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écosystèmes – The Conversation
2024-03-12T16:04:05Z
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2024-03-12T16:04:05Z
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Quand les cormorans huppés collaborent avec les biologistes
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/580672/original/file-20240308-30-hix4g6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2619%2C2005&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Par les pelotes qu'ils rejettent, les cormorans livrent régulièrement de précieuses informations sur la biodiversité marine aux scientifiques.</span> <span class="attribution"><span class="source">Philippe Maes/Université Bretagne Sud</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Voici une pelote de réjection de cormoran huppé, <em>Gulosus aristotelis</em>, posée sur la vitre d’un scanner de bureau. Je l’ai ramassée avec beaucoup d’autres en mai 2012 sur l’îlot Er Valueg, non loin de l’île de Houat, à une quinzaine de kilomètres au large de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/bretagne-35081">côte du Morbihan</a>. Ces <a href="https://theconversation.com/fr/topics/oiseaux-20808">oiseaux</a> marins rejettent à peu près une pelote par jour sur les îlots qu’ils fréquentent toute l’année. Ils s’y retrouvent en période de reproduction mais aussi le reste du temps pour se toiletter, interagir socialement, digérer, dormir, et aussi… pour régurgiter des pelotes entre deux sessions de pêche en mer.</p>
<p>Les pelotes contiennent les restes non digérés des proies des cormorans. Ils attrapent et engloutissent tout ce qui bouge sous la surface de la mer : essentiellement des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/poissons-21149">poissons</a>, mais aussi des crevettes et d’autres crustacés. Parmi ces restes, on peut voir ici des fragments de crâne, des vertèbres et même, au centre de la pelote sur cette image, la petite bille transparente d’un cristallin, reste indigeste d’un œil de poisson.</p>
<h2>Récolteur de pelotes</h2>
<p>Si je suis devenu ramasseur de pelotes, c’est en fait pour étudier la biodiversité marine. Peu de recherches sont menées pour caractériser les peuplements de poissons côtiers, qui entrent largement dans le régime alimentaire d’<a href="https://www.documentation.eauetbiodiversite.fr/notice/00000000015df173f15a0ec0cffbb6ff">espèces exploitées par la pêche</a>. Ainsi, merlans, merlus, lieus, bars, des poissons habituels des étals de nos marchés, sont <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.0022-1112.2004.00400.x">des prédateurs de petites espèces côtières communes</a> tels le lançon ou le tacaud, sans grande valeur commerciale. De plus, ces petites espèces abondantes et ordinaires sont une composante essentielle de la biodiversité marine, un peu comme le sont les oiseaux communs de nos jardins. Ainsi leur suivi temporel à long terme permet de réaliser un état des lieux des écosystèmes et nous renseigne globalement sur leur évolution.</p>
<p>Il est donc intéressant de mieux connaître l’état des peuplements de ces espèces. L’abondance des différentes espèces fluctue-t-elle avec les saisons ? Ou d’une année à l’autre ? Est-elle dépendante de facteurs environnementaux comme la température et donc du réchauffement global ? Le biologiste peut aussi avoir besoin de mesurer certains paramètres biologiques de ces espèces comme leur vitesse de croissance ou encore de déterminer quelle est leur période de reproduction.</p>
<p>Mais pour répondre à ces questions, il faut des moyens en mer : bateaux, lignes, filets… Il faut aussi prélever des spécimens toute l’année, par tous les temps, en toutes saisons. Et répéter ces campagnes plusieurs années de suite, pour consolider les données. La méthode est à la hauteur du questionnement, mais coûte très cher et demande beaucoup de temps et d’énergie. Idéalement il faudrait, pour le chercheur biologiste que je suis, sous-traiter cette phase de prélèvements : trouver une main-d’œuvre motivée, compétente et capable d’échantillonner à bas coût par tout temps. Bref, il faut un plan B.</p>
<h2>Des déchets pleins de données</h2>
<p>La main-d’œuvre est justement fournie par les cormorans huppés et la pelote sur l’image montre comment ils nous font parvenir leurs échantillons. De fait, il est possible d’en ramasser tout au long de l’année sur les îlots de la côte sud-morbihannaise où stationnent les cormorans. Ensuite, au laboratoire, en triant et étudiant les restes non digérés qui s’y trouvent, nous obtenons des indices sur ce que ces oiseaux marins chassent et mangent, et donc sur les espèces de poissons présentes dans les zones prospectées.</p>
<p>Les éléments qui nous intéressent tout particulièrement ici sont les « otolithes » : ces petites concrétions blanches en forme d’écaille ou de pointe de lance visibles sur l’image. L’otolithe, littéralement « pierre d’oreille », fait partie de l’oreille interne des poissons osseux, organe de l’équilibre qui leur permet de capter et ressentir leurs mouvements dans les trois directions de l’espace.</p>
<p>La forme des otolithes est <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/journal-of-the-marine-biological-association-of-the-united-kingdom/article/abs/t-harkonen-guide-to-the-otoliths-of-the-bony-fishes-of-the-northeast-atlantic-256-pp-hellerup-denmark-danbiu-aps-1986-price-5200/9D245F52472A7FD0D81EB5262EDA427C">propre à chaque espèce de poisson</a>. Ce sont eux qui nous permettent d’identifier les proies des cormorans huppés, de les dénombrer, et même d’en calculer la taille ou la masse, celles-ci étant proportionnelles à la longueur de l’otolithe. On peut mentionner que ces otolithes enregistrent aussi les caractéristiques du milieu dans lequel a vécu le poisson, entre leurs cernes de croissance semblables à celles des arbres, <a href="https://www.inc.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/biodiversite-lotolithe-un-gps-chimique-dans-loreille-des-poissons">mais c’est une autre histoire</a>.</p>
<h2>Reconstituer les cycles de vie des petits poissons côtiers</h2>
<p>Notre suivi à long terme montre qu’une bonne vingtaine d’espèces différentes peuvent être capturées par les cormorans de la côte sud du Morbihan. Certaines sont présentes toute l’année, d’autres nettement saisonnières. C’est le cas du chabot par exemple, un poisson benthique (c’est-à-dire vivant sur le fond de l’océan). La <a href="https://cdnsciencepub.com/doi/10.1139/f70-227">littérature mentionne</a> que les chabots mâles, qui surveillent et défendent leurs œufs, ne fuient pas les prédateurs, voire même les attaquent, et ce quelle que soit leur taille. Ce comportement expliquant l’abondance d’otolithes de chabot dans les pelotes en hiver et la <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1095-8649.2002.tb02489.x">surmortalité des mâles à cette période</a>. Le gobie est capturé pour les mêmes raisons mais un peu plus tard que le chabot, <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1095-8649.2002.tb01743.x">sa reproduction s’étendant d’avril à août</a>.</p>
<p>Autre exemple : le tacaud commun, un poisson à croissance rapide se reproduisant en fin d’hiver. Ici, les adultes sont trop gros pour les cormorans, et les otolithes vus dans les pelotes à partir d’avril-mai correspondent exclusivement à la capture de jeunes tacauds de l’année. Leur croissance peut être déduite des longueurs d’otolithes mesurées au fil des mois. On sait ainsi que de mai à septembre leur croissance est linéaire et d’environ 7 cm. En déduisant la date correspondant à de jeunes tacauds de 0 cm, on peut aussi remonter à la date de ponte, qui se situe vers la 3<sup>e</sup> semaine de mars. Intéressant à savoir quand on sait que le tacaud est au menu du merlu, espèce pêchée et d’intérêt économique.</p>
<p>Sans s’en douter, le cormoran huppé est devenu un collaborateur, un auxiliaire du biologiste, fonctionnant comme un engin de pêche à maille fine rapportant dans ses pelotes un échantillonnage régulier et ininterrompu de petits poissons côtiers communs. Dans le contexte actuel, où les changements globaux impriment des modifications de plus en plus importantes dans le fonctionnement des écosystèmes, ce type de suivi à long terme fournit un jeu de données permettant de décrire un état biologique initial des écosystèmes côtiers. Cela permet de dresser une sorte de « point zéro » auquel se référer en cas de grosse variation climatique ou d’un accident environnemental imprévu. Ce travail de suivi permet de voir qu’en réalité, l’état initial est dynamique et caractérisé par de fortes variations saisonnières ou interannuelles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221764/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Maes a reçu des financements de l'Agence des Aires Marines Protégées</span></em></p>
Cette pelote, constituée des restes de proies non digérés par un cormoran, contient de précieuses données que les biologistes qui les ramassent utilisent pour suivre la biodiversité marine.
Philippe Maes, Maître de conférences en biologie marine, Université Bretagne Sud
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tag:theconversation.com,2011:article/222320
2024-02-15T10:46:24Z
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Comment mesure-t-on la perte de biodiversité ? L’exemple de l’Afrique
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/575668/original/file-20240214-28-o5b6x2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La biodiversité africaine est aujourd'hui menacée par les crises climatiques et environnementales.</span> <span class="attribution"><span class="source">Emmanuel Fourmann</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>À l’échelle planétaire, les messages d’alerte se multiplient quant au déclin de la diversité biologique des espèces. Une crise qui touche les habitats et les pools génétiques et qui résulte de la dégradation des écosystèmes, ces lieux où le vivant interagit avec son environnement. <a href="https://www.wwf.fr/rapport-planete-vivante">75 % des milieux terrestres et 40 % des milieux marins sont touchés</a>. <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/biodiversite-presentation-et-informations-cles">Un million d’espèces</a> sont menacées d’extinction dans le monde.</p>
<p><a href="https://www.collectionreperes.com/l_economie_africaine_2024-9782348081903">Une étude menée en 2023</a> par les experts de l’AFD et de l’Observatoire du Sahel et du Sahara (OSS) confirme cette dégradation écologique en Afrique, avec des zones particulièrement préoccupantes dans le nord-ouest et le sud du continent, ainsi que dans plusieurs régions de Madagascar. Mais pour parvenir à cette conclusion, il faut d’abord se mettre d’accord sur les bonnes façons de mesurer la perte de biodiversité, une question loin d’être triviale.</p>
<h2>Afrique : une biodiversité remarquable</h2>
<p>Avec plus de 50 000 espèces végétales, 1100 espèces de mammifères (dont près de 200 variétés de primates), environ 2500 espèces d’oiseaux et une riche diversité d’amphibiens et de reptiles, l’Afrique abrite des <a href="http://www.oss-online.org/sites/default/files/2022-06/OSS-LivreEcosystemesAfrique.pdf">écosystèmes variés</a>.</p>
<p>Elle compte également huit des 34 <a href="https://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosbiodiv/index.php?pid=decouv_chapA&zoom_id=zoom_a1_4">« réserves critiques de biodiversité »</a> listées en 1989 par Conservation International, telles que la forêt côtière de l’Ouest africain ou l’ensemble formé par Madagascar et les îles de l’océan Indien.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Au-delà de son rôle fondamental dans le fonctionnement et la résilience des écosystèmes, la biodiversité est le socle de la subsistance et de l’existence des communautés humaines. Et notamment celles des ménages ruraux pauvres, qui dépendent très directement des écosystèmes.</p>
<p>Comment mesurer cette érosion de la biodiversité ?</p>
<h2>Une méthode pour mesurer la dégradation écologique</h2>
<p>En 2022, <a href="http://www.oss-online.org/">l’Observatoire du Sahara et du Sahel</a> (OSS) a compilé selon la méthode ENCA les informations provenant de bases de données internationales selon une approche <a href="https://www.cbd.int/doc/publications/cbd-ts-77-fr.pdf">développée sous l’égide de la Convention pour la diversité biologique</a>.</p>
<p>Cette méthode <a href="https://unece.org/fileadmin/DAM/stats/documents/ece/ces/ge.33/2018/mtg2/COPERNICEA_document.pdf">ENCA</a> a été mise en œuvre par différentes équipes (WWF, UICN, Université d’Antananarivo, OSS) dans différentes zones et pays (Afrique, Amérique latine, Asie, France), ce qui a permis d’en apprécier la faisabilité, l’intérêt et la fiabilité.</p>
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<p>Les comptes ENCA utilisent une unité non monétaire, l’ECU (<em>Ecosystem Capability Unit</em>, unité de capabilité écosystémique), qui a un statut comparable à celui de la <a href="https://theconversation.com/reduction-des-emissions-du-bon-usage-du-cout-de-la-tonne-de-co-evitee-207509">« tonne-équivalent CO<sub>2</sub> »</a> dans la comptabilité du carbone : c’est une valeur conventionnelle virtuelle permettant de quantifier les responsabilités des divers acteurs économiques.</p>
<p>Pour chaque écozone, s’appuyant sur les données consolidées provenant d’une quarantaine de bases de données internationales en accès libre, les comptes ENCA intègrent la mesure du carbone organique de la biomasse et du sol, de l’eau et de l’intégrité de la biodiversité. De quoi fournir un indicateur synthétique de la « capabilité écosystémique totale » locale (ou CET), définie comme le potentiel des écosystèmes à fournir des services au cours du temps et à se renouveler durablement.</p>
<p>Les comptes <a href="http://oss-online.org/sites/default/files/2023-05/ArfikENCA.pdf">AfrikENCA</a> couvrent ainsi le continent africain et l’île de Madagascar, de 2001 à 2020 et à l’échelle de 200 874 zones écologiques (écozones) d’une taille d’environ 12 x 12 km, <a href="http://www.oss-online.org/sites/default/files/2023-07/AfrikENCA.pdf">agrégées par bassins versants</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/574751/original/file-20240210-22-ezl961.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/574751/original/file-20240210-22-ezl961.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574751/original/file-20240210-22-ezl961.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=146&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574751/original/file-20240210-22-ezl961.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=146&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574751/original/file-20240210-22-ezl961.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=146&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574751/original/file-20240210-22-ezl961.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=184&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574751/original/file-20240210-22-ezl961.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=184&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574751/original/file-20240210-22-ezl961.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=184&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte Afrique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Base de données AfrikENCA, calculs F. Mar, A. Ben Romdhane, T. Tapsoba, J.L. Weber et E. Fourmann</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>La diminution de la valeur en ECU du CET d’une écozone reflète donc une détérioration de son capital naturel. Si elle est stable ou s’améliore sur une période assez longue, c’est le signe du bon état probable de l’écosystème. On peut additionner la CET des écozones, lesquelles peuvent être regroupées selon une approche écologique (bassin versant, aire protégée, corridor écologique) ou administrative (commune, district, pays, région).</p>
<h2>Forte dégradation</h2>
<p>Ces comptes ont déjà permis d’offrir un regard sur <a href="http://www.oss-online.org/sites/default/files/2023-07/AfrikENCA.pdf">l’évolution de la couverture forestière</a>, sur les aires protégées abritant des espèces menacées, sur la dynamique des écosystèmes au sein de la <a href="https://theconversation.com/grace-a-la-grande-muraille-verte-une-meilleure-qualite-de-vie-dans-le-sahel-205421">Grande muraille verte</a> et sur les enjeux du stress hydrique affectant l’Afrique du Nord.</p>
<p>Tandis que la population en Afrique a crû de 35 % entre 2010 et 2019, la production a quant à elle augmenté de 40 % et le revenu moyen par tête est resté assez stable, avec des gains modestes (+5 % en 2019 par rapport à 2005) probablement effacés par la pandémie de Covid-19.</p>
<p>Sur la même période, la CET par habitant a fortement décru (-30 %), ce qui signifie à la fois une perte de ressources pour les populations dont les moyens d’existence sont très dépendants des services écosystémiques et une dégradation du potentiel des écosystèmes à se maintenir, à s’adapter au changement climatique et à fournir des services à l’avenir.</p>
<p>Ce constat rejoint celui formulé en 2021 par un <a href="https://www.gov.uk/government/publications/final-report-the-economics-of-biodiversity-the-dasgupta-review">rapport indépendant sur l’économie de la biodiversité</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/574750/original/file-20240210-24-zsag4j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/574750/original/file-20240210-24-zsag4j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574750/original/file-20240210-24-zsag4j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574750/original/file-20240210-24-zsag4j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574750/original/file-20240210-24-zsag4j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=328&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574750/original/file-20240210-24-zsag4j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574750/original/file-20240210-24-zsag4j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574750/original/file-20240210-24-zsag4j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=412&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Afrique : Produit intérieur brut, Démographie et Capital écosystémique 2010-2020 (base 100 en 2010).</span>
<span class="attribution"><span class="source">PIB : Banque Mondiale (PPA, prix constants 2017) ; Population : WorldPOP ; CET : OSS AfrikENCA</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>60 % des écozones en situation « non soutenable »</h2>
<p>La CET de certaines écozones baisse continûment sur les quinze dernières années (de 2005 à 2019) et de façon accélérée sur les cinq dernières années (2015 à 2019), indiquant une dégradation des écosystèmes liée notamment à leur surexploitation. Ces écozones en dégradation écologique « continuelle » sont qualifiées de non soutenables et cela pose la question de l’avenir des 750 millions d’Africains qui y vivent.</p>
<p>Plus de 60 % des écozones sont en situation non soutenable et, dans la base AfrikENCA, 36 % (un tiers !) ont perdu plus de 10 % de leur capabilité écosystémique totale sur les cinq dernières années. Par contraste, les autres écozones sont réputées soutenables. Mais sur les 200 874 écozones du continent, elles ne représentent que 39 %.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/574753/original/file-20240210-20-2hol5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/574753/original/file-20240210-20-2hol5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/574753/original/file-20240210-20-2hol5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/574753/original/file-20240210-20-2hol5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/574753/original/file-20240210-20-2hol5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/574753/original/file-20240210-20-2hol5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/574753/original/file-20240210-20-2hol5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/574753/original/file-20240210-20-2hol5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Situation des écozones de la base AfrikENCA (*ppa = parité de pouvoir d’achat).</span>
<span class="attribution"><span class="source">AfrikENCA, calcul des auteurs</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>La carte ci-dessous montre la proportion des écozones soutenables dans chacun des sous-bassins versants. Les zones les plus rouges sont composées à plus de 90 % d’écozones en situation non soutenable, caractérisant un risque pour la croissance économique. À l’inverse, les zones les plus vertes abritent peu d’écozones non soutenables.</p>
<p>Cette première vue d’ensemble montre l’étendue du problème, la disparité des situations et les zones où des investigations doivent être poursuivies, afin d’affiner l’analyse et confirmer par des études de terrain, le lieu, les causes et l’intensité de la dégradation écosystémique constatée.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/575646/original/file-20240214-22-c30cpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/575646/original/file-20240214-22-c30cpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/575646/original/file-20240214-22-c30cpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=647&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/575646/original/file-20240214-22-c30cpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=647&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/575646/original/file-20240214-22-c30cpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=647&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/575646/original/file-20240214-22-c30cpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=813&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/575646/original/file-20240214-22-c30cpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=813&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/575646/original/file-20240214-22-c30cpe.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=813&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Localisation des écozones non-soutenables par sous-bassins versants (période 2005-2020).</span>
<span class="attribution"><span class="source">AfrikENCA, calcul des auteurs</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Des populations rendues vulnérables</h2>
<p>En croisant avec les données spatialisées de production et de population, on observe que les écozones non soutenables concentrent 55 % du PIB de l’Afrique et 57 % de sa population. On peut légitimement s’interroger sur l’avenir à moyen terme de la production, notamment agricole, au regard de l’évolution du capital naturel qui le sous-tend plus ou moins directement, et par extension sur l’avenir des communautés elles-mêmes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/changement-climatique-et-agriculture-les-economistes-alertent-sur-la-necessite-dintensifier-les-efforts-dadaptation-en-afrique-subsaharienne-218184">Changement climatique et agriculture : les économistes alertent sur la nécessité d'intensifier les efforts d'adaptation en Afrique subsaharienne</a>
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<p>Pour les populations pauvres et rurales qui dépendent fortement des ressources naturelles, leur exposition aux risques environnementaux est forte et leur vulnérabilité s’accroît. Plus de 750 millions de personnes vivent ainsi sur des écozones non soutenables, dont 157 millions dans des écozones en très forte dégradation écologique (perte de capital naturel supérieure à 25 % depuis 2015).</p>
<p>En filigrane, on peut imaginer que les populations habitant dans des écozones en voie de dégradation importante vivront moins bien et devront à terme migrer vers d’autres lieux.</p>
<h2>Des outils pour s’adapter</h2>
<p>Ces résultats montrent qu’un travail important s’annonce pour adapter les territoires et les économies, pour tenter de ralentir leur « désertification » écologique et économique. Or, les décisions économiques continuent à être prises sur la base d’analyses <a href="https://www.cairn.info/apprehender-les-trajectoires-de-developpement-a-l---1000000148984-page-1.htm?contenu=resume">qui n’intègrent pas les limites biophysiques des écosystèmes et leur résilience</a>.</p>
<p>Mesurer l’état des écosystèmes – une préoccupation qui anime économistes et écologues – est effectivement loin d’être simple. Pourtant, les premières applications d’outils de comptabilité environnementale (comme ENCA) montrent qu’ils peuvent fournir des analyses intégrant les limites biophysiques des écosystèmes.</p>
<p>S’ils sont bien évidemment perfectibles, ces outils peuvent permettre d’éclairer les acteurs concernés – gouvernements, société civile, entreprises et institutions financières – et peuvent contribuer à inventer de nouvelles politiques publiques <a href="https://www.youtube.com/watch?v=3lYClDIBcWQ">conciliant les dimensions économique, sociale et environnementale</a> dans une perspective de soutenabilité forte.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-doit-on-prendre-soin-de-la-biodiversite-220563">Pourquoi doit-on prendre soin de la biodiversité ?</a>
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<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Fourmann ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La méthode ENCA consiste à mesurer l’état de santé des écosystèmes d’un territoire et de fournir une métrique comparable à celle de la « tonne équivalent CO₂ » dans la comptabilité du carbone.
Emmanuel Fourmann, Chargé de recherche, Agence française de développement (AFD)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/218774
2024-01-11T10:45:48Z
2024-01-11T10:45:48Z
Les fonds marins, refuge pour les forêts de gorgones menacées par les vagues de chaleur ?
<p>Au cours des vingt dernières années, les océans du monde ont subi une augmentation notable des épisodes de températures de surface de la mer élevées, <a href="https://theconversation.com/les-oceans-surchauffent-voici-ce-que-cela-signifie-pour-lhumain-et-les-ecosystemes-du-monde-entier-209440">dits vagues de chaleur marine</a>.</p>
<p>Ces événements sont devenus plus fréquents et intenses au fil du temps, entraînant des modifications significatives <a href="https://theconversation.com/changement-climatique-et-ocean-quel-avenir-pour-les-poissons-183465">au sein des écosystèmes marins</a>. Les températures élevées de l’océan conduisent souvent à des mortalités massives <a href="https://doi.org/10.1146/annurev-marine-032122-121437">parmi les organismes marins</a>.</p>
<p>Un phénomène particulièrement prononcé pendant les mois d’été en mer Méditerranée, notamment entre juillet et août. Parmi les <a href="https://theconversation.com/la-mer-en-feu-les-effets-des-vagues-de-chaleur-marines-sur-les-forets-de-gorgones-mediterraneennes-214094">espèces très touchées par cette perturbation environnementale</a> figure la gorgone rouge, <em>Paramuricea clavata</em>.</p>
<p>Des coraux à l’importance écologique majeure en raison de <a href="http://hdl.handle.net/10261/185600">leur rôle d’espèce ingénieur</a>. Lorsque les populations de gorgones rouges atteignent des densités élevées d’individus de grande taille, elles créent des habitats semblables à des forêts sous-marines qui servent de refuge ou de territoire de chasse à de nombreuses espèces, renforçant ainsi la biodiversité locale. Leur déclin peut donc avoir des conséquences dévastatrices sur l’ensemble de l’écosystème marin.</p>
<p>Des <a href="https://ejournals.epublishing.ekt.gr/index.php/hcmr-med-mar-sc/article/view/35564">recherches récentes menées avec plusieurs collègues</a> suggèrent toutefois qu’en trouvant refuge plus profondément dans les mers, où la température augmente moins, les gorgones rouges pourraient échapper aux vagues de chaleur marine.</p>
<h2>Vagues de chaleur marine et mortalité</h2>
<p>On rapporte des épisodes de mortalités massives de gorgones rouges dès les années 1980, mais la fréquence des événements documentés <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0115655">s’intensifie à partir de 1999</a> : 2003, 2006, 2018 et 2022…</p>
<p>Comme les incendies dévastent les forêts terrestres, les vagues de chaleur marines déciment les populations peu profondes en Méditerranée, de l’Espagne à la France et à l’Italie, ainsi qu’en Croatie. Celle de l’été 2022, l’une des plus dramatiques de l’histoire de la Méditerranée occidentale, a été particulièrement meurtrière pour les gorgones rouges, à des profondeurs <a href="https://doi.org/10.1111/gcb.16931">allant jusqu’à 30 mètres</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-mer-en-feu-les-effets-des-vagues-de-chaleur-marines-sur-les-forets-de-gorgones-mediterraneennes-214094">La mer en feu : les effets des vagues de chaleur marines sur les forêts de gorgones méditerranéennes</a>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>La gravité de ces pertes – directement liées <a href="https://doi.org/10.1146/annurev-marine-032122-121437">à la chaleur à la surface de la mer</a> – semble dépendre à la fois de la sévérité de l’augmentation de la température et de la durée pendant laquelle les températures élevées persistent. Deux paramètres qui, ensemble, rendent sa survie de plus en plus difficile.</p>
<h2>Chercher la fraîcheur plus en profondeur</h2>
<p>Malgré cette situation préoccupante, une lueur d’espoir subsiste. La gorgone rouge possède en effet une vaste gamme bathymétrique – en d’autres termes, l’intervalle de profondeur au sein de laquelle l’espèce peut survivre : si cette gamme est large, l’espèce sera présente à la fois en surface et en profondeur.</p>
<p>En l’occurrence c’est le cas, puisqu’on la trouve entre 10 et 200 mètres : quand bien même les populations en surface sont décimées, celles en profondeur restent présentes. À l’inverse, une espèce qui ne se trouverait que dans les premiers 30 mètres de profondeur serait complètement éliminée par les mortalités liées à l’augmentation de la température de l’eau.</p>
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<p>Les relevés de température indiquent en effet que jusqu’à présent, au cours des vagues de chaleur marines la température décroît à mesure que l’on descend en profondeur. Autrement dit, les forêts de gorgones peuvent encore trouver refuge dans des zones plus profondes pour se protéger des menaces qui pèsent sur elles en surface.</p>
<h2>Des données scientifiques insuffisantes</h2>
<p>Malheureusement, la plupart des <a href="https://doi.org/10.3389/fmars.2019.00707">données scientifiques</a> sur les mortalités de gorgones rouges concernent principalement les populations peu profondes, situées à des profondeurs entre 15 et 25 mètres, avec quelques rares cas allant au-delà de 30 mètres.</p>
<p>Récemment, des programmes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/sciences-participatives-28466">sciences citoyennes</a> – souvent menés par des plongeurs récréatifs en scaphandre autonome -– ont joué un rôle essentiel dans la détection précoce de ces événements de mortalité en fournissant des données précieuses. Mais leurs observations sont généralement limitées aux faibles profondeurs.</p>
<p>Grâce aux avancées significatives dans les technologies de plongée sous-marine, les scientifiques sont désormais capables de mener des recherches à des profondeurs inédites. L’adoption des recycleurs à circuit fermé (CCR), qui recyclent l’air expiré, permet des plongées plus longues, et l’utilisation de mélanges de gaz respiratoires, appelés TRIMIX, rendent des plongées possibles à des profondeurs encore plus grandes.</p>
<p>Grâce à ces progrès, notre groupe de chercheurs français (CNRS, Ifremer, Sorbonne et Septentrion Environnement) et espagnols (CSIC) a pu surveiller la santé des populations de gorgones rouges à des profondeurs allant jusqu’à 90 mètres dans la mer Méditerranée.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/une-plongee-dans-les-forets-animales-formees-par-les-gorgones-en-mediterranee-176399">Une plongée dans les « forêts animales » formées par les gorgones en Méditerranée</a>
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<h2>Mortalité en baisse à plus de 40 mètres</h2>
<p>L’analyse des données recueillies auprès de 14 populations de gorgones rouges profondes situées entre 40 et 90 mètres de profondeur, combinée aux données de 29 populations moins profondes provenant d’une initiative de science citoyenne (base de données T-MedNet), a révélé une réduction significative de la mortalité en <a href="https://doi.org/10.12681/mms.35564">dessous du seuil de 40 mètres</a>.</p>
<p>Cette découverte suggère que la zone située en dessous de 40 mètres, également connue sous le nom de zone mésophotique – ou <a href="https://theconversation.com/plongee-au-coeur-des-coraux-crepusculaires-191466">zone crépusculaire</a> en raison de la réduction marquée de la <a href="https://doi.org/10.1007/978-3-319-17001-5_4-1">pénétration de la lumière</a> – peut fonctionner comme un refuge pour la gorgone rouge méditerranéenne, protégeant ses populations des effets néfastes des vagues de chaleur marine.</p>
<p>Ces conclusions confirment l’hypothèse des « refuges de récifs profonds », selon laquelle les populations marines résidant à des profondeurs plus importantes sont moins sensibles aux impacts du changement climatique, en particulier en ce qui concerne l’augmentation des températures de surface de la mer.</p>
<h2>Refuge temporaire</h2>
<p>Notre connaissance des populations situées en dessous de 40 mètres reste cependant limitée, ce qui restreint notre capacité à prédire comment les vagues de chaleur marine les affecteront.</p>
<p>La préservation des populations en profondeur ne perdurera peut-être pas lorsque des vagues de chaleur marine plus fréquentes et plus graves affecteront la température à des profondeurs jusqu’alors non exposées. À ce moment, les populations des zones plus profondes pourraient en outre présenter une tolérance à la chaleur moindre <a href="https://doi.org/10.1016/j.jembe.2007.12.006">que leurs homologues plus superficielles</a> et donc être plus vulnérables.</p>
<p>Par conséquent, ce refuge en profondeur ne protège pas définitivement les gorgones contre les effets du changement climatique. Leur subsistance dépendra surtout de l’étendue de la connectivité entre ces populations (c’est-à-dire, leur capacité à se mêler l’une à l’autre) et de leur réaction aux températures de l’eau en augmentation, paramètres encore mal connus.</p>
<h2>Mieux comprendre pour mieux protéger</h2>
<p>Il est donc capital d’améliorer notre connaissance de la zone mésophotique, de la connectivité entre populations profondes et peu profondes et de la façon dont chaque population s’adapte aux conditions environnementales changeantes, afin de déterminer jusqu’à quand ces refuges perdureront.</p>
<p>Voyons ce refuge temporaire comme un don des profondeurs marines, qui nous offre un délai supplémentaire pendant lequel les populations profondes sont à l’abri des effets du réchauffement climatique. Et profitons au mieux de cette période de répit pour comprendre le fonctionnement de ces forêts sous-marines, des mécanismes de résilience, et éventuellement concevoir des interventions de restauration.</p>
<p>Tout cela ne sera cependant d’aucune utilité si nous ne nous engageons pas à inverser le processus de changement climatique en adoptant des politiques visant à réduire les émissions de CO<sub>2</sub>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218774/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lorenzo Bramanti a reçu des financements de Fondation BNP PARIBAS (DEEPLIFE) et COST Action CA20102 Marine Animal Forests of the World (MAF-WORLD). Cette étude est le résultat d'une collaboration scientifique entre le CNRS, Sorbonne Universitè, Ifremer, Septentrion Environnement et CSIC avec le soutien de la Fondation 1Ocean et de l'UNESCO dans le cadre du projet Arche de Noé de profondeurs.</span></em></p>
En Méditerranée, les vagues de chaleur déciment ces forêts sous-marines essentielles aux écosystèmes. Les gorgones semblent mieux résister dans les profondeurs, mais ce refuge pourrait n'être que temporaire.
