:39ZMigrants : un droit au travail fondamental snobé par la France<p>Qui se souvient que le 18 décembre est la journée internationale des migrants, instaurée par les <a href="https://undocs.org/fr/A/RES/55/93">Nations unies en 2001</a> ?</p>
<p>Elle fait écho à la <a href="https://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=IV-13&chapter=4&clang=_fr">Convention internationale</a> sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, une convention ratifiée par 55 pays, dont ne fait pas partie la France. Une situation régulièrement dénoncée par les <a href="https://blogs.mediapart.fr/marche-des-solidarites/blog/111219/18-decembre-18h-egaux-egales-personne-nest-illegal">militants des droits de l’Homme</a>.</p>
<p>Dans un contexte où, pour reprendre les <a href="https://www.ohchr.org/FR/Issues/Migration/Pages/MigrationAndHumanRightsIndex.aspx">termes du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme</a>, « les droits des migrants en transit, aux frontières internationales et dans les pays où ils se déplacent sont systématiquement bafoués », cette journée fait écho avec les débats autour du rôle essentiel du <a href="https://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/CMW.aspx">travail</a> dans les dynamiques migratoires. Une question souvent passée sous silence au profit des seuls enjeux sécuritaires ou humanitaires.</p>
<h2>Les migrants, groupes vulnérables</h2>
<p>Pour la comprendre il faut revenir à la <a href="https://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/">Déclaration universelle des droits de l’homme</a> de 1948.</p>
<p>Fondateur, ce document ne précise cependant pas comment ces droits doivent être mis en œuvre concrètement. À partir de 1965, l’ONU entreprend donc de détailler le contenu des droits fondamentaux et adopte pour ce faire un ensemble de conventions (neuf à ce jour), qui pour la plupart <a href="https://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/CoreInstruments.aspx">concernent des situations propices aux abus</a> ou des groupes particulièrement vulnérables.</p>
<p>On peut par exemple citer la Convention sur l’élimination de la discrimination raciale (1965), la Convention contre la torture (1984), celle relative aux droits de l’enfant (1989), ou encore la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (1979). En 1990, c’est au tour des migrants d’être reconnus comme un groupe vulnérable.</p>
<p>En tant qu’étrangers, les migrants sont en effet moins protégés, surtout s’ils sont en situation irrégulière.</p>
<p>Comme l’indique son titre, la Convention conçoit le migrant comme un travailleur migrant, ou alors comme le membre de la famille d’un travailleur migrant (conjoint.e, enfants). Cette approche peut surprendre : l’existence des migrants ne se résume pas au travail et de nombreuses ONG, comme <a href="https://www.hrw.org/fr/topic/migrants">Human Rights Watch</a> par exemple, parlent de façon plus générale des droits des migrants et des réfugiés.</p>
<h2>Favoriser la paix sociale</h2>
<p>Cette approche reprend en réalité un mandat historiquement associé à l’Organisation internationale du travail (OIT), une institution créée en 1919 dans le cadre du Traité de Versailles, et en même temps que la Société des Nations. L’objectif est de favoriser la paix non seulement par l’entente entre gouvernements, mais aussi par la paix sociale – et donc par l’établissement de conditions de travail qui évitent le chômage et la misère.</p>
<p><a href="https://www.ilo.org/global/standards/subjects-covered-by-international-labour-standards/migrant-workers/lang--fr/index.htm">Aux yeux de l’OIT</a>, cet objectif requiert de protéger les droits des travailleurs étrangers sur la base d’un raisonnement qui, bien que vieux d’un siècle, n’a rien perdu de son actualité.</p>
<p>Bien qu’inhérent à une économie mondialisée, le recours à la main-d’œuvre étrangère s’accompagne parfois, et en particulier dans les secteurs peu qualifiés du marché du travail, d’un effet de type dumping, qui voit les employeurs sous-payer les migrants et exercer ainsi une pression vers le bas sur les salaires de tous les travailleurs, <a href="https://theconversation.com/limmigration-represente-t-elle-une-menace-pour-les-salaires-et-lemploi-113502">migrants ou non</a>.</p>
<p>Il convient donc de limiter les différences de traitement entre nationaux et étrangers, ce qui évitera la compétition entre eux – et toutes les conséquences néfastes d’une telle compétition en termes de racisme ou de rejet des populations immigrées.</p>
<h2>Le travail comme trait d’union</h2>
<p>Le travail apparaît ainsi comme un trait d’union entre populations nationales et étrangères, qui les unit dans une même cause plutôt que de les opposer.</p>
<p>Dans la logique nationale qui domine les débats sur l’immigration, les droits des étrangers sont souvent associés à une réduction des privilèges accordés aux citoyens. C’est là un argument classique des mobilisations hostiles aux migrants, qui exigent que l’État se montre plus généreux à l’égard des nationaux – et moins généreux à l’égard des étrangers. En revanche, si on raisonne en termes de travail, la protection des étrangers bénéficie à tous car elle empêche une course vers le bas qui pénalise l’ensemble des travailleurs.</p>