Lorenzo Bramanti, Chargé de Recherches CNRS à l'Observatoire Océanologique de Banyuls, au Laboratoire d'écogéochimie des environnements benthiques, Sorbonne Université
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/219268
2023-12-19T19:20:49Z
2023-12-19T19:20:49Z
Quels âges avaient les dinosaures ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/563916/original/file-20231206-25-khhda0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C3%2C1160%2C794&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un tibia d’Ornithomimosaure provenant du gisement d’Angeac-Charente, et une lame mince pour étudier les cernes de croissance dans la section de l’os.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://images.cnrs.fr/photo/20230040_0001">@ Laurence Godart / DIM PAMIR / CNRS</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Voici une section de tibia d’un « dinosaure autruche », ou Ornithomimosaure. Ce nom donné par les paléontologues signifie en grec « lézard qui imite l’oiseau », en raison de la ressemblance morphologique superficielle du squelette de ce dinosaure à celui des autruches modernes. Les Ornithomimosaures ont vécu au Crétacé (entre 140 millions et 66 millions d’années). Ces <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0195667115300847">bipèdes portaient des plumes</a> et pouvaient atteindre <a href="https://www.nature.com/articles/nature13874">jusqu’à 11 mètres de long</a>.</p>
<p>L’Ornithomimosaure propriétaire de ce tibia d’environ 50 cm de long provient du gisement d’Angeac-Charente, en Charente. Ce gisement, daté du Crétacé inférieur (140 millions d’années), a révélé des dizaines de milliers d’ossements, représentant les squelettes désarticulés de différentes espèces de dinosaures, dont <a href="https://bioone.org/journals/geodiversitas/volume-44/issue-25/geodiversitas2022v44a25/Vertebrate-paleobiodiversity-of-the-Early-Cretaceous-Berriasian-Angeac-Charente-Lagerst%C3%A4tte/10.5252/geodiversitas2022v44a25.full">plusieurs espèces de grands dinosaures herbivores et deux grandes espèces de dinosaures carnivores, mais également de tortues, de crocodiles, de lézards, de reptiles volants, d’amphibiens, de poissons, ou encore de mammifères</a>. L’ensemble de ces fossiles ont été déposés et enfouis pendant une durée relativement courte, ce qui permet d’affirmer que ces différentes espèces cohabitaient au sein d’un même écosystème, dont l’environnement était un <a href="https://www.idunn.no/doi/full/10.1111/let.12394">marécage d’eau douce subtropical</a>.</p>
<p>Parmi l’ensemble de ces restes fossilisés, les os attribués à l’Ornithomimosaure sont les plus abondants, en particulier les fémurs et les tibias. Au moins 70 individus d’une même population ont été enfouis à cet endroit. Ils avaient des tailles très différentes, comme en attestent les fémurs et tibias retrouvés qui mesurent de 20 à 50 centimètres.</p>
<p>Si les plus grands fémurs et tibias appartiennent probablement à des individus âgés, quels âges avaient-ils exactement ? Étaient-ils arrivés à maturité ? Combien d’années étaient nécessaires aux plus petits individus pour atteindre la taille des plus grands ?</p>
<h2>Compter l’âge des dinosaures comme celui des arbres</h2>
<p>Depuis 50 ans, les <a href="https://www.app.pan.pl/article/item/app28-225.html">paléontologues étudient l’âge des dinosaures</a>. En effet, connaître l’âge précis d’un individu est un prérequis indispensable pour de nombreux domaines de recherche tels que la biologie du développement — qui étudie comment les organismes croissent et se développent, ou encore la dynamique des populations — qui étudie les fluctuations du nombre d’individus au sein d’une population au cours du temps.</p>
<p>Pour connaître précisément l’âge d’un dinosaure, il faut plonger au cœur de ses os. Chez l’ensemble des vertébrés, la croissance osseuse ralentit et peut même cesser de façon cyclique et saisonnière. L’interruption de la croissance osseuse est visible dans l’épaisseur de l’os, matérialisée sous la forme d’une ligne concentrique sombre, qui rappelle les cernes des arbres. On appelle ces structures des lignes d’arrêt de croissance. De la même façon qu’une durée d’un an sépare deux cernes successifs dans le tronc d’un arbre, deux lignes d’arrêt de croissance successives dans un os indiquent qu’un an s’est écoulé.</p>
<p>Pour estimer les âges de cette population, nous avons donc sectionné 13 tibias et 7 fémurs d’Ornithomimosaure et compté leurs lignes d’arrêt de croissance. Nous avons ensuite mis en relation ces données d’âge avec plusieurs indicateurs de la taille du dinosaure, par exemple la circonférence de la surface externe de l’os. Ceci revient à établir un « modèle » de la croissance de cet animal.</p>
<p>Nous avons ensuite appliqué ce modèle de croissance à 294 fémurs et tibias d’Ornithomimosaures d’Angeac-Charente : connaissant leur taille, on peut maintenant estimer leur âge à partir du modèle sans avoir besoin de les sectionner.</p>
<p>Nos estimations, encore préliminaires, montrent que les plus jeunes individus étaient âgés de un à deux ans et les plus vieux individus de 18 à 20 ans. Ces derniers avaient achevé leur croissance comme le montre l’espacement entre deux lignes d’arrêt de croissance successives qui diminue jusqu’à devenir infime pour les plus grands fémurs et tibias sectionnés. Le profil d’âge du troupeau est fortement asymétrique avec une surreprésentation des individus les plus jeunes centrée autour de 5-9 ans. Nous pensons qu’une mortalité accrue débutant à partir de 6-7 ans pourrait être la cause de cette distribution asymétrique.</p>
<p>Ces données biologiques d’âge et de croissance seront confrontées à des données isotopiques du carbone, de l’oxygène, du calcium et du strontium mesurées dans une cinquantaine de fémurs couvrant l’ensemble de la gamme de taille (et donc d’âge) observée. Ces données isotopiques permettent notamment de retracer les régimes alimentaires. Ainsi il sera possible de comprendre si ces individus partageaient ou non les mêmes ressources environnementales en fonction de leur stade de croissance ; par exemple si les plus jeunes individus avaient un régime alimentaire différent ou non des individus les plus âgés. Cela permettra de comprendre, <em>in fine</em>, comment s’intégrait cette espèce au sein de l’écosystème d’Angeac-Charente.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219268/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean Goedert a reçu des financements du DIM PAMIR. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Ronan Allain a reçu des financements du MNHN, du département de La Charente, de la communauté d'agglomération de Grand Cognac, et de la Mairie d’Angoulême. </span></em></p>
Combien de temps vivaient les dinosaures ? À quel âge étaient-ils « adultes » ?
Jean Goedert, Post-doctorant en paléontologie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Ronan Allain, Maître de conférences en paléontologie, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
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tag:theconversation.com,2011:article/215779
2023-11-15T14:27:05Z
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Le Saint-Laurent manque d’oxygène. Et l’impact est grand pour les petits animaux qui y vivent
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/555875/original/file-20231025-23-oo8vam.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=24%2C0%2C4001%2C2752&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le majestueux Saint-Laurent, joyau à l'importance économique, historique et environnementale, nous rappelle la nécessité de préserver cet écosystème essentiel.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Ludovic Pascal)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les eaux du Saint-Laurent s’essoufflent. Et ce manque d’oxygène en profondeur n’est pas sans conséquence pour les organismes qui vivent au fond. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lestuaire-maritime-du-saint-laurent-est-a-bout-de-souffle-180069">L’estuaire maritime du Saint-Laurent est à bout de souffle</a>
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<p>Mais comment les écosystèmes profonds réagissent-ils à cette désoxygénation ?</p>
<p>Dans un précédent article, nous avons mis en évidence les <a href="https://theconversation.com/lestuaire-maritime-du-saint-laurent-est-a-bout-de-souffle-180069">causes de la diminution de la concentration en oxygène dans les eaux de fond de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent</a>. Ce phénomène, que l’on qualifie d’hypoxie, s’intensifie de plus en plus dans cet environnement. Ici, nous nous penchons sur les impacts de ces faibles teneurs en oxygène sur les organismes vivant au fond de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent et sur le fonctionnement global de cet écosystème. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><strong><em>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/fleuve-saint-laurent-116908">Le Saint-Laurent en profondeur</a></em></strong>
<br><em>Ne manquez pas les nouveaux articles sur ce fleuve mythique, d'une remarquable beauté. Nos experts se penchent sur sa faune, sa flore, son histoire et les enjeux auxquels il fait face. Cette série vous est proposée par La Conversation.</em></p>
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<h2>Les fonds marins, un environnement qui grouille de vie</h2>
<p>Un grand nombre d’organismes vit tout au fond des océans. Ce sont des <a href="https://theconversation.com/decouvrez-six-animaux-fascinants-qui-vivent-au-fond-du-fleuve-saint-laurent-189941">organismes benthiques</a>. </p>
<p>Ce groupe de petits animaux comprend notamment des étoiles de mer, des vers, des crustacés et des mollusques. Ils colonisent la surface du sédiment (on parle alors d’épifaune ; « épi » pour « sur » et « faune » pour « animal ») ou creusent dans le sédiment (on parle dans ce cas d’endofaune ; « endo » pour « à l’intérieur »). </p>
<p>Ces organismes sont peu mobiles et ne peuvent pas se déplacer sur de grandes distances.</p>
<h2>La bioturbation ou l’art de mélanger le sédiment</h2>
<p>Les organismes benthiques ne bougent pas beaucoup, mais ils sont loin d’être inutiles. Au contraire, ils jouent un rôle crucial dans le fonctionnement des écosystèmes benthiques, via la bioturbation. </p>
<p>La <a href="https://doi.org/10.3354/meps09506">bioturbation</a> est un processus qui désigne l’ensemble des activités que les organismes benthiques effectuent sur et dans les sédiments. On peut comparer la bioturbation à ce que font les vers de terre dans nos jardins : ils creusent des terriers, mélangent les grains de sédiment, et injectent de l’eau contenant de l’oxygène dans des zones du sédiment qui en sont dépourvues. </p>
<p>Les organismes benthiques sont donc en quelque sorte les « jardiniers » du fond de l’océan. Et ils contribuent à maintenir un écosystème en bonne santé. En apportant de l’oxygène dans les sédiments, la bioturbation permet à de nombreux organismes de s’y établir, augmente la biodiversité, et favorise la décomposition de la matière organique tout en <a href="https://doi.org/10.1007/s00227-019-3597-y">réduisant la concentration de déchets pouvant être toxiques, tels que les sulfures d’hydrogène</a>.</p>
<h2>Oxygène et bioturbation, une relation pas si simple</h2>
<p>Il y a une vingtaine d’années, des chercheurs ont utilisé des <a href="https://doi.org/10.4319/lo.2007.52.6.2555">modèles pour tenter de prédire les conséquences de la désoxygénation sur les écosystèmes du fond du Saint-Laurent</a>. Leur travail a mis en lumière un élément critique pour anticiper les changements futurs : la réponse de la bioturbation à la diminution d’oxygène.</p>
<p>La désoxygénation peut entraîner plusieurs types de réponses dans les écosystèmes. Dans un scénario de réponse linéaire, l’intensité de la bioturbation diminue de manière graduelle et proportionnelle à la diminution de la concentration en oxygène. Dans de tels cas, il est relativement simple de prédire les conséquences, car la relation est prévisible. </p>
<p>Cependant, il existe un autre type de réponse, non linéaire, caractérisée par un effet seuil. Cela signifie qu’il existe un certain point critique, un seuil, où les réponses changent brusquement. Avant ce seuil, les réponses diffèrent de celles observées après. Ces réponses non linéaires sont associées à la mise en place de mécanismes de résistance (ou compensatoires). Ces mécanismes opèrent à l’échelle de l’individu, de la population (ensemble d’individus de la même espèce à un endroit donné) et/ou de la communauté (ensemble de population à un endroit donné). Ils permettent de compenser les effets d’une perturbation, jusqu’à ce qu’ils ne soient plus suffisants. Ce sont ces mécanismes compensatoires qui rendent difficile de prévoir les conséquences d’une perturbation.</p>
<h2>Une relation qui n’est pas linéaire</h2>
<p>Notre équipe étudie depuis plus de 20 ans la désoxygénation du Saint-Laurent, mais nous n’avions pas encore observé de relation claire entre la bioturbation des communautés d’organismes benthiques et les concentrations d’oxygène.</p>
<p>Une question importante se pose alors : la bioturbation répond-elle linéairement ou non à la diminution d’oxygène ? Est-ce une relation prévisible ?</p>
<p><a href="https://doi.org/10.5194/bg-20-839-2023">La récente chute des concentrations d’oxygène dans les eaux de fond du Saint Laurent</a> nous a permis de répondre à cette question en observant pour la première fois un effet seuil. <a href="https://doi.org/10.1111/gcb.16994">Nous savons maintenant que la relation entre la concentration en oxygène et le fonctionnement des écosystèmes benthiques n’est pas linéaire</a>. </p>
<p>En d’autres termes, ces écosystèmes peuvent résister à la désoxygénation jusqu’à un certain seuil critique, qui est observé à une concentration en oxygène d’environ 60 µM (soit approximativement 20 % de saturation, ou 20 % de ce que la concentration en oxygène dissous devrait être si l’eau était en équilibre avec l’atmosphère). Cette concentration est proche de la valeur à partir de laquelle on parle d’hypoxie. En dessous de ce seuil, les communautés d’organismes benthiques changent, mais, de manière étonnante, sans perte significative de biodiversité. </p>
<p>Par contre, les organismes constituant ces communautés sont beaucoup moins actifs. Ils manquent d’air ! Ils réduisent considérablement leurs déplacements, remontent vers la surface du sédiment et l’intensité de la bioturbation devient pratiquement nulle. </p>
<p>En d’autres termes, dans ces conditions d’hypoxie sévère, les organismes n’ont plus suffisamment d’énergie pour mélanger et irriguer le sédiment.</p>
<h2>Quand la bioturbation cesse, que se passe-t-il ?</h2>
<p>Ces résultats ont de grandes implications sur le rôle des sédiments sur la santé globale des écosystèmes de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent. En effet, lorsque la bioturbation s’arrête, les sédiments ne sont donc ni mélangés ni irrigués efficacement, ce qui entraîne l’accumulation de déchets toxiques très proche sous la surface du sédiment. </p>
<p>À force de s’accumuler, ces déchets pourraient même se propager jusque dans la colonne d’eau et faire fuir des espèces sensibles, en plus d’accentuer la désoxygénation. </p>
<p>Quand et sous quelles conditions cela se passerait-il ? Il s’agit de la question à laquelle nous devons maintenant répondre. </p>
<p>La désoxygénation des eaux de fond du Saint-Laurent est particulièrement préoccupante, car elle est susceptible d’entraîner des changements dans l’abondance et la distribution des ressources halieutiques – soit les pêcheries. Elle entraînerait donc, indirectement, des effets socio-économiques encore peu évalués.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215779/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ludovic Pascal est membre du regroupement inter-institutionnel Québec-Océan et de l'association scientifique Nereis Park. Il a reçu des financements du FRQNT, du réseau de centres d'excellence MEOPAR, et du Gouvernement du Québec (Réseau Québec Maritime, MEIE, MELCCFP). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Gwénaëlle Chaillou a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), des Fonds de Recherche du Québec, des Chaires de Recherche du Canada, et du Gouvernement du Québec (Réseau Québec Maritime, MEIE, MELCCFP). Elle est membre du regroupement inter-institutionnel Québec Océan, de l'ACFAS, de la Geochemical Society et de International Association of Hydrogeologists – Canadian National Committee (IAH-CNC).</span></em></p>
Les eaux du Saint-Laurent s’essoufflent, et les organismes du fond en subissent déjà les effets. Voici comment les écosystèmes réagissent.
Ludovic Pascal, Postdoctorant en biogéochimie marine, Université du Québec à Rimouski (UQAR)
Gwénaëlle Chaillou, professeure de chimie marine à l'Institut des sciences de la mer de Rimouski (ISMER-UQAR), Université du Québec à Rimouski (UQAR)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/214102
2023-10-09T17:46:41Z
2023-10-09T17:46:41Z
Pollution, climat… pourquoi nos lacs de montagne verdissent
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/549659/original/file-20230921-21-xzmfew.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=39%2C63%2C5232%2C3880&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’étang d’Ayès, dans les Pyrénées ariégeoises.</span> <span class="attribution"><span class="source">Dirk S. Schmeller</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>J’ai mis pour la première fois les pieds <a href="https://theconversation.com/pourquoi-le-rechauffement-climatique-saccelere-dans-les-pyrenees-173362">dans les Pyrénées</a> en 2006. Deux ans plus tard, j’y ai entamé une prospection à grande échelle des lacs de montagne et des populations d’amphibiens : d’est en ouest, j’ai ainsi parcouru plus de 100 lacs de montagne des Pyrénées orientales jusqu’au Béarn (Pyrénées-Atlantiques).</p>
<p>Pour nos projets divers, nous sommes revenus les échantillonner régulièrement, au moins une fois par an. C’est ainsi qu’au fil du temps, nous avons constaté des transformations, en particulier la croissance accrue de <a href="https://theconversation.com/dans-les-eaux-de-baignade-les-cyanobacteries-amies-ou-ennemies-204352">cyanobactéries</a> et parfois de dinoflagellés, des algues vertes qui verdissent un grand nombre de lacs. Dès 2012, nous alertions le Parc national des Pyrénées.</p>
<p>Durant toutes ces années, j’ai donc observé beaucoup de « nos » lacs changer de couleur. Certains ont perdu la clarté et le bleu que nous attendons tous d’un lac de montagne, d’autres ont commencé à se teinter d’une couleur verdâtre ou même d’un vert éclatant, notamment à la fin de l’été.</p>
<p>Cette tendance ne touche aucune région plus qu’une autre : on la retrouve aussi bien dans les Pyrénées Ariégeoises que dans les parties centrales des Pyrénées ou à l’ouest dans le Béarn. Il ne s’agit pas d’un phénomène rare et localisé, mais d’un événement de grande ampleur, qui tend à s’étendre dans les années à venir. Nous le remarquons également de l’autre côté de la frontière, dans les Pyrénées catalanes, où mon collègue Marc Ventura a dirigé le <a href="http://www.lifelimnopirineus.eu/es/inicio">projet européen Limnopirineos</a>.</p>
<p>Dans les Alpes, les collègues du Centre de recherche des écosystèmes d’altitude (<a href="https://creamontblanc.org/">Crea</a>) dressent un constat similaire. Même dans les <a href="https://www.nps.gov/articles/algal-booms-mountain-lakes.htm">Rocheuses canadiennes</a>, une croissance évidente des algues a été relevée.</p>
<p>À ce verdissement des lacs, nous avons identifié quatre causes principales.</p>
<h2>Poissons, crustacés et algues qui prolifèrent</h2>
<p>Côté catalan, Marc Ventura a tout d’abord remarqué que la présence de poissons contribuait au phénomène, et que leur éradication rendait aux lacs une couleur bleuâtre. Car pour ceux qui tiqueraient sur le terme d’éradication, précisons que la présence des poissons dans les lacs de montagne n’est pas naturelle : elle est le résultat d’alevinages (c’est-à-dire de peuplements) réalisés pour favoriser le tourisme de la pêche.</p>
<p>Pour mieux comprendre les mécanismes à l’œuvre, il faut savoir que les espèces présentes dans les communautés lacustres de montagne forment un système très complexe, fait d’une quantité ahurissante d’interactions entre elles. La disparition d’une espèce ou d’un groupe d’espèces dans un système aquatique peut ainsi entraîner des changements radicaux.</p>
<p>Dans les lacs que nous avons étudiés, nous constatons par exemple que les crustacés sont beaucoup moins nombreux voire absents en présence de poissons, en particulier de vairons, espèce très commune dans les eaux douces. Les microcrustacés des écosystèmes aquatiques filtrent l’eau pour ingérer de la nourriture, laquelle est essentiellement constituée d’algues : en leur absence, ce déséquilibre incite les algues à proliférer.</p>
<h2>Des insecticides qui tuent les crustacés</h2>
<p>D’après nos <a href="https://theconversation.com/pyrenees-francaises-un-cocktail-toxique-impressionnant-detecte-dans-les-lacs-de-montagne-181860">propres travaux</a> menés dans certains lacs, l’absence ou la forte réduction des crustacés est également engendrée par la pollution. Celle-ci serait notamment due à deux insecticides, la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0048969722015492">perméthrine et le diazinon</a>, qui sont soit utilisés sur le bétail, soit présents dans les insectifuges des touristes.</p>
<p>Nous avons identifié de nombreuses autres molécules chimiques dans l’eau des lacs – <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0048969722015492">141 au total</a> – et l’effet de ce cocktail sur les réseaux alimentaires aquatiques est pour l’instant inconnu. Notons toutefois que nous ne pouvons actuellement détecter qu’une petite partie des molécules organiques, en raison de limitations méthodologiques. La toxicité cumulée de tous les polluants émis par l’homme dans ces environnements demeure par conséquent un mystère.</p>
<p>Il est ainsi probable que nous sous-estimions l’impact global du grand nombre de molécules organiques sur les écosystèmes aquatiques en montagne et ailleurs. Mais il ne fait aucun doute, dans les lacs que nous étudions, que la hausse de la pollution favorise la disparition des microcrustacés et donc la prolifération des algues.</p>
<h2>Les rejets du bétail, nutriments pour les algues</h2>
<p>Ces polluants proviennent probablement du bétail, qui est traité contre les insectes piqueurs à l’aide, par exemple, de Butox ou de traitements vétérinaires similaires, contenant de la deltaméthrine ou de la perméthrine. Appliqués sur la peau, ces insecticides pénètrent dans le sang des bêtes avant d’être rejetés dans l’urine et les excréments.</p>
<p>La molécule active reste largement inchangée et pénètre dans l’eau, alors qu’elle est <a href="https://enveurope.springeropen.com/articles/10.1186/s12302-022-00710-3">hautement toxique pour les crustacés des lacs de montagne</a>, même à une concentration de l’ordre du nanogramme par litre, ce qui est minuscule. En tuant les crustacés, ces insecticides altèrent ainsi profondément le réseau alimentaire aquatique.</p>
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<p>Mais ce n’est pas tout. Pour se développer, les algues ont également besoin de nutriments. Le bétail en fournit en venant s’abreuver dans les lacs avant d’uriner et de déféquer dans l’eau : ces rejets contiennent une forte concentration de nutriments (nitrates et phosphates, entre autres), qui font le bonheur des algues.</p>
<h2>Le changement climatique en cause</h2>
<p>Enfin, ces dernières apprécient aussi la chaleur : elles se multiplient avec des taux de croissance élevés pendant les mois d’été, en particulier quand la température de l’eau dépasse les 20 °C. L’augmentation des températures engendrée par le changement climatique s’ajoute donc aux autres facteurs. Les rives des lacs, surtout des petits et moyens, ont vu leur mercure grimper. En 2022, la bordure du lac de Lhurs, dans le Béarn, avait ainsi atteint plus de 25 °C, à près de 1800 m d’altitude : une aubaine pour les algues.</p>
<p>Ces facteurs sont les principaux, mais il peut y en avoir d’autres : mes propres recherches nous en diront peut-être davantage à l’avenir. Le plus important est de comprendre qu’ils agissent en synergie : nous tuons les crustacés en introduisant des poissons, nous polluons en traitant le bétail puis, une fois les écosystèmes aquatiques de montagne fragilisés, nous contribuons par nos activités à faire augmenter la température des lacs : les algues y trouvent alors les conditions de croissance idéales. Certaines de ces <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0043135423009879">algues sont toxiques</a> et présentent donc un risque pour la santé.</p>
<p>Nos lacs passent ainsi du bleu au verdâtre, du verdâtre au vert vif : pas de mystère à cela, leur couleur vient simplement révéler ce que nous infligeons à nos lacs de montagne, à nos ressources en eau, à la faune, au bétail et à nous-mêmes.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/TKaW25EPSk8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Indicateurs de santé des écosystèmes des lacs de montagne. Crédits : Les montagnes, une source fragile de vie, 21 septembre 2023.</span></figcaption>
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<h2>Comment retrouver des lacs clairs et bleus</h2>
<p>Tout n’est pas perdu, bien heureusement. Les travaux de <a href="https://www.researchgate.net/publication/361705726_Non-native_minnows_cause_much_larger_negative_effects_than_trout_on_littoral_macroinvertebrates_of_high_mountain_lakes#fullTextFileContent">Marc Ventura</a> mettent en lumière qu’il reste possible de faire marche arrière et de rendre aux lacs une couleur bleue et des écosystèmes sains. Mais cela implique de changer la gestion de l’ensemble des lacs de montagne dans les Pyrénées.</p>
<p>Dans un premier temps, il est indispensable de limiter l’empoissonnement à certains grands lacs et de l’interdire dans les autres, pour qu’ils soient réservés à la faune et la flore locales. Y compris dans les Grands Lacs, il est possible de créer des zones inaccessibles aux poissons afin de favoriser les invertébrés, les amphibiens et d’autres espèces aquatiques et semi-aquatiques.</p>
<p>Il s’agit ensuite de diminuer la pollution provoquée par les touristes, le bétail et l’industrie. Notamment en communiquant et en discutant avec les différents acteurs, afin de les alerter sur les risques et d’aboutir avec eux à de vraies solutions plutôt qu’à des compromis insatisfaisants.</p>
<p>Le PNR des Pyrénées ariégeoises a ainsi commencé à sensibiliser les touristes au moins sur l’utilisation des crèmes solaires. C’est un premier pas, bien qu’insuffisant compte tenu de l’éventail des problèmes expliqués ici. Une autre avancée consisterait à limiter l’accès du bétail aux lacs verts, ce qui contribuerait aussi à restaurer les écosystèmes. Enfin, à plus grande échelle, le phénomène alerte une nouvelle fois sur l’urgence de combattre le changement climatique…</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
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</figure>
<p><em>Créé en 2007 pour accélérer et partager les connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, le Fonds Axa pour la Recherche a soutenu près de 700 projets dans le monde entier, menés par des chercheurs originaires de 38 pays. Pour en savoir plus, consultez le site Axa Research Fund ou suivez-nous sur Twitter @AXAResearchFund.</em></p>
<hr>
<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-21-BIRE-0002">BiodivRestore</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214102/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dirk S. Schmeller a reçu des financements de ANR et AXA Research Fund. </span></em></p>
Dans les Pyrénées, de nombreux lacs de montagne ont verdi : un phénomène qui alerte sur les multiples pressions subies par les écosystèmes.
Dirk S. Schmeller, Professor for Conservation Biology, Axa Chair for Functional Mountain Ecology at the École Nationale Supérieure Agronomique de Toulouse, Université de Toulouse III – Paul Sabatier
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tag:theconversation.com,2011:article/214094
2023-10-03T16:35:09Z
2023-10-03T16:35:09Z
La mer en feu : les effets des vagues de chaleur marines sur les forêts de gorgones méditerranéennes
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/549981/original/file-20230925-21-e96mgq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=20%2C8%2C1964%2C1320&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lors d'une plongée, les scientifiques estiment la partie encore vivante des gorgones et les parties «brûlées» en conséquence de vagues de chaleur marines.</span> <span class="attribution"><span class="source">©Alexis Rosenfeld avec l'UNESCO</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Sur cette image, nous pouvons observer les effets dévastateurs d’une vague de chaleur marine sur une forêt méditerranéenne de gorgone rouge (<em>Paramuricea clavata</em>). Tout comme les incendies de forêt détruisent les forêts d’arbres, les vagues de chaleur marines « brûlent » les forêts de gorgones, entraînant la perte d’un habitat d’une grande valeur écologique.</p>
<p>Les gorgones sont des coraux, c’est-à-dire des animaux (et non des plantes) composés de centaines de petits polypes munis de tentacules urticants qui capturent leurs proies dans la colonne d’eau. Elles se distinguent des coraux des récifs coralliens par leurs polypes à huit tentacules (au lieu de six) et par leur squelette flexible, composé non de carbonate de calcium, mais d’une protéine appelée gorgonine.</p>
<h2>Mais si les gorgones sont des animaux, pourquoi parlons-nous de forêts ?</h2>
<p>Les gorgones se caractérisent par une morphologie arborescente et ramifiée, et lorsqu’elles se trouvent en densités suffisamment élevées, elles forment de véritables forêts, très semblables aux forêts d’arbres, à la différence qu’il s’agit d’animaux. C’est pourquoi nous avons dû inventer le terme de <a href="https://doi.org/10.1007/978-3-319-21012-4_1">« forêts animales »</a>.</p>
<p>Ce <a href="https://doi.org/10.1007/978-3-030-57054-5_12">parallélisme avec les forêts d’arbres</a> nous permet, d’une part, d’expliquer au grand public les effets dévastateurs des mortalités massives qui touchent ces organismes. En effet, lorsque nous parlons d’une forêt qui brûle, tout le monde comprend la gravité de l’événement, liée à la perte non seulement des arbres qui composent la forêt, mais aussi de toutes les espèces qui y vivent. Tout le monde sait qu’une forêt est un habitat qui abrite de nombreuses espèces animales grâce à ses conditions microclimatiques favorables.</p>
<p>En revanche, lorsque nous parlons d’une mortalité massive de gorgones due au réchauffement de la colonne d’eau, le message est moins efficace car personne ne tient compte du fait que ce ne sont pas seulement les gorgones qui meurent, mais que toute la biodiversité associée est perdue, c’est-à-dire tous les animaux qui trouvent refuge au sein des forêts de gorgones.</p>
<p>Ainsi, pour comprendre l’ampleur des dégâts causés par les vagues de chaleur marines, il faut imaginer un instant ces forêts sous-marines, un monde foisonnant de vie et de couleurs, abritant une multitude de créatures fascinantes. Tout comme une forêt terrestre offre refuge à une variété d’animaux, les gorgones servent de maison à un éventail diversifié d’espèces marines, des poissons aux crustacés en passant par les invertébrés. Ces précieuses communautés marines prospèrent au sein de ces forêts animales, chacune jouant un rôle crucial dans l’équilibre délicat de l’écosystème.</p>
<p>Du point de vue scientifique, le parallélisme avec les forêts d’arbres nous permet d’utiliser tous les outils intellectuels et pratiques développés par l’écologie forestière et de les appliquer à l’étude de l’environnement marin.</p>
<h2>Comment les vagues de chaleur marines provoquent-elles la mort des coraux ?</h2>
<p>Sur la photo, on voit que la vague de chaleur provoque des nécroses tissulaires qui affectent une partie ou la totalité de la gorgone. Les petites parties encore violettes sont les rares parties vivantes d’une gorgone, tandis qu’à côté, on peut voir les squelettes nus d’autres gorgones ayant perdu tout leur tissu vivant.</p>
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<p>Les mortalités massives de gorgones rappellent le phénomène plus connu de blanchissement des coraux, qui entraîne la [perte de vastes portions des récifs coralliens]. Ces deux phénomènes sont liés à l’augmentation de la température de l’eau… mais la similitude s’arrête là, car les mécanismes sous-jacents sont très différents : le blanchiment des coraux est lié à la <a href="https://doi.org/10.1007/978-94-007-0114-4_23">perte d’algues photosynthétiques vivant en symbiose avec les coraux</a>, qui ne peuvent pas survivre longtemps sans cette symbiose ; tandis qu’en Méditerranée, la mortalité des gorgones est due à une <a href="https://doi.org/10.1111/j.1365-2486.2007.01423.x">infection bactérienne déclenchée par une température trop élevée</a>.</p>
<p>Les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0079661116000057">vagues de chaleur marines</a> sont des périodes relativement courtes au cours desquelles la température de la mer est extrêmement élevée. En <a href="https://doi.org/10.5194/os-19-629-2023">juillet et août 2022</a>, la température de surface de la Méditerranée occidentale a atteint des valeurs extrêmes (jusqu’à 30 °C dans la partie septentrionale) pendant 45 jours, une durée sans précédent. C’est l’effet combiné de la haute température et de la longue durée qui a provoqué l’incendie dévastateur des forêts de gorgones, avec une <a href="https://doi.org/10.1111/gcb.16931">mortalité estimée 142 % plus importante qu’en 2003</a>, la précédente vague de chaleur d’une telle envergure.</p>
<h2>Les conséquences pour les écosystèmes marins</h2>
<p>Avec la disparition des gorgones, toutes les espèces qui en dépendent sont condamnées. Les poissons perdent leurs abris, les crustacés perdent leurs cachettes, et les autres invertébrés perdent leurs refuges. La biodiversité de ces zones marines exceptionnelles s’effondre rapidement, laissant un vide où autrefois régnait une profusion de vie.</p>
<p>Les conséquences de cette perte de biodiversité sur l’écosystème marin sont incommensurables. Les interactions complexes entre les espèces sont perturbées, les <a href="https://doi.org/10.1016/j.ocecoaman.2013.07.004">chaînes alimentaires brisées</a>, et la stabilité de tout l’écosystème est mise en péril. Les <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0102782">effets se propagent bien au-delà des limites des forêts de gorgones, affectant l’ensemble de la biodiversité marine</a>.</p>
<p>Dans ce contexte, il est impératif que nous comprenions l’urgence de préserver ces écosystèmes précieux et de prendre des mesures pour atténuer les effets du changement climatique. L’avenir de nos forêts sous-marines et de la diversité marine qui les habite dépend de notre engagement collectif à préserver la santé de notre planète et de ses océans.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214094/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lorenzo Bramanti a reçu des financements de Fondation BNP PARIBAS (DEEPLIFE); Fondation Prince Albert II de Monaco (ROMERO); COST Action CA20102 Marine Animal Forests of the World (MAF-WORLD)</span></em></p>
Les gorgones forment de véritables forêts animales qui abritent tout un écosystème. Quand elles sont touchées par la chaleur, c’est l’ensemble de la communauté qui en pâtit.
Lorenzo Bramanti, Chargé de Recherches CNRS à l'Observatoire Océanologique de Banyuls, au Laboratoire d'écogéochimie des environnements benthiques, Sorbonne Université
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tag:theconversation.com,2011:article/214168
2023-09-27T20:14:45Z
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Quel développement pour les territoires exposés aux risques côtiers ?