<p>En France comme ailleurs en Europe, le <a href="https://www.gisti.org/spip.php?article6062">travail des sans-papiers</a> est flexible, précaire et sous-payé.</p>
<p>Les États, s’ils procèdent de temps en temps à des régularisations, préfèrent en général fermer les yeux, ce qui est totalement contradictoire avec leur volonté affichée de lutter contre l’immigration irrégulière.</p>
<p>Même les tenants d’une ligne dure contre l’immigration devraient le reconnaître : l’Union européenne prévoit un budget de près de 35 milliards d’euros pour la période 2021-2027 pour la gestion de ses <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_18_4106">frontières</a> ; mais plutôt que de dépenser des sommes aussi colossales, il serait sans doute plus judicieux (et moins coûteux) de contrôler l’emploi clandestin du travail des étrangers sur les lieux de travail.</p>
<p>Dans certains secteurs <a href="http://www.constructif.fr/bibliotheque/2006-10/un-besoin-permanent-de-migrants.html?item_id=2744">comme la construction</a> par exemple, la main-d’œuvre étrangère est surreprésentée. Mais une telle stratégie déplairait évidemment aux employeurs et s’inscrirait à contre-courant d’une politique générale de réduction du coût du travail.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/hyUNfxClmtE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Manifestation de sans-papiers employés du BTP via l’agence d’intérim Défi technology (Paris XIIᵉ), Ils demandent leurs droits et leur régularisation. (Révolution permanente).</span></figcaption>
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<h2>Le spectacle de la frontière</h2>
<p>Au lieu de cela, la crise des migrants et des réfugiés en Europe a, une nouvelle fois, alimenté le <a href="https://www.opendemocracy.net/en/beyond-trafficking-and-slavery/border-spectacle-of-migrant-victimisation/">« spectacle de la frontière »</a>.</p>
<p>L’attention se porte sur le franchissement clandestin des frontières, sur les naufrages des embarcations de migrants, sur les patrouilles européennes qui viennent (ou non) à leur rescousse, etc. Mais que deviennent ces migrants lorsqu’ils quittent l’espace de la frontière ? Ils travaillent, bien sûr, et le plus souvent dans les pires conditions possible.</p>
<p>Par exemple, en 2016, l’Union européenne a conclu un accord avec la <a href="https://theconversation.com/refugees-out-of-sight-out-of-mind-two-years-on-from-eu-turkey-deal-93451">Turquie</a> pour que cette dernière contienne les réfugiés en provenance de Syrie et les empêche de gagner l’Europe via la Grèce et la route des Balkans.</p>
<p>C’est ainsi que près d’un million de Syriens, y compris des <a href="https://mrmondialisation.org/turquie-des-enfants-syriens-forces-a-fabriquer-des-vetements/">enfants</a>, se retrouvent sur le <a href="https://portail.bastamag.net/Travail-force-et-esclavage-moderne-sont-de-retour-en-Europe">marché du travail turc</a> dans des conditions qui s’apparentent à de l’exploitation, voire de l’esclavagisme. La situation risque de perdurer car ils ne peuvent ni rentrer dans leur pays, ni demander l’asile dans un autre pays.</p>
<p>Si cela bénéficie à leurs employeurs, cela crée de <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/migrants/beaucoup-de-travailleurs-turcs-ont-perdu-leur-emploi-aistanbul-les-syriens-ne-sont-plus-les-bienvenus_3583657.html">fortes tensions avec la population locale</a>, qui s’estime lésée par la concurrence que représente cette main-d’œuvre.</p>
<h2>Les migrants, un rouage essentiel de l’économie mondiale</h2>
<p>Protéger les travailleurs migrants reste donc toujours d’actualité. A l’heure actuelle, le monde compte environ <a href="https://www.ilo.org/global/topics/labour-migration/lang--fr/index.htm">258 millions de migrants internationaux</a>, et 164 millions d’entre eux travaillent.</p>
<p>Ils constituent un rouage essentiel de l’économie mondiale, puisqu’ils sont à la fois nécessaires aux économies développées en mal de main d’œuvre et aux régions plus pauvres qui dépendent des fonds qu’ils envoient dans leur pays.</p>
<p>Mais la Convention adoptée par l’ONU il y 29 ans, le 18 décembre 1990, n’a toujours pas été ratifiée par les principaux États d’immigration occidentaux comme la France ou le Royaume-Uni. La <a href="https://www.senat.fr/questions/base/2011/qSEQ111221640.html">raison évoquée</a> est celle de l’intrusion de l’ONU dans leur droit souverain de gouverner l’admission et le traitement des étrangers. Le travail migrant reste donc un angle mort de la gouvernance de la mondialisation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128569/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Pécoud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le droit au travail des migrants est une question souvent passée sous silence au profit des seuls enjeux sécuritaires ou humanitaires.Antoine Pécoud, Professeur de sociologie, Université Sorbonne Paris NordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1261232019-11-07T19:29:19Z2019-11-07T19:29:19ZFight for $15, le nouveau visage de l’action syndicale aux États-Unis<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/300446/original/file-20191106-12470-1vajyr4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C55%2C2034%2C1305&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La convergence des luttes, l'une des clés du succès du mouvement Fight for $15.