<p>Dans la deuxième moitié du XX<sup>e</sup> siècle, le <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/development/the-world-economy_9789264022621-en">PIB mondial a été multipliée par six</a>. Le <a href="https://theconversation.com/topics/croissance-economique-21197">tourisme</a> qui s’est développé en parallèle, ainsi que la <a href="https://theconversation.com/topics/peche-21609">pêche</a>, l’énergie, l’exploitation minière et l’agriculture ont eu un <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11625-012-0168-2">impact particulièrement important</a> sur les <a href="https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2021-06/20210607_Rapport_The-Climate-Change-Effect-In-The-Mediterranean-Six-stories-from-an-overheating-sea_WWF-min.pdf">écosystèmes côtiers</a>. Le tourisme a été l’une des industries qui a connu la croissance la plus rapide au monde, avec une multiplication par <a href="https://photo.capital.fr/les-chiffres-fous-du-tourisme-mondial-30549#le-nombre-de-touristes-en-augmentation-ininterrompue-depuis-7-ans-527215">27 du nombre de touristes</a>.</p>
<p>Or, la dégradation de ces <a href="https://theconversation.com/topics/ecosystemes-35522">écosystèmes</a> n’est pas sans <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/sites/15e0af5e-fr/index.html?itemId=/content/component/15e0af5e-fr">aggraver les risques</a> pour les populations proches des mers et océans. L’aménagement des littoraux a, par exemple, souvent conduit à faire disparaître des zones humides qui étaient autant de zones d’atténuation des perturbations. Sans ces dernières, les ondes de tempête peuvent déferler à plus grande vitesse vers les terres et atteindre des hauteurs plus importantes.</p>
<p>En 2015, plus de <a href="https://www.senat.fr/rap/r15-014/r15-0143.html">20 % de la population mondiale</a> vivait déjà à moins de 30 km des côtes et, si l’on en croit les projections démographiques, ces résidents seront toujours plus nombreux. Une question majeure qui se pose alors est de comprendre comment ces aires géographiques peuvent trouver un équilibre entre développement humain et conservation des écosystèmes. Comment articuler développement humain et pression anthropique croissante, qu’il importe de limiter sur des écosystèmes qui subissent déjà les effets du réchauffement climatique ?</p>
<p>Pour y répondre, encore faut-il avoir bien identifié les déterminants du développement humain – estimé par la croissance économique – des pays exposés aux risques côtiers. Tel a été l’enjeu d’un travail de recherche qui a analysé le modèle économique de <a href="https://www.conservationgateway.org/ConservationPractices/Marine/crr/library/Pages/coastsatrisk.aspx">54 de ces territoires</a> sur la période 1960-2009, mis en regard de 83 autres.</p>
<h2>Prisonniers d’un cercle vicieux ?</h2>
<p>Plusieurs modèles théoriques de croissance ont été mobilisés afin d’identifier celui correspondant au mieux à l’économie des pays concernés. Le premier constat que nous en avons tiré semble plutôt inquiétant. Parce que leur croissance dépend fortement des ressources naturelles et d’un taux de fécondité élevé, ces pays pourraient être tentés de rechercher des gains économiques à court terme au détriment du moyen terme et de la viabilité de leurs écosystèmes.</p>
<p>Le fort poids des <a href="https://theconversation.com/topics/ressources-naturelles-45642">ressources naturelles</a> dans l’économie et la dépendance aux exportations pénalise pourtant la croissance de ces pays, ce que des <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1766385">travaux antérieurs</a> avaient déjà bien identifié. En effet, la liste des pays qui n’ont pas réussi à utiliser leurs abondantes ressources naturelles pour favoriser le progrès économique et social est longue.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>C’est un phénomène connu sous le nom de « malédiction des ressources naturelles ». Au moins <a href="https://www.hks.harvard.edu/centers/cid/publications/faculty-working-papers/natural-resource-curse">quatre facteurs</a> contribuent à l’expliquer : la volatilité des prix internationaux de ces ressources, l’éviction permanente du secteur manufacturier (ou <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-pourquoi-du-comment-economie-et-social/qu-est-ce-que-le-syndrome-hollandais-7349314">syndrome hollandais</a>), les institutions autocratiques ou oligarchiques et les institutions anarchiques ».</p>
<p>Ces facteurs ne sont pas circonscrits au pays en voie de développement. Le « syndrome néerlandais » était une <a href="https://link.springer.com/article/10.1057/s41294-021-00177-w">explication populaire</a> du processus de désindustrialisation vécu par plusieurs pays développés riches en ressources dans les années 1970 et 1980. Ce syndrome se produit lorsqu’un boom des ressources réduit les incitations à produire localement d’autres biens échangeables non liés aux ressources. Or, dépendre des exportations d’une telle ressource conduit à une appréciation de la monnaie qui pénalise les autres branches de l’économie.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1496440241321918467"}"></div></p>
<p><em>In fine</em>, lorsque l’exploitation des ressources naturelles n’est pas bien gérée, en faveur du bien commun, les revenus élevés, en provenance des devises liées aux exportations, ne se transforment pas en sources de richesse durable pour les pays. Les incitations sont néanmoins fortes à court terme.</p>
<p>Alors que les bénéfices économiques ne se répercutent pas sur la population, les ressources sont souvent surexploitées ou tout simplement épuisées. Cela met en évidence les pressions anthropiques supplémentaires potentielles auxquelles pourraient être confrontées ces zones côtières : conversion des terres à l’agriculture ou à l’aquaculture, construction, travaux publics requis par les exportations de ressources naturelles…</p>
<p>Nous montrons également l’importance particulière dans ces pays du <a href="https://theconversation.com/topics/fecondite-20850">taux de fécondité</a> élevé, qui stimule la croissance. Ce résultat est tout aussi inquiétant car il suggère que la dégradation des écosystèmes côtiers risque de s’accélérer : une population plus nombreuse, c’est davantage de pression à l’exploitation des ressources naturelles et d’urbanisation des littoraux. Il y a par exemple un risque de surpêche : pêcher trop de poissons et surtout trop de poissons qui n’ont pas atteint l’âge de reproduction, menaçant la pérennité de cette population de poissons.</p>
<h2>Des atouts néanmoins</h2>
<p>Il apparaît cependant que ces pays peuvent avoir des caractéristiques propices à une gestion plus durable de ces écosystèmes.</p>
<p>Beaucoup de pays confrontés à des risques côtiers sont par exemple d’anciennes colonies britanniques, caractérisées par un <a href="https://theconversation.com/topics/institutions-63930">cadre juridique</a> de <em>common law</em>, un système politique parlementaire, un degré élevé d’ouverture au commerce international, un faible fractionnement linguistique et ethnique et un faible niveau de corruption dans le secteur public. Ces anciennes colonies britanniques sont généralement considérées comme ayant de <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257%2Faer.91.5.1369&ref=marionomics-economia-y-ciencia-de-datos">meilleures institutions politiques et économiques</a> que les anciennes colonies françaises, portugaises et espagnoles, essentiellement parce que la Grande-Bretagne a colonisé des régions où se sont installés plus de colons, ce qui a poussé à mettre en place un système plus respectueux des droits des individus.</p>
<p>Si en termes des choix politiques, les gains à court terme sont souvent préférés à une bonne gestion locale des écosystèmes, cette préférence est plus faible lorsque les institutions sont de bonne qualité. Certaines <a href="https://www.pnas.org/doi/full/10.1073/pnas.0908012107">études</a> montrent que des institutions stables et légitimes permettent aux pays d’améliorer l’état des écosystèmes coralliens, notamment grâce à des réglementations de pêche et à des zones marines protégées mieux respectées.</p>
<p>Les pays fortement exposés aux risques côtiers se caractérisent également par une moindre <a href="https://theconversation.com/topics/ethnicite-86483">fragmentation linguistique et ethnique</a>, ce qui peut <a href="https://ourarchive.otago.ac.nz/handle/10523/3676">favoriser la qualité des écosystèmes côtiers</a>. Un fractionnement ethnique moindre peut se traduire par de meilleures performances environnementales, car il conduit en moyenne à une plus grande cohésion et à une meilleure communication. Une diversité des intérêts des communautés locales, de leurs structures sociales, culturelles, a souvent conduit à l’échec des projets de conservation de l’environnement marin.</p>
<p>Si la forte dépendance du développement humain à l’exportation des ressources naturelles et à un taux de fécondité élevé peut exacerber la dégradation de ces écosystèmes côtiers, l’amélioration de la qualité de leurs institutions serait ainsi propice à une gestion plus durable de ces écosystèmes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214168/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Farid Gasmi a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche: Programme "Investissements d'Avenir".</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Denis Couvet et Laura Recuero Virto ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>
Les pays côtiers font face à la double contrainte d’une dépendance aux ressources naturelles et de la nécessaire protection de leurs écosystèmes.
Laura Recuero Virto, Pôle Léonard de Vinci
Denis Couvet, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Farid Gasmi, Toulouse School of Economics – École d'Économie de Toulouse
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tag:theconversation.com,2011:article/198746
2023-08-22T20:48:05Z
2023-08-22T20:48:05Z
Morbihan : comment la désertification des paysages sous-marins bouleverse les écosystèmes côtiers
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/541985/original/file-20230809-15-kf1a77.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Champs d'algues laminaires dans le courant à Ouessant, Finistère.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://image.ifremer.fr/data/00565/67735/hd/24712.jpg">Olivier Dugornay, Ifremer</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Mai 2022, Morbihan, dans le sud de la Bretagne. Jean-Claude Ménard, président et fondateur d’<a href="https://www.assoloirevilaine.fr/">Estuaires Loire & Vilaine</a>, une association qui veille depuis plus de 30 ans sur les fonds marins de la région, effectue une plongée de suivi annuel dans la zone des récifs du Mor Braz, la « grande mer » délimitée à l’ouest par la presqu’île de Quiberon et Belle-Île et à l’est par Guérande (par opposition à la « petite mer » que constitue le Golfe du Morbihan).</p>
<p>Cette plongée a pour but d’examiner l’état des forêts d’algues, notamment celles formées par les laminaires, ce groupe d’algues brunes capables de créer des forêts arbustives structurantes pour des centaines d’espèces marines, comme l’ormeau, l’étrille ou le bar.</p>
<p>C’est à l’occasion de cette plongée que Jean-Claude Ménard découvre le véritable bouleversement en cours au sein des récifs bretons du Mor Braz. Sur des hectares, ces champs d’algues, denses et productifs, ont disparu pour laisser place à de véritables déserts sous-marins. Le responsable ? L’oursin <em>Psammechinus miliaris</em>, une espèce présente le long des côtes atlantiques européennes dont les individus adultes mesurent entre 4 et 6 cm. La prolifération de cet herbivore vorace peut entraîner la déforestation des champs algaux, par certains égards équivalente à une désertification des paysages sous-marins.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/541989/original/file-20230809-29-wpxsm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="En broutant les algues qui constituent les forêts sous-marines, l’espèce _Psammechinus miliaris_ a désertifié de nombreux récifs du Mor Braz dans le Morbihan" src="https://images.theconversation.com/files/541989/original/file-20230809-29-wpxsm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541989/original/file-20230809-29-wpxsm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541989/original/file-20230809-29-wpxsm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541989/original/file-20230809-29-wpxsm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541989/original/file-20230809-29-wpxsm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541989/original/file-20230809-29-wpxsm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541989/original/file-20230809-29-wpxsm7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Premier constat en mai 2022 de l’apparition de déserts sous-marins dans le Morbihan. Le responsable ? L’espèce <em>Psammechinus miliaris</em> dont plusieurs individus sont ici visibles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jean-Claude Ménard, Association Estuaires Loire et Vilaine</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Parc éolien, réchauffement, densités humaines…</h2>
<p>Que ce soit en France, en Europe ou dans le monde, les pressions exercées par les activités humaines sur les écosystèmes côtiers, comme ici dans le Mor Braz, sont nombreuses et variées.</p>
<p>Elles peuvent être ponctuelles – comme la construction du premier <a href="https://parc-eolien-en-mer-de-saint-nazaire.fr">parc éolien en mer au large de Saint-Nazaire</a> – ou <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-019-47201-9">chroniques</a>, à l’image des activités de pêche côtière, du réchauffement des eaux sous l’effet du changement climatique ou encore de l’augmentation des densités humaines sur la frange littorale du Morbihan ou de Loire-Atlantique.</p>
<p>On sait aujourd’hui que, tels des réfugiés climatiques, la plupart des espèces marines ont tendance à déplacer leurs aires de population des tropiques vers les hautes latitudes plus tempérées <a href="https://www.nature.com/articles/s41559-020-1198-2">six fois plus vite que les espèces terrestres</a>. Les conséquences de ces migrations à l’échelle régionale peuvent engendrer des bouleversements complexes, <a href="http://dx.doi.org/10.1007/s10021-015-9913-6">parfois irréversibles</a>, dans la structure et le fonctionnement des communautés d’espèces qui jusqu’alors cohabitaient depuis des générations.</p>
<h2>Des changements abrupts qui bouleversent tout</h2>
<p>Contrairement à d’autres régions du globe où réchauffement des eaux côtières et/ou pêche intensive des prédateurs sont identifiés comme facteurs déclencheurs, les causes de la prolifération de l’oursin dans le sud de la Bretagne restent à ce stade méconnues. On peut cependant constater que les déserts sous-marins qu’il laisse derrière lui ont conduit à un appauvrissement drastique de la diversité des espèces sous-marines et de la complexité des habitats sous-marins de la région.</p>
<p>L’apparition de ces « déserts d’oursins », se substituant à des forêts sous-marines complexes, productives et cruciales au maintien de la biodiversité, représente un phénomène <a href="http://dx.doi.org/10.1098/rstb.2013.0269">bien documenté dans plusieurs régions du globe</a> ; il est souvent lié au déclin des prédateurs de ces herbivores voraces (comme les langoustes en <a href="http://dx.doi.org/10.1007/s10021-015-9913-6">Tasmanie</a> ou les poissons de récifs en <a href="http://dx.doi.org/10.1111/oik.05060">Méditerranée occidentale</a>).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/541998/original/file-20230809-21-hzx8dz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/541998/original/file-20230809-21-hzx8dz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541998/original/file-20230809-21-hzx8dz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541998/original/file-20230809-21-hzx8dz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541998/original/file-20230809-21-hzx8dz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541998/original/file-20230809-21-hzx8dz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541998/original/file-20230809-21-hzx8dz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541998/original/file-20230809-21-hzx8dz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Aux antipodes, dans le sud-est de l’Australie, profitant d’une conjoncture favorable (déclin de ses prédateurs et réchauffement des eaux côtières), une autre espèces d’oursin <em>Centrostephanus rodgersii</em> a transformé des centaines d’hectares de forêts sous-marines en véritables déserts comme visible au premier plan sur cette photo.</span>
<span class="attribution"><span class="source">John Turnbull www.marineexplorer.org</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette désertification sous-marine est <a href="http://dx.doi.org/10.1007/s10021-015-9913-6">souvent difficile à inverser</a>, mais peut parfois être remédiée, grâce par exemple à des mesures de restauration de certains prédateurs, comme les loutres de mer sur la côte ouest canadienne pour lutter contre la prolifération de l’oursin pourpre (<em>Strongylocentrotus purpuratus</em>).</p>
<p>Les déserts d’oursins, tels que ceux observés récemment en Bretagne sud, ne sont qu’un exemple parmi d’autres des bouleversements recensés parmi les écosystèmes marins côtiers de la planète. L’eutrophisation, un enrichissement excessif en nutriments des eaux côtières liée à l’agriculture intensive ou aux fortes densités humaines (notamment les eaux usées), peut entraîner le remplacement des forêts sous-marines par des parterres dominés par des algues filamenteuses courtes. Ces dernières piègent les sédiments et maintiennent ainsi les récifs dans un état dégradé associé à une faible productivité et à un véritable anéantissement de la structure complexe des forêts sous-marines. On qualifie cet état de <a href="https://academic.oup.com/bioscience/article/68/2/64/4797262">« turf » </a>(gazon en anglais). </p>
<p>On le voit, les conditions et facteurs qui contribuent à l’apparition de tels changements abrupts s’avèrent complexes et multiples. Même si ces modifications d’états vers des écosystèmes « déprimés » chamboulent profondément à la fois leur fonctionnement et celui des activités humaines qui en dépendent, elles demeurent souvent difficiles à prévoir et à inverser.</p>
<h2>Des écosystèmes côtiers à la loupe</h2>
<p>Alors que la perte d’habitats reste la <a href="https://www.ipbes.net/sites/default/files/inline/files/ipbes_global_assessment_report_summary_for_policymakers.pdf">cause première</a> d’érosion de la biodiversité à l’échelle globale, notre compréhension des conséquences de tels bouleversements des habitats sous-marins demeure aujourd’hui parcellaire et limitée.</p>
<p>C’est dans ce contexte que notre <a href="https://dyneco.ifremer.fr/Nos-equipes/LEBCO/Recherche/Projets/TRIDENT">projet de recherche TRIDENT</a> mettra en œuvre de nouvelles approches de modélisation, à la fois de l’analyse de données et de la simulation numérique, afin de mieux comprendre et prédire la répartition spatiale ainsi que les changements passés et en cours des habitats sous-marins et leurs conséquences sur la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes côtiers.</p>
<p><a href="https://dyneco.ifremer.fr/Nos-equipes/LEBCO/Recherche/Projets/TRIDENT">Le projet TRIDENT</a> devrait permettre de recenser les changements d’états observés dans les écosystèmes côtiers de fonds au niveau mondial grâce aux suivis en plongée réalisés dans le cadre de <a href="https://reeflifesurvey.com/">Reef Life Survey</a>, un programme de sciences participatives. Ce travail en cours a identifié plus d’une quinzaine d’habitats sous-marins selon différents états écologiques (par exemple forêts d’algues laminaires, <a href="https://www.cnrtl.fr/definition/fuco%C3%AFde">champs d’algues fucoides</a>, déserts d’oursins, récifs coralliens, ou encore gazons d’algues filamenteuses en cours de formation…) sur les récifs observés le long des côtes mondiales.</p>
<h2>Prédire les conséquences de scénarios futurs</h2>
<p>Il s’agit ensuite d’identifier les mécanismes sous-jacents le maintien ou l’apparition de ces états pour prédire la manière dont les écosystèmes côtiers réagiront à des scénarios de changements futurs. Des approches d’apprentissage par la machine viseront à identifier comment les facteurs humains ou environnementaux locaux – la pêche, l’augmentation de la température des eaux côtières, la proximité d’infrastructures portuaires, de grandes villes associées à de fortes densités humaines, de fleuves qui peuvent être vecteurs de pollution urbaines ou agricoles, etc.- influent sur l’état des paysages sous-marins.</p>
<p>Le projet vise aussi à mieux comprendre le rôle de ces espèces sous-marines qui, comme les forêts d’algues sur les récifs bretons, forment des habitats fortement structurants pour les écosystèmes marins de fonds.</p>
<p>Un des enjeux du projet consiste à mieux comprendre la manière dont les espèces formatrices d’habitats – comme les champs d’algues, les herbiers, les récifs d’huîtres, bancs de moules ou encore les récifs coralliens en milieu tropical –, endossent différents rôles pour par exemple apporter des sources de nourriture et d’abris face à la prédation ou faciliter la coexistence d’une multitude d’espèces. Pour caractériser les liens entre les caractéristiques des paysages sous-marins et la diversité des espèces associées, le projet TRIDENT s’appuie à la fois sur une synthèse systématique de la littérature scientifique (soit plus de 400 articles), et sur l’analyse de suivis faunistiques existants réalisés dans différents habitats côtiers.</p>
<p>Les résultats attendus à l’issu du projet TRIDENT permettront ainsi de mieux appréhender les changements en cours et à venir sur les fonds marins qui jouxtent nos littoraux. Les connaissances acquises et les projections des conséquences de scénarios seront mobilisables pour guider la bonne gestion des activités humaines qui interfèrent avec les paysages sous-marins et les dynamiques complexes des écosystèmes côtiers associés.</p>
<hr>
<p><em>Le projet TRIDENT a débuté en mars 2022 pour une durée de 4 ans et implique des chercheurs du <a href="https://dyneco.ifremer.fr/en/Our-teams/LEBCO">laboratoire d’Écologie Benthique Côtière</a> de l’Ifremer à Brest, en collaboration avec <a href="https://sites.google.com/view/srobin-lpsm/accueil?pli=1">Sorbonne-Université</a> et l’<a href="https://www.imas.utas.edu.au">IMAS</a> en Australie</em>.</p>
<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-21-CE02-0006">TRIDENT</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198746/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Martin Marzloff a reçu des financements de l'Agence National de la Recherche (projet TRIDENT ANR-21-CE02-0006). </span></em></p>
Sur des hectares, des champs d’algues, denses et productifs, ont disparu pour laisser place à de véritables déserts sous-marins. Explications.
Martin Marzloff, Research scientist in marine ecology, Ifremer
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/211077
2023-08-07T16:23:52Z
2023-08-07T16:23:52Z
Le Gulf Stream ne s’effondrera pas en 2025 : voici comment le sensationnalisme n’aide pas la science ni le climat
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/541289/original/file-20230804-15-fsmt9k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C2%2C1911%2C1273&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le soleil est-il en train de se coucher sur le système des courants océaniques de l'Atlantique? Bien que ce ne soit pas impossible, ce n'est certainement pas près d'arriver, et les articles sensationnalistes ne font pas avancer la cause de la lutte contre la crise climatique. </span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Robert F. Bukaty)</span></span></figcaption></figure><p>Quiconque suit les derniers développements en matière de science du climat a sursauté en lisant les gros titres de la semaine dernière proclamant que <a href="https://www.theguardian.com/environment/2023/jul/25/gulf-stream-could-collapse-as-early-as-2025-study-suggests">« selon une étude, le Gulf Stream pourrait s’effondrer dès 2025 »</a>. Cela faisait suite à une <a href="https://doi.org/10.1038/s41467-023-39810-w">publication récente dans <em>Nature Communications</em></a>.</p>
<p>« Craignez le pire : l’effondrement du Gulf Stream pourrait provoquer un chaos mondial d’ici 2025 », <a href="https://nypost.com/2023/07/27/gulf-stream-collapse-could-spark-global-chaos-in-2-years/">annonçait aussi le <em>New York Post</em></a>. « Un système crucial de courants océaniques se dirige vers un effondrement qui affecterait tout le monde sur la planète », notait <a href="https://www.cnn.com/2023/07/25/world/gulf-stream-atlantic-current-collapse-climate-scn-intl/index.html">CNN aux États-Unis</a>, repris par de très nombreux médias.</p>
<p>On ne peut qu’imaginer comment les <a href="https://doi.org/10.1038/s41558-023-01617-4">personnes déjà frappées par l’écoanxiété</a> ont intériorisé ces nouvelles apocalyptiques, au moment où les <a href="https://theconversation.com/les-oceans-surchauffent-voici-ce-que-cela-signifie-pour-lhumain-et-les-ecosystemes-du-monde-entier-209440">records de température sont pulvérisés</a> dans le monde entier.</p>
<p>Cette récente rhétorique alarmiste est un cas d’école sur la manière dont il ne faut pas communiquer sur la science du climat. Ces titres ne contribuent en rien à sensibiliser le public, et encore moins à influencer les politiques publiques en faveur des solutions climatiques. </p>
<h2>On voit le monde que l’on décrit</h2>
<p>On le sait, <a href="https://doi.org/10.1038/s41558-021-01251-y">l’écoanxiété est alimentée par les messages véhiculés par les médias sur la crise climatique imminente</a>. Par conséquent, de nombreuses personnes se désintéressent de la situation et baissent tout simplement les bras, <a href="https://www.rtbf.be/article/le-climate-doomism-ou-lapocalypse-climatique-11142057">croyant que nous sommes tous voués à un destin funeste et qu’il n’y ait rien que l’on puisse y faire</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="De la végétation brûle dans un environnement désertique" src="https://images.theconversation.com/files/541102/original/file-20230803-18725-e09g42.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541102/original/file-20230803-18725-e09g42.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541102/original/file-20230803-18725-e09g42.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541102/original/file-20230803-18725-e09g42.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541102/original/file-20230803-18725-e09g42.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541102/original/file-20230803-18725-e09g42.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541102/original/file-20230803-18725-e09g42.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Si les conséquences du réchauffement climatique, des incendies de forêt aux inondations, sont bien réelles, les discours trop alarmistes ne font qu’intensifier l’écoanxiété.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Ty ONeil)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces messages sensationnalistes et alarmistes font partie de <a href="https://www.cbc.ca/books/generation-dread-by-britt-wray-1.6613335">l’esprit collectif de notre époque, l’Anthropocène</a>.</p>
<p>Ce n’est pas la première fois que de tels titres apparaissent. En 1998, le <a href="https://www.theatlantic.com/magazine/archive/1998/01/the-great-climate-flip-flop/308313/"><em>Atlantic Monthly</em></a> a publié un article sonnant l’alarme sur le fait que le réchauffement de la planète « pourrait conduire, paradoxalement, à un refroidissement draconien – une catastrophe qui pourrait menacer la survie de la civilisation ».</p>
<p>En 2002, des éditoriaux du <a href="https://www.nytimes.com/2002/04/18/opinion/the-heat-before-the-cold.html"><em>New York Times</em></a> et du magazine <a href="https://www.discovermagazine.com/environment/the-next-ice-age"><em>Discover</em></a> ont « prédit » un effondrement prochain de la formation d’eau profonde dans l’Atlantique Nord, ce qui pourrait conduire à la prochaine ère glaciaire. </p>
<p>S’appuyant sur les affirmations infondées de ces articles, BBC Horizon a diffusé en 2003 un documentaire intitulé <a href="https://www.bbc.co.uk/science/horizon/2003/bigchill.shtml"><em>The Big Chill</em></a> (Le Grand refroidissement) et, en 2004, le magazine <a href="https://fortune.com/2014/01/12/the-pentagons-weather-nightmare-fortune-2004/"><em>Fortune</em></a> a publié <em>The Pentagon’s Weather Nightmare</em> (Le cauchemar météorologique du Pentagone), reprenant les points des articles précédemment mentionnés.</p>
<p>Voyant l’opportunité d’un film catastrophe excitant, Hollywood a produit <a href="https://www.imdb.com/title/tt0319262/"><em>The Day After Tomorrow</em></a> (Le jour d’après) dans lequel toutes les lois connues de la thermodynamique ont été enfreintes.</p>
<h2>Les courants marins ne s’effondrent pas (et ne le feront pas de sitôt)</h2>
<p>Bien qu’il soit <a href="https://journals.lib.unb.ca/index.php/GC/article/view/2753">relativement facile</a> de démontrer qu’il n’est <a href="https://doi.org/10.1126/science.1096503">pas possible que le réchauffement climatique provoque une ère glaciaire</a>, cela n’a pas empêché certaines personnes de <a href="https://www.wgbh.org/news/commentary/2021/03/24/weve-known-for-years-global-warming-could-lead-to-a-new-ice-age-why-is-no-one-doing-anything">promouvoir</a> de telles faussetés.</p>
<p>La dernière série de titres alarmistes n’a peut-être pas mis l’accent sur l’imminence d’une ère glaciaire, mais elle laisse entendre que la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Circulation_thermohaline">circulation méridienne de retournement atlantique</a> (AMOC) pourrait s’effondrer d’ici 2025. Il s’agit là d’une affirmation au mieux scandaleuse, au pire totalement irresponsable.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/540965/original/file-20230803-29-rvsblt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Schéma de la circulation méridienne de retournement atlantique" src="https://images.theconversation.com/files/540965/original/file-20230803-29-rvsblt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/540965/original/file-20230803-29-rvsblt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=473&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/540965/original/file-20230803-29-rvsblt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=473&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/540965/original/file-20230803-29-rvsblt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=473&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/540965/original/file-20230803-29-rvsblt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=594&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/540965/original/file-20230803-29-rvsblt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=594&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/540965/original/file-20230803-29-rvsblt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=594&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Schéma de la circulation méridienne de retournement atlantique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">R. Curry, Woods Hole Oceanographic Institution/Science/USGCRP</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC)</h2>
<p>Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) évalue depuis des décennies la probabilité d’un arrêt de la formation d’eau profonde dans l’Atlantique Nord. En fait, j’ai fait partie de l’équipe de rédaction du <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar4/wg1/">4ᵉ rapport d’évaluation 2007</a>, dans lequel nous avons conclu qu’il soit :</p>
<blockquote>
<p>Il est très probable que la circulation méridienne de retournement atlantique (AMOC) ralentisse au cours du XXI<sup>e</sup> siècle. Il est très peu probable que l’AMOC subisse une transition abrupte de grande ampleur au cours du XXI<sup>e</sup> siècle.</p>
</blockquote>
<p>Des déclarations quasi similaires ont été incluses dans le <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar5/wg1/">5ᵉ rapport d’évaluation en 2013</a> et le <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/">6ᵉ rapport d’évaluation en 2021</a>. D’autres évaluations, dont celle de l’Académie nationale des sciences <a href="https://nap.nationalacademies.org/catalog/18373/abrupt-impacts-of-climate-change-anticipating-surprises"><em>Abrupt Impacts of Climate Change : Anticipating Surprises</em></a>, publiée en 2013, ont également abouti à des conclusions similaires.</p>
<p>Le 6<sup>e</sup> rapport d’évaluation est allé plus loin en concluant que :</p>
<blockquote>
<p>Il n’y a pas de preuve observationnelle d’une tendance dans la circulation méridienne de retournement de l’Atlantique (AMOC), sur la base de l’enregistrement décennal de l’AMOC et de plus longs enregistrements des composantes individuelles de l’AMOC. </p>
</blockquote>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/nouveau-rapport-du-giec-toujours-plus-documente-plus-precis-et-plus-alarmant-178378">Nouveau rapport du GIEC : toujours plus documenté, plus précis et plus alarmant</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Comprendre l’optimisme climatique</h2>
<p>Hannah Ritchie, rédactrice adjointe et chercheuse principale à <a href="https://ourworldindata.org/">Our World in Data</a> et chercheuse principale à l’Oxford Martin School, <a href="https://www.vox.com/the-highlight/23622511/climate-doomerism-optimism-progress-environmentalism">a récemment écrit un article pour <em>Vox</em></a> où elle propose un nouveau cadre pour changer la manière dont les gens voient le monde et leur capacité à faciliter le changement. </p>
<p>La structure de Ritchie répartit les gens en quatre catégories, selon leur optimisme ou leur pessimisme à l’égard de l’avenir, et selon leur croyance ou leur scepticisme face à notre capacité à façonner l’avenir en fonction des décisions et des actions prises aujourd’hui.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/540964/original/file-20230803-25-i7fvqd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Diagramme mettant en évidence les quatre principales catégories de communications sur le climat" src="https://images.theconversation.com/files/540964/original/file-20230803-25-i7fvqd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/540964/original/file-20230803-25-i7fvqd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=523&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/540964/original/file-20230803-25-i7fvqd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=523&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/540964/original/file-20230803-25-i7fvqd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=523&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/540964/original/file-20230803-25-i7fvqd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=657&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/540964/original/file-20230803-25-i7fvqd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=657&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/540964/original/file-20230803-25-i7fvqd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=657&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le point idéal de la communication sur le climat consiste à adopter un ton optimiste tout en renforçant l’idée qu’un changement est possible.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Andrew Weaver)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ritchie soutient de manière convaincante qu’un plus grand nombre de personnes situées dans la case verte « optimiste et changeante » est nécessaire pour faire avancer les solutions en matière de climat. Les personnes situées ailleurs ne sont pas utiles pour favoriser le changement.</p>
<p>Plus importante est l’influence du groupe « pessimiste et changeant » (comme de nombreuses personnes au sein du mouvement <a href="https://rebellion.global/">Extinction Rebellion</a>) : leur comportement extrême (alarmisme ou désobéissance civile) rejette l’idée que le réchauffement climatique est un problème que l’on peut résoudre.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/cinq-points-a-surveiller-dans-le-rapport-du-giec-sur-le-climat-165655">Cinq points à surveiller dans le rapport du GIEC sur le climat</a>
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<h2>La responsabilité de communiquer de manière responsable</h2>
<p>Malheureusement, les <a href="https://doi.org/10.1126/science.abn7950">scénarios à très faible probabilité et souvent mal compris</a> finissent souvent par être interprétés à tort comme des événements climatiques probables et imminents. </p>
<p>Dans de nombreux cas, les <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1317504111">nuances de l’incertitude scientifique</a>, notamment en ce qui concerne les différences entre la formulation d’une hypothèse et le test d’une hypothèse, sont perdues pour le lecteur profane lorsqu’une étude devient virale sur les médias sociaux. Ce phénomène est amplifié lorsque des scientifiques font de la spéculation. Les journalistes sont alors trop heureux de transformer ces hypothèses spéculatives en titres accrocheurs. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Des délégués devant une bannière à COP27" src="https://images.theconversation.com/files/541101/original/file-20230803-27-hjb3bf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/541101/original/file-20230803-27-hjb3bf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/541101/original/file-20230803-27-hjb3bf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/541101/original/file-20230803-27-hjb3bf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/541101/original/file-20230803-27-hjb3bf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/541101/original/file-20230803-27-hjb3bf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/541101/original/file-20230803-27-hjb3bf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les climatologues, les intervenants et les médias ont tous la responsabilité d’éviter le sensationnalisme lorsqu’ils discutent de l’avenir du climat.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Peter Dejong)</span></span>
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</figure>
<p>Grâce à des recherches indépendantes et à la rédaction des rapports du GIEC, la communauté des climatologues jouit d’une position privilégiée dans le discours public sur la science des changements climatiques, de ses impacts et de ses solutions.</p>
<p>Les scientifiques du climat ont un rôle à jouer afin de promouvoir des solutions climatiques, et ce rôle s’accompagne de la responsabilité d’éviter le sensationnalisme. En ne modérant pas leur discours, ils risquent d’exacerber une rhétorique pessimiste, sans rien offrir en termes de solutions globales ou de réduction des risques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211077/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Andrew Weaver a reçu des financements du Fonds d’action et de sensibilisation pour le climat du Canada.</span></em></p>
Des articles récents traitant du prétendu déclin imminent des courants atlantiques nous rappellent l’importance d’être critique face au sensationnalisme lorsqu’il est question du climat.