</span> <span class="attribution"><span class="source">Bob Simpson / Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En France, le sentiment à l’égard des actions syndicales tend à osciller entre le rejet et l’indifférence, entre le ras-le-bol des <a href="https://actu.orange.fr/france/pecresse-les-usagers-pris-en-otage-par-la-greve-surprise-a-la-sncf-magic-CNT000001kjxZ7.html">« otages de la grève »</a> et le fait que, « désormais, quand il y a une grève, <a href="https://www.rtl.fr/actu/nicolas-sarkozy-quand-il-y-a-une-greve-personne-ne-s-en-apercoit-678157">personne ne s’en aperçoit</a> », selon la pique lancée en 2008 par Nicolas Sarkozy, alors président de la République. </p>
<p>La prévisibilité et la redondance des actions syndicales tendent ainsi à rendre inaudible le message et les raisons de la colère des salariés, ce qui se contribue à réduire le pouvoir des syndicats. Le renouvellement des pratiques de contestation apparaît donc comme un enjeu central pour la pérennité de leur mouvement.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"974548265008951297"}"></div></p>
<p>Et si, pour relever ce défi, les syndicats français s’inspiraient de leurs homologues américains ? L’idée pourrait paraître saugrenue tant notre imaginaire collectif associe les États-Unis à un libéralisme débridé plutôt qu’aux luttes sociales… C’est pourtant bien à New York qu’est né en 2012 l’un des mouvements syndicaux les plus innovants et conquérants des dernières décennies, au point d’être qualifié par la presse américaine de <a href="http://inthesetimes.com/working/entry/18365/to_understand_the_power_of_fight_for_15_look_to_mcdonalds">prototype de syndicalisme du XXIᵉ siècle</a> : Fight for $15.</p>
<h2>La surprise, le spectaculaire et le vécu des salariés</h2>
<p>Piloté par la SEIU (<em>Service Employees International Union</em>), l’un des principaux syndicats américains, Fight for $15 vise à établir un salaire minimum de 15 dollars par heure (contre 7,62 dollars au niveau fédéral). Avec des victoires obtenues dans sept États et plusieurs entreprises, on estime que plus de 22 millions d’employés vont bénéficier d’une hausse de salaire, dont le montant annuel global dépasserait les <a href="https://www.nelp.org/publication/impact-fight-for-15-2018/">70 milliards de dollars</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1068261144312365056"}"></div></p>
<p>Trois caractéristiques saillantes du mouvement Fight for $15 ont contribué à son succès :</p>
<ul>
<li><p>une stratégie d’action basée sur la surprise et le spectaculaire ;</p></li>
<li><p>une méthode de communication centrée sur le vécu des salariés vulnérables ;</p></li>
<li><p>et une politique d’alliance large, englobant la société civile et les nouveaux mouvements sociaux.</p></li>
</ul>
<h2>Attirer l’attention des médias</h2>
<p>La première composante de la stratégie de Fight for $15 a été de déplacer le champ de bataille des lieux de travail vers l’arène médiatique. Si le mouvement n’a pas eu recours à des actions de grève classiques sur les lieux de travail, c’est tout simplement qu’il n’en avait pas la possibilité. Pour les salariés précaires et mal payés, initier une grève relève en effet de la gageure. Ni le droit du travail, <a href="https://www.kluwerlawonline.com/abstract.php?area=Journals&id=IJCL2019006">très contraignant aux États-Unis</a>, ni le <a href="https://www.researchgate.net/publication/292979093_Working_for_McDonald%E2%80%99s_in_Europe_The_Unequal_Struggle">système managérial hostile</a> – notamment dans le secteur du fast-food – ne les rendent envisageables.</p>
<p>Face à cette impossibilité, le mouvement a alors misé sur la multiplication de mobilisations qualifiées de « flash mobilisation » par les organisateurs (« mobilisations éclair »). Ces rassemblements avaient généralement pour but d’occuper un restaurant de fast-food pour une courte durée, afin d’éveiller l’intérêt des salariés et de susciter l’attention des médias et du grand public.</p>
<p>D’autres mises en scènes, telles que des flashmobs, organisées devant les restaurants par des groupes de soutien, ou des <a href="https://www.facebook.com/watch/?v=1341250485905665">journées d’actions nationales</a> tous les 3 à 4 mois sont venues compléter le dispositif d’actions de Fight for $15.</p>
<p>Ce flot quasi continu d’actions locales a contribué à créer un mouvement d’ampleur nationale jouissant d’une forte visibilité, dans tous les médias.</p>