Andrew Weaver, Professor, School of Earth and Ocean Sciences, University of Victoria
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/199469
2023-05-31T13:07:22Z
2023-05-31T13:07:22Z
Le castor, cet ingénieur méconnu de la forêt boréale
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/510406/original/file-20230215-4170-9yz2ko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C0%2C986%2C637&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le castor vit à l’intersection du milieu aquatique et forestier, ce qui multiplie les interactions entre ces deux écosystèmes.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Vous avez probablement déjà vu, lors d’une randonnée près d’un cours d’eau, des souches d’arbres abattus, se terminant en forme de cône. Le sculpteur responsable ? Un gros rongeur à queue plate, qui se nomme castor du Canada (<em>Castor canadensis</em>) ; c’est d’ailleurs l’emblème de notre pays. </p>
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<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><strong>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/foret-boreale-138017">Forêt boréale : mille secrets, mille dangers</a></strong></p>
<p><br><em>La Conversation vous propose une promenade au cœur de la forêt boréale. Nos experts se penchent sur les enjeux d’aménagement et de développement durable, les perturbations naturelles, l’écologie de la faune terrestre et des écosystèmes aquatiques, l’agriculture nordique et l’importance culturelle et économique de la forêt boréale pour les peuples autochtones. Nous vous souhaitons une agréable – et instructive – balade en forêt !</em></p>
<hr>
<p>Il s’agit de la seule espèce animale, autre que l’humain, qui est capable d’abattre un arbre mature. Il tient d’ailleurs, dans la forêt boréale, un rôle d’ingénieur d’écosystème. En d’autres termes, il crée de nouveaux habitats en construisant des barrages qui élèvent le niveau de l’eau. Et les impacts de ces barrages sur le territoire donnent bien du fil à retordre à plusieurs industries et propriétaires d’infrastructures. </p>
<p>On pense bien connaître cet agent de perturbation, mais lorsque vient le temps de mitiger des conflits l’impliquant de façon éthique et durable, on s’aperçoit qu’il existe un manque de connaissances sur sa dynamique d’occupation du territoire. </p>
<p>C’est pour ronger plus creux dans la dynamique d’occupation du territoire par le castor que nous avons décidé de faire notre étude en Abitibi-Témiscamingue. Cette région comporte la plus grande densité de colonies de castors au Québec, province où cette espèce abonde. </p>
<p>Ce projet de maîtrise en écologie, réalisé au sein du <a href="https://www.uqat.ca/recherche/grema/">GRÉMA</a> de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT), vise à démystifier un peu plus les secrets de cette espèce clé en contexte de forêt boréale.</p>
<h2>Un agent de perturbation qui ne passe pas inaperçu</h2>
<p>Le castor vit à l’intersection du milieu aquatique et forestier, ce qui multiplie les interactions entre ces deux écosystèmes. Par ailleurs, il fait partie intégrante des perturbations naturelles de la forêt boréale. Ses édifications influencent la structure des peuplements végétaux et façonnent l’hétérogénéité du paysage. Les étangs qu’ils créent sur une rivière emprisonnent l’eau, ralentissent le courant, remplissent les réservoirs d’eaux souterraines, protègent le territoire contre les feux de forêt et augmentent la biodiversité en créant de nouveaux habitats propices à de <a href="https://doi.org/10.1002/wat2.1494">nombreuses espèces</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/510408/original/file-20230215-6125-wmvqwn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="trois castors sur la glace" src="https://images.theconversation.com/files/510408/original/file-20230215-6125-wmvqwn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510408/original/file-20230215-6125-wmvqwn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510408/original/file-20230215-6125-wmvqwn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510408/original/file-20230215-6125-wmvqwn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510408/original/file-20230215-6125-wmvqwn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510408/original/file-20230215-6125-wmvqwn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510408/original/file-20230215-6125-wmvqwn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le castor vit en colonie de 2 à 8 individus de la même famille.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Une grande partie de la composition de la forêt boréale que nous connaissons aujourd’hui est le résultat de la succession d’espèces végétales qui ont prospéré dans les trouées (ouvertures) de la canopée laissées par les castors. Récemment, les gestionnaires du territoire préconisent une approche davantage écosystémique d’aménagement de la forêt. Celle-ci consiste à intégrer des simulations de perturbations, comme celles créées par le castor, dans les plans de sylviculture (gestion de la forêt). </p>
<p>Lorsque le castor est naturellement présent sur un territoire, cette approche permet de tenir compte de l’historique des perturbations locales, ce qui augmente la résilience des peuplements forestiers face aux futures perturbations. </p>
<h2>Un territoire « hutte-ment » développé</h2>
<p>Le castor se construit une hutte pour se protéger des prédateurs, se réfugier et pour entreposer de la nourriture. Il préfère les terrains à faible pente, de substrat meuble, où le niveau d’eau est stable et le débit faible. Il y vit à l’intérieur en colonie de 2 à 8 individus de la même famille. </p>
<p>Des études récentes ont montré que les colonies de castors occuperont une même hutte pendant deux ans et demi en moyenne, et possèdent souvent plus d’une hutte sur leur <a href="https://doi.org/10.2981/0909-6396(2008)14%5B302:Hdobcc%5D2.0.Co;2">territoire</a>. Les castors utilisent leurs différents refuges selon leurs besoins. Ils vont par exemple choisir leur hutte en fonction de l’emplacement des ressources saisonnières présentes durant l’été, comme les plantes aquatiques, dont ils raffolent.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/510407/original/file-20230215-6125-9vcxg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="hutte de castor" src="https://images.theconversation.com/files/510407/original/file-20230215-6125-9vcxg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510407/original/file-20230215-6125-9vcxg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510407/original/file-20230215-6125-9vcxg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510407/original/file-20230215-6125-9vcxg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510407/original/file-20230215-6125-9vcxg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510407/original/file-20230215-6125-9vcxg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510407/original/file-20230215-6125-9vcxg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le castor se construit une hutte pour se protéger des prédateurs, se réfugier pour y vivre et pour entreposer de la nourriture.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<h2>On doit gruger plus creux</h2>
<p>Nous savons que ce rongeur se nourrit principalement d’arbres feuillus comme le peuplier faux-tremble, le saule ou le chêne. Comme ceux-ci ne sont pas toujours dominants dans la forêt boréale (celle-ci est plutôt peuplée par des conifères comme l’épinette noire, le sapin baumier et le pin gris), il convient de se questionner sur ses stratégies d’approvisionnement dans ce type de forêt. </p>
<p>L’utilisation spatiale du territoire (appelée l’aire d’influence) pourrait varier en fonction des ressources alimentaires disponibles. Elle est aussi limitée par la mobilité de l’animal et la menace de prédation. Afin d’étudier cette utilisation, nous tenterons de reconstruire le patron d’occupation et d’alternance de huttes pour plusieurs colonies de castors.</p>
<p>Le manque de connaissance sur ce sujet est en partie dû au fait qu’il est difficile d’étudier un animal qui est à la fois nocturne, mi-terrestre et mi-aquatique. Les colliers télémétriques, conçus pour suivre leurs mouvements à l’aide d’antennes, sont incompatibles avec leur forme de cou ou de queue. Nous avons donc opté pour des observations en nature, des relevés de données dendroécologiques et des analyses d’isotopes stables, qui seront prélevés à l’été 2023. </p>
<p>La <a href="https://doi.org/10.1007/978-3-031-15988-6_2">dendroécologie</a> nous apportera des informations sur l’occupation temporelle du castor. Cette science, qui se décrit comme l’étude des cernes annuels de croissance des végétaux dans un contexte écologique, sera utilisée afin de rebâtir le <a href="https://doi.org/10.3390/f11020221">profil d’occupation</a> des huttes au fil du temps. </p>
<p>Autour des huttes échantillonnées, nous allons couper, à leur base, tous les rejets de souche régénérés à la suite du broutage de la tige principale, aussi appelés taillis, et compter le nombre de cernes annuels. Ceci permettra de dater le moment où ces ressources ont été consommées et donc, de définir la période d’occupation du territoire par une colonie donnée, dans une ou plusieurs huttes. </p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/514265/original/file-20230308-28-vf0p8v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/514265/original/file-20230308-28-vf0p8v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514265/original/file-20230308-28-vf0p8v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514265/original/file-20230308-28-vf0p8v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514265/original/file-20230308-28-vf0p8v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=475&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514265/original/file-20230308-28-vf0p8v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=597&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514265/original/file-20230308-28-vf0p8v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=597&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514265/original/file-20230308-28-vf0p8v.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=597&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Plusieurs espèces, dont les peupliers faux-trembles, se régénèrent par taillis, suite au broutage de la tige principale par les castors.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Melanie Arsenault), Fourni par l’auteure</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Notre recherche utilisera aussi les isotopes stables sur une centaine de carcasses récupérées des trappeurs de la région abitibienne. Les isotopes sont largement utilisés en écologie et permettent notamment de reconstruire la diète de l’animal. Un isotope est un atome d’un certain élément qui présente un nombre différent de neutrons par rapport à l’atome retrouvé à l’état pur, sans toutefois en altérer la nature. Les méthodes utilisées s’appuient sur la comparaison entre le niveau d’un isotope donné retrouvé dans l’organisme et un niveau de référence. </p>
<p>Le carbone et l’azote feront l’objet de la présente étude. Chaque plante et organisme ayant une signature isotopique unique (un ratio de carbone<sup>13</sup> et d’azote<sup>15</sup>), cette méthode nous permettra d’identifier la diète du castor. Plus précisément, nous pourrons déterminer les différentes composantes du régime alimentaire du castor, leur proportion, ainsi que leur provenance générale (à savoir si elles proviennent du milieu terrestre ou aquatique). Les isotopes se renouvellent également à différentes vitesses selon le tissu. Nous pourrons donc relier la diète à une certaine fenêtre de temps en testant différents organes (foie, poils, muscles dans notre cas).</p>
<h2>Un allié à ne pas mépriser</h2>
<p>Les changements climatiques nous démontrent que la forêt tempérée est en train de migrer vers le <a href="https://doi.org/10.1111/gcb.14332">nord</a>, entraînant un agrandissement de l’habitat du castor. On peut donc s’attendre à un accroissement des populations de cet animal. En considérant que ce phénomène coïncide avec un réseau des chemins forestiers et un développement humain qui sont en plein essor, nous devons nous armer de connaissances pour faire face à la multiplication des conflits humain-animal qui risquent d’en résulter. </p>
<p>Le castor apporte d’importants services à son écosystème. Il est un sérieux allié dans la lutte aux changements climatiques, en nous assurant un apport et une réserve d’eau plus stable sur l’échelle temporelle. Son habitat crée un refuge où vivent de nombreuses espèces. Nous avons tout à gagner à approfondir nos connaissances sur ses stratégies de sélection d’habitats dans le but de nous permettre d’apprendre à coexister en harmonie avec lui. </p>
<p>Le développement de ces connaissances représente un bel atout dans la planification de plusieurs infrastructures en territoire boréal, où ce rongeur abonde. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/510134/original/file-20230214-22-ka8so1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510134/original/file-20230214-22-ka8so1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510134/original/file-20230214-22-ka8so1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510134/original/file-20230214-22-ka8so1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510134/original/file-20230214-22-ka8so1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510134/original/file-20230214-22-ka8so1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510134/original/file-20230214-22-ka8so1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le castor est la seule espèce animale, autre que l’humain, qui est capable d’abattre un arbre mature.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Melanie Arsenault), Fourni par l’auteure</span></span>
</figcaption>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/199469/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Miguel Montoro Girona a reçu des financements de la MRC-Abitibi et du conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) - subvention à la découverte pour la réalisation de cette recherche.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Guillaume Grosbois est membre du Groupe de Recherche en Écologie de la MRC-Abitibi (GREMA) et de l'Institut de Recherche sur les Forêts (IRF) de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT). Il a reçu des financements de la MRC-Abitibi. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mélanie Arsenault est récipiendaire de la bourse d’études supérieures du Canada au niveau de la maitrise 2022 du Conseil de recherche en science naturelles et en génie du Canada (CRSNG).</span></em></p>
Le castor est un important ingénieur d’écosystème en forêt boréale, mais sa dynamique d’occupation du territoire et son patron d’utilisation des huttes restent encore méconnus.
Miguel Montoro Girona, Professeur d'écologie forestière, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)
Guillaume Grosbois, Professeur Écologie Aquatique, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)
Mélanie Arsenault, Étudiante à la maîtrise en écologie, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/206515
2023-05-29T14:50:16Z
2023-05-29T14:50:16Z
Aires marines protégées : comment mieux préserver les écosystèmes marins ?
<p>Que ce soit sur les côtes ou en haute mer, les écosystèmes marins sont exposés à des menaces grandissantes, liées à l’intensification des activités humaines. Aucune zone de la planète n’est épargnée, une grande partie (41 %) étant aujourd’hui fortement <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.1149345">affectée</a>.</p>
<p>Ces menaces sont multiples, en voici les principales. </p>
<p>Citons en premier lieu la <a href="https://theconversation.com/surpeche-et-changement-climatique-la-mediterranee-et-la-mer-noire-en-premiere-ligne-111688">surpêche qui épuise les stocks de poissons</a>, perturbe les chaînes alimentaires et peut entraîner l’effondrement des écosystèmes marins ; on estime en effet que plus de 55 % de la surface océanique est exposée à une <a href="https://www.science.org/doi/abs/10.1126/science.aao5646">exploitation intense</a> des ressources halieutiques. </p>
<p><a href="https://theconversation.com/peche-ce-que-la-science-nous-dit-de-limpact-du-chalutage-sur-les-fonds-marins-172325">Le chalutage de fond</a>, encore parfois autorisé dans certaines zones protégées (zones Natura 2000, sanctuaire Pélagos et parc naturels régionaux par exemple), cause des dommages considérables aux fonds marins et entraîne, à grande échelle, une remise en suspension des stocks de carbone accumulés depuis des milliers d’années.</p>
<p>Citons ensuite la destruction des habitats côtiers – herbiers et forêts (<a href="https://theconversation.com/preserver-les-herbiers-de-posidonie-ces-precieux-puits-de-carbone-sous-marins-190199">herbiers de posidonie</a>, zostères, varech), mangroves et <a href="https://theconversation.com/trente-annees-dobservations-pour-mieux-comprendre-les-recifs-coralliens-5943">récifs coralliens</a>. Cette destruction est généralement liée à l’urbanisation, à l’exploitation minière, à la pollution et aux pratiques agricoles non durables, telles que l’aquaculture des crevettes, responsable de la <a href="https://www.iddri.org/en/publications-and-events/report/getting-shrimps-share-mangrove-deforestation-and-shrimp-consumption">disparition de plus 35 % des mangroves</a>, espaces qui contribuent pourtant significativement au stockage du carbone. </p>
<p>Il y a aussi toutes ces activités humaines qui génèrent diverses formes de pollution affectant les écosystèmes marins. La pollution par les produits chimiques toxiques (<a href="https://www.ifremer.fr/fr/pollution-contamination/des-pesticides-dans-les-oceans-quelles-consequences">pesticides et autres intrants</a> par exemple), les <a href="https://www.itopf.org/fileadmin/uploads/itopf/data/Documents/TIPS_TAPS_new/TIP_13_Effects_of_Oil_Pollution_on_the_Marine_Environment.pdf">produits pétroliers</a>, les <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/society/20181005STO15110/pollution-marine-donnees-consequences-et-nouvelles-regles-europeennes">déchets plastiques</a> et les nutriments provenant des activités agricoles, <a href="https://www.greenpeace.org/static/planet4-canada-stateless/2018/06/vers-une-aquaculture-durable.pdf">aquacoles</a> ou urbaines peut avoir des effets néfastes sur les organismes marins. </p>
<h2>Dans le contexte du réchauffement climatique</h2>
<p>Menace globale, le réchauffement climatique <a href="https://theconversation.com/explorer-le-futur-des-oceans-pour-agir-maintenant-sur-le-changement-climatique-49557">a également des impacts importants sur les écosystèmes marins</a>. La hausse des températures de l’eau, l’acidification des océans, l’élévation du niveau de la mer et la fréquence accrue des événements météorologiques extrêmes (comme les tempêtes) menacent les côtes, les récifs coralliens, les poissons, les mammifères marins et d’autres espèces. </p>
<p>L’apparition d’<a href="https://theconversation.com/les-invasions-biologiques-un-fardeau-economique-pour-la-france-165119">espèces exotiques envahissantes</a> dans les écosystèmes marins peut également avoir des effets dévastateurs. Elles peuvent en effet concurrencer les espèces indigènes, altérer les habitats marins et perturber l’équilibre des chaînes alimentaires. Le cas de l’invasion fulgurante des eaux caribéennes par le <a href="https://madibenthos.mnhn.fr/fr/poisson-lion-fauve-recifs">poisson-lion</a> constitue un cas d’école.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/285114/original/file-20190722-11370-5kvany.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=34%2C32%2C1142%2C828&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/285114/original/file-20190722-11370-5kvany.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/285114/original/file-20190722-11370-5kvany.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/285114/original/file-20190722-11370-5kvany.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/285114/original/file-20190722-11370-5kvany.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/285114/original/file-20190722-11370-5kvany.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/285114/original/file-20190722-11370-5kvany.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Aussi appelé rascasse volante, le poisson-lion qui peut atteindre près de 50 cm possède de longues épines le long de sa nageoire dorsale.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/fish-lion-lionfish-warrior-zebra-1418210480?src=4GPFdS_AU-Qx0cgbFUl6ZQ-1-30&studio=1">Vitality6447/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Soulignons enfin l’exploitation non durable des ressources marines – produits pétroliers, gaz, métaux et minéraux –, et celle des ressources halieutiques qui peuvent conduire à la surexploitation et à la dégradation des écosystèmes marins. </p>
<h2>Préserver les ressources marines</h2>
<p>Comment atténuer ces menaces ? Principalement par la création d’<a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/22020_DP_AMP_VF_compressed.pdf">aires marines protégées</a> (AMP), la promotion d’une pêche durable et respectueuse, la sensibilisation des populations à la protection de l’environnement, la réduction de la pollution et l’adoption de politiques de conservation. </p>
<p>La création d’AMP – et tout particulièrement celles hautement ou totalement protégées, <a href="https://ocean-climate.org/aires-marines-protegees-en-france-la-protection-forte-comme-reponse-au-declin-de-la-biodiversite-marine/">différents niveaux de protection existant au sein de ces espaces</a> –, représente un outil clé dans les efforts de préservation. Rappelons, en reprenant la <a href="http://uicn.fr/wp-content/uploads/2010/11/Espaces_proteges-Partie-7.pdf">définition qu’en donne l’UICN</a> (Union internationale pour la conservation de la nature) qu’une aire marine protégée (AMP) constitue : </p>
<blockquote>
<p>« un espace géographique clairement défini, reconnu, dédié et géré, par des moyens juridiques ou autres moyens efficaces, pour assurer la conservation à long terme de la nature et des services écosystémiques associés et les valeurs culturelles. »</p>
</blockquote>
<p>Parmi les effets bénéfiques de ces zones, il y a ainsi le fait qu’elles offrent des habitats essentiels à de nombreuses espèces marines, y compris des espèces menacées ou en voie de disparition, à l’image des <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1890/11-1653.1">grands prédateurs</a>. Elles réduisent le <a href="https://www.int-res.com/abstracts/meps/v384/p33-46">stress</a> des organismes lié aux activités humaines et favorisent la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2351989415000785">diversité génétique</a> indispensable à une bonne résilience face aux changements à venir.</p>
<p>En limitant les activités humaines néfastes, telles que la pêche industrielle ou la destruction d’habitats, ces zones permettent également aux écosystèmes de se renouveler et de retrouver leur fonctionnalité. Il a ainsi été montré que les récifs coralliens protégés par des AMP offrent une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1111/gcb.12606">meilleure résistance</a> aux inondations.</p>
<p>Les AMP jouent aussi un rôle dans l’<a href="https://www.pnas.org/doi/full/10.1073/pnas.2121705119">atténuation du changement climatique</a>. Les écosystèmes marins, tels que les mangroves, les herbiers marins, les fonds sablo-vaseux et les récifs coralliens, stockent des quantités importantes de carbone et contribuent, dans une certaine mesure, à réduire les émissions de gaz à effet de serre qui détraquent l’équilibre climatique. </p>
<p>Ces espaces apportent également de nombreux avantages socio-économiques aux communautés locales. En permettant de favoriser un tourisme durable, qui attire des visiteurs intéressés par la beauté naturelle et la richesse biologique des zones protégées. À tel point qu’il est parfois nécessaire de réguler le flux des visiteurs, comme au <a href="https://www.francetvinfo.fr/marseille/biodiversite-les-quotas-de-retour-dans-les-calanques-de-marseille_5782154.html">parc des Calanques depuis l’été 2022</a>, pour limiter leur impact. Elles peuvent également soutenir les <a href="https://www.int-res.com/abstracts/meps/v384/p33-46">activités de pêche artisanale</a> en préservant les stocks de poissons et en fournissant des zones de reproduction. Lorsque les AMP bénéficient d’un haut niveau de protection, <a href="https://www.int-res.com/abstracts/meps/v384/p33-46">leur biomasse est plus de 4 fois</a> plus importante à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’AMP ; cela profite à terme à la pêche artisanale locale. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Vue aérienne des calanques marseillaises" src="https://images.theconversation.com/files/527234/original/file-20230519-23-ul9mif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/527234/original/file-20230519-23-ul9mif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=285&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/527234/original/file-20230519-23-ul9mif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=285&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/527234/original/file-20230519-23-ul9mif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=285&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/527234/original/file-20230519-23-ul9mif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=359&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/527234/original/file-20230519-23-ul9mif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=359&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/527234/original/file-20230519-23-ul9mif.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=359&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La Calanque de Sormiou, près de Marseille. À l’été 2022, le parc national des calanques a instauré des quotas d’accès pour lutter contre les effets destructeurs de la surfréquentation.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Parc_national_des_Calanques#/media/Fichier:Calanque_de_Sormiou-Cassis.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Pas assez de protection forte</h2>
<p>Aujourd’hui, si l’ambition du gouvernement français d’étendre les aires marines protégées à hauteur de <a href="https://www.ouest-france.fr/environnement/protection-oceans/one-ocean-summit-la-france-depasse-son-objectif-de-30-d-aires-marines-protegees-d426afd0-8b15-11ec-88ed-2ead809b0816">33 % de son territoire maritime</a> est louable, il n’en reste pas moins qu’une très faible proportion de ces AMP sont intégralement protégées. </p>
<p>Si, officiellement, plus de 23 % des eaux françaises ont le statut d’AMP, à peine <a href="https://www.nationalgeographic.fr/environnement/2020/11/la-france-multiplie-les-aires-marines-protegees-quelle-peine-a-proteger">1,7 % bénéficient d’une protection forte</a> : 0,05 % en France métropolitaine et 1,65 % dans les DOM (dont 80 % dans les Terres australes et antarctiques françaises). </p>
<p>Enfin, il est regrettable que les AMP françaises à protection forte soient très inégalement réparties sur le territoire, <a href="https://www.cnrs.fr/fr/france-des-aires-marines-pas-encore-suffisamment-protegees">puisque 97 % d’entre elles sont situées dans les territoires d’outre-mer (si l’on y inclut la Nouvelle-Calédonie)</a> et seulement 3 % en France métropolitaine, là où précisément, les pressions anthropiques sont les plus variées et les plus importantes.</p>
<hr>
<p><em>Benoit Derijard prendra part, ce mardi 30 mai 2023 à 17 heures au Centre universitaire méditerranéen de Nice, à une table ronde organisée par l’Université de Côte d’Azur sur le thème des aires protégées, en compagnie de Jean-Pierre Gattuso, Vanina Pasqualini et Arnaud Allari. <a href="https://csti.univ-cotedazur.fr/table-ronde-aires-marines-protegees-utiles-a-quoi-utiles-a-qui">Consultez toutes les informations pratiques ici</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206515/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benoit Derijard est membre de l'Association Apis Campus pour la préservation des pollinisateurs.
Par ailleurs, il a reçu des financements de la Communauté Européenne (Feampa) et de l'Université Côte d'Azur. </span></em></p>
La création de ces zones, et tout particulièrement celles hautement ou totalement protégées, constitue un outil clé dans les efforts de préservation.
Benoit Dérijard, Chercheur, biodiversité marine, protection des écosystèmes marins, plongée scientifique, Université Côte d’Azur
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/197480
2023-05-03T13:38:17Z
2023-05-03T13:38:17Z
Migrer sans pattes ni ailes ? Le défi de la migration assistée des arbres
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/510177/original/file-20230214-24-as6jr0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C1%2C992%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">S'il est vrai que les arbres individuels sont immobiles, à l’échelle de l’espèce ils peuvent se déplacer et migrer aussi bien que les oiseaux, mais sur une période différente.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>S’il est vrai que les arbres individuels sont immobiles, à l’échelle de l’espèce ils peuvent se déplacer et migrer aussi bien que les oiseaux ! Mais sur une fenêtre temporelle différente. </p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><strong>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/foret-boreale-138017">Forêt boréale : mille secrets, mille dangers</a></strong></p>
<p><br><em>La Conversation vous propose une promenade au cœur de la forêt boréale. Nos experts se penchent sur les enjeux d’aménagement et de développement durable, les perturbations naturelles, l’écologie de la faune terrestre et des écosystèmes aquatiques, l’agriculture nordique et l’importance culturelle et économique de la forêt boréale pour les peuples autochtones. Nous vous souhaitons une agréable – et instructive – balade en forêt !</em></p>
<hr>
<p>C'est ce que nous allons approfondir dans cet article, le premier de notre nouvelle série estivale. En tant que chercheurs en écophysiologie forestière, nous étudions le fonctionnement des arbres en relation avec des dynamiques écologiques à plus large échelle. Le climat en rapide changement présente de nombreux défis à affronter pour assurer la durabilité des écosystèmes forestiers. Face à ces nouveaux problèmes, nous cherchons de nouveaux outils. Parmi ceux-ci, la migration assistée des arbres. </p>
<p>Et pour nous inspirer, cet extrait d'une chanson de notre poète national, Gilles Vigneault. </p>
<blockquote>
<p>J’ai planté un chêne au bout de mon champ,</p>
<p>perdrerai-je ma peine ?</p>
<p>perdrerai-je mon temps ?</p>
</blockquote>
<p>Débarrassons-nous d’abord des définitions : la migration assistée réfère au <a href="https://pubs.cif-ifc.org/doi/10.5558/tfc2011-089">« mouvement d’espèces, assisté par l’humain, en réponse aux changements climatiques »</a>. Nous avons l’habitude d’associer le terme « migration » au déplacement des personnes ou aux vols saisonniers des oiseaux. </p>
<p>Il peut donc paraître étrange d’associer la migration aux arbres, qui sont typiquement enracinés au sol et ne bougent pas. Mais est-ce vraiment le cas ?</p>
<h2>La forêt mouvante</h2>
<p>La migration des arbres se produit par la dispersion des semences, la germination, puis l’établissement de nouveaux semis. Ceux-ci, après un certain temps, produisent de nouvelles semences et contribuent à une lente expansion géographique.</p>
<p>Les stratégies de migration peuvent différer selon les espèces d’arbres : les <a href="https://www.zoom-nature.fr/les-samares-des-erables-des-autogires-tres-performants/">samares d’érable</a>, transportées par le vent, peuvent voyager plus vite et plus loin que les glands d’un chêne, limitées par leur poids imposant. Cependant, les nouveaux semis ont besoin d’années, souvent de décennies, pour pousser et produire des semences qui peuvent migrer plus loin que leurs parents.</p>
<p>Ce mouvement, qui se met en place à l’échelle des siècles, généralement trop lent pour notre conception du temps, peut <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1752-4571.2007.00013.x">devenir limitant</a> face aux changements rapides induits par l’homme dans les systèmes climatiques.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/510181/original/file-20230214-1870-o5vnke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="glands de chêne" src="https://images.theconversation.com/files/510181/original/file-20230214-1870-o5vnke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510181/original/file-20230214-1870-o5vnke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510181/original/file-20230214-1870-o5vnke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510181/original/file-20230214-1870-o5vnke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510181/original/file-20230214-1870-o5vnke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510181/original/file-20230214-1870-o5vnke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510181/original/file-20230214-1870-o5vnke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les samares d’érable, transportées par le vent, peuvent voyager plus vite et plus loin que les glands d’un chêne, limités par leur poids imposant.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Changements rapides, arbres lents</h2>
<p>Les changements climatiques actuels induisent des <a href="https://www.ipcc.ch/report/sixth-assessment-report-working-group-ii/">modifications rapides</a> des conditions environnementales ; <a href="https://www.nature.com/articles/ngeo2681">aucun événement</a> de réchauffement naturel du passé ne s’est produit à une vitesse comparable. Ces changements climatiques exercent ainsi de fortes pressions sur les écosystèmes forestiers, notamment en modifiant les conditions des habitats.</p>
<p>La grande majorité des arbres ont des vitesses de migration <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/ddi.13630">inférieures à la rapidité de déplacement des habitats favorables</a>. Cela signifie que leur migration vers de nouveaux habitats favorables (par exemple, des régions froides devenant plus chaudes au nord) ne pourra pas compenser la perte d’habitats dans d’autres zones (par exemple, des régions chaudes devenant plus sèches au sud).</p>
<p>Ce décalage entre la modification des conditions d’habitats et la migration naturelle des arbres entraîne une perte de vigueur des forêts. Pour beaucoup d’espèces, <a href="https://academic.oup.com/bioscience/article/57/11/939/234280">on prévoit un déclin</a> qui peut compromettre les écosystèmes forestiers locaux.</p>
<h2>Aider les arbres à migrer</h2>
<p>Nous sommes appelés à trouver des stratégies pour harmoniser les forêts aux nouvelles conditions climatiques. Cela motive les chercheurs et les gestionnaires à envisager de nouvelles approches pour solutionner ce problème, en recourant par exemple à la <a href="https://doi.org/10.5849/jof.13-016">migration assistée</a>. </p>
<p>Le déplacement artificiel et la plantation de semences peuvent accélérer le processus de migration naturel et aider à surmonter les barrières géographiques, telles que les chaînes de montagnes ou les grandes surfaces d’eau.</p>
<p>La migration assistée peut donc être appliquée pour maintenir des écosystèmes forestiers fonctionnels dans le futur. Ce n’est pas seulement important pour la conservation des espèces, mais aussi pour le maintien de l’ensemble des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/B9780080983493000244">services</a> offerts par les forêts, par exemple la production du bois ou la séquestration du carbone de l’atmosphère.</p>
<p>En général, les transferts sur de courtes distances sont plus faciles à réaliser, tandis que la migration sur de plus longues distances nécessite une planification plus minutieuse. Comme cette dernière présente des risques écologiques plus élevés, elle n’est généralement considérée <a href="https://pubs.cif-ifc.org/doi/10.5558/tfc2011-089">que pour des actions de conservation</a>. </p>
<p>Mais assez parlé de théorie, passons à des exemples concrets.</p>
<h2>Un exemple canadien</h2>
<p>L’érable à sucre (<em>Acer saccharum</em>) est une espèce d’arbre emblématique au Canada. À mesure que les changements climatiques s’intensifient, les érablières méridionales (au sud) <a href="https://esajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1890/ES15-00238.1">souffrent d’une concurrence accrue</a> de la part des arbres qui tolèrent mieux les conditions plus chaudes et sèches, comme le hêtre d’Amérique (<em>Fagus grandifolia</em>).</p>
<p>Parallèlement, des chercheurs ont constaté que les régions au nord de l’aire de répartition de l’érable deviennent de <a href="https://academic.oup.com/forestscience/article/67/4/446/6270781">plus en plus propices à cette espèce</a>. Dans ce cas, la migration assistée pourrait favoriser une adaptation plus rapide des forêts nordiques aux nouvelles conditions, et rendre des services appréciés des propriétaires forestiers locaux, comme la production de sirop d’érable. Alors, pourquoi ne pas simplement aller de l’avant avec cette technique ?</p>
<h2>Pionniers</h2>
<p>En 2019, l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) a établi une plantation expérimentale d’érable à sucre à la limite nord de son aire de répartition, dans la région du Saguenay, au Québec. L’expérience est menée en partenariat avec une entreprise agricole familiale de la région, qui a choisi de consacrer une partie de ses terres à la recherche scientifique et à sa vision d’une érablière productive pour les générations futures.</p>
<p>La plantation, qui compte environ 500 jeunes arbres issus de plusieurs populations du Québec et des États-Unis, fêtera sa quatrième année de vie au printemps 2024. D’ici quelques décennies, de l’excellent sirop d’érable pourrait être produit, en plus des précieuses données scientifiques recueillies jusqu’alors.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/510184/original/file-20230214-14-v0cnk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="érable à sucre" src="https://images.theconversation.com/files/510184/original/file-20230214-14-v0cnk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510184/original/file-20230214-14-v0cnk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510184/original/file-20230214-14-v0cnk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510184/original/file-20230214-14-v0cnk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510184/original/file-20230214-14-v0cnk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510184/original/file-20230214-14-v0cnk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510184/original/file-20230214-14-v0cnk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">À mesure que les changements climatiques s’intensifient, les érablières méridionales (au sud) souffrent d’une concurrence accrue de la part des arbres qui tolèrent mieux les conditions plus chaudes et sèches, comme le hêtre d’Amérique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Essais de migration</h2>
<p>Des études similaires ont été réalisées par le réseau de recherche <a href="https://dream-forests.org/membres/">DREAM</a>, un projet du gouvernement du Québec (MRNF), du USDA Forest Service et de l’Université Laval. Les essais, incluant une dizaine d’espèces d’arbres plantées en mélange, se situent dans la région de Portneuf au Québec et au Wisconsin (États-Unis). On y teste les effets des différents facteurs, tels que le microclimat, le broutement et la concurrence végétale, sur l’acclimatation des plants. De plus, on compare la performance des plants de populations méridionales, adaptées à des conditions similaires aux prédictions du climat futur, à celle des populations locales.</p>
<p>Réaliser ce type d’étude expérimentale permet d’obtenir des informations précieuses sur les caractéristiques qui peuvent aider ou nuire à la réussite des projets de migration assistée. Par exemple, on peut comprendre quelles espèces ou populations sont plus sensibles aux <a href="https://academic.oup.com/bioscience/article/58/3/253/230872">évènements de gel tardif</a> ou au <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s40725-021-00148-5">broutement des herbivores</a>.</p>
<p>La mise en place d’essais scientifiques aujourd’hui peut aider à bien comprendre les dynamiques et les risques liés à la migration assistée, afin que nous puissions faire les meilleurs choix d’aménagement forestier pour les années et les générations futures. </p>
<p>Les changements climatiques progressent vite et les forêts ne poussent pas au même rythme : il est donc important de commencer à planter aujourd’hui les forêts de demain. </p>
<hr>
<p><em>Les auteurs remercient Emilie Champagne de la Direction de Recherche Forestière du Québec (Ministère des Ressources Naturelles et des Forêts) pour les contributions et commentaires au texte écrit et les Jardins Gobeil pour la collaboration et l’aide matérielle avec le maintien de la plantation expérimentale.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197480/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claudio Mura a reçu des financements du Conseil de Recherches en Sciences Naturelles et en Génie du Canada (CRSNG) dans le cadre du projet Alliance-Érable, partenaires le gouvernement du Québec (ministère des Ressources naturelles et des Forêts), le Centre Acer, les Productrices et Producteurs acéricoles du Québec, le Syndicat des Producteurs de bois du Saguenay Lac-Saint-Jean et l'Université du Québec en Outaouais (UQO). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Patricia Raymond est membre de l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec (QC, Canada). Elle a reçu du financement du Plan pour une économie verte du Ministère de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs du Gouvernement du Québec.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sergio Rossi est membre de l'Ordre des Ingénieurs Forestiers du Québec (QC, Canada) et de l'Ordine dei Dottori Agronomi e Forestali di Padova (Italie).