<p>Fight for $15 a ainsi mis en évidence qu’à l’heure de la connectivité et de la viralité, l’impact d’une action syndicale peut se compter au moins autant en nombre de « vues », de « like » et de « partages » qu’en nombre de journées de travail perdues pour grève ou de manque à gagner pour l’employeur en termes de chiffre d’affaires.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/300445/original/file-20191106-12506-l6cb0e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/300445/original/file-20191106-12506-l6cb0e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/300445/original/file-20191106-12506-l6cb0e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/300445/original/file-20191106-12506-l6cb0e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/300445/original/file-20191106-12506-l6cb0e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/300445/original/file-20191106-12506-l6cb0e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/300445/original/file-20191106-12506-l6cb0e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/300445/original/file-20191106-12506-l6cb0e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.facebook.com/Fightfor15/videos/1055518147812235/?v=1055518147812235">Capture d’écran de la vidéo « Why Derrell Fights for $15 » qui cumule plus d’1,2 millions de vues</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les salariés précaires au cœur du « storytelling »</h2>
<p>Le deuxième élément clef de la stratégie de Fight for $15 a été de placer le sort des salariés – et non celui des syndicats – au centre de leur communication.</p>
<p>Pour l’observateur français, la communication du mouvement est déroutante. Lors des manifestations, dans les messages sur Facebook ou sur Twitter, peu voire pas de trace de logos syndicaux. Devant les caméras, pas – ou très peu – de prise de paroles des leaders syndicaux. Dans les discours, peu voire pas de recours au traditionnel vocable syndical (capital, classe, exploitation, par exemple).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/300309/original/file-20191105-88409-1vcrlus.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/300309/original/file-20191105-88409-1vcrlus.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/300309/original/file-20191105-88409-1vcrlus.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/300309/original/file-20191105-88409-1vcrlus.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/300309/original/file-20191105-88409-1vcrlus.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/300309/original/file-20191105-88409-1vcrlus.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/300309/original/file-20191105-88409-1vcrlus.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/300309/original/file-20191105-88409-1vcrlus.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les logos des syndicats ne sont pas mis en avant sur les pancartes lors des manifestations.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/bobbosphere/26773450656/">Bob Simpson/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En lieu et place, le mouvement Fight for $15 a mis en scène le vécu et les souffrances endurées par ces millions de travailleurs mal payés, en organisant leur propre prise de parole. Cette stratégie efficace de « storytelling » a largement facilité l’acceptabilité du message auprès du grand public. Comme l’a résumé un responsable des communications impliqué dans la mouvement :</p>
<blockquote>
<p>« C’est très facile de critiquer une idée. Mais il est beaucoup plus <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/bjir.12482?af=R">difficile de critiquer le vécu d’une personne</a> en difficulté ».</p>
</blockquote>
<h2>Mobiliser la société civile</h2>
<p>Si en France, les syndicats se sont en grande partie tenus à l’écart – et ont été tenus à l’écart – d’initiatives telles que « Nuit debout » ou les « gilets jaunes », le mouvement Fight for $15 a, au contraire, fortement misé sur la convergence avec les autres mouvements de protestation qui ont émergé ces dernières années outre-Atlantique.</p>
<p>Il a tout d’abord repris le mot d’ordre d’<a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/occupy-wall-street-ne-savoue-pas-vaincu-139014">Occupy Wall Street</a>, né en 2011 et qui proteste contre la mainmise des 1 % les plus nantis sur l’économie ; puis il s’est allié avec la mouvance <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/usa/etats-unis-black-lives-matter_3583497.html">Black Lives Matter</a> qui dénonce depuis 2013 la surreprésentation des personnes issues de minorités parmi les travailleurs pauvres ; il a plus récemment fait cause commune avec <a href="https://theconversation.com/fr/topics/metoo-45285">#MeToo</a>, le mouvement devenu mondial en 2017 et qui vise à lutter les violences à caractère sexuelles dont ces travailleurs peuvent être victimes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1191886786223624194"}"></div></p>
<p>Fight for $15 s’est donc appuyé sur un important réseau d’organisations militantes pour croître. Fort de moyens <a href="https://www.foxbusiness.com/politics/fight-for-15-fast-food-campaigns-suffering-funding-cut">financiers conséquents</a> mais d’une capacité limitée à atteindre les salariées très précaires, le syndicat derrière le mouvement a choisi de déléguer une partie du travail de terrain à des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0896920517745685">associations militantes locales</a>, dont les moyens tendent à être plus restreints mais qui bénéficient d’une grande proximité avec les populations fragiles.</p>
<h2>Un succès difficile à répliquer</h2>
<p>Le mouvement Fight for $15 apparaît donc comme une bouffée d’air frais pour le monde syndical et illustre comment une stratégie ambitieuse et innovante rend possible l’acquisition de nouveaux droits à grande échelle.</p>
<p>Néanmoins, aussi impressionnantes que soient ses victoires, elles sont loin d’être totales. Le mouvement n’a en effet pas permis de rééquilibrer durablement les relations employeurs-employées dans les milieux de travail précaires, car faute d’avoir réussi à syndiquer ces entreprises, le rapport de force reste localement largement à l’avantage du management.</p>
<p>Par ailleurs, si le mouvement fascine à l’étranger, il reste difficile de répliquer son succès n’est pas chose aisée. Les tentatives d’exportation du mouvement Fight for 15, y compris en France, se sont révélées pour le moment <a href="https://www.researchgate.net/publication/327650974_Lost_in_translation_la_delicate_importation_de_la_campagne_Fight_for_15_en_France">infructueuses</a>, en raison principalement de l’inertie des principaux acteurs syndicaux et de leurs divisions.</p>
<p>Ces difficultés rappellent alors que ce mouvement est la résultante d’un long processus d’évolution entamé il y a une trentaine d’années outre-Atlantique, guidée par la prise de conscience que sans changement significatif de son modèle, le syndicalisme états-unien pouvait disparaître.</p>
<hr>
<p><em>Cet article sur le travail de recherche : <a href="https://www.researchgate.net/publication/327650974_Lost_in_translation_la_delicate_importation_de_la_campagne_Fight_for_15_en_France">« Lost in translation : la délicate importation de la campagne Fight for 15 en France »</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/126123/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Né en 2012, ce mouvement est parvenu à augmenter le salaire minimum dans plusieurs États et entreprises sans recourir aux grèves classiques. Une inspiration pour le syndicalisme français ?Vincent Pasquier, Professeur en GRH et relations professionnelles, HEC MontréalMarcos Barros, Associate professor, Grenoble École de Management (GEM)Thibault Daudigeos, Professeur Associé au département Homme, Organisations et Société, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1190172019-06-26T14:56:37Z2019-06-26T14:56:37ZTaxation des CDD, ou comment réinventer la roue<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/281370/original/file-20190626-76743-4dsy9q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C0%2C997%2C666&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les différentes mesures de taxation n'ont pas eu d'effet sur l'évolution du nombre de contrats courts.</span> <span class="attribution"><span class="source">Kichigin / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>On se souvient de la <a href="https://www2.editions-tissot.fr/actualite/droit-du-travail/securisation-de-l-emploi-majoration-de-la-contribution-chomage-pour-les-cdd">loi relative à la sécurisation de l’emploi</a> promulguée le 14 juin 2013. Il s’agissait alors d’une transposition des dispositions de l’ANI (accord national interprofessionnel) conclu le 11 janvier 2013 par les partenaires sociaux. Cette loi prévoyait la taxation des contrats à durée déterminée (CDD) dès le 1<sup>er</sup> juillet 2013. C’est ainsi que la contribution d’assurance-chômage due par les employeurs, qui était de 4 %, a été majorée. Le taux est passé à :</p>
<ul>
<li><p>7 % pour les contrats d’une durée inférieure ou égale à un mois ;</p></li>
<li><p>5,5 % pour les contrats d’une durée supérieure à 1 mois et inférieure à 3 mois ;</p></li>
<li><p>4,5 % pour les contrats d’usage d’une durée inférieure ou égale à 3 mois.</p></li>
</ul>
<p>Dans certains cas dérogatoires, les entreprises ont bénéficié du maintien du taux à 4 % lorsque le salarié était recruté en contrat à durée indéterminée à l’issue de son CDD ; pour tous les contrats de travail temporaire ; pour les CDD de remplacement ; et pour les contrats conclus avec des employés de maison.</p>
<h2>Un pas en avant, un pas en arrière</h2>
<p>En contrepartie de cette taxation, les entreprises ont bénéficié d’une exonération de contribution chômage en cas d’embauche d’un jeune de moins de 26 ans en CDI pendant une durée de 3 mois (4 mois pour les entreprises de moins de 50 salariés) dès lors qu’il se poursuivait au-delà de la période d’essai.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/281385/original/file-20190626-76722-n0nnhv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/281385/original/file-20190626-76722-n0nnhv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/281385/original/file-20190626-76722-n0nnhv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/281385/original/file-20190626-76722-n0nnhv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/281385/original/file-20190626-76722-n0nnhv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/281385/original/file-20190626-76722-n0nnhv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/281385/original/file-20190626-76722-n0nnhv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La majoration de la taxation des CDD mise en place en 2013 a pris fin le 31 mars 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Maryna Pleshkun/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Quelques années plus tard, cette majoration est abrogée. Le dispositif disparaît en effet après la signature du <a href="https://www.unedic.org/indemnisation/textes-reglementaires/conventions-dassurance-chomage/protocole-daccord-du-28-mars">protocole d’accord du 28 mars 2017</a> relatif à l’assurance-chômage. La réforme s’applique alors en deux temps :</p>