Sergio Rossi a reçu des financements par des programmes publiques: le Fonds de recherche du Québec - Nature et technologie (FRQNT) et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG)</span></em></p>
Le climat en rapide changement présente de nombreux défis à affronter pour assurer la durabilité des écosystèmes forestiers. La migration assistée est un outil qui permet de faire face à ces enjeux.
Claudio Mura, PhD student in Forest Ecophysiology, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)
Patricia Raymond, Chercheuse scientifique et professeure associée, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)
Sergio Rossi, Professor, Département des Sciences Fondamentales, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/203886
2023-04-18T13:06:56Z
2023-04-18T13:06:56Z
Analyser la graisse des orques pour découvrir ce qu’elles mangent
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/521331/original/file-20230417-20-6at4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C5%2C1914%2C916&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les orques sont les plus grands prédateurs des océans.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Depuis des années, les scientifiques s’intéressent aux régimes alimentaires de nos grands prédateurs marins. En effet, ces derniers modifient graduellement leurs habitudes alimentaires en raison des changements climatiques. Et ces changements peuvent altérer le <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1635156100">fonctionnement des écosystèmes marins</a>. </p>
<p>Même si les scientifiques sont conscients que les orques, également connues sous le nom d’épaulards, <a href="https://www.newscientist.com/definition/orcas-orcinus-orca/">sont les plus grands prédateurs de nos océans</a>, les données scientifiques sur les habitudes alimentaires de ces baleines demeurent incomplètes.</p>
<p>Ce manque de connaissances est particulièrement marqué pour les populations isolées qui ne peuvent être observées tout au long de l’année. </p>
<p>Mais il existe désormais un moyen de reconstruire le régime alimentaire précis des orques en utilisant uniquement un échantillon de leur peau et de leur graisse. Mon équipe de recherche a mis au point une technique prometteuse qui révèle le <a href="https://doi.org/10.1111/1365-2656.13920">régime alimentaire de ces grands prédateurs à travers tout l’océan Atlantique Nord</a>.</p>
<h2>Des techniques de chasse multiples</h2>
<p>Les orques sont des prédateurs intelligents connus pour adopter des techniques de chasse spécifiques, allant de <a href="https://doi.org/10.1016/j.mambio.2017.03.006">l’alimentation en carrousel – regroupement de harengs en une boule pour ensuite s’en nourrir</a>, à la création de <a href="https://doi.org/10.1111/j.1748-7692.2010.00453.x">vagues collectives capables de déloger les phoques de la banquise</a>. Ainsi, les orques peuvent chasser presque toutes les espèces marines, du poisson à l’otarie en passant par la baleine bleue, dans tous les océans du monde. </p>
<p>Selon leur lieu de vie et leur histoire évolutive, différents groupes d’orques ont développé des <a href="https://www.sciencedirect.com/topics/agricultural-and-biological-sciences/ecotype">écotypes distincts</a>, caractérisés par des régimes alimentaires et des modes de vie uniques. Parmi les écotypes les plus connus, on trouve les orques <a href="https://publications.gc.ca/site/eng/452379/publication.html">« transientes »</a> et les orques <a href="https://www.fisheries.noaa.gov/west-coast/endangered-species-conservation/southern-resident-killer-whale-orcinus-orca">« résidentes »</a> du Pacifique nord-est.</p>
<p>Ces différents écotypes d’orques font l’objet d’études approfondies depuis des décennies, étant donné que ces baleines vivent dans des zones densément peuplées, permettant ainsi aux scientifiques de les observer tout au long de l’année.</p>
<p>Au sein de ces populations du Pacifique, les scientifiques ont découvert des preuves de <a href="https://doi.org/10.1146/annurev-environ-110615-085622">« cascades trophiques »</a>, qui correspondent aux effets de l’alimentation des orques sur l’ensemble de la chaîne alimentaire. Les orques ont ainsi provoqué une diminution de la densité des forêts d’algues laminaires en raison de leur impact sur les loutres de mer, dont la population a été considérablement réduite, engendrant une prolifération d’oursins – principale source de nourriture des loutres – qui ont à leur tour décimé les forêts de laminaires.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/520089/original/file-20230410-7479-jlgmrx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="quatre orques à la surface, on ne voit que leurs ailerons dorsaux" src="https://images.theconversation.com/files/520089/original/file-20230410-7479-jlgmrx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520089/original/file-20230410-7479-jlgmrx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520089/original/file-20230410-7479-jlgmrx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520089/original/file-20230410-7479-jlgmrx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520089/original/file-20230410-7479-jlgmrx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520089/original/file-20230410-7479-jlgmrx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520089/original/file-20230410-7479-jlgmrx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Un groupe d’orques à Vestmannaeyjar, en Islande, voyageant lentement après s’être régalé de harengs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(A. Remili)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Se concentrer sur la graisse</h2>
<p>La comparaison des différents groupes d’orques à travers le monde révèle que nous avons encore beaucoup à apprendre à leur sujet. En effet, il est difficile de déterminer ce que mangent les orques qui vivent dans les régions reculées de l’Arctique, telles que la baie de Baffin, le Groenland et l’Arctique norvégien. L’observation de ces <a href="https://doi.org/10.1111/j.1748-7692.2012.00604.x">techniques de chasse</a> peut s’avérer compliquée dans les eaux instables de l’océan Arctique.</p>
<p>Les premières études ont suggéré la présence de <a href="https://doi.org/10.1111/j.1365-294X.2009.04407.x">deux types d’orques dans l’Atlantique Nord</a> : celles se nourrissant de mammifères marins et l’autre type se nourrissant de poissons et parfois de phoques. Cependant, à cause du manque de données et de nouvelles preuves de variations alimentaires dans certaines populations, les scientifiques ont décidé de <a href="https://doi.org/10.1111/mms.12964">réfuter cette classification</a>. En effet, il semblerait que certaines populations de l’Atlantique Nord aient un régime alimentaire davantage diversifié.</p>
<p>Les chercheurs ont du mal à observer directement les orques pour étudier leur alimentation. Ils ont donc trouvé une autre méthode : analyser les <a href="https://doi.org/10.1111/j.1748-7692.2009.00354.x">traceurs chimiques</a> présents dans leur peau et leur lard. Ces traceurs peuvent être des lipides ou des « isotopes stables », qui permettent de comprendre ce que les orques mangent et comment elles affectent la chaîne alimentaire.</p>
<p>Notre technique mesure la <a href="https://doi.org/10.1038/s41598-022-11660-4">composition lipidique dans la graisse des orques</a>, et utilise un programme informatique pour recréer la proportion la plus probable de chaque espèce de proie dans le régime alimentaire d’un individu. </p>
<p>Pour cela, nous avons besoin de plusieurs « empreintes » lipidiques – qui représentent la proportion de chaque acide gras dans la graisse des orques, ainsi que dans leurs proies.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/qJh-1XRxTq8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les échantillons de graisse prélevés sur les orques nous permettent de découvrir ce qu’elles mangent dans le moindre détail.</span></figcaption>
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<h2>Ce que la graisse d’orque nous dit sur leur alimentation</h2>
<p>Dans notre étude en libre accès, récemment publiée dans le <a href="https://doi.org/10.1111/1365-2656.13920"><em>Journal of Animal Ecology</em></a>, nous avons utilisé une technique appelée <a href="https://doi.org/10.1111/2041-210X.12740"><em>quantitative fatty acid signature analysis</em></a> (ou analyse quantitative de la signature des acides gras) pour révéler les régimes alimentaires de près de 200 orques à travers l’Atlantique Nord.</p>
<p>Nous avons également mesuré la composition en lipides de plus de 900 échantillons de proies. Nous avons ainsi constaté que les habitudes alimentaires des orques varient d’un océan à l’autre. Dans l’ouest de l’Atlantique Nord, les orques se nourrissent principalement de baleines (de bélugas et de narvals dans l’arctique et de baleines à fanons et de marsouins dans l’Est canadien). Au Groenland, elles préfèrent les phoques, et en Norvège, elles mangent principalement du poisson comme le hareng.</p>
<p>Les scientifiques peuvent maintenant utiliser cette technique pour déterminer le pourcentage exact de chaque espèce dans le régime alimentaire de chaque orque. </p>
<p>Nous avons également découvert que les régimes alimentaires individuels varient considérablement au sein de chaque population.</p>
<p>Dans l’ouest de l’Atlantique Nord, les individus se concentrent soit sur les cétacés – des baleines comme les bélugas et les narvals – soit sur les phoques. Dans le centre de l’Atlantique Nord, les orques se nourrissent de toutes les proies disponibles. Dans l’est de l’Atlantique Nord, les orques ont tendance à se nourrir principalement de poissons, mais certains individus en Norvège et en Islande se nourrissent également de mammifères marins comme des marsouins ou des phoques.</p>
<p>Nous avons mené cette première étude de grande envergure sur les orques et nos résultats sont encourageants. Ils nous incitent à approfondir la compréhension du régime alimentaire pour chaque individu. </p>
<p>Ces différences entre chaque individu pourraient laisser transparaître des niveaux d’exposition aux polluants distincts ainsi que des risques pour la santé variés pour ces prédateurs. </p>
<p>Cette approche nous permet de mesurer les changements futurs dans le régime alimentaire des orques et de comprendre l’impact qu’ils pourraient avoir sur les réseaux alimentaires de l’Arctique. En effet, en raison du changement climatique, les orques <a href="https://doi.org/10.1111/j.1748-7692.2011.00489.x">se déplacent progressivement vers l’Arctique</a>.</p>
<p>La présence croissante des orques et leur consommation accrue d’espèces arctiques pourraient avoir des conséquences sur les écosystèmes dans le Nord. En menant des recherches plus poussées à l’aide de cette technique sur des échantillons prélevés sur une longue période, les scientifiques pourront détecter des changements dans le régime alimentaire de ces grands prédateurs, et dans leurs écosystèmes en général.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203886/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anaïs Remili ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
En analysant de petits échantillons de graisse d’orque, les scientifiques peuvent découvrir leur régime alimentaire. Cela a des répercussions sur notre compréhension de l’évolution des écosystèmes.
Anaïs Remili, PhD Candidate, Renewable Resources, McGill University
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/183498
2023-03-29T13:41:23Z
2023-03-29T13:41:23Z
Voici 5 technologies qui pourraient contribuer à rendre le système alimentaire carboneutre
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/468571/original/file-20220613-23-9q1omz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=28%2C11%2C3776%2C2144&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pour tirer parti des avantages des nouvelles technologies agricoles, on doit développer des systèmes alimentaires dans lesquels les déchets d’une étape deviennent des intrants dans la suivante.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>À l’échelle mondiale, environ un <a href="https://doi.org/10.1038/nature.2012.11708">tiers de toutes les émissions de gaz à effet de serre</a> proviennent de l’agriculture et des systèmes alimentaires. L’empreinte carbone de ces derniers comprend toutes les émissions issues de la culture, de la transformation, du transport et des déchets alimentaires.</p>
<p>L’agriculture est également <a href="https://www.theguardian.com/food/ng-interactive/2022/apr/14/climate-crisis-food-systems-not-ready-biodiversity">vulnérable aux effets des changements climatiques</a> et, comme le montre le conflit en <a href="https://www.adiac-congo.com/content/crise-alimentaire-la-guerre-en-ukraine-augmente-les-risques-en-afrique-137610">Ukraine</a>, la géopolitique peut affecter les systèmes alimentaires.</p>
<p>Plusieurs technologies peuvent déjà contribuer à décarboniser les systèmes complexes qui relient producteurs et consommateurs. Elles peuvent aussi rendre nos systèmes alimentaires beaucoup plus résistants aux menaces mondiales. En voici cinq qui, selon nous, présentent un immense potentiel.</p>
<h2>1. Fermes de carbone et agriculture régénérative</h2>
<p>De nos jours, la plupart des émissions de gaz à effet de serre liées à l’alimentation proviennent de la culture des aliments et sont émises lorsque les sols sont labourés. C’est important de le savoir, car les sols <a href="https://theconversation.com/farming-without-disturbing-soil-could-cut-agricultures-climate-impact-by-30-new-research-157153">qu’on laisse intacts stockent du carbone</a>.</p>
<p>Il suffit toutefois de quelques changements relativement mineurs dans leur gestion pour que les sols redeviennent des réservoirs de carbone. Ainsi, le fait de planter des légumineuses et des <a href="https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/plantes-fourrageres">cultures fourragères</a> tous les deux ou trois ans, plutôt que de se contenter de cultures de base comme le blé ou le maïs, ou encore de semer des plantes de couverture à l’automne, pour éviter que les champs ne soient nus, permet à la matière organique de s’accumuler et <a href="https://doi.org/10.3389/fsufs.2020.577723">aide le sol à absorber le carbone</a>. En plus de contribuer à ralentir les changements climatiques, cela protège les sols de l’érosion.</p>
<p>L’idée de diversifier les cultures peut sembler très simple sur le plan technologique, mais elle fonctionne. De plus, une nouvelle génération <a href="https://doi.org/10.1016/j.oneear.2019.10.022">d’outils agricoles intelligents</a>, comme des équipements qui utilisent les mégadonnées et l’intelligence artificielle, aidera bientôt les agriculteurs à adopter des pratiques qui produisent des aliments tout en piégeant le carbone.</p>
<p>Les outils intelligents font partie d’une révolution agricole numérique, également connue sous le nom d’agriculture de précision, qui <a href="https://doi.org/10.1146/annurev-resource-100516-053654">permettra aux agriculteurs de réduire leur impact sur l’environnement</a> et de mesurer la quantité de gaz à effet de serre captée par leurs champs, créant ainsi un registre du carbone qui documente leurs efforts.</p>
<h2>2. Engrais intelligents</h2>
<p><a href="https://www.fertilizer.org/images/Library_Downloads/2014_ifa_ff_ammonia_emissions_july.pdf">Pour transformer l’azote de l’air en engrais</a>, il faut habituellement beaucoup de combustibles fossiles. De plus, il n’est pas facile pour les agriculteurs de <a href="https://p2irc.usask.ca/articles/2021/challenges-and-potential-solutions-to-improve-fertilizer-use---may-2021-final.pdf">mettre exactement la bonne quantité d’engrais au bon endroit</a> et au bon moment pour que les cultures l’utilisent de manière efficace.</p>
<p>On répand souvent <a href="https://doi.org/10.1081/CSS-100104098">trop d’engrais</a>. Ceux-ci ne sont alors pas absorbés par les cultures, ce qui engendre de la pollution, sous forme de <a href="https://doi.org/10.1186/s13021-019-0133-9">gaz à effet de serre</a> ou de <a href="https://doi.org/10.1021/es00009a001">contaminants dans l’eau</a>. Mais la nouvelle génération d’engrais pourrait résoudre ces problèmes.</p>
<p>Les biofertilisants intelligents ont recours à des <a href="https://www.sciencedirect.com/topics/agricultural-and-biological-sciences/biofertilizer">micro-organismes qui ont été cultivés ou modifiés pour vivre en harmonie avec les cultures</a>, capter les éléments nutritifs de l’environnement et les fournir aux cultures sans gaspillage.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un tracteur parcourt des rangées de cultures en pulvérisant de l’engrais" src="https://images.theconversation.com/files/463998/original/file-20220518-11-allm8m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/463998/original/file-20220518-11-allm8m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/463998/original/file-20220518-11-allm8m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/463998/original/file-20220518-11-allm8m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/463998/original/file-20220518-11-allm8m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/463998/original/file-20220518-11-allm8m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/463998/original/file-20220518-11-allm8m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les biofertilisants intelligents qui utilisent des micro-organismes pour capter les nutriments de l’environnement peuvent éviter les problèmes de déchets et de pollution associés aux engrais traditionnels.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>3. Fermentation de précision</h2>
<p>Depuis toujours, l’être humain utilise des micro-organismes pour transformer les sucres et les amidons en produits fermentés tels que la bière, le vin et le pain. Mais d’ici peu, on aura recours à la fermentation de précision pour fabriquer beaucoup d’autres produits.</p>
<p>Cette technologie sert depuis longtemps à créer presque toute l’insuline dans le monde ainsi que la présure, enzyme utilisée dans la fabrication du fromage. Les États-Unis ont récemment autorisé l’utilisation de <a href="https://cen.acs.org/food/food-ingredients/start-up-make-us-love/98/i38">protéines laitières fermentées d’origine non animale</a> – obtenues en insérant des gènes producteurs de lait dans des microbes – dans la fabrication de <a href="https://braverobot.co/">crèmes glacées</a>, qui sont désormais commercialisées. Ce n’est qu’une question de temps avant que les <a href="https://www.foodnavigator.com/Article/2020/02/03/Disrupting-dairy-with-precision-fermentation-By-2035-industrial-cattle-farming-will-be-obsolete">produits issus de la fermentation de précision ne deviennent courants</a> dans les supermarchés du monde entier.</p>
<p>À l’avenir, si les micro-organismes de fermentation sont nourris de déchets (tels que les restes de drêche de brasserie ou les déchets d’amidon des protéines végétales), les agriculteurs pourraient créer des aliments à faible impact et à forte valeur ajoutée à partir de matières organiques qui, autrement, seraient gaspillées et se décomposeraient en gaz à effet de serre.</p>
<h2>4. Agriculture verticale</h2>
<p>Si rien ne vaut les fruits et légumes frais, cueillis à maturité et mangés aussitôt, la triste réalité est que la plupart des produits frais consommés au Canada, dans le nord des États-Unis et en Europe du Nord proviennent de fermes industrielles du sud-ouest des États-Unis ou de l’hémisphère sud. <a href="https://www.jstor.org/stable/26334145">L’empreinte carbone de cette chaîne du froid longue distance</a> est considérable, et la qualité des aliments n’est pas toujours optimale.</p>
<p>Une nouvelle génération de fermes verticales peut changer la donne en ayant recours à des lampes DEL à faible consommation d’énergie pour faire pousser des aliments tout au long de l’année de manière locale. Ces <a href="https://www.usda.gov/media/blog/2018/08/14/vertical-farming-future">installations agricoles à environnement contrôlé</a> nécessitent moins d’eau et d’efforts que les exploitations traditionnelles, et produisent de grandes quantités de fruits et de légumes frais sur de petites parcelles.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Des tubes verticaux d’où jaillissent des feuilles de laitue vertes" src="https://images.theconversation.com/files/464000/original/file-20220518-17-y8gcai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/464000/original/file-20220518-17-y8gcai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/464000/original/file-20220518-17-y8gcai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/464000/original/file-20220518-17-y8gcai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/464000/original/file-20220518-17-y8gcai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/464000/original/file-20220518-17-y8gcai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/464000/original/file-20220518-17-y8gcai.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Rangs de laitue romaine dans une ferme verticale.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Brandon Wade/AP Images for Eden Green)</span></span>
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<p>Ces installations voient le jour un peu partout en <a href="https://oplant.ca/">Amérique du Nord</a> et en Europe, mais plus particulièrement à Singapour et au <a href="https://npoplantfactory.org/en/">Japon</a>. Bien que la question de savoir si les fermes verticales actuelles sont <a href="https://www.agritecture.com/blog/2022/5/9/a-holistic-look-at-vertical-farmings-carbon-footprint-and-land-use">meilleures en termes de consommation d’énergie</a> fasse encore l’objet de nombreux débats, celles-ci sont de plus en plus enclines à utiliser des énergies renouvelables pour assurer un approvisionnement carboneutre en aliments frais tout au long de l’année, et ce, même dans le <a href="https://www.globalaginvesting.com/elevate-farms-secures-10m-bring-vertical-farming-remote-northern-canada/">Nord canadien</a>.</p>
<h2>5. Biogaz</h2>
<p>Le fumier provenant des installations d’élevage est difficile à gérer, car il peut devenir une source de pollution de l’eau et de gaz à effet de serre. Toutefois, si le fumier est placé dans un <a href="https://doi.org/10.1016/j.anifeedsci.2011.04.075">digesteur anaérobie</a>, il est possible de capter le méthane produit pour en faire un <a href="http://www.omafra.gov.on.ca/french/engineer/biogas/">gaz naturel vert</a>.</p>
<p>S’ils sont bien conçus, les digesteurs de biogaz peuvent également transformer les déchets organiques municipaux en énergie renouvelable, donnant ainsi à l’agriculture la possibilité de contribuer au développement de l’énergie durable. C’est ce qui se passe déjà dans des fermes de l’Ontario, où une nouvelle génération de digesteurs de biogaz permet d’<a href="https://farmtario.com/news/ontario-farmers-seeing-revenue-opportunity-in-biogas-digesters/">augmenter les revenus des fermes et de remplacer les combustibles fossiles</a>.</p>
<h2>Encourager la transformation des systèmes</h2>
<p>Ces technologies sont encore plus intéressantes lorsqu’elles sont reliées entre elles. Ainsi, les collecteurs de biogaz installés dans les fermes d’élevage pourraient fournir l’énergie nécessaire au fonctionnement des installations de fermentation qui fabriquent des produits laitiers d’origine non animale.</p>
<p>De même, si les protéines d’origine végétale, telles que celles provenant de légumineuses comme les pois, sont produites dans des fermes qui utilisent des techniques d’agriculture régénératrice et transformées localement, les restes d’amidon peuvent servir à la fermentation de précision. Bien que nous ne sachions pas si ce processus peut être mis en œuvre à grande échelle, ses avantages potentiels en matière de durabilité sont immenses.</p>
<p>Pour tirer parti de ces possibilités, il faut développer des entreprises agroalimentaires qui forment des systèmes alimentaires circulaires, de sorte que les déchets d’une étape deviennent des intrants précieux d’une autre étape. Un ajout essentiel aux systèmes alimentaires circulaires sera le suivi du carbone du champ à la table, de manière à souligner les bénéfices.</p>
<p>Les technologies permettant d’avoir une <a href="https://guelph.ca/wp-content/uploads/SmartCities_Booklet.pdf">économie alimentaire circulaire</a> carboneutre atteindront bientôt leur maturité. D’ici quelques années, les cinq <a href="https://doi.org/10.1016/j.tifs.2021.11.013">technologies décrites ci-dessus devraient être utilisées couramment</a>.</p>
<p>Le monde est aujourd’hui confronté à l’un des plus grands défis du siècle : comment bien nourrir la population mondiale croissante tout en s’occupant des changements climatiques et en évitant de détruire les écosystèmes dont nous dépendons pour vivre.</p>
<p>Mais nous devrions bientôt disposer des outils nécessaires pour nourrir l’avenir et protéger la planète.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183498/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rene Van Acker a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et du gouvernement de l'Ontario par le biais de l'Alliance agroalimentaire de l'Ontario. Il est affilié au Conseil des doyens, Agriculture, Alimentation et Médecine vétérinaire.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Evan Fraser est consultant auprès de diverses entreprises et initiatives d'agriculture verticale, notamment le Home Grown Innovation Challenge de la Weston Family Foundation et Cubic Farms. Il reçoit des fonds de diverses sources gouvernementales et philanthropiques, dont le Fonds d'excellence en recherche Canada First, le Conseil de recherches en sciences humaines et la Fondation de la famille Arrell. Il est affilié au Conseil consultatif canadien de la politique alimentaire, à Protein Industries Canada, à Génome Québec et au Maple Leaf Centre for Action on Food Security.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Lenore Newman reçoit des fonds du CRSH et du Centre de compétences futures du Canada. Elle est présidente du conseil consultatif scientifique de Cubic Farms.</span></em></p>
Comment peut-on nourrir de manière nutritive une population croissante, faire face au changement climatique et ne pas détruire les écosystèmes dont nous dépendons tous pour vivre ?
Rene Van Acker, Professor and Dean of The Ontario Agricultural College, University of Guelph
Evan Fraser, Director of the Arrell Food Institute and Professor in the Dept. of Geography, Environment and Geomatics, University of Guelph
Lenore Newman, Director, Food and Agriculture Institute, University of The Fraser Valley
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/200133
2023-03-22T13:01:08Z
2023-03-22T13:01:08Z
Les écosystèmes d’eau douce deviennent de plus en plus salés. Voici pourquoi c’est inquiétant
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/516426/original/file-20230320-22-gium28.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C0%2C3821%2C2889&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les routes nécessitent des stratégies de déglaçage dans les régions tempérées du nord, mais cette pratique a des effets négatifs sur la biodiversité aquatique.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Alison Derry)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les écosystèmes d’eau douce du monde entier <a href="https://doi.org/10.1126/science.aad3488">sont de plus en plus salés</a>. De nombreux facteurs anthropiques contribuent à la salinisation de l’eau douce, notamment l’irrigation des terres agricoles, l’extraction du pétrole, l’<a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1287569/mine-potasse-saskatchewan-sedley-environnement-pollution">extraction de potasse</a> et le <a href="https://theconversation.com/laccumulation-des-sels-de-deglacage-dans-les-lacs-menace-ceux-qui-y-vivent-179166">déglaçage des routes</a>. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/laccumulation-des-sels-de-deglacage-dans-les-lacs-menace-ceux-qui-y-vivent-179166">L’accumulation des sels de déglaçage dans les lacs menace ceux qui y vivent</a>
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<p>Par conséquent, les sels pénètrent dans les cours d’eau. Mais comme une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule, les sels sont souvent accompagnés d’un cocktail toxique composé d’autres polluants, dont les effets combinés sur la santé sont <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1711234115">largement inconnus</a>.</p>
<p>Alors que le problème de la salinisation croissante de l’eau douce a été largement ignoré <a href="https://doi.org/10.1007/978-94-017-2934-5_30">pendant de nombreuses décennies</a>, il a fait l’objet d’une attention considérable <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.0507389102">au cours des 20 dernières années</a>. </p>
<p>Les scientifiques du monde entier, dont nous faisons partie, travaillons de concert pour comprendre les impacts écologiques de la salinisation croissante sur écosystèmes aquatiques. Notre objectif ultime ? Examiner l’adéquation des seuils de toxicité relatifs à la qualité de l’eau pour la protection de la vie aquatique. </p>
<h2>La salinisation, un problème de taille</h2>
<p>Le Canada possède la majorité des ressources mondiales en eau douce, principalement concentrée dans les provinces de <a href="https://doi.org/10.1038/ncomms13603">l’Ontario et du Québec</a>), où près de 5 millions de tonnes de sel de voirie sont épandues chaque année pour <a href="https://www.canada.ca/en/environment-climate-change/services/pollutants/road-salts/code-practice-environmental-management.html">déglacer les routes</a>). </p>
<p>Avec le changement climatique et l’augmentation de la fréquence et de la durée des sécheresses dans de nombreuses régions du monde, le <a href="https://doi.org/10.1038/nclimate1633">problème ne fait qu’empirer</a>. On parle ici d’une préoccupation majeure. Pourquoi ? Parce que la disponibilité des ressources en eau douce deviendra un facteur critique pour l’humanité <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.1011615108">au cours des 50 prochaines années</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/516414/original/file-20230320-22-ralx5k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/516414/original/file-20230320-22-ralx5k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=378&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/516414/original/file-20230320-22-ralx5k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=378&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/516414/original/file-20230320-22-ralx5k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=378&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/516414/original/file-20230320-22-ralx5k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=474&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/516414/original/file-20230320-22-ralx5k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=474&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/516414/original/file-20230320-22-ralx5k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=474&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Répartition mondiale inéquitable de la disponibilité des ressources en eau douce de surface (source : Philippe Rekacewicz, février 2006).</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Des chercheurs du monde entier mobilisés</h2>
<p>Nous avons récemment présenté une série d’articles dans un numéro spécial sur la salinisation de l’eau douce dans la revue <em>Limnology and Oceanography Letters</em>, <a href="https://doi.org/10.1002/lol2.10307">publié en février dernier</a>). </p>
<p>Dans ce numéro spécial, nous nous concentrons sur le chlorure de sodium (NaCl), la même molécule que l’on retrouve dans le sel de table, en tant qu’agent clé de la salinisation des eaux douces. Nous mettons en lumière une série d’expériences de terrain coordonnées, menées par des chercheurs d’Amérique du Nord et d’Europe, qui ont abordé les impacts de la salinisation de l’eau douce sur le <a href="https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/zooplancton">zooplancton</a> (petits crustacés microscopiques) à l’échelle régionale. </p>
<p>Le zooplancton est un groupe essentiel d’un point de vue écologique dans les réseaux alimentaires aquatiques et est souvent utilisé comme indicateur pour détecter les changements environnementaux. </p>
<p>Les principales conclusions de ces expériences sont les suivantes : </p>
<ul>
<li><p>Les lignes directrices sur la qualité de l’eau au Canada et aux États-Unis (normes) ne protègent pas adéquatement le zooplancton d’eau douce, ce qui pourrait entraîner une <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.2115033119">augmentation de l’abondance des algues</a>, dont il se nourrit, en raison de la pression de prédation réduite ; </p></li>
<li><p>La salinisation de l’eau douce entraîne systématiquement une perte d’abondance et de diversité du zooplancton <a href="https://doi.org/10.1002/lol2.10239">dans toutes les régions</a>] ; et </p></li>
<li><p>Les individus d’une même espèce de zooplancton ne présentent pas tous la même tolérance à la salinité. Ainsi, cette variation peut interférer avec notre capacité à prédire les réponses au niveau de la communauté. Les lignes directrices sur la qualité de l’eau pourraient donc devoir être ajustées pour devenir <a href="https://doi.org/10.1002/lol2.10277">plus spécifiques à la région</a>.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/516423/original/file-20230320-16-m9r9yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/516423/original/file-20230320-16-m9r9yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/516423/original/file-20230320-16-m9r9yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/516423/original/file-20230320-16-m9r9yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/516423/original/file-20230320-16-m9r9yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/516423/original/file-20230320-16-m9r9yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/516423/original/file-20230320-16-m9r9yu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Couverture régionale d’une expérience coordonnée de mésocosme sur le terrain, avec un exemple de l’une des expériences menées au lac Croche (Laurentides, Québec, Canada) (figure modifiée d’après Hintz et al. 2022b).</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une question de réglementation</h2>
<p>De nombreuses questions demeurent en suspens. Cependant, ce que nous savons maintenant, c’est que les recommandations de qualité de l’eau à long terme (Canada : 120 mg Cl⁻<sup>1</sup>L⁻<sup>1</sup> et États-Unis : 230 mg Cl⁻<sup>1</sup>L⁻<sup>1</sup>) et à court terme (Canada : 640 mg Cl⁻<sup>1</sup>L⁻<sup>1</sup> ; États-Unis : 860 mg Cl⁻<sup>1</sup>L⁻<sup>1</sup>) pour les concentrations de chlorure sont trop élevées pour protéger la vie aquatique <a href="https://doi.org/10.1021/acs.est.0c02396">au Canada et aux États-Unis</a>. À titre de référence, une pincée de sel dans une chaudière d’eau correspond à environ 0,3 mg de Cl⁻<sup>1</sup>/L⁻<sup>1</sup>. </p>
<p>En d’autres termes, des effets néfastes sont observés à des concentrations beaucoup plus petites. Les réglementations sont donc à revoir au Canada et aux États-Unis. En Europe, les normes de qualité de l’eau saline <a href="https://doi.org/10.1098/rstb.2018.0019">pour la protection de la vie aquatique dans les écosystèmes d’eau sont pour la plupart absentes</a>. </p>
<h2>L’importance de poser des actions concrètes</h2>
<p>Les lignes directrices relatives à la qualité de l’eau pour la protection de la vie aquatique sont généralement établies à l’aide de tests en laboratoire (appelés essais toxicologiques) <a href="https://doi.org/10.1002/lol2.10208">portant sur une seule espèce</a>. </p>
<p>Cependant, les habitats aquatiques abritent un amalgame complexe de prédateurs, de proies, de compétiteurs et de pathogènes, dont les interactions peuvent limiter notre capacité à <a href="https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2013.01.066">prédire les réponses des communautés et des espèces aux polluants</a>. </p>
<p>Ainsi, les recherches collectives publiées dans ce numéro spécial soulignent également l’importance de comprendre les réponses écologiques dans les communautés multiespèces en milieu naturel pour évaluer les <a href="https://doi.org/10.1073/pnas.2115033119">réponses de la vie en eau douce aux impacts humains</a>. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/516409/original/file-20230320-1978-kggv7i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/516409/original/file-20230320-1978-kggv7i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/516409/original/file-20230320-1978-kggv7i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/516409/original/file-20230320-1978-kggv7i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/516409/original/file-20230320-1978-kggv7i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/516409/original/file-20230320-1978-kggv7i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/516409/original/file-20230320-1978-kggv7i.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Vue aérienne d’une expérience d’enclos de terrain menée dans Lac Croche, un lac sensible au chlorure dans les Laurentides (Québec) (crédit photo : Etienne Laliberté).</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Globalement, nous devrions développer des applications et des technologies alternatives <a href="https://doi.org/10.1007/s11270-011-1064-6">plus durables et plus efficaces</a>.</p>
<p>Nous devons également établir des <a href="https://doi.org/10.1098/rstb.2018.0019">directives de qualité de l’eau plus appropriées</a> pour améliorer les contrôles des sels entrant dans nos environnements d’eau douce afin de réduire les effets nocifs sur la vie aquatique <a href="https://doi.org/10.1007/s10533-021-00784-w">et la qualité de nos ressources en eau douce</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200133/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Bien qu’elle ait été considérablement moins étudiée que d’autres problèmes environnementaux, la salinisation présente des défis majeurs pour la biodiversité des eaux douces et des zones côtières.
Alison Derry, Professeure agrégée, Université du Québec à Montréal (UQAM)
Miguel Cañedo-Argüelles, Profesor lector en Ecología, Universitat de Barcelona
Stephanie J Melles, Associate Professor, Spatial Ecology, Toronto Metropolitan University
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/200604
2023-03-19T16:15:19Z
2023-03-19T16:15:19Z
« L’envers des mots » : Écocide
<p>Depuis 1810, le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGITEXT000006070719">Code pénal</a> dispose de l’interdiction de certains comportements qui peuvent porter atteinte à trois matérialités : les personnes (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070719/LEGISCTA000006117614/">Livre II</a>), les biens (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070719/LEGISCTA000006117598/">Livre III</a>) et l’État (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006070719/LEGISCTA000006117602/">Livre IV</a>). Ainsi, quiconque enfreint un interdit posé par la loi s’expose à des sanctions… L’objectif est triple :</p>
<ul>
<li><p>anticiper les comportements que l’on souhaite éradiquer de la société en brandissant le glaive de la justice (vertu préventive de la peine) ;</p></li>
<li><p>sanctionner ceux qui franchissent le Rubicon malgré la menace (vertu réparatrice de la peine) ;</p></li>
<li><p>éduquer les délinquants aux fins d’éviter la récidive (vertu pédagogique de la peine).</p></li>
</ul>
<p>Ainsi le droit pénal a la lourde tâche de fixer des limites à nos actions : ce que la société accepte, tolère et rejette. Et c’est donc naturellement, au cœur d’un <a href="https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/271086-terre-climat-quest-ce-que-lanthropocene-ere-geologique">anthropocène</a> théorisé et assumé, que la question des atteintes portées à l’environnement a été, petit à petit, intégrée à la matière pénale depuis le début des années 1970.</p>
<p>En cette nouvelle <a href="https://theconversation.com/anthropocene-lhumanite-merite-t-elle-une-epoque-a-son-nom-123030">ère géologique</a> caractérisée « par l’avènement des hommes comme principale force de changement sur Terre, surpassant les forces géophysiques », dire les atteintes causées à l’environnement que la société accepte, tolère et rejette. Avec tout ce que cela emporte de subjectivité et de plasticité dans le temps : ce que l’on acceptait hier peut être encore toléré aujourd’hui, avant d’être probablement rejeté demain.</p>
<p>Cette pénalisation fragmentaire et évolutive des atteintes à l’environnement a conduit à une forme d’inefficacité. On punit peu et on punit mal. Ainsi, face à des destructions d’écosystèmes entiers par les activités humaines, la nécessité de définir une incrimination spécifique ayant pour objet de prévenir les <a href="https://www.agroparistech.fr/actualites/parution-justice-pour-planete-5-combats-citoyens-qui-ont-change-loi">atteintes majeures à l’environnement</a>, et de punir sévèrement les auteurs de ces atteintes, s’est imposée auprès de nombreux juristes, écologues, sociologues et philosophes. Il s’agit de dire par la création d’une nouvelle infraction qu’il y a des comportements anti-écologiques que la société entend proscrire du vivre ensemble.</p>
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<p>Ainsi, depuis la seconde moitié du XX<sup>e</sup> siècle, un véritable combat pour la reconnaissance et la <a href="https://hal.science/hal-03894376/document">sanction de l’écocide</a> a été portée par les activistes écologistes. Mot-valise constitué du préfixe « éco- » (du grec « oikos », « maison, habitat ») et du suffixe « -cide » (du latin « caedere », « tuer »), l’écocide – par analogie avec homicide (le fait de tuer un homme) – est donc le fait de « tuer notre habitat », c’est-à-dire de détruire les écosystèmes qui constituent notre matrice existentielle. En y ajoutant l’intentionnalité, <a href="https://theconversation.com/quelle-protection-juridique-pour-les-forets-122732">l’écocide</a> il peut être considéré comme l’« assassinat de notre environnement » dans la mesure où le caractère volontaire et prémédité de nos actes est de moins en moins à mesure que les scientifiques nous alertent.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/podcast-defis-climatiques-la-justice-un-outil-de-plus-en-plus-efficace-193344">Podcast « Défis climatiques » : La justice, un outil de plus en plus efficace ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Ainsi, début 2021, la <a href="https://www.conventioncitoyennepourleclimat.fr/">Convention citoyenne pour le climat</a> a proposé dans son rapport final la <a href="https://propositions.conventioncitoyennepourleclimat.fr/le-rapport-final/">création d’un crime d’écocide</a> (proposition SN 7.1.1). Intégré au Livre V du code pénal (« Autres crimes et délits »), un Titre III disposerait « Des infractions en matière d’environnement » incluant – notamment – un nouvel article établissant l’écocide comme</p>
<blockquote>
<p>« toute action ayant causé un dommage écologique grave consistant en un dépassement manifeste et non négligeable d’au moins une des limites planétaires et dont l’auteur savait ou aurait dû savoir qu’il existait une haute probabilité de ce dépassement ».</p>
</blockquote>
<p>Cette infraction serait punie de vingt ans de réclusion criminelle et d’une amende de 10 millions d’euros dont le montant pourrait être porté à 20 % du dernier chiffre d’affaires connu à la date de la commission des faits et en fonction des avantages tirés.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/peut-on-eviter-de-detruire-la-nature-199144">Peut-on éviter de détruire la nature ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Finalement, la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/loi-climat-resilience">loi climat-résilience</a> du 22 août 2021 a retenu une définition beaucoup plus restrictive et technique : intégré au Code de l’environnement, l’écocide constitue le fait, « en violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement » (art. L. 231-1 C. env.) et « lorsqu’il est commis de manière intentionnelle » (art. L. 231-3 C. env.), « d’émettre dans l’air, de jeter, de déverser ou de laisser s’écouler dans les eaux superficielles ou souterraines ou dans les eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales, directement ou indirectement, une ou plusieurs substances dont l’action ou les réactions entraînent des effets nuisibles graves et durables sur la santé, la flore, la faune […] » ; la peine étant de dix ans d’emprisonnement et l’amende pouvant être portée à 4,5 millions d’euros jusqu’au décuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.</p>
<p>Une formulation très imparfaite mais une formulation qui permet tout de même une première reconnaissance juridique de l’écocide… En attendant une définition plus simple, plus large, plus pédagogique et plus efficace au sein d’un nouveau livre du code pénal dédié spécifiquement à la protection de notre environnement si fragile et si menacé ?</p>
<hr>
<p><em>Cet article s’intègre dans la série <strong><a href="https://theconversation.com/fr/topics/lenvers-des-mots-127848">« L’envers des mots »</a></strong>, consacrée à la façon dont notre vocabulaire s’étoffe, s’adapte à mesure que des questions de société émergent et que de nouveaux défis s’imposent aux sciences et technologies. Des termes qu’on croyait déjà bien connaître s’enrichissent de significations inédites, des mots récemment créés entrent dans le dictionnaire. D’où viennent-ils ? En quoi nous permettent-ils de bien saisir les nuances d’un monde qui se transforme ?</em></p>
<p><em>De <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-validisme-191134">« validisme »</a> à <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-silencier-197959">« silencier »</a>, de <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-bifurquer-191438">« bifurquer »</a> à <a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-degenrer-191115">« dégenrer »</a>, nos chercheurs s’arrêtent sur ces néologismes pour nous aider à mieux les comprendre, et donc mieux participer au débat public.</em></p>
<p><em>À découvrir aussi dans cette série :</em></p>
<ul>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-quantique-196536"><em>« L’envers des mots » : Quantique</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-flow-195489"><em>« L’envers des mots » : Flow</em></a></p></li>
<li><p><a href="https://theconversation.com/lenvers-des-mots-neuromorphique-195152"><em>« L’envers des mots » : Neuromorphique</em></a></p></li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/200604/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Louis de Redon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Si la Convention citoyenne pour le climat a proposé la création d’un crime d’écocide, la loi climat-résilience du 22 août 2021 en a retenu une définition beaucoup plus restrictive et technique.
Louis de Redon, Maître de conférences HDR en droit de l’environnement, AgroParisTech – Université Paris-Saclay
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/194112
2022-11-17T17:28:13Z
2022-11-17T17:28:13Z
Ostréiculture en Méditerranée : comment la filière a su se réinventer et quelles sont ses perspectives d'avenir
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/493954/original/file-20221107-11-owyqr3.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=39%2C4%2C3220%2C2438&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les pratiques culturales en lagune de Thau nécessitent des adaptations spécifiques pour s'adapter au changement climatique.</span> <span class="attribution"><span class="source">Franck Lagarde, Ifremer</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Les cultures marines, et l’ostréiculture en particulier, sont représentées en France par des activités traditionnelles qui s’adaptent, depuis plus d’un siècle, à l’originalité des trois façades côtières : Manche–Mer du Nord, Atlantique et Méditerranée. Cependant, aujourd’hui en Méditerranée, le recours à des connaissances nouvelles et aux innovations est nécessaire pour répondre, d’une part, à des exigences du marché toujours plus exigeantes, et d’autre part, à la pression croissante des contraintes environnementales.</p>
<p>La culture du coquillage (conchyliculture) se fait jusqu’à maintenant à ciel ouvert, en mer côtière, dans les estuaires, les bassins côtiers et les étangs salés de Méditerranée. Pour que la culture soit productive, les conchyliculteurs ont des repères en fonction des saisons, des pluies, des orages, des chaleurs ou des périodes froides. Le climat influe sur la qualité de l’eau et par conséquent sur la productivité des coquillages en élevage.</p>
<p>Le lien entre le climat, l’eau de mer et le coquillage se fait par la production planctonique alimentant les coquillages, c’est-à-dire la production du plancton dont la taille varie entre 5 et 200 micromètres (entre 5 et 200 millièmes de millimètre). Cette production planctonique peut être animale ou végétale mais, dans les deux cas, la température de l’eau influencera leur métabolisme selon leur préférence.</p>
<p>Dans les eaux côtières françaises, le plancton fourrager identifié jusqu’à maintenant pour les huîtres est connu pour préférer les eaux tempérées. Or, sur le pourtour du golfe du Lion et dans les lagunes méditerranéennes, les <a href="https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1029/2019GL082933">températures de l’air et de l’eau de mer augmentent selon une tendance nette</a> et les <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/insu-03668368/">canicules s’intensifient en durée et en fréquence</a>. La remise en question est générale et l’audace devient une obligation.</p>
<h2>Les leçons de l’hécatombe des années 1970</h2>
<p>L’ostréiculture a toujours été sensible aux perturbations environnementales d’origines naturelles ou humaines. Depuis plus de cinquante ans, les crises zoosanitaires (relative à la santé des huîtres en élevage), écologiques ou sanitaires (relative à la santé des consommateurs humains) ont induit des remises en question profondes tant au niveau des pratiques culturales de la filière et de la gestion de ces ressources qu’au niveau de la gestion de l’environnement.</p>
<p>Par exemple, la perte en France de 60 000 tonnes de cheptels d’huîtres (<em>Crassostrea angulata</em>) par an entre 1970 et 1973, décimés par une maladie virale, a impacté environ 5000 établissements ostréicoles. Une <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/1991/publication-2760.PDF">importation massive d’huîtres du Pacifique (<em>Crassostrea gigas</em>) en provenance du Japon</a> (plus de 5 milliards de naissains) et de Colombie britannique, Canada (562 tonnes d’huîtres adultes) a été organisée entre 1971 et 1977 pour remplacer l’espèce malade.</p>
<p>Cette énorme opération a été considérée comme un miracle du point de vue de la filière ostréicole puisque le redémarrage avec cette nouvelle espèce a été immédiat et un volume produit de 80 000 tonnes dès 1976 du nord au sud de la France.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<h2>Le cas de l’ostréiculture dans la lagune de Thau</h2>
<p>En Méditerranée, le principal bassin conchylicole est la lagune de Thau. Représentant à elle seule 10 % de la production française, cette lagune est très sensible à son contexte climatique et géographique.</p>
<p>Or, au niveau environnemental, entre 1970 et 2000, l’eutrophisation induite par des excès de rejets urbains a impacté le fonctionnement de la conchyliculture locale, la rendant vulnérable aux manques d’oxygène pendant les périodes estivales… Mais l’<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0048969720328096">eutrophisation a pu être contrôlée</a> avec pour bénéfices de limiter les anoxies estivales (baisse de l’oxygène disponible) et de diminuer les pertes économiques associées à la mortalité des coquillages.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="Huîtres en culture sur corde (Thau)" src="https://images.theconversation.com/files/493879/original/file-20221107-15-x931mm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/493879/original/file-20221107-15-x931mm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=756&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/493879/original/file-20221107-15-x931mm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=756&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/493879/original/file-20221107-15-x931mm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=756&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/493879/original/file-20221107-15-x931mm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=950&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/493879/original/file-20221107-15-x931mm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=950&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/493879/original/file-20221107-15-x931mm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=950&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Contrôle de l’eutrophisation et mise en élevage d’huîtres natives de la lagune de Thau offrent de bonnes perspectives.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Franck Lagarde/Ifremer</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La trajectoire écologique de la lagune des dernières décennies a permis la restauration environnementale de l’écosystème. A ainsi été constaté le retour des <a href="https://wwz.ifremer.fr/natura2000/content/download/27291/380872/file/Natura_NOT_0025_fiche_synthese_Herbiers_V1r0.pdf">prairies d’herbiers de zostères</a> avec ses vertus pour la biodiversité, des habitats de nurseries de poissons et invertébrés ainsi qu’une augmentation des apports en oxygène améliorant sa résistance contre les anoxies.</p>
<p>La culture de l’huître du Japon en lagune de Thau, en plein essor depuis 1980, aurait dû être sereine…</p>
<p>Cependant, en 2008, l’émergence de l’agent pathogène Ostreid-Herpes Virus-µvar dans ces zones conchylicoles, puis au niveau français et européen, a induit des fortes mortalités sur les juvéniles, puis une raréfaction et une spéculation des prix du naissain d’huître. Pour survivre, la <a href="https://wwz.ifremer.fr/cperpc/content/download/15454/231759/file/SYNTHESE">filière méditerranéenne</a> a alors remis en question la croyance prétendant que le développement larvaire et la collecte des naissains étaient impossibles en lagune.</p>
<p>Dès 2010, la démarche scientifique a permis de nuancer cette croyance en trouvant finalement des zones viables pour la collecte de naissain. Dans le même temps, les <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01928210/">connaissances sur les processus de la reproduction des huîtres dans ce contexte si particulier</a> étaient peu à peu réunies et développées.</p>
<p>Aujourd’hui, ces nouvelles données offrent une option pour aider la filière à s’adapter dans le contexte du changement climatique, atténuer ses effets et tenter de transformer les risques en opportunités. L’huître à l’origine importée du Japon <em>Crassostrea gigas</em> désormais native du bassin de Thau a révélé des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31959106/">qualités remarquables de survie</a> <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fmicb.2015.00686/full">face à l’Herpès-virus</a>, de bonnes performances de croissance, de rentabilité et d’adaptation aux aléas permettant d’<a href="https://www.cepralmar.org/wp-content/uploads/2022/06/2022_Natiustra_rapportfinal.pdf">envisager son élevage durable localement</a>.</p>
<h2>Quelles perspectives ?</h2>
<p>Cela étant, la prudence reste de mise.</p>
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<p>L’<a href="https://hal.umontpellier.fr/hal-03700673">année 2019 et sa canicule estivale intense</a> a montré que le fonctionnement écologique du système peut « shifter » (basculer) d’un mode favorable à un mode défavorable pour le développement des larves d’huîtres et la collecte de naissain. La canicule a induit des températures moyennes élevées, ce qui a modifié les consortiums planctoniques en privilégiant des planctons de plus petites tailles (picophytoplancton) et a mis en échec le développement larvaire des huîtres au profit d’organismes plus adaptés comme des vers calcaires encroûtants.</p>
<p>Les aléas de ces dernières années en Méditerranée ont permis aux différentes communautés de se rencontrer, des producteurs jusqu’aux services de l’État, en passant par les gestionnaires environnementaux, les gestionnaires de ressources et la communauté scientifique. Aujourd’hui, une plate-forme d’échange d’information et de connaissance s’est organisée au niveau du Syndicat mixte de gestion de la lagune de Thau : le Réseau d’observation lagunaire.</p>
<p>Et un renfort existe par l’intermédiaire de l’arrivée de start-up dynamiques qui viennent contribuer à améliorer la résilience de la filière avec leurs nouveaux outils.</p>
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<img alt="Scientifiques effectuant des tâches de suivi en laboratoire" src="https://images.theconversation.com/files/493880/original/file-20221107-12015-yw6bkd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/493880/original/file-20221107-12015-yw6bkd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=716&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/493880/original/file-20221107-12015-yw6bkd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=716&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/493880/original/file-20221107-12015-yw6bkd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=716&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/493880/original/file-20221107-12015-yw6bkd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=900&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/493880/original/file-20221107-12015-yw6bkd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=900&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/493880/original/file-20221107-12015-yw6bkd.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=900&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les échanges entre les scientifiques et les autres intervenants du secteur permettent le transfert de connaissances en temps réel.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Franck Lagarde, Ifremer</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>La création du Centre du littoral et de la mer (CELIMER) localisé à Sète sur la station de l’Ifremer/UMR MARBEC permettra d’initier et de mettre en œuvre des partenariats sous forme de projets innovants avec l’ensemble des compétences scientifiques et techniques disponibles au sein de l’écosystème de recherche et d’innovation en recherche marine, en particulier dans le domaine de la biodiversité marine et de ses usages, principalement en Méditerranée.</p>
<p>Les idées foisonnent, le potentiel humain, qu’il soit technique ou scientifique, est présent. Et des marges de manœuvre existent au niveau des pratiques culturales pour s’adapter au changement global et en atténuer ses effets.</p>
<p>La filière conchylicole méditerranéenne a elle-même rédigé un <a href="https://agriculture.gouv.fr/contrat-de-filiere-conchylicole-etat-region-occitanie-une-avancee-pour-le-maintien-et-la">« Contrat de filière conchylicole État–région Occitanie »</a> pourvue d’une centaine d’actions ayant pour objectif commun de continuer à maintenir, préserver et transmettre les savoir-faire de la profession, développer la filière et renforcer sa résilience.</p>
<p>L’ensemble de ces dynamiques inédites sera à l’origine d’une nouvelle donne conchylicole en Méditerranée, voire dans les différentes régions de France. Ces synergies permettront de renforcer les partenariats, de créer des projets communs pour mieux comprendre le monde d’aujourd’hui, ce monde de l’inconnu au seuil de +1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels redouté par le GIEC (<a href="https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2018/05/ar4-wg1-spm-fr.pdf">rapport de 2018</a>).</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 7 au 17 octobre 2022 en métropole et du 10 au 27 novembre 2022 en outre-mer et à l’international), dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition a pour thème : « Le changement climatique ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194112/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Franck Lagarde ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La conchyliculture en Méditerranée se prépare au changement climatique. Pour cela, un savant mélange de remise en question, d’audace, de pragmatisme et de science se met en place pour 2020-2050.
Franck Lagarde, Chercheur en écologie et biologie marines, Ifremer/UMR MARBEC, Ifremer
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/190077
2022-10-02T16:28:35Z
2022-10-02T16:28:35Z
Changement climatique en montagne : que dit la science ?
<p>Nous connaissons tous des exemples spectaculaires du changement climatique que la planète est en train de subir, et nous avec. <a href="https://theconversation.com/vous-revez-dobserver-les-icebergs-a-terre-neuve-depechez-vous-avant-quil-ne-soit-trop-tard-186078">La banquise fond</a>, les <a href="https://theconversation.com/inde-et-pakistan-se-preparer-a-des-canicules-encore-plus-intenses-183373">canicules se multiplient</a>, les forêts sont <a href="https://theconversation.com/des-donnees-inedites-sur-les-interactions-entre-les-megafeux-et-le-phenomene-el-nino-187411">ravagées par des feux gigantesques</a>.</p>
<p>En montagne, les glaciers disparaissent et la neige est de moins en moins présente. Peu épais et peu étendu, le manteau neigeux se liquéfie précocement au printemps et apparaît plus tardivement en automne et en hiver. La diminution de masse glaciaire s’est fortement accélérée depuis le début du XXI<sup>e</sup> siècle : entre 2000 et 2004, les glaciers ont perdu annuellement 227 gigatonnes, et cette perte s’est élevée à 298 gigatonnes par an entre 2015 et 2019, <a href="https://www.wsl.ch/fr/news/2021/04/le-recul-mondial-des-glaciers-sest-accelere.html">montre cette étude</a>.</p>
<p>En conséquence, la période de croissance de la végétation – durant laquelle la température de l’air reste supérieure à 5 °C – augmente. Est-ce une bonne chose ? Non, comme on peut le comprendre dans la vidéo ci-dessous.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Comprendre le changement climatique dans les Alpes » (CREA Mont-Blanc).</span></figcaption>
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<p>Que sait la science du changement climatique en montagne et pourquoi y est-il plus fort qu’en plaine ? Le réchauffement dépend de l’altitude : cela a été vérifié à <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0959378006000926">l’échelle mondiale</a> et <a href="https://ideas.repec.org/a/spr/endesu/v24y2022i9d10.1007_s10668-021-01880-5.html">régionale</a>. Ainsi, il se produit plus rapidement en altitude où son impact sera alors plus fortement ressenti.</p>
<p>Si l’on peut mesurer ces effets concrets du changement climatique et les relier à une augmentation mondiale du CO<sub>2</sub> dans l’atmosphère, les mécanismes à l’œuvre ne sont pas parfaitement compris, en particulier dans les zones de montagne. Cela vous étonne ? Et pourtant, la science ne sait pas encore tout sur tout !</p>
<h2>Spirale négative</h2>
<p>Un premier mécanisme à considérer est la capacité d’une surface à réfléchir la lumière, ce qu’on appelle l’albédo. Les surfaces blanches, comme la neige, réfléchissent davantage le rayonnement solaire que les surfaces sombres (et possèdent donc un <a href="https://www.futura-sciences.com/planete/definitions/climatologie-albedo-1023/">albédo plus élevé</a>). Par conséquent, le rayonnement réfléchi ne chauffera pas ces surfaces claires ou blanches.</p>
<p>En moyenne, les surfaces terrestres reflètent environ 30 % de la lumière du soleil, mais cette capacité est considérablement augmentée pour les montagnes couvertes de neige, avec par exemple un <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00704-012-0712-0">albedo de 70 % détecté dans les montagnes suisses observées dans cette étude</a>. La neige fraîche peut refléter jusqu’à 87 % du rayonnement.</p>
<p>La fonte précoce du manteau neigeux et le retrait des glaciers laissent des terres rocheuses et stériles pendant de plus longues périodes. Ces terres stériles reflètent moins le rayonnement solaire que la neige blanche ou la glace. En conséquence, ces endroits se réchauffent et conservent également la chaleur plus longtemps. On entre alors dans une spirale négative qui amplifie encore l’effet du réchauffement, surtout dans les zones alpines.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’envers du décor – forts impacts du changement climatique en montagne (EP #04).</span></figcaption>
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<h2>Nuages de poussière du Sahara</h2>
<p>D’autres phénomènes peuvent accélérer encore la fonte de la neige en montagne. En mars 2022, la France et d’autres pays européens ont connu des <a href="https://theconversation.com/comment-naissent-les-tempetes-de-sable-144131">épisodes de nuages de poussière du Sahara</a>, qui ont couvert la neige et la glace des zones de montagne d’une couche couleur sable, diminuant leur capacité de réflexion (albedo). La neige ainsi teintée absorbe davantage de chaleur et fond plus vite.</p>
<p>Avec l’accélération du changement climatique, de tels événements deviennent plus fréquents et renforcent la fonte précoce.</p>
<h2>Humidité de surface et évapotranspiration</h2>
<p>Une <a href="https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1029/2009GL037245">étude menée sur le plateau tibétain</a>, où le réchauffement s’est accéléré pendant les mois d’hiver à la fin du XX<sup>e</sup> siècle, montre que l’augmentation des températures a été liée à l’augmentation de l’humidité de surface.</p>
<p>L’augmentation de l’humidité de surface entraîne une augmentation du rayonnement de grande longueur d’onde (=chaleur) et peut localement et temporairement augmenter la température en altitude.</p>
<p>Mais localement, en montagne, il a été montré qu’une augmentation de la vapeur hivernale de surface entraîne de la chaleur et donc des températures plus élevées, phénomène qui s’intensifie avec l’altitude. Un hiver moins froid étant aussi moins sec, le processus peut s’emballer.</p>
<p>De manière générale, l’évapotranspiration, c’est-à-dire la transpiration de la végétation et des masses d’eau, peut également contribuer aux changements de température. Comme la transpiration d’un corps humain, l’évapotranspiration peut refroidir l’air et l’environnement, un effet que l’on peut constater en traversant une forêt en été.</p>
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<p>En montagne, les sécheresses prolongées renforcent donc la hausse des températures, car les lacs et la végétation s’assèchent et aucune eau ne s’évapore. De tels effets peuvent être observés dans toutes les chaînes, mais sont plus prononcés <a href="https://research.monash.edu/files/154950020/153843133_oa.pdf">dans les montagnes tropicales</a>.</p>
<h2>Chaleur piégée</h2>
<p>Un autre processus conduisant à une augmentation des températures peut être expliqué par l’effet Stefan-Boltzmann. La <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_Stefan-Boltzmann">loi de Stefan-Boltzmann</a> décrit la puissance rayonnée par un corps noir en fonction de sa température et décrit le forçage radiatif.</p>
<p>Le forçage radiatif se produit lorsque la quantité d’énergie qui pénètre dans l’atmosphère terrestre est différente de la quantité d’énergie qui en sort. En montagne, l’effet Stefan-Boltzmann décrit l’énergie qui est piégée dans les roches et sols et qui n’est pas entièrement réémise. Ce qui peut également entraîner une augmentation des températures, notamment dans les paysages alpins dominés par des roches.</p>
<p>Le dernier mécanisme qui, selon la science, peut contribuer à la sensibilité accrue des montagnes au changement climatique est la modification de la couverture végétale en fonction de l’altitude.</p>
<p>Ces changements de couverture peuvent être associés à la migration des espèces végétales en plus haute altitude pour suivre les modifications de température, y compris le déplacement vers le haut de la limite de la zone arborée.</p>
<p>Ces changements influencent ensuite l’albédo de la surface, la répartition des flux d’énergie et entraînent donc des augmentations de température en fonction de l’altitude.</p>
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<figcaption><span class="caption">La sècheresse dans la montagne, un problème pour nous tous !</span></figcaption>
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<h2>Point de bascule et processus d’emballement</h2>
<p>L’ensemble de ces différents processus peut fonctionner en synergie et conduire à des points de bascule dans les régions de montagne, où la fonte de la glace et de la neige sera encore accélérée et deviendrait impossible à arrêter. Dans l’histoire de la Terre, plusieurs de ces <a href="https://www.nature.com/articles/s41559-019-0797-2">processus d’emballement</a> ont été à l’origine de précédents événements de changement climatique, qui ont conduit à des extinctions massives.</p>
<p>Un point de bascule climatique en montagne pourrait entraîner la perte de réservoirs d’eau (glace et neige), aggravant les sécheresses ou les inondations dans la montagne et dans les plaines, avec des répercussions sur l’agriculture, l’industrie, la biodiversité et la société humaine dans son ensemble.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Créé en 2007 pour accélérer et partager les connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, le Fonds Axa pour la Recherche a soutenu près de 700 projets dans le monde entier, menés par des chercheurs originaires de 38 pays. Pour en savoir plus, consultez le site Axa Research Fund ou suivez-nous sur Twitter @AXAResearchFund.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190077/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dirk S. Schmeller a reçu des financements de AxaRF, ANR, Commission européenne.</span></em></p>
Les effets du changement climatique se font sentir plus rapidement et plus intensément en altitude.