<ul>
<li><p>À la date d’entrée en vigueur du protocole d’accord pour les CDD conclus pour un surcroît d’activité ;</p></li>
<li><p>18 mois après la date d’entrée du protocole d’accord pour les <a href="https://www.village-justice.com/articles/CDD-usage-definition-conditions,17564.html">contrats d’usage</a> (CDD dans certains domaines d’activités).</p></li>
</ul>
<p>Le 4 mai 2017, la <a href="https://www.legisocial.fr/actualites-sociales/2218-ce-que-la-convention-dassurance-chomage-du-14-avril-2017-va-changer-pour-les-demandeurs-demploi.html">convention d’assurance-chômage du 14 avril 2017</a> est agréée par le ministère du Travail. Les changements entrent en vigueur progressivement à partir du 1<sup>er</sup> octobre 2017 et la majoration a définitivement <a href="https://www2.editions-tissot.fr/actualite/droit-du-travail/cotisation-chomage-fin-de-la-surtaxation-des-cdd-d-usage">pris fin le 31 mars 2019</a>.</p>
<h2>Toujours plus de CDD</h2>
<p>Mardi 18 juin 2019, le premier ministre Édouard Philippe et la ministre du Travail Muriel Penicaud ont annoncé les grandes lignes du projet de réforme de l’assurance-chômage. Parmi les mesures figure notamment une nouvelle taxation des contrats courts, via un système de bonus-malus qui serait mis en œuvre le 1<sup>er</sup> janvier 2020 dans sept secteurs de l’économie, ainsi qu’une taxe de 10 euros par CDD d’usage. En pratique, une entreprise qui utiliserait trop de contrats courts par rapport à d’autres entreprises du même secteur devra payer davantage de cotisations. Ceci permettrait de compenser le surcoût assumé par l’assurance-chômage.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1142925478497574914"}"></div></p>
<p>Il est alors intéressant de se pencher sur l’impact de ces mesures sur l’emploi et de s’interroger sur ce retour en arrière. Les <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2018-026v2.pdf">chiffres de la DARES</a> (Direction de l’Animation de la recherche, des etudes et des statistiques) sont en effet éloquents : ils montrent que le recours aux contrats courts est pléthorique, malgré les mesures de taxation. Ainsi, l’étude souligne que l’usage du CDD s’est profondément transformé depuis 25 ans : 12 % des salariés (hors intérim) étaient en CDD en 2017.</p>
<p>La hausse du nombre de recours au CDD résulte aussi de la réduction de la durée moyenne de ces derniers. Ainsi, en 2017, la proportion des contrats très courts parmi les CDD, d’une durée inférieure à un mois, s’élevait à 83 %, contre 57 % en 1998.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/281367/original/file-20190626-76705-1h54med.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/281367/original/file-20190626-76705-1h54med.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=487&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/281367/original/file-20190626-76705-1h54med.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=487&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/281367/original/file-20190626-76705-1h54med.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=487&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/281367/original/file-20190626-76705-1h54med.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=612&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/281367/original/file-20190626-76705-1h54med.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=612&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/281367/original/file-20190626-76705-1h54med.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=612&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://ses.ens-lyon.fr/images/actualites-rapports-etudes-et-4-pages/2018-06-21-dares-da026-graph1.jpg">Dares</a></span>
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<p>Environ 30 % des CDD ne duraient qu’une seule journée et 40 % des salariés avaient un contrat de moins d’un mois au cours d’un trimestre donné. Le rapport de la DARES révèlait d’ailleurs que le taux de rotation de la main-d’œuvre augmentait fortement, passant de 29 % en 1993 à 96 % en 2017, essentiellement sous l’effet du développement des CDD très courts</p>