Dirk S. Schmeller, Professor for Conservation Biology, Axa Chair for Functional Mountain Ecology at the École Nationale Supérieure Agronomique de Toulouse, Université de Toulouse III – Paul Sabatier
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/180393
2022-08-10T13:35:46Z
2022-08-10T13:35:46Z
Des zones du fleuve Saint-Laurent défavorables à la survie des espèces envahissantes deviennent des refuges pour les poissons indigènes
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/462497/original/file-20220511-16-o3ntoq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=20%2C20%2C4545%2C3428&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le gobie à taches noires est un poisson envahissant qui s’est établi et répandu dans le fleuve Saint-Laurent au cours des deux dernières décennies à la suite de son introduction dans les Grands Lacs.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Cristina Charette)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les invasions biologiques représentent l’un des principaux facteurs ayant <a href="https://doi.org/10.2307/1313420">contribué à l’important déclin de la biodiversité observé à l’échelle mondiale</a>. </p>
<p>Plusieurs espèces envahissantes indigènes à la région ponto-caspienne (qui comprend les mers Noire, Caspienne et d’Azov), comme la moule zébrée (<em>Dreissena polymorpha</em>), ont été introduites en Amérique du Nord par les navires transocéaniques. Ces espèces sont reconnues pour avoir perturbé les écosystèmes du monde entier, y compris ceux des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><strong><em>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/fleuve-saint-laurent-116908">Le Saint-Laurent en profondeur</a></em></strong>
<br><em>Ne manquez pas les nouveaux articles sur ce fleuve mythique, d'une remarquable beauté. Nos experts se penchent sur sa faune, sa flore, son histoire et les enjeux auxquels il fait face. Cette série vous est proposée par La Conversation.</em></p>
<hr>
<p>Par contre, les impacts des envahisseurs ponto-caspiens sur la biodiversité indigène, bien qu’importants, <a href="https://doi.org/10.1007/s10530-009-9490-8">semblent avoir été de moindre envergure dans le fleuve Saint-Laurent que dans les Grands Lacs</a>. Ce phénomène pourrait être expliqué par une différence de conductivité entre ces écosystèmes, qui est plus faible dans le fleuve. La conductivité est la capacité de l’eau à conduire un courant électrique, qui résulte de la quantité de minéraux dissous. Elle est donc fortement dépendante de salinité, qui représente la concentration totale de tous les sels dissous dans l’eau.</p>
<p>Les espèces envahissantes qui proviennent de la région ponto-caspienne ont évolué dans des eaux saumâtres, qui sont moins salées que l’eau de mer, mais tout de même riches en minéraux qui leur sont essentiels. Ainsi, lorsqu’elles sont introduites dans des habitats faibles en minéraux, ou de faible conductivité comme dans le fleuve, ces espèces semblent démontrer des contraintes physiologiques affectant leur survie.</p>
<p>Nous étudions comment les gradients de conductivité dans le fleuve Saint-Laurent favorisent la diversité aquatique face aux invasions par les espèces envahissantes. Ces gradients permettent de fournir aux espèces indigènes des refuges non envahis, qui présentent des conditions environnementales défavorables aux espèces invasives.</p>
<h2>Le gobie à taches noires envahit le Saint-Laurent</h2>
<p>Le gobie à taches noires (<em>Neogobius melanostomus</em>), envahisseur ponto-caspien, est un poisson qui s’est établi et répandu dans le fleuve Saint-Laurent <a href="https://doi.org/10.22621/cfn.v119i4.212">au cours des deux dernières décennies à la suite de son introduction dans les Grands Lacs</a>. Il a perturbé les communautés de poissons littoraux en raison de <a href="https://doi.org/10.1111/j.1095-8649.2011.03157.x">sa capacité à se reproduire rapidement et fréquemment, de sa forte adaptabilité à diverses conditions d’habitat et de son comportement agressif</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le gobie à taches noires est une espèce envahissante retrouvée dans le fleuve Saint-Laurent.</span></figcaption>
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<p>La présence du gobie a notamment été associée <a href="https://www.reabic.net/aquaticinvasions/2018/AI_2018_Morissette_etal.pdf">au déclin de plusieurs espèces de poissons indigènes comme le raseux-de-terre noir</a> et à la propagation de certaines maladies chez les poissons, comme la <a href="https://www.quebec.ca/agriculture-environnement-et-ressources-naturelles/sante-animale/maladies-animales/septicemie-hemorragique-virale">septicémie hémorragique virale</a>. Il existe également des évidences que le gobie à taches noires contribue à la propagation du <a href="https://doi.org/10.7589/0090-3558-42.3.479">botulisme aviaire</a> et à la bioaccumulation de contaminants tels que le <a href="https://doi.org/10.3394/0380-1330(2007)33%5B46:HNSILE%5D2.0.CO;2">mercure dans la chaîne alimentaire aquatique</a>.</p>
<p>Qui plus est, on s’attend à ce que ces impacts s’aggravent avec le changement climatique, car le gobie à taches noires présente des <a href="https://doi.org/10.1111/j.1095-8649.2011.03157.x">taux de croissance plus rapides à mesure que les températures de l’eau se réchauffent dans les Grands Lacs et le fleuve Saint-Laurent</a>.</p>
<p>La plupart des impacts écologiques du gobie à taches noires sur les communautés de poissons et de macroinvertébrés (animaux sans colonne vertébrale et visibles à l’œil nu), indigènes semblent dépendre de sa densité et de son statut d’invasion ; les <a href="https://doi.org/10.1016/j.jglr.2022.01.017">impacts seront plus importants dans les zones où l’espèce est présente en grand nombre, et depuis longtemps</a>.</p>
<p>Puisque la répartition spatiale de plusieurs espèces envahissantes (dont les moules zébrées) du fleuve Saint-Laurent semble être influencée par le gradient de conductivité de l’eau, on peut se questionner si cette caractéristique de l’habitat représente un facteur limitant de l’invasion des milieux d’eau douce par le gobie à taches noires.</p>
<h2>Une question de refuge</h2>
<p>L’hétérogénéité environnementale, c’est-à-dire la variation des caractéristiques physiques et écologiques du paysage, peut jouer un rôle important dans la préservation de la diversité et de l’abondance des espèces indigènes dans les écosystèmes envahis par le gobie. En effet, <a href="https://doi.org/10.1002/ecs2.1311">cette hétérogénéité peut générer des refuges pour les espèces indigènes face à une invasion biologique</a> lorsque les conditions environnementales, telles que la conductivité de l’eau, restreignent l’abondance et l’impact des envahisseurs en limitant leur survie.</p>
<p>Il existe également un nombre convaincant, mais limité d’études dans les Grands Lacs qui suggèrent que les <a href="https://doi.org/10.1016/j.jglr.2009.11.001">milieux humides (herbiers et marais) sont défavorables à certains envahisseurs aquatiques clés, notamment les gobies à taches noires</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/457173/original/file-20220408-42947-fnto70.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/457173/original/file-20220408-42947-fnto70.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/457173/original/file-20220408-42947-fnto70.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/457173/original/file-20220408-42947-fnto70.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/457173/original/file-20220408-42947-fnto70.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/457173/original/file-20220408-42947-fnto70.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/457173/original/file-20220408-42947-fnto70.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La récolte de gobies dans le fleuve Saint-Laurent.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Cristina Charette), Fourni par l’auteure</span></span>
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<p>Nos travaux ont également démontré que les deux types de refuges, soit le gradient de conductivité et les milieux humides locaux, limitaient l’abondance du gobie à taches noires. Et même aux endroits où il est présent en grande quantité, la présence de milieux humides permet d’atténuer ses effets négatifs sur les communautés indigènes. Ceci pourrait être attribuable aux effets structurants de la végétation, qui offrent des conditions favorables au maintien de la diversité de poissons et de macroinvertébrés.</p>
<h2>Des outils importants pour la conservation de la biodiversité</h2>
<p>Les résultats de <a href="https://doi.org/10.1016/j.jglr.2022.01.017">cette étude</a>, bien que très pertinents pour l’évaluation des risques et la gestion du gobie à taches noires, étaient basés sur des observations sur une portion limitée du fleuve Saint-Laurent. L’existence de deux grands inventaires de poissons le long du fleuve Saint-Laurent, le Fish Identification Nearshore Survey (FINS) et le <a href="https://catalogue.ogsl.ca/dataset/17b68796-fcd2-4888-8653-ecbcaadc8a91#:%7E:text=Le%20R%C3%A9seau%20de%20suivi%20ichtyologique,la%20Faune%20et%20des%20Parcs.">réseau de suivi ichtyologique (RSI)</a>, respectivement mené par le River Institute et le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs, nous donne maintenant l’occasion de tester le phénomène à une échelle spatiale beaucoup plus importante, soit sur pratiquement l’ensemble de la portion d’eau douce du fleuve Saint-Laurent.</p>
<p>Nous présentons ainsi <a href="https://doi.org/10.1016/j.jglr.2022.01.017">l’une des rares études en eau douce, à ce jour, qui ait abordé le rôle essentiel, mais méconnu, des refuges dans un écosystème avec des conditions environnementales hétérogènes</a>. En plus d’atténuer les effets de l’invasion sur la biodiversité indigène, ces zones assurent leur pérennité. L’atténuation de la présence et de l’abondance du gobie à taches noires dans le fleuve Saint-Laurent par les eaux à faible conductivité et par la présence de milieux humides représentent donc un outil de conservation considérable et pouvant contribuer à la préservation des ressources de ce système fluvial d’une grande importance culturelle et socio-économique.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/457694/original/file-20220412-10942-fm0wg8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/457694/original/file-20220412-10942-fm0wg8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/457694/original/file-20220412-10942-fm0wg8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/457694/original/file-20220412-10942-fm0wg8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/457694/original/file-20220412-10942-fm0wg8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/457694/original/file-20220412-10942-fm0wg8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/457694/original/file-20220412-10942-fm0wg8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/457694/original/file-20220412-10942-fm0wg8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le gobie à taches noires un poisson envahissant ayant des impacts importants dans le fleuve Saint-Laurent.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Stephany Hildebrand), Fourni par l’auteure</span></span>
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</figure>
<p>De plus, la relation entre l’abondance du gobie et la conductivité de l’eau représente un outil simple, mais informatif, dans l’évaluation du risque pour les habitats qui ne sont pas encore colonisés par le gobie à taches noires (comme les affluents du fleuve Saint-Laurent) et qui peuvent héberger des espèces de poissons en péril, notamment le dard de sable (<em>Ammocrypta pelludica</em>), le fouille-roche gris (<em>Percina copelandi</em>) et le méné camus (<em>Notropis anogenus</em>).</p>
<p>Nos recherches soutiennent l’importance de préserver une grande diversité de milieux naturels, y compris les milieux humides, pour leurs effets bénéfiques dans l’atténuation des impacts négatifs des invasions biologiques sur la biodiversité des eaux douces.</p>
<p>Nous préconisons notamment la préservation des milieux humides dans le fleuve Saint-Laurent comme un geste critique au soutien de ce service écosystémique.</p>
<hr>
<p><em>Nous remercions Matthew Windle du River Institute d’avoir fourni des données et pour sa contribution intellectuelle au projet. Nous remercions Louis Astorg d’avoir développé des idées, dirigé et mis en œuvre la première étude de notre recherche.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180393/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alison Derry est membre du Groupe interuniversitaire en limnologie (GRIL). Alison Derry a reçu des financements de Fonds de recherche du Québec (FRQNT) - nature et technologies et du Conseil Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), projet Alliance avec le River Institute.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Cristina Charette est membre du Groupe de recherche interuniversitaire en limnologie (GRIL). Cristina Charette a recu du financements du Fonds de recherche du Québec nature et technologies (FRQNT) et de Mitacs.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Olivier Morissette est membre de Ressources Aquatiques Québec (RAQ), il a reçu des financements du Fonds de recherche du Québec (FRQNT) - nature et technologies et du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG).</span></em></p>
La relation entre la conductivité et l’abondance du gobie à taches noires, espèce envahissante, et les impacts écologiques qui y sont associés, représente un outil simple d’évaluation des risques.
Alison Derry, Professeure agrégée, Université du Québec à Montréal (UQAM)
Cristina Charette, PhD Candidate, Université du Québec à Montréal (UQAM)
Olivier Morissette, Assistant professor, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/186413
2022-07-20T16:49:12Z
2022-07-20T16:49:12Z
Quand leurs microbes aident (ou pas) les pucerons à survivre à la hausse des températures
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/472959/original/file-20220707-16-pi6y3l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C0%2C1588%2C1075&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les pucerons vivent en colocation avec différentes bactéries, dont certaines sont fragilisées par la hausse des températures et d'autres aident au contraire à les supporter.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/laurent_jegou/4558367791/">Laurent Jégou, Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>La biodiversité planétaire subit de plein fouet les effets d’une augmentation de la température globale moyenne et de la fréquence des vagues de chaleur comme manifestations du réchauffement climatique : chutes de populations d’organismes iconiques, perturbations des cycles biologiques, ou encore migrations d’espèces invasives sont devenues monnaie courante.</p>
<p>Il existe toutefois une part de la biodiversité qui reste cachée du feu des projecteurs : les microorganismes symbiotiques (symbiotes) vivant dans le corps de leur hôte et leur apportant des bénéfices variés.</p>
<p>Ces symbiotes pourraient jouer un rôle majeur dans l’adaptation de certains organismes, comme les insectes, à la hausse globale des températures, avec des répercussions sur l’agriculture pour les insectes ravageurs (pucerons, punaises) et pollinisateurs (abeilles, bourdons), mais aussi sur la santé humaine pour ceux vecteurs de maladies (moustiques, mouches tsé-tsé).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/472778/original/file-20220706-24-lc2gmu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/472778/original/file-20220706-24-lc2gmu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=161&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/472778/original/file-20220706-24-lc2gmu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=161&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/472778/original/file-20220706-24-lc2gmu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=161&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/472778/original/file-20220706-24-lc2gmu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=202&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/472778/original/file-20220706-24-lc2gmu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=202&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/472778/original/file-20220706-24-lc2gmu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=202&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">De nombreux insectes à forts enjeux économiques et sociétaux sont associés à des symbiotes microbiens, qu’ils soient des ravageurs des cultures (à gauche, la punaise verte ponctuée <em>Nezara viridula</em>), des pollinisateurs (au centre, un bourdon <em>Bombus</em> sp.), ou des vecteurs de maladies (à droite, le moustique tigre <em>Aedes albopictus</em>).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span></span>
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</figure>
<p>Presque tous les animaux sont impliqués dans des symbioses microbiennes, à des degrés plus ou moins forts. Chez les humains comme chez les abeilles, la communauté bactérienne qui colonise l’intestin <a href="https://www.nature.com/articles/s41684-018-0173-x">joue un rôle majeur</a> dans les fonctions digestives, immunitaires, ou même neurologiques de leur hôte.</p>
<p>Cette part longtemps inconnue de la biodiversité suscite aujourd’hui l’intérêt des scientifiques, qui cherchent à prédire les réponses des organismes et de leurs symbiotes à leur environnement, et plus particulièrement au <a href="https://sfamjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/1462-2920.15826">réchauffement climatique</a>.</p>
<h2>Une fragile cohabitation : ce qui ne vous tue pas peut vous rendre… plus faible</h2>
<p>Le fort degré de codépendance entre les partenaires de la symbiose rend cette interaction très vulnérable à toute modification environnementale. Par exemple, le réchauffement est une cause majeure du blanchissement des récifs coralliens, survenant lorsque l’animal perd son alliée microscopique : une algue logée dans les cellules du corail et lui fournissant, par photosynthèse, les nutriments nécessaires à sa survie (sucres, acides aminés). La disparition de l’algue résultant de l’augmentation de la température de l’eau provoque à son tour la mort du corail. Ainsi, alors que l’animal tire des avantages vitaux de sa dépendance étroite à son partenaire symbiotique, il en hérite aussi des faiblesses.</p>
<p>Dans les écosystèmes terrestres, de nombreuses études explorent <a href="https://www.annualreviews.org/doi/abs/10.1146/annurev-ento-112408-085305">l’effet des symbiotes sur les pucerons</a>, fidèles soldats de laboratoire pour certains, pénibles ravageurs des jardins et cultures pour d’autres.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/472754/original/file-20220706-24-1ef52y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/472754/original/file-20220706-24-1ef52y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/472754/original/file-20220706-24-1ef52y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/472754/original/file-20220706-24-1ef52y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/472754/original/file-20220706-24-1ef52y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/472754/original/file-20220706-24-1ef52y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/472754/original/file-20220706-24-1ef52y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le puceron est un organisme modèle pour l’étude des symbioses microbiennes chez les insectes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span></span>
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<p>À l’instar des coraux, les pucerons hébergent un symbiote « obligatoire » appelé <em>Buchnera aphidicola</em> : une bactérie fournissant des nutriments indispensables, que l’insecte ne peut trouver seul dans son alimentation à base de sève. En échange, le puceron lui offre le gîte, le couvert et le transport, puisque la bactérie se multiplie à l’intérieur des cellules de l’insecte, avant d’être transmise à la descendance.</p>
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<p>La bactérie <em>B. aphidicola</em> subit les variations thermiques liées au changement climatique, tout comme son hôte « à sang-froid », qui est incapable de maintenir une température corporelle stable. Une hausse de la température externe induit ainsi un déclin de cette population bactérienne, dès 25 °C. Et comme le puceron ne peut pas vivre sans la bactérie, véritable maillon faible de l’interaction, le système s’effondre bien avant d’arriver à des températures qui pourraient directement affecter l’insecte.</p>
<h2>Location et colocation : plus on est de fous, plus on survit</h2>
<p>Certaines espèces de pucerons ne s’arrêtent pas là et peuvent être associées à des bactéries « facultatives », qui leur assurent des avantages variés mais pas toujours vitaux selon le contexte environnemental. Par exemple, certaines bactéries facultatives comme <em>Serratia symbiotica</em> <a href="https://resjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1046/j.1365-2311.2002.00393.x">accroissent la résistance du puceron à la chaleur en évitant l’effondrement de la symbiose</a>. Le mécanisme implique en fait un ménage à trois : la bactérie facultative <em>S. symbiotica</em> ne protège pas directement le puceron des hautes températures, mais limite le déclin des populations de la bactérie obligatoire <em>B. aphidicola</em> en libérant certaines molécules, ce qui profite aussi à l’insecte. En revanche, <em>S. symbiotica</em> ne confère aucun bénéfice (et peut même s’avérer néfaste) si le puceron reste exposé à des températures tolérables (généralement en dessous de 25 °C).</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/472775/original/file-20220706-16-n0jujf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/472775/original/file-20220706-16-n0jujf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/472775/original/file-20220706-16-n0jujf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=720&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/472775/original/file-20220706-16-n0jujf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=720&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/472775/original/file-20220706-16-n0jujf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=720&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/472775/original/file-20220706-16-n0jujf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=905&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/472775/original/file-20220706-16-n0jujf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=905&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/472775/original/file-20220706-16-n0jujf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=905&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">À l’intérieur du corps du puceron, on observe un ménage à trois : certaines cellules de l’insecte appelées bactériocytes (en bleu) peuvent héberger la bactérie obligatoire <em>Buchnera aphidicola</em> (en vert) ou la bactérie facultative <em>Serratia symbiotica</em> (en rouge).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Monnin et al. (2020), Current Biology</span></span>
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</figure>
<p>Un bailleur (l’insecte), un locataire (la bactérie obligatoire), des colocataires (les bactéries facultatives) et le réchauffement climatique susceptible de mettre fin au contrat de location (les bénéfices que chaque partie tire de l’association). Dans cette toile de fond, le partenaire bactérien obligatoire apparaît comme le talon d’Achille de l’interaction. Vient alors l’intérêt de s’associer à des bactéries facultatives agissant comme une assurance-vie lorsque les conditions environnementales deviennent défavorables.</p>
<h2>Les bactéries facultatives : parfaites colocatrices ou squatteuses ?</h2>
<p>Tout ceci est un peu trop beau pour être vrai, <a href="https://www.nature.com/articles/s41579-021-00550-7">à en croire certaines études scientifiques</a> : loin d’une romance sentimentale, la liaison entre insecte et symbiotes est très pragmatique, chacun tire le drap de son côté pour en profiter au maximum. Certes, ces symbioses ont été maintenues au cours de l’évolution car elles procurent des avantages aux deux parties.</p>
<p>Cependant, deux règles prévalent dans la nature : rien n’est simple, et rien n’est gratuit.</p>
<p>Rien n’est simple, car les pucerons peuvent abriter plusieurs espèces de bactéries facultatives simultanément. Outre la fonction de tolérance à la chaleur, certaines <a href="https://doi.org/10.1016/j.tim.2009.05.005">protègent leur hôte face aux ennemis naturels</a> (parasites, prédateurs), et d’autres lui permettent de coloniser de nouvelles espèces de plantes.</p>
<p>Rien n’est gratuit, car héberger un symbiote reste une infection, et la prolifération bactérienne est coûteuse pour la santé de l’insecte. Ces coûts sont contrebalancés par les bénéfices conférés par les bactéries, et tous deux dépendent de l’environnement.</p>
<p>Toute la question est donc de savoir <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/abs/10.1098/rspb.2021.2660">comment le réchauffement climatique peut modifier cet équilibre coûts-bénéfices</a> qui va décider du sort de chaque partenaire. Parmi les gagnants, les bactéries protégeant face à la chaleur pourraient se propager dans les populations de pucerons. En revanche, d’autres bactéries pourraient y perdre en cas de défaillance des fonctions bénéfiques qu’elles sont normalement censées assurer.</p>
<p>Dans une nature très pragmatique, si le puceron ne tire plus de bénéfice direct de son association avec une bactérie facultative, il pourrait bien « résilier le bail ».</p>
<h2>Au-delà des pucerons</h2>
<p>Gageons que peu pleureraient la disparition d’un ravageur notoire ou d’une obscure bactérie au nom imprononçable. Mais les herbivores sont un maillon essentiel des écosystèmes terrestres, duquel dépend la survie de nombreuses espèces les consommant.</p>
<p>Et surtout, les connaissances tirées des recherches sur les pucerons permettent de comprendre comment un système complexe constitué d’un hôte et tout un ensemble microbien peut répondre à une perturbation environnementale. Les découvertes sur ces systèmes peuvent aider à mieux appréhender comment des associations bien plus complexes font face aux changements globaux actuels et peuvent s’y adapter.</p>
<p>Ce propos pourrait s’appliquer aux communautés microbiennes extrêmement diversifiées qui élisent domicile dans le système digestif de nombreux mammifères, y compris l’espèce humaine. Une équation à un nombre vertigineux d’inconnues, mais des perspectives de recherche toujours plus passionnantes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186413/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
La symbiose entre le puceron et son microbiote est une colocation complexe, qui rappelle les avantages et inconvénients du vivre ensemble.
Kévin Tougeron, Chercheur en écologie, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)
Corentin Iltis, Chercheur en écologie, Université catholique de Louvain (UCLouvain)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/182714
2022-07-13T14:28:33Z
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Les retardateurs de flamme, un véritable danger pour la faune
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/462868/original/file-20220512-25-of0avm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C2%2C979%2C592&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Devrait-on s’inquiéter de la présence de retardateurs de flamme dans le fleuve Saint-Laurent?</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Les retardateurs de flamme sont ajoutés à une variété de produits afin de ralentir la propagation des flammes en cas d’incendie. On les retrouve par exemple dans les matériaux de construction, les plastiques, les mousses à base de polyuréthane dans les meubles, les textiles, les pièces automobiles, et l’équipement électronique (votre <em>iPhone</em> !) et électrique.</p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468898/original/file-20220615-19-9zk4uk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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</figure>
<p><strong><em>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/fleuve-saint-laurent-116908">Le Saint-Laurent en profondeur</a></em></strong>
<br><em>Ne manquez pas les nouveaux articles sur ce fleuve mythique, d'une remarquable beauté. Nos experts se penchent sur sa faune, sa flore, son histoire et les enjeux auxquels il fait face. Cette série vous est proposée par La Conversation.</em></p>
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<p>Malheureusement, ces normes sont souvent de mauvais prédicteurs des risques d’incendie réels et conduisent trop souvent à l’utilisation non fondée de ces composés chimiques toxiques. Mais c’est là un autre débat…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/des-contaminants-qui-dereglent-nos-hormones-177796">Des contaminants qui dérèglent nos hormones</a>
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<p>Lorsque les gens se débarrassent des produits de consommation contenant des retardateurs de flamme, ces composés chimiques se retrouvent dans l’environnement et contaminent la faune du fleuve Saint-Laurent et de son estuaire. Ils peuvent également parcourir de grandes distances dans l’air vers les régions éloignées, jusqu’en Arctique. Résultat : on trouve aujourd’hui ces composés ignifuges dans presque toutes les espèces étudiées dans le fleuve Saint-Laurent.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/462874/original/file-20220512-26-ylunm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="flèche munie d’un dard sur le flanc d’un rorqual partiellement submergé dans l’eau" src="https://images.theconversation.com/files/462874/original/file-20220512-26-ylunm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/462874/original/file-20220512-26-ylunm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/462874/original/file-20220512-26-ylunm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/462874/original/file-20220512-26-ylunm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/462874/original/file-20220512-26-ylunm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/462874/original/file-20220512-26-ylunm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/462874/original/file-20220512-26-ylunm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">À l’aide d’une arbalète, une flèche munie d’un dard à biopsie est tirée sur l’un des flancs du petit rorqual afin de collecter un échantillon de peau et de gras.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Mériscope)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Or, l’exposition à certains retardateurs de flamme chez les animaux est associée à des troubles du développement et de la reproduction et à une perturbation hormonale. Les retardateurs de flamme halogénés (soit ceux qui contiennent des atomes de brome ou de chlore) sont parmi les plus utilisés et les plus problématiques pour l’environnement. Nombre d’entre eux sont dorénavant interdits, comme les polybromodiphényléthers (PBDE), mais une nouvelle génération d’ignifuges les remplaçant n’ont pas été suffisamment testés et sont susceptibles de causer des effets similaires.</p>
<p>Devrait-on s’inquiéter de leur impact sur la santé des espèces sauvages ?</p>
<p>Chercheur en écotoxicologie, je consacre une partie de mes travaux sur les retardateurs de flamme dans l’environnement et leurs impacts sur la faune. Je vous présente ici un bref portrait de la situation portant sur trois espèces emblématiques de chez nous : le grand brochet, le petit rorqual et le béluga.</p>
<h2>La faune du Saint-Laurent fortement exposée</h2>
<p>Lorsqu’ingérés ou inhalés, les PBDE s’accumulent dans les tissus des animaux au fil du temps. Leurs concentrations augmentent également chez les espèces qui occupent les maillons supérieurs de la chaîne alimentaire, surtout dans les régions densément peuplées, fortement polluées.</p>
<p>Des concentrations hépatiques en PBDE quatre fois plus élevées ont été mesurées chez un poisson prédateur, le grand brochet, exposé à l’effluent de la station d’épuration des eaux usées de la ville de Montréal, <a href="https://doi.org/10.1016/j.aquatox.2017.08.003">par rapport à un site en amont dans le fleuve</a>. Ces résultats soulignent l’importance des rejets municipaux des grandes agglomérations urbaines comme source d’exposition aux retardateurs de flamme pour les organismes du fleuve. De nouveaux retardateurs de flamme ayant remplacé les PBDE, comme les composés chimiques chlorés apparentés aux déchloranes, utilisés principalement dans la gaine des fils et câbles électriques, ont également été mesurés chez ces mêmes brochets.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/462873/original/file-20220512-22-ag49ef.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="une personne qui porte des gants de nitrile mauves tient une pince et manipule un morceau de gras qui sort d’un tube" src="https://images.theconversation.com/files/462873/original/file-20220512-22-ag49ef.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/462873/original/file-20220512-22-ag49ef.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/462873/original/file-20220512-22-ag49ef.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/462873/original/file-20220512-22-ag49ef.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/462873/original/file-20220512-22-ag49ef.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/462873/original/file-20220512-22-ag49ef.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/462873/original/file-20220512-22-ag49ef.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’équipe de recherche retire la biopsie du dard.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Mériscope)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une étude réalisée en aval des grands centres urbains sur le béluga de l’estuaire du Saint-Laurent, une population actuellement considérée comme étant en voie de disparition, a révélé des concentrations de PBDE dans leur gras <a href="https://doi.org/10.1016/j.envres.2017.03.058">parmi les plus élevées chez les mammifères marins dans le monde</a>. Malgré l’interdiction d’utiliser les PBDE depuis bientôt 15 ans, ces concentrations ne semblent pas diminuer. </p>
<p>À titre comparatif, les PBDE dans le gras des bélugas ont été mesurés à des concentrations environ quatre fois plus élevées que chez le petit rorqual, une baleine à fanons qui est un visiteur saisonnier de l’estuaire du Saint-Laurent. Un certain nombre de retardateurs de flamme nouvelle génération ont également été mesurés dans le gras de bélugas et de petits rorquals de l’estuaire. L’histoire semble se répéter…</p>
<h2>Des impacts possibles sur la santé des animaux ?</h2>
<p>Les PBDE sont toxiques pour les animaux qui y sont exposés. Sans toutefois confirmer de liens de causalité, les études sur les espèces sauvages indiquent que les retardateurs de flamme peuvent provoquer dans l’organisme un éventail d’effets délétères sur leurs fonctions hormonales, immunitaires et métaboliques, et donc sur leur croissance, leur reproduction et leur développement. C’est ce que confirment, du moins en partie, les études sur les impacts des retardateurs de flamme sur le brochet, le béluga et le petit rorqual du Saint-Laurent.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/462872/original/file-20220512-21-3ysdwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="2 personnes effectuent des manipulations scientifiques sur un bateau" src="https://images.theconversation.com/files/462872/original/file-20220512-21-3ysdwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/462872/original/file-20220512-21-3ysdwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/462872/original/file-20220512-21-3ysdwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/462872/original/file-20220512-21-3ysdwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/462872/original/file-20220512-21-3ysdwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/462872/original/file-20220512-21-3ysdwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/462872/original/file-20220512-21-3ysdwm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Après avoir séparé la peau du gras de la biopsie effectuée sur le rorqual, l’équipe de recherche traite les échantillons rapidement afin d’éviter leur dégradation.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Mériscope)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Chez le brochet, l’exposition aux retardateurs de flamme contenus dans l’effluent de la ville de Montréal aurait un impact sur la régulation des hormones thyroïdiennes et de certains gènes dans le foie impliqués dans le <a href="https://doi.org/10.1016/j.aquatox.2020.105421">métabolisme des lipides</a>, sources importantes d’énergie pour plusieurs fonctions biologiques.</p>
<p>Chez les bélugas et les petits rorquals, l’exposition aux retardateurs de flamme, incluant quelques composés émergents, a également été associée à des effets sur les hormones. Des liens ont été établis entre les concentrations de certains retardateurs de flamme comme les PBDE chez ces deux cétacés et les niveaux d’hormones thyroïdiennes et l’expression de certains gènes jouant un rôle clé dans la régulation des hormones stéroïdiennes et thyroïdiennes impliquées dans la <a href="https://doi.org/10.1016/j.marpolbul.2019.05.029">reproduction</a> et le <a href="https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2020.137204">métabolisme</a>.</p>
<p>La pollution chimique chez ces espèces va toutefois bien au-delà des retardateurs de flamme, car un cocktail complexe de contaminants, dont le nombre grandit d’année en année, s’accumulent dans les tissus de celles-ci, pouvant créer des effets additifs, voire synergiques. Malheureusement, le cycle perpétuel des substitutions regrettables – le remplacement d’un composé toxique par un autre qui risque d’être éventuellement jugé toxique à son tour – semble se répéter.</p>
<p>Et ce n’est pas une bonne nouvelle pour la santé de notre majestueux fleuve Saint-Laurent et de sa précieuse faune.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182714/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jonathan Verreault a reçu un financement de Pêches et Océans Canada et du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG).</span></em></p>
Plusieurs produits chimiques de la famille des retardateurs de flamme, ajoutés à une gamme de produits de consommation courante, se retrouvent dans l’environnement et contaminent la faune aquatique.