<p>Ces chiffres interrogent sur un « changement des comportements d’embauche important », selon la DARES. Depuis 1993, la part de CDD à l’embauche a été <a href="http://bit.ly/2KUCa7Q">multipliée par quatre</a> pour les établissements de plus de 50 salariés, passant de 20,5 % en 1993 à 84 % en 2017. Le gouvernement Philippe s’attaque donc à une forme de précarité qui n’est pas nouvelle avec des mesures qui ont déjà été mobilisées et qui ne semblent pas avoir fait leurs preuves.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119017/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Le projet de réforme de l’assurance-chômage prévoit un nouveau dispositif de taxation pour les contrats courts. Les dernières mesures en la matière n’ont pourtant jamais eu d’effet sur leur volume.Caroline Diard, Professeur associé en Management des Ressources Humaines et Droit - Laboratoire Métis - Membre de l'AGRH, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1096102019-01-10T16:25:42Z2019-01-10T16:25:42ZDroit du travail: qu'est-ce qui a changé en 2018 ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/253130/original/file-20190109-32127-1748who.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Parmi les changements en droit du travail en 2018, une troisième semaine de vacances pour les employés dès leur troisième année de service.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Plus de vacances et d'accommodements, moins de discrimination et de harcèlement, et un employeur qui prend le chemin de la prison pour négligence criminelle, une première…</p>
<p>L’actualité juridique en droit du travail a été marquée par plusieurs évènements en 2018. Ils influenceront très certainement les droits et obligations autant des employeurs que des travailleurs.</p>
<p>Je vous propose une courte rétrospective.</p>
<h2>Février : accommodement raisonnable pour les accidentés</h2>
<p>Le début de l’année a été plutôt difficile pour le milieu patronal. En effet, dans l’affaire Caron, la Cour suprême du Canada a opéré un revirement historique en imposant à l’employeur <a href="https://www.canlii.org/fr/ca/csc/doc/2018/2018csc3/2018csc3.pdf">l’obligation d’accommoder un accidenté du travail</a> atteint de limitations fonctionnelles.</p>
<p>De concert avec la CNESST (<a href="https://www.cnesst.gouv.qc.ca/Pages/accueil.aspx">Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité au travail</a>), l’employeur devra dorénavant mettre en place des mesures d’accommodement plus larges que celles de réadaptation déjà financées par le régime public de réparation des lésions professionnelles.</p>
<h2>Mars : Walmart montre la porte à ses employés handicapés</h2>
<p>Le géant du commerce de détail <a href="https://www.ledevoir.com/societe/524167/walmart-met-fin-a-son-programme-d-embauche-d-handicapes-intellectuels">met fin au programme de formation professionnelle</a> de personnes atteintes d’une déficience intellectuelle ou d’un trouble du spectre de l’autisme, pour des raisons plutôt obscures.</p>
<p>Cette décision qui avait toutes les apparences d’un cas de <a href="https://www.ledevoir.com/opinion/idees/524443/licencier-des-personnes-handicapees-une-decision-d-affaires-legitime">discrimination en emploi</a> a d’ailleurs soulevé l’indignation de la population. La multinationale a fait volte-face quelques jours plus tard. Comme quoi les médias sociaux peuvent parfois influencer positivement les décisions d’affaires, à l’heure où la responsabilité sociale des entreprises constitue de plus en plus un indicateur de performance décisif.</p>
<h2>Mai: payer des étudiants moins cher, c’est discriminer</h2>
<p>La convention collective à l’Aluminerie de Bécancour accordait automatiquement un salaire moins élevé aux étudiants par rapport aux employés habituels, pour le seul motif qu’ils travaillent exclusivement pendant l’été pour payer leurs études.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/253131/original/file-20190109-32145-12tlcdt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/253131/original/file-20190109-32145-12tlcdt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/253131/original/file-20190109-32145-12tlcdt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/253131/original/file-20190109-32145-12tlcdt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/253131/original/file-20190109-32145-12tlcdt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/253131/original/file-20190109-32145-12tlcdt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/253131/original/file-20190109-32145-12tlcdt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Payer des étudiants moins chers sous prétexte qu'ils sont étudiants, c'est de la discrimination, tranche un Tribunal.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Le Tribunal des droits de la personne a tranché que cette pratique constitue de la <a href="https://www.canlii.org/fr/qc/qctdp/doc/2018/2018qctdp12/2018qctdp12.pdf">discrimination salariale fondée sur le statut social et l’âge</a>, laquelle est interdite par l’article 19 de la <em>Charte des droits et libertés de la personne</em>. En plus d’ordonner à l’employeur de modifier la clause discriminatoire de la convention collective, le Tribunal accorde la somme de 1 000 dollars en dommages moraux à chaque plaignant ainsi que le versement rétroactif du salaire perdu.</p>
<h2>Juin : la réforme des normes du travail</h2>
<p>Sous l’égide de l’ancien gouvernement libéral de Philippe Couillard, une <a href="http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=5&file=2018C21F.PDF">réforme</a> somme toute timide à la <em>Loi sur les normes du travail</em> a été adoptée, axée autour d’une volonté d’améliorer la conciliation famille-travail.</p>
<p>Parmi les <a href="https://www.journaldemontreal.com/2018/12/24/les-conges-a-surveiller-pour-la-conciliation-famille-travail">changements qui sont entrés en vigueur le 1er janvier</a> 2019, un salarié pourra refuser de travailler plus de deux heures supplémentaires par jour, sauf certaines exceptions. À compter de la troisième année de service, il aura également droit de cumuler une semaine de vacances additionnelle, pour un total de trois semaines par année.</p>
<p>L’employeur aura quant à lui l’obligation d’adopter une politique de prévention de harcèlement psychologique et de traitement des plaintes, y incluant le harcèlement sexuel dans la foulée du #moiaussi. À ce titre, le salarié possède maintenant deux années à partir de la dernière manifestation de harcèlement pour déposer une plainte à la CNESST.</p>
<h2>Septembre : un employeur prend le chemin de la prison</h2>
<p>Pour une première fois au Québec, un employeur a été déclaré <a href="https://www.canlii.org/fr/qc/qccq/doc/2018/2018qccq1071/2018qccq1071.pdf">coupable d’homicide involontaire</a>, à la suite d’un accident du travail mortel dont a été victime un de ses employés. Le non-respect des normes en santé et sécurité au travail par cet entrepreneur en excavation a été à l’origine de l’effondrement des parois d’une tranchée. Le travailleur a été mortellement enseveli.</p>
<p>Sylvain Fournier a été condamné à <a href="https://www.canlii.org/fr/qc/qccq/doc/2018/2018qccq6747/2018qccq6747.pdf">18 mois d’emprisonnement</a>.</p>
<h2>Octobre : la légalisation de la marijuana</h2>
<p>Les employeurs ont vécu un véritable « bad trip » avec la légalisation du cannabis à des fins récréatives.</p>
<p>Beaucoup d’entre eux ont dû <a href="https://ordrecrha.org/ressources/dossiers-speciaux/cannabis/comment-sadapter-legalisation-du-cannabis-milieux-travail">resserrer leur politique, ou carrément en adopter une</a>, au sujet de l’interdiction d’avoir en sa possession cette substance sur les lieux du travail ainsi que d’être sous son effet pendant les heures de travail, parfois même lors de périodes précédant le début de la prestation de travail.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/253133/original/file-20190109-32151-vp4kc5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/253133/original/file-20190109-32151-vp4kc5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/253133/original/file-20190109-32151-vp4kc5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/253133/original/file-20190109-32151-vp4kc5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/253133/original/file-20190109-32151-vp4kc5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/253133/original/file-20190109-32151-vp4kc5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/253133/original/file-20190109-32151-vp4kc5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le cannabis devenu légal, les employeurs ont vécu un véritable « bad trip »</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Gageons que des contestations syndicales sont à venir. Les tests de dépistage actuellement disponibles ne permettent pas d’identifier précisément le moment de la consommation.</p>
<h2>Novembre : les cadres ne peuvent pas se syndiquer</h2>
<p>Cassant la décision du Tribunal administratif du travail, la Cour supérieure déclare que <a href="https://www.canlii.org/fr/qc/qccs/doc/2018/2018qccs4781/2018qccs4781.pdf">l’exclusion des cadres du <em>Code du travail</em> est valide constitutionnellement</a> et ne les empêche pas d’exercer autrement leur liberté d’association.</p>
<p>En étant des représentants de l’employeur, ils ne peuvent tout simplement pas s’insérer dans un régime de syndicalisation conçu pour des salariés.</p>
<h2>À suivre en 2019:</h2>
<p>§ La décision de la Cour d’appel sur l’obligation de réaffecter un salarié incompétent à un autre poste, avant de pouvoir le congédier administrativement ;</p>
<p>§ Le projet de loi controversé au sujet de l’interdiction de signes religieux chez les fonctionnaires en autorité ;</p>
<p>§ Les orientations de la CNESST sur la nouvelle démarche d’accommodement ;</p>
<p>§ La proposition du gouvernement Legault d’abolir toutes les clauses orphelins.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/109610/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sébastien Parent ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Plus de vacances et d'accommodements, moins de discrimination et de harcèlement, et un employeur qui prend le chemin de la prison pour négligence criminelle. Revoyez l'année 2018 en droit du travail.Sébastien Parent, Chargé de cours en droit du travail à la Faculté de droit de l’Université de Montréal et à Polytechnique Montréal, chercheur doctoral au CRIMT et avocat membre du Barreau du Québec, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.