Jonathan Verreault, Professeur titulaire, Centre de recherche en toxicologie de l’environnement (TOXEN), Université du Québec à Montréal (UQAM)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/180917
2022-07-07T12:25:34Z
2022-07-07T12:25:34Z
Protéger la diversité génétique pour mieux faire face à l’adversité
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/467279/original/file-20220606-14-l9xwus.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C1%2C992%2C682&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une érosion sans précédent de la diversité génétique s’observe actuellement chez les espèces rares comme les espèces les plus communes. </span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Face à la <a href="https://www.sciencepresse.qc.ca/actualite/detecteur-rumeurs/2021/12/14/3-choses-savoir-crise-biodiversite">crise de biodiversité</a> qui s’opère actuellement, il est plus que jamais crucial d’adopter une transformation du rapport de la société à la nature, pour conserver et soutenir des écosystèmes résilients. Cette transformation exige un suivi permanent impliquant des mesures de progrès pertinentes et fiables, pour tous les niveaux de biodiversité. Quels sont ces niveaux ?</p>
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<a href="https://theconversation.com/utiliser-ladn-pour-suivre-avec-precision-la-trace-des-animaux-dans-leur-milieu-naturel-167934">Utiliser l’ADN pour suivre avec précision la trace des animaux dans leur milieu naturel</a>
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<p>En biologie, on en reconnaît <a href="https://canadianbiodiversity.mcgill.ca/francais/theory/threelevels.htm">généralement trois</a> : la diversité génétique, la diversité des espèces et la diversité des écosystèmes. Depuis 1992, la Convention sur la diversité biologique (<a href="https://www.cbd.int/doc/legal/cbd-fr.pdf">CBD</a>) des Nations unies – traité international dont le but général est d’encourager des mesures qui conduiront à un avenir durable – s’est engagée à les conserver.</p>
<p>Alors que la CBD s’affaire à <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.aba6592">protéger les espèces de l’extinction</a> et à <a href="https://www.globalcitizen.org/en/content/30x30-land-and-ocean-by-2030-explainer/">préserver les écosystèmes terrestres et aquatiques</a>, des objectifs ambitieux et quantitatifs sont encore manquants pour la diversité génétique. Or, une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/eva.12810">érosion sans précédent de cette dernière</a> s’observe actuellement chez les espèces rares comme les espèces les plus communes.</p>
<p>Cette perte est sérieuse ; la diversité génétique est nécessaire aux espèces pour s’adapter à l’intensité et au rythme actuel des changements environnementaux, incluant le changement climatique et les maladies émergentes.</p>
<p>Je cumule plus de 10 ans d’expérience de recherches appliquées dans la conservation d’espèces en péril et la gestion d’espèces exploitées. Au cours des dernières années, j’ai élaboré des avis et recommandations éclairés en termes de gestion des populations pour surveiller et protéger la diversité génétique.</p>
<h2>Papillon blanc, papillon noir</h2>
<p>Quand on parle de diversité génétique, à quoi réfère-t-on ? À de la variation entre des invididus d’une espèce qui existe au niveau des gènes – encodés dans l’ADN – et qui est transmissible d’une génération à l’autre. L’ADN est un code unique à chaque être vivant sur la Terre. L’ADN est organisé en gènes, qui contiennent les instructions pour faire fonctionner les organismes, de la même façon que plusieurs lettres sont assemblées pour faire des mots qui eux-mêmes permettent de raconter une histoire.</p>
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<figcaption><span class="caption">Qu’est-ce que la diversité génétique ?</span></figcaption>
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<p>Ainsi, de petites différences dans l’ADN (mutations) peuvent être responsables de changer la couleur des yeux d’un individu, au même titre qu’une lettre peut changer la signification d’un mot. Les différences au niveau de l’ADN parmi tous les individus d’une espèce constituent la diversité génétique de cette espèce.</p>
<p>De ce fait, chez les espèces à forte diversité génétique, il y a beaucoup de modifications au niveau de l’ADN des individus qui sont responsables des <a href="https://www.futura-sciences.com/sante/questions-reponses/corps-humain-genetique-sont-caracteres-hereditaires-2621/">différences notables</a> au niveau de certains traits importants qui ne sont <a href="https://www.techno-science.net/glossaire-definition/Groupe-sanguin-page-3.html">pas nécessairement visibles</a>. Ces espèces sont davantage susceptibles de faire face aux changements environnementaux. C’est ce qu’on appelle l’adaptation.</p>
<p>Le cas du <a href="https://planet-vie.ens.fr/thematiques/genetique/mutation-reparation/la-mutation-a-l-origine-du-melanisme-industriel-de-la">papillon poivré</a> en est un parfait exemple : la diversité génétique naturelle chez les papillons poivrés produit différentes couleurs au niveau des ailes, du blanc au noir. Avant la révolution industrielle, les papillons avec des ailes claires étaient les plus communs étant donné leur meilleur camouflage sur des écorces de bouleaux que celui des papillons à ailes foncées. La révolution industrielle a engendré une forte pollution de l’air, allant jusqu’à couvrir les troncs d’arbres et les ternir. Le camouflage des papillons à ailes claires est donc devenu plus difficile, et ils sont rapidement devenus des proies faciles pour les oiseaux. De l’autre côté, les papillons à ailes foncées ont pu commencer à se camoufler aisément sur ces troncs d’arbres noirs. Les papillons à ailes foncées sont devenus donc plus susceptibles de vivre assez longtemps pour se reproduire et avoir une progéniture.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/467257/original/file-20220606-12-qptfum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="papillons de nuit blancs et noirs sur écorce d’arbre" src="https://images.theconversation.com/files/467257/original/file-20220606-12-qptfum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/467257/original/file-20220606-12-qptfum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/467257/original/file-20220606-12-qptfum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/467257/original/file-20220606-12-qptfum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/467257/original/file-20220606-12-qptfum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/467257/original/file-20220606-12-qptfum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/467257/original/file-20220606-12-qptfum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La diversité génétique naturelle chez les papillons poivrés produit différentes couleurs au niveau des ailes, du blanc au noir.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Qui dit faible diversité dit faible survie</h2>
<p>À l’inverse, chez une espèce présentant une faible diversité génétique, on retrouve une variété limitée d’allèles (différents états d’un gène), et donc une faible différence observée entre les individus de cette espèce. Cela se traduit simplement par de moins bonnes opportunités de s’adapter à un changement environnemental. Dans l’exemple du papillon poivré, on peut imaginer que si les allèles responsables de coder pour des ailes noires n’avaient pas été présents dans l’espèce (en raison d’une diversité génétique amoindrie), ces derniers auraient probablement succombé à la révolution industrielle.</p>
<p>Les petites populations isolées finissent par perdre de leur diversité génétique, car peu d’individus survivent, se reproduisent et transmettent leurs gènes. Dans ces populations, le choix de partenaires sexuels est également amoindri, forçant les individus à se reproduire avec des individus apparentés ; on parle alors de consanguinité. Les individus consanguins sont connus pour être plus affaiblis et présenter des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/ajp.20445">taux de mortalité de 30 à 40 % plus élevés</a> que des individus issus de croisement d’individus non apparentés. <a href="https://conbio.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/conl.12412">Si la diversité génétique est trop basse, les espèces sont ainsi menées à l’extinction et peuvent être perdues à jamais</a>.</p>
<p>C’est en ce sens que depuis des décennies, les recherches à la fois <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0169534714002511">théoriques</a> et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0169534714002286">empiriques</a> s’accordent pour dire que la conservation de la diversité génétique améliore nettement la viabilité des espèces. La diversité génétique constitue ainsi le fondement de la résilience en nature, particulièrement pour la survie aux températures et aux évènements climatiques extrêmes qui sévissent.</p>
<h2>Nous sommes responsables de l’extinction des espèces</h2>
<p>Un triste constat s’ajoute cependant à l’ensemble de ces connaissances : les activités anthropiques sont responsables de la perte de diversité génétique, et ce, à un rythme accablant. La composition génétique d’une espèce est en effet très nettement impactée par la fragmentation d’habitat, qui elle est fortement associée à l’urbanisation ou l’utilisation des terres agricoles. Une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/eva.12810">récente méta analyse</a> révèle notamment une perte de 6 % de diversité génétique dans les populations sauvages d’une centaine d’espèces depuis la révolution industrielle.</p>
<p>L’impact de l’exploitation des populations sauvages est tout aussi consternant : on observe une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/mec.12509">diversité génétique des poissons exploités qui est 12 % plus faible que celles de leurs homologues non exploités</a>. Si aucune action de protection n’est prise, on prévoit un <a href="https://www.zsl.org/sites/default/files/LPR%202020%20Full%20report.pdf">déclin de 68 % dans la taille des populations de vertébrés</a>, ce qui se traduirait par une perte de plus de 50 % de diversité génétique pour de <a href="https://academic.oup.com/bioscience/article/71/9/964/6278470">nombreuses espèces</a>.</p>
<h2>Surveiller et protéger la diversité génétique</h2>
<p>Jusqu’à présent, la faible priorité donnée à la protection de la diversité génétique était en partie liée à (i) des lacunes de connaissances dans des domaines clés, notamment l’importance de la diversité génétique, (ii) à la faible disponibilité des données génétiques, ainsi (iii) qu’à l’inaccessibilité des concepts et informations pertinentes par les décideurs. Cependant, de nombreuses avancées pavent désormais la voie à une meilleure intégration de la diversité génétique dans les instruments politiques et les efforts de conservation.</p>
<p>Par exemple, <a href="https://reader.elsevier.com/reader/sd/pii/S016953472100313X?token=3310C526CACD2B42411E3E1F257346D42EB11593D37D989B617F0B69A62A6D312DEEE0988A176C7F65DC3903A7E4884D&originRegion=us-east-1&originCreation=20220607004328">l’essor des nouvelles technologies génétiques</a> a permis de faire exploser la diversité des sources d’échantillons pouvant procurer de l’ADN. Ainsi, l’ADN issu de fossiles, de musées, d’herbiers ou de spécimens archivés peut nous servir à documenter des niveaux de diversité génétique de référence dans le temps.</p>
<p>La variation d’ADN peut aussi désormais être caractérisée à partir de cheveux, de fèces et autres sources non invasives, incluant les méthodes d’échantillonnage de l’<a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/edn3.176">ADN environnemental</a>. Tout ceci rend le suivi génétique possible, routinier et abordable, même pour des espèces rares, dangereuses ou insaisissables. Des actions fondées sur des politiques peuvent donc être mises en place pour améliorer le statut de la diversité génétique.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/467565/original/file-20220607-15930-4twrx5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="schéma d’une molécule d’ADN" src="https://images.theconversation.com/files/467565/original/file-20220607-15930-4twrx5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/467565/original/file-20220607-15930-4twrx5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/467565/original/file-20220607-15930-4twrx5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/467565/original/file-20220607-15930-4twrx5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/467565/original/file-20220607-15930-4twrx5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/467565/original/file-20220607-15930-4twrx5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/467565/original/file-20220607-15930-4twrx5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">De nouvelles technologies génétiques rendent la récolte d’ADN possible, routinière et abordable.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une lueur d’espoir pour la conservation de la diversité génétique</h2>
<p>Enfin, de nouvelles initiatives relient les décideurs à l’expertise, favorisant l’application des données génétiques. Des réseaux tels que le Groupe sur les observations de la Terre de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (<a href="https://www.iucn.org/fr">UICN</a>)contribuent à la surveillance de la diversité génétique. Ces organisations ont permis de produire des notes d’orientations, des rapports techniques et des tutoriels sur les concepts clés en conservation et les technologies de la génétique. <a href="https://academic.oup.com/bioscience/article/71/9/964/6278470">Un article récemment publié dans la revue scientifique Biosciences</a> résume ces développements et invite les nations à élaborer des programmes solides de surveillance de la diversité génétique, ainsi qu’à prendre des engagements formels avant qu’il ne soit trop tard.</p>
<p>La diversité génétique doit être conservée avec la même urgence que la diversité des espèces, pour soutenir la sécurité alimentaire, le bien-être, la culture et l’adaptation.</p>
<p>Chercheurs et professionnels de la conservation doivent travailler avec les décideurs pour un avenir résilient.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180917/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne-Laure Ferchaud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La diversité génétique est capitale pour la survie des écosystèmes. Des engagements internationaux sont plus que jamais nécessaires et maintenant réalisables pour optimiser sa protection.
Anne-Laure Ferchaud, Postdoctorante en génomique de la conservation, Université Laval
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/183689
2022-06-06T19:41:38Z
2022-06-06T19:41:38Z
Comment surveille-t-on les microalgues toxiques ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/466052/original/file-20220530-26-ft7g8z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1632%2C913&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'accumulations de mousses poroduites par le phytoplancton peut conduire à une dégradation de l'environnement. Ici, des mousses de_Phaeocystis globosa sur les plages des Hauts de France, observées en mai 2019.</span> <span class="attribution"><span class="source">Alain Lefebvre/Ifremer</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Le phytoplancton est un végétal composé d’algues microscopiques unicellulaires (microalgues), qui se développe dans l’eau de mer ou dans les eaux estuariennes.</p>
<p>Il produit notamment la moitié de l’oxygène que nous respirons et <a href="https://doi.org/10.1038/s41561-017-0028-x">« consomme » le CO₂</a> via le processus de photosynthèse. C’est également le premier producteur primaire du milieu marin, ce qui le positionne à la base de la chaîne alimentaire des océans.</p>
<p>À ce jour, plus de <a href="https://doi.org/10.1093/plankt/13.5.1093">5000 espèces sont identifiées à l’échelle mondiale</a>, dont certaines (environ 200 espèces) sont susceptibles d’être <a href="https://www.marinespecies.org/hab/">nuisibles ou toxiques</a> lors de phénomènes appellés « efflorescences » (ou <em>blooms</em>).</p>
<p>Lorsque les conditions sont favorables, le plancton prolifère de manière très importante, provoquant ainsi des eaux colorées (<a href="https://theconversation.com/images-de-science-quand-linvisible-empourpre-locean-163369">rouges</a>, vertes, marrons), des accumulations de mousse en mer et sur le littoral, ou encore la production de toxines qui s’accumulent dans la chaîne alimentaire et deviennent dangereuses pour l’humain.</p>
<p>Ces efflorescences provoquent ainsi des dysfonctionnements des écosystèmes marins, en altèrent la qualité et présentent un risque pour la santé humaine.</p>
<p>Autant de raisons qui nécessitent une <a href="https://doi.org/10.1038/s43247-021-00178-8">surveillance attentive du phytoplancton</a>.</p>
<h2>Le phytoplancton et sa réponse aux changements environnementaux</h2>
<p>Le phytoplancton réagit très vite aux changements de son environnement et a un rôle clé dans les écosystèmes côtiers. Ceci en fait un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20671703/">excellent témoin des modifications environnementales</a>, et il est par conséquent très souvent utilisé comme un indicateur contribuant à l’évaluation de la qualité des écosystèmes marins.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Photo aérienne d’une cote, une grande portion de l’eau de mer (apparaissant vert foncé) a pris une couleur vert claire ou rouge" src="https://images.theconversation.com/files/466076/original/file-20220530-24-6udte0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466076/original/file-20220530-24-6udte0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466076/original/file-20220530-24-6udte0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466076/original/file-20220530-24-6udte0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466076/original/file-20220530-24-6udte0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466076/original/file-20220530-24-6udte0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466076/original/file-20220530-24-6udte0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les efflorescences de algales peuvent indiquer un déséquilibre dans leur environnement. Ici, un bloom de <em>Mesodinium rubrum</em> colore les eaux de la Méditerranée.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://image.ifremer.fr/data/00689/80069/">Pierre Gernez/ISOMer/Nantes Université</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10750-022-04795-y">Plusieurs études</a> ont ainsi porté sur l’analyse des principales caractéristiques du phytoplancton, que ce soit du point de vue de l’abondance globale, des proportions des principaux groupes taxonomiques (exemple du rapport dinoflagellés/diatomées, qui représente souvent la part de phytoplancton potentiellement toxique par rapport au phytoplancton total), de la structure des communautés phytoplanctoniques et de sa dynamique (début, fin et amplitude des efflorescences) dans le temps et dans l’espace.</p>
<p>Ces changements dans la biomasse, l’abondance et la dynamique du phytoplancton sont le plus souvent <a href="https://academic.oup.com/conphys/article/9/1/coab062/6350441">corrélés à des facteurs environnementaux</a> : température, salinité, disponibilité de la lumière et des nutriments (azote, phosphore et silice).</p>
<p>Comprendre les réponses du phytoplancton aux modifications des conditions environnementales, qu’elles soient d’origine naturelles ou anthropiques, permet donc de mieux caractériser ces changements.</p>
<p>Par exemple, l’analyse du phytoplancton apporte des informations sur la vulnérabilité des zones côtières. Lorsque les apports de nutriments (azote, phosphore notamment) sont excessifs et que les conditions sont optimales (lumière, transparence de l’eau, courants), le développement du phytoplancton va être favorisé jusqu’à un point où son accumulation va provoquer des dysfonctionnements au sein de l’écosystème. Ceci correspond au <a href="https://theconversation.com/fleuves-francais-est-il-possible-de-retrouver-un-bon-etat-ecologique-169043">processus d’eutrophisation</a>.</p>
<p>La réduction des apports en nutriments depuis les bassins versants vers la mer va ainsi favoriser la diminution des efflorescences de certaines espèces, entraînant généralement une diminution de la biomasse totale du phytoplancton, comme cela a été montré récemment en <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00513/62514/">Manche et mer du Nord</a>.</p>
<p>Cependant, la réponse du phytoplancton à ces améliorations de la qualité de l’environnement peut ne pas être directe, et il peut se passer plusieurs années, voire plusieurs décennies, avant de voir un effet sur l’environnement. Par ailleurs, c’est l’équilibre entre les différents nutriments (exemple du rapport azote sur phosphore) qui peut être déterminant pour limiter la prolifération d’une microalgue donnée.</p>
<p>L’étude de la dynamique du phytoplancton porte, quant à elle, sur le suivi des dates auxquelles surviennent et se terminent les efflorescences algales, ainsi que leur amplitude et leur durée.</p>
<p>Ainsi, pour certains dinoflagellés, on a pu observer des <a href="https://doi.org/10.1038/nature02808">efflorescences plus précoces en mer du Nord</a>.</p>
<p>Une des conséquences potentiellement les plus importantes sur le fonctionnement des écosystèmes est le décalage dans le temps entre le développement du phytoplancton et celui de ses consommateurs, ce qui revient à <a href="https://doi.org/10.1038/nature02808">limiter les échanges de nourritures entre les différents maillons de la chaîne alimentaire</a>.</p>
<p>Ceci peut amener à des modifications majeures au niveau des espèces se nourrissant directement ou indirectement du phytoplancton (plancton animal, poissons, coquillages). Cela peut amener également à une limitation des ressources marines, sources essentielles de protéines pour l’alimentation humaine.</p>
<p>Mieux connaître les relations entre le phytoplancton et son environnement en se basant sur les données anciennes et nouvelles permet ainsi de mieux comprendre le fonctionnement de ce compartiment biologique complexe. Cela permettra ensuite d’expliquer et d’anticiper des phénomènes nouveaux, comme l’évolution de la biodiversité et de la répartition des espèces en réponse aux changements climatiques.</p>
<h2>Le phytoplancton, danger sanitaire</h2>
<p>Parmi le phytoplancton, certaines espèces sont <a href="https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000247767">productrices de toxines</a>. C’est notamment le cas des genres <em>Dinophysis</em> (producteur de toxines diarrhéiques), <em>Pseudo-nitzschia</em> (producteur de toxines amnésiantes) et <em>Alexandrium</em> (producteur de toxines paralysantes).</p>
<p>Les mollusques bivalves filtrent plusieurs litres d’eau chaque heure et se nourrissent du phytoplancton. Lorsqu’il s’agit d’espèces productrices de toxines, ces dernières <a href="https://doi.org/10.1080/20026491051695">s’accumulent dans les coquillages</a> qui, à leur tour, risquent de <a href="https://doi.org/10.1016/j.hal.2019.101733">contaminer le consommateur humain</a>.</p>
<p>D’autres espèces tropicales du genre <em>Gambierdiscus</em> (producteur de ciguatoxines), sont <a href="https://theconversation.com/la-ciguatera-en-mer-des-caraibes-183996">à l’origine de la ciguatera</a>, une intoxication alimentaire très présente dans le Pacifique, l’océan indien et aux Antilles, entre autres…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/dans-les-cara-bes-des-microalgues-qui-engendrent-des-intoxications-alimentaires-183996">Dans les Caraïbes, des microalgues qui engendrent des intoxications alimentaires</a>
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<hr>
<p>Au-delà des espèces productrices de toxines, d’autres espèces s’avèrent nuisibles pour les écosystèmes.</p>
<p>Ainsi, lors de fortes efflorescences, le phytoplancton finit par mourir. Sa dégradation est alors susceptible de <a href="https://doi.org/10.1126/science.1156401">consommer beaucoup d’oxygène</a>, au détriment des autres organismes vivants à proximité, notamment parmi les espèces benthiques qui ne peuvent « fuir » la zone, et meurent par asphyxie. C’est par exemple le cas des coquillages élevés pour la consommation humaine.</p>
<p>Certaines espèces, lorsqu’elles blooment, produisent du mucus, susceptible de <a href="https://doi.org/10.3354/meps07373">rendre l’eau de mer plus « épaisse » et visqueuse</a>, de colmater les branchies des poissons (conduisant à leur mort), ou encore de générer des mousses susceptibles de s’accumuler sur les plages ou les ports, impactant les usages (exemple de <a href="https://www.int-res.com/articles/meps/37/m037p239.pdf"><em>Phaeocystis globosa</em> en Manche et mer du Nord</a>.</p>
<h2>Surveiller le phytoplancton</h2>
<p>Pour toutes ces raisons, il est nécessaire d’avoir une <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00478/58981/">vision de l’évolution du phytoplancton dans l’espace et le temps</a>. Pour cela, l’Ifremer s’appuie sur le <a href="https://wwz.ifremer.fr/envlit/Surveillance-du-littoral/Phytoplancton-et-phycotoxines">REPHY</a>, un réseau d’observation et de surveillance.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466072/original/file-20220530-20-mplaif.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466072/original/file-20220530-20-mplaif.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=660&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466072/original/file-20220530-20-mplaif.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=660&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466072/original/file-20220530-20-mplaif.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=660&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466072/original/file-20220530-20-mplaif.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=830&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466072/original/file-20220530-20-mplaif.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=830&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466072/original/file-20220530-20-mplaif.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=830&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"><em>Dinophysis acuta</em> au microscope à balayage électronique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Véronique Séchet/Ifremer/Phytox/Physalg et Nicolas Chomérat/Ifremer/LERBO</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il s’agit de prélever de l’eau de mer sur des lieux définis à une fréquence définie, généralement mensuelle à hebdomadaire. Selon les lieux, le prélèvement est fait à partir d’une embarcation ou depuis un ponton ou une digue.</p>
<p>Ces échantillons d’eau de mer sont ensuite analysés au microscope pour identifier et dénombrer (manuellement) le phytoplancton.</p>
<p>Dans le cas où des espèces productrices de toxines sont présentes au-dessus d’un seuil d’alerte, des prélèvements de coquillages sont déclenchés dans les zones exploitées à proximité. Si la concentration en toxine dans les coquillages et au-dessus du seuil réglementaire, les zones concernées peuvent être fermées par les services de l’état pour protéger les consommateurs de coquillages.</p>
<h2>L’apport des nouvelles technologies</h2>
<p>Les développements électroniques et informatiques récents permettent d’observer le phytoplancton avec des méthodes moins conventionnelles, qui permettent d’automatiser l’échantillonnage et d’augmenter le nombre d’analyses et/ou de mesures dans le temps et dans l’espace.</p>
<p>Ainsi, il est désormais possible d’étudier le phytoplancton via :</p>
<ul>
<li><p>des systèmes d’analyses d’images : un algorithme permet la reconnaissance automatique des cellules phytoplanctoniques qui sont passées devant l’objectif d’une caméra</p></li>
<li><p>des études génétiques : on parle de techniques de <a href="https://theconversation.com/explorer-les-grands-fonds-marins-grace-a-ladn-environnemental-ou-comment-reveler-une-biodiversite-insoupconnee-181861">métabarcoding</a>, de métatranscriptomique et de métagénomique</p></li>
<li><p>des capteurs installés sur des bateaux ou des bouées : on peut directement mesurer la biomasse du phytoplancton dans le milieu, et il est même possible de diviser cette biomasse globale en différents groupes phytoplanctoniques en fonction de leur composition en pigments photosynthétiques</p></li>
<li><p>la modélisation : la création d’un écosystème marin numérique permet de tester des scénarios d’évolution en modifiant les paramètres du modèle selon les changements passés, présents ou à venir de l’environnement</p></li>
<li><p>les produits dérivés de l’observation de la couleur de l’eau : il s’agit ici de suivre le phytoplancton grâce à des images satellites.</p></li>
</ul>
<h2>Le projet S-3 EUROHAB</h2>
<p>Ce dernier point peut être illustré par le <a href="https://www.s3eurohab.eu/fr">projet S-3 EUROHAB</a>, qui utilise les données du satellite européen Corpernicus Sentinel 3 pour traquer les efflorescences algales nuisibles et toxiques en Manche.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Image satellite centrée sur la marche, des efflorescences sont indiquées en bleu-vert" src="https://images.theconversation.com/files/466073/original/file-20220530-14-50lufn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466073/original/file-20220530-14-50lufn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=280&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466073/original/file-20220530-14-50lufn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=280&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466073/original/file-20220530-14-50lufn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=280&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466073/original/file-20220530-14-50lufn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=352&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466073/original/file-20220530-14-50lufn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=352&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466073/original/file-20220530-14-50lufn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=352&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Image satellite du 24 avril 2020 montrant un risque plus élevé de bloom de <em>Phaeocystis</em> en Manche orientale.</span>
<span class="attribution"><span class="source">S3-EUROHAB</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les données satellitaires ont été utilisées pour créer un système d’alerte en ligne, le premier du genre en Europe, afin d’avertir les gestionnaires de la mer et les industries de la pêche de l’apparition d’efflorescences algales potentiellement nuisibles.</p>
<p>Les alertes sont accessibles gratuitement via le <a href="https://www.s3eurohab.eu/portal/">portail EUROHAB</a>.</p>
<p>Enfin, au-delà des risques d’efflorescences algales, l’outil d’alerte en ligne met à disposition des indicateurs de qualité de l’eau ou de propriété physique ou météorologique (turbidité, température de surface…) qui peuvent aussi aider les professionnels et les usagers dans la gestion de leurs activités et l’amélioration de leurs pratiques.</p>
<p>Les enjeux pour les scientifiques sont donc désormais d’intégrer toutes ces connaissances afin de mieux observer, de mieux comprendre et par conséquent de mieux prédire l’évolution et donc mieux gérer ce compartiment phytoplanctonique, essentiel à la vie sur Terre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183689/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Maud Lemoine a reçu des financements de la DGAL dans le cadre de la Convention relative aux actions de surveillance sanitaire des zones de production de coquillages pour l'année 2021. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Alain Lefebvre a reçu des financements de l'Agence de l'Eau Artois Picardie, du projet Européen Horizon 2020 JERICO-S3/RI (grant agreement N° 654410) et du fond européen de développement régional pour le projet InterReg France Manche Angleterre S3-EUROHAB.</span></em></p>
Le phytoplancton est un excellent outil de suivi de la qualité de son environnement. De plus, il est nécessaire de surveiller sa croissance, car son accumulation peut être nocive ou toxique.
Maud Lemoine, Coordinatrice nationale des réseaux d’observation et de surveillance (REPHY, REPHYTOX, PHYTOBS), Ifremer
Alain Lefebvre, Chercheur en biologie marine, Ifremer
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/183781
2022-05-30T18:43:02Z
2022-05-30T18:43:02Z
Jusqu’à quand pourrons-nous dépasser les limites planétaires ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/465275/original/file-20220525-17-3yw0ee.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2048%2C1358&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le surplus d'azote et de phosphore (utilisés comme engrais) provoque une explosion des algues vertes, qui peut conduire à un étouffement du milieu. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/sybarite48/48438007526/">Daniel Jolivet/flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Au cours des derniers mois, plusieurs articles scientifiques ont attiré l’attention sur le fait que de nouvelles limites planétaires avaient été franchies (<a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/acs.est.1c04158">ici</a>, ou encore <a href="https://www.nature.com/articles/s43017-022-00287-8">là</a>). De nombreux médias se sont fait l’écho de ces informations préoccupantes.</p>
<p>Mais que signifient ces fameuses limites planétaires ? Comment interpréter ces dépassements ? Et finalement, faut-il réellement s’en inquiéter ?</p>
<h2>Le système Terre fonctionne depuis 11 000 ans sous le régime de l’Holocène</h2>
<p>Pour répondre à ces questions, rappelons que les <a href="https://www.stockholmresilience.org/research/planetary-boundaries.html">chercheurs qui étudient les limites planétaires</a> sont issus d’un champ disciplinaire que l’on nomme les sciences du système Terre.</p>
<p>Ces dernières appréhendent la planète comme une entité qui met en jeu des interactions complexes entre l’atmosphère, la lithosphère, l’hydrosphère et la biosphère (le vivant). Et comme tout système, la Terre est dotée de capacités d’adaptation qui permettent de maintenir un état d’équilibre dynamique entre ces éléments – on parle de « régime » pour désigner cet état de relative stabilité.</p>
<p>Mais il arrive que cet équilibre soit rompu, au point que le système Terre se mette à fonctionner très différemment.</p>
<p>Par exemple, l’ère quaternaire (qui a débuté il y a environ 2,6 millions d’années) est marquée par des changements réguliers de régime climatique. À cause des <a href="https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/milankovitch.xml">variations du positionnement de la Terre par rapport au Soleil</a>, le climat de notre planète passe régulièrement d’un régime glaciaire (qui peut durer jusqu’à 100 000 ans) à un régime interglaciaire (généralement plus court).</p>
<p>Nous vivons ainsi depuis plus de 10 000 ans dans un régime du système Terre que les géologues appellent l’Holocène.</p>
<p>Le régime de l’Holocène s’est avéré particulièrement favorable à l’épanouissement de l’espèce humaine. La bonne nouvelle, c’est que ce régime est censé durer encore plus de 10 000 ans. La mauvaise, c’est que nous sommes en train de menacer l’équilibre de ce régime. Autrement dit, nous sommes sur le point de franchir un point de bascule.</p>
<h2>Dépasser une limite planétaire, c’est franchir un point de bascule qui nous fait sortir de l’Holocène</h2>
<p>La littérature scientifique sur les <a href="https://theconversation.com/comprendre-la-notion-de-limites-planetaires-145227">limites planétaires</a> est en grande partie fondée sur ce concept de point de bascule (« tipping point »). De quoi s’agit-il ?</p>
<p>Dans un régime comme celui de l’Holocène, l’écosystème terrestre est doté de capacités de régulation qui lui permettent d’encaisser des perturbations – ce qu’on appelle des « rétroactions négatives ». Par exemple, si les émissions de CO<sub>2</sub> augmentent anormalement, les océans vont séquestrer une partie de ce CO<sub>2</sub> et ainsi limiter les perturbations climatiques.</p>
<p>Malheureusement, il arrive que ces amortisseurs finissent par céder, à l’image d’un élastique sur lequel on aurait trop tiré. Ce sont alors des « rétroactions positives » qui vont se mettre en action.</p>
<p>Par exemple, en se réchauffant, le permafrost va relarguer dans l’atmosphère des quantités importantes de méthane qui vont accroître l’effet de serre et donc le réchauffement.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/465274/original/file-20220525-20-nau9et.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/465274/original/file-20220525-20-nau9et.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/465274/original/file-20220525-20-nau9et.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/465274/original/file-20220525-20-nau9et.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/465274/original/file-20220525-20-nau9et.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1008&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/465274/original/file-20220525-20-nau9et.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1008&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/465274/original/file-20220525-20-nau9et.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1008&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">En se réchauffant, le permafrost (ou pergélisol) devient instable et se fissure.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Storflaket.JPG?uselang=fr">Dentren/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une fois qu’ils sont enclenchés, ces phénomènes vont amplifier et accélérer le bouleversement, au point de rendre tout retour à la normale impossible. Le changement de régime devient alors inévitable : le climat va trouver un nouveau point d’équilibre, caractérisé par un effet de serre et une température beaucoup plus importants que ceux de l’Holocène.</p>
<p>Certains scientifiques évoquent le <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.1810141115">scénario d’un régime climatique de « serre chaude »</a>, qui aurait des effets cataclysmiques sur l’ensemble des variables du système Terre.</p>
<h2>Mais attention : dépasser une frontière planétaire n’équivaut pas à dépasser une limite !</h2>
<p>Les scientifiques sont toutefois confrontés à un problème d’envergure : il est extrêmement difficile de déterminer avec précision le moment où s’opère un point de bascule.</p>
<p>Conscients des dangers que représente le dépassement d’une telle limite, les scientifiques invitent les décideurs à éviter de franchir la limite basse de l’incertitude. C’est cette limite basse qu’ils proposent d’appeler « frontière planétaire » (<a href="https://www.nature.com/collections/dcqxgqxfws"><em>planetary boundary</em></a>).</p>
<p>Pour mieux comprendre la différence entre limite et frontière, imaginons le cas d’un lac gelé dont l’épaisseur de glace irait en s’amincissant au fur et à mesure que l’on s’éloigne de sa berge. Même en connaissant l’épaisseur de la glace en plusieurs points, il est très difficile de déterminer à quelle distance la glace cassera sous le poids d’une personne. Tout au plus, on peut affirmer qu’au-delà de cinq mètres, par exemple, le risque apparaît. C’est cette valeur qui équivaut à une « frontière ».</p>
<p>En matière de climat, les modélisations montrent qu’en deçà d’une concentration de 350 ppm de CO<sub>2</sub> dans l’atmosphère, le régime de l’Holocène n’est pas menacé. Au-delà de 500 ppm, en revanche, la bascule climatique est quasi certaine. La limite planétaire se situe <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.1259855">quelque part entre ces deux pôles</a>.</p>
<p>Or, nous avons aujourd’hui franchi la <a href="https://www.citepa.org/fr/2021_05_b08/">barre des 420 ppm</a> : nous avons donc dépassé la frontière planétaire du climat.</p>
<p>Mais avons-nous franchi le point de bascule ? Cela reste un mystère. La seule chose dont nous sommes certains, c’est que nous jouons avec le feu. Un peu comme une personne qui aurait décidé d’avancer sur un lac gelé au-delà de la zone de sûreté évoquée précédemment…</p>
<h2>Au-delà du climat, plusieurs frontières planétaires sont d’ores et déjà dépassées</h2>
<p>Le constat est d’autant plus préoccupant que le climat n’est pas le seul élément du système Terre subissant des atteintes graves.</p>
<p>La biodiversité est dangereusement menacée, alors qu’elle conditionne la résilience de la biosphère. Les cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore ont été profondément perturbés par l’agriculture intensive, au point de faire apparaître de <a href="https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1029/2021GB007001">vastes zones mortes au sein des océans</a>. La déforestation a généré des déséquilibres des cycles de l’eau et du climat qui prennent aujourd’hui une dimension globale.</p>
<p>Plus récemment, c’est <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/acs.est.1c04158">l’impact des polluants chimiques</a> qui a été pointé du doigt, ou encore la <a href="https://www.nature.com/articles/s43017-022-00287-8">baisse inquiétante de la teneur en eau dans les sols</a>.</p>
<p>Sur neuf variables planétaires aujourd’hui suivies, <a href="https://www.stockholmresilience.org/research/planetary-boundaries.html">cinq font l’objet d’un dépassement de frontière documenté</a> – et même six, si on prend en compte la <a href="https://www.nature.com/articles/s43017-022-00287-8">plus récente étude publiée</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/465271/original/file-20220525-2236-z86qzw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Couche d’ozone (ok), particules & aérosols (non mesuré), acidification des océans (ok), flux azote et phosphore (dépassé), utilisation eau douce (ok), affectation des sols (dépassé), biodiversité (dépassé), climat (dépassé), entités nouvelles (dépassé)" src="https://images.theconversation.com/files/465271/original/file-20220525-2236-z86qzw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/465271/original/file-20220525-2236-z86qzw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=503&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/465271/original/file-20220525-2236-z86qzw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=503&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/465271/original/file-20220525-2236-z86qzw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=503&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/465271/original/file-20220525-2236-z86qzw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=632&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/465271/original/file-20220525-2236-z86qzw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=632&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/465271/original/file-20220525-2236-z86qzw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=632&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Sur 9 variables du système Terre monitorées, au moins 5 font aujourd’hui l’objet d’un dépassement de frontière planétaire.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.stockholmresilience.org/research/planetary-boundaries.html">Stockholm Resilience Centre</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cela ne signifie pas que le pire est certain. Mais la multiplication de ces alarmes doit clairement nous interpeller : nous sommes sur le point de provoquer une sortie de l’Holocène dont les conséquences seraient cataclysmiques.</p>
<h2>La transition ne doit pas être seulement climatique, mais écosystémique</h2>
<p>Quelles leçons en tirer pour les sociétés humaines ?</p>
<p>Premièrement, il faut comprendre que le climat est central dans le maintien des équilibres planétaires et qu’il est urgent de cesser les émissions anthropiques de gaz à effet de serre.</p>
<p>Ensuite, il faut intégrer la dimension plurielle du problème. Car malgré son importance, la résolution du dérèglement climatique ne doit pas s’opérer au détriment des autres variables planétaires. Par exemple, massifier le recours à la biomasse ou opacifier l’atmosphère pour limiter le rayonnement solaire pourrait avoir des effets catastrophiques sur d’autres variables fondamentales du système Terre.</p>
<p>Enfin, il faut sans doute privilégier les solutions qui s’attaquent à la racine du problème, en cessant d’imaginer que nous pourrons dépasser les limites planétaires grâce à la seule technologie.</p>
<p>Respecter ces limites suppose tout autant d’innovations économiques, sociales, culturelles, politiques ou encore géopolitiques. Autrement dit, il s’agit sans doute de dépasser une autre limite : celle de notre imaginaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183781/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
Dépasser les limites planétaires mettra en péril l’équilibre global du système Terre. Un point de rupture dont nous approchons, en dépassant les « frontières » ouvrant sur les zones critiques.
Aurélien Boutaud, Chercheur associé à l'UMR 5600 EVS, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
Natacha Gondran, Professeur en évaluation environnementale, UMR 5600 Environnement Ville Société, Mines Saint-Etienne – Institut Mines-Télécom
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.